SÉANCE

du mardi 12 décembre 2017

36e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Victorin Lurel, M. Michel Raison.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.

Explications de vote sur l'ensemble

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Nous ne pouvons que voter contre ce projet de loi de finances. Nous avions déjà voté contre la première partie. Nous aurions voté contre le texte de l'Assemblée nationale ; nous voterons donc doublement contre celui modifié par le Sénat.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Il est pourtant meilleur !

M. Claude Raynal.  - Il jette toujours plus notre pays dans la mondialisation : suppression de l'Impôt sur la fortune (ISF), Prélèvement forfaitaire unique (PFU), suppression de la tranche maximale de la taxe sur les salaires, avantages significatifs donnés aux revenus du capital par rapport à ceux du travail... Toute la théorie économique de Friedrich Hayek y est !

M. Loïc Hervé.  - Karl Marx se retourne dans sa tombe !

M. Claude Raynal.  - Donner toujours plus aux détenteurs de capitaux est choquant. D'abord, car la course à la moindre taxation des dividendes est sans fin... sauf à aller jusqu'à 0 %, le Graal des investisseurs ! Ensuite, parce que rien ne garantit que les sommes soient réinvesties. Plutôt que perdre 5 milliards d'euros de recettes dès l'an prochain, n'aurait-il pas été préférable de les confier à l'Agence des participations de l'État ou à la Banque publique d'investissement pour qu'elles investissent dans l'économie de demain ? (M. Vincent Éblé, président de la commission des finances, renchérit.)

La France est déjà l'un des pays dans lequel les dividendes versés sont les plus élevés. Où vont les dividendes que ce projet de loi de finances fait encore grossir ?

Cette perte de recettes pour le budget de l'État oblige à des efforts toujours plus importants des collectivités locales, du monde associatif, mais aussi des plus défavorisés via la baisse des emplois aidés, ou encore les efforts demandés aux organismes de logement social.

Comme si le projet gouvernemental ne suffisait pas, la majorité sénatoriale a trouvé utile d'en aggraver encore les effets, en première comme en deuxième partie. D'abord en supprimant l'impôt sur la fortune immobilière, dans le but de supprimer enfin en totalité l'impôt sur la fortune ; ensuite, en confirmant la baisse des contrats aidés et en ressortant quelques vieilles lunes, sur le temps de travail ou les jours de carence des fonctionnaires, ou encore en proposant une baisse massive des crédits de l'Aide médicale d'État.

La majorité sénatoriale n'a par ailleurs rien trouvé de mieux que de refuser de voter les crédits de la mission « Sécurité », donc les salaires des policiers et des gendarmes, et de supprimer la seule mesure fiscale en faveur de nos concitoyens, le dégrèvement de 30 % de la taxe d'habitation. Les 3 milliards rendus font suite aux 5 décidés en 2016 et 2017 par le gouvernement précédent.

Pour les collectivités, la contractualisation sur des bases irréalistes de leurs dépenses de fonctionnement, constitue une recentralisation à marche forcée, qui met l'investissement entre les mains de l'État.

Heureusement, le Sénat a défendu unanimement le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), le réseau de l'enseignement français à l'étranger, ou encore trouvé un compromis utile pour conserver notre modèle économique du logement social.

C'est dans ces moments-là, lorsque nous laissons de côté nos postures, que nous faisons oeuvre utile, au service de l'intérêt général.

Dans cette configuration unique, où la quasi-totalité des sénateurs n'est pas dans la majorité présidentielle, nous devons apprendre à travailler entre nous, en transversalité sur des contre-propositions au projet de loi de finances du Gouvernement.

M. Loïc Hervé.  - Illusion !

M. Claude Raynal.  - C'est ainsi que nous pourrons peser, en tant que contre-pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Claude Malhuret .  - Le projet de loi de finances était attendu avec impatience - je dirais même pour certains avec gourmandise : il permettait de vérifier le respect des promesses électorales du président de la République. La première priorité était de réformer la fiscalité punitive, complexe et inefficace héritée du précédent quinquennat, pour la remettre au service de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d'achat des plus modestes ; la deuxième priorité, de refonder les relations entre l'État et les collectivités territoriales, en rompant avec la hache budgétaire aveugle des années précédentes.

Ce budget était aussi l'occasion d'entrer dans le « nouveau monde » annoncé par le président de la République, fait de sincérité budgétaire, de responsabilité financière et de respect de nos engagements européens. Le courage politique a rarement aussi peu coûté qu'aujourd'hui : personne n'a plus l'excuse de la conjoncture - la croissance repart, les taux sont bas, le chômage recule, la confiance semble revenir, ouvrant la voie de la réforme.

M. Roland Courteau.  - Merci François Hollande !

M. Claude Malhuret.  - La responsabilité du Gouvernement est immense, comme celle de la représentation nationale et du Sénat. Gardons-nous des postures : les Français, avec l'élection présidentielle, nous ont avant tout envoyé un message de modération et de préférence pour les propositions constructives.

C'est avec la boussole de l'intérêt général que nous aurons examiné ce texte. (M. Bruno Sido ironise.) Le budget aborde de front plusieurs questions fiscales. Nous approuvons la baisse de l'impôt sur les sociétés, la flat tax, la transformation du CICE en baisse de charges, la suppression des trois quarts de l'ISF. La suppression totale par notre assemblée nous a semblé une curieuse leçon d'audace et avons préféré nous en dissocier.

Mais ce budget laisse un goût d'inachevé. Les efforts budgétaires consentis, d'abord, restent modestes, la dépense publique demeure à un niveau inquiétant - nous émettons des doutes sur les moyens déployés pour respecter les objectifs annoncés, tout comme nous déplorons le fait qu'il est encore trop souvent procédé par coups de rabot, sans vision d'ensemble. Sur les priorités, ensuite, nous constatons que les baisses d'effectifs dans la fonction publique sont loin des objectifs fixés par le président de la République.

Le jeu du chat et de la souris entre État et collectivités territoriales n'est pas à mettre au crédit du Gouvernement. Les réponses apaisantes arrivent bien tard, après les annonces abrasives sur la fiscalité locale, qui sont contradictoires avec l'annonce d'une Conférence des territoires, pour laquelle le président du Sénat s'est dit prêt à coopérer.

Le report de la réforme de la taxe d'habitation par le Sénat annule la principale mesure de pouvoir d'achat de ce budget et bouleverse son équilibre politique. Nous regrettons que notre proposition visant à préserver les effets de cette mesure pour les plus modestes, tout en protégeant l'autonomie financière des collectivités n'ait pas fait l'objet d'un examen plus approfondi.

Quant à la baisse de l'APL, elle est l'application même de la théorie du rabot.

Ce budget posait les bonnes questions, ainsi que les fondements de réformes d'envergure trop longtemps repoussées ; cependant, son examen au Sénat en a rompu l'équilibre politique : ce budget n'est plus seulement trop timide, il risque aussi de devenir inéquitable.

Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Jean Louis Masson .  - Ce budget a des aspects très positifs, il faut s'en réjouir, mais aussi négatifs - en particulier la réforme de la taxe d'habitation qui est tout à fait aberrante. C'était une promesse de campagne, démagogique, mais, contrairement à ses prédécesseurs, l'actuel président de la République veut la tenir !

Comment déplorer l'ardoise de 8 milliards laissée par son prédécesseur et en préparer une de 10 milliards ? C'est affligeant.

Il est farfelu de dire que la taxe d'habitation est injuste !

M. Jean-Marc Todeschini.  - Jean-Louis !!! (Rires)

M. Jean Louis Masson.  - Dans ce cas, il ne faut pas la conserver pour 20 % des gens !

M. Bruno Sido.  - Supprimons les impôts ! (Sourires)

M. Jean Louis Masson.  - La taxe d'habitation est un impôt pertinent : elle fait payer les services des collectivités territoriales à ceux qui en sont les usagers. Si on la supprime, les collectivités territoriales feront payer ceux qui s'acquittent de la taxe foncière, aux propriétaires. (On réclame la fin du discours sur les bancs SOCR.)

M. Jean Louis Masson.  - Ainsi de M. Martin, propriétaire d'une résidence secondaire qui aura le malheur de la louer... (Applaudissements sur quelques bancs du groupe des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le radical Édouard Herriot a eu cette formule : « La tradition, c'est le projet dans le passé - et le progrès, dans l'avenir ce sera la tradition ». (On apprécie sur de nombreux bancs.)

Avec près de 1 400 amendements déposés et plus d'une centaine d'heures de débat, la Haute Assemblée, a eu à coeur d'étudier en détail ce premier budget du quinquennat.

Le RDSE a déposé une centaine d'amendements dont 17 ont été adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Notre présence en séance la semaine et le week-end est à saluer. (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, le confirme.)

Le RDSE est fier de représenter les petits entrepreneurs, les petits propriétaires, les collectivités rurales et les terroirs.

M. Yvon Collin.  - Très bien !

M. Jean-Claude Requier.  - Je salue la fin de la baisse des dotations aux collectivités, qui a fortement pesé lors du précédent quinquennat. Nous avons apporté notre pierre à la ruralité, avec l'affectation d'une part de la dotation de soutien à l'investissement aux communes rurales, avec le maintien de la DSR aux communes nouvelles et en assouplissant le calcul de la DSR pour les centres-bourgs. Notre soutien au tissu local passe aussi par la défense des réseaux consulaires, chambres de commerce et d'industrie, et surtout chambres de métiers et d'artisanat. Je salue également l'augmentation des crédits de la mission « Économie » affectés au Fisac pour revitaliser les centres-villes et centres-bourgs et le maintien des ressources des agences de l'eau.

J'émets des réserves sur la réforme de la taxe d'habitation, même si le choix du Sénat n'apporte pas de solution. En matière d'écologie, le passage au Sénat a enrichi le texte de la territorialisation de la contribution climat-énergie et de l'augmentation des crédits en faveur des territoires à énergie positive.

En revanche, le rejet des crédits de cinq missions est regrettable. Nous aurions pu faire adopter des amendements utiles.

Mon groupe soutient la politique du Gouvernement, mais garde sa liberté de vues. Nous ne pouvons souscrire aux grandes modifications qu'a apportées le Sénat.

Les membres du groupe RDSE se partageront donc (On s'amuse à gauche et à droite.) entre une minorité d'abstentions et une majorité de votes contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Philippe Dallier .  - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le premier budget d'un quinquennat donne le ton des années à venir. Nouveau monde ? Il ressemble assez à l'ancien : pas de révolution fiscale, ni changement structurel, ni choc de compétitivité. C'est un budget décevant au regard des besoins du pays et des annonces : disparue, la défiscalisation des heures supplémentaires, reportée, la transformation du CICE en baisse de charges et baisse de l'impôt sur les sociétés ; quant aux suppressions de postes dans la fonction publique, on se contentera de 1 600 postes l'an prochain, pour les 50 000 promis sur le quinquennat.

Les 10 milliards de baisse d'impôt et les 20 milliards d'économies annoncés cet été sont devenus 7 milliards et 14 milliards...

Le principal effort d'économies est reporté sur la seconde moitié du quinquennat. Cela rappelle les débuts du quinquennat de François Hollande, où l'on disait « C'est pour plus tard ». L'effort structurel est six fois inférieur aux exigences européennes.

M. François Patriat.  - Qu'auriez-vous pu faire ?

M. Philippe Dallier.  - Sur le logement comme sur les retraites, nous verrons ultérieurement.

Le déficit de l'État se creuse en conséquence de 6,4 milliards d'euros.

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Avec les cadeaux fiscaux que vous avez faits, c'est certain !

M. Philippe Dallier.  - Ce budget n'est pourtant pas propice au pouvoir d'achat, puisqu'il comporte encore de nouvelles hausses de la fiscalité : énergie, tabac - ou encore baisse des APL. Le projet de loi de finances déshabille Pierre pour habiller Paul, il pénalise retraités, classes moyennes, supérieures et accédants à la propriété. Il favorise certes les détenteurs de capitaux mais n'aide guère les entreprises : aucun choc de compétitivité en 2018 hors ce qui résulte de la mise en oeuvre du pacte de compétitivité de... François Hollande !

D'où les corrections de la majorité sénatoriale. Nous ne pouvons hélas élaborer un contre-budget, faute d'avoir les outils de Bercy - je remercie le président de notre commission pour son amendement qui nous laisse espérer un changement de ce côté - et compte tenu des règles de la LOLF.

Les hypothèses macroéconomiques qui fondent ce budget semblant raisonnables, nous avons toutefois examiné ses articles. Sur cette base, nous avons adopté des mesures pour les familles et les classes moyennes : suppression du plafond du quotient familial, préservation du pouvoir d'achat des retraités en supprimant leur hausse de CSG, protection de l'investissement immobilier - nous avons supprimé l'IFI, car l'investissement immobilier a des effets évidents d'entraînement sur la croissance et l'emploi.

Sur le logement, je regrette que nous ne soyons pas parvenus à un compromis à l'article 52. La moitié du chemin est faite, avec la hausse de la TVA, qui rapportera 700 millions. Je remarque que les propositions de l'Union sociale pour l'habitat (USH) reprennent l'amendement que j'ai déposé, et les négociations vont sans doute avancer sur cette base à Matignon. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Concernant les entreprises, le choc de compétitivité n'ayant pas eu lieu, nous avons proposé plusieurs mesures de soutien aux PME et à l'innovation : l'amortissement accéléré pour les robots, imprimantes 3D et logiciels, le suramortissement de 40 % des investissements des PME, le renforcement de l'IR-PME et le maintien des abattements pour le départ à la retraite des patrons de PME, afin de favoriser la transmission.

Nous avons également voté plusieurs mesures reprenant nos travaux sur l'économie collaborative.

Enfin, concernant les collectivités territoriales, nous avons notamment reporté la réforme de la taxe d'habitation, avec l'engagement d'une réflexion sénatoriale sur une réforme de la fiscalité locale, qui devrait aboutir d'ici un an.

Nous avons par ailleurs voté des économies de dépenses courageuses : trois jours de carence au lieu d'un seul proposé par le Gouvernement, un encadrement de l'Aide médicale de l'État, qui ne cesse de déraper de manière incontrôlée, et l'alignement du temps de travail dans la fonction publique sur la durée « habituelle » de travail dans le secteur privé.

Le projet de budget, tel que nous l'avons amendé, répond ainsi davantage aux besoins des Français, de notre économie, de nos finances publiques, de nos territoires : avec davantage de pouvoir d'achat pour les catégories oubliées, davantage de soutien à nos PME, davantage d'adaptation à l'économie numérique, davantage d'économies et davantage de temps de réflexion, pour aboutir à une vraie réforme de notre fiscalité locale, plutôt qu'adopter une demi-mesure précipitée et injuste.

Nous voterons ce budget ainsi amélioré. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cigolotti, Vincent Delahaye et Mme Françoise Férat applaudissent également.)

M. Julien Bargeton .  - La France n'est plus le pays qui résiste encore et toujours à sa transformation. Nos concitoyens attendent que la République soit remise en marche, l'élection présidentielle a révélé la nécessité de redonner confiance aux Français et d'incarner la promesse républicaine dans des politiques publiques justes et efficaces dans nos territoires.

La situation économique est favorable, en attestent les statistiques de la Banque de France. Quand l'horizon est dégagé, il faut mettre le paquet pour transformer le pays. Nous avons quatre ans pour réussir.

Le budget est, plus que jamais, un texte politique : il fait des choix et s'appuie sur des réalités. Il faudra bientôt un an de production pour rembourser notre dette publique. Les tentatives de réformes, depuis quinze ans, ont été trop timides. Nous n'avons pas assez eu « l'envie d'avoir envie ». Ce budget est une chance pour la France. Les classes moyennes se sentent délaissées, nos entreprises peinent à monter en gamme...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mais que c'est beau !

M. Julien Bargeton.  - ...nos politiques sont coûteuses et frustrantes. Il faut y remédier, ce budget y participe : c'est un budget solide et solidaire.

L'équilibre voté à l'Assemblée nationale a vite été mis à mal au Sénat. Mais nous avons été heureux du soutien des socialistes à la réforme de la taxe d'habitation, du soutien des Républicains à la réforme de la fiscalité des entreprises. Si le film de nos débats s'arrêtait à cette bande-annonce, tout irait pour le mieux, mais la suppression de 80 % de de la taxe d'habitation a été un clap de fin... On aurait aimé plus de propositions, moins de contestations...

Je salue toutefois l'engagement sincère et l'expertise de M. Dallier sur les questions du logement. On ne saurait toutefois faire jouer le mauvais rôle au Gouvernement ; la version jusqu'auboutiste a triomphé dans la majorité sénatoriale hélas. Son choix : le statu quo, mène au « qui perd perd » comme aurait dit Coluche : on dépense aux deux bouts de la chaîne, et le mal-logement progresse, au détriment de nos concitoyens.

Le jeu politique n'est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Nous reprocher de ne pas parvenir en dix jours à négocier un problème laissé en plan pendant dix ans est ridicule. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; exclamations à droite) Mais c'est toujours mieux que le refus de débats opposé l'an dernier.

M. Jacques Grosperrin.  - Où étiez-vous ?

M. Julien Bargeton.  - De nombreux amendements demandent des réponses, encore et toujours. Je me réjouis que, sur tous les bancs, on ait demandé davantage d'évaluations. Le Sénat peut jouer ce rôle d'évaluation, pour un contrôle plus effectif, cela doit occuper davantage notre ordre du jour, sur l'économie numérique, par exemple.

Le groupe LaREM votera, hélas, contre ce texte dénaturé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM).

M. François Grosdidier.  - Ce n'est pas constructif !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - La République en marche arrière !

M. Éric Bocquet .  - Le groupe CRCE ne votera pas ce budget qui n'améliorera pas la situation de nos concitoyens. Il relève d'une idéologie, et non pas d'un pragmatisme « ni de droite, ni de gauche », comme on l'entend régulièrement claironner. Voilà trente ans que les gouvernements successifs cèdent au libéralisme ambiant, baissent les cotisations, allègent le coût du travail et flexibilisent le marché du travail. Pour quels résultats ? Des périodes de chômage alternant avec des petits boulots pour six millions de nos compatriotes, rien d'autre que des CDD et des missions d'intérim !

Je reprends là le propos d'Éliane Assassi pour motiver la question préalable. Ce débat budgétaire nous a donné raison, hélas.

En première partie, on a surtout parlé du prélèvement forfaitaire unique, véritable évasion fiscale autorisée... alors que la lutte contre la fraude fiscale ne récupère annuellement que 3 milliards d'euros, soit à peine 4 % seulement du total... Ce prélèvement est un retour aux pires années du giscardisme ! (M. Bruno Retailleau s'amuse.)

Ce qui a dominé, c'est la course entre le Gouvernement et la droite sénatoriale, telles les deux faces de la même médaille, pour savoir s'il suffisait de supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune ou s'il fallait aussi supprimer le paravent de l'impôt sur la fortune immobilière.

Notons que, dans son acharnement à obtenir pour les détenteurs de capitaux et de patrimoines les meilleures conditions fiscales, la droite sénatoriale a aussi annulé la mesure « leurre de gauche » avancée par le Gouvernement, celle de la baisse de la taxe d'habitation qui met en péril l'autonomie financière des collectivités, principe fondamental de notre Constitution.

Pour faire bonne mesure, il fallait donner une nouvelle vigueur au dispositif Madelin. L'optimisation fiscale ISF-PME concernait moins de 0,2 % des ménages français, mais on prend une mesure pour ces 65 000 foyers fiscaux : allègement pour certains, alourdissement pour d'autres.

Comment ne pas faire le lien entre les 1 600 millions d'euros de fraude fiscale épongés pour HSBC et les 2 milliards de baisse des crédits au logement, entre la suppression de jours de carence pour les fonctionnaires et la baisse de la taxe sur les salaires des dirigeants des sociétés financières britanniques qu'on espère attirer à Paris - et qui gagnent en moyenne plus de 12 000 euros mensuels ?

Le Sénat a rejeté plus de 50 milliards de crédits, dans des domaines importants. Par exemple les crédits de la mission Asile, immigration, intégration, dont l'essentiel est pourtant constitué par l'aide médicale d'État et le financement des allocations d'attente des demandeurs d'asile, illustration de l'attachement de la France aux valeurs républicaines d'accueil des victimes de persécutions.

Et je ne reviens pas sur le débat sur la fiscalité des entreprises où Gouvernement et majorité du Sénat se sont retrouvés, sans la moindre difficulté, sur tous les fondamentaux : poursuite de la baisse du taux de l'impôt, maintien sans contrôle du CICE et du crédit d'impôt recherche, croyance quasi théologique aux vertus des allégements de cotisations et j'en passe !

Dans la France de M. Macron, tempérée par la majorité du Sénat, il ne fait pas bon être salarié, fonctionnaire, occupant d'un logement HLM, travailleur d'origine étrangère ni même travailleur handicapé ou éloigné du monde du travail par une longue période de chômage.

Il ne fait pas bon appartenir en fait à la majorité de notre peuple, celle qui étudie, celle qui travaille, celle qui produit les richesses ensuite plus ou moins justement partagées.

Nous ne voterons pas ce budget caricatural, qui ne s'attaque pas à ce qui fragilise le vivre ensemble, aux inégalités qui détériorent les conditions de vie du plus grand nombre.

L'équivoque se dissipe sur le nouveau monde : ce n'est pas ce qu'espéraient les Français au printemps dernier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je salue la présence d'un ministre au banc - cela n'a pas toujours été le cas ces derniers jours (On apprécie sur de nombreux bancs.) - ainsi que le rapporteur général pour son travail et M. Requier pour son assiduité radicale. (Sourires)

Après ces cinq dernières années, un nouveau cap était attendu. Le budget franchit celui de la sincérité. Les sous-budgétisations sont limitées, c'est un préalable indispensable au redressement de nos comptes publics. Nous n'en sommes pas moins exigeants. La conjoncture est favorable - croissance de retour, taux bas, pétrole peu cher - mais notre situation reste fragile.

Un point de plus de taux d'intérêt et ce serait 14 milliards d'euros de plus à payer pour le service de la dette.

Cette conjoncture nous incite à amplifier nos efforts, mais ce budget ne traduit pas tous ceux qui seraient utiles.

L'assainissement de nos finances publiques et le relèvement de notre économie ne doivent pas sacrifier la justice sociale. La justice sociale commence par la justice fiscale, et la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale la plus agressive.

M. Éric Bocquet.  - Très bien !

M. Hervé Marseille.  - Le budget des maisons de l'emploi progresse, c'est une bonne chose.

Avec l'IFI, le Gouvernement s'est concentré sur l'investissement immobilier. Mais le pénaliser, c'est pénaliser une grande partie de nos compatriotes, ainsi que l'offre locative... Nous avons donc voté la suppression intégrale de l'ISF.

Devant le Congrès des maires, le président de la République a confirmé le dégrèvement progressif de la taxe d'habitation, que tout le monde s'accorde à trouver obsolète et injuste. Nous nous réjouissons de la disparition pure et simple à terme, mais nous inquiétons de la méthode et du financement pour les collectivités territoriales : nous avons donc voté le report de la réforme.

Les élus locaux veulent une fiscalité cohérente, stable, pérenne, dynamique, liée aux efforts accomplis.

Notre groupe a toujours été vigilant quant aux excès de recentralisation, vous le savez.

Nous regrettons les mesures prématurées sur le logement social. (Applaudissements de Mme Sylvie Goy-Chavent)

Valérie Létard, Philippe Dallier et Marie-Noëlle Lienemann ont fait des propositions ; nous souhaitons être entendus ! Le groupe UC votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. le président.  - Nous allons procéder au scrutin public à la tribune, qui est de droit. Il va être procédé à l'appel nominal en commençant par la lettre B.

Voici le résultat du scrutin n°43 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l'adoption 181
Contre 122

Le Sénat a adopté le projet de loi de finances pour 2018.

(Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, Les Indépendants et UC)

M. le président.  - Je donne la parole au président Éblé, qui s'est livré pour la première fois à cet exercice à deux voix.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - Je tiens à souligner à l'issue de ce vote l'importance du travail réalisé sur la loi de finances pour 2018  : 97 heures d'examen en séance, 123 heures en commission, sans compter les auditions et les travaux préparatoires, 1 363 amendements déposés. Je remercie et félicite tous ceux qui ont apporté leur concours à nos travaux, les 76 rapporteurs pour avis, les 48 rapporteurs spéciaux.

L'opinion est souvent prompte à épingler la classe politique et à suspecter des dysfonctionnements. Ayons le souci d'équilibrer les choses en relevant l'importance du travail accompli. (Applaudissements)

M. le président.  - J'associe à ces remerciements les vice-présidents, qui ont été très sollicités.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - Je m'associe à ces propos. Merci à la présidence, aux rapporteurs spéciaux et pour avis, à nos collègues et aux ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement - presque sans interruption (Sourires). Des amendements ont été adoptés à l'unanimité, notamment sur la TVA sur les plateformes en ligne. Un vote unanime du Sénat fait avancer le débat, et il est souvent précurseur. Nous avons bien fait d'aller au bout de cette loi de finances ! (Applaudissements)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - À mon tour de remercier l'ensemble des sénateurs qui ont participé à ce débat budgétaire. Il a mis à jour des divergences mais aussi des convergences, entre vous et avec le Gouvernement. Le texte que vous venez d'adopter comporte des nuances, des divergences avec les priorités poursuivies par le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale. Je souhaite que la deuxième lecture permette d'en aplanir le plus grand nombre, de résorber le plus grand nombre d'écarts, afin que le Gouvernement et les deux chambres trouvent un maximum de points de convergence. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, et UC ; M. Didier Guillaume applaudit également.)

La séance est suspendue à 16 h 40.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 19 heures.