Réforme du droit des contrats
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Discussion générale
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - L'ordonnance du 10 février 2016 dote la France d'un droit des obligations modernisé, accessible et attractif. Le Gouvernement vous propose en effet, comme il s'y était engagé en 2015, de ratifier cette ordonnance, même si le Sénat s'était alors opposé fermement au principe même de l'habilitation sur ces questions. Une réforme historique était devenue urgente et indispensable.
Alors que des pans entiers de notre code civil ont été rénovés et que les pays qui s'étaient inspirés du code Napoléon ont modifié leur législation, le droit français des obligations restait régi par des dispositions inchangées depuis 1804.
Cette contradiction mise au jour lors du bicentenaire du code civil n'a rien déclenché. L'habilitation donnée au Gouvernement en 2015 a remédié à cela.
Le texte de l'ordonnance de 2015 s'appuyait sur les travaux des professeurs Catala et Terré, réalisés entre 2005 et 2011, enrichis par les apports des acteurs publics.
Une large consultation ouverte par la Chancellerie pendant plus de deux mois a recueilli 300 contributions, soit plus de 3 200 pages. De nombreuses réunions de travail ont été organisées.
L'ordonnance du 10 février 2016 n'a pas été élaborée dans le secret d'un bureau ministériel.
La comparaison entre l'avant-projet d'ordonnance et celle qui a été publiée montre que le Gouvernement a amélioré le texte en fonction des contributions apportées.
Ainsi, le champ d'application de la prohibition abusive a été restreint ; le mécanisme de la subrogation conventionnelle a été supprimé. Un rapport au président de la République substantiel a été réalisé, qui constitue un guide précieux d'interprétation pour les praticiens. Il aura fallu attendre près de douze ans, riches de projets et de débats, entre le lancement des travaux, à l'occasion du bicentenaire du code civil, et la publication de l'ordonnance.
Entrée en vigueur le 1er octobre 2016, cette ordonnance n'est donc pas une révolution, mais le fruit d'un travail collectif incessant, en collaboration étroite entre les praticiens et la Chancellerie. La réforme a été menée selon un double objectif : améliorer l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi et rendre le droit plus efficace et plus attractif sans sacrifier les intérêts des parties les plus faibles.
Par essence fluctuantes et sources d'insécurité juridique, les solutions jurisprudentielles ont été inscrites dans le droit civil. Formulations plus claires et plus simples, vocabulaire rénové, ont renforcé l'intelligibilité de notre droit, sans sacrifier à la tradition de concision de notre code civil, garant de sa pérennité.
Pour rendre ce droit plus attractif, au-delà de l'abandon formel de la notion de cause, incomprise de nos partenaires européens notamment, l'ordonnance consacre dans la loi certains mécanismes issus de la pratique comme la cession de contrat ou la cession de dette.
Dans le souci de limiter le contentieux, l'ordonnance développe les remèdes unilatéraux à la disposition du créancier, de sorte qu'il évitera ainsi une perte de temps et d'argent préjudiciable à l'exercice de son activité. Les actions interrogatoires permettent de mettre fin à une situation juridique incertaine.
Nous n'avons pas pour autant renoncé aux valeurs traditionnelles et humanistes qui caractérisent notre justice contractuelle. L'ordonnance sanctionne l'exploitation abusive d'une situation de dépendance par un contractant ou les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Elle introduit la révision du contrat pour imprécision.
Cette ordonnance qui a intégré notre régime juridique depuis le 1er octobre 2016 vous est aujourd'hui soumise pour ratification. Son entrée en vigueur est trop récente pour que l'on en mesure l'influence sur ce contentieux ; elle rétablit cependant un équilibre intéressant entre modernisation et maintien des grands principes fondateurs de notre droit des contrats.
Cette ratification s'impose en raison de la confiance accordée par le Parlement pour mener à bien cette réforme historique qui porte sur plus de 300 articles de notre code civil, socle des échanges économiques pour le simple particulier comme pour la grande entreprise ou la très petite entreprise qui ne dispose pas de service juridique.
Elle est aussi un exercice qui suppose un grand esprit de responsabilité.
En vigueur depuis le 1er octobre 2016, le texte s'applique aux seuls contrats conclus depuis cette date. Les professions du droit et des entreprises ont dû adapter leurs pratiques. Le Gouvernement avait prévu une entrée en vigueur différée des nouveaux textes au 1er octobre 2016. L'enjeu de stabilité de notre droit est puissant. Évitons de créer un nouveau délai transitoire qui nuirait à la lisibilité et à la sécurité de notre droit.
Je rends hommage à l'état d'esprit qui a présidé au travail de votre commission des lois et de son rapporteur qui a su veiller à préserver la sécurité de l'ordre juridique établi depuis un an. Sur certains points qui ne modifient ni le sens ni même l'esprit des textes, l'ordonnance a été améliorée Les commentateurs nombreux de cette ordonnance ont surtout fait porter leurs critiques sur les difficultés d'interprétation du texte. Puissent nos débats éclairer nos intentions et lever ces difficultés, nul besoin pour autant de modifier substantiellement le texte.
« Il faut laisser le bien si on est en doute du mieux, qu'en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même, qu'il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d'une bonté relative ; qu'au lieu de changer les lois, il est presque toujours plus utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer » disait Portalis.
Donnons à cette ordonnance la valeur symbolique que seule la ratification pourra lui apporter. Vous la ferez ainsi mieux connaître et peut-être aimer de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Je ne vous le fais pas dire...
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois . - Le projet de loi de ratification que nous examinons propose de ratifier une ordonnance qui réforme en profondeur le droit des contrats, le régime général des obligations et le régime de la preuve des obligations.
Le Sénat s'était opposé à ce que le Gouvernement légifère par ordonnance sur ces sujets car la réforme du droit des obligations pose des questions politiques majeures qu'il revient au Parlement de trancher, comme le soulignait Thani Mohamed Soilihi dans son rapport.
Notre attitude restera la même face à ce travail d'une indéniable qualité. Régime de l'imprévision, sanction des clauses abusives, renforcement de l'unilatéralisme, accroissement du rôle du juge, tels sont les choix politiques, et non pas techniques, sur lesquels le Parlement aurait aimé être consulté. Le régime de l'imprévision va d'ailleurs au-delà de ce qui figurait dans l'habilitation. Passons...
Pour autant, cette réforme est absolument nécessaire. Il a fallu une bonne décennie de réflexion française, aiguillonnée par des tentatives inabouties d'harmonisation européenne, le travail de nombreux experts, dont les professeurs Catala et Terré, un avant-projet de réforme publié par le ministère de la justice en 2008 et 2011, des consultations publiques en 2015, plus de 300 contributions adressées à la Chancellerie, mais aussi la consultation par la commission des lois de l'ensemble des professions, juridictions, universitaires et organismes intéressés, pour rafraîchir un droit ancien et inactuel, qui « n'était plus dans le code ».
Moyennant quelques réserves tenant aux « droits acquis », le Conseil constitutionnel nous laisse la possibilité d'exercer l'intégralité de notre pouvoir de législateur.
Le Sénat ratifiera cette ordonnance pour ne pas créer un granule de droit mort-né, il ne réformera pas la réforme ! Nous respectons par exemple la suppression de la cause...Consolider la sécurité juridique du droit des contrats, renforcer l'attractivité du droit français, tels sont nos objectifs.
Des incertitudes demeurent sur l'interprétation de certaines dispositions ; des doutes subsistent sur la portée de certaines règles contenues dans la réforme.
La commission des lois propose d'expliciter les textes qui pourraient susciter des hésitations jurisprudentielles, voire des lois interprétatives. Elle a validé toutes les interprétations qui figurent dans le rapport, par exemple sur l'article 1171 sur les clauses abusives. Lorsqu'il s'agit de définir le contrat de gré à gré, d'encadrer les pouvoirs du juge face à des situations contractuelles compliquées par l'ordonnance, les discussions restent très ouvertes.
Les professionnels sont quasiment unanimes : les travaux sur la réforme ont été bien menés. Nous pouvons la parachever ensemble. Cette tâche aurait été plus aisée si l'on avait définitivement renoncé à appliquer les ordonnances avant leur ratification. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes Les Républicains, UC, RTLI, LaREM et SOCR)
M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne saurais oublier de saluer le travail approfondi et la synthèse remarquable de notre rapporteur. Réformer le code civil doit être l'affaire du Parlement, pas celui des fonctionnaires du ministère de la justice, aussi brillants soient-ils.
Ce n'est pas tant le recours à l'ordonnance qui pose problème que sa mise en oeuvre avant sa ratification ; cela bride la volonté du législateur. Il ne faudrait pas que cette méthode devienne un moyen de pression sur le Parlement.
Cela posé, le groupe CRCE ne s'opposera pas à la simplification mise en oeuvre par cette ordonnance, qui renforce la protection de la partie faible en introduisant la notion de bonne foi à toutes les étapes de la conclusion du contrat, celle de vice du consentement pour tenir compte de la violence de la vie économique ; en corrigeant les éventuels déséquilibres entre les parues ; en consacrant le devoir général d'information.
En revanche, rendre notre droit plus attractif est un objectif d'affichage désormais obligatoire de la France start-up qui me laisse rêveur, car les chefs d'entreprise anglo-saxons eux-mêmes n'ont pas l'air d'y être sensibles, vantant même la prévisibilité de notre droit, qu'ils sont donc loin de dédaigner.
Nous sommes en désaccord avec la suppression du pouvoir de révision par le juge à l'article 1195, car cette mesure favorise le déséquilibre. Il ne nous parait pas opportun de modifier les premiers alinéas de l'article 1233, car la formule initiale est tout aussi souple et équitable.
Réviser intelligemment le code civil n'est qu'un préalable. L'application de cette révision suscitera un surcroît de contentieux.
L'union syndicale des magistrats attire à ce propos l'attention de la Chancellerie sur le manque de moyens dévolus à la justice et souligne l'absolue nécessité de comptabiliser le temps dévolu aux modifications des textes de loi. Comment ne pas s'associer à ces réserves ?
Je donne donc rendez-vous au Gouvernement au projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOCR, RDSE et UC)
Mme Anne-Catherine Loisier . - À la suite des inquiétudes formulées par les chefs d'entreprises, la délégation sénatoriale aux entreprises m'a chargée d'examiner l'impact de cette ordonnance sur les entreprises. Je remercie le rapporteur François Pillet pour sa collaboration et ses apports fructueux.
Cette réforme était attendue par le monde économique. La chambre de commerce de Paris la réclamait déjà en 2006, puis en 2008, soulignant l'enjeu de compétitivité et d'attractivité. L'impact de cette réforme est loin d'être négligeable.
Les pouvoirs du législateur ont été limités pour modifier cette ordonnance. Il s'agissait d'éviter un droit transitoire que les entreprises ne souhaitaient pas.
Le Medef a salué un plus grand équilibre entre la modernisation du droit français et le respect de ses principes fondamentaux : liberté contractuelle, force obligatoire et effet relatif du contrat Des imperfections demeurent, mises en évidence par les auditions.
Le groupe UC partage les propositions de la commission des lois pour clarifier le sens de la loi. Universitaires, magistrats, tous n'ont cessé de réclamer plus de précisions. Ainsi, l'article 1171 du code civil ne doit pas s'appliquer dans des champs couverts par d'autres codes.
L'article 1195 du code civil est amendé en privant le juge de son pouvoir de révision du contrat. En revanche, en cas de désaccord entre les parties, il pourra mettre fin au contrat. Telles sont quelques-unes des bonnes mesures prises par la commission des lois.
L'objectif de sécurité juridique est essentiel pour nos entreprises. Le texte trouve un équilibre entre la stabilité d'un droit déjà en vigueur et les nécessaires clarifications attendues par les professionnels du droit. Je remercie notre rapporteur d'être parvenu à cette délicate synthèse.
Ce débat aurait dû se tenir en amont, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance. Contourner le Parlement, c'est créer une situation d'insécurité. Le Sénat a choisi de privilégier l'intérêt des entreprises et du droit français. Nous souhaitons cependant que ce passage en force ne se répète pas.
Le groupe UC demeurera attentif aux réalités et aux besoins des acteurs économiques, notamment des PME, ainsi qu'aux retours du terrain et aux effets collatéraux de cette réforme. Il suivra également les effets internationaux de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jacques Bigot . - Finalement, le Sénat va se montrer bon enfant à l'égard du Gouvernement, alors même qu'il était peu favorable au transfert de ses compétences par une loi d'habilitation. Il aurait pu souhaiter modifier le texte. Dans sa grande sagesse, sous le regard de Portalis, il ne l'a pas fait. D'aucuns ont changé d'avis au fil du temps. Le précédent rapporteur, M. Thani Mohamed Soilihi, était totalement opposé à cette loi d'habilitation. Entre-temps, il est devenu « Marcheur » et il estime désormais qu'une loi d'habilitation pour modifier le droit du travail est tout à fait envisageable. (Sourires)
L'histoire du code civil montre qu'il a fallu régulièrement le modifier par des lois spécifiques. Le texte de 1804 ne régit plus le droit du travail, ni les baux commerciaux. Le législateur est en effet intervenu.
Sans trop bouleverser la situation car les professionnels du droit ont déjà fait leur ordonnance, il serait bon que nous tenions compte du travail accompli dix ans durant par les experts. La compilation de la jurisprudence rendait une clarification nécessaire. Le Gouvernement a eu le courage de se lancer dans cette entreprise et il a abouti.
Certains concepts obsolètes ont ainsi été abandonnés. La distinction subtile entre l'objet et la cause du contrat était devenue impraticable et difficilement explicable aux étudiants en droit. Nous avons abandonné la cause, c'est une bonne chose.
Les principes doivent rester : ainsi en est-il des notions de liberté et de sécurité contractuelles. Celle de bonne foi est certes un peu désuète, mais essentielle. Parvenir à ce que les juges veillent à son respect est important.
On peut regretter que le Parlement n'ait pas pu travailler davantage sur ces textes. Le monde économique a besoin de sécurité, de contrats efficaces mais aussi d'équité. Il convient aussi d'éviter les contentieux et les interprétations complexes.
L'équité ne consiste pas seulement à défendre le faible du fort. Portalis en parlait déjà. Elle concerne aussi la manière dont on construit un contrat.
La résolution du Conseil de l'Europe de 1976 sur les clauses abusives montre qu'il reste du chemin à parcourir en la matière. Toute clause qui crée un déséquilibre dans les contrats d'adhésion est réputée non écrite.
Quel rôle doit avoir le juge lorsqu'il n'y a pas d'accord entre les parties ? Doit-il mettre fin au contrat ou procéder à sa révision ? Le juge pourra désormais jouer un rôle de conciliation, car il n'est pas forcément de l'intérêt des parties de résilier le contrat.
Le groupe SOCR, tout en regrettant l'habilitation, approuvera votre ordonnance pour éviter toute insécurité juridique. Les parlementaires auront fait leur travail sous contrainte. La jurisprudence continuera à faire évoluer le droit. Les commentateurs auront encore du travail ; peut-être nous aussi. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et sur quelques bancs du groupe LaREM)
M. Alain Marc . - « Ma vraie gloire n'est pas d'avoir gagné quarante batailles. Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon code civil », disait Napoléon. Il avait raison : 200 ans après, son code civil est toujours là.
En 2015, le Sénat s'était opposé à ce que le Gouvernement procède par ordonnance à la réforme la plus ambitieuse du code civil depuis 1804.
L'ordonnance est entrée en vigueur il y a un an. Le rapporteur a estimé qu'il fallait la ratifier sans modification majeure, pour éviter la coexistence de trois droits successifs, mais la stabilité du droit gagnerait à ce que l'on ratifie ces ordonnances avant leur entrée en vigueur.
Cette réforme de grande ampleur du droit des contrats et des obligations effectuée par ordonnance sera suivie d'une toute aussi grande réforme du droit de la responsabilité civile qui fera l'objet d'un projet de loi, ce dont nous nous félicitons.
Sanction des clauses abusives dans les contrats d'adhésion, intégration de la théorie de l'imprécision, faculté de remplacement sans autorisation du juge, telles sont quelques-uns des changements introduits par cette ordonnance.
La commission des lois a adopté quatorze amendements de clarification, de précision ou de mise en cohérence. Elle a également mieux articulé les règles en matière de capacité et de représentation avec le droit des sociétés. Elle a supprimé le pouvoir de révision du contrat par le juge en cas de changement imprévisible de circonstances. Enfin, elle a affirmé clairement que cette loi nouvelle ne s'appliquerait pas aux contrats conclus antérieurement.
Je remercie notre rapporteur. Cette réforme est nécessaire. La commission a apporté les modifications utiles. Le groupe RTLI votera le texte, tout en regrettant cette loi d'habilitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RTLI ; M. Alain Richard applaudit également.)
Mme Maryse Carrère . - Lors de la publication de l'ordonnance du 10 février 2016, beaucoup ont rappelé la nécessité de modifier le texte du Livre III du code civil. Pendant des siècles en effet, le syndrome de la « main tremblante », moqué par Montesquieu, a tenu ce Livre III hors de portée du législateur.
Il faut féliciter ceux qui, à la suite du professeur Catala, se sont attachés à cette tâche.
Une actualisation était nécessaire : l'évolution parallèle des droits de la consommation et de la concurrence, d'une part, et de la jurisprudence en matière civile, d'autre part, ont généré un autre défaut dénoncé par l'auteur des Lettres Persanes : « Quelques-uns ont affecté de se servir d'une autre langue que la vulgaire : chose absurde pour un faiseur de lois. Comment peut-on les observer, si elles ne sont pas connues ? »
Ratifier des ordonnances sans nous laisser la possibilité d'en débattre menace notre devoir de législateur.
Le groupe RDSE souhaite que les modifications introduites ne s'éloignent pas de l'esprit de 1804, tel que résumé par Portalis : « Un homme qui traite avec un autre homme doit être attentif et sage ; il doit veiller à son intérêt, prendre les informations convenables, et ne pas négliger ce qui est utile. L'office de la loi est de nous protéger contre la fraude d'autrui, mais non pas de nous dispenser de faire usage de notre propre raison ».
La promotion du principe de la liberté contractuelle est essentielle. L'effort d'actualisation est incontestable.
Dans le Livre III, de nouveaux concepts comme les contrats d'adhésion ou les contrats conclus par voie électronique constituent des nouveautés qui vont dans le bon sens.
Nous saluons le renforcement de la protection de la partie faible.
Nous considérons aussi que l'introduction de la théorie de l'imprévision au sein du code civil permettra d'apaiser les relations contractuelles en garantissant mieux l'équilibre financier du contrat : la théorie de l'imprévision garantira ce point. Protéger c'est sanctionner la fraude, mais aussi la prévenir.
Bien entendu, on ne réécrit pas près de trois cent articles sans créer quelques incertitudes, et certains ajustements seront peut-être nécessaires par la suite.
Dans l'ensemble, nous sommes favorables à cette ratification.
Nos inquiétudes sont ailleurs, à l'approche de l'examen du budget. Des moyens supplémentaires devraient être prévus afin que les magistrats puissent appliquer les réformes que nous votons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE).
M. Arnaud de Belenet . - Avec l'humilité qu'induit mon récent mandat, je salue ce long travail de refonte du droit des contrats. Il répond à des impératifs d'efficience, d'attractivité du droit français. On tirerait toutefois vanité de l'affirmer aujourd'hui alors que l'ordonnance est si récente. Néanmoins, ce texte est largement approuvé par les universitaires et par les praticiens du droit.
Le texte innove par la suppression de la cause du contrat. Il répond en cela à la situation actuelle, notamment le développement du numérique.
« Le tamis parlementaire a des vertus intrinsèque » disait Guy Carcassonne. Le travail de la commission des lois a été essentiel sur nombre de points telles que la clarification et la bilatéralisation des définitions respectives du contrat de gré à gré et du contrat d'adhésion, l'exclusion de la perte de chance des préjudices réparables ou encore la détermination du délai raisonnable susceptible d'interprétations. La commission a également prévu la saisine du juge, en cas de prix abusif, mais aussi pour qu'il prononce la résolution du contrat, pour couvrir l'hypothèse où l'exécution de celui-ci n'est pas achevée.
Notre rapporteur a réaffirmé l'importance de ne pas laisser prospérer une jurisprudence controversée. Le groupe LaREM votera la ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. François Pillet applaudit également.)
Mme Muriel Jourda . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous débattons ici d'un projet ambitieux et nécessaire. Le droit des obligations est issu du code civil et d'une jurisprudence abondante. La prévisibilité étant essentielle pour les acteurs économiques, une réforme était nécessaire et elle a fait l'objet de nombreux travaux. L'objectif de clarté est en grande partie atteint. La réforme renforce la cohérence de notre droit des contrats en codifiant la jurisprudence. Elle inclut également des innovations telles que la violence économique ou des précisions sur la théorie de l'imprévision, ou les actions interrogatoires. En outre, le juge pourra intervenir sur les contrats en cours. La commission des lois a choisi la ratification de cette ordonnance qui a reçu un bon accueil.
Toutefois, rappelons que cette réforme est marquée par un certain mépris du législateur, en raison du choix de recourir à l'ordonnance. Le Sénat avait rappelé l'importance d'un débat public sur cette réforme aux innombrables conséquences, qui ne sont pas que techniques, mais aussi politiques.
La marge de manoeuvre du Sénat est plus que jamais limitée, sauf à créer encore plus d'insécurité juridique. La commission des lois a néanmoins estimé nécessaire d'apporter quelques correctifs.
Tout en regrettant la méthode, le groupe Les Républicains votera la ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Le Sénat, bon enfant ? Je juge l'expression familière. J'ai plus de respect pour le Sénat qui, une fois encore, fait ici preuve de responsabilité. J'ai rappelé la concertation, le travail de nombreux experts.
Notre Constitution prévoit le recours aux ordonnances, nous sommes donc tout à fait respectueux de nos institutions et le Gouvernement respecte pleinement le Parlement - aussi le recours aux ordonnances ne mérite-t-il pas l'opprobre.
Monsieur Collombat, merci pour votre soutien. Quoique éloignées du sujet qui nous occupe aujourd'hui, vos préoccupations sur le fonctionnement de la justice ont été notées. Le budget de la justice augmentera de 4 % en 2018 comme en 2019 et 2020.
Madame Loisier, merci de votre soutien à un texte effectivement équilibré. Le classement du rapport Doing Business de la Banque mondiale montre que la France améliore sa réputation dans le monde des affaires, mais aussi que nous avons encore beaucoup à faire. Pour être plus attractifs, nous avions tout intérêt à réformer notre droit des contrats - et il serait utile, pour aller plus loin, d'installer une juridiction des brevets ou encore de traduire les jugements en anglais.
Mme Loisier a déploré le délai d'examen du texte. N'oublions pas qu'il y a eu une élection entre-temps.
Merci à M. Bigot d'avoir souligné le courage nécessaire à cette oeuvre de réforme. Vous avez raison, l'histoire ne s'arrête pas là, les acteurs s'empareront de ce texte.
Merci aussi à Alain Marc pour son soutien et son sens de la mesure.
J'ai apprécié les propos de Mme Carrère sur le fait que la rationalité l'emporte sur l'émotion. Vous avez souligné l'importance d'accompagner la réforme. Le rapport au président de la République représente un vade-mecum. Des fiches pratiques ont également été établies pour les acteurs de terrain.
Monsieur de Belenet, votre hommage à M. Carcassonne m'a touchée. Merci aussi de votre soutien.
Madame Jourda, l'ordonnance a été très bien reçue par les acteurs.
Encore une fois, aucun mépris du Gouvernement à l'égard du Parlement, au contraire.
Nous aurons à retravailler ensemble sur la responsabilité, dernier chantier du code civil.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
L'amendement n°26 rectifié est retiré.
L'article 3 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1112-1 du code civil est ainsi modifié :
1° Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque contractant est tenu de se renseigner sur les éléments du contrat qui sont déterminants de son consentement. » ;
2° Au premier alinéa, les mots : « ou fait confiance à son cocontractant » sont supprimés.
Mme Colette Mélot. - Cet amendement vise, comme les huit autres que je présenterai, à renforcer l'attractivité du droit français.
Le nouvel article 1112-1 du code civil introduit un devoir général d'information, d'ordre public, subordonné à plusieurs conditions : l'importance déterminante de l'information pour le consentement de l'autre partie, la connaissance de l'information par le créancier, l'ignorance de l'information par l'autre partie.
Le devoir de se renseigner ne saurait annihiler l'obligation d'information : il reviendra au juge de trouver le juste équilibre entre ces deux obligations.
Cet amendement incite le juge à tenir compte de la situation particulière des parties.
M. François Pillet, rapporteur. - Les auditions ont bien montré que le devoir de s'informer était un point saillant de la réforme, j'en ai tenu compte dans mon rapport. Je rappelle que j'ai proposé à la commission des lois de ne modifier l'ordonnance que lorsque c'était indispensable, préférant éclairer le texte grâce à nos travaux préparatoires - qui ont valeur législative.
Le texte consacre bien un devoir de s'informer. Lorsque l'information est accessible, son ignorance ne sera plus légitime et n'emportera pas la nullité du contrat. Inversement, en cas de lien de confiance entre les parties, le devoir d'information est accru.
Cet amendement est donc satisfait par la rédaction du texte et nos débats. Retrait, sinon rejet.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je partage l'avis du rapporteur. Le devoir d'information trouve bien sa limite dans le texte. Le manquement à ce devoir ne peut être sanctionné que lorsque c'est légitime. Le devoir de se renseigner sera modulé.
Mme Colette Mélot. - Merci à Mme la ministre et M. le rapporteur. Je retire mon amendement.
L'amendement n°7 est retiré.
L'amendement n°27 est retiré.
ARTICLE 4
Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1117 clarifie le sort de l'offre de contracter en cas d'incapacité ou de décès de son auteur avant son acceptation. Il est désormais prévu que l'offre devient alors caduque, que l'offre comporte ou pas de délai.
En revanche, prévoir, comme le propose la commission des lois, que l'offre est également caduque en cas de décès du destinataire de l'offre ne nous semble pas opportun.
La personne du cocontractant est déterminante dans certains cas - lorsque le contrat est intuitu personae, par exemple le recrutement d'une personne pour ses compétences - mais pas dans d'autres, par exemple une promesse de vente immobilière. Laissons le juge se prononcer au cas par cas.
M. François Pillet, rapporteur. - Avis défavorable.
Certes, l'offre deviendrait caduque quand le contrat dépend d'une personne. Mais le silence de la loi est regrettable et source d'insécurité juridique. Les héritiers d'une personne décédée devraient s'en remettre au tribunal. Ce n'est ni protecteur ni stable.
M. Jacques Bigot. - Le groupe SOCR soutient le rapporteur. Il est important pour le cocontractant d'avoir une sécurité sur son contrat.
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cet article concerne le doute sur l'existence d'un pacte de préférence. Le tiers peut interpeller pour avoir confirmation : si le bénéficiaire présumé du pacte ne répond pas, alors il ne pourra plus s'en prévaloir. La commission des lois a fixé un délai de deux mois.
Songeons au franchiseur, qui doit pouvoir examiner l'opportunité d'un rachat. Le délai de deux mois peut être soit trop long, soit trop court. Revenons à la rédaction initiale du délai raisonnable.
M. François Pillet, rapporteur. - Quid du délai raisonnable ? La Cour de Cassation s'est penchée dessus, dans un délai peu raisonnable...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cela a été sanctionné par la Cour de justice européenne.
M. François Pillet, rapporteur. - La commission des lois a fixé ce délai pour éviter des contentieux.
Pourquoi le bénéficiaire éventuel du pacte de préférence n'aurait-il pas le temps de répondre, en deux mois ? Des cas de procédure autrement plus compliqués, existent déjà, en particulier devant la Cour de Cassation, sans que personne ne s'en alarme... Avis défavorable.
M. Jacques Bigot. - Merci de ce débat en séance. Mme la ministre a raison. Le délai doit être donné par le tiers qui interroge. Si ce délai est jugé insatisfaisant, la justice peut être saisie. La souplesse est plus adaptée à la pratique. Le groupe SOCR suivra la ministre.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le groupe CRCE suivra le rapporteur, préférant tout ce qui apporte de la précision.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
ARTICLE 5
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l'article 1132 du code civil, les mots : « de droit ou » sont supprimés ;
Mme Colette Mélot. - Le nouvel article 1132 du code civil introduit l'erreur de droit, jusqu'à présent inconnue en droit français. Ce faisant, il porte atteinte à la règle selon laquelle nul n'est censé ignorer la loi. Le risque est que le justiciable invoque cette erreur. En outre, l'erreur de droit n'est pas définie.
Supprimons toute référence à cette erreur.
M. François Pillet, rapporteur. - L'ordonnance ne fait que consacrer la jurisprudence établie sur ce sujet, sans élargir aucunement l'erreur de droit. L'application en a toujours été mesurée. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Colette Mélot. - Je retire l'amendement n°4 rectifié bis.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
1° L'article 1137 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. » ;
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le Gouvernement a délibérément souhaité ne pas lier devoir précontractuel d'information et réticence dolosive, c'est-à-dire le fait de retenir sciemment une information dont on sait le caractère déterminant pour que l'autre partie signe le contrat - et qui, du fait de ce caractère déterminant, entraîne la nullité du contrat. Ce faisant, nous sanctionnons plus gravement le dol, qui implique l'intention de tromper, que la simple négligence.
Or la commission des lois fait dépendre la réticence dolosive de la violation d'un devoir légal d'information préexistant.
Le Gouvernement souhaite donc un retour à la rédaction initiale du deuxième alinéa de l'article 1137.
Cependant, pour ne pas pénaliser la vie des affaires, nous supprimons la principale difficulté que pouvait susciter cette déconnexion entre dol et devoir d'information : nous proposons d'exclure de la réticence dolosive, l'estimation de sa propre prestation.
M. François Pillet, rapporteur. - Vous consacrez la jurisprudence Baldus, ce à quoi je suis favorable ; mais votre rédaction fait subsister des incohérences.
Le dol implique une dissimulation intentionnelle, or celle-ci l'est nécessairement.
Je précise que la rédaction de la commission des lois reprend exactement celle de l'avant-projet d'ordonnance.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Justement.
M. Jacques Bigot. - Ces échanges techniques démontrent bien que nous avions besoin d'un débat. Dès lors qu'une partie savait que l'information était déterminante pour le consentement de l'autre partie, elle devait la communiquer : la notion importante ici est celle de la bonne foi, qui disparaît dans la rédaction de la commission des lois. Ce n'est pas un hasard si la rédaction a évolué entre l'avant-projet et le projet.
M. François Pillet, rapporteur. - La bonne foi couvre tout le texte. Elle n'est donc pas exclue.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° L'article 1139 est ainsi rédigé :
« Art. 1139. - L'erreur qui résulte de manoeuvres ou de mensonges constitutifs d'un dol est toujours excusable. L'erreur qui résulte de la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie n'est excusable qu'à condition que cette dernière ignore légitimement ladite information.
« L'erreur qui résulte d'un dol est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat. » ;
Mme Colette Mélot. - Le nouvel article 1139 du code civil, qui précise que l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable, ne prend pas en compte la réticence dolosive. Une telle omission donne la possibilité à la partie qui s'en prétend victime, d'obtenir la nullité d'un contrat alors même qu'elle aurait failli à son devoir de se renseigner.
M. François Pillet, rapporteur. - Il n'est nul besoin de modifier l'article 1139 du code civil, dans la mesure où notre rédaction subordonne déjà la position du dol à la violation d'un devoir légal d'information. Retrait.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Colette Mélot. - Merci pour ces explications. Je le retire.
L'amendement n°8 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
M. Pierre-Yves Collombat. - La commission a réduit la notion de dépendance, à la dépendance « économique » : mieux vaut le terme général, nous réformons ici le code civil, quand bien même tel ou tel code protège les individus dans des cas de faiblesse ou de handicap. Je vous propose de rétablir le texte de l'ordonnance.
Mme la présidente. - Amendement identique n°15, présenté par le Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1143 du code civil constitue l'une des innovations essentielles de la réforme. Il consacre la jurisprudence sur le vice de violence économique en prévoyant de sanctionner, à côté de la violence au sens classique, l'exploitation abusive de la situation de dépendance dans laquelle se trouve une partie vis-à-vis de son cocontractant.
La commission a modifié cet article pour y préciser que la dépendance devait être économique.
Cet abus de dépendance a effectivement été reconnu par la Cour de Cassation. Toutefois, l'intention du Gouvernement était précisément de ne pas restreindre le champ de cette disposition à la seule violence économique.
Limiter l'abus de dépendance aux seules relations économiques reviendrait à exclure les abus commis à l'égard des personnes âgées en situation de dépendance, des personnes illettrées ou sous l'emprise d'une secte par exemple.
La rédaction initiale était volontairement large. Revenons-y. Si j'entends les inquiétudes sur les notions d'abus et de dépendance, le texte du Gouvernement en assure une définition objective.
M. François Pillet, rapporteur. - Les exemples que vous prenez sont déjà couverts par la loi, en particulier dans le code pénal et dans le code de la consommation. Qui plus est, lorsque le juge condamne pénalement les conditions dans lesquelles le contrat a été signé, on n'imagine guère qu'il n'annule pas le contrat lui-même...
En revanche, sans l'adjectif « économique », le caractère de la dépendance devient incertain, l'expression devient imprécise. La notion de dépendance économique est bien encadrée par la jurisprudence, tenons-nous y. Avis défavorable.
M. Jacques Bigot. - Le code civil est d'inspiration libérale, ses rédacteurs se sont d'abord réglés sur la figure de sujets autonomes ; puis on s'est rendu compte qu'il y avait des personnes dépendantes, que le droit a protégées par divers outils - en particulier les vices de consentement, les abus de faiblesse, qui entrainent nullité du contrat.
Le droit protège les personnes vulnérables et l'adjectif « économique », ici, restreint cette protection. Or cette ordonnance a été écrite en février 2016, sous un gouvernement de gauche - avant le tournant libéral que nous connaissons aujourd'hui. Nous voterons l'amendement de M. Collombat et du Gouvernement - lequel, pour une fois est plus de gauche que de droite... (Sourires)
M. Pierre-Yves Collombat. - Dans quelle situation se trouve une personne âgée, incapable de décider pour elle-même ? Ce n'est pas clair ! L'enjeu est de protéger les personnes vulnérables. Je ne comprends pas les réticences de la commission des lois. Le travail approfondi qu'elle a fait, devait servir la clarté et la précision du texte, voire à le rééquilibrer si nous constations un déséquilibre. Nous parlons ici de protection : il y a celle qu'offrent les divers codes, celui de la consommation en particulier, mais nous traitons ici du code civil, du principe général. Pourquoi la commission des lois se bloque-t-elle ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le juge pénal n'a pas toujours la capacité de prononcer la nullité du contrat. Revenons à la rédaction initiale.
M. François Pillet, rapporteur. - Je suis conscient du problème. Il ne s'agit pas d'introduire subrepticement des dispositions libérales dans le texte. Mais notre droit comporte déjà des dispositions protectrices, comme le vice de consentement. Je propose de revenir sur ce point lors de la navette - mais je maintiens mon avis défavorable.
Les amendements identiques nos1 et 15 ne sont pas adoptés.
L'article 5 est adopté.
La séance est suspendue à 16 h 35.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.