Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Confiance dans la vie politique (Conclusions de la CMP)
M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Discussion du texte élaboré par la CMP
Renforcement du dialogue social (Conclusions de la CMP)
M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Ordre du jour du vendredi 4 août 2017
SÉANCE
du mercredi 2 août 2017
15e séance de la session extraordinaire 2016-2017
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.
La séance est ouverte à 16 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Décès d'un ancien sénateur
Mme la présidente. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue, Michel Durafour, qui fut sénateur de la Loire de 1965 à 1967 et de 1983 à 1988.
Avis sur une nomination
Mme la présidente. - Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 13 et de l'article 56 de la Constitution, la commission des lois a fait connaître qu'elle a émis, lors de sa réunion du mercredi 2 août 2017, un vote favorable (22 voix pour, 7 voix contre et 1 bulletin blanc) à la nomination de M. Michel Mercier aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel. Félicitations à M. Mercier !
Confiance dans la vie politique (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour la confiance dans la vie politique.
Discussion générale
M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Il n'est pas nécessaire d'un long propos pour saluer l'accord en CMP sur les deux textes relatifs à la confiance dans la vie politique, à l'exclusion des dispositions de la loi organique sur la réserve parlementaire. Nous avons été très contrariés...
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est un euphémisme !
M. Philippe Bas, rapporteur. - ... de l'obstination du Gouvernement et de la majorité de l'Assemblée nationale à supprimer, sans compensation, cette source de financement précieuse pour les petites communes rurales ou les associations de Français de l'étranger. (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Pour le reste, l'accord trouvé sur le projet de loi ordinaire reprend un grand nombre des dispositions que vous avez adoptées. Merci à Mme la ministre d'avoir accepté, en ce qui concerne la prise en charge des frais de mandat, un système qui allie garanties et souplesses. L'interdiction des emplois familiaux a subi quelques atténuations du fait de l'Assemblée nationale, qui en a exclu une partie des membres de la famille du parlementaire ; mais le Sénat a été écouté pour que les personnes concernées puissent se retourner, comme on dit.
Soucieux du parallélisme des obligations pesant sur les parlementaires et les ministres, nous sommes satisfaits de l'instauration d'un registre des déports pour les délibérations du Conseil des ministres. De même, les conditions, modalités et limites de la prise en charge des frais de représentation des ministres donneront lieu à un décret en Conseil d'État, que je suis impatient de lire... La CMP a maintenu l'exigence d'un rapport sur le pantouflage, remis avant six mois. L'interdiction de faire rémunérer leurs collaborateurs à temps partiel par les lobbies vaudra pour les ministres comme pour les parlementaires, c'est bien le moins.
Si j'ai accepté un amendement de toute dernière minute faisant mention du casier judiciaire, c'est qu'il est dépourvu de toute portée et n'encourt donc pas le reproche d'inconstitutionnalité. Une peine d'inéligibilité prononcée par le juge devra, dit cet amendement, figurer au casier judiciaire, ce qui va sans dire et relève du domaine réglementaire. Sans doute certains ont-ils voulu montrer ainsi que l'engagement du président de la République serait tenu... La règle que nous avons adoptée est en réalité plus sévère, puisque l'inscription d'une peine au casier peut être retirée sur décision du procureur de la République, et plus juste, puisqu'elle s'applique à tous, alors que de deux personnes condamnées à la même peine, l'une peut demander et obtenir le retrait de la mention concernée du casier judiciaire, l'autre non.
L'accord entre les deux assemblées s'est étendu, pour l'essentiel, au projet de loi organique, si l'on excepte le fait que le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale n'ont pas voulu créer un nouveau régime de financement des petits investissements des communes. Nous ne manquerons pas de le dire aux maires de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes Union centriste, Les Républicains, RDSE et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous l'avez dit, le désaccord sur ce point était trop important entre l'Assemblée et le Sénat. Sur le projet de loi ordinaire, en revanche, les deux assemblées ont fait chacune un pas l'une vers l'autre : c'est à cela que l'on mesure un travail parlementaire constructif, fondé sur des convictions solides qui n'excluent pas l'écoute et le respect mutuels.
Certaines dispositions, qui paraissaient au Gouvernement et à l'Assemblée nationale se situer hors du champ de ce projet de loi, n'ont pas été réintroduites en CMP. Elles portaient surtout sur la fonction publique, qui a fait l'objet d'une loi récente du 20 avril 2016, qui demande à être évaluée. La CMP a cependant adopté un article 2 ter E qui demande un rapport sur le remboursement des frais de scolarité par les élèves des grandes écoles qui n'acquittent pas leurs obligations de service pour l'État. Nous en prenons acte même si un décret existe déjà. De même nous prenons acte des dispositions concernant les frais de réception et de représentation des membres du Gouvernement, qui nous semblent surabondantes puisque ces dépenses sont déjà soumises à la vigilance du contrôleur budgétaire et comptable des ministères et, in fine, de la Cour des comptes.
Quant au registre des déports pour les ministres, j'ai eu l'occasion d'expliquer qu'un décret avait déjà institué un mécanisme rigoureux, qui a déjà trouvé à s'appliquer à l'actuel Gouvernement. Il appartiendra au Conseil constitutionnel d'examiner la constitutionnalité de ce qui semble devoir atteindre le secret des délibérations du Conseil des ministres.
Six points d'accord me réjouissent. Ainsi, sur l'inéligibilité des personnes ayant commis des crimes et des délits dont la liste a été élargie ; la CMP a clairement imposé aux candidats l'obligation d'avoir un casier judiciaire B2 vierge de toute peine d'inéligibilité prononcée pour les crimes et délits visés. Se trouve ainsi concrétisé l'engagement du président de la République, dans une rédaction conforme à la Constitution.
Un accord a aussi été trouvé sur la prévention des conflits d'intérêts pour les parlementaires, dont la définition a été adaptée à la réalité du mandat parlementaire. Est ainsi mis en place un mécanisme de déport respectueux de l'autonomie des assemblées.
Pas de heurt non plus, malgré une péripétie vite oubliée, sur l'interdiction des emplois familiaux, dont les Français ne veulent plus.
À l'initiative des assemblées, des dispositions ont été introduites pour améliorer la situation des collaborateurs parlementaires, qui constituent un socle solide.
L'IRFM supprimée, un mécanisme approprié de contrôle des frais de mandat verra le jour, alliant la rigueur du contrôle à la souplesse de mise en oeuvre.
Le texte fixe les conditions dans lesquelles le président de la République et le Premier ministre peuvent faire vérifier, avant la nomination d'un membre du Gouvernement, que la personne pressentie ne présente pas de conflit d'intérêts, qu'elle est en règle sur le plan fiscal et que son casier judiciaire B2 est vierge. Le texte ne concerne donc pas que les parlementaires, comme je l'ai parfois entendu...
Le contrôle des ressources des partis politiques et candidats, ainsi que des prêts qui leur sont consentis, est renforcé, tandis que l'instauration d'un médiateur du crédit et d'une banque de la démocratie leur faciliteront l'accès au financement bancaire, pour garantir le pluralisme de notre vie politique.
Malgré la confrontation nécessaire des points de vue, nous avons pu observer un mouvement vers un objectif commun, rendre confiance dans la vie politique. Un « mouvement fédérateur », pour reprendre les mots de votre rapporteur. Au nom du Gouvernement, je vous en remercie et en particulier, M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Michel Canevet applaudit également.)
M. Yves Détraigne . - La confiance entre les citoyens et leurs représentants est en crise : en témoignent l'abstention, la désaffection pour les élus et institutions et la floraison des mouvements populistes. Voilà pourquoi le Gouvernement nous a soumis ce projet de loi, discuté dans de bonnes conditions et dont le texte final reprend plusieurs modifications apportées par le Sénat. Nous nous félicitons en particulier qu'ait été préservé en substance notre amendement apportant plus de souplesse à la gestion et à la prise en charge des frais de mandat des parlementaires. Les apports du Sénat ont aussi été conservés sur la peine complémentaire d'inéligibilité.
En revanche, des mesures de bon sens ont disparu, comme l'ouverture des concours internes de la fonction publique aux collaborateurs parlementaires et la fin du verrou de Bercy. Les mesures relatives aux conditions d'emploi des collaborateurs d'élus ne suffiront pas, il faudra leur donner un véritable statut.
Surtout, ce texte demeure profondément lacunaire : consacré exclusivement aux parlementaires et élus locaux, il ne s'intéresse ni à la haute fonction publique, ni à la presse, ni aux syndicats. Il faudra pourtant, là aussi, imposer plus de transparence pour rendre confiance aux citoyens.
Quant au projet de loi organique, la CMP a achoppé sur la question de la réserve parlementaire. La CMP n'a pu parvenir à un accord sur ce projet de loi organique. Nous regrettons profondément la rigidité, la surdité des représentants de la majorité de l'Assemblée nationale, contraire à l'esprit d'écoute et de conciliation qui doit prévaloir en CMP.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Très bien !
M. Yves Détraigne. - La majorité du groupe de l'Union centriste votera les conclusions de la CMP ; mais il faudra un jour régler les problèmes en suspens.
Permettez-moi enfin de rendre hommage à notre président rapporteur, Philippe Bas, pour sa rigueur et la considération dont il a fait preuve pour chacun, permettant ainsi au Sénat de travailler dans de bonnes conditions. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Jean-Yves Leconte et Mme Claudine Lepage applaudissent aussi.)
M. Jean-Pierre Sueur . - Je me joins à ces compliments.
Même si ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui, la CMP sur le projet de loi organique a posé, sur la forme, quelques problèmes. Qu'il soit dit d'emblée qu'une disposition est non négociable, à prendre ou à laisser, et qu'il est exclu qu'il y ait un vote, n'est pas compatible avec une volonté de renouvellement profond de notre vie politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Union centriste) C'est le monde d'avant !
Le groupe socialiste et républicain soutiendra en revanche ce projet de loi ordinaire, qui comprend des avancées importantes, grâce au Sénat notamment. La suppression des emplois familiaux est une bonne chose même si nous avons bien fait d'accorder aux personnes concernées un délai et des conditions convenables pour trouver une autre activité.
S'agissant de l'IRFM, chacun trouve aujourd'hui normal de rendre compte de ses frais professionnels ; il en ira de même des frais de mandat des parlementaires, sous le contrôle des bureaux des assemblées, et c'est très bien ainsi.
Il eût été choquant que l'on abordât le sujet des collaborateurs parlementaires sous le seul aspect des emplois familiaux ; on doit au Sénat de voir leurs missions et leur statut précisés dans ce texte, qui comble ainsi une carence.
Si j'eusse été hostile à la fiscalisation de l'IRFM, l'imposition des indemnités de fonction des dignitaires des assemblées se justifie pleinement, puisqu'elles se situent dans le prolongement de l'indemnité parlementaire.
En revanche, nous ne voyons ni l'utilité de la banque de la démocratie annoncée, ni la manière dont son impartialité sera garantie. S'agissant de la peine complémentaire d'inéligibilité, il eût été plus simple et plus lisible d'imposer aux candidats de produire un extrait du bulletin n°2 de leur casier judiciaire. Eût-ce été inconstitutionnel ? Nous n'en sommes pas persuadés.
Il faudra un jour faire sauter le verrou de Bercy, pour que la justice puisse enfin être saisie sans cet obstacle.
À la fin de ce débat, il existe toujours 451 micro-partis en France, créés parfois pour des raisons de commodité - et je m'exprime avec modération. J'espère que le groupe de travail promis par Mme Gourault verra le jour rapidement.
Compte tenu des fortes avancées comprises dans ce texte, le groupe socialiste le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe La République en marche)
Mme Esther Benbassa . - Merci à M. Bas qui est un grand connaisseur de la Loi, avec un grand « L ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Si ce texte comprend de belles avancées, les sénatrices et sénateurs écologistes restent dubitatifs sur son impact. Ce n'est pas seulement par une soi-disant moralisation que l'on rétablira la confiance. Nos concitoyens attendent aussi davantage d'éthique. Et nous devons continuer à faire nôtres certaines règles de déontologie. L'antiparlementarisme ambiant et la précipitation ne doivent pas nous empêcher de nous pencher sur les vrais dangers qui menacent la séparation des pouvoirs.
Nous regrettons le refus de lever le verrou de Bercy malgré le vote unanime du Sénat. Cela nous expose à de nouvelles affaires politico-financières qui ne feront que renforcer la défiance.
Le champ des infractions passibles d'une peine d'inéligibilité a été opportunément étendu au harcèlement et violences sexuels, ainsi qu'à la provocation à la haine en raison de la race, du sexe ou de l'orientation sexuelle.
Mais n'en déplaise aux sénateurs d'En Marche, la confiance s'obtient en tenant ses engagements.
M. François Patriat. - Nous ne faisons rien d'autre !
Mme Esther Benbassa. - Il reste encore beaucoup à faire pour rétablir le lien de confiance avec nos concitoyens, en dépassant nos intérêts politiques immédiats, en renonçant aux postures et en leur témoignant plus d'empathie - sans tomber dans le populisme antiparlementaire, anti-médias... anti-tout alimenté par l'extrême droite. (Mme Isabelle Debré, MM. Pierre-Yves Collombat et Jean Desessard applaudissent.)
M. Alain Richard . - Ce texte a été amélioré et complété pour mieux répondre aux objectifs du Gouvernement, grâce à un bon dialogue au sein des assemblées et entre elles. Seulement, par une habitude un peu funeste, nous étions passés de 14 articles à 48 avant que la CMP ne se livre à un travail de compression... Cela participe de la législation réparatrice : à l'occasion d'un texte, nous sommes tentés d'y accrocher des dispositions corrigeant ou complétant d'autres textes, au risque de nuire à la lisibilité de nos travaux et d'alimenter la complainte sur la prolifération législative. Veillons-y.
Les cas d'inéligibilité prononcée par la justice pour des infractions graves ont été étendus. C'est l'équivalent de l'obligation de présenter un casier judiciaire vierge, une fois assurée la conformité de la mesure à la Constitution et aux droits individuels imprescriptibles, auxquels nous sommes tous attachés.
Les mesures tendant à prévenir les conflits d'intérêts ont été étendues aux membres du Gouvernement et des cabinets ministériels, ainsi qu'aux collaborateurs parlementaires. Les emplois familiaux seront désormais interdits et le recours aux embauches croisées limité. Des précisions utiles ont été apportées sur le statut des collaborateurs parlementaires. L'attestation fiscale qui devra être délivrée à l'entrée en fonction des ministres et des parlementaires ne pose aucune difficulté.
Les frais de mandat seront mieux contrôlés, le Sénat ayant déjà bien avancé sur ce point. Le financement des partis sera soumis à des exigences de transparence accrues, tandis que les barrages financiers aux candidatures seront levés - la banque de la démocratie n'étant qu'un des moyens pour y parvenir, auquel il sera sans doute rarement fait recours.
Bref, les engagements du président de la République sont tenus, avec l'accord de la plupart des groupes de l'opposition. C'est un train qui arrive à l'heure.
Quant à rétablir la confiance dans la vie politique, c'est autre chose... Si je puis me permettre une suggestion personnelle, il est de notre responsabilité et de notre intérêt de discuter de ce problème commun entre formations politiques. Ma trop longue expérience politique...
MM. Roger Karoutchi et Jean-Pierre Sueur. - Jamais assez !
M. Alain Richard. - ...m'a fait trop souvent observer comment, alors même que l'un d'entre nous a franchi les limites de la décence, ses amis politiques font comme si de rien n'était, par une sorte de repli clanique... En attendant, jouons notre rôle en promouvant de meilleures attitudes en politique ; ce sera la meilleure réponse à ceux qui font profession d'abattre tous les pouvoirs démocratiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; MM. Roger Karoutchi et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme Éliane Assassi . - Madame la ministre, monsieur le rapporteur qui a bien travaillé, nous nous retrouverons vendredi pour le projet de loi organique : curieuse façon de fêter la nuit du 4 août, quand on sait comment s'est conclue la CMP sur la réserve parlementaire. Le problème, ce n'est pas que les parlementaires travaillent, c'est que le Gouvernement profite du coeur de l'été pour se soustraire au regard de l'opinion sur un sujet aussi important.
La probité et l'exemplarité des élus sont des exigences justes et nécessaires. Mais ce texte est un coup d'épée dans l'eau, tant le système libéral répand l'immoralité. La plus-value énorme de la ministre du travail chez Danone jette le doute sur la capacité de ce Gouvernement à restaurer la confiance des citoyens. Leur désamour ne vient pas de ce que sont les élus, mais d'un système où le pouvoir est capté par une élite, où la politique est asservie à la finance mondialisée, où les intérêts privés prévalent sur l'intérêt général. Le nouveau président, fraîchement sorti de l'ENA, repéré lors de la commission Attali pour devenir banquier d'affaires, avant de revenir dans les allées du pouvoir, symbolise à lui le mélange entre intérêt privé et public.
Ainsi, les gens n'y croient plus. Que leur dire ? Depuis des décennies, la confiance est ébranlée par les promesses non tenues, par des campagnes électorales devenues des mascarades, par leur financement. Ce sont toujours les mêmes politiques de classe, où l'on demande des efforts aux plus fragiles, par exemple en baissant les APL, et où l'on multiplie les cadeaux aux plus nantis, comme lorsque l'on exonère d'ISF le capital financier. Il est loin, le pouvoir par et pour le peuple prévu par la Constitution !
Nous regrettons donc le caractère limité de ce texte dont le relent d'antiparlementarisme est assez déplaisant. Ce serait tellement plus facile de réduire les parlementaires au rôle de godillots, écrivant la loi ou contrôlant le Gouvernement loin des regards ! Le président de l'Assemblée nationale veut d'ailleurs que les questions d'actualité au Gouvernement ne soient plus diffusées sur France 3...
M. Antoine Lefèvre. - Il faudra m'expliquer pourquoi...
Mme Éliane Assassi. - Nous sommes pour le contrôle de l'IRFM car c'est de l'argent public. Mais qui contrôlera l'usage du CICE ou du CIR ?
Pourquoi ne pas avoir accepté de lever le verrou de Bercy ? Les évadés fiscaux continueront de dormir tranquilles... Les apports du Sénat contre le pantouflage et les conflits d'intérêts dans la haute fonction publique ont aussi été détricotés, mis à part un vague rapport...
Nous nous félicitons en revanche que la CMP ait maintenu l'alignement des obligations déontologiques des membres du Gouvernement sur celles des parlementaires.
Toute velléité de moraliser les médias ou la vie économique a été balayée d'un revers de main, de même que les enjeux de démocratisation des institutions : proportionnelle, droit de vote des étrangers, statut de l'élu. Le problème de confiance vient pourtant aussi, selon nous, du manque de représentativité de nos institutions.
Nous sommes satisfaits du début de reconnaissance d'un statut des collaborateurs parlementaires, même s'il faudra aller plus loin. Cependant, que les organes de déontologie soient informés des fonctions politiques de nos collaborateurs, même non rémunérées, porte atteinte aux libertés individuelles et au respect de la vie privée.
Nous sommes favorables à l'instauration d'une banque de la démocratie et d'un médiateur du crédit, sous réserve de leur indépendance.
Ce projet de loi manque de souffle. C'est peut-être une opération de communication, pas une révolution, qui ne mérite guère mieux que notre abstention. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Pierre-Yves Collombat . - À en croire François Bayrou, cette grande loi de moralisation avait originellement pour objet d'empêcher que des intérêts privés ne « prennent en otage » la vie publique de notre pays. Que reste-t-il de cette belle ambition ?
Outre 150 millions d'euros d'économies sur le dos des collectivités, avec la suppression de la dotation parlementaire que le Sénat a justement refusée, un million d'euros d'économie sur l'IRFM, selon l'étude d'impact, somme qui sera compensée par le coût du contrôle... Tout cela au prix d'une nouvelle couche de paperasserie.
Voilà qui illustre le libéralisme bureaucratique à la française, qui s'allie au favoritisme institutionnel inversé : si j'embauche mon épouse comme assistante, je commets un délit, pas si je lui préfère un autre membre de la communauté des femmes mariées, comme disaient Marx et Engels (Rires), ou le fils de mon banquier... Il ne reste rien de cette belle ambition.
Autre particularité : les attestations fiscales qui n'attestent rien puisqu'elles n'engagent pas l'administration, montrant seulement qu'on a rempli son obligation de déclaration. Progrès considérable !
Je pourrais continuer longtemps, tant les obligations contraignantes sans réelle portée sont nombreuses dans les deux textes. Sur le financement de la vie publique, il était difficile de faire plus compliqué pour un résultat si modeste. En revanche, sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la porosité croissante entre la nébuleuse politique qui gravite autour du consul présidentiel, la haute bureaucratie d'État et les milieux d'affaires, rien. Des modestes dispositions voulues par le Sénat pour endiguer le pantouflage ou la pratique des revolving doors dans les grands corps de l'État, il ne reste qu'une demande de rapport... La justification donnée à cette institutionnalisation du conflit d'intérêts vaut le détour : ce serait, nous dit-on, aller à l'encontre de la « fluidification d'affectations successives entre secteur public et secteur privé », ce serait nous priver des compétences acquises dans le privé !
Mais de quelles compétences ? Celles de repérer et prévenir le krach de 2007-2008, de sortir le pays de la stagnation, de contenir l'évasion fiscale, de réindustrialiser ? Je ne vois pas.
Moralisez, moralisez, il en restera toujours quelque chose - oui, mais certainement pas une plus grande confiance dans la vie publique et politique. Cela alimentera plutôt la campagne anti-élus qui sert de cache-misère aux échecs des exécutifs...
La société de cour qu'est devenue l'arène politique utilise désormais la lapidation médiatique et le lynchage pour se débarrasser d'un concurrent... Gare au retour de flamme !
Quant au vote, comme d'ordinaire, les membres du groupe RDSE couvriront tout le spectre des possibilités. (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Républicains; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Mme la garde des sceaux a évoqué la nécessité d'un choc de confiance. Surprenant, alors qu'une trentaine de textes encadrent déjà le comportement des élus. Le Sénat avait en outre déjà créé un comité de déontologie parlementaire.
Le terme de moralisation, supprimé depuis, est inadapté, et alimente le soupçon dans l'opinion.
Le Sénat a accueilli le projet de loi initial avec une grande vigilance ; il a, comme toujours, veillé au respect de la Constitution et des droits fondamentaux, mais aussi cherché à éviter que les collectivités territoriales ne soient trop pénalisées. Or la suppression de la réserve parlementaire aura forcément des conséquences néfastes pour les investissements locaux.
Face à un texte manifestement rédigé dans la précipitation, le Sénat a fait preuve d'ouverture d'esprit et comblé certaines lacunes : ainsi les collaborateurs familiaux licenciés par l'effet couperet du texte seront mieux accompagnés. Le Sénat a également prévu un dispositif sûr et réaliste pour le contrôle des frais de mandat.
Les exigences de transparence doivent s'appliquer à tous les acteurs de la vie publique, y compris aux ministres et aux fonctionnaires. En la matière, le texte du Gouvernement était d'une discrétion de violette... Le Sénat a introduit un titre entier consacré à la déontologie des fonctionnaires, prévoyant notamment un délai de carence pour encadrer ces allers-retours entre privé et public que nos concitoyens ne comprennent pas.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Très juste.
M. François Bonhomme. - Malheureusement, ce titre n'a pas survécu à l'examen par l'Assemblée nationale.
Heureusement, le registre des déports pour les ministres a été repris par l'Assemblée et accepté par le Gouvernement. Pour préserver les droits de nos concitoyens, nous avons défendu aux membres du Gouvernement d'adresser des instructions individuelles à l'administration fiscale. Nous avons supprimé la banque de la démocratie, dispositif surabondant.
Les collectivités territoriales verront leurs moyens amputés avec la suppression de la réserve parlementaire, alors qu'elles ont déjà consenti un effort de 11 milliards d'euros sous le précédent quinquennat et qu'il va encore leur être ponctionné 13 milliards - sans compter la suppression de la taxe d'habitation et le gel de 80 % de la DETR. La réserve parlementaire aide 70 à 90 % de projets d'investissement, sous le contrôle du ministre de l'intérieur.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Contrôle très rigoureux !
M. François Bonhomme. - Nous avions proposé d'y substituer un fonds dédié. Malheureusement, la majorité gouvernementale, engoncée dans ses promesses de circonstance, a préféré une vision étriquée...
L'Assemblée nationale est largement revenue sur plusieurs mesures clés introduites par le Sénat, notamment sur la déontologie des fonctionnaires, préférant la mise à l'index des élus. La suppression de la réserve parlementaire est une bévue. Le groupe Les Républicains votera les conclusions de la CMP sur le projet de loi ordinaire mais réaffirmera vendredi l'impossibilité d'un accord sur le projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe Union centriste ; M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. Marc Laménie . - Je remercie les collègues membres de la CMP, qui est parvenue à un accord sur ce texte. Dommage que l'accord n'ait pas été possible sur le projet de loi organique, vu la suppression de la réserve parlementaire. Le président Bas a pourtant défendu avec coeur, passion et conviction un dispositif transparent, encadré par le ministre de l'intérieur, si utile pour soutenir les projets d'investissement des communes rurales.
À cet égard, je tiens à souligner l'éthique, l'engagement et l'exemplarité des élus locaux, souvent bénévoles. Ils sont 600 000 à travailler au quotidien pour l'intérêt général et local.
Le Sénat, sous l'impulsion du président Larcher, s'est montré très rigoureux dans le contrôle de l'IRFM. Nous sommes responsables de l'argent public, élus pour servir l'intérêt général, sous le contrôle du Conseil d'État, de la Cour des comptes, du Conseil constitutionnel, etc.
Je veux souligner le travail de l'Association pour la gestion des assistants de sénateurs et la rigueur des services qui suivent les contrats de travail. Nous disposons d'une petite équipe : deux collaboratrices, avec lesquelles je n'ai aucun lien familial, qui m'aident avec efficacité et dévouement ; ma suppléante m'épaule aussi, à titre bénévole.
Le texte de la CMP prévoit des mesures utiles : l'élargissement du champ de la peine complémentaire d'inéligibilité en cas d'atteinte à la probité, le contrôle de l'IRFM, l'interdiction des emplois familiaux, la prévention des conflits d'intérêts...
Le Sénat a fait une concession à l'article 12 en autorisant l'habilitation à créer la banque de la démocratie par ordonnance.
Le Sénat a démontré son attachement aux collectivités territoriales et notamment aux territoires ruraux : depuis 1799, c'est la priorité de notre assemblée.
Enfin, mes remerciements les plus sincères à M. Jean-Louis Hérin, secrétaire général du Sénat, pour son dévouement au service du Sénat. (Marques d'approbation appuyées sur de nombreux bancs).
Vive le bicamérisme ! (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain aux bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Vive le bicamérisme !
M. François Commeinhes . - Depuis trente ans, trente lois ont été votées pour prévenir, supprimer, sanctionner les pratiques qui entachent la vie politique.
Toutefois, ni la Haute Autorité, ni le parquet financier, ni la loi anticorruption n'ont suffi à combler l'abîme de défiance envers les responsables publics, et plus particulièrement les parlementaires. Si la confiance n'exclut pas le contrôle, comme le disait Lénine, la politique impose des résultats. La République est un grand acte de confiance et d'audace, pour citer Jaurès. (On apprécie diversement.) Le rejet de l'élu, c'est aussi le cri de colère d'un peuple orphelin de promesses non tenues et d'espoirs déçus.
L'élu de la République doit être digne du pacte de confiance qui le lie à ses électeurs.
Ce texte ne fait que répondre aux derniers tourments médiatico-judiciaires sans apporter de vraies réponses. Oui à l'encadrement des activités de conseil ou à la vérification du patrimoine du président de la République, mais l'exigence du casier judiciaire vide a été abandonnée face au risque de censure. Dommage que cette mesure phare du projet présidentiel n'ait pas fait l'objet d'une analyse juridique en amont.
Les couacs en série qui ont émaillé les débats à l'Assemblée nationale auront permis aux Français de mesurer l'intérêt du bicamérisme.
M. Bruno Retailleau. - Très bien !
M. François Commeinhes. - Le Sénat a fait la preuve de son utilité, encadrant l'emploi des collaborateurs parlementaires, précisant leurs conditions de licenciement, supprimant le verrou de Bercy, malheureusement rétabli. Le texte du Sénat encadrait le pantouflage des hauts fonctionnaires, limitait les conflits d'intérêts ; celui de l'Assemblée nationale est marqué par la précipitation et le manque de cohérence.
Rebaptisé « confiance en la vie politique », il cible l'élu, qui serait l'homme malade de la démocratie : tandis que le hiérarque de Bercy garde le pouvoir, que l'énarque pantoufle, les fonctionnaires d'en bas subissent, dans les hôpitaux et les écoles, les restrictions budgétaires.
On a préféré s'attaquer à l'écume plutôt qu'à la vague, donner en pâture à la vox populi le cadavre de la réserve parlementaire plutôt que de commencer par la réforme institutionnelle que le Gouvernement annonce pour la rentrée et aurait dû servir de cadre à une loi globale et ambitieuse.
Je conclurai en remerciant et en félicitant la commission et son président rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci.
La discussion générale est close.
Discussion du texte élaboré par la CMP
Mme la présidente. - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 20
1° Au début, insérer la référence :
III. -
2° Remplacer les mots :
cette peine
par les mots :
la peine prévue par le présent article
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Il s'agit d'un amendement de coordination, concernant la possibilité pour la juridiction de ne pas prononcer la peine complémentaire d'inéligibilité.
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 24 et 25
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
III. - Après le 6° de l'article 776 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Aux autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidatures à une élection afin de vérifier si la peine prévue au 2° de l'article 131-26 et aux articles 131-26-1 et 131-26-2 du code pénal y est mentionnée. »
IV. - Le premier alinéa de l'article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° du pour la confiance dans la vie politique, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Amendement technique, qui insère certaines dispositions dans le code de procédure pénale et prévoit l'application outre-mer de certaines mesures.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Le regretté Jacques Barrot, grand ministre et grand parlementaire, disait qu'il n'y a pas de bonne politique sans bonne technique. Certains de ces amendements ont été approuvés par notre commission, d'autres avaient été sollicités. Avis favorable à tous. (Exclamations satisfaites)
M. Henri Cabanel. - Quel que soit l'intitulé du projet de loi, la confiance ne sera reconquise que par un changement de méthode. Ce texte est un rendez-vous manqué. D'abord, faute de consultation publique. Celle que nous avons lancée avec Joël Labbé sur la plateforme Parlement et citoyens a recueilli 10 500 votes et 1 200 contributions, preuve de l'intérêt de nos concitoyens. Rendez-vous manqué car les débats ont été précipités, après une campagne présidentielle et législative entachées par les affaires. Quid de la promesse du candidat Macron sur le casier judiciaire vierge ? Comment l'expliquer aux Français qui doivent, eux, présenter dans bien des cas un casier vierge ?
Quid de la lutte contre les emplois fictifs ? Les emplois familiaux sont supprimés, mais les emplois croisés maintenus !
Quid du maintien du verrou de Bercy ?
Sur bien des points, le Gouvernement et la majorité se sont placés au-dessus du peuple. À chacun de s'appliquer les règles d'exemplarité que le texte n'aura pas su imposer. Il va toutefois dans le bon sens, je le voterai, avec une certaine déception.
Les amendements nos2 rectifié et 1 sont adoptés.
ARTICLE 2 QUATER
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
II. - Le quatrième alinéa du V de l'article L. 4122-8 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Le début de la première phrase est ainsi rédigé : « La Haute Autorité exerce le droit de communication prévu... (le reste sans changement). » ;
2° La seconde phrase est supprimée.
III. - Le quatrième alinéa du V de l'article 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Le début de la première phrase est ainsi rédigé : « La Haute Autorité exerce le droit de communication prévu... (le reste sans changement). » ;
2° La seconde phrase est supprimée.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Amendement de coordination.
L'amendement n°3, accepté par la commission, est adopté.
ARTICLE 3 TER A
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de leurs activités
par les mots :
des activités de ces collaborateurs
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Amendement de précision.
L'amendement n°4, accepté par la commission, est adopté.
Mme la présidente. - Conformément à l'article 42, alinéa 12 du Règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi ainsi rédigé.
Le projet de loi, ainsi modifié, est adopté.
Renforcement du dialogue social (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - La CMP, première de la législature, s'est réunie lundi et a abouti à un accord. Je salue la qualité du travail réalisé avec les députés et avec le rapporteur M. Laurent Pietraszewski. Loin des positions doctrinaires, nous sommes parvenus à rapprocher nos positions et à adopter un texte de compromis qui conserve l'essentiel des apports du Sénat.
Pour autant, comme le disait René Char, « L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant ». (« Très bien ! » à droite)
Si nous en approuvons la philosophie, ce projet de loi ne répond pas à toutes nos attentes et laisse de côté certains sujets comme la fixation par accord de la durée hebdomadaire du travail ou l'assouplissement du temps partiel. Nous avons toutefois souhaité rester dans le périmètre des habilitations demandées par le Gouvernement, encadrant et précisant ces dernières par l'adoption de 68 amendements.
À l'article premier, la CMP a précisé que les salariés licenciés pour avoir refusé un accord collectif bénéficieraient d'un droit à la formation accru. Nous avons invité le Gouvernement à définir des modalités pragmatiques de conclusion des accords dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical. Nous avons souhaité concilier souplesse et droits des syndicats. L'employeur pourra organiser un référendum, de même que les organisations représentatives.
Nous sommes très favorables à la création de l'instance unique de représentation du personnel, à l'article 2. Nous avons fixé à trois le nombre maximal de mandats de représentant du personnel, sauf exceptions, et renforcé le droit à la formation. Nous avons veillé à garantir la transparence des comptes et confirmé en CMP la possibilité de créer une commission spécifique chargée de l'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail.
La cause économique d'un licenciement devra s'apprécier en prenant en compte le périmètre national. Toutefois, nous avons laissé au Gouvernement des marges pour déterminer d'éventuels aménagements à ce principe.
Mme Nicole Bricq. - Très bien.
M. Alain Milon, rapporteur. - Nous avons invité le Gouvernement à mieux prendre en compte les besoins des travailleurs handicapés, notamment via le télétravail. La CMP a conservé nos apports sur le sujet, tout comme sur la sécurisation des contrats ou l'abaissement de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités de licenciement.
À l'article 9, sur le report du prélèvement à la source, le Sénat a là aussi été entendu.
En revanche, nous n'avons pas été suivis sur la suppression des accords de maintien dans l'emploi (AME) dont l'échec est pourtant consommé. Ce sera la prochaine étape, une fois les ordonnances publiées...
Attention à ne pas trop accélérer le calendrier de la généralisation des accords majoritaires, afin de ne pas bloquer le dialogue social : il serait paradoxal que ce texte aboutisse à réduire le nombre d'accords signés !
La CMP est revenue sur l'attribution de plein droit de la compétence de négociation à l'instance unique ; elle s'imposera d'elle-même dans quelques années.
L'habilitation relative à la représentation des salariés dans les organes de gouvernance a été rétablie, avec deux garde-fous toutefois : les seuils d'effectifs ne seront pas modifiés et la formation des représentants du personnel sera améliorée. J'espère que le Gouvernement recourra avec parcimonie à ces habilitations, afin de ne pas aggraver l'instabilité juridique.
Enfin, la CMP n'a pas fixé d'objectifs précis sur la réduction des délais des recours en cas de licenciement, tout en souhaitant leur harmonisation.
Ce texte porte la marque du Sénat, qui a été fidèle à ses convictions tout en cherchant à accompagner le Gouvernement. Nous souhaitons le succès de cette réforme indispensable pour adapter notre droit social. Nous n'avons pas préempté les résultats de la négociation avec les partenaires sociaux qui va se poursuivre. Le Parlement doit pleinement jouer son rôle de législateur : la démocratie politique ne saurait s'effacer devant la démocratie sociale. Nous pouvons conjuguer ces deux légitimités.
Je veux dire à nos collègues députés la complexité de l'art d'agir, de légiférer. « La beauté naît du dialogue, de la rupture du silence, et du regain du silence », disait René Char. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - « La pensée nait d'évènements de l'expérience vécue et doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l'orienter », écrivait Hannah Arendt. C'est ce qui nous a inspirés. Vous avez enrichi ce texte de votre expérience d'élus et apporté des éclairages techniques indispensables.
La discussion a été nourrie de la diversité de nos expériences professionnelles, chargée de notre expérience collective, de notre Histoire et des valeurs de la République qui fondent notre modèle social.
Il est urgent d'adapter notre modèle social. Changer le regard sur l'entreprise, instaurer un climat de confiance propice à la création d'emplois et au dialogue social, tel était le but.
Le pragmatisme est indissociable du dialogue : pour qu'une mesure soit opérationnelle, il faut avoir consulté ceux qui l'appliqueront au quotidien. L'accord en CMP est le fruit d'un dialogue, au Parlement et avec les partenaires sociaux. Ce processus, qui allie démocratie politique et démocratie sociale, se poursuivra avec les ordonnances et le projet de loi de ratification.
Cette méthode est le reflet de la philosophie du texte, qui fait confiance aux entrepreneurs, aux salariés et à leurs représentants pour trouver sur le terrain, par le dialogue, les moyens de répondre aux besoins de liberté et de protection, de faire converger compétitivité et justice sociale.
Merci à Dominique Gillot d'avoir porté les dispositions sur les personnes en situation de handicap. Les débats ont fait évoluer le texte. Ainsi la décentralisation des négociations a été accrue, renforçant à la fois l'accord d'entreprises et l'accord de branches, pour tenir compte du grand nombre de TPE.
Notre fil rouge a été de garantir les droits des salariés sans charge administrative supplémentaire pour les PME - d'où la simplification du compte professionnel de prévention.
Le nombre de mandats syndicaux a été limité à trois, avec des dérogations pour les petites entreprises.
Nous devons renforcer la formation et les parcours professionnels des représentants du personnel : c'est l'objet de la mission confiée à M. Simonpoli.
Nous avons voulu tenir compte de la taille, de la spécificité, du secteur d'activité des entreprises : une commission spécialisée dédiée à la santé et à la sécurité au travail pourra être créée au sein de la nouvelle instance fusionnée.
Enfin, sur la sécurisation des relations de travail, le texte lève les incertitudes juridiques qui brident l'embauche. Nous sécurisons la procédure de licenciement pour éviter le contentieux systématique. Nous encourageons la conciliation en amont mais nous augmentons aussi les indemnités légales de licenciement et clarifions le barème des dommages et intérêts.
Cette habilitation n'est pas un blanc-seing, c'est un mandat : le Gouvernement agira sous le regard du Parlement et des partenaires sociaux et, à travers vous, sous celui de nos concitoyens.
L'action du Gouvernement ne se terminera pas avec les ordonnances : réforme de l'assurance chômage, de la formation professionnelle, réforme de l'apprentissage, réforme des retraites, permettront d'obtenir une croissance porteuse d'emplois. Elles formeront le terreau sur lequel les entrepreneurs pourront faire prospérer leur potentiel d'innovation, de création d'emplois et d'excellence.
Plus de liberté, plus de protection grâce à un dialogue social renforcé au plus près du terrain, c'est le sens de ce texte et de notre action.
Je rends hommage à M. Milon pour sa maîtrise technique mais aussi son écoute et sa disponibilité. Merci à Albéric de Montgolfier, de la part de Gérald Darmanin. Je salue les présidents de séance qui ont permis que ce texte soit examiné dans de bonnes conditions - merci aux services du Sénat, aux huissiers, aux administrateurs des commissions.
Le mandat de certains d'entre vous touche à sa fin. Je sais que votre engagement se poursuivra sous des formes différentes. Tous nous sommes attachés à faire vivre la promesse républicaine de l'émancipation individuelle et collective. C'est pourquoi nous rénoverons notre modèle social en cherchant à concilier liberté d'entreprendre et égalité des chances, qui sont les fondements de la fraternité. Je sais que nous partageons l'ambition que la France, forte de son héritage et de ses valeurs, puisse trouver sa propre voie vers un modèle social ambitieux et rénové, en phase avec les enjeux de notre temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; Mmes Dominique Gillot, Claudine Lepage et M. Yves Daudigny applaudissent également.)
M. Jean-Louis Tourenne . - La CMP a supprimé quelques amendements de la droite sénatoriale, mais le texte reste très libéral. Les licenciements plus faciles et moins chers, sacrifices supplémentaires pour les salariés : c'est une régression sociale car le salarié est avant tout un citoyen qui a droit à une juste rémunération et doit être un acteur du devenir de l'entreprise.
Malgré les promesses, seules des latitudes nouvelles sont octroyées aux entreprises, au détriment des salariés.
La fusion des instances représentatives du personnel est un moyen de réduire l'implication syndicale. La dilution des CHSCT est un danger pour les salariés, et partant, pour l'entreprise. La limitation du nombre de mandats va dans le même sens.
Confiance, dites-vous ? Mais elle se mérite. Les accords d'entreprises sans représentants syndicaux ni mandatements sont la porte à tous les abus, toutes les pressions.
Alors que 63 % des Français craignent de perdre leur emploi, quelle valeur aura un accord d'entreprise accepté dans l'angoisse ? Le vrai défi, la vraie grandeur aurait été de favoriser le développement de la représentation syndicale. Vous faites l'inverse.
Jusque-là, la consultation demandée par le patron n'avait pas valeur légale. Vous instituez le référendum à la main du patron, sur de vastes champs.
Le projet de loi va fabriquer de la précarité et de la régression sociale. Présomption de légalité de l'accord, réduction des délais de recours, plafonnement de l'indemnisation sont autant de déni de justice. La comparaison avec la justice pénale est sans fondement : il s'agit ici de victimes, qui seront privées de réparation pleine et entière ! Un licenciement est bien une tragédie pour le salarié et sa famille.
Difficile de tenir compte de la pénibilité, dites-vous, alors vous renoncez...
Les contrats de chantier, c'est la précarité sans la prime, le licenciement sans indemnité. Mon cauchemar, c'est sa généralisation au détriment du CDI, des millions de travailleurs précaires...
Vous chargez la France de tous les maux. Les étrangers qui investissent massivement en France seraient-ils masochistes ? Il ne peut y avoir de croissance sans confiance en l'avenir des citoyens, des salariés, des entreprises. Celle dont vous bénéficiez, je crains que vous ne l'érodiez. Vous récolterez la révolte des salariés et une économie à nouveau à la peine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; MM. Jean Desessard et Michel Le Scouarnec applaudissent également.)
M. Jean Desessard . - L'encre de la loi El Khomri à peine sèche, le gouvernement Macron s'en inspire, pour bousculer d'un trait de plume les « formidables garde-fous » dont l'ex-ministre du travail nous avait tant vanté la solidité.
La CMP a abouti : quoi de plus naturel qu'un accord entre une droite sénatoriale toujours aux avant-postes pour « libéraliser, toujours plus » et une ministre du travail dont la conception de la flexisécurité se traduit par la corvéabilité des salariés et la sécurité accrue des bénéfices et stock-options des dirigeants et actionnaires ! (Mme Nicole Bricq se récrie)
Les écologistes ne voteront pas ce projet de loi cher au Medef !
Mme Bricq, remarquable idéologue d'En Marche, nous vantait jeudi les mérites de la formation professionnelle. Qu'a fait, au juste, dans ce domaine l'ancien Gouvernement dont vous étiez une émérite défenseure ?
Mme Nicole Bricq. - Pas assez !
M. Jean Desessard. - Qu'a fait ce Gouvernement de la résolution, adoptée ici, sur ma proposition, à la quasi-unanimité, sur la création d'un GPS pour l'emploi, visant à recenser les offres d'emploi non pourvues et à proposer des solutions de formation ? Rien, rien de rien ! Quel gâchis...
C'est ma dernière intervention dans cet hémicycle, où j'ai aimé débattre pendant ces deux mandats. L'efficacité de l'action parlementaire me dépite. Le cadre de travail de notre institution est de haute qualité. Les sénateurs sont assidus dans l'ensemble, motivés, et intelligents, si si ! (Sourires) Mais quelle énergie dépensée pour un résultat législatif bien maigre : l'entonnoir de l'exécutif est trop étroit ; presque toutes les propositions sont écartées.
Chers collègues, je nous souhaite une réforme en profondeur de nos institutions. Sans cela, le discrédit du politique s'amplifiera, la déqualification du parlementaire perdurera. Bonne chance à la nouvelle assemblée ! (Applaudissements)
Mme Nicole Bricq . - Monsieur Desessard, s'il est un grand moment d'efficacité de l'action parlementaire, c'est la participation à une CMP, a fortiori si elle est conclusive. Le parlementaire y est entièrement libre, face à ses responsabilités, loin des pressions du groupe ou de l'exécutif.
Ce texte, dont le groupe En Marche a débattu longuement, définit une articulation claire, franche et sécurisée entre accords de branches, accords d'entreprises et contrats de travail. La négociation collective est privilégiée par rapport à la décision unilatérale de l'employeur. Les TPE et PME - salariés comme employeurs - auront un meilleur accès au droit du travail.
Le dialogue dans l'entreprise est renforcé par la mise à niveau de la connaissance et l'appréciation pour les salariés de la stratégie économique et sociale de l'entreprise. Le calendrier des accords majoritaires est accéléré et la présence syndicale est confortée.
Dernier point, le plus difficile, le périmètre de l'activité pour le licenciement économique. Les rapporteurs ont su sortir de leurs couloirs respectifs. Monsieur Milon, vous avez su trouver une formule qui laisse une marge d'appréciation.
L'objectif du groupe La République en marche est atteint : l'exécutif garde sa possibilité de réagir et sa capacité d'agir face aux propositions des partenaires sociaux.
Cela laisse toute sa place, monsieur Desessard, à la formation professionnelle, cette véritable protection du salarié. C'est elle et non le statut ou les obstacles juridiques qui lui permettront d'évoluer dans un monde compétitif. La France, grâce à cela, retrouvera la confiance, car elle a la capacité d'être au premier rang. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; M. Richard Yung applaudit également.)
M. Dominique Watrin . - L'accord trouvé en CMP ne nous a pas surpris. La convergence d'idées entre la majorité sénatoriale et La République en marche avait été annoncée par le président Alain Milon, dès l'examen en commission.
Nous sommes au coeur de ce qui oppose droite et gauche, tout en regrettant que cette dernière ait légitimé la loi El Khomri. Le groupe communiste républicain et citoyen est fier de ne pas avoir faibli. Nous serons toujours là pour rappeler les vérités qui fâchent, comme l'a fait notre présidente la semaine dernière.
En quarante heures de séance publique, la ministre a refusé de nous expliquer comment faciliter les licenciements améliorait l'emploi. Qui ne se souvient des promesses d'un million d'emplois de Pierre Gattaz en échange de l'exonération de charges ? Il y a eu le CICE. Où sont les emplois ?
Comparez de telles mesures avec celles de nos prédécesseurs, ayant libéré la France, qui inscrivaient dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par la voix de ses représentants, à l'élaboration collective des conditions de travail ainsi qu'à la conduite des entreprises ».
Comparez vos mesures aux lois Auroux qui ont élargi les pouvoirs des délégués du personnel aux conditions de travail quand vous mettez à genoux le CHSCT !
Un progrès social, le périmètre national ? Des progrès sociaux, le plafonnement obligatoire des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la généralisation potentielle des contrats de chantier, le fait de confier aux branches ce qui relèverait de la loi et aux accords d'entreprises les conditions de travail et de santé ? On en connaît les conséquences à l'avance : licenciement économique pour les salariés qui refuseraient la dégradation de leurs droits, dumping social orchestré par les grands groupes !
Ne l'oublions pas, le code du travail est un outil de protection du salarié contre son employeur, pas un facilitateur de chômage.
Contre ce dernier, il faudrait plutôt parler de délais de paiement, de la difficulté à recruter des salariés qualifiés. L'entreprise est un bien commun.
Or votre projet s'adresse aux patrons du CAC 40 bien plus qu'aux salariés - dont le Smic ne sera pas revalorisé cette année.
L'Humanité de ce jour explique comment les rémunérations complémentaires des dirigeants des grands groupes sont fondées sur le strict intérêt des actionnaires. Ainsi, huit des dix membres du comité de direction de Danone ont bénéficié de 4,8 millions d'euros de plus-values. C'est indécent ! Les salariés n'en touchent pas, eux ! Notre combat n'est pas terminé. Nous le poursuivrons lors de la ratification des ordonnances et le 12 septembre dans la rue avec les syndicats contre un projet de loi que nous rejetons unanimement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Henri Cabanel applaudissent également.)
Mme Françoise Laborde . - Si nous nous félicitons des débats constructifs et de l'adoption d'un texte commun, nous sommes plus circonspects quant à la méthode employée. Guillaume Arnell l'avait souligné en première lecture : les ordonnances constituent une législation déléguée qui restreignent les droits du Parlement, originellement réservées aux cas d'urgence. Le RDSE y est par principe réticent, surtout pour une réforme d'une telle ampleur et pendant que la concertation avec les partenaires sociaux se poursuit.
Sur le fond, la majorité du groupe RDSE partage vos principaux objectifs : offrir plus de souplesse aux entreprises tout en protégeant les salariés. Nous devons adapter notre droit du travail aux réalités, si nous voulons lutter contre le chômage de masse, cette souffrance, cette atteinte à l'estime de soi, qui peut conduire au suicide pour cette raison - entre 10 000 et 14 000 par an selon une étude de l'Inserm !
Les débats en CMP ont permis de dégager un consensus sur le calendrier des accords majoritaires, garant de leur légitimité. C'est également le cas de la réintroduction de la référence aux accords de maintien de l'emploi dans la liste des accords dont il est envisagé d'harmoniser le régime.
Je me réjouis que la CMP ait conservé une commission spéciale pour les questions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de l'instance unique de représentation du personnel.
Le groupe RDSE est partagé en revanche sur le plafonnement des indemnités prud'homales. Certains estimaient que le barème de la loi El Khomri était suffisant. Nous nous félicitons de votre promesse de revaloriser les indemnités de licenciement, parmi les plus faibles d'Europe.
Le groupe RDSE votera, dans sa majorité, ce texte, première étape de votre réforme, mais sera vigilant lors de la ratification.
M. Jean-Marc Gabouty . - Ce texte s'inscrit dans un objectif plus large de rénovation de notre modèle social. L'allègement des contraintes des entreprises, la réorganisation des outils du dialogue social ne créent pas directement de l'emploi mais stimulent le désir d'entreprendre et d'investir, donc l'activité économique qui en est la base.
Tourner le dos à ces évolutions nous conduirait irrémédiablement sur la voie du déclin. Ce texte complète en conséquence la loi El Khomri ; mais à défaut d'une réécriture complète du code du travail, vous auriez bénéfice à un toilettage complet, en supprimant nombre de dispositions inopérantes, complexes, qui ne relèvent pas toujours de la loi avec des précisions excessives qui pourraient venir limiter de manière trop contraignante le champ des négociations de branches ou d'entreprises.
Le Gouvernement prévoit heureusement des mécanismes opérationnels, plutôt que des dispositifs fondés sur des objectifs louables, mais inapplicables, tels les AME.
Même si nous maintenons quelques réserves ponctuelles, la version actuelle de ce projet nous parait globalement satisfaisante. Les modes de conclusion des accords d'entreprises les rendront plus faciles à signer, en particulier dans les TPE-PME. La prise en compte du périmètre national pour apprécier les difficultés d'une entreprise mérite vigilance mais semble positive. Le traitement différencié des TPE nous convient également.
Je salue aussi les contrats de chantier, la fusion des IRP, le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'Assemblée et le Sénat ont su faire des concessions mutuelles pour élaborer un texte équilibré. Le groupe Union centriste et une majorité de nos collègues se réjouiront d'une démarche positive du Parlement à l'égard de la procédure des ordonnances, qui aurait pu a priori donner le sentiment de nous écarter.
Nous souhaitons cependant, conformément à l'article 8 de ce projet, qu'un débat puisse très vite s'engager avant la fin de l'année dans le cadre de la loi de ratification.
Vous faites de ce texte un pari sur le dialogue social. Nous, nous faisons le pari que vous simplifierez le code du travail. C'est pourquoi nous vous accordons notre confiance et nous voterons ces conclusions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste)
M. René-Paul Savary . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Tout d'abord, merci au docteur Milon ! (Sourires) Toujours très pédagogique, il est l'homme de l'art au chevet du malade : le chômage en crise. Merci également à Mme la ministre pour ses réponses toujours très détaillées et courtoises.
Les parlementaires peuvent restreindre, mais non élargir le champ des ordonnances. C'est frustrant, mais le groupe CRC nous a aidés à animer des débats très ouverts ! (Sourires)
Face à notre taux de chômage, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Cette loi tente de bouger les lignes. Merci, madame la ministre, d'avoir tenu bon sur l'instance unique, qui n'est pas une atteinte à l'action des délégués syndicaux, mais une simplification pleine de bon sens, les remontées du terrain en témoignent. Or la simplification est un facteur utile de compétitivité.
Autre point positif, les accords d'entreprises permettant d'adapter l'entreprise aux réalités.
La balle sera dans le camp des entrepreneurs. L'approche numérique - code du travail digital et télémédecine du travail - est aussi essentielle. Mais attention à la fracture territoriale !
Les promesses du haut débit pour tous en 2020, ne sont pas suffisantes. Il faut continuer le combat. L'égalité des chances pour chaque entreprise est à ce prix.
Je voterai ce texte en ayant le sentiment d'apporter une petite pierre à la politique de l'emploi - qui pourrait être d'ailleurs décentralisée au niveau régional. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste)
M. Yves Daudigny . - En cohérence avec l'appui apporté à la loi Travail présentée par Mme El Khomri en 2016, j'exprime à nouveau, au nom de collègues du groupe socialiste et à titre personnel, une approche favorable à votre méthode : il existe pour la France une voie de progrès apportant aux salariés des protections nouvelles pour mieux construire leur vie professionnelle, tout en armant nos entreprises face à la concurrence mondiale.
Oui, madame la ministre, il faut renforcer le dialogue social - mais cela suppose de faire des syndicats des partenaires forts, responsables et incontournables. Et notre modèle social, bâti sur le principe de solidarité, possède des valeurs profondes qui ne peuvent être remises en cause. Toutefois, malgré un engagement financier global de près de 750 milliards d'euros, il n'efface pas le cancer du chômage et la précarité pour plusieurs millions de nos concitoyens.
L'évolution vers des droits liés à la personne plus qu'au statut est sans doute une piste.
Si le sens du travail est d'être un facteur d'épanouissement et d'intégration sociale, il crée une contradiction lorsque le salarié ne peut s'approprier son outil de travail. N'ignorons pas les souffrances qui s'y déploient : suicide sur le lieu de travail, mises au placard, arrêts maladies successifs, procès, épuisement....
Les salariés doivent avoir confiance dans l'entreprise, ce qui est trop souvent négligé. Le dialogue social est un des éléments qui améliorent la qualité du travail et lui donnent du sens.
Plusieurs dispositions de l'article premier adoptées par la CMP appellent un avis favorable, telle la généralisation progressive des accords majoritaires ou les droits à formation renforcés d'un salarié licencié pour avoir refusé un accord d'entreprise.
Mais nous sommes opposés au recours à la consultation des salariés à la seule initiative de l'employeur.
À l'article 2, nous soutenons l'existence d'une commission spécifique au sein des IRP pour traiter des questions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
À l'article 3, nous sommes favorables à la suppression, introduite au Sénat, de l'obligation de réduire d'au moins de moitié le délai de recours en cas de rupture du contrat de travail. Nous demeurons opposés à l'imposition d'un barème aux indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif ; nous sommes sensibles au maintien de la liberté d'appréciation du juge, même si elle doit être encadrée.
Notre jugement définitif sur les ordonnances dépendra de leur rédaction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Quoiqu'opposé à la procédure des ordonnances, notre groupe approuve les principes essentiels de ce texte.
Nous soutenons ainsi la rationalisation des IRP ; la création d'un référentiel obligatoire des indemnités de licenciement sans cause réelle ou sérieuse, ou la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Nous avons entrepris de préciser le texte, car s'il est opportun de garder la marge nécessaire aux négociations, il fallait s'assurer de l'ambition du texte, en dissipant certains flous.
L'employeur pourra demander un vote à ses employés contre l'avis des syndicats. Je m'en réjouis. Particulièrement à l'écoute des petites entreprises, je me félicite qu'une solution ait été trouvée pour mener des négociations, même en l'absence de représentation syndicale, avec les élus du personnel ou avec les salariés mandatés.
Autre ajout du Sénat, le choix du périmètre national d'appréciation du juge est important pour les investisseurs.
Nous avons encadré le fonctionnement de l'instance qui fusionnera les IRP, et sommes parvenus à un accord en CMP, pour maintenir sa capacité à participer aux négociations de l'entreprise.
Notre satisfecit ne va pas sans mise en garde concernant les seuils, déjà modifiés, ou sur la formation des salariés.
Nous n'avons pas obtenu le maintien d'un licenciement sui generis pour les salariés refusant d'appliquer un accord d'entreprise. Toutefois il est heureux que le régime du licenciement économique ne s'applique pas dans ce cas, car il est très contraignant pour les entreprises. (Mme Anne-Lise Dufour-Tonini proteste.)
La suppression du terme de « généralisation » des accords majoritaires n'éteint pas notre vigilance à l'égard de la rédaction de l'ordonnance concernée.
Nous avons hâte d'examiner avec attention les lois de ratification. Ces mesures ne constituent qu'un premier pas. Ainsi, la fixation par accord de la durée hebdomadaire du travail, le recours au temps partiel ou le relèvement des seuils sociaux sont absents du texte.
Le groupe Les Républicains votera ce texte.
La discussion générale est close.
Mme la présidente. - Le président Guillaume demande une suspension de séance.
La séance, suspendue à 18 h 50, reprend à 18 h 55.
Mme la présidente. - Il n'y a pas d'amendements. Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°142 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l'adoption | 225 |
Contre | 109 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche, Union centriste et Les Républicains)
En conséquence, le projet de loi est définitivement adopté.
Prochaine séance, vendredi 4 août 2017, à 15 heures.
La séance est levée à 19 heures.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du vendredi 4 août 2017
Séance publique
À 15 heures et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Nouvelle lecture du projet de loi organique pour la confiance dans la vie politique
Analyse du scrutin public
Scrutin n°142 sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :339
Suffrages exprimés :334
Pour :225
Contre :109
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (142)
Pour : 140
Abstention : 1 - M. François Pillet
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe socialiste et républicain (86)
Contre : 86
Groupe Union Centriste (42)
Pour : 42
Groupe La République En Marche (30)
Pour : 30
Groupe communiste républicain et citoyen (18)
Contre : 18
Groupe du RDSE (16)
Pour : 10
Contre : 2 - MM. Pierre-Yves Collombat, Philippe Esnol
Abstentions : 4 - MM. Guillaume Arnell, Robert Hue, Mmes Mireille Jouve, Hermeline Malherbe
Sénateurs non inscrits (12)
Pour : 3 - MM. Philippe Adnot, Jean Louis Masson, Alex Türk
Contre : 3 - Mme Esther Benbassa, MM. Ronan Dantec, Jean Desessard
N'ont pas pris part au vote : 6 - Mmes Aline Archimbaud, Corinne Bouchoux, MM. Joël Labbé, Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier