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Table des matières
Devenir des conventions ruralité
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale
Difficultés des viticulteurs (I)
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Retards de paiement des aides de la PAC
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Difficultés des viticulteurs (II)
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Lycée français Louis Massignon à Abu Dhabi
Déploiement des réseaux numériques fixe et mobile
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Avenir des départements de la petite couronne
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Coopératives d'utilisation des matériels agricoles
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Redécoupage des zones de revitalisation rurale
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Téléphonie mobile dans les zones rurales
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Situation de l'aide à domicile
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Financement de l'hôpital Marie-Lannelongue
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Déductions fiscales de la Fondation du patrimoine
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture
Conséquences pour les contribuables de la création d'une commune nouvelle
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Présence judiciaire dans l'Aisne
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse
Développement des ports Axe Seine
Réfection de la ligne TER Libourne-Bergerac-Sarlat
Hommage à M. Jean-Claude Gaudin, vice-président du Sénat
M. Gérard Larcher, président du Sénat
M. Jean-Claude Gaudin, vice-président du Sénat
Renforcement du dialogue social (Procédure accélérée - Suite)
ARTICLE 9 (Appelé en priorité)
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 9 (Appelé en priorité)
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier
Discussion des articles (Suite)
Demande d'avis sur une nomination
Renforcement du dialogue social (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Ordre du jour du mercredi 26 juillet 2017
SÉANCE
du mardi 25 juillet 2017
11e séance de la session extraordinaire 2016-2017
présidence de M. Hervé Marseille, vice-président
Secrétaires : M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle 26 questions orales.
Devenir des conventions ruralité
M. Alain Duran . - En 2014 ont été lancées les conventions pour une politique en faveur de l'école rurale et de montagne. Le Cantal a été le premier à en signer. Ces conventions prévoient l'accompagnement des territoires ruraux fragilisés par la baisse démographique en préservant et en mobilisant des moyens en personnels enseignants, les élus locaux s'engageant à réfléchir au réaménagement des réseaux d'écoles.
Il s'agit de construire une école rurale attractive et d'assurer un climat de travail serein entre élus et autorités académiques.
Les élus de plus de 40 départements sur les 66 identifiés ont décidé de contractualiser ; plusieurs autres conventions sont en préparation. L'État a accompagné cette démarche en apportant de la visibilité via des conventions triennales renouvelables et en limitant le nombre de suppressions d'emplois.
Quelles dispositions le ministre de l'éducation nationale entend-il prendre pour poursuivre la démarche des conventions ruralité et pour l'engager également en faveur des collèges en milieu rural ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - Merci de votre question et de votre rapport sur ce sujet des plus importants. Nous avons besoin d'une politique de long terme. Né en 2014, ce dispositif a porté ses premiers fruits, je m'inscris dans une logique de continuité. L'objectif est double : toucher tous les territoires concernés et tirer les conséquences qualitatives des premières expériences pour faire mieux dans l'avenir, et concevoir ensemble une deuxième génération de contrats, grâce à l'expertise et l'association de tous les acteurs. Il faut désormais passer à l'offensive, rendre les territoires ruraux attractifs et se libérer des seuls critères quantitatifs, car la baisse démographique dans le premier degré va s'accélérer.
Cette politique s'appuie sur la relance des internats en milieu rural, sur l'innovation pédagogique dans le premier degré et le collège, sur la capacité à attirer les familles, sur l'articulation avec le renouveau du service public en milieu rural. Nous sommes mobilisés.
M. Alain Duran. - Merci pour cette réponse. L'école reste souvent le dernier service public dans les territoires ruraux, et contribue à leur attractivité. Je me félicite de cette perspective de reconstruction.
Difficultés des viticulteurs (I)
M. Philippe Madrelle . - Les épisodes de gel catastrophiques des 24 et 28 avril derniers ont durement frappé le vignoble bordelais : plus de 100 000 hectares touchés. Cela a démontré l'importance de la couverture assurantielle pour les viticulteurs. Tous les agriculteurs doivent intégrer la gestion des risques climatiques, gel et grêle notamment, dans la gestion de leurs exploitations. Or seuls 20 % des viticulteurs de Gironde peuvent s'assurer, vu le coût exorbitant des primes d'assurances - sans compter la franchise de 25 %. Il faut impérativement rendre le système d'assurance plus attractif.
Les viticulteurs de Gironde multiplient les efforts pour maintenir leur activité et faire vivre le territoire, mais les tarifs prohibitifs des assurances sont un frein. Seule la solidarité nationale peut redonner espoir à la profession. Quelle réponse apporte le Gouvernement à ces agriculteurs en souffrance ?
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je rends hommage au secteur viticole qui porte l'image de notre pays. En avril, la France a connu deux épisodes de gel qui ont affecté nombre de régions.
Plusieurs dispositifs peuvent déjà être mobilisés : recours à l'activité partielle des salariés, dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti, report du paiement des cotisations sociales, mais aussi prise en charge partielle par l'État des frais de restructuration des prêts professionnels ou de la garantie bancaire. Enfin, les pertes de fonds peuvent être indemnisées.
Les comités départementaux d'expertise se prononceront : si le caractère exceptionnel des variations de température est confirmé, je reconnaîtrai rapidement le caractère de calamité agricole.
Autre mesure de gestion de crise pour aider à la résilience des exploitations, la possibilité d'acheter des vendanges à d'autres producteurs.
Le secteur viticole et celui des spiritueux sont un moteur essentiel de l'excédent commercial français. Il faut néanmoins souligner que les importations de vin espagnol sont en hausse. Je rencontre aujourd'hui mon homologue espagnol dans le cadre d'un comité mixte franco-espagnol afin d'avancer sur ce sujet.
M. Philippe Madrelle. - Merci, monsieur le ministre, mais j'insiste : il est urgent de revoir le fonctionnement de l'assurance récolte. Seulement 1 600 sur 8 000 viticulteurs girondins sont couverts. Il faut inciter les vignerons à souscrire massivement !
Retards de paiement des aides de la PAC
M. Michel Raison . - Un énième calendrier de paiement des aides de la PAC a été annoncé par le Gouvernement Philippe I : le règlement des retards se ferait fin juin 2017 pour les aides du premier pilier, fin juillet 2017 pour les indemnités compensatrices des handicaps naturels (ICHN) et en novembre 2017 pour les aides à l'agriculture biologique et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) de 2015. Un comble !
La complexité de mise en oeuvre de la nouvelle PAC 2015 explique quelques cafouillages, mais une telle accumulation des retards est inacceptable, dans un contexte de volatilité des prix et de fragilité : des agriculteurs ont dû vendre un tracteur pour dégager de la trésorerie !
Vous avez hérité de cette programmation et ces engagements vous obligent. Le calendrier sera-t-il respecté ? Surtout, il faut qu'une organisation soit mise en place pour éviter que cela ne se renouvelle. Pour redonner confiance dans l'action publique, il ne suffit pas de supprimer la réserve parlementaire - il faut surtout supprimer ce genre de cafouillages !
M. Roland Courteau. - Exactement.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Monsieur le sénateur, vous avez raison. Je comprends la colère des producteurs.
Mon prédécesseur Jacques Mézard a annoncé le 21 juin dernier un calendrier pour mettre un terme à ces retards accumulés. Je ne sous-estime pas les raisons qui y ont conduit, mais il s'agit de restaurer la parole de l'État auprès des agriculteurs qui sont confrontés à de grandes difficultés.
J'ai rencontré les services de l'Agence de services et de paiements (ASP) et leur ai demandé de renforcer les moyens humains mobilisés pour traiter en parallèle les chantiers de paiement du premier et du deuxième pilier. Je m'assurerai que les services d'économie agricole ont également les moyens nécessaires.
J'ai fixé les priorités suivantes : initier les paiements en novembre 2017 pour les MAEC et les aides au bio pour 2015 ; tout faire pour que les aides 2006 soient payées au plus tard en mars 2018 et initier dès juillet 2018 le paiement des MAEC 2017. La campagne de télé-déclaration s'étant achevée au 31 mai, le paiement des aides 2017 du premier pilier aura lieu dès février 2018. Un apport de trésorerie remboursable sera mis en place en octobre 2017 pour compenser le non-paiement des acomptes. Le calendrier habituel sera retrouvé en 2018, et tenu.
M. Michel Raison. - Monsieur le ministre, vous êtes en état de grâce, je vous fais confiance - mais nous serons vigilants. À long terme, il faudra simplifier le système. C'est la meilleure façon de faire des économies ! Nous vous y aiderons de façon constructive.
Difficultés des viticulteurs (II)
M. Roland Courteau . - Les épisodes de gel d'avril 2017 qui ont frappé le bassin viticole du Languedoc-Roussillon, et notamment l'Aude, font suite aux épisodes de grêle de 2014, à la sécheresse de 2016, et s'inscrivent dans un contexte de mévente et de concurrence déloyale des vins espagnols à bas prix. Or 20 % des viticulteurs sont assurés contre le gel...
Le Gouvernement doit prendre la mesure de cette catastrophe économique et sociale, notamment en prenant des mesures de dégrèvement d'impôt foncier, de cotisations à la MSA, de prise en charge des intérêts d'emprunt, d'accès au chômage partiel, pour permettre aux sinistrés de faire face à leurs besoins immédiats et assurer la pérennité de leur exploitation. Outre le lissage de l'impôt et une évolution de la fiscalité des stocks, il faut baisser le taux de déclenchement de l'assurance de 30 % à 20 % de pertes et augmenter la prise en charge des primes. Nous attendons beaucoup des pouvoirs publics !
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Les deux épisodes de gel du printemps 2017 ont frappé nombre de régions, dont l'Aude - toutefois moins touchée que d'autres...
M. Roland Courteau. - Je ne crois pas.
M. Stéphane Travert, ministre. - Selon les statistiques du ministère, notre production de vin sera en baisse de 17 % par rapport à 2016, à 38 millions d'hectolitres, ce qui est historiquement bas. Plusieurs mesures peuvent être prises - je les ai déjà détaillées à M. Madrelle. Face à la multiplication des intempéries, il est indispensable que les viticulteurs s'assurent. L'État soutient le développement d'une assurance récolte contre les risques climatiques, avec une prise en charge des primes jusqu'à 65 %.
Le secteur viticole est un moteur de croissance mais la hausse des importations de vin d'entrée de gamme attise les tensions avec nos amis espagnols. Je condamne les exactions perpétrées à la frontière à l'encontre des transporteurs de vins espagnols, d'autant plus que les contrôles n'ont pas mis en évidence de fraudes du côté espagnol. Les contrôles se poursuivront néanmoins pour assurer le bon fonctionnement du marché.
Il est nécessaire de dialoguer avec l'Espagne pour réduire l'impact des importations, et pour que les filières françaises puissent continuer à travailler et à exporter. Je présiderai aujourd'hui même un comité mixte franco-espagnol sur la question.
M. Roland Courteau. - Oui, il faut régler le problème des vins espagnols.
Vos annonces suffiront-elles à rassurer les vignerons sinistrés ? Cet épisode de gel a été le coup de grâce pour les producteurs de mon département. Le Gouvernement doit tenir compte de leur détresse.
Lycée français Louis Massignon à Abu Dhabi
Mme Claudine Lepage . - À Abu Dhabi, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a mis fin aux logements de fonction pour le personnel du lycée français Louis Massignon, afin de se mettre en conformité avec la loi locale. Les personnes concernées bénéficieront d'une compensation financière qu'elles qualifient de décente. Cette décision entraîne toutefois des difficultés liées au renouvellement des visas, pour lequel un contrat officiel de location est nécessaire - or les autorités locales expulsent les familles vivant dans des villas partagées en appartements, les colocations étant très strictement encadrées par la loi locale.
En outre, la loi impose le paiement par avance d'une année de loyer, déjà très élevé. L'établissement risque de se voir privé de son personnel actuel, et de peiner à trouver des remplacements. C'est l'existence même du lycée qui est menacée.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Nous devons nous conformer à la législation locale selon laquelle une emprise scolaire ne peut accueillir de logements. Les personnes qui avaient bénéficié de cet avantage ont donc été invitées à prendre leurs dispositions. Quatre d'entre elles ont demandé leur réintégration, un couple a été muté à l'étranger, sept autres se sont relogées sans difficulté. Pour les dix-huit personnels de droit local concernés, un dispositif compensatoire a été mis en place qui devrait leur permettre de se loger.
Les autorités françaises seront bien entendu aux côtés du personnel pour assurer le renouvellement des visas : je ne doute pas qu'un problème éventuel serait vite résolu.
S'agissant du paiement d'avance du loyer, il est délicat d'intervenir dans des transactions d'ordre privé.
Soyez rassurée quant à l'avenir du lycée. Des travaux sont prévus pour construire une nouvelle école maternelle, agrandir les espaces et rénover les anciens bâtiments. Nous sommes tous mobilisés pour assurer sa pérennité.
Mme Claudine Lepage. - Merci. Nous pouvons être fiers du réseau d'enseignement à l'étranger, outil remarquable de notre diplomatie d'influence. Néanmoins, son équilibre est menacé. Insuffisance de l'indemnité d'expatriation, non renouvellement des détachements, importance des frais de scolarité, pérennité des bourses : nos craintes sont fortes face aux coupes budgétaires annoncées...
Déploiement des réseaux numériques fixe et mobile
M. Hervé Maurey . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste) La France a pris un retard considérable dans le déploiement des réseaux numériques fixe et mobile : elle se classe au 27e rang des pays européens... Selon l'Agence du numérique, à la fin 2016, ce déploiement a commencé dans seulement 652 communes sur les 3 405 concernées, dans 480 d'entre elles la couverture est inférieure à 50 %. Cela découle du non-respect du principe de complétude et de la pratique de l'écrémage.
Malgré la baisse des dotations, les collectivités font des efforts d'investissement pour répondre à leurs administrés, mais les objectifs fixés par la loi Macron ne sont pas tenus : 570 centres-bourgs attendent encore d'être couverts en 2G. Même constat pour la 3G.
Le président de la République a annoncé lors de la Conférence nationale des territoires que l'ensemble du territoire serait couvert en 3G et en 4G d'ici deux ans, et en haut et très haut débit fin 2020.
Comment interpréter ces annonces ? L'échéance de 2022 est-elle avancée à 2020, ou 2020 reste-t-il un point d'étape ? Le recours à des techniques alternatives à la fibre n'est-il pas un marché de dupes, en termes de débit ? Que penser des annonces de SFR qui dit pouvoir couvrir le territoire en très haut débit sans argent public ? Comment arriver à la couverture 3G et 4G rapidement ? Comment résorber le retard ? Envisagez-vous des mesures contraignantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Deux minutes trente pour répondre à toutes ces questions, c'est un défi !
Le Gouvernement a conscience du retard de notre pays en la matière. Le président de la République a décidé d'accélérer les choses. C'est ainsi qu'il faut comprendre son annonce de couverture globale du territoire dès 2020 : ce sera un jalon intermédiaire, avant le très haut débit pour tous en 2022.
Dans les zones les plus enclavées où le déploiement de la fibre est très coûteux, nous n'avons d'autres choix que d'utiliser d'autres technologies. Nous n'avons pas de préférence pour l'une ou l'autre, dès lors que la couverture en haut débit est assurée dès 2020. La fibre pour tous reste l'objectif de long terme, mais il est irréaliste dans les cinq ans.
Nous avons demandé aux opérateurs leurs intentions de déploiement et les solutions qu'ils proposent pour respecter les objectifs. L'annonce de SFR est une bonne nouvelle, mais nous devons être méticuleux dans le respect des annonces. Les grandes lignes d'un plan d'action seront arrêtées à la rentrée. Nous serons fermes avec les moyens de l'État.
M. Hervé Maurey. - Merci. J'ai bien noté que 2020 n'est qu'un jalon intermédiaire et non une anticipation de l'échéance de 2022.
Tout cela n'est pas très nouveau : le précédent gouvernement, en février 2013, prévoyait un débit minimal de 3 à 4 mégabits/seconde pour tous fin 2017 ! En 2012, nous avions voté une proposition de loi imposant un débit de 2 mégabits/seconde pour tous au 31 décembre 2013 et de 8 mégabits au 31 décembre 2015...
J'espère que sur la téléphonie mobile, sujet plus pressant encore, les échéances seront tenues. Les annonces sont bien floues... « Veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions », tel était le titre du rapport que nous signions il y a deux ans avec Patrick Chaize. Il est toujours d'actualité !
Avenir des départements de la petite couronne
M. Christian Favier . - Lors de la Conférence nationale des territoires, le président de la République a annoncé vouloir simplifier drastiquement la structure du Grand Paris et reconnu que la création de la métropole sur le périmètre de la petite couronne n'avait apporté ni stabilité, ni efficacité.
L'objectif affiché de s'en tenir à deux échelons seulement sous celui de la région inquiète. Malgré les lois NOTRe et Maptam, qui semblaient avoir écarté la menace, ressurgit l'idée saugrenue de fusionner les trois départements de la petite couronne, qui jouent pourtant un rôle majeur pour la cohésion sociale. Ce serait un coup de force contre la démocratie locale.
Quels sont les projets du Gouvernement concernant la métropole du Grand Paris ? Selon quelle méthode de concertation et quel calendrier ? La majorité a été élue sur une promesse de changement des pratiques, nous attendons que la transparence soit au rendez-vous.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Le président de la République a exprimé ici même son souhait que nous renoncions à une vision trop uniforme du territoire.
Le regroupement de deux départements voisins formant un territoire d'un seul tenant, dans une même région, a été rendu possible par les lois de 2010 et de 2015. Vous connaissez mon attachement à l'échelon départemental, je l'ai assez prouvé. Le regroupement de deux départements doit être validé par décret en Conseil d'État. Les élus départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines ont voté le 30 juin dernier une délibération commune en ce sens, après un rapprochement initié en janvier 2016.
La fusion des deux départements ne saurait préempter les choix à venir concernant la métropole du Grand Paris. Une concertation approfondie a commencé, le sujet sera abordé à l'automne lors de la Conférence territoriale du Grand Paris. La structuration actuelle est trop complexe et inadéquate.
M. Christian Favier. - Je salue votre volonté de dialogue avec les élus locaux, mais ma question portait sur le sort des départements de la petite couronne, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine et Val-de-Marne. Nous avons besoin de connaître vite les pistes de travail du Gouvernement. Vous promettiez la transparence, on reste plutôt dans le flou artistique... J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez résister aux technocrates de Paris et de Bruxelles qui cherchent à affaiblir la démocratie de proximité au profit de superstructures, métropoles ou régions XXL. Comptez sur nous pour défendre les intérêts de la population, notamment les politiques publiques portées par le département.
Mme Laurence Cohen. - Bravo !
Coopératives d'utilisation des matériels agricoles
M. Jean-Marie Morisset . - La réglementation imposée aux coopératives d'utilisation des matériels agricoles (CUMA) est symptomatique des carcans administratifs que doit supporter le monde agricole. Créatrices de liens et de solidarité, les CUMA sont un outil de développement durable de notre agriculture, or la jurisprudence les considère comme des entreprises de service. Pour cette raison, les CUMA ne peuvent pas construire dans les zones agricoles et naturelles des communes, contrairement aux exploitants agricoles.
Une récente recodification du code de l'urbanisme autorise les bâtiments des CUMA dans les zones agricoles et naturelles des communes, sous réserve que ces dernières soient dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un PLU intercommunal, et à condition de le modifier. Qu'en est-il des communes qui sont sans document d'urbanisme, ou qui n'ont qu'une carte communale ? Dans les Deux-Sèvres, trois cents communes sont concernées.
Malgré l'engagement pris en son temps par le ministre de l'agriculture, la récente recodification ne permet toujours pas aux CUMA de construire dans les secteurs agricoles et naturels de nombreuses communes soumises au règlement national de l'urbanisme.
L'article 80 de la loi Macron facilite la réhabilitation et l'extension mesurée d'habitations agricoles. Ce qui a été fait ne pourrait-il être poursuivi pour les coopératives agricoles ? Comptez-vous modifier le code de l'urbanisme afin de satisfaire les demandes des CUMA et apporter ainsi un soutien au monde agricole ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Vous savez mon attachement au développement des territoires agricoles. Le précédent Gouvernement a travaillé avec la fédération nationale des CUMA pour faciliter la mutualisation tout en préservant les espaces agricoles et naturels.
La modification du code de l'urbanisme autorise, dans les zones A et N des PLU, les constructions et installations nécessaires au stockage et à l'entretien du matériel agricole. C'est une solution d'équilibre. Il est également possible de construire dans les communes couvertes par une carte communale, dès lors que le secteur constructible est délimité. Dans les communes régies par le règlement national de l'urbanisme, ces constructions seront soumises à une délibération motivée du conseil municipal et à l'avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers.
Il faut simplifier, dites-vous. C'est l'instruction que je donne à l'administration dans la préparation du projet de loi Logement. Mais cette simplification est parfois rendue difficile par les débats parlementaires, convenez-en !
M. Jean-Marie Morisset. - Il y a un fossé entre la réponse du ministre et l'application sur le terrain ! Il aurait été plus simple de régler le cas des communes soumises au RNU lors de la recodification. Le préfet des Deux-Sèvres a dû demander des précisions, car les services encouragent à élaborer des PLU et PLUI pour avoir l'autorisation de construire ! Bref, il faut clarifier les règles.
Redécoupage des zones de revitalisation rurale
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Le redécoupage des ZRR par le décret du 16 mars 2017 a pris effet le 1er juillet dernier : le zonage s'effectue désormais au niveau du périmètre intercommunal, et non plus à l'échelle communale ; il est fondé sur les critères de la densité de population et du revenu par habitant.
De ce fait, un grand nombre de communes ont été extraites des ZRR. Dans mon département des Alpes-Maritimes, sept communes sont entrées dans le dispositif, tandis que vingt en sont sorties. Si ces dernières bénéficient des effets des ZRR durant une période transitoire de trois ans, ce sursis n'aidera pas les élus à maintenir sur leur territoire acteurs et opérateurs économiques.
Créées en 1995, les ZRR sont un élément fondamental pour le maillage territorial grâce à des exonérations d'impôts nationaux et locaux qui font l'unanimité.
Une des dernières propositions de loi que vous avez déposée au Sénat avant d'être nommé au Gouvernement, monsieur le ministre, visait à revenir au mécanisme antérieur des ZRR devant l'injustice de la nouvelle législation pour les communes très rurales ou isolées.
Porterez-vous cette ambition en tant que ministre ou envisagez-vous de nouveaux critères ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Merci de faire référence aux textes que j'ai déposés lorsque j'étais encore parmi vous. Vous le savez, je n'ai pas l'habitude de revenir sur ce que j'ai dit. J'ai qualifié hier et je qualifie aujourd'hui de néfaste et d'inéquitable la réforme des ZRR de 2015.
La question est : comment réparer l'injustice ? Certains départements ruraux ou de montagne n'ont que des communes qui sortent du dispositif. D'autres, telle la Vendée, que des communes qui y entrent. M. Bruno Retailleau serait certainement contre un retour en arrière. Face à cette situation, j'ai demandé à mes services une expertise pour limiter les conséquences de la sortie du dispositif.
Vous le savez, cette réforme critiquable a été prise sur les bases d'un rapport commandé par le Gouvernement à deux députés, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition, l'un du Cantal et l'autre de Haute-Loire. On voit là les dangers des missions parlementaires...
À nous, à présent, de trouver une solution pour sortir de cette situation difficile. Je ne doute pas que vous m'apporterez votre concours et proposerez des amendements. Je maintiens ma position : ce dispositif n'est pas juste.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Monsieur le ministre, je n'en attendais pas moins de vous. L'injustice est flagrante, et j'espère que nous trouverons des solutions et, en particulier, pour les communes les plus rurales et les moins densément peuplées, victimes d'une réforme entreprise au détour d'un amendement à la loi de finances rectificative dix-huit mois après son adoption.
Téléphonie mobile dans les zones rurales
M. Mathieu Darnaud . - À l'heure où l'on généralise la fibre optique dans les villes, de nombreux territoires ruraux sont encore trop mal desservis par la téléphonie mobile. Or un accès équitable des Français aux télécommunications est indispensable à la cohésion entre les territoires. Je vous sais sensible, monsieur le ministre, à la question. L'État doit agir avec les opérateurs en faveur d'un déploiement qui tienne compte des spécificités locales.
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'Arcep, a demandé aux opérateurs de finaliser leur déploiement le 30 juin 2017, conformément à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Nous sommes loin du compte : dans les zones dites « blanches » ou « grises », couvertes par un seul opérateur, la couverture des communes demeure très partielle.
Dans mon département de l'Ardèche, ces problèmes affectent particulièrement les communes de Saint-Laurent-les-Bains, Laval-d'Aurelle, Pranles, Saint-Sauveur-de-Montagut, Issamoulenc, Saint-Julien-du-Gua et Chazeaux.
Cette situation n'est pas uniquement due aux manquements des opérateurs mais également aux pouvoirs publics qui tardent à faire construire des pylônes mutualisés.
D'après les informations que vous avez récoltées par le biais de la plateforme France Mobile lancée le 12 décembre 2016, quels investissements publics comptez-vous engager pour rattraper le retard ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - La couverture en téléphonie mobile est une priorité de ce Gouvernement, le président de la République a pris des engagements formels.
La situation actuelle est absolument insuffisante. Inutile de me la détailler, je la connais bien : le téléphone mobile ne fonctionne que devant la porte de la mairie.... Après le programme « zones blanches - centres-bourgs » et la couverture de 4 000 points en zone blanche, la loi du 6 août 2015 a obligé les opérateurs à couvrir les centres-bourgs en 3G. L'Arcep publiera demain un bilan établi au 30 juin 2017. Les communes que vous citez bénéficient depuis peu de la 3G.
Il nous appartient désormais de veiller à ce que les 541 centres-bourgs nouvellement identifiés en zone blanche depuis 2016 soient rapidement équipés. L'État a engagé 30 millions d'euros pour soutenir les collectivités territoriales.
Vous le voyez : le Gouvernement a la volonté forte de traiter ce problème. L'exercice est complexe et coûteux. France Mobile a déjà enregistré plus de 3 500 signalements d'élus locaux. Ce travail sera achevé à la fin de l'année pour passer au déploiement de la 4G, que nos concitoyens attendent avec impatience.
M. Mathieu Darnaud. - Merci pour votre volontarisme. La couverture en téléphonie est consubstantielle à la cohésion des territoires. Le sujet est d'autant plus important que, en raison d'une défaillance de l'opérateur historique, certains territoires, dont le Haut-Vivarais, sont privés de téléphonie fixe depuis trois mois. L'accès aux télécommunications est une question, non de confort, mais de sécurité. (MM Loïc Hervé et Cyril Pellevat applaudissent, de même que Mme Marie-Annick Duchêne.)
Situation de l'aide à domicile
M. Dominique Watrin . - La situation du secteur de l'aide à domicile, sur laquelle j'ai fait un rapport il y a trois ans, est préoccupante : les élus locaux sont désorientés, les responsables de structures aux aguets et les salariés à bout. Ces derniers, à 95 % des femmes, paient de leur santé le manque de financement public : accidents du travail quatre fois supérieurs à la moyenne, explosion des burn-out et des arrêts maladie.
Dans la loi d'adaptation de la société au vieillissement a été votée une revalorisation : augmentation d'un point d'indice et des indemnités kilométriques de 2 centimes d'euros. « Même pas une baguette par jour », avais-je dit à la ministre. Dix-huit mois après, ces maigres avancées ne sont pas totalement appliquées : certains départements retiennent les fonds, d'autres disent ne pas avoir reçu d'enveloppe budgétaire de l'État pour les frais kilométriques, des associations rechignent...
Madame la ministre, je m'inquiète que cette question ne figure pas dans les priorités de votre feuille de route. Il faut sanctionner les récalcitrants et rémunérer le service au juste prix estimé à 24,24 euros de l'heure par la CNSA en 2013. Le secteur fait face à une crise de recrutement alors que nous parlons d'emplois utiles et non délocalisables.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - J'ai reçu l'ensemble des acteurs il y a quinze jours. Le maintien à domicile des personnes âgées est et restera une priorité. L'APA a été réformée pour exonérer de participation financière les bénéficiaires les plus modestes, alléger le reste à charge des bénéficiaires, en particulier ceux dont les plans d'aide sont les plus lourds. Les plafonds nationaux de l'APA ont été portés jusqu'à 400 euros par mois pour le niveau de perte d'autonomie le plus élevé. Le financement est garanti de manière durable par la CASA. Je serai très attentive à l'application de ces mesures. Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a été créé un fonds d'appui de 50 millions d'euros. Cinquante départements sont en train de conventionner avec la CNSA pour en bénéficier. Les services d'aide et d'accompagnement à domicile des autres départements peuvent également solliciter l'aide à la restructuration auprès des agences régionales de santé.
Un groupe de travail examinera dès septembre les meilleures solutions de financement tant pour les usagers que pour les structures. Le dialogue avec les collectivités territoriales se poursuivra dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
M. Dominique Watrin. - L'aide à domicile n'est pas un coût, mais un investissement. Vous avez rappelé l'existant ; pour le reste, vous me renvoyez à un groupe de travail. Il y a urgence ! Ce secteur, vivier de 300 000 emplois non délocalisables, traverse une crise de recrutement à cause de la baisse de la participation de l'État. J'en profite pour attirer votre attention sur une décision récente de la Cour de cassation qui oblige les structures à rémunérer le temps de travail entre les vacations. Comment allez-vous les aider à appliquer la loi ?
Couverture vaccinale
Mme Laurence Cohen . - Le 8 février 2017, le Conseil d'État a demandé au ministère de la santé de saisir les autorités compétentes, dans les six mois, en vue d'assurer la disponibilité de vaccins correspondant aux seules obligations de vaccinations antidiphtérique, antitétanique et antipoliomyélitique.
Madame la ministre, le 15 juin dernier, vous avez annoncé vouloir étendre à onze la liste des vaccins obligatoires ; c'est une façon de répondre à la décision du Conseil d'État tout en la détournant.
La couverture vaccinale décline pour des raisons multifactorielles. Les scandales sanitaires, les liens et conflits d'intérêts mis en lumière, le refus de remise sur le marché de vaccins sans adjuvants aluminiques y sont pour beaucoup.
Votre décision valide, dans les faits, la stratégie des laboratoires et leur obstination à ne pas respecter l'obligation vaccinale en sortant un vaccin à trois valences. L'industrie pharmaceutique est en mesure d'influencer la politique vaccinale, y compris en organisant la pénurie ; c'est grave.
Madame la ministre, comment allez-vous mettre l'industrie pharmaceutique au service de la santé publique ? Allez-vous créer les conditions de la mise en oeuvre de la licence d'office ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Merci de m'avoir interrogée sur ce sujet, extrêmement important pour la santé publique.
La différence entre vaccins obligatoires et vaccins recommandés est le produit de l'histoire. On pensait que la couverture vaccinale s'étendrait naturellement. Or on voit se développer un mouvement de méfiance au pays de Pasteur en raison des facteurs que vous avez indiqués mais aussi de l'épisode de la grippe H1N1.... Nous sommes loin des 95 % de couverture vaccinale recommandés par l'OMS : un taux de 80 % pour la rougeole et de moins de 70 % pour la méningite.
Les vaccins sont très peu profitables pour l'industrie pharmaceutique qui gagnerait plutôt à vendre des antibiotiques. La licence d'office n'est pas une solution car elle est trop peu incitative.
Grâce au vaccin, l'Amérique latine a réussi à éradiquer la rougeole, qui a tué encore dix enfants chez nous ces dix dernières années. Et notre couverture ne cesse de diminuer...
Mme Laurence Cohen. - La solution, c'est d'écouter les jurys de citoyens et des professionnels de santé, animés par le président Fischer : les sels d'aluminium sont les plus grandes sources de craintes en raison de leurs effets secondaires. Pourquoi ne pas les écarter ? Quand allez-vous obliger les laboratoires à proposer des vaccins sans ces adjuvants ?
Le Brésil, lui, a réussi à imposer la licence d'office. En France, nous n'avons malheureusement pas de laboratoires publics... La couverture vaccinale pour la rougeole est de 90 % (la ministre le conteste.) et ne cesse de croître. C'est déjà beaucoup pour un vaccin non obligatoire. Rien ne justifie des mesures coercitives.
Transport des greffons
M. Gilbert Bouchet . - J'ai proposé il y a deux ans un amendement pour la coordination du transport des greffons, qui doit être assuré dans des conditions optimales de sécurité. Les CHU avaient demandé le lancement d'une réflexion avec l'Agence de la biomédecine. Une énième mission a été confiée à l'IGAS.
Il est temps d'agir. Les systèmes de transports aériens de province et de l'AP-HP ne sont pas coordonnés ; les fermetures nocturnes de nombreux aéroports compliquent la manoeuvre logistique ; les militaires, habitués à une chaîne opérationnelle unique et cohérente, se démobilisent. La solidarité nationale est gaspillée.
Madame la ministre, vous avez, le 19 juin dernier, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, déclaré que vous ne seriez pas une ministre qui légifère mais une ministre qui expérimente. Pouvez-vous simplifier le transport des greffons en réunissant dès à présent les acteurs concernés et en lançant une expérimentation de six mois ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Le transport des organes est un maillon essentiel de notre politique de greffe ; il doit être optimisé et rationalisé pour éviter des pertes. Pour avoir siégé durant dix ans au conseil scientifique de l'Agence de la biomédecine, je connais bien le sujet.
Le ministère a saisi l'IGAS en 2016, dont le rapport, remis en mars 2017, dessine quatre pistes : mutualiser les moyens des établissements de santé pour les transports ; élargir le rôle de l'Agence de la biomédecine à la supervision des transports ; transférer la compétence des transports de longue distance à l'Agence ; et, enfin, confier à l'agence l'ensemble des transports. Ces différents scénarios nécessitent une expertise du ministère.
Les délais de transport doivent certes être réduits, mais je veux rendre hommage à la coordination hospitalière et aux professionnels, qui font un travail remarquable.
La question du transport des greffons ne peut pas être isolée de l'organisation des prélèvements chirurgicaux, qui pose problème dans certains établissements. La réflexion se poursuit, dans le cadre d'un groupe ministériel.
M. Gilbert Bouchet. - Nous attendons toujours des éléments concrets, après les rapports et les réflexions. J'espère que vous me tiendrez au courant des évolutions.
Tarification des Ehpad
M. Alain Milon . - La situation des personnes âgées dépendantes est préoccupante. La réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) fragilise ce secteur et risque d'avoir un fort impact sur les personnes âgées les plus fragiles et les ménages les plus modestes.
Avec plus de 200 millions d'euros de retrait de financement, le reste à charge des personnes non bénéficiaires de l'aide sociale pourrait augmenter du fait de la libéralisation des tarifs d'hébergement des établissements publics.
La crise a fragilisé les personnes âgées et les ménages aux revenus modestes. La réforme en cours vient directement impacter leur quotidien dans un moment de vulnérabilité aiguë.
Je demande que les modalités de calcul du point des groupes iso-ressources départemental soient réexaminées et souhaite savoir quel modèle de financement pourrait être proposé. Quelles sont vos intentions précises ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Nous avons favorisé le maintien des personnes âgées à domicile : conséquence, elles arrivent en Ehpad dans un état de dépendance plus avancé. Cela interroge notre modèle de financement. L'objectif de la réforme était de rétablir l'équité dans le financement en organisant la convergence progressive des dotations autour du tarif départemental moyen. La convergence tarifaire, à la hausse comme à la baisse, est étalée sur sept ans. D'après ce que j'ai entendu dire, 70 % des Ehpad y gagneront.
En outre, pour 2017, 100 millions de crédits supplémentaires de l'assurance maladie sont mobilisés. Un comité de suivi, associant ADF, administrations centrales, ARS et établissements sera mis en place dès septembre pour faire émerger les difficultés éventuelles et étudier l'impact financier et organisationnel de la réforme. Les questions du coût de l'hébergement et du reste à charge seront abordées. Elles renvoient, pour moi, à un questionnement sur notre organisation : faut-il prévoir un intermédiaire entre soins à domicile et Ehpad ? Dans cette réflexion, je m'appuierai également sur les travaux, bientôt finalisés, du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge.
M. Alain Milon. - La réforme de la tarification met en danger le budget dépendance avant tout. Je vous mets en garde : les Ehpad publics sont tout particulièrement mis en difficulté. La convergence se traduit par un déplacement de 200 millions du public vers le privé.
Financement de l'hôpital Marie-Lannelongue
Mme Isabelle Debré . - Établissement de santé privé d'intérêt collectif de secteur 1 installé au Plessis-Robinson, l'hôpital Marie-Lannelongue jouit d'une réputation internationale d'excellence. Il est spécialisé dans la chirurgie thoracique et cardiovasculaire de l'enfant et de l'adulte, le traitement chirurgical ou angioplastique de l'hypertension artérielle pulmonaire et la chirurgie des cancers du thorax. Il a noué des partenariats avec trois établissements de pointe.
Rançon de ses pratiques innovantes, le taux de recours de cet hôpital s'est élevé à 37 % en 2016 alors que la moyenne nationale des centres hospitaliers universitaires était inférieure à 10 %. La dotation budgétaire au titre des missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation est très insuffisante pour y faire face et diminue tous les ans. Malgré l'amélioration constante des processus de production et de gestion au sein de l'établissement, sa spécificité de recours n'est pas compensée à sa juste valeur. Envisagez-vous une dotation spécifique et pérenne pour lui permettre de poursuivre ses activités ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Vous avez raison : la réputation d'excellence de cet hôpital est reconnue dans le monde entier.
La dégradation de sa situation financière est due à la baisse brutale de l'activité du pôle coeur congénital, fortement valorisée dans les tarifs. Après le départ de son chef de pôle, l'établissement a enregistré une perte de recettes de près de 10 millions d'euros en deux ans. L'établissement a aussi dû faire face depuis 2013 à une baisse des dotations MERRI.
L'aide exceptionnelle de l'ARS en 2014 n'a pas vocation à se pérenniser. Les établissements monothérapeutiques sont trop dépendants des variations de tarifs. Aussi l'Agence a-t-elle proposé un plan de retour à l'équilibre de 10 millions, appuyé sur un repositionnement de l'activité autour d'un nouveau projet médical ambitieux en lien avec d'autres établissements.
Mme Isabelle Debré. - Merci. Je ne manquerai pas de transmettre cette réponse aux responsables de l'établissement. Je ne doute pas qu'ils se mettront bientôt en contact avec vous pour trouver une solution afin que cet établissement reste d'excellence.
Cancers de l'amiante
M. Yannick Vaugrenard . - D'ici à 2025, 100 000 personnes risquent de décéder du fait de leur exposition à l'amiante.
Ceux qui, par une négligence coupable, n'auront pas permis d'éviter ce drame doivent être jugés et condamnés. Or, dans une vingtaine de dossiers déposés avec le soutien de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, les conclusions de l'instruction en juin 2017 ouvrent la voie vers un non-lieu et, donc, vers l'absence de procès. Les juges estiment qu'il est impossible de dater le moment de la commission de la faute et donc d'en imputer une responsabilité. Cette décision est particulièrement grave pour les victimes de l'amiante.
Les industriels qui ont sciemment prolongé l'utilisation d'un matériau qu'ils savaient mortel, ceux qui ont laissé faire et les lobbyistes du Comité permanent de l'amiante qui ont milité contre l'interdiction doivent être jugés.
Ces crimes industriels doivent être instruits en tenant compte de la gravité des fautes commises.
Enfin, toutes les leçons de cette catastrophe doivent être tirées afin que nos enfants et nos petits-enfants ne connaissent jamais plus de telles tragédies. Au-delà de l'amiante, cette décision pourrait augurer de décisions similaires sur les pesticides, dans vingt ou trente ans.
Notre démocratie traversant une période de grande fragilité, les prises de position sur un sujet aussi sensible sont attendues avec impatience et espérance.
Les pollueurs de l'amiante, comme les pollueurs de tout autre produit dangereux, devraient être les payeurs. Quelle est votre position ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Vous le savez, l'amélioration de la prévention est l'une de mes priorités.
La justice a été saisie, il ne m'appartient pas de commenter ses décisions. En revanche, il est de mon ressort de veiller à l'indemnisation des victimes. Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a été créé il y a plus de quinze ans. L'amiante est la première cause de décès due au travail, et 2 milliards d'euros sont dépensés à ce titre par la branche AT-MP chaque année.
Nous sommes face à une « épidémie » de pathologies faisant de l'amiante un enjeu majeur de santé publique : 5 000 nouveaux cas sont détectés chaque année, dont 1 000 cas de cancers. Depuis l'interdiction de l'utilisation de la substance, un plan interministériel a été mis en oeuvre, qui repose sur cinq piliers : la diffusion de l'information, la professionnalisation des acteurs, la mise en oeuvre de la réglementation, le soutien à la recherche et au développement et le développement des outils de suivi des pathologies. Un portail Internet a été mis en ligne sur le site du Conseil général de l'environnement et du développement durable.
Comment prévenir de nouveaux scandales ? Les produits phytopharmaceutiques font l'objet d'une évaluation préalable au niveau européen. La liste des produits dangereux doit être régulièrement mise à jour, là est l'enjeu. L'État continue à prendre toutes les mesures pour une élimination progressive de l'utilisation des pesticides. Ce sera une des priorités de la stratégie nationale de santé dont vous aurez le détail d'ici à la fin de l'année.
M. Yannick Vaugrenard. - Le passé a causé une détresse humaine et financière. Lorsqu'il y a injustice, l'État doit jouer son rôle pour que nous puissions véritablement dire à nos enfants et petits-enfants : « plus jamais ça ».
Déductions fiscales de la Fondation du patrimoine
M. Yannick Botrel . - Il importe de conserver notre patrimoine immobilier pour le transmettre aux générations à venir. Or la loi « liberté de création, architecture et patrimoine » de juillet 2016 n'a pas trouvé de solution pour les propriétaires occupants dans les villes à secteur sauvegardé : eux ne peuvent pas disposer des aides de la Fondation du patrimoine au prétexte qu'ils bénéficient de la loi Malraux qui ne leur garantit plus d'avantages... Les biens se dégradent rapidement.
Madame la ministre, êtes-vous favorable à un élargissement du dispositif pour permettre aux propriétaires occupants de restaurer leur logement ?
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture . - La loi a regroupé sous l'appellation de sites patrimoniaux remarquables un ensemble de zones, dont les villes à secteur sauvegardé. À la suite de cette évolution, et toujours dans un objectif de simplification, nous avons souhaité, en lien avec Bercy, mettre en cohérence les dispositifs fiscaux associés. Dès la loi de finances rectificative pour 2016, nous avons permis d'appliquer à ces sites patrimoniaux remarquables la fiscalité dite « Malraux », en vigueur dans les anciens dispositifs. Seconde mesure que j'ai le plaisir de vous annoncer ce matin, une révision de la doctrine fiscale en faveur du patrimoine. L'ensemble des nouveaux sites patrimoniaux remarquables seront éligibles au label délivré par la Fondation du patrimoine : les propriétaires pourront bénéficier des déductions fiscales au titre des travaux de protection du patrimoine.
Je veux rendre hommage au travail des bénévoles, complémentaire à celui de l'État.
M. Yannick Botrel. - Merci pour cette réponse très technique. La désertification des centres-villes, le risque accru de la clochardisation de l'habitat sont de réels problèmes.
Emplois d'avenir
Mme Nicole Bonnefoy . - Les aides à l'accompagnement des jeunes au travers des missions locales sont actuellement bloquées. Le Premier ministre a indiqué qu'il jugeait élevé le coût de tels contrats, et souhaitait dès lors ne plus y recourir que de façon maîtrisée.
Le bilan établi à la fin de l'année 2016 prévoyait qu'un an après la signature de leur contrat, trois jeunes sur quatre en emploi d'avenir auraient bénéficié d'une formation et un sur deux d'une formation certifiante. Plus de 325 000 contrats d'emplois d'avenir ont été signés depuis 2012, et 51 % des jeunes inscrits ont trouvé un emploi dans les six mois suivant la fin de leur contrat. Depuis le début de sa mise en oeuvre, ce dispositif a incontestablement réussi à améliorer l'accès à l'emploi des jeunes.
Quelles sont les intentions réelles du Gouvernement à son égard?
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Pénicaud, retenue par l'examen du projet de loi d'habilitation sur le dialogue social devant votre commission des affaires sociales.
Le soutien à l'insertion professionnelle des publics les plus éloignés du marché du travail est une priorité du Gouvernement, qui doit également tenir compte de la conjoncture économique et de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques. La mobilisation des emplois d'avenir intervient en complément d'une palette d'outils destinés à faire en sorte que chaque jeune puisse réaliser son projet. Ainsi, en matière de formation, les jeunes sont l'un des publics prioritaires du plan d'investissement dans les compétences.
Nous souhaitons aussi renforcer, faciliter et sécuriser l'apprentissage, afin d'amener les jeunes en difficulté vers l'alternance et de les accompagner pour éviter les ruptures de contrats.
Dans ce cadre, le volume d'emplois d'avenir a vocation à diminuer. Le nombre total des emplois d'avenir s'élèvera en 2017 à plus de 39 000, soit 4 000 de plus que prévu en loi de finances initiale. Il ne s'agit donc pas d'y mettre un terme ; nous recherchons bien plus la qualité de ces contrats. L'évaluation complète de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) qui sera publiée à l'automne prochain nous fournira un utile élément d'appréciation de la performance de ce dispositif. Parallèlement, nous étudions l'opportunité de transposer certains paramètres des emplois d'avenir aux autres catégories de contrats aidés. Enfin, nous souhaitons renforcer une approche décloisonnée de l'ensemble de ces outils au service des jeunes.
Mme Nicole Bonnefoy. - Même s'il s'agit de réduire le dispositif, cela nous inquiète car il fonctionne bien. Étudions plutôt la possibilité de le prolonger. Nous restons vigilants.
Conséquences pour les contribuables de la création d'une commune nouvelle
M. Michel Vaspart . - Une augmentation quasi automatique et très sensible de la taxe d'habitation est constatée par les contribuables de communes fusionnées en une commune nouvelle, à cause de l'absence de prise en compte de la réduction de la part départementale de la taxe d'habitation (TH) - dit « débasage de la TH » - lors des votes des taux de fiscalité de la commune.
Ainsi, dans mon département des Côtes-d'Armor, le maire de la commune nouvelle de Beaussais-sur-Mer, fusion des communes de Plessix, Ploubalay et Trégon, m'a alerté sur l'augmentation très forte de cette taxe, particulièrement pour les familles de trois enfants et plus.
Les services de la Direction générale des collectivités locales comme ceux de la Direction générale des finances publiques ont bien identifié ce problème, qu'ils qualifient d'anomalie, mais la solution proposée pour y remédier n'est pas sécurisée juridiquement. C'est pourquoi certaines communes hésitent à y recourir. Or il reste peu de temps, puisque le président de la République a hélas annoncé, il y a quelques jours au Sénat, la suppression progressive de la majeure partie de la taxe d'habitation, qui inquiète très fortement toutes les collectivités locales.
Si la taxe d'habitation est supprimée, à quelle hauteur les communes nouvelles seront-elles compensées ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Cette hausse ne relève pas d'un problème de taux mais se rapporte aux abattements, communaux et intercommunaux, liés au transfert de ceux qui étaient en vigueur, au sein de la part départementale, à la date de la réforme de la taxe professionnelle en 2011.
En effet, les abattements sont harmonisés sur délibération de la commune nouvelle ou, faute de délibération, conformes au droit commun. Les corrections d'abattements sont supprimées. La taxe d'habitation peut donc augmenter sur le territoire d'une commune nouvelle, faute de délibération, pour harmoniser son régime d'abattement ou parce que le nouveau régime d'abattement a été harmonisé sans tenir compte des corrections. La commune nouvelle de Beaussais-sur-Mer aurait pu harmoniser ses abattements en majorant, selon l'article 1411 du code général des impôts, d'un ou plusieurs points l'abattement pour charge de famille.
En tout état de cause, le conseil municipal pourra délibérer avant le 1er octobre 2017 pour corriger les abattements à compter de 2018.
Quant à la réforme prévue de la taxe d'habitation, elle concernera bien sûr les communes nouvelles. La compensation se fera à l'euro près.
M. Michel Vaspart. - Merci pour cette réponse technique et complète, que je communiquerai au maire de Beaussais-sur-Mer.
Accueil des gens du voyage
M. Loïc Hervé . - Mon interpellation de ce matin reflète une actualité criante dans l'ensemble de la Haute-Savoie, du Chablais à la frontière genevoise, de la vallée de l'Arve aux bords du lac d'Annecy ou dans l'Albanais. Et j'associe mes collègues ici présents à mes côtés Jean-Claude Carle et Cyril Pellevat.
Les habitants, les entreprises et les agriculteurs subissent les installations illicites quand les forces de l'ordre et les élus ne sont plus en mesure de gérer la situation. Notre incapacité collective décrédibilise l'action de l'État et celle de la justice.
Les élus locaux ont à grands frais, en investissement comme en fonctionnement, créé des installations d'accueil, et j'en parle en connaissance de cause, comme maire et président d'intercommunalité, en faisant preuve d'un certain courage politique. La Haute-Savoie, en pleine saison touristique, ne peut s'accommoder des installations illicites.
La loi Besson doit être revue. Nous sommes en pleine saison touristique. Quelles initiatives, quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour remédier à ce problème ? (MM. Jean-Claude Carle et Cyril Pellevat applaudissent.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Les installations illicites, qui n'ont pas lieu qu'en Haute-Savoie, suscitent des amalgames dangereux avec la majorité des gens du voyage.
En effet, quand ceux-ci respectent la loi, il faut également la respecter à leur égard et leur permettre de s'installer sur les aires d'accueil. Or, en juin, le préfet de votre département a été obligé de réquisitionner des engins du SDIS pour permettre l'accès à une aire dédiée, bloquée par le maire et des agriculteurs.
En Haute-Savoie, les demandes d'expulsions à la suite d'une occupation illicite ont augmenté de 50 % en trois ans. Comptez sur moi pour demander aux préfets d'agir en ce sens. L'évacuation des occupants illicites est conditionnée, pour la commune demandeuse, au fait d'avoir satisfait à ses obligations au titre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage.
Le cadre juridique a beaucoup évolué depuis la loi Égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 - je pense à l'abrogation des titres de circulation notamment. Nous sommes en train de prendre les décrets d'application de cette loi. Nous en tirerons ensuite toutes les conséquences, et apprécierons s'il faut à nouveau modifier le cadre légal.
J'ajoute enfin qu'à la demande de plusieurs élus de Haute-Savoie, je vous recevrai ce jeudi avec une délégation d'élus. (MM. Jean-Claude Carle, Loïc Hervé et Cyril Pellevat applaudissent.)
M. Loïc Hervé. - Merci. Nous avons besoin d'être compris, nous avons besoin d'action. Il faut une réponse collective, ferme. Nous serons attentifs aux solutions qui pourraient nous être apportées. Je le redis, elles doivent être aussi législatives. Tel est le sens de la proposition de loi déposée par Jean-Claude Carle et de celle que je déposerai prochainement. (MM. Jean-Claude Carle et Cyril Pellevat applaudissent.)
Présence judiciaire dans l'Aisne
M. Antoine Lefèvre . - Dans le cadre de la préparation de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les ministères de la justice et des affaires sociales ont rendu conjointement, en février 2016, un rapport sur le transfert des contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) et commissions départementales d'aide sociale (CDAS) vers les nouveaux pôles sociaux des tribunaux de grande instance.
L'objectif recherché, « offrir une justice de qualité, proche des citoyens », est louable. Mais cela aboutirait à la concentration exceptionnelle d'un pôle économique et social à Saint-Quentin, au détriment de Laon, ville-préfecture, faisant fi de l'éloignement géographique qui augmenterait considérablement pour de nombreux justiciables, de l'efficacité du TASS de Laon et des locaux du conseil de prud'hommes de Laon qui ont les capacités logistiques et immobilières d'accueillir le TASS de Laon au sein d'un pôle cohérent et efficace.
Quelles actions comptez-vous mettre en place afin de consolider la présence d'un pôle social à Laon et quels moyens et décisions comptez-vous prendre afin de garantir l'équilibre judiciaire ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - À ce stade, aucune décision n'est prise sur l'implantation des nouveaux pôles sociaux. Des comités locaux de pilotage, composés des acteurs de toutes les instances regroupées, ont été constitués. Leurs observations sont remontées il y a peu à la Chancellerie, et nos services les examinent en ce moment. Une réflexion globale associant à ces aspects la simplification et la dématérialisation des procédures sera conduite.
Soyez assuré que je serai particulièrement attentive au maintien des équilibres et à la proximité des institutions dans votre département. Les contentieux relevant du TGI d'Amiens pourront être traités à Laon : c'est une amélioration de l'accessibilité dans l'Aisne, monsieur le sénateur.
M. Antoine Lefèvre. - Merci pour votre réponse.
Ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse
M. Daniel Chasseing . - La ligne POLT, la plus rapide de France dans les années 1960, souffre depuis plusieurs années d'équipements vétustes et de retards chroniques, sans compter qu'il est quasiment impossible d'utiliser les réseaux téléphoniques et mobiles, ce qui pénalise les usagers de cette ligne, en particulier les décideurs économiques.
Où en est l'appel d'offres des futures rames ? Quand seront-elles livrées ? La LGV Paris-Limoges est le seul axe ferroviaire vers la capitale...
Le rapport remis au président de la République sera-t-il rendu public, et ses préconisations mises en oeuvre ? On dit qu'il ne restera plus que la liaison Tulle-Bordeaux. La Haute-Corrèze est déjà fragilisée par la disparition de la ligne Ussel-Clermont-Ferrand, ce qui pénalise de nombreux étudiants et patients. Le sort de ces lignes préoccupe les habitants de nos territoires.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Cette ligne est une ligne structurante du réseau des TET. Doublant le rythme d'investissement des années précédentes, 500 millions d'euros seront consacrés à la modernisation des infrastructures, et 120 millions d'euros sont prévus dans le cadre du contrat plan État-région (CPER).
L'acquisition de matériel adapté fait en effet l'objet d'un appel d'offres de SNCF Mobilités, lancé en décembre dernier et souhaité par l'État.
Une réunion avec les collectivités territoriales concernées est prévue à la rentrée pour examiner les conclusions du rapport Delebarre.
Le Gouvernement a pour priorité l'entretien et la régénération des réseaux existants. En effet, les transports du quotidien offrent à chacun des solutions alternatives à la voiture.
M. Daniel Chasseing. - Merci pour cette réponse. Il est urgent d'aménager la ligne POLT, ce qui réparerait l'injustice dont souffrent les départements ruraux desservis.
Développement des ports Axe Seine
Mme Agnès Canayer . - Regroupés au sein de l'entité Haropa (Le Havre-Rouen-Paris), les ports de l'Axe Seine, reliés à l'Arc atlantique, forment une véritable porte d'entrée maritime pour le commerce extérieur français. Ils sont toutefois en concurrence avec les ports du nord de l'Europe, Rotterdam, Hambourg, Anvers.
Les ports normands subissent deux handicaps majeurs.
Le premier est lié à l'impossibilité de massifier le transport de marchandises en raison d'une liaison ferroviaire inadaptée aux enjeux. À Anvers, deuxième port d'Europe, où tout est mis en oeuvre pour favoriser son attractivité, 40 % des marchandises sont acheminées par voie fluviale et 13 % via le fret ferroviaire, quand seulement 5 % des marchandises du Grand Port maritime du Havre transitent par le ferroviaire, alors que 80 % de ces conteneurs sont acheminés par la route et que 15 % utilisent le transport fluvial.
Le second handicap tient à l'absence d'une politique nationale ambitieuse au service des ports français, inscrite dans une dynamique internationale.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour renforcer la compétitivité des ports normands et renforcer le ferroviaire ?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Je partage votre analyse. Renforcer la compétitivité de nos ports est un enjeu stratégique. Vous pouvez compter sur moi pour m'y atteler.
Renforcer la gouvernance à l'échelle des principaux corridors est une première piste, et je salue la démarche de Haropa, qui développe des synergies depuis plus de cinq ans.
Deuxième idée : refonder le modèle économique dans nos ports. Les relations financières et fiscales entre l'État et les établissements publics portuaires devront être clarifiées. Je veillerai également à faciliter l'implantation des activités industrielles et logistiques.
Il faudra aussi favoriser la desserte massifiée de nos places portuaires et la construction d'un nouveau terminal multimodal au Havre est à cet égard une bonne nouvelle.
L'implantation d'activités industrielles et logistiques dans les ports est l'un des atouts de l'Europe du Nord. La desserte de l'arrière-pays doit également être massifiée.
La desserte ferroviaire et fluviale fera l'objet de réflexions et de plans d'action à court, moyen et long terme très prochainement. Les Assises de la mobilité tiendront compte de ces enjeux.
Mme Agnès Canayer. - Merci, les ports sont un enjeu majeur pour notre économie. Massification et amélioration des infrastructures suscitent des attentes fortes de nos concitoyens.
Réfection de la ligne TER Libourne-Bergerac-Sarlat
M. Claude Bérit-Débat . - Au cours de votre audition par la commission du développement durable, alors que je présidais en même temps la séance publique dans cet hémicycle, vous avez exprimé votre volonté de privilégier la rénovation des lignes ferroviaires existantes par rapport au développement de nouvelles lignes à grande vitesse.
En Dordogne, la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat, l'une des plus anciennes de la région, dont l'état, très dégradé, demande d'importants travaux de réhabilitation, me semble s'inscrire parfaitement dans cet objectif.
Elle cumule un manque d'entretien et d'autres handicaps tels que la présence de 111 passages à niveau sur les 168 km de la ligne et trop peu de zones d'évitement. Elle constitue l'un des deux axes ferroviaires majeurs du département, avec ses 700 000 usagers annuels. Or l'état actuel de l'infrastructure ne permet plus une exploitation satisfaisante du matériel roulant.
Une première tranche de travaux avait été inscrite au contrat de plan État-région pour 2015-2020, s'élevant à 45 millions d'euros, qui devait être prise en charge aux deux tiers par l'État et la région, le dernier tiers restant dévolu à SNCF Réseau et aux collectivités locales concernées par le projet.
Pour difficile à assumer qu'elle soit, cette participation financière des collectivités avait tout de même été acceptée par les élus locaux. Le désarroi des élus a été grand de voir le coût de ce chantier bondir à 91 millions d'euros le 20 juin 2017 à l'occasion de la présentation d'une nouvelle étude commanditée par l'entreprise ferroviaire.
Madame la ministre, vous avez annoncé en commission la réhabilitation des lignes de TER.
La ligne Libourne-Bergerac-Sarlat, très dégradée, ralentie et affichant de nombreux retards, devrait selon la SNCF faire l'objet de 74 millions d'euros de travaux.
Il en est de même pour la ligne Bordeaux-Périgueux-Limoges...
Bref, que comptez-vous faire pour apporter un service ferroviaire de qualité à nos concitoyens périgordins?
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Je comprends la préoccupation des élus de Dordogne alors qu'entre en service la LGV Tours-Bordeaux... Comme vous le rappelez, des études ont été réalisées sur les possibilités d'amélioration de la desserte de Bergerac et de son raccordement au réseau à grande vitesse.
Le Gouvernement a accordé la priorité aux lignes existantes et aux transports du quotidien. Des travaux de régénération ont été inscrits au CPER 2015-2020. Ils doivent assurer la pérennité de l'infrastructure Libourne-Bergerac. Le coût de 91 millions d'euros est expliqué par la dégradation accélérée de l'état de la plateforme ferroviaire. Des optimisations du programme et des coûts sont sans doute possibles, de même qu'un nouveau tour de table financier. L'État participe à hauteur de 35 %, ce qui est très supérieur à son habitude pour les lignes d'intérêt régional.
SNCF Réseau va aussi pouvoir affecter de nouvelles ressources humaines à la maintenance de cette partie du réseau, à présent que le chantier de la LGV est achevé.
Je resterai particulièrement attentive à ce dossier.
M. Claude Bérit-Débat. - Le doublement du coût du projet, ce n'est pas rien pour les collectivités territoriales ! La communauté d'agglomération de Bergerac n'a guère plus de 30 000 habitants. Les EPCI concernés sont de taille moyenne... Or notre département est particulièrement enclavé.
Toutes les lignes permettant d'aller à Bordeaux présentent des problèmes d'entretien et de cadencement, portant la durée du trajet à près de quatre heures... Il faut des moyens financiers pour remédier à cette situation.
Contournement Est de Rouen
M. Thierry Foucaud . - Le projet de contournement Est de Rouen, qui doit relier l'autoroute A28 à l'A13 et inclure un barreau de raccordement vers Rouen, est largement contesté en l'état, dès lors qu'il concerne les populations.
Une douzaine d'associations se sont prononcées contre ce projet. Des salles pleines à craquer ont manifesté leur refus.
Des élus locaux de Seine-Maritime et de l'Eure, de toutes sensibilités politiques - y compris M. Lecornu, l'actuel secrétaire d'État en charge de ces questions qui était encore il y a peu président du conseil départemental de l'Eure - expriment également leur refus catégorique de voir aboutir ce projet et leur détermination à s'y opposer.
Un collectif d'une quinzaine de communes, représentant 70 000 habitants directement touchés par ce tracé de contournement, s'oppose à sa mise en oeuvre.
Il paraît inconcevable de faire l'impasse sur les questions d'environnement, de sécurité des usagers, de santé, de cadre de vie et de modes de déplacement futurs, car 95 % des transports s'effectuent par la route, alors que le transport par rail ou par voie fluviale devrait être une priorité. Ce projet, qui encourage le développement du « tout camion », est totalement contraire aux engagements du Grenelle de l'environnement.
Le coût global du nouveau tronçon, qui doit s'étendre sur 41 kilomètres et faire l'objet d'une concession à péage, est évalué à un milliard d'euros. Or, à ce stade, rien n'a été dit sur le bouclage du financement de cette infrastructure.
Ce projet est celui de l'ancienne majorité gouvernementale ; il est nocif à l'environnement, à la santé, à nos emplois, à nos habitations, à nos finances ; il aura un impact traumatisant sur les populations de la périphérie rouennaise et d'une partie du département de l'Eure. Il faut y renoncer.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - J'entends vos critiques du contournement Est de Rouen.
Je rappelle toutefois qu'il a fait l'objet d'un débat public en 2005, d'une concertation recommandée avec un garant indépendant nommé par la Commission nationale du débat public en 2014, puis d'une enquête publique en 2016. Il a été transmis au Conseil d'État.
La commission d'enquête a rendu un avis favorable. Sa capacité à délester l'hyper-centre de Rouen a été démontrée. Les volets qualité de l'air et nuisances sonores du dossier ont été enrichis par des mesures complémentaires.
Les modalités de financement du projet ont été partagées avec les collectivités territoriales concernées et exposées dans le cadre de l'enquête publique. Son coût est estimé à 886 millions d'euros.
Le mode concessif avec péage a été retenu mais une subvention publique d'équilibre estimée à 55 % du coût d'investissement serait néanmoins nécessaire.
À ce stade, ce projet fait toutefois partie, comme l'ensemble des projets d'infrastructures hors CPER, de la « pause » annoncée par le président de la République le 1er juillet dernier.
Les Assises de la mobilité que je convoquerai en septembre permettront d'identifier les besoins des territoires et de programmer les investissements nécessaires.
Je présenterai également début 2018 la loi relative à la mobilité, portant une programmation quinquennale des investissements et un équilibre des ressources et des dépenses.
M. Thierry Foucaud. - Les élus de l'agglomération rouennaise, en particulier le député de la 3e circonscription, le maire de Oissel, et moi-même vous demandons un rendez-vous au ministère, ainsi qu'au ministère de la transition écologique, également compétent. Nous attendons toujours les études sur la qualité de l'air, que vous avez évoquées ! Le nouveau tracé sera plus polluant, nous le savons ! Les engagements du Grenelle de l'environnement sont menacés. De plus, l'activité économique de l'agglomération rouennaise sera gelée par ce projet. Nous venons de parler du nécessaire développement des ports. C'est une emprise de 400 hectares, qui sera bloquée par cette infrastructure.
Les réunions publiques ont révélé que les populations étaient contre le projet ; les représentants de l'État les ont purement et simplement ignorées, ou sous-estimé leurs réactions fortes et massives.
Prolifération des nuisibles
Mme Colette Mélot . - Frelons asiatiques, moustiques tigres, chenilles processionnaires urticantes, tiques, punaises de lit, rats : les nuisibles envahissent de plus en plus espaces verts, exploitations agricoles, forêts, villes et villages, logements et toits avec le risque d'en importer davantage des quatre coins du globe durant la période des vacances d'été.
Le 6 juin 2017, première journée mondiale dédiée à la prévention des nuisibles, les professionnels n'ont pas manqué de tirer la sonnette d'alarme. Dans nos communes, les particuliers se tournent vers leur maire, souvent désemparés face à un fléau qui ne connaît pas de frontière et qui peut conduire à des hospitalisations des personnes touchées et à des chocs allergiques chez les animaux. À cela s'ajoute la restriction certes totalement justifiée des solutions biocides pour raisons environnementales, mais qui rend les traitements moins efficaces. En Seine-et-Marne, la prolifération de la chenille processionnaire touche plus de 300 communes.
L'abattage des arbres est souvent, hélas, la seule issue pour les particuliers. Outre les conséquences parfois terribles sur la vie quotidienne, on estime en France à 38 millions d'euros par an les coûts engendrés par les nuisibles. Ce fléau appelle une collaboration étroite entre État et collectivités territoriales. Quel plan d'action le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour remédier à ce problème qui inquiète nos populations ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je vous prie d'excuser l'absence de Nicolas Hulot. Depuis plusieurs années, l'État met en place des mesures adaptées.
Le frelon asiatique, présent en France depuis 2004, s'attaque aux abeilles domestiques. La loi Biodiversité de 2016 a complété le code de l'environnement pour une action efficace. Le décret publié le 23 avril 2017 a permis de préciser les dispositions de contrôle et de gestion de leur propagation. Il a été classé danger sanitaire de catégorie 2, fait l'objet d'études financées par le ministère de l'agriculture pour prévenir sa propagation.
Le dispositif de lutte contre le moustique tigre qui sévit lui aussi depuis 2004, propageant la dengue et le chikungunya, est activé par la Direction générale de la santé chaque année pour la période allant du 1er mai au 30 novembre.
Quant à la chenille processionnaire, insecte ravageur d'origine méditerranéenne, dont la remontée vers le Nord illustre le changement climatique, cette espèce invasive a un impact avéré sur la santé des populations humaines et animales, ainsi que sur certains végétaux arbustifs. La lutte contre cette espèce s'appuie sur une gestion localisée et ciblée. Ces sujets sont de la compétence des ministères de la santé et de l'agriculture, mais le ministère de la transition écologique reste pleinement mobilisé.
Mme Colette Mélot. - Je vous entends. Ce sont les chenilles processionnaires qui inquiètent le plus habitants et maires de mon département. Les conséquences sur la santé ne sont pas négligeables. Or les élus sont en mal de réponses et de moyens financiers. Merci de prendre en compte cette question importante pour les populations.
La séance est suspendue à midi trente.
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
La séance reprend à 14 h 35.
(Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement le président Jean-Claude Gaudin)
Hommage à M. Jean-Claude Gaudin, vice-président du Sénat
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - Je n'ose m'appuyer sur l'article 36, alinéa 3 de notre Règlement. (Rires) Ce ne sera donc pas un rappel au Règlement mais un rappel à la fidélité et à l'amitié. Au nom de tous les sénateurs qui ont partagé avec vous toutes ces années, c'est ce que nous vous devons, cher Jean-Claude Gaudin.
Vous avez choisi de demeurer, en application de la loi, maire de cette ville qui vous est tout, qui vous est chère, Marseille. Celui qui n'a pas traversé Marseille dans la voiture de Jean-Claude Gaudin, vitres baissées, entendant les passants lancer « Bonjour monsieur le maire ! », n'a pas connu le lien entre un maire et sa cité, ce lien charnel, viscéral, celui du potier à la terre qu'il façonne.
Ministre, conseiller régional, président de région, conseiller général, député, sénateur, président de groupe, vous avez exercé toutes les fonctions mais c'est votre ville qui vous est essentielle. Vous avez refusé certaines de mes propositions car : d'abord Marseille ! Marseille, et sa métropole, dans laquelle vous vous êtes ô combien engagé, c'est vous-même.
Puisqu'une réflexion institutionnelle nous attend, je propose de constitutionnaliser le mode de votation que vous avez créé, quand, présidant nos séances, vous disiez « je consulte le Sénat du regard » - et tiriez de cela les conclusions que vous souhaitiez ! (Rires) Le regard de Jean-Claude Gaudin nous manquera mais il ne nous quittera pas, ce regard venu du bord de la Méditerranée, avec cette fidélité à son pays, à son engagement et à nos institutions. Merci, président Gaudin ! (Mmes et MM. les sénateurs et M. le ministre se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Jean-Claude Gaudin, vice-président du Sénat . - Après avoir passé plus de trente-neuf ans au Parlement, dont vingt-huit au Sénat et quinze comme vice-président, j'arrive à la dernière séance. Je ne m'attendais pas à votre rappel au Règlement, monsieur le président !
Je veux vous dire toute la joie, le bonheur, l'honneur que j'ai eus d'être parmi vous. Au moment où les femmes et hommes engagés dans la vie publique sont injustement critiqués, je suis fier d'avoir été parmi vous. Alors que beaucoup de responsables politiques ont fait de grandes écoles ou peuvent se prévaloir de titres universitaires, ici nous sommes nombreux à avoir gravi un à un les échelons de la vie démocratique et obtenu le sacrement du suffrage universel. C'est ici que j'ai appris le droit constitutionnel, et plus encore le respect du parcours politique de chacun.
J'ai décidé en effet de rester à Marseille où je siège au conseil municipal depuis cinquante ans. (Marques d'admiration) J'ai pour vous tous un immense respect et beaucoup d'amitié. Vous êtes des élus exemplaires de la République. Allez : Vive le Sénat ! et Vive la République ! (Applaudissements nourris et prolongés sur tous les bancs)
Rappel au Règlement
M. Michel Le Scouarnec . - Mon rappel au Règlement sera tout à fait ordinaire. Il concerne la décision injuste du Gouvernement de baisser de 5 euros par mois les aides personnalisées au logement (APL), sans concertation préalable. Dois-je rappeler que 75 % des bénéficiaires font partie du tiers des Français les plus pauvres et que 60 % sont sous le seuil de pauvreté ? Cette mesure antisociale fait l'unanimité contre elle : bailleurs, associations étudiantes, associations de droit au logement. Cinq euros, ce n'est pas de l'argent de poche : c'est, sur un an, un caddy de courses hebdomadaire, c'est deux jours de cantine pour les enfants.
Le Gouvernement fait les poches aux pauvres alors qu'il prépare un cadeau de 3 milliards d'euros aux plus riches.
Attaquez-vous donc à l'évasion fiscale, qui coûte 80 milliards d'euros par an, instaurez une véritable taxe sur les transactions financières, qui en rapporterait 36 milliards, attaquez-vous au logement cher en construisant des logements et en régulant les prix. L'État doit garantir à tous l'accès aux droits essentiels.
Nous vous demandons de renoncer à cette mesure anti-jeunes et anti-pauvres, indigne de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. - Je vous donne acte de votre rappel au Règlement.
Renforcement du dialogue social (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Discussion des articles
ARTICLE 9 (Appelé en priorité)
Mme Marie-France Beaufils . - L'impôt à la source a déjà été pratiqué, pendant la Seconde Guerre mondiale, sous le nom de stoppage à la source. Le décret-loi de novembre 1939 était justifié par les circonstances, et l'impôt assorti d'une contribution exceptionnelle - que le Gouvernement de l'État français s'empressa de supprimer après la défaite et l'armistice.
Les trente dernières années de notre histoire fiscale ont été marquées par une moindre progressivité de l'impôt sur le revenu et par la montée en puissance de la CSG, qui rapporte désormais plus que l'impôt progressif. La retenue à la source est en réalité la première étape de la fusion-confusion entre impôt sur le revenu et CSG, avec pour conséquence l'étatisation renforcée de la sécurité sociale, dont nous ne voulons à aucun prix.
Enfin la retenue à la source n'est pas la panacée contre la fraude : l'Italie et la Grèce la pratiquent. Cela se passe de commentaire.
Mme Élisabeth Lamure . - L'article 9 est important pour la délégation sénatoriale aux entreprises. Alors que les entreprises croulent sous les tâches administratives, on leur en impose une nouvelle : prélever l'impôt. Une complexité supplémentaire qui les inquiète...
Selon l'étude que nous avons commandée à un cabinet indépendant, le coût serait de 1,2 milliard d'euros la première année et de 100 millions d'euros ensuite ; 75 % du coût serait supporté par les TPE de moins de dix employés. Les employeurs redoutent une détérioration des relations sociales et des revendications salariales liées à la baisse de la rémunération nette sur la fiche de paie.
Le prélèvement mensualisé contemporain que propose la commission des finances est une piste intéressante : prenons le temps de l'évaluer. La France souffre de trop de réformes menées sans étude d'impact, ne répétons pas ces erreurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. le président. - Amendement n°50 rectifié, présenté par M. Carcenac et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Thierry Carcenac. - Le prélèvement à la source a donné lieu à des débats approfondis au sein de la commission des finances. C'est une mesure de justice pour les contribuables qui sont 30 % à voir leurs revenus évoluer d'une année sur l'autre, de manière choisie ou subie. L'impôt serait mieux réparti, sur douze et non dix. La réforme a été minutieusement préparée, les agents formés, le logiciel très performant : elle est prête, un test est prévu pour cet été. Ce report n'a d'autre but que d'éviter que la réforme ne coïncide avec la suppression des cotisations et la hausse de la CSG !
En outre, la commission des finances a complété l'article par des dispositions sur le tiers collecteur auxquelles nous ne sommes pas favorables : le prélèvement à la source, ce n'est qu'une ligne de plus, sur les 24 que compte la déclaration sociale nominative (DSN) !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Avis défavorable. Il est vrai que cet article 9 n'a rien à voir avec le dialogue social, puisqu'il s'agit de dialogue fiscal, mais il est urgent d'annoncer aux contribuables et aux entreprises le report du prélèvement à la source.
La position de la commission des finances et du Sénat est connue. Le taux de recouvrement de l'impôt en France est-il mauvais ? Non, c'est même l'un des meilleurs au monde. La déclaration est-elle compliquée à remplir ? Non, elle est préremplie. On peut même choisir son mode de liquidation. Pourquoi complexifier ce qui fonctionne ? Le seul problème, c'est que l'on paie l'impôt sur la base des revenus de l'année n-1. La commission des finances propose d'utiliser la DSN pour alimenter l'administration fiscale en temps réel, sans embêter les entreprises. Le décalage serait de trois mois au plus. Évitons le choc de complexité de cette usine à gaz.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. - Laissez-moi vous présenter, monsieur le président Gaudin, les hommages et le respect du Gouvernement. La République perd beaucoup à ne plus vous avoir comme parlementaire.
M. Jean-Claude Lenoir. - Dura lex...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le prélèvement de l'impôt à la source a déjà été évoqué dans notre histoire, mais nous restons l'un des rares pays à ne pas le pratiquer. Depuis 1940, les technologies ont évolué, et permettent désormais la contemporanéité de l'impôt.
Il faut garantir cette contemporanéité. Un décalage de trois mois cumulerait les désavantages des deux systèmes : un ouvrier serait imposé sur son treizième mois en février ou mars.
Nous proposons un report d'un an après avoir écouté l'administration fiscale mais aussi les syndicats de Bercy. Le précédent gouvernement avait mis la charrue avant les boeufs en prévoyant une expérimentation de juillet à septembre - après l'envoi des feuilles d'impôts ! Si vous teniez tant à cette réforme, il fallait la lancer dès le début du quinquennat.
Je ne sais si le coût serait d'un milliard, mais la surcharge administrative pour les TPE-PME est indéniable. C'est pourquoi j'ai accepté le principe d'un rapport à l'Assemblée nationale, et accepterai l'amendement de la commission des finances.
Toutes les entreprises ne sont pas rétives à l'impôt à la source ; les entreprises frontalières le pratiquent déjà. Le monde agricole en attend aussi beaucoup. Enfin, 3 % des entreprises n'ont pas encore la DSN : mieux vaut donc attendre un peu. Monsieur le rapporteur général, nous sommes d'accord pour travailler ensemble. L'intelligibilité de l'impôt gagnera à ce que celui-ci soit réparti sur douze mois et non dix.
M. Jean-Noël Guérini. - En tant que Marseillais, permettez-moi, monsieur le président, de vous appeler : monsieur le maire. Cher Jean-Claude, vous présidez aujourd'hui votre dernière séance. Je salue l'homme autant que l'homme politique, avec une immense émotion personnelle. Dans la ville que vous aimez, nous eûmes des orages. (Sourires) On ne traverse pas quarante ans de vie politique sans nuages ni tensions - toujours destinés à faire plus et mieux pour Marseille ! Nous avons surmonté toutes les tempêtes. Vous manquerez à la Haute Assemblée, mais j'aurai la chance de vous retrouver bientôt, sous la protection de la vierge de Notre-Dame de la Garde, qui vous accompagnera encore longtemps.
M. Albéric de Montgolfier. - Priez pour nous !
M. Jean-Noël Guérini. - Avec votre intelligence et votre sens des responsabilités, vous saurez vous garder de vos amis comme de vos ennemis ! Merci pour tout, cher Jean-Claude Gaudin. (Applaudissements)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Monsieur le président, je vous adresse à mon tour, au nom de mon groupe, un très amical salut.
Nous ne voterons pas la suppression de cet article 9, bien que son lien avec le dialogue social soit bien ténu. Selon le rapport de la commission des finances, les principes organiques de discussion des lois de finances ne sont pas enfreints.
Le vrai débat est politique, alors que la majorité veut baisser la taxation du capital et du patrimoine. En filigrane, derrière la retenue à la source, il y a une sollicitation croissante des couches modestes et populaires via les impôts de consommation, une pression fiscale accrue sur les classes moyennes par rapprochement de la CSG et de l'impôt sur le revenu et un allégement de fiscalité pour les plus aisés. La disparition du quotient familial inquiète peu les ménages fortunés !
M. François Marc. - Je voterai cet amendement, car le prélèvement à la source est une modernisation nécessaire. La France est l'un des derniers pays à ne pas faire payer les impôts sur les revenus de l'année. Monsieur le ministre, vous avez dit être convaincu de la pertinence de nos arguments. Tant mieux. Sommes-nous prêts à appliquer cette réforme tout de suite ? Christian Eckert nous l'a assuré. Un report risque d'être l'antichambre d'un recul. L'administration fiscale a été préparée, supprimons le report d'un an. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Nicole Bricq. - Je peux comprendre l'attachement du groupe socialiste à ce qui était une réforme phare du gouvernement précédent, mais point de faux procès. Tout le monde est favorable à la modernisation du prélèvement de cet impôt ô combien sensible - du moins pour ceux qui l'acquittent.
J'ai longtemps été favorable au prélèvement à la source, ne comprenant pas pourquoi la France ne faisait pas comme ses voisins. Mais ceux-ci l'ont mis en place il y a longtemps, avant la numérisation. En supprimant l'article, on se prive d'éléments d'appréciation et d'un outil qui éclairera les acteurs. Ce serait dommage.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Merci à Mme Bricq.
Si les assurances que vous avez reçues proviennent du même ministre que celui qui vous a présenté le budget, vous devriez vous méfier ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Laurence Rossignol. - Provocateur ! (M. Roger Karoutchi s'amuse.)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Tous les syndicats de Bercy m'ont dit que malgré le travail extraordinaire de la DGFiP, il restait quelques questions en suspens. La moindre des choses que nous devons aux Français, c'est de garantir un bon fonctionnement du recouvrement de l'impôt.
L'expérimentation avait lieu après le top départ : ce n'est pas logique.
Le Gouvernement est à l'écoute des entreprises, or 3 % d'entre elles ne sont toujours pas passées à la DSN. Bref, nous n'étions pas tout à fait prêts.
Cette disposition n'est pas organique, il est de bonne gestion fiscale d'annoncer dès maintenant ce report. Le prélèvement à la source, c'est un nouveau lien entre les salariés et les entreprises ; celles-ci collectent d'ailleurs déjà l'impôt, notamment la TVA. L'article relève donc parfaitement d'une loi sur le dialogue social, ce n'est nullement un cavalier.
Enfin, il n'est pas dans les intentions du Gouvernement de fusionner impôt sur le revenu et CSG.
M. Jean Desessard. - Monsieur le président, monsieur le mandat unique (sourires), je donnerai ma position propre, qui n'est pas celle de l'ex-groupe écologiste. J'étais moi aussi en faveur de la retenue à la source, mais un an n'est pas de trop pour réfléchir à un prélèvement mensuel. Les modalités de travail évoluent, de nombreux salariés ont plusieurs employeurs. Si les outils numériques permettent le même résultat par un prélèvement mensuel, tant mieux. Je ne voterai pas cet amendement.
M. David Assouline. - Le débat n'est pas sur l'opportunité du prélèvement à la source mais sur la méthode. Même si le Conseil constitutionnel ne qualifie pas cette disposition de cavalier, la méthode, elle, est cavalière, car le sujet n'a rien à voir avec le présent texte.
C'est après un long débat dans la société que le Gouvernement précédent a décidé de lancer le prélèvement à la source, de nombreux fonctionnaires y ont travaillé. Et voilà que, sans aucun débat, vous revenez dessus ! Si ce report avait été une promesse de campagne, passe encore - mais le sujet n'a pas été abordé avant juin, plusieurs semaines après l'élection présidentielle ! Cette mesure n'a pas de légitimité.
L'amendement n°50 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°150 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 60 et 82 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 sont abrogés.
Mme Christine Prunaud. - La retenue à la source est un danger autant pour le devenir des prélèvements fiscaux et sociaux que pour les citoyens, qui verraient leur impôt augmenter.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Avis défavorable. Nous préférons attendre les résultats de l'expérimentation. Personne ne veut en rester au statu quo. L'impôt peut être plus contemporain.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°150 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°151 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéas 3 et 4
Remplacer ces alinéas par deux paragraphes ainsi rédigés :
II. - Les dispositions de l'article 244 quater C du code général des impôts cessent d'être applicables pour les exercices ouverts à compter du 30 septembre 2017.
III. - L'article L. 2323-56 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité de suivi régional peut décider, après avoir entendu l'employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de retirer l'aide accordée. Le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. »
Mme Marie-France Beaufils. - Le CICE était censé améliorer la compétitivité des entreprises. De 4 %, il est passé à 6 % puis 7 % de la masse salariale. Selon France Stratégie, il aurait permis de créer ou de maintenir au mieux 120 000 emplois. Son coût s'élève à 15,2 milliards d'euros en 2016, avec un stock de créances de 17,11 milliards non consommés. En 2018, il faudra 5 milliards de plus... La vérité, c'est qu'il n'y a pas d'effet sur l'emploi, sur la compétitivité, sur l'investissement. Rendons la dépense publique plus efficace.
M. le président. - Amendement n°152, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
et de présenter
par les mots :
, et présentant
II. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
les résultats de simulations et de tests
par les mots :
des analyses
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement précise le champ du rapport de façon à informer au mieux les parlementaires avant l'examen de la loi de finances.
M. le président. - Amendement n°209, présenté par Mme Garriaud-Maylam.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport examine aussi les conditions spécifiques de mise en oeuvre du prélèvement à la source pour les non-résidents fiscaux.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Les Français de l'étranger ne sont pas cités. Pourtant, cette mesure les préoccupe. Tous les pays n'ont pas conclu de convention fiscale avec la France. En outre, le crédit d'impôt visant à éviter le double prélèvement pendant l'année de transition pose de sérieuses difficultés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Si l'article 9 a peu de rapport avec le texte, l'amendement n°151 rectifié, lui, n'en a aucun. Nous aurons ce débat en projet de loi de finances. Avis défavorable.
Je me réjouis que le Gouvernement accepte l'apport du Sénat pour enrichir le rapport. Avis favorable à l'amendement n°152.
Toutes les situations n'ont pas été expertisées dans tous les pays. Sagesse sur l'amendement n°209, faute d'informations.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous débattrons du CICE lors de l'examen de la loi de finances initiale.
L'amendement n°209 irait à l'encontre des intérêts des Français de l'étranger pour lesquels le système actuel est souvent plus avantageux en raison de son caractère libératoire - je vois M. del Picchia opiner du chef. Retrait ? L'étude d'impact aborde déjà, sur dix pages, le cas des Français de l'étranger.
M. Bruno Retailleau. - Monsieur le président, je veux vous témoigner, au nom des membres du groupe Les Républicains que vous avez présidé, notre affection. Vous nous quittez mais votre voix, avec son accent incomparable, résonnera longtemps dans cet hémicycle. Je veux vous témoigner notre reconnaissance.
Sans transition, monsieur le ministre, nous appuierons votre amendement. Nous n'avons jamais été favorables au prélèvement à la source car nous refusons de surcharger les entreprises d'un rôle de collecteur, très différent dans le cas de l'impôt sur le revenu que dans celui de la TVA. Le prélèvement mensualisé contemporain que propose la commission des finances serait un bon compromis. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je veux insister pour que soit prise en compte dans l'expérimentation la situation des Français de l'étranger, qu'on a toujours tendance à oublier, contrairement à ce qui a été l'habitude républicaine. Ce n'est tout de même pas beaucoup vous demander, monsieur le ministre !
M. Thierry Carcenac. - Le groupe socialiste et républicain votera contre les amendements nos151 rectifié et 209. La déclaration sociale nominative, la DSN, est un outil intéressant. Sa mise en place est peut-être compliquée, reste que 24 lignes seront supprimées à terme.
Le ministre m'a convaincu en disant que ce que l'on voulait faire porter aux entreprises était peut-être un peu exagéré : nous voterons son amendement n°152.
M. Jean Desessard. - Le groupe écologiste honoraire (Rires)...
M. Jean-Claude Luche. - Feu le groupe écologiste !
M. Jean Desessard. - ... soutiendra l'amendement n°151 rectifié. Oui, Macron nous « a tuer » ! (Rires) Le CICE a représenté une erreur du quinquennat précédent, le Gouvernement veut le supprimer pour le remplacer par la suppression des cotisations sociales. Pour ma part, je souhaiterais que cette suppression porte sur la part salariale pour améliorer le pouvoir d'achat et relancer l'économie.
Je me demande comment Mme Bricq concilie sa position actuelle sur le CICE avec celle qu'elle a défendue ces cinq dernières années. Mais je ne veux pas la forcer à prendre la parole... (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes Union centriste et Les Républicains)
Mme Marie-France Beaufils. - L'amendement n°151 rectifié, un cavalier ? Mais la retenue à la source n'est pas non plus liée au texte dont nous débattons. J'ai saisi ce cavalier gouvernemental pour porter le débat sur la manière dont on réduit la capacité de l'impôt sur les sociétés à intervenir dans le budget de la Nation. Les 13 milliards de dotations qui seront retirés aux collectivités territoriales participent bien davantage à la relance économique que le CICE. On le voit de façon très claire sur le terrain.
Le groupe CRC votera contre les amendements nos152 et 209 puisqu'il est opposé au prélèvement à la source. Il revient aux services fiscaux de collecter l'impôt sur le revenu, qu'on leur donne les moyens nécessaires pour en assurer la collecte.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Madame Garriaud-Maylam, évidemment, nos compatriotes de l'étranger ont la considération du Gouvernement. Si vous acceptez de retirer votre amendement n°209, je m'engage à leur consacrer un chapitre particulier dans le rapport qui sera remis aux parlementaires le 30 septembre. S'ils étaient désavantagés, nous y reviendrions en loi de finances.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Soit, mais je regrette une nouvelle fois que le Gouvernement soit hostile à cet amendement. Je ne demande que des précisions sans porter aucun jugement de valeur sur le prélèvement à la source. Dix pages seraient consacrées aux Français de l'étranger dans l'étude d'impact ? Je ne les ai pas vues.
L'amendement n°209 est retiré.
L'amendement n°151 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°152 est adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 9 (Appelé en priorité)
M. le président. - La parole est à M. Marseille. Décidément, c'est mon jour ! (Sourires) pour défendre l'amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Détraigne, Mme Doineau, MM. Vanlerenberghe et Capo-Canellas, Mme Férat et MM. Longeot et D. Dubois.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois, un rapport dont l'objet est d'évaluer les effets sur l'emploi d'un mécanisme de mobilisation de créances fiscales par les organismes bancaires correspondant aux crédits d'impôt afférents aux services a? la personne, destine? a? éviter l'avance de trésorerie consentie par les ménages lors du recours a? ces prestations.
M. Hervé Marseille. - À mon tour, au nom des collègues du groupe Union centriste, je veux m'associer, monsieur le président Gaudin, à l'hommage qui vous a été rendu. Votre expérience et votre humour nous manqueront. Je me souviens que, plus jeune, lorsque je vous avais proposé ma candidature dans votre ville, vous m'aviez répondu : « Je te mettrai en dernier ; comme ça, tu pourras pousser ». (Rires)
Avec cet amendement, je demande un rapport sur la possibilité que les banques avancent le crédit d'impôt accordé aux particuliers-employeurs pour les services à la personne. En Suède, cela a augmenté la demande de 30 % en un an en 2010.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Ce sujet a toute sa place... en loi de finances. Nous aurons alors ce débat. Retrait ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis. Les parlementaires ont beaucoup travaillé sur ce sujet. À mon sens, la mesure que vous proposez ne concernera pas les particuliers-employeurs, d'autres mécanismes sont à envisager. Nous y reviendrons.
L'amendement n°22 rectifié est retiré.
M. le président. - Nous revenons à l'ordre normal de discussion des articles.
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier
M. le président. - Amendement n°88, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l'article L. 2251-1, les mots : « peut comporter » sont remplacés par les mots : « ne peut comporter que » ;
2° L'article L. 2252-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « interprofessionnel », est inséré le mot : « ne » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
3° Le second alinéa de l'article L. 2253-1 est ainsi rédigé :
« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;
4° Les articles L. 2253-4 et L. 3122-6 sont abrogés.
M. Christian Favier. - Cet amendement, en supprimant l'article 2 de la loi El Khomri, rétablit la hiérarchie des normes et le principe de faveur. Après les réformes successives qui ont étendu les dérogations aux accords de branche, cet article 2 de la loi El Khomri a porté un coup sévère aux droits des salariés ainsi qu'aux petites entreprises. Impossible désormais d'échapper au dumping social.
Visiblement, cela n'a pas suffi puisque le Gouvernement y revient. Avec ces ordonnances, la modification du nombre et la durée des CDD, le montant de l'indemnité de précarité et j'en passe relèveront de l'accord d'entreprise. Bref, l'actuelle majorité s'engouffre dans la brèche ouverte par la loi El Khomri pour créer un code du travail au niveau de chaque entreprise. Voulons-nous d'une société du chacun pour soi ou d'une société des droits pour tous ?
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Éliane Assassi. - Pourquoi ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis.
Mme Éliane Assassi. - Pourquoi ?
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°88 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°127 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 22 |
Contre | 313 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ARTICLE PREMIER
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Monsieur le président Gaudin, je vous dis à mon tour notre regret de vous voir quitter le Sénat. Figure marquante de notre assemblée, vous êtes aussi une figure de Marseille et j'ai eu le plaisir de travailler avec vous sur le logement ; malgré nos divergences, nous avions avancé. J'aurai bientôt le plaisir de vous retrouver dans votre ville où se tiendra le congrès HLM.
Pour Emmanuel Macron, il faut libérer le travail pour combattre le chômage, faciliter le licenciement pour encourager l'embauche. C'est une erreur de diagnostic, un « fantasme total » selon un responsable de la CFE-CGC. Depuis 1986, pas moins de 17 lois ont flexibilisé le travail ! Et le chômage n'a pas reculé pour autant. Faut-il aller plus loin, comme le demande le Medef ? C'est à se demander s'il faut un code du travail...
Les causes du chômage sont à rechercher ailleurs. Pour le combattre, il faudrait plutôt moderniser l'outil de production, impulser des politiques industrielles volontaristes et mieux répartir les richesses.
Les dogmes de l'ancien monde, du monde libéral, auront un effet économique nul pour un effet social catastrophique.
M. Roland Courteau. - Oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pierre Gattaz ne représente qu'une partie des chefs d'entreprise ! La raison pour laquelle ceux-ci n'embauchent pas, d'après l'enquête que l'Insee a publiée le 20 juin 2017, est, d'abord, l'incertitude économique pour 28 % d'entre eux ; puis, la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre compétente pour 27 % d'entre eux ; seuls 18 % citent la réglementation comme source de blocage.
Toucher à notre droit du travail menacera notre modèle social et républicain...
M. Roland Courteau. - En effet !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - ... car l'ordre public social garantit l'égalité républicaine. Il ne faudra pas, si on entreprend de le démolir, verser ensuite des larmes de crocodile.
Cette loi est mauvaise, la méthode choisie tout aussi catastrophique.
M. Jean Desessard. - Bravo !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il y a consultation, mais pas négociation sociale ! Vous contournez le dialogue social en pleines vacances d'été pour éviter que les citoyens ne se retournent contre vous. Le peuple de France ne se laissera pas faire, croyez-moi !
Mme Nicole Bricq. - Oh là là !
Mme Évelyne Yonnet . - Cet article premier est la pierre angulaire du projet de loi. On nous demande de donner un blanc-seing au Gouvernement afin que, pour la première fois, un projet de loi en matière de droit du travail contienne plus de reculs que d'avancées. Il est vrai que la commission des affaires sociales y a largement contribué - entre autres, en introduisant de nouvelles dérogations pour les entreprises de 11 à 50 salariés et le référendum d'initiative patronale.
La loi El Khomri avait contrebalancé les souplesses par des contreparties : le compte pénibilité, les congés pour événements familiaux ou encore le droit à la déconnexion. Ce texte, lui, réduit les droits des salariés : suppression du motif économique pour les salariés refusant la modification de leur contrat de travail suite aux accords collectifs, suppression des accords de maintien, inversion de la charge de la preuve, réduction des délais de contestation, suppression du mandatement, référendum à l'initiative patronale et j'en oublie sans doute. C'est une restriction des droits sociaux sans précédent depuis les lois Waldeck-Rousseau de 1884.
M. David Assouline . - Le diagnostic n'est pas partagé. Pour vous, les freins que constituent les garanties sociales doivent être levés pour que la performance de certaines entreprises tire tout le monde vers le haut. C'est, en gros, la doctrine des libéraux. Elle est à l'offensive ces dernières années ; elle marque des points parce que, de l'autre côté, les avancées ont été trop timides.
La réalité, et c'est ce que révèle l'enquête de l'Insee sur 80 000 petites et moyennes entreprises : le problème tient d'abord à la faiblesse de leur carnet de commandes.
Il faut moderniser le dialogue social et le code du travail, bien entendu. Mais quelle modernisation ? Les relations de travail, les outils de protection sociale sont percutés par la révolution numérique, par l'ubérisation qui va aller en s'amplifiant. (Marques d'impatience à droite) C'est cela l'enjeu : combattre la précarisation en créant de nouvelles protections.
M. Olivier Cadic . - Cela ne surprendra personne : comme beaucoup, je pense indispensable que le code du travail se réduise aux principes fondamentaux. L'inversion de la hiérarchie des normes est indispensable pour relancer notre économie et recréer de l'emploi. Il y a deux ans déjà, je le proposais par un amendement à la loi Macron ; l'idée a fait son chemin depuis : rapport Combrexelle, loi El Khomri. Je soutiens pleinement cet article premier avec l'espoir que le Gouvernement ira le plus loin possible.
J'attends maintenant la prochaine étape : un jour viendra, le plus tôt possible, où les PME et le TPE auront la liberté d'adhérer ou non à une convention collective, comme c'est le cas dans de nombreux pays, pour se développer librement. (MM. Michel Canevet et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent.)
M. Dominique Watrin . - (Les membres du groupe communiste républicain et citoyen brandissent des affichettes rouges sur lesquelles figurent des slogans qualifiant le projet de loi en discussion de « loi Travail XXL ») Madame la ministre, l'absence de réponses que vous avez apportées à nos questions en discussion générale démontre que, derrière la novlangue, il y a une main de fer libérale.
Cet article premier bouleverse les principes de notre code du travail. Les contrats courts, les CDI de chantier relèveront de l'accord d'entreprise. Le principe de subsidiarité n'est là que pour brouiller les pistes, c'est un principe de défaveur qui remet en cause les droits garantis jusque-là par les accords collectifs.
En réalité, ce que vous proposez, c'est l'adaptation des hommes aux besoins du marché de l'emploi. Quel progrès ! Ce dont nous avons besoin, c'est, au contraire, de repenser le travail pour émanciper les hommes en créant des droits nouveaux. Même les plus grandes des institutions internationales, comme l'OCDE, récusent tout lien entre protection de l'emploi et niveau de chômage. Vous vous trompez de voie : vous feriez mieux de protéger les travailleurs plutôt que les grands patrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Laurence Cohen . - Malgré l'obligation faite aux entreprises de plus de 20 salariés d'embaucher au moins 6 % de travailleurs handicapés, le taux de chômage des personnes en situation de handicap a bondi de 65 % entre 2011 et 2016, pour dépasser les 20 %. Ils demeurent, en moyenne, sans emploi 200 jours de plus que les autres. Sans compter que la situation de l'Association de gestion des fonds pour l'insertion des personnes handicapées, l'Agefiph, interroge sur l'effectivité du versement auxquels sont contraints les employeurs ne respectant pas leur obligation.
Les préjugés ont la vie dure : crainte d'une mise en accessibilité coûteuse des locaux, d'une adaptation difficile du poste, d'une efficacité présumée moindre... La situation est grave : le handicap concerne douze millions de personnes en France.
La primauté accordée à la négociation au niveau de l'entreprise permettra aux employeurs d'échapper à leurs obligations encore plus facilement. Ce n'est pas ce que nous souhaitons, ni pour les personnes en situation de handicap ni pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Annie David . - Tous les employeurs ne cherchent pas à brader leur entreprise et à rogner sur les droits des salariés. La preuve : 36 000 accords d'entreprise signés par an.
Cela dit, nous ne vivons pas dans un monde idyllique et les employeurs poursuivent avant tout leur intérêt. Dans l'Isère, l'usine Isochem est menacée par un énième plan. Le dépècement de Rhône-Poulenc a entraîné la dégradation continue des conditions de travail des salariés qui sont les seuls à se battre pour la pérennité du site. Vous leur apportez les mêmes réponses que le Medef. Même discours pour les ouvriers de Schneider Electric et de GE Hydro. Pourtant, Emmanuel Macron, ministre de l'économie de François Hollande, avait trouvé un accord.
Ce texte est du vent, du bon vent dans les voiles du patronat, mais qui a pour les salariés un goût amer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Éliane Assassi . - À mon tour de saluer le président Gaudin, à qui je veux dire mon estime et mon respect.
Cet article représente un incroyable recul pour les droits des salariés. Le représentant de la CFE-CGC a averti la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale : avec la primauté de l'accord d'entreprise, les PME sous-traitantes des grandes entreprises seront soumises à de fortes pressions pour baisser les salaires.
Lors de l'examen de la loi El Khomri, nous avons été fort peu nombreux, y compris sur les bancs de la gauche, à combattre de telles mesures. La boîte de Pandore a été ouverte et, aujourd'hui, sous prétexte de la réactivité que nous imposerait la mondialisation, vous revenez sur cent ans de luttes sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Yves Daudigny . - Je veux dire à mon tour l'amitié que j'ai pour le président Gaudin.
M. Jean Desessard. - Si cela continue, M. Gaudin ne pourra plus partir !
M. Yves Daudigny. - L'idée forte est la primauté de l'accord d'entreprise mais ce texte renforce aussi la branche dans un rôle de régulation des conditions de concurrence et de définition des garanties économiques et sociales. L'articulation, construite sur trois blocs de compétences, dessine le profil d'une entreprise où la culture du compromis et du dialogue remplacera celle du rapport de force pour aboutir à la cogestion à l'allemande. Ce n'est pas une idée neuve, elle existe depuis l'ordonnance Auroux du 16 janvier 1982.
Mme Nicole Bricq. - C'est vrai !
M. Yves Daudigny. - Un point d'alerte, cependant : la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications résultant d'un accord collectif. À mon sens, le point le plus sensible est la situation des petites entreprises qui ne disposent pas de délégués syndicaux et pour lesquelles le système du mandatement ne fonctionne pas. Mettre en cause l'exclusivité syndicale est une ligne rouge à ne pas franchir.
Le renforcement du dialogue social ne fonctionnera que si l'on renforce les syndicats qui doivent être dotés de moyens et formés à la négociation.
L'article premier jette les bases d'un droit nouveau se caractérisant par un équilibre entre la loi qui fixe les principes fondamentaux de l'ordre public et les accords de branche et d'entreprise qui définissent les règles communes et de proximité du monde du travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
Mme Jacky Deromedi . - Le Sénat a beaucoup travaillé sur le sujet depuis trois ans, avec le souci de favoriser le dialogue social à tous les niveaux. Je veux saluer l'excellent travail du rapporteur et du rapporteur pour avis de la commission des finances. Il serait dommage que le Gouvernement n'en tienne aucun compte, comme il le fait en ce moment même sur la loi rétablissant la confiance dans l'action publique.
J'en profite pour attirer son attention sur les dangers pour les Français de l'étranger : ils subiront de plein fouet la hausse de la CSG et la suppression de la réserve parlementaire qui contribue notamment au financement des établissements de l'Alliance française et à la vie scolaire. Les Français de l'étranger, dont on ne se souvient qu'en période électorale, sont des Français comme les autres ; ils ont droit à la même considération. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marc Gabouty . - Avec cet article, les dispositions d'ordre public demeureront législatives, certaines compétences du domaine exclusif de la branche quand la souplesse dérogatoire se situera au niveau de l'entreprise.
La restructuration des branches est un préalable. Pourquoi leur accorder un délai aussi long quand on demande pragmatisme et réactivité partout ailleurs ?
Mme Nicole Bricq. - Exactement.
M. Jean-Marc Gabouty. - Nous soutenons les préconisations de notre commission des affaires sociales, nous espérons que le Gouvernement les reprendra.
La loi El Khomri était contradictoire sur le renforcement du dialogue social dans les plus petites structures. Elle obligeait, en effet, les TPE à conclure des accords soit avec un délégué syndical - présent dans 4 % d'entre elles -, soit à recourir à la procédure du mandatement, ce qui était inadapté. La solution trouvée avec cet article est la bonne.
Entre parenthèses, il serait raisonnable de remonter le seuil de 10 à 20 salariés en gardant celui des 50 salariés, retenu en Europe.
M. Martial Bourquin . - Je me joins aux marques d'estime adressées au président Gaudin depuis tous les bancs.
Quelle urgence y a-t-il à procéder par ordonnances sur ce sujet ? (M. Jean Desessard approuve.) Le Conseil d'État note que le projet de loi contient un grand nombre d'habilitations à procéder par ordonnances, portant sur des sujets d'une portée et d'une complexité inégales.
Quelle est l'urgence ? J'ai cherché, et j'ai trouvé : c'est la volonté du président, de Jupiter. Aucun bilan n'a été tiré des lois successives de flexibilisation du marché du travail. Et plus de cinquante sujets sont abordés dans ces ordonnances !
Aux multiples rapports de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, l'Anact, alertant sur le nombre de burn-out, de troubles musculo-squelettiques... vous répondez par toujours plus de flexibilité ! Ce n'est pas sérieux, et cette façon de contourner le Parlement n'est pas acceptable. (MM. Jean-Louis Tourenne et Roland Courteau applaudissent, de même que plusieurs sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Bricq. - Qu'est-ce qu'on fait là ?
M. Jérôme Durain . - L'ambiance étant phocéenne, j'irai droit au but : la philosophie de ce texte est discutable et discutée. De 2010 à 2017, les dix-sept textes qui s'en inspirent n'ont pas permis de recréer des emplois. On évoque l'exemple de l'Espagne, de l'Italie mais la démographie de ces pays est très différente !
Vous entendez légiférer vite et, sans doute mal, sur un sujet large en profitant de la torpeur de l'été alors que la cote présidentielle est haute et que l'ancien monde politique est encore tétanisé. Même l'OCDE récuse le lien entre rigidité de l'embauche et rigidité du licenciement, qu'il soit individuel ou collectif. Cette énième réforme aura des effets pervers sur le travail des femmes, accroîtra la précarisation de l'emploi et incitera les employeurs à réduire les coûts plutôt qu'à investir. (MM. Martial Bourquin et Roland Courteau applaudissent ainsi que les sénateurs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Bravo !
M. Philippe Adnot . - Je salue le travail de la commission des affaires sociales et soutiendrai ses positions. Les non- inscrits s'associent, monsieur le président, aux louanges qui vous ont été adressées. Acceptez-vous d'en partager une partie avec les collègues qui nous quitteront, victimes de l'interdiction absurde du cumul des mandats ? (M. le président remercie du geste ; applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, Union centriste et RDSE)
Mme Dominique Gillot . - Il y a de grands absents de ce projet de loi : les travailleurs handicapés évoqués par Mme Cohen, dont je ne partage cependant pas les conclusions. L'attention et la solidarité humaines sont aussi efficaces que les contraintes réglementaires pour faire place dans l'entreprise aux salariés porteurs de handicaps.
Il convient que le Gouvernement évalue systématiquement l'impact des mesures prises sur les personnes handicapées, afin que les obligations légales de recrutement soient appliquées par les entreprises publiques ou privées.
M. Jean Desessard . - Dans l'atmosphère combative qui s'installe, le groupe honoraire des écologistes se devait de s'exprimer... (Sourires) Les politiques se suivent et se ressemblent avec, certes, un rythme différent, avec les socialistes à petits pas feutrés, aujourd'hui en marche, et demain avec la droite, au galop ?
Mais la direction est la même. On pourrait penser que les richesses de cette planète permettent le progrès social, mais non ! Le travail, ça coûte trop cher ! Il faut revenir sur les droits acquis ! Et pourquoi ? Pour nous aligner sur les pays où les conditions de travail sont les plus déplorables ? Ne devrions-nous pas plutôt montrer l'exemple ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; MM. Martial Bourquin, Jérôme Durain et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent aussi.)
M. Didier Guillaume . - Quand on est marseillais, on ne démissionne pas, on reste debout et on continue... Vos administrés apprécieront votre choix, monsieur le président. En voisins, nous aurons l'occasion de nous retrouver.
Je ne suis pas opposé au principe des ordonnances. Elles sont autorisées par la Constitution, le candidat Macron les avait annoncées, dont acte, même si nous aurions aimé que le Gouvernement procède différemment. Ce qui compte, c'est ce qui sera écrit dans la loi.
L'article premier conforte l'accord de branche, c'est important. Il faut surtout restructurer les branches, chacun le sait. Mais enfin, qui a peur de discuter dans les PME ? Je le dis aux chefs d'entreprise et aux salariés de la Drôme lorsqu'ils rencontrent des difficultés : discutez entre vous !
J'ai dit, en réponse au discours de politique générale du Premier ministre, que les socialistes resteraient vigilants, afin que la flexibilité aille de pair avec la sécurité des salariés. Où en sont les discussions avec les organisations syndicales, madame la ministre ?
J'ai soutenu la loi El Khomri avec beaucoup de mes collègues socialistes. Je n'ai pas changé de ligne. Nous sommes plusieurs, aujourd'hui, à soutenir l'esprit de votre texte, même si, vous le constaterez, les socialistes sont divers... Oui ou non, cette réforme va-t-elle améliorer les conditions de travail, faire baisser le chômage et advenir la flexisécurité ? Nous sommes plusieurs à le penser. Tous, nous avons le même objectif : que la France se redresse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain et sur les bancs du groupe La République en marche)
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme Lienemann, MM. Godefroy, Duran et Labazée, Mmes Jourda et Yonnet et MM. Mazuir, Montaugé et Courteau.
Supprimer cet article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pierre Gattaz en rêvait, Emmanuel Macron le fait : élargir les possibilités données au chef d'entreprise de négocier directement avec ses salariés, et faire en sorte que l'accord de branche ne prime que par exception. Nous y voilà : la grande déréglementation, qui ne correspond pas aux souhaits de l'ensemble du patronat et notamment pas de la CGPME. On organise ici même ce dumping social que l'on déplore lorsqu'il vient des pays de l'Est.
La loi d'habilitation ne précise pas les champs où l'accord de branche continuera à primer. Qu'en sera-t-il des primes d'ancienneté ? Des salariés pourront-ils en perdre le bénéfice parce qu'un accord majoritaire l'a décidé ? Est-ce cela, le progrès social ?
Le principe de faveur est supprimé, conformément à une idéologie qui veut que le progrès social soit un handicap économique.
Le système rêvé par M. Cadic est déjà tout près de se réaliser, puisque le Gouvernement pourra exonérer les PME du respect des accords de branche. Vous allez voir fleurir la sous-traitance.
C'est un article dangereux qui, loin de renforcer notre tissu économique, le fractionnera.
M. le président. - Amendement identique n°54, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Laurence Cohen. - Ce n'est pas un hasard si après l'ANI de 2013, les lois Rebsamen, Macron, El Khomri, ce Gouvernement s'attaque en priorité aux salariés, avant même d'avoir évalué les réformes précédentes. M. Macron ne cesse pourtant de vanter les mérites de l'évaluation !
Chaque fois, on nous assurait que ces réformes feraient enfin baisser le chômage. Permettez-moi d'en douter, vu l'état du pays. Vous poursuivez et amplifiez l'offensive de la loi El Khomri contre laquelle la rue a grondé pendant des mois. J'espère qu'il en ira de même cette fois-ci.
Cet article premier est emblématique. Vous dites qu'il n'y a ni inversion de la hiérarchie des normes ni suppression du principe de faveur. Pourtant le projet de loi le dit bien : il entend donner à la négociation d'entreprise un rôle essentiel dans des domaines qui relevaient jusqu'ici de la branche ou de la loi. Le principe de faveur, ce n'est pas le principe de subsidiarité ! Ce sont les principes mêmes du code du travail que cet article remet en cause.
M. le président. - Amendement identique n°156, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
M. Jean Desessard. - Lors de l'examen de la loi El Khomri, nous demandions : pourquoi cette loi à six mois des élections ? Pourquoi se mettre ainsi à dos les syndicats et toute la gauche, dont la majorité allait avoir besoin ? Incompréhensible. Et maintenant, les ordonnances. Alors je repose la question : quelle mouche vous pique ? Vous auriez pu profiter de votre popularité, partir en vacances tranquillement et revenir dans un an avec une belle réforme bien préparée et concertée. Mais non ! (Mme Esther Benbassa applaudit.)
M. le président. - Amendement identique n°182 rectifié ter, présenté par MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Marie, Durain, Anziani, Assouline et Antiste et Mme Monier.
M. Martial Bourquin. - Réformer le droit du travail par ordonnances est inacceptable. Mieux vaudrait organiser un Grenelle du droit social, du droit du travail et de la santé du travail, afin que flexibilité rime avec sécurité. Pourquoi a-t-on embauché à l'usine Peugeot de Sochaux ? Parce que la 3008 est une très bonne voiture et que les carnets de commande sont pleins. Mais l'idéologie néolibérale fait du code du travail un bouc émissaire, parce qu'il protège les salariés. Le FMI lui-même reconnaît que l'assouplissement du marché du travail nourrit les inégalités et recommande, ce n'est pas son habitude, de mettre l'accent sur le capital humain, les compétences et d'engager une politique de redistribution à travers l'impôt sur la fortune notamment. Le Gouvernement fait l'inverse : baisse des APL, augmentation de la CSG, baisse de l'ISF. Cherchez l'erreur ! (M. Jérôme Durain, Mme Gisèle Jourda, M. Georges Labazée et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.)
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Avis évidemment défavorable, tant il est nécessaire de clarifier l'articulation entre la loi, l'accord de branche ou d'entreprise et le contrat de travail. Les règles actuelles, complexes, sont méconnues de la majorité des employeurs et de la quasi-totalité des salariés. La hiérarchie des normes n'est nullement bouleversée : la loi continue à prévaloir sur la négociation collective !
Depuis les lois de 1982, 2004 et 2016, l'accord d'entreprise a acquis une place centrale pour définir les relations individuelles et collectives du travail. Des garde-fous demeurent, puisque certains sujets continueront de relever exclusivement de l'accord de branche, et que l'accord d'entreprise devra résulter d'un accord entre les syndicats et l'employeur.
Pourquoi une telle loi dès le début du mandat ? Pour que la France évolue et que le chômage baisse.
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Faire confiance au dialogue social, c'est considérer que dans la branche comme dans l'entreprise, employeurs et syndicats sont des autorités légitimes pour fixer les normes sociales. Déjà, 36 000 accords sont signés chaque année, à plus de 80 % par l'ensemble des confédérations.
La loi s'impose à tous : la hiérarchie des normes n'est pas inversée, puisque la loi fixe les principes fondamentaux dans le cadre desquels les négociations sont menées.
J'ai participé à quarante-huit réunions avec les partenaires sociaux. Patronat et syndicats sont plutôt contents de l'équilibre trouvé entre les niveaux de la branche et de l'entreprise. Un premier bloc de compétences sera réservé par les ordonnances à la branche : minima conventionnels, classifications, mutualisation des financements paritaires. La négociation de branche en sera renforcée. À la suite de la concertation, nous avons décidé d'ajouter à cette liste la gestion et la qualité de l'emploi, ce qui couvrira aussi bien la durée minimale du temps partiel que les compléments d'heures, la régulation des contrats courts et les conditions de recours au CDI de chantier. Autre item qui relèvera de la branche : l'égalité professionnelle entre femmes et hommes. Notre échec collectif à ce sujet montre que la loi ne suffit pas, et qu'il faut mobiliser les acteurs.
Le second domaine regroupera les sujets où la branche sera compétente pour négocier et pour décider si l'accord de branche est verrouillé ou non, c'est-à-dire s'il est susceptible de donner lieu à des adaptations dans l'entreprise. Il s'agira notamment de la prévention des risques professionnels, de la pénibilité et du handicap. Aucune obligation des entreprises au sujet des travailleurs handicapés ne sera revue à la baisse, je tiens à le préciser. Il est important que les bonnes pratiques se diffusent au sein des branches. Ce qu'attendent les salariés handicapés, c'est du travail !
À ce deuxième bloc nous adjoindrons, et c'est nouveau, les conditions et moyens d'exercice des mandats des représentants des salariés, la reconnaissance de leur compétence et l'évolution de leur carrière. C'est cohérent avec le rôle central dévolu au dialogue social.
Enfin, sur les autres sujets, l'accord d'entreprise aura la primauté : c'est le troisième bloc. Fait-on confiance à la communauté d'entreprise pour créer les conditions de la performance économique et sociale ? C'est l'esprit de l'article premier. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; M. Philippe Mouiller applaudit aussi.)
M. Pierre Laurent. - Où est la liste des sujets relevant du troisième bloc ?
Mme Esther Benbassa. - Monsieur le président Gaudin, les gentils mots que vous m'adressiez à chaque fois que nous nous rencontrions me manqueront.
Je voterai les amendements de suppression de cet article, qui bouleverse l'ordre social français avec des conséquences graves pour les citoyens : inversion de la charge de la preuve, suppression du principe de faveur...
De plus, les parlementaires que nous sommes regrettent que le débat ne puisse avoir lieu. Le président de la start-up nation voulait profiter de la torpeur du mois d'août, non pour inventer les protections de demain, celles qui devraient profiter aux nouveaux précaires que sont les auto-entrepreneurs, les faux indépendants ou les travailleurs des plateformes, mais pour réviser le code du travail à la baisse. En tant qu'écologiste, je ne m'y résigne pas.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Dire que cet article n'inverse pas la hiérarchie des normes est un sophisme, madame la ministre, puisque vous limitez le champ de l'ordre public social !
La confiance, que vous appelez de vos voeux, n'est possible que s'il y a égalité de situation, c'est-à-dire si la loi protège les salariés. On cite toujours l'exemple allemand. Mais la cogestion, en Allemagne, ce n'est pas le consensus naturel ! C'est la possibilité donnée au conseil de surveillance syndical de s'opposer aux décisions de l'entreprise. Ici, il n'y a pas d'égalité.
M. Jean-Louis Tourenne. - Il y a eu un accord collectif du Sénat pour vous rendre hommage, monsieur le président (Sourires), et je m'y associe volontiers.
Je ne voterai pas les amendements de suppression, car je souhaite discuter tous les alinéas de cet article.
J'admire votre subtilité, madame la ministre, mais cet article ne se résume pas à la répartition des rôles entre l'accord de branche et d'entreprise. Il donne aussi au chef d'entreprise la possibilité d'organiser un référendum parmi ses salariés et d'exercer ainsi son influence, voire de jouer sur la peur. Il faut faire confiance, dites-vous. Et pourquoi pas faire confiance aux automobilistes en supprimant les limitations de vitesse ?
L'accord collectif emportera une présomption d'égalité : il faudra que le salarié apporte la preuve de son illégalité, ce dont il n'aura pas toujours les moyens. De même, vous dites qu'il n'est pas question de toucher aux salaires, mais vous oubliez les prestations annexes qui pourront être supprimées par accord. C'est toxique.
Je m'abstiendrai sur ces amendements, mais j'interviendrai pour dire que je ne suis pas du tout d'accord avec certaines dispositions.
M. Marc Laménie. - Je m'associe, monsieur le président, à l'hommage sincère qui a été rendu à l'homme de coeur et de passion que vous êtes.
Le vote de ces amendements de suppression mettrait fin à la discussion, au dialogue dont il est justement question ici. Le dialogue est pourtant nécessaire sur ces sujets complexes, qui concernent toutes les entreprises, petites ou grandes. La commission s'est beaucoup investie. Nous devons nous poser les bonnes questions, au service de l'activité économique, notre priorité. J'irai donc dans le sens du rapporteur.
M. Dominique Watrin. - Je ne peux laisser dire que les organisations représentatives des salariés sont favorables à ce qui est proposé. Ce n'est pas à vous, madame la ministre, de parler ici en leur nom d'autant que vous avez opté pour des discussions bilatérales avec les syndicats. Au sein de la commission des affaires sociales, nous avons entendu un tout autre son de cloche : la CFE-CGC n'est pas d'accord avec la logique du texte, la CFDT n'était pas demanderesse, FO a tracé des lignes rouges et la CGT appelle à la mobilisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean Desessard. - Je suis interloqué mais pas surpris, madame la ministre, par votre argumentaire qui était celui de Mme El Khomri. Vous appelez à faire confiance aux entrepreneurs. Mais dans quel monde vivez-vous ? Le capitalisme, ce n'est pas un système de coopération, mais de compétition, désormais internationale : c'est à qui vendra le moins cher pour vendre davantage. N'y a-t-il donc pas de patrons voyous qui achètent des entreprises pour les revendre après avoir chassé des travailleurs ? Les profits sont-ils systématiquement réinvestis dans l'entreprise, au lieu d'être envoyés dans des paradis fiscaux ? Vous connaissez la réponse !
Le résultat de cette compétition, ce sont des gens laissés sur le carreau, des territoires délaissés. Vous voulez aller encore plus loin dans ce sens, en supprimant les garde-fous. C'est oublier que lorsqu'une entreprise baisse les salaires et dégrade les conditions de travail de ses salariés, elle oblige toutes ses concurrentes à l'imiter.
M. Daniel Chasseing. - Monsieur le président, j'ai été très heureux de vous rencontrer, jeune élu de Corrèze, après avoir tant entendu parler de vous par Mme Chirac. (Exclamations amusées)
M. le président. - Merci ! Elle faisait parvenir beaucoup de pièces jaunes aux hôpitaux de Marseille... (Sourires)
M. Daniel Chasseing. - J'ai pu apprécier par moi-même votre humanisme et votre générosité.
Bien loin de contourner les branches, cet article les rend incontournables, tout en permettant de conclure des accords au plus près des besoins, au bénéfice des salariés et de l'emploi. II ne s'agit pas de répondre aux voeux du CAC40, mais des petites entreprises où il n'y a pas d'un côté des patrons dominateurs, de l'autre côté des salariés asservis ! Le dialogue y est quotidien. Donner une place centrale à la négociation, n'est-ce pas un progrès social, surtout si cela permet au pays de sortir enfin du chômage de masse ?
M. Olivier Cadic. - Je respecte mes collègues, qui sont malheureusement à contre-courant de l'Histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Notre économie ne fonctionne plus comme au siècle dernier ! Les échanges y sont nombreux, rapides, internationaux, métiers et marchés évoluent et les employeurs comme les salariés doivent pouvoir s'y adapter en choisissant ensemble leurs règles d'organisation.
Un mot sur les travailleurs handicapés. Dans d'autres pays, on est moins prolixe, mais on fait respecter l'égalité car une entreprise qui recrute alors qu'elle est inaccessible aux personnes handicapées est jugée coupable de discrimination. Au lieu d'encombrer le code du travail, faisons respecter le code pénal !
M. Alain Néri. - Bis repetita placent. Nous allons vous répéter, madame la ministre, ce que Mme El Khomri n'a pas voulu entendre - mal lui en a pris. Dans un monde de Bisounours, il n'y a pas besoin de lois. Il en faut dans le nôtre, où la fraternité et la solidarité sont parfois oubliées.
Vous parlez avec les syndicats, très bien. Mais l'endroit où l'on parle, pour l'instituteur attentif à l'étymologie que je suis, c'est le Parlement ! Sur un sujet aussi important que le droit du travail, c'est-à-dire le droit des salariés à la dignité et à l'épanouissement au travail, priver les parlementaires de leur droit fondamental de parler est inacceptable. Je voterai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Martial Bourquin. - On ne peut pas dessaisir ainsi le Parlement. Cela fait trente ans que l'on flexibilise sans régler les problèmes. Des pans entiers de notre industrie, de notre économie ont été abandonnés : voilà l'une des causes du chômage de masse.
Savez-vous qu'un tiers des CDI sont rompus dès la première année ? Que 30 000 séparations amiables ont lieu chaque mois ? Que 2,4 millions de ruptures ont déjà été signées ? En Allemagne, le CDI est bien plus protecteur, le CDD l'est beaucoup moins. La réglementation française sur les plans sociaux est moins contraignante qu'ailleurs en Europe. C'est la preuve que, contre le chômage, la dérégulation ne marche pas.
Vous voulez donner la primauté à l'accord d'entreprise, étendre les possibilités de recours au contrat de chantier, plafonner les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, modifier le périmètre du licenciement économique, réduire les délais de recours devant les prud'hommes, et tout cela par ordonnances ? C'est impensable, et c'est pourtant ce que vous faites. (Mme Gisèle Jourda et M. Alain Néri applaudissent.)
Mme Nicole Bricq. - Le groupe La République en marche repousse naturellement ces amendements. L'article premier règle le problème laissé en suspens par la loi El Khomri de l'articulation entre accord de branche et accord d'entreprise. Les organisations syndicales que la commission des affaires sociales a entendues en ont donné acte au Gouvernement.
Je reconnais volontiers la fonction tribunicienne des parlementaires, mais attention aux raccourcis. Vous liez, madame Lienemann, les mesures proposées au travail détaché illégal.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je n'ai jamais dit cela !
Mme Nicole Bricq. - C'est justement grâce à la branche bâtiment que le travail détaché a été régulé efficacement, au moyen d'une carte professionnelle. Le rôle des branches est précisément de lutter contre le dumping, et elles le feront d'autant mieux quand cet article aura été voté. Ne racontons pas n'importe quoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
M. Alain Néri. - Nous ne racontons pas n'importe quoi !
M. David Assouline. - Monsieur le président, si vous avez été élu à Marseille pendant cinquante ans, c'est sans doute que votre bonhomie se doublait d'une âpreté au combat. Il est rare de voir alliées ces qualités.
M. Jean Desessard. - Et ça vient d'un Parisien !
M. David Assouline. - M. Cadic prétend que nos arguments sont d'un autre siècle. Mais ses propos sont ceux que la droite et le patronat ont toujours tenus et rabâchés depuis que le Parlement existe ! « Il faut faire confiance au patron, il veut le bien de ses salariés ; si ses affaires prospèrent, il leur accordera une augmentation de salaire, leur permettra d'acquérir une petite maison... S'il coule, les salariés se retrouveront aussi sur le carreau ». Mais les choses ne fonctionnent pas ainsi !
Soyons fiers de notre pays, où le code du travail a su modifier le rapport de force entre salariat et patronat, de sorte que nous n'avons pas, comme en Allemagne, 20 % de travailleurs pauvres ! Car c'est là ce qui ronge le lien social. Mais au lieu de renforcer les protections pour les plus précaires, le Gouvernement fait l'inverse. (On s'impatiente à droite.)
Il y a bien autre chose dans cet article que l'articulation entre les accords de branche et d'entreprise. Je n'ai jamais entendu les syndicats réclamer plus de flexibilité. Ils sont bien forcés, maintenant, de négocier... La vérité, c'est que cette loi répond à une demande de M. Gattaz. Nous, socialistes, restons du côté des travailleurs. (MM. Martial Bourquin et Alain Néri applaudissent, tandis qu'on ironise à droite.)
La séance, suspendue à 17 h 30, reprend à 17 h 35.
À la demande du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain et citoyen, les amendements nos1 rectifié quater, 54, 156 et 182 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°128 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 36 |
Contre | 299 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Alain Néri. - Il a eu tort !
M. Georges Labazée. - Après un tel débat !
Rappel au Règlement
Mme Nicole Bricq . - Monsieur le président, vous avez toujours eu, lors des séances que vous présidez, le mardi matin, une grande mansuétude pour le temps de parole des orateurs. J'en ai parfois bénéficié...
M. Alain Néri. - Eh oui !
Mme Nicole Bricq. - Je souhaite que les orateurs qui le dépassent soient aussi là jeudi dans la nuit pour achever l'examen de ce texte... (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
M. Martial Bourquin. - Absolument !
M. le président. - Cela me rappelle Hélène Luc, qui avait tendance à dépasser son temps de parole... (Sourires)
Discussion des articles (Suite)
M. le président. - Monsieur Desessard, dissipez vos alarmes et annoncez-nous un destin plein de charme. (Sourires et applaudissements)
Amendement n°162 rectifié, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
M. Jean Desessard. - Que dire de plus ? (Sourires) Un mot, tout de même ! (On feint la surprise sur divers bancs.) Certes, monsieur le rapporteur, il vaut mieux faire les réformes en début qu'en fin de mandat... Les socialistes en savent quelque chose ! Soit, mais pourquoi une telle précipitation ? Fallait-il prendre ces ordonnances dès cet été ? Pourquoi ne pas avoir laissé les partenaires sociaux dresser un bilan avant de revenir devant la représentation nationale à l'automne ? Vous pensez que le code du travail bloque le travail.
Nous souhaitons le développement de la coopération écologique internationale, les communistes diront de la solidarité internationale. Nous souhaitons établir à l'échelle mondiale des règles, à l'échelle européenne des normes. Au lieu de cela, vous cherchez à vous adapter sans cesse au système compétitif international.
Or, aujourd'hui, le rapport de force en faveur des employeurs est disproportionné. Les travailleurs n'ont d'autre choix que de s'adapter : horaires, conditions de travail, au niveau de la branche, de l'entreprise, tout y passe ! Notre logique est bien différente et nous continuerons à la défendre, fût-ce au milieu de la nuit...
M. le président. - Amendement n°198, présenté par MM. Vanlerenberghe et Cadic.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
salariés de droit privé
par les mots :
employeurs et aux salariés mentionnés à l'article L. 2211-1 du code du travail
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Monsieur le Président, vous nous manquerez, avec votre voix, votre chaleur humaine. Oui, Marseille a bien de la chance de vous conserver. Que la Bonne Mère vous garde...
M. le président. - Merci !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Mon amendement est simplement rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Après le mot :
professionnelle,
insérer les mots :
dans le respect des règles de concurrence loyale et non faussée,
M. Jean-Louis Tourenne. - Nous voulons limiter les effets prévisibles du dumping économique et social entre les entreprises d'un même secteur d'activité. De nombreuses TPE et PME travaillant en sous-traitance seraient tentées de baisser leurs prix, puis l'ensemble de la branche. Notre amendement a pour objet d'éviter cette dérive.
M. le président. - Amendement n°68 rectifié, présenté par M. Antiste et Mmes Jourda et Monier.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
M. Maurice Antiste. - L'alinéa 3 définit de manière limitative les domaines dans lesquels les dérogations par des accords d'entreprise ne seront pas permises.
Un droit des salariés à la carte risque de voir le jour, alimentant le moins-disant social, allant à l'encontre de la démarche qui a forgé notre code du travail.
M. le président. - Amendement identique n°89, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Annie David. - Cet alinéa revient sur le principe de faveur, dans le sillage de la loi El Khomri, qui a à peine un an.
Une telle mesure, loin de le simplifier, ne ferait que complexifier le code du travail, en revenant sur les droits des salariés.
C'est comme s'il y avait un code de la route différent par type de route, départementale, nationale, autoroute : la loi du plus fort s'appliquera immanquablement. Or la différence avec la route, c'est qu'en entreprise, un lien de subordination soumet l'employé à son employeur, vous le savez. Même la sécurité dépendrait de l'entreprise alors que plus de 600 000 accidents du travail sont recensés chaque année, dont certains sont mortels.
Votre projet de loi ne créera pas d'emploi, ce que réclament pourtant des millions de chômeurs dans notre pays.
M. le président. - Amendement n°90, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 3
Après la première occurrence du mot :
interprofessionnels,
insérer les mots :
parmi lesquels les classifications, les salaires minima, les garanties collectives complémentaires, la mutualisation des fonds de formation professionnelle, la prévention de la pénibilité et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
M. Dominique Watrin. - Les parlementaires, par cette loi d'habilitation à procéder par ordonnances, signent un chèque en blanc au Gouvernement. C'est d'autant plus grave que l'inversion de la hiérarchie des normes et la suppression du principe de faveur auront des conséquences néfastes.
La rédaction de l'alinéa 3 reste beaucoup trop laconique. Nombre de dispositions du niveau de la loi sont abaissées aux branches, ce qui entraînera de profondes inégalités entre les entreprises. Nous souhaitons que la nouvelle articulation des normes protège au maximum les salariés.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, MM. Godefroy, Tourenne et Duran, Mme Jourda, M. Labazée, Mme Yonnet, M. Mazuir, Mme Monier et M. Courteau.
Alinéa 3
Après les mots :
ou accord d'entreprise, ou le cas échéant d'établissement,
insérer les mots :
tels que la prévention des risques et les règles et conditions d'hygiène et de sécurité,
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Cet amendement très modeste garantit que la prévention des risques et les règles et conditions d'hygiène et de sécurité relèvent bien de la branche.
M. le président. - Amendement n°69 rectifié, présenté par M. Antiste et Mme Jourda.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
M. Maurice Antiste. - Cet alinéa exonère les petites et moyennes entreprises de certaines règles prévues par les accords de branche, ce qui fragiliserait des droits des salariés de ces entreprises, alors que, bien souvent, ils bénéficient déjà de protections moins importantes que les salariés des grands groupes : absence de délégués du personnel, élaboration d'un règlement intérieur, etc.
M. le président. - Amendement identique n°91, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
M. Pierre Laurent. - Cet alinéa 4 fragiliserait les entreprises et favoriserait le dumping social. Le terme de TPE n'est même pas défini. On ouvre la voie à un droit du travail à la carte.
Beaucoup de petits patrons s'inquiètent de cette logique. Les réponses qu'on nous fait sont en trompe-l'oeil. La ministre dit qu'il y aura trois blocs. Pour le troisième, il n'y a plus de liste. Pourquoi ? Parce que c'est de loin la plus longue.
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°162. L'amendement n°198 n'est pas si rédactionnel que le prétend M. Vanlerenberghe. Il mentionne les employeurs en plus des salariés et fait référence aux établissements publics à caractère industriel et commercial, ainsi qu'aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé. La commission n'y est pas opposée. Sagesse.
Avis défavorable à l'amendement n°23 rectifié. Je souscris à sa philosophie mais je m'interroge sur son caractère opérationnel. Il créerait un nid à contentieux.
Avis défavorable à l'amendement n°68 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n°89. Les règles actuelles régissent les relations entre accord de branche et d'entreprise. Il faut achever la dynamique de la loi Travail.
La commission est également défavorable à l'amendement n°90. En effet, le bilan de la concertation avec les partenaires sociaux pourrait aboutir à sortir la pénibilité des thèmes relevant du premier bloc, celui du monopole légal des accords de branche, la renvoyant au deuxième bloc, celui des clauses verrouillées sur décision de la branche.
Même avis sur l'amendement n°2 rectifié ter, qui instaurerait un monopole des accords de branche en matière de prévention des risques et des conditions d'hygiène et de sécurité, qui ne relèvent pas de la négociation.
Contrairement à ce qu'affirment les auteurs de l'amendement n°69 rectifié, il n'y a pas de risque de dumping social puisque ce sont les partenaires de la branche qui définissent les règles du jeu. Avis défavorable, comme à l'amendement identique n°91.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°162 rectifié. Même si tous les salariés du privé sont concernés, quel que soit le statut de leur établissement, l'amendement n°198 apporte une précision rédactionnelle utile sans changer le droit actuel : avis favorable.
Avis défavorable aux amendements nos23 rectifié, 68 rectifié, 89, 90, 2 rectifié ter, 69 rectifié et 91.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Nous ne serions pas attentifs aux PME et TPE ? Sous-traitantes, elles sont sous la pression des donneurs d'ordre.
Si on ouvre les vannes, en donnant la possibilité d'établir des règles différentes, propres aux PME, les donneurs d'ordre s'engouffreront dans cette brèche, pour provoquer des reculs sociaux.
L'amendement n°162 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°198 est adopté.
L'amendement n°23 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos68 rectifié et 89 et les amendements nos90 et 2 rectifié ter.
M. Dominique Watrin. - Le sujet des TPE-PME est très important. Nous sommes à leurs côtés. Aucun critère de dérogation n'est énoncé, ce qui laisse toute latitude à l'exécutif pour favoriser le dumping social.
Le terme de TPE, non défini, est particulièrement flou.
La manne du CICE a surtout servi aux grandes entreprises. Même si nous n'approuvons guère cette mesure, recentrons-la, au moins, sur les TPE-PME.
En outre, la fiscalité sur les sociétés est trois fois moins lourde sur les entreprises du CAC40 que sur les petites entreprises.
Je vous renvoie au rapport de mars 2017 du Conseil économique social et environnemental qui propose de véritables pistes pour soutenir les TPE-PME : mieux orienter le crédit bancaire, faciliter la transformation numérique et l'investissement dans l'immatériel, améliorer les relations entre les banques et les PME, faire du développement des PME une priorité des conventions de revitalisation. Mieux vaudrait agir concrètement dans ce sens que réduire les protections des salariés.
M. Olivier Cadic. - Je voterai contre cet amendement. Je suis étonné d'entendre ces personnes dire qu'elles défendent les TPE... (On proteste et l'on demande pourquoi sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain.) La meilleure protection, ce serait un mode de travail assoupli. La logique que vous défendez n'est pas celle qu'attendent les TPE. J'ai trente-cinq ans d'expérience dans ce domaine. (Les protestations vont croissant sur les mêmes bancs.) Ce que veulent les entrepreneurs, c'est qu'on leur fasse confiance. Je ne vous connais pas d'expérience de management...
Mme Annie David. - Qu'est-ce que vous en savez ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Vous avez l'expérience de la défiscalisation !
M. Jean-Louis Tourenne. - La ministre a expliqué qu'il y avait trois catégories d'accords de branche et d'entreprise. Nous considérons que l'accord de branche peut être protecteur des PME et TPE.
Je voterai l'amendement.
M. Martial Bourquin. - Très bien !
Mme Annie David. - Certaines personnes qui s'expriment ici en tant que parlementaires devraient réfléchir avant de parler. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain) Parmi les communistes, il y a des chefs d'entreprise... (Applaudissements sur les mêmes bancs) Eh oui ! Simplement, ils n'ont pas la même conception du management d'entreprise que certains de leurs collègues : nous, nous n'allons pas en Angleterre pour échapper à l'impôt et à la loi française ! (Applaudissements nourris sur les mêmes bancs)
Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. David Assouline, Martial Bourquin et Alain Néri. - Très bien !
Mme Annie David. - Non, telle n'est pas notre conception. Nous nous battons pour nos PME et TPE, pour l'emploi, et pensons que chacun doit vivre dignement de son travail. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Maurice Antiste. - Après l'intervention de M. Cadic, je me sens conforté dans mon soutien aux positions de M. Laurent : je signe et contresigne ces amendements. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean Desessard. - C'est la lutte des classes dans l'hémicycle ! (Sourires)
M. Martial Bourquin. - Prétendre que le code du travail est le principal problème des TPE-PME est une aberration. (Marques de perplexité sur les bancs du groupe Union centriste) Le problème n°1 est causé par les délais de paiement des donneurs d'ordre. (On approuve sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen.) En effet, une suppression d'entreprise sur quatre est due aux délais de paiement. Il se dit tout et n'importe quoi alors que ce sont des statistiques officielles de Bercy.
Les TPE veulent des accords de branche parce qu'elles ne peuvent pas signer d'accords d'entreprise. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean Desessard. - Madame la présidente, recevez, vous aussi, nos hommages ! Nous aimons votre accent des Hauts-de-Seine. (Sourires)
Mme la présidente. - Merci !
M. Jean Desessard. - Madame la ministre, répondez à M. Bourquin : pourquoi n'avez-vous pas pris des ordonnances pour faire respecter les délais de paiement, problème numéro un des entreprises ?
Voilà une bonne mesure pour le Gouvernement de monsieur... (L'hésitation de l'orateur déclenche des sourires.)
Plusieurs voix à droite. - Philippe !
M. Jean Desessard. - Oui, Philippe, Édouard Philippe ! (Sourires et exclamations)
C'était facile. Il y avait là de quoi se démarquer du président Macron, et vous auriez obtenu, sinon une ovation, du moins un large assentiment dans cet hémicycle et même à l'Assemblée nationale... Nous aurions ensuite abordé les problèmes moins importants, tels ceux qui vous préoccupent avec ces ordonnances...
Mme Élisabeth Lamure. - Je suis étonnée d'entendre que le problème numéro un est celui des délais de paiement. (On renchérit à droite.) Ce n'est pas ce que nous entendons à la délégation aux entreprises dont M. Bourquin est un membre actif, où l'on nous dit que les deux premiers problèmes sont le code du travail et les lourdeurs administratives. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste ; on le conteste sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Pierre Laurent. - M. Watrin a fait référence au rapport du CESE. Nous devrions prendre le temps de le lire et d'entendre ses auteurs.
Les amendements nos69 rectifié et 91 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mmes de Rose et Mélot, MM. Morisset, Commeinhes, César, Lefèvre, Bonhomme, D. Laurent, Savary et Chaize, Mmes Lopez et Estrosi Sassone, MM. Pointereau, Longuet et de Legge, Mmes Morhet-Richaud, Billon et Imbert, MM. Rapin, Kern, Pellevat et Perrin, Mmes Debré, Deromedi et Di Folco et M. Gremillet.
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Permettant à l'employeur, dans les entreprises employant moins de onze salariés et dans celles employant moins de cinquante salariés dépourvues de représentant du personnel, d'appliquer un accord type ou de prendre une décision unilatérale dans les domaines et les conditions prévues dans l'accord de branche ;
M. Philippe Mouiller. - Cet amendement sauvegarde la nécessaire équité entre les entreprises qui sont en capacité de signer des accords d'entreprise et celles qui ne le sont pas.
Dès lors que le Gouvernement accorde une plus grande latitude aux accords d'entreprise, cet amendement prévoit que dans les entreprises employant moins de onze salariés et dans celles employant moins de cinquante salariés dépourvues de représentant du personnel, le chef d'entreprise puisse déroger à l'accord de branche.
Prévoyons une souplesse suffisante dans l'entreprise en fonction de son activité et de sa situation. La dérogation ne signifie pas une moins-value pour le salarié, mais une adaptation dans l'entreprise pour qu'elle puisse fonctionner dans de bonnes conditions. Les TPE attendent cette dérogation avec impatience.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'alinéa 4 oblige à terme les accords de branche à prévoir, quelles sont les stipulations qui ne s'appliquent pas aux petites entreprises, et à en adapter d'autres pour tenir compte de leurs spécificités.
L'amendement va plus loin que notre texte, en encourageant l'application directe d'accords types prévus par accord de branche, dans les entreprises employant moins de onze salariés et dans celles employant moins de cinquante salariés, mais dépourvues d'institutions représentatives du personnel.
L'article 63 de la loi Travail a autorisé l'employeur à appliquer un accord type prévu dans un accord de branche, au moyen d'un document unilatéral indiquant les choix qu'il a retenus après en avoir informé les délégués du personnel, s'il en existe dans l'entreprise, ainsi que les salariés, par tous moyens.
À titre personnel, je comprends parfaitement les motivations de cet amendement, plus précis et plus ambitieux que le projet de loi actuel, mais je souhaite, avec la commission des affaires sociales, savoir où en sont les discussions avec les partenaires sociaux sur ce point. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Je comprends l'objectif de l'auteur de l'amendement. Seules 4 % des entreprises de moins de cinquante salariés ont un délégué syndical, et 50 % seulement de celles de moins de cent cinquante salariés. Nous voulons renforcer le dialogue social. Comment ?
Nous souhaitons encourager la syndicalisation dans ces entreprises. Il faut aussi autoriser les employeurs à négocier des accords même si aucune organisation syndicale pour l'instant n'a réussi à s'implanter dans l'entreprise. Nous pensons que cette négociation fera progresser la syndicalisation.
Oui, l'accord de branche peut prévoir un accord type. Il importe de renforcer cette option dans le cadre des ordonnances. Certaines branches signent des accords qui ne sont pas toujours applicables. Les accords types simplifient la vie des petites entreprises.
Les concertations avec les partenaires sociaux ont ouvert d'autres pistes. Si je suis favorable à votre intention, je ne souhaite pas pour autant fermer ces autres options et c'est pourquoi je suggère le retrait de cet amendement.
M. Philippe Mouiller. - Je retire mon amendement au regard des arguments de la ministre.
L'amendement n°21 rectifié bis est retiré.
M. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales. - Nous souhaitons une suspension de quarante minutes pour étudier en commission les quatorze amendements déposés par le Gouvernement.
La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 19 h 10.
Mme la présidente. - Amendement n°92, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Mme Laurence Cohen. - Cet article entend donner souplesse et réactivité aux entreprises face aux mutations technologiques et économiques. Des postes de travail étant amenés à disparaître, le salarié est en quelque sorte invité à s'effacer devant les avancées technologiques. Plutôt que de jouer la mélodie du bonheur ou la cantate du progrès, on entonne la rengaine plutôt sinistre du licenciement pour motif personnel, moins protecteur que le licenciement économique. Or nous sommes habitués à la violence des échanges dans l'entreprise : l'accord soi-disant au plus près du terrain sera synonyme de recul pour les salariés.
Je remercie enfin l'effort de pédagogie du rapporteur, qui s'efforce d'étayer ses arguments. C'est très appréciable dans un débat démocratique. (On apprécie.)
M. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales. - Il en rougit ! (Sourires)
Mme la présidente. - Amendement identique n°183 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Cabanel et Durain, Mmes Guillemot, Jourda et Lepage, MM. Manable, Mazuir et Montaugé, Mme Monier, M. Labazée, Mme Lienemann et MM. Tourenne, M. Bourquin, Marie et Roger.
M. David Assouline. - L'abandon du motif économique du licenciement permet à l'employeur de se défaire des obligations qui lui incombent : plus d'obligation de reclassement ni de congé de reclassement et une allocation chômage qui passe de 75 % à 57 % du salaire brut mensuel. Cet alinéa scandaleux remet en cause un outil de sécurité juridique élémentaire sans aucune mesure de compensation pour le salarié.
Mme la présidente. - Amendement n°242, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
c) Harmonisant et simplifiant le cas échéant les conditions de recours et le contenu des accords mentionnés aux articles L. 1222-8, L. 2242-19, L. 2254-2, L. 3121-43 et L. 5125-1 du code du travail, le régime juridique de la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat résultant d'un accord collectif, notamment les accords précités, ainsi que les modalités d'accompagnement du salarié ;
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - La commission a supprimé cet alinéa en arguant du peu de succès des accords de maintien dans l'emploi : une dizaine seulement a été signée depuis 2013. Cela nous empêche toutefois d'harmoniser les cinq types d'accord existants, qui ont tous des modalités différentes.
Mme la présidente. - Amendement n°24 rectifié, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 5
Remplacer le mot et la référence :
et L. 3121-43
par les références :
, L. 3121-43 et L. 5125-1
M. Jean-Louis Tourenne. - La suppression des AME ne se justifie pas. Les accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE) sont déconnectés des difficultés de l'entreprise. De plus, les clauses de l'AME ne se substituent pas de plein droit aux clauses contraires des contrats de travail sans l'accord des salariés et les licenciements éventuels reposent alors sur un motif économique.
Mme la présidente. - Amendement identique n°189, présenté par Mme Laborde, M. Arnell, Mmes Jouve et Costes, MM. Bertrand, Guérini, Castelli et Collombat, Mme Malherbe et M. Collin.
M. Guillaume Arnell. - L'objectif des AME diffère de celui des APDE : les premiers sont signés en cas de difficultés économiques conjoncturelles, les seconds sont simplement conditionnés à la poursuite d'un objectif de croissance ou de développement de l'emploi. Il convient par conséquent de réintroduire la référence aux AME.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Duran, Mme Jourda, M. Labazée, Mme Yonnet et MM. Mazuir, Montaugé et Courteau.
Alinéa 5
Après le mot :
collectif
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
issu de l'un de ces accords précédemment cités, ainsi que les modalités d'accompagnement du salarié ;
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - J'espère que l'amendement n°183 rectifié bis sera voté. Cet amendement de repli vise à s'assurer que ces dispositions ne seront pas utilisées au sujet de n'importe quel accord et n'affaibliront pas encore plus la protection des salariés.
Mme la présidente. - Amendement n°25 rectifié, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
en prévoyant notamment que le licenciement du salarié repose sur un motif spécifique auquel ne s'appliquent pas les dispositions de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du même code
par les mots :
notamment les accords précités
M. Jean-Louis Tourenne. - Défendu.
M. Alain Milon, rapporteur. - La commission a voulu obliger le Gouvernement à retenir un motif spécifique pour les licenciements de salariés qui refusent un accord de flexisécurité : tout refus d'un salarié entraînera un licenciement sui generis. Nous estimons que l'employeur devrait suivre une procédure spécifique unique et proposer un dispositif d'accompagnement unique présentant les mêmes garanties que le contrat de sécurisation professionnelle.
Avis défavorable aux amendements nos92 et 183 rectifié bis, car il faut clarifier l'articulation entre accord d'entreprise et contrat de travail.
Avis défavorable à l'amendement n°242 du Gouvernement, qui revient sur le texte de la commission, ainsi qu'aux amendements nos24 rectifié et 189. En effet, le Sénat avait supprimé les AME lors de l'examen de la loi Travail, compte tenu du faible engouement qu'ils ont suscité - une douzaine d'accords conclus depuis 2013. L'APDE poursuit le même objectif avec des contraintes juridiques moindres. Nous supprimons donc toute référence à l'AME.
Avis défavorable à l'amendement n°4 rectifié bis ainsi qu'à l'amendement n°25 rectifié. Nous ne partageons pas cette conception malthusienne du rôle du Parlement. Le Sénat a forgé ses propres convictions, nous avons le droit et le devoir d'encadrer les projets de loi d'habilitation sur des sujets aussi structurants. Même en prévoyant un motif spécifique de licenciement, les partenaires sociaux auront encore du grain à moudre !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos92 et 183 rectifié bis. Retrait ou rejet des amendements nos24 rectifié et 189 rectifié, 4 rectifié bis et 25 rectifié bis car l'amendement du Gouvernement répond à ces questions.
Les amendements nos92 et 183 rectifié bis ne sont pas adoptés.
Mme Nicole Bricq. - La commission supprimait déjà les AME dans la loi El Khomri ? C'est un peu léger, comme argumentation ! L'habilitation vise à harmoniser des régimes devenus illisibles. Vous privez le Gouvernement d'un espace de liberté alors qu'il pourrait trouver un bon chemin avec les partenaires sociaux.
Les accords de compétitivité ont du bon. Renault, Peugeot en ont conclu en période de turbulences ; ces accords défensifs ont été prolongés par des accords offensifs quand la situation s'est rétablie et que les salariés ont demandé à être récompensés de leurs efforts.
M. Dominique Watrin. - Accord d'entreprise, accord de compétitivité, AME, APDE, accords offensifs ou défensifs - ce sont toujours des sacrifices demandés aux salariés, qui n'en touchent aucun bénéfice lorsque la situation s'améliore.
À Saint-Nazaire, M. Macron a félicité les salariés de STX d'avoir conclu un accord difficile et accepté les sacrifices demandés - chômage technique, renoncement aux RTT ou aux indemnités - à hauteur de 21 millions d'euros. Pourtant, quand la situation s'est améliorée, ils n'ont obtenu une prime et une revalorisation salariale qu'au prix d'une grève !
Entre 2015 et 2016, le chiffre d'affaires de Renault s'est envolé, les dividendes versés aux actionnaires sont passés de 2,40 euros par action à 3,15 euros. Mais les chiffres de l'emploi, je n'ai jamais pu les obtenir auprès de la direction de Renault.
M. Alain Milon, rapporteur. - Douze AME conclus depuis 2013, c'est peu. Les accords Peugeot ou Renault sont des accords conclus hors du droit commun du travail.
Mme Nicole Bricq. - En effet.
M. Alain Milon, rapporteur. - C'est peut-être vers cela qu'il faut tendre. La position constante du Sénat ne favorise sans doute pas le travail du Gouvernement, mais gageons qu'il parviendra quand même à une harmonisation.
L'amendement n°242 n'est pas adopté.
M. Jean-Louis Tourenne. - L'intention d'harmoniser les catégories de licenciement était louable, mais les conditions du licenciement sui generis sont bien moins favorables que celles du licenciement économique. J'espère que l'ordonnance sera attentive à la situation de ceux qui se retrouvent au chômage : l'indemnisation ne fait pas tout, mais elle aide à supporter une situation très douloureuse.
Les amendements nos24 rectifié et 189 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, M. Labazée, Mme Jourda, M. Duran, Mme Yonnet, MM. Mazuir et Montaugé et Mme Monier.
Alinéas 6 à 10
Supprimer ces alinéas.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Avec ces alinéas, on organise le contournement systématique du juge. Rien ne justifie l'inversion de la charge de la preuve qui pèserait sur le salarié et la présomption de licéité ou de conformité des accords. Beaucoup de juges ont annulé des accords portant sur les forfaits-jours car ils ne respectaient pas le temps de repos ou la durée journalière maximale de travail prévus par la loi. Et de tels accords seraient présumés légaux ? Nous sommes en train de changer de système. Dans le pays des droits de l'homme, la justice doit rester le recours premier.
Mme la présidente. - Amendement n°71 rectifié, présenté par M. Antiste et Mmes Jourda et Monier.
Alinéas 6 à 8
Supprimer ces alinéas.
M. Maurice Antiste. - Ces alinéas rendent plus difficile la contestation des accords collectifs ; le respect des droits fondamentaux des travailleurs se trouvera moins bien garanti. Ces dispositions vont déséquilibrer les relations entre employeurs et salariés en entravant la mise en cause d'accords contraires à la loi.
Mme la présidente. - Amendement identique n°93, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Annie David. - Plus de soixante-dix conseils de prud'hommes ont déjà été supprimés par la réforme de la carte judiciaire, et la justice s'éloigne encore de nos concitoyens... Ces alinéas limitent le contrôle du juge sur les accords collectifs en inversant la charge de la preuve. Vous ne faites manifestement pas confiance au juge prud'homal. Cette disposition vise uniquement à sécuriser les employeurs en rendant de plus en plus difficile la contestation d'accords contraires à la loi.
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Jourda, MM. Labazée et Duran, Mme Yonnet et MM. Mazuir, Montaugé et Courteau.
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Aménager les délais de contestation d'un accord collectif n'a pas de sens car celui-ci est un acte à exécution successive qui s'applique jour après jour : la prescription ne peut courir du jour de la conclusion de ce même accord. On ne peut priver un salarié spolié d'un droit de contestation. Tous les juristes y voient une fragilisation considérable du droit.
Mme la présidente. - Amendement n°187 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Gabouty, Nougein et Vaspart, Mmes Morhet-Richaud et Primas, M. Reichardt, Mme Billon, MM. Cadic et Kennel, Mme Deromedi, MM. P. Dominati et Canevet et Mme Loisier.
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
en vertu du principe de sécurité juridique, en tenant compte des conséquences économiques ou financières sur les entreprises
Mme Élisabeth Lamure. - Les revirements de jurisprudence et la rétroactivité des décisions ont eu des conséquences lourdes pour les entreprises, comme lors de l'annulation de l'accord Syntec en 2013. Les droits des salariés ont toujours été pris en compte par le juge, pas l'impact économique pour les entreprises, qui peut être dramatique. Nous rappelons, en reprenant la formule adoptée par le Sénat en 2016, l'objectif de sécurité juridique visé.
Mme la présidente. - Amendement n°94, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
Mme Laurence Cohen. - Le Gouvernement veut permettre à chaque employeur de décider de la périodicité des négociations obligatoires, ni plus ni moins ! Vous allez encore plus loin que la loi El Khomri : chacun fera ce qu'il voudra. Gageons que certains employeurs ne s'embarrasseront pas de ces contraintes. La négociation sur l'égalité salariale hommes-femmes compte peu pour le Medef, qui y voit sans doute un coût supplémentaire. Or les femmes gagnent encore 25 % de moins que les hommes. On sait pourtant que sans contraintes, l'égalité n'avance pas. Les lois Roudy et Génisson ont constitué des avancées mais vous compromettez l'atteinte des objectifs qu'elles fixent. Si c'est votre choix, assumez-le ! Je ne fais pas de procès aux chefs d'entreprise, souvent des hommes d'ailleurs, mais j'observe qu'en 2017, l'égalité salariale n'est toujours pas une réalité.
Mme la présidente. - Amendement identique n°184 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Cabanel et Durain, Mmes Guillemot et Jourda, M. Labazée, Mme Lepage, M. Roger, Mme Monier, MM. Courteau et M. Bourquin et Mme Blondin.
M. David Assouline. - Notre groupe à l'Assemblée nationale a obtenu des avancées sur les pénalités financières à défaut d'accord ou de plan d'action. Preuve que le débat parlementaire n'est pas inutile !
Il y a deux ans à peine, un équilibre a été trouvé entre la dynamisation du dialogue social et les prérogatives des instances de dialogue. Ne rouvrons pas le chantier, au risque de créer de l'instabilité juridique pour les entreprises.
Mme la présidente. - Amendement n°188 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Gabouty et Vaspart, Mmes Morhet-Richaud et Primas, M. Reichardt, Mme Billon, MM. Cadic et Kennel, Mme Deromedi, MM. P. Dominati et Canevet et Mme Loisier.
Alinéa 9
Après le mot :
déterminer
insérer les mots :
et de rationaliser
Mme Élisabeth Lamure. - L'accord collectif devra déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires, aujourd'hui insuffisamment adaptées à la réalité du dialogue social. Affichons clairement l'objectif de rationalisation.
M. Alain Milon, rapporteur. - Il faut renforcer la sécurité juridique des accords collectifs, surtout en cas d'annulation par le juge. Le juge judiciaire doit pouvoir moduler dans le temps les effets de ses décisions pour permettre la conclusion d'un avenant ou d'un nouvel accord : avis défavorable à l'amendement n°5 rectifié bis.
Le Conseil d'État a validé le principe du retour au droit commun sur la charge de la preuve. La réforme tire les conséquences d'une nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation qui accroît le poids des accords collectifs. Afin d'éviter les conséquences rétroactives, il faut une base légale à la modulation des effets de la décision du juge dans le temps. Avis défavorable aux amendements nos71 rectifié et 93.
Avis défavorable à l'amendement n°6 rectifié bis : le délai de cinq ans est excessif, d'autant qu'une annulation a des effets rétroactifs.
L'amendement n°187 rectifié reprend une rédaction du Sénat dans la loi Travail qui a inspiré le Gouvernement... Avis favorable.
Comme les auteurs des amendements n°94 et n°184 rectifié bis, je crains l'inflation législative. Le flux des négociations collectives a été revu par la loi Rebsamen de 2015. La commission n'a rien supprimé, espérant que les partenaires sociaux maintiendront les équilibres actuels. Avis défavorable.
La loi Rebsamen a distingué trois blocs dans les négociations : dans les entreprises où existent des sections syndicales, l'employeur doit engager chaque année deux négociations, respectivement sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, et sur l'égalité professionnelle hommes-femmes et la qualité de vie au travail. Dans les entreprises de plus de trois cents salariés, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels doit être menée au moins tous les trois ans ; enfin, la loi permet dans cette limite aux partenaires sociaux de fixer la périodicité par accord majoritaire. Retrait de l'amendement n°188 rectifié ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°5 rectifié bis. Avis défavorable aux amendements nos71 rectifié et 93, compte tenu des avis de la commission, du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Avis défavorable à l'amendement n°6 rectifié bis.
Le juge peut déjà moduler les effets de sa décision dans le temps, mais le fait rarement. La codification sera utile dans un souci d'intelligibilité, mais le juge prend en compte la situation des salariés : faut-il encadrer encore cette faculté ? Sagesse sur l'amendement n°187 rectifié.
Le supplétif ne change pas. En revanche, sur l'égalité hommes-femmes par exemple, certaines entreprises préfèrent un accord pluriannuel, par souci d'efficacité. Avis défavorable aux amendements n°94 et n°184 rectifié bis.
Sur l'amendement n°188 rectifié, retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°5 rectifié bis n'est pas adopté.
M. Jean-Louis Tourenne. - Je voterai les amendements nos71 rectifié et 93 qui touchent au coeur de la vie de l'entreprise. Considérer qu'un accord d'entreprise est présumé légal, c'est excessif. Autoriser la négociation sans mandatement collectif est dangereux. Quant à l'aménagement des délais de contestation, c'est une restriction insupportable.
Les amendements identiques nos71 rectifié et 93 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°6 rectifié bis.
L'amendement n°187 rectifié est adopté.
Mme Catherine Génisson. - Je remercie Laurence Cohen d'avoir cité la loi Génisson qui introduit de manière obligatoire la question de l'égalité professionnelle hommes-femmes dans les négociations annuelles, et prévoit une négociation spécifique tous les trois ans, autour de critères pertinents. La loi Rebsamen a causé un grand émoi car ces critères semblent passer parfois à la moulinette. L'alinéa 9 pose tout de même un certain nombre de questions.
Les amendements identiques nos94 et 184 rectifié bis ne sont pas adoptés.
Mme Élisabeth Lamure. - Rationalisation et simplification ne vont pas forcément de soi. C'est l'esprit de l'amendement n°188 rectifié - que je retire toutefois.
L'amendement n°188 rectifié est retiré.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
Demande d'avis sur une nomination
Mme la présidente. - Conformément aux articles 56 et 13 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission des lois pour qu'elle procède à l'audition et émette un avis sur la nomination de M. Michel Mercier qu'il envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel, en remplacement de Mme Nicole Belloubet.
Mme Nicole Bricq. - Bon choix !
Renforcement du dialogue social (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE PREMIER (Suite)
Mme la présidente. - Amendement n°227, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Simplifiant les modalités permettant d'attester de l'engagement des négociations dans le cadre des négociations obligatoires ;
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Il faut envisager de simplifier les modalités de conclusion et, surtout, d'absence de conclusion des accords. Se mettre d'accord, alors que la négociation a échoué, sur un procès-verbal de désaccord est compliqué.
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Annie David. - Le groupe CRC votera contre cet amendement qui va jusqu'à alléger la procédure d'engagement des négociations. C'est toujours plus flou.
M. Jean-Louis Tourenne. - Le procès-verbal de désaccord sert de fondement au recours juridique. En le supprimant, vous privez les plaignants de la possibilité de faire valoir que tels ou tels points ne leur sont pas imputables. Je voterai contre l'amendement.
L'amendement n°227 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Louis Tourenne. - L'alinéa 12 traduit parfaitement la philosophie de ce texte. En l'absence de délégué syndical, toutes les entreprises peuvent négocier des accords collectifs avec les délégués du personnel ou avec le personnel directement. C'est inacceptable : les rapports de subordination dans l'entreprise laissent place à toutes les pressions. Et même si des pressions ne sont pas exercées, le personnel peut craindre des représailles. Pour négocier, il faut être indépendant et protégé.
Mme la présidente. - Amendement identique n°95, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Évelyne Rivollier. - Quiconque a déjà été salarié sait qu'il y existe un rapport de domination dans l'entreprise. Les organisations syndicales, de par leurs modes d'expression et d'action collectifs, peuvent rétablir un équilibre dans les négociations. Les syndicalistes, de plus, sont formés au droit du travail ; ce n'est pas le cas de tous les salariés. L'alinéa 12, finalement, généralise le chantage à l'emploi. Il faut le supprimer.
L'amendement n°190 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°239, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 12
Remplacer les mots :
en permettant notamment aux employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs directement avec les représentants élus du personnel ou, en leur absence, avec le personnel
par les mots :
notamment dans les entreprises dépourvues de délégué syndical sous un certain seuil d'effectif
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Seulement 4 % des entreprises de moins de 50 salariés comptent un délégué syndical, le taux atteint à grand-peine 27 % pour les entreprises de 50 à 99 salariés. Dans ces circonstances, faut-il priver les entreprises où il n'y a pas de délégué syndical de la possibilité d'un accord ?
D'un côté, nous voulons développer le syndicalisme ; de l'autre, nous devons tenir compte de la réalité. Cet amendement consiste en un ajustement rédactionnel pour les très petites entreprises tout en gardant les options ouvertes.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n°26 rectifié, ainsi que l'amendement identique n°95, remet en question les apports de notre commission. Rappelons quelques évidences : nul ne peut obliger un salarié à être délégué syndical ; le monopole syndical place, de fait, de nombreuses entreprises à l'écart des négociations collectives. Doit-on fermer les yeux sur cette réalité ? La réponse est évidemment non. Nous n'avons pas supprimé le mandatement, nous en avons fait une option.
L'amendement n°239 me semble moins précis que le texte de la commission : il faut clarifier le seuil d'effectifs. D'où un avis de sagesse. Mais puisque la ministre, répondant à Philippe Mouiller, a démontré sa volonté de développer le dialogue social, nous pouvons aller jusqu'à l'avis favorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos26 rectifié et 95 pour les mêmes raisons que le rapporteur.
La réflexion n'est pas achevée sur la question des seuils. Il faudra s'assurer que le mouvement syndical est encouragé dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
M. Jean-Louis Tourenne. - Il est curieux de déplorer le manque de délégués syndicaux dans les entreprises... pour décider de faire sans eux. Le mandatement est une solution à la question posée.
Je ne vois pas comment les syndicats vont se développer si les entreprises n'ont plus besoin d'eux. Jusqu'à présent, les rapports entre employeur et salariés étaient, en l'absence d'accord collectif, régis par l'accord de branche. C'était un encouragement à l'implantation syndicale.
Mme Nicole Bricq. - Le mandatement n'est pas supprimé. Au demeurant, il ne date pas d'hier. Le seul succès à son crédit a été obtenu dans le cadre de la loi Aubry, en 1998, parce qu'il conditionnait des aides financières de l'État.
L'amendement du Gouvernement, en ne précisant pas de seuil, offre une solution de compromis qui fonctionne partout. Le groupe La République en marche le votera ; j'espère que l'Assemblée nationale aussi... Sans lui, on n'y arrivera jamais - la ministre a rappelé les chiffres, et les petites entreprises seront laissées de côté.
M. Jean-Marc Gabouty. - Il existe souvent des accords dans les petites entreprises mais la plupart sont informels, dépourvus de réalité juridique. Autant les formaliser, c'est dans l'intérêt des entreprises et des salariés. L'amendement du Gouvernement poursuit cet objectif. Le mandatement n'a fonctionné, dans le cadre de la réduction du temps de travail, que de manière faciale : c'était un mandatement à l'envers, l'accord était négocié puis on demandait à un salarié d'obtenir le mandatement.
Ne disqualifions pas les délégués du personnel. Ils sont souvent renouvelés, parfois affiliés à une organisation syndicale sans vouloir pour autant devenir délégué syndical ; formons-les.
M. Philippe Mouiller. - L'amendement n°239 donne au Gouvernement une responsabilité : trouver une solution pour ne pas aboutir à un blocage. Le texte de la commission était meilleur pour les entreprises de moins de 50 salariés.
M. Yves Daudigny. - J'ai cosigné l'amendement n°26 rectifié, que je continue de soutenir. Nous mesurons tous la difficulté d'assurer une présence syndicale dans les petites entreprises. Pour développer le dialogue social, il faut imaginer des solutions, quitte à ce qu'elles soient temporaires et expérimentales.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Nous voulons à la fois faciliter la syndicalisation des PME et donner aux employeurs et salariés la possibilité de formaliser leurs accords. Les négociations sont souvent un premier pas vers la culture de la négociation.
Bien entendu, le mandatement restera possible. Pour autant, et bien qu'il ait été créé en 1996, il reste très faible. Notre responsabilité, Gouvernement comme Parlement, n'est-ce pas de faire le droit mais un droit fonctionnel, un droit qui ne soit pas formel ?
Les délégués du personnel connaissent, eux, un développement dynamique dans les entreprises : 27 % des entreprises de moins de 50 salariés en comptent, 80 % des entreprises de 50 à 99 salariés. Nous cherchons la meilleure voie pour entretenir une culture de la négociation.
Les amendements nos26 rectifié et 95 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°239 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Louis Tourenne. - Cet amendement revient au seuil de 50 % des suffrages pour la validation d'un accord collectif. Un taux de 30 % est véritablement insuffisant pour garantir une majorité.
Mme la présidente. - Amendement identique n°96, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Laurence Cohen. - La « consultation des salariés pour valider un accord » peut sembler positive. Pour autant, sa dimension peut être particulière, pour ne pas dire partisane.
Le référendum à l'initiative de l'employeur, grande revendication du Medef, dessillera ceux qui se berçaient d'illusions sur les buts poursuivis par le Gouvernement. C'est l'existence même de la représentation syndicale qui est attaquée. On ne peut manquer de faire l'analogie avec les recours aux ordonnances. Dans les deux cas, on dit : circulez, il n'y a rien à voir ! Les représentants du peuple, des collectivités, des salariés sont contournés par des pouvoirs jupitériens sous prétexte de modernité démocratique. (M. Alain Néri et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.)
Mme la présidente. - Amendement n°97, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 13
Remplacer le mot :
Facilitant
par le mot :
Encadrant
M. Dominique Watrin. - Toute consultation des salariés doit s'accompagner d'un encadrement minimal en matière d'information des salariés. Surtout, il faut définir le périmètre des salariés concernés pour éviter tout détournement. Parce que les mots ont un sens, nous proposons d'encadrer.
Mme la présidente. - Amendement n°191, présenté par M. Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Costes, MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Collombat, Mme Malherbe et M. Collin.
Alinéa 13
Supprimer les mots :
, notamment à l'initiative de l'employeur,
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement maintient la présence syndicale au sein des petites entreprises. Le référendum à l?initiative de l'employeur peut servir à contourner les organisations syndicales majoritaires.
Mme la présidente. - Amendement n°185 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Cabanel et Durain, Mmes Guillemot et Lepage, M. Roger, Mmes Monier et Blondin et M. M. Bourquin.
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans le cadre des dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 2232-12 du code du travail
M. David Assouline. - Cet amendement garantit que l'initiative de la consultation des salariés restera bien confiée aux organisations syndicales ayant recueilli au moins 30 % des suffrages. Pourquoi ne pas attendre le rapport qui doit bientôt être remis avant de légiférer ? Le risque est que l'on court-circuite les organisations syndicales.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
M. David Assouline. - S'il existe des blocages, c'est parce que la solution proposée ne convient pas aux salariés. Vous voulez encourager la confiance ? Mais cet alinéa 13 représente un acte de défiance envers les organisations syndicales, il est une porte ouverte à l'arbitraire de l'employeur.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'employeur peut déjà organiser des référendums en matière d'intéressement et de participation ou encore de dérogations au repos dominical. Le Gouvernement a la volonté de développer le référendum, nous aussi en demandant un parallélisme des formes entre employeurs et syndicats. L'avis est défavorable aux amendements identiques nos27 rectifié et 96.
Ne soyons pas méfiants à l'excès vis-à-vis des outils de la démocratie directe, ils ne sont pas incompatibles avec le dialogue syndical. Avis défavorable à l'amendement n°97.
L'amendement n°191 revient sur les travaux de la commission des affaires sociales qui est opposée à la généralisation des accords majoritaires. C'est une question d'équité.
Même avis sur l'amendement n°185 rectifié bis : nous ne voulons pas faire référence à un article du code du travail qui consacre l'accord majoritaire alors que nous refusons d'accélérer leur généralisation.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos27 rectifié et 96. Un accord majoritaire est un accord validé soit à 50 % par les syndicats, soit à 30 % en plus d'un référendum.
Nous sommes d'accord : le référendum n'a pas vocation à devenir un outil de gestion permanent, encore moins à contourner les syndicats. Mais il est utile, parfois, d'y recourir pour conforter un accord.
Avis défavorable à l'amendement n°97. Retrait de l'amendement n°191, rejet de l'amendement n°185 rectifié bis.
Les amendements identiques nos27 rectifié et 96 ne sont pas adoptés.
M. Dominique Watrin. - Le rapporteur soutient, sans surprise, la logique d'ensemble du texte. Mais dire que nous ne faisons pas confiance au dialogue social est exagéré. Dans l'entreprise Smart, les cadres ont été associés au référendum. Le résultat a été positif de justesse alors que les ouvriers concernés par l'augmentation du temps de travail à la chaîne ont voté contre. Je regrette que l'on laisse trop de pouvoir à l'employeur pour faire passer, dans un contexte de chômage de masse, des reculs sociaux.
L'amendement n°97 n'est pas adopté.
L'amendement n°191 est retiré.
L'amendement n°185 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°243, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 14
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
c) Modifiant les modalités d'appréciation du caractère majoritaire des accords ainsi que le calendrier et les modalités de généralisation de ce caractère majoritaire ;
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Il faut accélérer la généralisation de l'accord majoritaire ; cela renforcera le dialogue social en donnant plus de grain à moudre, à négocier.
Mme la présidente. - Amendement n°201 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault et Delattre, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Joyandet, Karoutchi, Kennel, Laménie, Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel.
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Supprimant la généralisation des accords majoritaires pour rétablir la signature des accords par les organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel ;
Mme Élisabeth Lamure. - En commission, le rapporteur a supprimé l'habilitation créée par le projet de loi visant à accélérer la généralisation des accords majoritaires.
Dans le même esprit, cet amendement supprime la généralisation elle-même des accords majoritaires.
M. Alain Milon, rapporteur. - Le Sénat s'est opposé l'an dernier à la généralisation des accords majoritaires prévue pour 2019. En effet, personne n'en connaît la typologie. La commission des affaires sociales, par conséquent, a émis un avis défavorable à l'amendement n°243 du Gouvernement.
Sur l'amendement n°201 rectifié, qui tire les conséquences de notre position, sagesse.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°201 rectifié.
Mme Nicole Bricq. - L'amendement du Gouvernement est particulièrement intéressant. (On ironise sur les bancs du groupe Les Républicains.) Il rappelle quelques règles de base. Le rapporteur maintient la position exprimée lors de l'examen de la loi El Khomri mais il n'est pas interdit de changer d'avis. L'accord majoritaire est une revendication portée par les organisations syndicales réformistes. (Mme Laurence Cohen s'exclame.) Elle est légitime.
Vous dites, monsieur le président Milon, que nous n'avons pas toute l'information nécessaire. Mais si vous refusez la généralisation des accords majoritaires, il sera difficile au Gouvernement de trouver une voie de passage. Dans tous les cas, l'important est que l'accord soit majoritaire.
M. Bruno Retailleau. - Le texte du Gouvernement modifiait les modalités d'appréciation et le calendrier de la généralisation de l'accord majoritaire. Notre groupe Les Républicains maintient la position qu'il a exprimée l'an dernier : la généralisation des accords majoritaires bloquera, dans certaines entreprises, le dialogue social. C'est l'esprit de l'amendement porté par Élisabeth Lamure.
L'amendement n°243 n'est pas adopté.
L'amendement n°201 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°240, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 15
Remplacer le mot :
Facilitant
par les mots :
Fixant à vingt-quatre mois les délais mentionnés aux IV et V de l'article 25 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels relatifs à
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Dès lors que nous renforçons le pouvoir de négociation des branches, il convient d'accélérer leur restructuration. Beaucoup n'ont aucune activité conventionnelle. D'où un délai de 24 mois à compter de l'adoption de la loi du 8 août 2016, soit la date d'août 2018.
M. Alain Milon, rapporteur. - C'est un compromis : sagesse positive.
L'amendement n°240 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°99, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
Mme Annie David. - La suppression de la commission de refondation du code du travail montre bien qu'il s'agit pour vous, non de renforcer les droits des salariés et de simplifier les règles, mais de mettre à bas les protections collectives. Nous avions obtenu, lors du vote de la loi El Khomri, que les organisations syndicales soient consultées, et c'est l'une des seules dispositions de la loi de 2016 que nous soutenions. La praticienne que vous dites être, madame la ministre, s'est muée en experte qui se passe de l'avis des praticiens...
Mme la présidente. - Amendement identique n°186 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Cabanel, Courteau et Durain, Mme Jourda, MM. Labazée et Roger, Mmes Guillemot et Blondin, MM. Leconte et M. Bourquin et Mme Lepage.
M. David Assouline. - Tout le monde le dit, le code du travail est très volumineux et parfois illisible. Il faut faire en sorte que des salariés qui veulent défendre leurs droits n'aient pas besoin de consulter trois avocats... Pour cela, la loi El Khomri avait arrêté une méthode claire et rigoureuse, destinée à améliorer l'articulation des niveaux de négociation sans jamais remettre en cause les principes fondamentaux.
Vous avez souligné à l'Assemblée nationale que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel seraient saisis, mais ce dernier ne vérifiera pas la compatibilité entre la loi d'habilitation et le texte d'ordonnance, et le premier, une fois l'habilitation votée, ne pourra pas juger des mesures de l'ordonnance, la loi faisant écran.
Il est regrettable de se priver des garanties apportées par cette commission, à propos d'un droit essentiel à la vie des salariés.
M. Alain Milon, rapporteur. - Le Gouvernement assure que l'ordonnance clarifiant les rôles des différents niveaux de négociation pourra être prise rapidement, remplissant ainsi la feuille de route assignée à la commission de refondation. Je souhaite qu'il en aille ainsi, et je lui fais confiance. Le rapport Combrexelle, qui évoquait un chantier de quatre ans, m'a laissé sceptique... Avis défavorable aux deux amendements.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis. Cette commission est rendue inutile puisque nous ferons son travail plus rapidement en donnant une place centrale à la négociation collective, après avis du Conseil d'État et de toutes les instances utiles.
M. Jean Desessard. - Je donne, moi, un avis favorable ! (Sourires) Il est parfois désagréable d'avoir eu raison trop tôt... Il y a un an - dans le même hémicycle, avec les mêmes personnes - je revois Mme El Khomri me disant « Ayez confiance, nous avons tout prévu ! ». J'alertais alors sur les risques d'un changement de gouvernement : la dynamite placée dans le code du travail, restait aux nouveaux à allumer la mèche ! Et c'était un gouvernement que j'avais défendu...
Mme Nicole Bricq. - Chers collègues communistes, vous avez voté contre l'article de la loi El Khomri qui créait cette commission de refondation ! Je m'étonne donc que vous la défendiez à présent. Reste à savoir pourquoi le gouvernement précédent ne l'a pas mise en place avant les élections...
Sa suppression est la conséquence logique de toute notre discussion. Et puisqu'il s'agit de rendre le droit plus lisible, la ministre a promis de réaliser un code du travail numérique, en langage simple, afin que tout le monde le comprenne - parlementaires compris...
Mme Annie David. - Le seul mérite de cette commission était l'obligation qui lui était faite de consulter les organisations syndicales.
Mme Nicole Bricq. - Nous ne faisons que ça !
Mme Annie David. - Elles sont peut-être reçues au ministère, voire entendues, mais de là à ce que leur avis soit pris en considération...
Madame la ministre, je me référais aux propos que vous teniez naguère devant la mission d'information sur le mal-être au travail, présidée par Jean-Pierre Godefroy. Vous étiez alors directrice des ressources humaines de Danone, et vous vous présentiez comme une praticienne... Le défaut des experts, c'est que ce ne sont pas toujours des praticiens !
Mme Laurence Cohen. - Madame Bricq, il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles ! Ce projet de loi serait destiné à traduire le code du travail en langage parlé ? Allons bon ! Il s'agit d'une refonte complète du code du travail, qui revient sur les protections acquises aux salariés ! Assez de balivernes, assumez vos choix dans la clarté !
M. Marc Laménie. - On peut comprendre l'attachement de nos collègues aux droits des représentants des salariés. Tout le monde ici respecte et défend les salariés.
M. Alain Néri. - Non !
M. Marc Laménie. - Cela dit, il faut garder les pieds sur terre. Nous avons aussi besoin de pédagogie et de lisibilité. À un moment donné, il faut faire des choses simples. J'irai dans le sens de la commission. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Les amendements nos99 et 186 rectifié bis ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°67 rectifié bis, présenté par M. Gabouty, Mmes Billon, Férat, Gruny et Joissains et MM. Capo-Canellas, Chasseing, D. Dubois, Kern, Longeot, Vanlerenberghe et Mouiller.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° De supprimer l'instance de dialogue du réseau de franchise instituée par l'article 64 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.
M. Jean-Marc Gabouty. - Cet amendement supprime l'instance de dialogue social prévue par la loi El Khomri dans les réseaux de franchise, disposition issue d'un amendement de l'Assemblée nationale contre lequel le Sénat avait voté. Le décret d'application n'est venu que fort tard, le 4 mai 2017... Les rapports entre franchisés et franchiseurs sont déjà régis par les règles du code du travail relatives à leur branche d'activité et en fonction de leur taille.
Il n'y a pas de lien de subordination entre franchiseurs et salariés des franchisés. Ces derniers ont leurs propres structures, très diverses. Il peut s'agir de magasins de mode, de supermarchés, de garages... Que pense l'Assemblée nationale de cette disposition depuis que son profil est devenu plus entreprenarial ?
M. Alain Milon, rapporteur. - Cet amendement est contraire à l'article 38 de la Constitution, qui interdit aux parlementaires d'introduire une habilitation à légiférer par ordonnances, mais je l'approuve sur le fond. Avis défavorable ; la ministre peut-elle nous éclairer sur le bilan de cette instance ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Elle n'a toujours pas vu le jour, personne n'ayant encore sollicité sa création. Il est urgent d'attendre. Même avis que le rapporteur, nous pourrons y revenir le moment venu.
M. Jean-Marc Gabouty. - Je maintiens l'amendement, puisque cette instance n'est réclamée par personne ! N'est-ce pas ici un texte de simplification ?
M. Alain Richard. - La loi de ratification, dans quelques mois, sera un véhicule plus approprié.
Mme la présidente. - Monsieur le président Milon, demandez-vous que le Sénat déclare l'amendement irrecevable ?
M. Alain Milon, rapporteur. - Oui.
Mme la présidente. - Je mets aux voix cette proposition.
L'amendement n°67 rectifié bis est déclaré irrecevable.
Mme la présidente. - Amendement n°138 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 3231-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2018, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de l'indexation prévue au présent article ne peut être inférieur à 1 800 euros bruts mensuels. »
M. Dominique Watrin. - Malgré les annonces répétées de coup de pouce au Smic, celui-ci n'a augmenté que de 10 centimes par an en moyenne ces dix dernières années. Les rémunérations des responsables exécutifs des entreprises du CAC40, elles, ont bondi de 63 % en six ans. La stagnation des salaires limite la demande, donc la production. Elle nous entraîne dans une spirale déflationniste dangereuse pour l'emploi, les conditions de travail et l'environnement. D'où cette proposition de hausse du salaire minimum, sujet sur lequel nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement.
M. Alain Milon, rapporteur. - Cet amendement n'a pas de lien direct avec le texte. L'évolution du Smic appelle une analyse économique complexe, car sa hausse crée des trappes à pauvreté, certaines personnes restant au chômage parce que leur productivité n'est pas suffisante pour un salaire donné. Avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Des mécanismes de revalorisation sont prévus dans le code du travail et ce n'est pas le lieu d'en discuter. La suppression des cotisations chômage augmentera de 2,4 % le pouvoir d'achat des salariés, y compris au Smic. Avis défavorable.
M. Alain Néri. - Je voterai l'amendement : il compensera la perte de 5 euros sur les APL ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. Martial Bourquin. - Le Smic crée des trappes à pauvreté, dit-on. Voici un scoop : la France est championne d'Europe de la distribution de dividendes. Près de 35 milliards d'euros ont été distribués par les grandes entreprises au deuxième trimestre 2016, soit une hausse de 11 % sur un an. J'ai tout à l'heure cité de manière erronée une étude de la délégation aux entreprises ; d'après celle-ci, un tiers des dirigeants de PME identifient le risque financier et, notamment, l'accès au crédit comme leur principal problème. Dès qu'on parle de Smic, on nous dit : « Attention ! Trappe à pauvreté ! ». Alors qu'on ne parle jamais des 60 à 80 milliards d'euros qui quittent la France pour faire de l'optimisation fiscale. Si l'on s'attaque à ce mal de notre société, plus d'austérité, plus de ponction sur les APL ou sur les petites retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pendant des années, on nous a seriné que le Smic freinait les embauches. Or d'autres font le chemin inverse : l'Allemagne s'est dotée d'un salaire minimum parce qu'on constatait que la négociation en entreprise ouvrait la voie au dumping social. Tony Blair lui-même avait choisi d'en instaurer un progressivement. Partout en Europe, on se range à cette idée, parce qu'on a besoin de demande. L'offre, c'est bien joli, à condition qu'il y ait des gens pour consommer !
On entend parfois qu'il faudrait d'abord un Smic européen. Faux argument : l'industrie allemande est plus compétitive que la nôtre alors que les salaires y sont plus élevés. Il est temps de rééquilibrer les rapports entre le capital et le travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)
L'amendement n°138 rectifié n'est pas adopté.
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'article premier, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°129 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l'adoption | 229 |
Contre | 105 |
Le Sénat a adopté.
M. Alain Néri. - Nous progressons !
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°100, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° de l'article L. 1233-3 du code du travail est abrogé.
Mme Annie David. - Nous demandons cette fois la suppression d'une disposition de la loi El Khomri : l'extension du champ du licenciement économique aux cas où le salarié refuse une modification substantielle de son contrat de travail - le passage à temps partiel, par exemple, ou la perte d'une prime - au nom d'une « réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ».
M. Alain Milon, rapporteur. - Cette notion, introduite dans le code par la loi El Khomri, fut reconnue dès le 5 avril 1995 par la Cour de cassation dans l'arrêt Vidéocolor. Avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis.
L'amendement n°100 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°180 rectifié, présenté par Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Lienemann, M. Labazée, Mmes Jourda et Yonnet, MM. Mazuir, Duran, Montaugé, Assouline, Durain et Cabanel et Mme Monier.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 2232-22 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La validité des accords ou des avenants de révision conclus en application du présent article est soumise à l'approbation par la commission paritaire de branche. La commission paritaire de branche contrôle que l'accord collectif n'enfreint pas les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles applicables.
« Si cette condition n'est pas remplie, l'accord est réputé non écrit. »
Mme Michelle Meunier. - Les accords conclus par des élus non mandatés doivent continuer d'être soumis à la commission de validation des accords collectifs. Cela répond à une double préoccupation : d'une part, le renforcement du rôle régulateur de la branche ; d'autre part, la remontée effective des informations de terrain au niveau de la branche.
M. Alain Milon, rapporteur. - La commission souhaite, elle, une refonte globale des règles de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. D'ailleurs, l'article L. 2232-22 en vigueur prévoit seulement que les accords soient transmis pour information à cette commission de validation, sans en faire un préalable à leur dépôt et à leur entrée en vigueur. Le Sénat plaide depuis 2015 en faveur d'un assouplissement, puisque toutes les branches n'ont pas mis en place une telle commission. Lorsqu'elle existe, elle tarde souvent à rendre ses avis, ou se prononce en opportunité...
Avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis.
L'amendement n°180 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°116 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2242-20 du code du travail est abrogé.
Mme Laurence Cohen. - La première loi Travail a permis de déroger aux règles de négociations dans l'entreprise prévues à l'article L. 2242-1 du code du travail, ce à quoi nous ne sommes pas tellement favorables, car de telles dérogations non encadrées fragilisent les droits des salariés. Surtout, nous ne pouvons admettre que la négociation annuelle se mue en négociation triennale sur n'importe quel sujet, y compris la rémunération, l'égalité professionnelle ou la qualité de vie au travail.
M. Alain Milon, rapporteur. - La périodicité de la négociation ne peut être modifiée qu'avec l'accord des partenaires sociaux, si un accord sur l'égalité professionnelle a été signé ou, à défaut, un plan d'action engagé, et toute organisation signataire peut revenir sur sa décision. Dans ces conditions strictes, cette faculté peut permettre aux partenaires sociaux de ne négocier chaque année que sur les problématiques essentielles, celles qui sont secondaires ou plus consensuelles n'étant abordées que tous les trois ans. La commission est d'accord pour habiliter le Gouvernement à revoir la périodicité et le contenu des consultations et négociations obligatoires.
Avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis.
M. Jean Desessard. - Les communistes veulent maintenir une périodicité annuelle. C'est net ! J'ai moins bien compris la réponse de M. le rapporteur... Je croyais qu'il était contre les ordonnances !
Quant à Mme la ministre, comment peut-elle s'opposer à cet amendement alors qu'elle prétend renforcer le dialogue social dans l'entreprise ? Tout à l'heure, elle nous disait que trois ans, c'est trop long !
M. Alain Néri. - Exactement !
Mme Annie David. - C'est en effet contradictoire. Les négociations sur l'égalité salariale, les salaires, sont importantes. Chacun d'entre nous, mes chers collègues, est mobilisé aux côtés des salariés lorsqu'ils sont menacés. On ne peut vanter la proximité du terrain et s'opposer à une négociation annuelle. Je ne suis pas sûr que salariés et employeurs aient la même vision : les uns défendent le maintien de l'emploi de qualité sur un territoire, les autres l'emploi qui leur rapportera un peu plus, ici ou ailleurs...
M. Alain Milon, rapporteur. - J'ai dit, cher collègue Desessard, que les ordonnances ne sont pas à mes yeux une procédure démocratique.
M. Alain Néri. - Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur. - Mais c'est une procédure républicaine, que tous les gouvernements ont utilisée.
M. Alain Néri. - Les ordonnances, c'est votre métier, docteur Milon !
M. Alain Milon, rapporteur. - Avez-vous besoin d'une prescription pour laisser parler les autres ?
Dans le cadre d'un projet de loi d'habilitation, le Parlement n'est pas là pour écrire les ordonnances, mais pour en fixer le cadre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - La loi Rebsamen de 2015 a autorisé les partenaires sociaux à adapter par accord la périodicité des négociations, avec des garde-fous. Rien ne permet de dire que cela ait diminué les droits des salariés. Cela concerne surtout des entreprises qui pratiquent un dialogue social renforcé.
La position du Gouvernement est très cohérente : il fait confiance au dialogue social, y compris pour décider de rendre certaines négociations pluriannuelles plutôt qu'annuelles. Pourquoi pas ?
M. Olivier Cadic. - On ne négocie pas mieux parce qu'on négocie beaucoup. En Europe du Nord, modèle de dialogue social, on ne négocie souvent que tous les trois ans et cela marche très bien. Salariés et employeurs y gagnent en visibilité.
L'amendement n°116 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au quatrième alinéa du III de l'article L. 2254-2 du code du travail, les mots : « L'accord peut prévoir » sont remplacés par les mots : « L'accord prévoit ».
M. Jean-Louis Tourenne. - M. Bourquin a évoqué tout à l'heure les profits et revenus scandaleux des plus riches. Certains n'hésitent pas à augmenter leur rémunération quand leur entreprise va mal, licencie et baisse les salaires.
Or l'article L. 2254-2 du code du travail issu de la Loi du 8 août 2016 dispose que lorsqu'un accord d'entreprise est conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi, l'accord peut prévoir les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés. Faisons-en une obligation, ce sera bien le moins. Les Français ne supportent plus l'indécence de certains comportements.
M. Alain Milon, rapporteur. - J'entends les propos de nos collègues communistes ; les socialistes en revanche ne sauraient nous reprocher de ne pas faire ce qu'ils auraient pu faire ces cinq dernières années. (Vifs applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Mouiller. - Très bien !
M. Alain Néri. - Vous étiez au pouvoir avant nous !
Mme la présidente. - Un peu de sérénité, cher collègue.
M. Alain Milon, rapporteur. - Conservons une certaine souplesse pour que les accords de préservation et de développement de l'emploi ne connaissent pas le même funeste sort que les accords de maintien dans l'emploi. Autrement dit, restons-en là. Retrait ou avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Je n'ai rien à ajouter sur le fond. Quant au processus, je souhaite que les différents accords soient harmonisés. L'amendement est donc prématuré.
M. Martial Bourquin. - L'argumentaire du rapporteur me surprend. Vous dites qu'au pouvoir, nous n'avons rien fait...
M. Jean Desessard. - M. Macron aussi était aux responsabilités !
M. Martial Bourquin. - J'allais le dire ! Tout de même, nous opposer de tels arguments quand on a créé le bouclier fiscal, que l'on s'apprête à supprimer en partie l'ISF...
Mme Sophie Primas. - M. le rapporteur n'y est pour rien !
M. Martial Bourquin. - Ne trouvez-vous pas indécent de ponctionner l'APL et les retraités modestes, de mettre en place une politique antisociale, alors que les inégalités sont la cause de la croissance molle ?
Il faut prendre l'argent chez les pauvres, disait Alphonse Allais : ils n'en ont pas beaucoup, mais ils sont si nombreux !
Nous marquons un désaccord fondamental. Le Gouvernement ne veut pas s'attaquer à l'évasion fiscale et aux vrais privilèges ; il passe par des ordonnances pour éviter le débat devant le Parlement ; c'est indécent. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)
M. Jean-Louis Tourenne. - M. Milon nous a habitués à plus de logique. Il est vrai qu'aucun remède n'a été apporté pendant cinq ans à une situation difficile à accepter. Mais est-on condamné à ne rien faire pour l'éternité ? (Exclamations à droite et au centre) Si nous avions tout réglé, quelle serait l'utilité du Parlement ?
Cette mesure serait dissuasive ? J'en doute un peu. Il serait au contraire encourageant pour les salariés de savoir que tous participent à l'effort. Je n'ai pas le souvenir que les actionnaires aient fait les mêmes sacrifices que les salariés de Smart ou de Peugeot. Changeons cette façon de voir sans craindre que les entreprises s'en aillent... Malgré les 35 heures, malgré les charges sociales, nous restons un pays attractif.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Bruno Retailleau. - Ne changeons rien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Les patrons seraient les vrais, les seuls défenseurs de l'intérêt de l'entreprise... Dans ce cas, qu'ils prennent leur part des efforts ! Il est légitime qu'un dirigeant d'entreprise, comme un actionnaire, participe aux efforts.
Mme Sophie Primas. - Qu'est-ce que vous croyez ? C'est ce qu'ils font !
Mme Annie David. - Inscrivons-le dans la loi s'ils le font déjà !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il n'y aura pas de confiance si les propriétaires du capital ne prennent pas leur part des efforts demandés aux travailleurs.
M. Alain Néri. - Cet amendement s'inscrit dans la pratique républicaine de notre pays, en particulier l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme selon lequel chacun contribue aux dépenses de la Nation en raison de ses facultés. De même, pour l'entreprise, je préconise un effort partagé, non pas proportionnel mais progressif, donc progressiste, dans l'esprit de l'impôt sur le revenu instauré par Joseph Caillaux. Et si vous êtes progressistes, votez cet amendement !
M. Jean Desessard. - Remplacer « peut prévoir » par « prévoit » : quelle audace ! Non, c'est un peu timide. La majorité sénatoriale défend le patronat, on le sait. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Mais le Gouvernement ?
Le président Macron a dit vouloir rassembler deux France, pour ne laisser personne sur le bord de la route...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Et en même temps... (Sourires)
M. Jean Desessard. - Et en même temps, nous attendons des gestes. Les 11 % d'augmentation pour les actionnaires, cela ne vous gêne pas. Or les inégalités n'enrichissent personne, au contraire.
On attendait que la ministre définisse les objectifs sociaux de ce Gouvernement. Les Français vous ont apporté leur confiance pour le changement. Pourquoi ne pas demander des efforts aux actionnaires quand l'entreprise va mal ?
L'amendement n°28 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 2
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Cet article fusionne les instances représentatives du personnel, à marche forcée. Le Conseil d'État note qu'il ne sera pas possible de conserver plusieurs instances représentatives : on pourra négocier de tout, mais pas de ça !
Couplé au référendum d'initiative patronale et à la limitation de la capacité d'intervention des syndicats, c'est très dangereux. La présence syndicale dans l'entreprise n'est inscrite dans la loi que depuis 1981...
Sans instance exclusivement dédiée à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, ces thèmes sont négligés. (M. Roland Courteau renchérit.)
C'est dangereux pour le suivi des négociations sociales sur les conditions de travail, alors que les Français ne se sentent pas reconnus dans leur travail et jugent leurs conditions de travail pénibles. Tout cela est très négatif.
Mme Évelyne Yonnet . - Cet article, durci par la commission, ne renforce pas le dialogue social. J'entends la volonté de simplification pour les TPE et PME qui n'ont sans doute pas l'immoralité des grands patrons, qui n'entendent qu'amasser des milliards au mépris des droits sociaux et de l'environnement, confer la Françafrique...
La compétence d'ester en justice reconnue à l'instance unique rassure un peu, mais je crains surtout que l'on atténue le rôle des syndicats dans les négociations. Quid de l'expertise des représentants des salariés en matière de santé, alors que les maladies professionnelles comme le burn out explosent, de conditions de travail, de formation ? Ce n'est pas en réduisant le poids des organisations syndicales dans le dialogue social que vous les rendrez plus attractives ! Oui à la flexibilité, mais oui à la sécurité.
Mme la présidente. - Veuillez respecter les temps de parole.
M. Roland Courteau . - La fusion des instances représentatives du personnel va relativiser les questions de santé au travail. Chacune a une histoire, une raison d'être. Les CHSCT ont un rôle irremplaçable ; la loi de 2013 en a fait des lanceurs d'alerte en matière d'environnement. Comme l'écrit le sociologue Louis-Marie Barnier, le CHSCT est la mauvaise conscience de l'employeur.
M. Jean Desessard. - Très bien.
M. Roland Courteau. - Malgré la loi Auroux de 1982 et la directive de 1989, certaines organisations patronales considèrent encore ses prérogatives comme exorbitantes. Comme l'écrit ce même sociologue, cachons ces conditions de travail que nous ne saurions voir... Fusionner ces instances, c'est leur ôter force et efficacité. Je m'opposerai à cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. Olivier Cadic . - La fusion est une excellente avancée qu'il ne faut pas dénaturer en prévoyant exceptions ou expérimentations. Si vous ne l'imposez pas, elle ne se fera pas. Inutile de multiplier les instances : simplifions pour avoir des interlocuteurs moins nombreux mais aux compétences renforcées.
Le chèque syndical et la valorisation des carrières des représentants du personnel sont des réformes bienvenues, mais bien modestes.
Il convient de revoir en profondeur le rôle et l'organisation des syndicats, à commencer par leur financement ; la cotisation patronale obligatoire est perçue par certains comme un vrai racket, (Protestations à gauche) et n'incite pas les syndicats à offrir de vrais services pour trouver de nouveaux adhérents.
M. Dominique Watrin . - Madame la ministre, vous semblez regretter le faible taux de syndicalisation dans les TPE-PME. En réalité, être syndiqué en 2017 est toujours mal vu par certains patrons. Licenciements abusifs, sanctions injustifiées, chantage à l'emploi, harcèlement, humiliations : le risque de répression syndicale est réel. Le Conseil économique, social et environnemental a recensé dans son rapport du 13 juillet 2017 les atteintes à ce droit : 11 % des salariés du privé et agents du public estiment en avoir été victimes et 14 % témoins de discriminations syndicales. Ces actes ont valeur d'avertissement pour dissuader les salariés de s'engager... Ce n'est pas en autorisant les employeurs à passer outre les délégués syndicaux que l'on s'attaquera aux racines du mal. (Marques d'approbation à gauche)
Mme Annie David . - Madame la ministre, vous aviez présenté naguère à notre commission un rapport sur le bien-être au travail que vous disiez être celui d'une praticienne et non d'une experte. Vous y cibliez les grandes causes de stress : peur du chômage, prégnance de la performance, numérisation... Vous concluiez au rôle fondamental du CHSCT. Or la fusion des instances l'affaiblit. Où est passée la praticienne de 2010 ? Je conçois l'amertume des employeurs pris en défaut par les tribunaux, mais ils ont le devoir de veiller à la santé et à la sécurité de leurs employés. Voyez les lettres des employés des installations classées Seveso en Isère, qui se battent pour faire reconnaître les dangers auxquels ils sont exposés.
Mme Laurence Cohen . - Le dialogue social que vous prônez est totalement asymétrique. Comment vivifier la démocratie en court-circuitant les syndicats ?
La faible syndicalisation s'explique avant tout par la précarité, la peur du chômage et du déclassement, l'impunité des patrons qui multiplient poursuites judiciaires, brimades, intimidations. Tous les moyens sont bons pour certains employeurs.
Je citerai la SNCF, condamnée à quatorze reprises en 2015, Ford, qui a poursuivi pour dégradation en réunion des syndicalistes ayant lancé des confettis, ou encore Ikea. Ce ne sont pas des cas isolés ; 45 % des représentants du personnel syndiqués interrogés par le CESE ont confié que leur mandat était un frein pour leur carrière, et les études du Défenseur des droits le confirment. Faites donc appliquer la loi si vous voulez encourager la syndicalisation, plutôt que d'accepter les licenciements de salariés protégés !
Mme la présidente. - Je vous propose de poursuivre nos travaux au-delà de minuit, pour en finir avec les prises de parole sur l'article.
Mme Dominique Gillot . - Les personnes en situation de handicap ont deux fois plus de risque de connaître le chômage, ne sont que 35 % dans l'emploi, sont moins qualifiées et moins bien formées. Près d'1 million de personnes handicapées travaillent, à 80 % en milieu ordinaire, souvent à temps partiel ou en situation de sous-emploi. Le handicap est la deuxième cause de discrimination. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) que je préside recommande d'assurer une sécurisation des parcours vers l'emploi pour tous. C'est pourquoi je demande au Gouvernement d'évaluer systématiquement l'impact des mesures prises sur l'emploi des personnes handicapées, avec pour objectif de porter à 6 % le taux de travailleurs handicapés dans les entreprises publiques et privées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Yves Daudigny . - La loi Rebsamen permet déjà de fusionner les instances représentatives du personnel dans les entreprises de moins de 300 salariés.
Les témoignages abondent sur les effets néfastes du cloisonnement des instances, chronophage, complexe et inefficace. Les pays où le dialogue social est fort ont moins d'instances.
Pour autant, leurs compétences et attributions doivent être transférées au nouveau comité. Je propose la création en son sein d'une commission spécialisée sur les métiers dangereux. Il ne faut surtout pas baisser la garde en matière de santé et de sécurité au travail.
La nouvelle instance doit par-dessus tout conserver la possibilité d'ester en justice. Si l'on limite le nombre de mandats de représentant du personnel, il faudra encadrer le retour à l'emploi des salariés protégés pour éviter toute chasse aux sorcières.
À ces conditions, la fusion peut être bénéfique pour tous.
Mme Catherine Génisson . - J'insiste à mon tour sur la nécessité d'un statut particulier pour le CHSCT. MM. Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, dans leur rapport sur le mal-être au travail, ont souligné les besoins de formation en matière de santé, notamment psychologique, et appelé à clarifier les compétences du CHSCT en proposant, dans certains cas, un regroupement avec celles du comité d'entreprise, sous réserve d'accord des partenaires sociaux.
Madame la ministre, vous estimiez dans votre rapport de 2010 que l'articulation entre comité d'entreprise et CHSCT était insuffisante. Tout cela mérite une discussion approfondie, au-delà du principe de la fusion. Nous vous proposerons de conserver une commission ad hoc qui héritera des compétences du CHSCT.
M. Jean Desessard . - Peut-on simplifier la santé ? Si oui, qu'on le dise aux médecins ! Les facteurs sont multiples, et le monde du travail y a sa part.
Si on veut que l'entreprise marche, alors mettons la santé sous gestion administrative. Mais si l'on veut que l'entreprise soit citoyenne, mettons l'accent sur la prévention et notamment sur les conditions de travail. Le CHSCT doit être le garant de la santé des travailleurs, de l'entreprise comme de la branche.
M. Martial Bourquin . - Certains ici ont fait l'ENA ou été chef d'entreprise. Pour ma part, j'ai très longtemps été délégué syndical en production. Je sais ce dont je parle ! Le monde du travail, ce sont avant tout les conditions de travail. Un représentant syndical au CHSCT nécessite des mois de formation. Rappelez-vous les suicides à France Telecom, La Poste, les procès de l'amiante ! (On renchérit sur les bancs du groupe socialiste et républicain.)
Mme Catherine Génisson. - Les mineurs...
M. Martial Bourquin. - Et l'on voudrait empêcher les CHSCT de fonctionner ? Obliger les représentants à s'en aller à peine formés, au bout de deux mandats ?
Savez-vous que des délégués syndicaux injustement sanctionnés se sont tournés, avec succès, vers la justice pour faire condamner leurs employeurs ? Savez-vous qu'il y a dans l'entreprise un lien de subordination fondamental qui fait du dialogue, non une sympathique conversation, mais le combat du pot de terre contre le pot de fer ? (M. Alain Néri renchérit)
M. Cadic a été clair : imposez cette loi, sinon elle ne passera pas... C'est marche ou crève ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Roland Courteau. - Voilà quelqu'un qui connaît l'entreprise !
M. Daniel Chasseing . - Fusionner les instances n'est pas réduire la représentation syndicale. Il faut mieux associer le personnel aux décisions, pour favoriser la syndicalisation. Certains voient l'entreprise comme un lieu de subordination et d'affrontement. Ce n'est pas vrai. Monsieur Desessard, à croire que je n'ai vu que des entreprises citoyennes. Ne faites pas d'amalgames entre les patrons de TPE et les grands patrons aux salaires exorbitants. Leur problème, ce n'est pas le dialogue, ils le pratiquent quotidiennement...
M. Alain Néri. - Il ne faut pas que ce soit un dialogue de sourds ! (On se récrie à droite.)
M. Daniel Chasseing. - ... mais plutôt de trouver des gens formés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. Michel Canevet . - La France est moins compétitive qu'il y a cinq ans, alerte Les Échos. Quand j'entends certains ici demander à alourdir les contraintes sur les entreprises, je le comprends ! Je me félicite que le Gouvernement ait pris le problème à bras-le-corps et s'attaque au code du travail. Il était temps de parler de simplification ! Trop de contraintes pèsent sur les entreprises. Voyez la réalité de la situation de l'emploi dans notre pays ! Il faut penser aux six millions d'inscrits à Pôle emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste ; M. Philippe Mouiller applaudit également.)
M. Martial Bourquin. - Ce n'est pas à nous qu'il faut dire ça !
Mme la présidente. - Nous avons examiné 57 amendements, il en reste 165.
Dépôt de documents
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport du conseil supérieur de l'Agence France-Presse au Parlement et le rapport de contre-expertise du dossier d'évaluation socio-économique du projet d'opération de construction d'un établissement pénitentiaire à Loos, accompagné de l'avis du Commissariat général à l'investissement.
Acte est donné du dépôt de ces documents qui ont été transmis aux commissions permanentes compétentes.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 26 juillet 2017, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit vingt.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mercredi 26 juillet 2017
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Secrétaires : Mmes Valérie Létard et Catherine Tasca
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 637, 2016-2017).
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°663, 2016-2017).
Texte de la commission (n°664, 2016-2017).
Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n°642, 2016-2017).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°127 sur l'amendement n°88, présenté par M. Dominique Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures de renforcement du dialogue social
Résultat du scrutin
Nombre de votants :335
Suffrages exprimés :335
Pour :22
Contre :313
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (142)
Contre : 140
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, M. Jean-Claude Gaudin, président de séance
Groupe socialiste et républicain (86)
Pour : 1 - Mme Marie-Noëlle Lienemann
Contre : 84
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Luc Carvounas
Groupe Union Centriste (42)
Contre : 42
Groupe La République En Marche (30)
Contre : 30
Groupe communiste républicain et citoyen (18)
Pour : 18
Groupe du RDSE (16)
Pour : 1 - M. Pierre-Yves Collombat
Contre : 14
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Hue
Sénateurs non inscrits (12)
Pour : 2 - MM. Jean Desessard, Joël Labbé
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 7 - Mmes Aline Archimbaud, Esther Benbassa, Corinne Bouchoux, MM. Ronan Dantec, Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier
Scrutin n°128 sur l'amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme Marie-Noëlle Lienemann et plusieurs de ses collègues, l'amendement n°54, présenté par M. Dominique Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°156, présenté par M. Jean Desessard et plusieurs de ses collègues et l'amendement n°182 rectifié ter, présenté par M. Martial Bourquin et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article premier du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures de renforcement du dialogue social
Résultat du scrutin
Nombre de votants :336
Suffrages exprimés :335
Pour :36
Contre :299
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (142)
Contre : 140
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, M. Jean-Claude Gaudin, président de séance
Groupe socialiste et républicain (86)
Pour : 15 - MM. Maurice Antiste, David Assouline, Martial Bourquin, Roland Courteau, Alain Duran, Jean-Pierre Godefroy, Mme Gisèle Jourda, M. Georges Labazée, Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Rachel Mazuir, Mmes Michelle Meunier, Marie-Pierre Monier, MM. Franck Montaugé, Alain Néri, Mme Évelyne Yonnet
Contre : 70
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Luc Carvounas
Groupe Union Centriste (42)
Contre : 42
Groupe La République En Marche (30)
Contre : 30
Groupe communiste républicain et citoyen (18)
Pour : 18
Groupe du RDSE (16)
Pour : 1 - M. Pierre-Yves Collombat
Contre : 14
Abstention : 1 - M. Robert Hue
Sénateurs non inscrits (12)
Pour : 2 - Mme Esther Benbassa, M. Jean Desessard
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 7 - Mmes Aline Archimbaud, Corinne Bouchoux, MM. Ronan Dantec, Joël Labbé, Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier
Scrutin n°129 sur l'article premier du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures de renforcement du dialogue social
Résultat du scrutin
Nombre de votants :335
Suffrages exprimés :334
Pour :229
Contre :105
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (142)
Pour : 140
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Isabelle Debré, présidente de séance
Groupe socialiste et républicain (86)
Contre : 85
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Luc Carvounas
Groupe Union Centriste (42)
Pour : 42
Groupe La République En Marche (30)
Pour : 30
Groupe communiste républicain et citoyen (18)
Contre : 18
Groupe du RDSE (16)
Pour : 14
Contre : 1 - M. Pierre-Yves Collombat
Abstention : 1 - M. Robert Hue
Sénateurs non inscrits (12)
Pour : 3
Contre : 1 - M. Jean Desessard
N'ont pas pris part au vote : 8 - Mmes Aline Archimbaud, Esther Benbassa, Corinne Bouchoux, MM. Ronan Dantec, Joël Labbé, Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier