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Table des matières
M. Gérard Larcher, président du Sénat
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics
Prérogatives d'une commission d'enquête
Question prioritaire de constitutionnalité
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur
Question prioritaire de constitutionnalité
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur
Ordre du jour du jeudi 20 juillet 2017
SÉANCE
du mardi 18 juillet 2017
8e séance de la session extraordinaire 2016-2017
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.
La séance est ouverte à 14 h 20.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Hommage à Patrick Masclet
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent ainsi que M. le ministre de l'action et des comptes publics.) C'est avec une grande tristesse que j'accomplis une nouvelle fois devant vous un devoir d'amitié et de fidélité en saluant solennellement dans notre hémicycle la mémoire d'un collègue disparu.
Patrick Masclet nous a quittés le 4 juin dernier. Il s'est éteint à l'hôpital Percy de Clamart où il luttait avec un courage exceptionnel contre la maladie. Et pourtant, nous avions tous, avec lui, repris espoir.
C'est au nom du Sénat que je l'ai accompagné le 9 juin en l'église Saint-Nicolas d'Arleux, sa commune, où nous étions autour de sa famille et de ses amis. Nous lui avons rendu hommage en présence de plusieurs d'entre vous, notamment M. Darmanin, le président Bruno Retailleau, de nombreux collègues des départements du Nord et du Pas-de-Calais, dont Jean-René Lecerf.
Cette belle cérémonie, dans cette église qu'il avait contribué à restaurer, cet adieu émouvant au milieu des siens, dans cette commune d'Arleux à laquelle il était si profondément attaché, trouvent aujourd'hui leur écho dans cet hémicycle.
Sa maladie, sa lutte, Patrick Masclet en parlait avec sincérité et lucidité malgré une pudeur naturelle. Son combat ne l'a jamais empêché de continuer à suivre, jusqu'à ses derniers jours, la vie de son département et les travaux du Sénat.
Je souhaite exprimer une nouvelle fois à Mme Masclet, à leurs enfants Stéphanie et Pierre-Antoine, à leur famille et à tous leurs proches nos pensées au nom du Sénat.
Avec Patrick Masclet, c'est une figure majeure de l'Arleusis et l'un des élus les plus respectés du département du Nord qui s'en est allé...
Il était un maire, un président de l'association des maires du Nord, un parlementaire, un humaniste à la fois pondéré et chaleureux, un serviteur de la République, constamment dévoué à l'intérêt général, et un défenseur inlassable des communes rurales de son département.
Patrick Masclet aimait les gens. Il était attentif, en étant toujours à l'écoute de chacun.
Calme, il était aussi volontaire et énergique dans l'action. Homme de terrain comme de dossiers, il ne laissait place ni à la résignation ni au scepticisme.
Serviteur de la République, il a toujours été porteur des valeurs du gaullisme. Lui qui aimait profondément l'Irlande, peut-être a-t-il arpenté dans la baie de Cashel dans le Connemara cette même plage qui vit le Général de Gaulle un temps s'en aller ?
« C'est dans le combat que se révèlent les hommes que notre peuple jugera dignes et capables de diriger ses actions », écrivait Charles de Gaulle.
Au fond, Patrick Masclet, dans sa simplicité, était de ces hommes-là.
Né dans le Nord, à Waziers, Patrick Masclet aimait à raconter qu'enfant, il accompagnait son père à la pêche dans les marais d'Arleux - la pêche une passion qui ne l'a jamais quitté - une commune dont il deviendra le premier magistrat durant près de vingt-deux ans.
Patrick Masclet a aussi accompli une longue carrière d'enseignant. Après un diplôme universitaire de technologie de génie électrique, un diplôme d'études approfondies d'automatique, l'École normale de Lille et l'École normale nationale d'apprentissage en électronique, il était agrégé de génie électrique.
Sa carrière de professeur agrégé le conduisit successivement à Valenciennes, à Cambrai et à Douai, avant d'être chargé de la formation des professeurs de génie électrique à l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Villeneuve-d'Ascq et d'être professeur en BTS au lycée Pasteur à Hénin-Beaumont.
Patrick Masclet s'investit très tôt dans le milieu associatif. Soucieux de se mettre au service de ses concitoyens et animé par le désir de justice, cet engagement associatif le conduisit bientôt à s'engager dans les responsabilités locales.
Il le fit d'abord comme maire d'Arleux, à la croisée du canal du Nord et du canal de la Sensée, élu en 1995, réélu sans cesse, et en 2014 avec plus de 78 % des voix...
Il le fit aussi comme conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais durant plus de dix-sept ans et comme président attentif de l'Association des maires du Nord.
Il le fit enfin comme membre du bureau en charge de la cohésion sociale, à l'Association des maires de France (AMF).
Récemment, il disait encore : « J'ai été un maire heureux et comblé. Je n'ai été que locataire, mais j'ai essayé de garder la maison dans le meilleur état que je pouvais, j'ai même essayé de l'embellir (...) Nos services publics ont été améliorés et diversifiés, et les services marchands ont été étoffés. La ligne politique de tous nos mandats, déclarait-il à son conseil municipal, c'était : bien vivre et vieillir au village. ».
Le 1er mars dernier, il cessa d'être maire, sans gaîté de coeur : « C'est un déchirement et un crève-coeur. La fonction de maire est une mission exaltante et passionnante qui, humainement, m'a beaucoup apporté. ».
Il fit bien sûr ce choix de prendre du recul, pour se mettre en conformité avec la loi, mais il le fit surtout par raison : « J'ai encore l'envie, mais il faut être raisonnable. Molière meurt en scène, et après ? »
Figurant en troisième position sur la liste conduite aux élections sénatoriales de septembre 2011 par Valérie Létard, Patrick Masclet nous avait en effet rejoints le 22 avril 2015 sur les bancs du Palais du Luxembourg pour y représenter le département du Nord.
Devenu président du conseil départemental du Nord, Jean-René Lecerf ne voulait pas, je le cite, « être un sénateur TGV ». Patrick Masclet se tenait, de même, très attentif aux souffrances et aux espérances de son département.
Patrick Masclet fut, je le crois, un sénateur heureux, au sein du groupe Les Républicains et un membre actif et estimé de la commission des lois, dont les travaux le passionnaient et dont il considérait non sans raison qu'elle est « un peu le coeur du réacteur du Sénat ».
Durant les vingt-cinq mois qu'il passa parmi nous, Patrick Masclet fut un défenseur inlassable des collectivités locales, notamment des communes rurales.
Il rapporta ainsi, en avril 2016 devant le Sénat, au nom de la commission des lois, avec conviction et avec succès, la proposition de loi de Jacques Mézard, devenu ministre depuis, modifiant la loi NOTRe (« Nouvelle organisation territoriale de la République ») souhaitant par pragmatisme et bon sens rallonger d'un an le délai d'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités.
Malgré les contraintes du traitement qu'il subissait, Patrick Masclet suivit jusqu'à ses tout derniers jours, avec une attention constante, les travaux du Sénat. Comment ne pas mentionner le café que nous avions partagé dans mon bureau quelques jours avant sa mort ?
J'ai relu avec émotion l'une des dernières interventions qu'il fit dans cet hémicycle, le 15 mars dernier, lors de l'examen du rapport d'information de la mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des dernières lois de réforme, et qui commençait par ces mots : « C'est pour moi un plaisir de vous retrouver après quelques mois d'absence... Je veux vous apporter mon témoignage d'élu du Nord... ».
Patrick Masclet, c'est plus d'un quart de siècle d'engagement politique.
Nous n'oublierons pas son sourire, son calme, sa simplicité ; je le revois assis en haut de l'hémicycle. C'était toujours un bonheur d'échanger avec lui.
À nos collègues du groupe Les Républicains, à ceux de la commission des lois, qui ont perdu l'un des leurs, et à Alain Poyart auquel il revient la charge de lui succéder dans notre hémicycle, j'exprime notre sympathie attristée.
Je souhaite redire à Mme Masclet, à ses enfants, à toute leur famille et à leurs proches, les condoléances sincères de chacun des membres du Sénat, ainsi que la part personnelle que je prends à leur peine.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - C'est une lourde charge qui me revient, celle de prononcer à présent quelques mots au nom du président de la République et du Gouvernement.
Patrick Masclet était un homme que personne ne pouvait détester. Les citoyens, les élus et une foule innombrable lui ont rendu un hommage mérité lors de son enterrement. Comme me l'a rappelé Jean-René Lecerf dans son oraison, Patrick Masclet ne « disait jamais de mal de personne ».
Je regrette tant l'absence de ce militant du Nord, de sa région, de sa ville, du gaullisme... C'est lui qui m'avait accueilli lorsque je siégeais pour la première fois au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais.
Je présente mes condoléances à Bruno Retailleau, président de son groupe et à Valérie Létard, sa co-listière.
Patrick Masclet était un militant attaché à la cohésion sociale et à la protection des plus faibles.
Il allait souvent en Irlande pêcher avec sa famille pour qui il nourrissait une immense tendresse, je le sais.
Il sera toujours au coeur de la République. Assidu, notamment à la commission des lois, attentif, il était exigeant. Je citerai pour finir le Général de Gaulle : « Soyons fermes et fidèles ; au bout de nos peines, il y a la plus grande gloire du monde, celle des hommes qui n'ont pas cédé ».
M. le président. - Je vous invite à partager un moment de recueillement.
(Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre observent une minute de silence.)
La séance est suspendue à 14 h 40.
présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Prérogatives d'une commission d'enquête
M. le président. - Par lettre en date de ce jour et conformément à l'article 22 ter du Règlement, M. Philippe Bas, président de la commission des lois, a indiqué à M. le président du Sénat que la commission des lois demande au Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour le suivi de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, pour une durée de quatre mois.
Sur la proposition de M. le président du Sénat, nous pourrions examiner cette demande, jeudi 20 juillet 2017 à 9 h 30.
Renvoi pour avis
M. le président. - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 juillet 2017, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 2326-2 du code du travail (Délégation unique du personnel)
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la Séance.
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme pour lequel la procédure accélérée a été engagée.
Discussion générale
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche) J'étais vendredi dernier à Nice pour la commémoration de l'attentat du 14 juillet 2016. Chacun avait le coeur serré, car toute la ville a été touchée. Chacun à Nice a eu un proche, un ami, un collègue, tué ou gravement blessé. Ils étaient des milliers sur la Promenade des Anglais en ce 14 juillet. Il faut imaginer le sourire des enfants, la joie des parents, des familles, venues ensemble partager ce moment de joie. Et puis soudain... l'horreur absolue, des centaines de blessés, 86 personnes arrachées à la vie, à cause d'un individu fanatisé par la propagande terroriste.
Le bilan aurait pu être plus lourd si des civils et des membres des forces de l'ordre n'avaient pas intercepté le camion. Personne n'a oublié ce qu'il faisait ni où il était au moment de l'attentat, à Nice. Les 14 juillet n'auront jamais plus la même saveur.
Ce projet de loi doit nous permettre de sortir de l'état d'urgence, mais aussi de lutter contre cette horreur. Nous ne pouvons sortir de l'état d'urgence sans adapter notre dispositif de lutte contre le terrorisme. Le Sénat l'a déjà renforcé, comme le montre votre rapport, en adoptant huit textes qui ont accru les moyens de l'État.
Des mesures essentielles restent à prendre. C'est l'objet de ce texte. La menace terroriste reste prégnante. La victoire à Mossoul, l'action antidjihadiste à Raqqa ne suffisent hélas pas à écarter la menace. Ceux qui commettent des attentats au nom du djihad peuvent frapper partout. Manchester, Israël, au Sahel, aucun pays, aucune ville, aucune région n'est épargnée, la France non plus.
Les terroristes peuvent passer à l'action en des temps de plus en plus courts avec des instruments de plus en plus rudimentaires, se rendant de plus en plus difficiles à détecter. Cette menace exige que l'on agisse rapidement. Cette loi ne saurait attendre ; elle est urgente, cruciale, essentielle, car elle touche à la sécurité immédiate de nos compatriotes.
Notre constante volonté a été de concilier efficacité de la lutte antiterroriste et préservation des libertés individuelles.
L'article premier traite des périmètres de protection destinés à sécuriser les grands événements culturels et sportifs. Utilisée 71 fois depuis 2016, cette mesure a permis l'organisation de l'Euro et du Tour de France. Depuis décembre 2016, 193 zones ont été établies par les préfets : c'est ainsi qu'ont été sécurisés le festival de Cannes, les Francofolies à La Rochelle, le défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées.
Cette mesure garantit et rend possible l'exercice de nos libertés collectives, tout en respectant les libertés individuelles. Chaque individu pourra s'il le souhaite se soustraire aux fouilles et sera accompagné par des policiers hors du périmètre. Les règles d'accès seront adaptées aux nécessités de la vie privée, familiale et professionnelle.
La commission a souhaité que l'établissement de ces zones soit restreint aux événements exposés à un risque actuel et sérieux. Or nous considérons que le risque est toujours actuel et sérieux : par conséquent, nous ne pouvons partager cette position.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Alors cela ne pose pas de problème !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La décision d'exempter de fouille les riverains, telle que le propose la commission, ne nous a pas non plus convaincus. Cette année, pour la fête des lumières, à Lyon, tout individu aurait pu louer un logement à l'avance pour être exempté de fouille et commettre un attentat dans ce rassemblement de deux à trois millions de personnes sur trois jours. Imaginez-vous les conséquences ?
Je proposerai donc que nous nous en tenions à la version initiale du texte de l'article premier.
J'en viens à l'article 2, donnant aux préfets la possibilité d'ordonner la fermeture administrative de lieux de culte. Cette mesure répond là aussi à un enjeu immédiat. Cinq lieux de culte ont été fermés depuis l'instauration de la cinquième phase de l'état d'urgence, évitant que plusieurs dizaines d'individus suivent des prêches fanatisés.
Nous avons prévu un ciblage serré, avec un contrôle plus important que sous l'état d'urgence : la durée de fermeture n'excèdera pas six mois et pourra faire l'objet d'un référé suspensif devant le tribunal administratif. Je me réjouis que ces dispositions aient fait l'objet d'un vaste consensus en commission.
Sur les mesures de surveillance prévues à l'article 3, je veux vous rassurer : le ministre de l'intérieur sera en mesure de prononcer des mesures de surveillance individuelles, les plus efficaces, mais à titre exceptionnel. La surveillance sera subordonnée à des raisons sérieuses, comme une relation régulière avec des organisations terroristes ou adhérant à des thèses terroristes. C'est un texte très ciblé. De plus, ces mesures devront être compatibles avec la vie privée et professionnelle des personnes et autoriseront des déplacements dans un périmètre au moins équivalent, j'y insiste, à la commune. Il y en a de grandes, monsieur le rapporteur !
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois. - Sans compter celles qui vont grandir !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La personne ne sera pas astreinte à rester chez elle la nuit. La commission des lois a voulu lever l'obligation de pointer une fois par jour au commissariat. Nous ne pouvons l'accepter : trois jours sans signalement, c'est suffisant pour passer à l'acte. Je me refuse à prendre un tel risque.
Le Gouvernement souhaite également rétablir l'obligation de communiquer ses numéros d'abonnement et ses identifiants de communication électronique ; cela ne concerne pas les mots de passe, l'administration n'aura donc pas accès au contenu.
Mme Nathalie Goulet. - Ben voyons !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Quel mécanisme pour la prorogation de la mesure de surveillance ? L'intervention du juge judiciaire n'est conforme ni au principe de séparation des pouvoirs ni à notre tradition juridique ; mais le Gouvernement, sensible à vos préoccupations, proposera un amendement tenant compte de l'impact de renouvellement des mesures de surveillance.
L'article 4 porte sur les visites domiciliaires et les saisies. Sous l'état d'urgence, les perquisitions à la discrétion de l'autorité administrative ont fait la preuve de leur efficacité en permettant la saisie de 600 armes, dont 78 de guerre. Il ne s'agissait pas que de l'effet de sidération lié à la nouveauté de l'état d'urgence : depuis le cinquième prolongement, deux préparations d'attentat ont été prévenues par les perquisitions, alors qu'une perquisition judiciaire aurait été impossible. Il serait peu responsable de se priver d'un tel outil.
En même temps, une visite au domicile et une possible rétention sont une atteinte aux libertés ; c'est pourquoi ce régime sera, là aussi, ciblé sur les individus dont le comportement représente une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public et qui sont en relation régulière avec des organisations terroristes ou prônant des actes de terrorisme. Rappelons que dans le cadre de l'état d'urgence, un tel ciblage n'existait pas, toutes les personnes présentant une menace contre l'ordre public étant concernées.
Ce régime sera soumis à un double contrôle de l'autorité judiciaire : le procureur de la République de Paris sera informé de toute visite effectuée sur le territoire national et pourra judiciariser le renseignement et reprendre l'enquête à son compte ; le juge des libertés et de la détention près le TGI de Paris autorisera la visite et contrôlera l'exploitation du matériel saisi. Cela concourt à une meilleure coordination entre autorité administrative et judiciaire, cette dernière se trouvant confortée dans son rôle de gardienne des libertés individuelles au sens de l'article 66 de la Constitution. Je salue l'esprit constructif du rapporteur et du président de la commission des lois. (Mouvements à droite)
Notre obsession est de concilier protection contre le terrorisme et préservation absolue des libertés, socle de notre démocratie. Ne perdons pas de vue l'impact très concret de nos décisions : il en va, à travers les zones de protection, de la liberté pour les Français de se cultiver et de se divertir. La possibilité de fermer des lieux de culte vise à éviter la radicalisation, les mesures de surveillance individuelles, visites et saisies ont vocation à éviter de nouveaux attentats.
Certains estiment que le droit pénal suffit, mais nous sommes ici en amont ! En cas d'indices graves et concordants, les services se tournent immédiatement vers l'institution judiciaire (M. Michel Mercier, rapporteur, le confirme.)
Un mot sur la création d'un fichier de passagers du transport maritime et la transposition du PNR (passenger name record).
Si le Gouvernement souscrit aux améliorations juridiques apportées par la commission des lois, il est réservé quant au fait de figer dans la loi les modalités de consultation de ces fichiers.
Concernant la surveillance des communications hertziennes, le Gouvernement, tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016, a voulu distinguer les techniques portant atteintes au secret des correspondances, contrôlées par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), et les interceptions de communications empruntant la voie hertzienne publique.
Enfin, l'article 10 renforce les possibilités de contrôle aux abords des points de passage frontaliers. Sans remettre en cause la libre circulation, il renforce nos marges de manoeuvre face à une menace terroriste durable. La commission des lois, invoquant la jurisprudence européenne, a voulu encadrer davantage les contrôles dans la durée et l'espace ; veillons à ce que les restrictions ne rendent ces mesures inopérantes, alors que la levée des contrôles aux frontières intérieures se profile.
Un grand ancien de cette Assemblée, Victor Hugo, écrivait que « tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité ». Avec ce projet de loi, nous augmentons les libertés par rapport à l'état d'urgence, mais nous assumons pleinement notre responsabilité.
Ce texte exige un grand sérieux, d'infinies précautions...
M. Philippe Bas, président de la commission. - Pour qui parle-t-il ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - C'est l'état d'esprit dans lequel j'aborde nos débats, et ne doute pas que c'est cet esprit qui régnera sur vos bancs. (Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche ainsi que sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et Union centriste)
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Union centriste et Les Républicains)
Une voix à droite. - C'est le gang des Lyonnais !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Ce texte, vous avez raison de le dire, est fondamental : il fait entrer dans notre droit commun des mesures qui n'y ont jamais été. Vous mettez en place un droit qui, soyons clairs, n'est pas celui de l'état d'urgence, dont le champ d'application est beaucoup plus large. Disons-le donc clairement : non, ce texte ne fait pas entrer l'état d'urgence dans le droit commun. La création de périmètres de protection, la fermeture de lieux de culte, l'obligation de résider dans une commune, les visites domiciliaires, sont des mesures de police administrative qui viennent parfaire un droit du terrorisme à la fois pénal et administratif - construction à laquelle le Sénat a pris toute sa part. La force du terrorisme nous a obligés à dépasser les catégories juridiques traditionnelles.
Les Français veulent vivre en sécurité, mais ils veulent aussi vivre libres. Monsieur le ministre d'État, vous êtes dans votre rôle lorsque vous plaidez pour la sécurité ; le Sénat est dans le sien quand il insiste sur les libertés que garantit la Constitution. Engageons un dialogue franc, loyal pour créer un équilibre durable entre ces deux exigences.
Vous avez présenté avec talent les mesures nouvelles qui visent à prévenir le terrorisme ; permettez-moi de revenir sur l'économie de la pensée de la commission des lois.
Les périmètres de sécurité n'existent pas dans le droit commun. Nous sommes prêts à reconnaitre à l'autorité administrative le pouvoir de prendre cette mesure mais nous aurions souhaité une distinction plus nette entre les événements et les lieux qui peuvent faire l'objet de ce périmètre de sécurité. Pas de problème autour des quatre piliers de la Tour Eiffel pour demander à ceux qui rentrent chez eux, dans le périmètre de sécurité, d'ouvrir leurs sacs. Cela peut être différent pour la place Bellecour, où, grâce à une politique municipale active en matière de logement social, beaucoup de gens habitent. (Exclamations à droite) On peut leur demander d'ouvrir leur sac, mais pas les empêcher de rentrer chez eux !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Évidemment.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous vous aiderons à trouver un système adapté.
Quant à l'obligation de rester dans une commune - je ne parle pas d'assignation -, l'enjeu principal est, pour nous, le renouvellement. D'après le Conseil d'État, une prolongation dans le temps de l'assignation à résidence pourrait transformer une mesure restrictive de liberté en mesure privative de liberté. Le Conseil constitutionnel, lui, a considéré que si la prolongation de l'assignation à résidence n'est pas assimilable à une peine privative de liberté, c'est que nous sommes en état d'urgence. Par conséquent, en vertu de la règle de l'effet utile, la question se poserait à nouveau une fois sortis de l'état d'urgence.
Nous avons donc voulu faire intervenir le juge, mais lequel ? À l'article 2, vous chargez le juge administratif du prolongement et de l'exécution de la mesure, mais à l'article 4, c'est le juge judiciaire qui valide les visites domiciliaires... Nous vous proposerons finalement le juge administratif, avec la possibilité d'un référé suspensif.
Sur les identifiants électroniques, les dispositions que vous introduisez figurent déjà dans la loi Renseignement ; de plus, le Conseil constitutionnel est hostile à la communication obligatoire des identifiants.
Sur les contrôles aux frontières, nous trouverons sûrement un accord.
Le texte amendé par notre commission parvient à un équilibre entre la nécessaire protection des Français et la préservation de leurs libertés. La commission s'est livrée à un travail de responsabilité républicaine ; c'est ce même travail que j'invite le Sénat à mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et socialiste et républicain)
M. Philippe Bas, président de la commission. - Merci.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Le PNR est issu de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, qui prévoyait une expérimentation jusqu'à fin 2017. Depuis la directive européenne du 21 avril 2016, tous les États membres doivent s'en doter, ce qui permettra un partage des renseignements collectés.
Le système simplifié de PNR maritime proposé par le texte sera utile si la coopération entre États est efficace. Il s'agit pour le moment d'une initiative franco-française. Rappelons que la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne ont également souhaité que les déplacements ferroviaires internationaux soient eux aussi enregistrés.
La grande majorité des interceptions réalisées sur les communications hertziennes seront désormais soumises au régime de droit commun, ce qui constitue un contrôle renforcé : talkies walkies numériques, communications entre téléphones d'intérieur, ou entre mobiles et ordinateurs ou montres connectées.
Restent les communications exclusivement hertziennes que n'importe qui peut capter, pourvu qu'on soit calé sur la bonne fréquence : c'est le cas des radioamateurs, des talkies walkies analogiques mais aussi des moyens radios utilisés par les militaires. Le texte confirme la légalité des interceptions mais les soumet à certaines règles, par exemple en matière de conservation des données. Il donne à la CNCTR mission de veiller aux champs d'application respectifs du régime de droit commun et du régime spécifique.
Dans l'ensemble, le texte du Gouvernement nous convient. Nous encouragerons le Gouvernement à compléter le système PNR. Sur les communications hertziennes, préservons le rôle et le contrôle de la CNCTR. La commission a donné un avis favorable aux mesures du projet de loi qui lui étaient soumises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains)
Question préalable
M. le président. - Motion n°13, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (n°630, 2016-2017).
Mme Éliane Assassi . - J'ai une pensée émue pour les familles meurtries par les attentats qui nous ont frappés dernièrement.
Le 9 septembre 1986, la France se dotait de la première loi antiterroriste, qui créait notamment un corps spécialisé de magistrats. Depuis, les régimes procéduraux dérogatoires se sont multipliés, comme les nouvelles infractions. En deux ans, l'état d'urgence a été prorogé six fois, tandis que l'on votait en parallèle une loi relative au renseignement et une loi de lutte contre le terrorisme.
Nous nous sommes toujours opposés à cet arsenal aussi dangereux pour la démocratie qu'inefficace - l'attentat de Nice en témoigne. Ce projet de loi porte en lui le coup d'après, introduisant l'état d'urgence dans le droit commun, sans garanties valables.
Le chef de l'État a tranquillement annoncé que c'était la première et dernière loi antiterroriste de son quinquennat. Évidemment ! De nombreuses voix s'élèvent contre cette introduction de l'état d'urgence dans notre droit commun.
« Renoncer à l'état d'urgence est nécessaire, mais n'autorise certainement pas à en faire notre droit commun » écrit Mireille Delmas-Marty, soutenue par plus de 500 universitaires, chercheurs et juristes.
Devant le Congrès, le 3 juillet dernier, Emmanuel Macron affirmait : « Le Code pénal tel qu'il est, les pouvoirs des magistrats tels qu'ils sont peuvent (...) nous permettre d'anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l'administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n'a aucun sens, ni en termes de principes, ni en termes d'efficacité. » Nous sommes d'accord ! Mais hélas, ce texte est à l'opposé de ses propos.
Tous les jours, les procureurs et juges antiterroristes dirigent des enquêtes contre des personnes qui préparent des attentats. Entre novembre 2015 et novembre 2016, seules vingt enquêtes sont imputables à l'état d'urgence, contre 170 procédures judiciaires ouvertes dans le cadre normal !
Dans son livre Révolution, M. Macron disait vouloir sortir de l'état d'urgence. Pourquoi alors un tel texte ? Pure démagogie ? Ce texte n'est pas pragmatique mais idéologique ; il est dangereux. Défoncer à 4 heures du matin la porte de jeunes déjà tangents, les assigner à résidence, cela les rend-ils moins dangereux ? On attise le feu avec de telles méthodes, dénonce Marc Trévidic.
Passons d'une logique de peur irrationnelle qui justifie une logique de guerre à une logique de paix.
Pour lutter contre le terrorisme, il faut amorcer une réflexion, d'abord sur le plan international, remonter aux origines géopolitiques, aux guerres destructrices menées par les puissances occidentales en Irak et en Afghanistan, au non-sens de l'intervention en Libye, dénoncer le jeu trouble des puissances régionales car le terrorisme se nourrit de la guerre du pétrole et du trafic d'armes.
Une large coalition internationale sous l'égide de l'ONU doit être mise en place, avec pour objectif, au-delà du combat contre Daech, de reconstruire ces régions, pour établir une paix durable et permettre le retour des réfugiés.
M. Hervé Marseille. - C'est le Père Noël...
Mme Éliane Assassi. - Refondons le vivre ensemble en bannissant le culte de l'argent, si cher au président Macron. Faire miroiter la fortune à ceux qui ne pourront l'atteindre nourrit le désespoir et les dérives.
La culture, l'éducation sont le fruit d'un échange, de liens, de partages. (M. François Bonhomme s'amuse.) Rémunérons mieux les acteurs sociaux, les éducateurs, les assistantes sociales, les conseillers en insertion et probation. Les missions de service public de l'État sont trop souvent dévoyées au service de la lutte contre le terrorisme. Les policiers subissent depuis 2002 cette politique du chiffre, alors que leur rôle est au plus près de la population, pour lutter contre la radicalisation.
Quelle sera la prochaine étape ? L'état de siège ? La guerre matérielle ?
M. François Bonhomme. - Tout en nuance !
Mme Éliane Assassi. - Nos ennemis obscurantistes attendent le recul de notre démocratie, le retour à la loi du plus fort. La France doit être fidèle à ses idéaux et refuser la fracturation de nos sociétés et toute dérive vers le despotisme, fût-il doux. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. François Bonhomme. - Quel angélisme !
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois . - La motion me semble inadaptée. La menace terroriste perdure à un haut niveau ; ce texte en tient compte et nous faisons confiance au Gouvernement pour en apprécier l'importance, grâce aux services de renseignement. Le projet de loi, tel que nous l'avons voté en commission, concilie protection des Français et libertés constitutionnelles. Avis défavorable à la motion. (M. Philippe Bas et Mme Françoise Gatel applaudissent.)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - La présidente Assassi s'est quelque peu éloignée du sujet... Le cadre juridique des mesures que nous proposons est beaucoup plus protecteur que l'état d'urgence. Elles visent uniquement le terrorisme, non le maintien de l'ordre public. Elles sont encadrées, les droits individuels sont garantis, le seuil de déclenchement est très élevé. Notre administration utilise de tels dispositifs avec de grandes précautions, y compris dans le cadre de l'état d'urgence.
Mme Éliane Assassi. - Et la loi Travail ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Les attentats sur notre sol nous ont sidérés ; si nous avons pris à chaque fois de nouvelles mesures, c'est qu'à chaque fois nous étions précédés par les terroristes qui montaient d'un cran. Il fallait nous doter des moyens légaux de riposter. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
Nul ne dit que la société est parfaite ! Comme vous, nous voyons les 3,5 millions de chômeurs. Mais c'est un autre débat.
Je partage votre constat de la paupérisation, de la ghettoïsation des quartiers. C'est pourquoi dans mon agglomération, j'ai favorisé la mixité sociale. Nous comprenons les maux de notre société. La fracture sociale est largement spatiale ; le Gouvernement s'attelle à la résorber.
Mais je ne peux être d'accord avec vous sur les mesures que nous proposons ici. Nous allons chercher, avec la commission, un équilibre entre sécurité et libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; M. Philippe Esnol applaudit également.)
M. Jacques Bigot . - Ce texte nous inquiète par certains aspects, mais il contient des mesures utiles et nous souhaitons que le débat ait lieu. Notre groupe votera contre la question préalable.
La motion n°13 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. François-Noël Buffet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous avons créé les conditions d'une sortie de l'état d'urgence sans nous affaiblir : voilà ce que déclarait M. Urvoas en mars dernier. Pourquoi cette loi, alors que le candidat Macron considérait l'appareil législatif comme suffisant ? La seule raison serait-elle l'élection d'un nouveau président de la République ?
On a pu parler de pilule empoisonnée de l'état d'urgence ; mais ne nous trompons pas de cible. La pilule empoisonnée, c'est le terrorisme. La menace est permanente, elle est devenue endogène. Mais pas question pour nous de nous accoutumer à l'état d'urgence, même si l'extrémisme islamiste perdure.
Nous tenons à l'équilibre précieux de nos institutions. Il faut, disait Montesquieu, que le pouvoir arrête le pouvoir... Que le pouvoir législatif exerce ses compétences constitutionnelles et que l'autorité judiciaire, gardienne des libertés, joue son rôle protecteur, comme le rappelle François Pillet dans un récent ouvrage.
Protéger les libertés publiques, telle est la mission historique du Sénat. Merci au président et au rapporteur de la commission d'avoir imposé l'expérimentation des deux mesures les plus attentatoires aux libertés individuelles.
Le Gouvernement veut garantir la sécurité des Français ; nous aussi.
Au cours des deux dernières années, nous avons pris de nombreuses mesures, souvent à l'initiative du Sénat : élargissement des conditions de perquisition nocturne, possibilité de prescrire des mesures de déradicalisation dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve, création de deux nouveaux délits en matière de terrorisme - l'entrave au blocage des sites incitant à la commission d'actes de terrorisme et la consultation habituelle de tels sites -, période de sûreté incompressible de trente ans au lieu de vingt-deux pour les criminels condamnés pour terrorisme, régime procédural spécifique pour empêcher leur libération conditionnelle. Ces mesures sont efficaces judiciairement, de l'aveu même du président de la République à Versailles.
Nous ne souhaitons pas qu'un état d'urgence masqué et dégradé soit introduit dans le droit commun. Saluons Michel Mercier, qui a su détecter toute mesure attentatoire aux libertés fondamentales. Les Français demandent aux pouvoirs publics de garantir leur sécurité, pour pouvoir vivre en liberté.
Plusieurs dispositions du texte ne posent pas de problème à nos yeux, qu'il s'agisse du renforcement des contrôles aux frontières, de la surveillance des communications hertziennes, de la transposition de la directive PNR ou de la fermeture des lieux de culte à seule fin de prévenir des actes de terrorisme. La prévention du terrorisme fonctionne d'autant mieux si elle procède de la coopération entre la justice judiciaire et la police administrative, comme en témoigne le cas de Paris où la collaboration entre le préfet de police et le procureur de la République facilite la judiciarisation des dossiers. Il est fondamental d'associer le juge judiciaire, garant de la liberté individuelle.
Les avancées de la commission des lois nous satisfont, notamment en ce qui concerne les mesures de surveillance individuelle, qui ne pourront être prononcées que pour une durée limitée, ni renouvelées que sur l'autorisation du juge. De même, l'accord exprès du juge sera requis pour retenir, au cours d'une visite domiciliaire, la personne à l'encontre de qui elle a été décidée. Cette intervention du juge judiciaire rassurera les Français et témoigne de ce que nous sortons réellement de l'état d'urgence, purement administratif. Il n'est question pour nous ni de faire perdurer un régime d'exception, ni de marginaliser l'autorité judiciaire.
Ne l'oublions pas, il faudra faire encore plus d'efforts pour que chaque maillon de la chaîne sécuritaire et pénale puisse assumer nos décisions. Alain Marc et Philippe Dominati, nos rapporteurs budgétaires, le savent.
Le soupçon ne saurait justifier des mesures attentatoires aux libertés. Mais la lutte contre le terrorisme est un motif suffisant pour que nous nous battions, collectivement, pour la sécurité de nos concitoyens et la liberté de notre pays. (Applaudissements au centre et à droite ; Mme Corinne Bouchoux applaudit aussi.)
M. David Rachline . - Pourquoi une telle logorrhée législative, avec huit textes antiterroristes en quatre ans ? Pour faire croire aux Français que le Gouvernement agit. Or les gouvernements successifs sont responsables des dérives communautaristes, d'avoir laissé ouvertes les portes de la maison France à l'immigration de masse, de l'intervention hasardeuse en Libye, de nos alliances avec des pays qui soutiennent les islamistes radicaux, du laxisme de notre politique pénale. (Protestations sur divers bancs)
Mme Catherine Troendlé. - Oh ! Ce n'est pas vrai.
M. David Rachline. - À défaut de mener le combat, vous nous faites voter des textes. Un contrôle strict de la frontière franco-belge aurait été plus efficace que des pages de plus au code pénal. Voilà deux ans que nous vivons sous le régime de l'état d'urgence, et bon nombre de mesures qu'il permet n'ont pas été prises, comme la fermeture immédiate de la centaine de mosquées radicales. D'autres mesures efficaces se font encore attendre, alors que vous n'êtes nullement limités par le droit existant : expulsion des fichés S, condamnation de l'intelligence avec l'ennemi, désarmement des banlieues, renforcement des moyens humains et techniques de nos forces de sécurité. À Fréjus, la police ne pourra plus faire appel à ses réservistes ! Pour vous, la sécurité des Français passe après le respect de la règle des 3 % imposée par l'Union européenne.
Il faudrait faire preuve de courage politique. La confiance se mérite : il ne suffit pas de dire : « Je suis le chef ». Nous attendons des actes ! Hélas, les délits commis à l'occasion du 14 juillet ont encore donné lieu à bien peu d'interpellations... Pourtant, l'histoire tragique de ces dernières années nous apprend que certains de ces délinquants sont les terroristes de demain ! (Protestations sur divers bancs)
Nous refusons ce texte pour trois raisons : le droit actuel permet déjà de lutter contre le terrorisme, si l'on en avait le courage ; l'état d'urgence, qui n'est pas supprimé, peut être rétabli en cas de menace imminente ; enfin nous sommes trop attachés à la liberté pour accepter de la voir grignotée. Faisons nôtre la devise de Tom Morel, héros des Glières : « Vivre libre ou mourir ».
M. Alain Richard . - Au-delà des formules éloquentes, demandons-nous pourquoi nous sommes appelés à légiférer, et sur quoi au juste nous devrons nous prononcer. Pourquoi cette loi ? Parce que la menace terroriste va perdurer, en dépit de la diminution progressive des capacités opérationnelles de Daech au Proche-Orient. Si nous voulons donc mettre fin au régime d'exception de l'état d'urgence, alors il faut examiner quelles mesures de prévention doivent être instituées ou maintenues.
Soyons précis, factuels. Ce projet de loi comprend quatre mesures principales. D'abord les périmètres de sécurité. La semaine dernière, dans combien de communes avons-nous dû mettre en place des contrôles renforcés comportant la limitation d'accès à certaines zones et la fouille des sacs, sur un fondement juridique un peu fragile ? Qui peut prétendre que c'est une limite à la liberté ? C'est au contraire le moyen de concilier la liberté, la vie sociale, culturelle et festive d'un côté, la prévention du terrorisme de l'autre.
La fermeture des lieux de culte ensuite. Rappelons que la loi de 1905 prévoyait dès l'origine des sanctions pénales à l'encontre des atteintes à l'ordre public dans l'exercice du culte, et qu'en de telles circonstances le Conseil d'État autorise les sanctions administratives depuis l'arrêt Jamart de 1936. Le dispositif ici prévu a le double avantage de réduire les délais et de garantir les droits de la défense.
Deux mesures seulement limitent, de manière tempérée et organisée, les libertés individuelles : les visites domiciliaires avec saisie sur décision administrative, et les limitations individuelles de mouvement et de contact. Différentes par leur teneur de la perquisition administrative et de l'assignation à résidence, elles sont indispensables au recueil du renseignement, carburant de la lutte antiterroriste. Les visites et saisies sont nécessaires pour repérer des situations où des poursuites judiciaires sont impossibles, et pour prévenir le risque en temps utile. Ce sont certes des mesures intrusives, et c'est pourquoi le Gouvernement et la commission se sont mis d'accord pour les soumettre à l'accord d'un juge judiciaire, le juge des libertés et de la détention. Où est donc l'atteinte à la liberté individuelle ? Le juge vérifiera l'adéquation de la mesure à la nécessité de garantir la sécurité publique.
La limitation de mouvement et de contact, mesure nouvelle de police administrative restrictive de liberté, ne saurait être décidée par un juge, dans l'urgence. Le Gouvernement et la commission sont d'accord pour l'encadrer strictement. Personne ne conteste au fond la pertinence d'une telle mesure.
Je ne parle pas de l'imposition d'un cadre légal à l'interception des communications hertziennes, mesure qui, à la vérité, est d'inspiration libérale.
Ce projet de loi est conforme à l'État de droit, le Conseil constitutionnel aura certainement l'occasion de le vérifier. Le Sénat fait son travail. Le conflit qui nous oppose est, au fond, celui d'Antigone et de Créon. En menant notre travail de législateur, défendons comme Créon la cité menacée, sans tourner le dos à la philosophie des Lumières. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche et sur quelques bancs à droite)
M. Christian Favier . - Cet énième projet de loi propose d'inscrire dans le droit commun les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence. En assistant au débat en commission, j'ai été étonné par les propos nuancés de nos collègues Les Républicains, d'ordinaire plus tranchés ou guerriers. M. Pillet nous a cité Benjamin Franklin : « Un peuple qui accepte de sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre et finit par perdre les deux. » Quelle lucidité ! J'ai été plus étonné encore d'entendre nos collègues socialistes s'alarmer des dangers de ce projet de loi et invoquer la Cour européenne des droits de l'homme. Oublient-ils que c'est le gouvernement Valls qui a fait la première entaille dans notre droit commun, avec la loi du 3 juin 2016 ?
La commission des lois se pose en défenseure des libertés publiques. Toutes les mises en garde du rapporteur sont légitimes. Mais il reste à de prétendues garanties, même si aucune dérive n'avait jamais été constatée. À l'article premier, la commission a restreint timidement l'usage des périmètres de sécurité. Mais on peut toujours redouter une application discriminatoire de ce dispositif, puisque les fouilles ne requièrent aucune base objective ; en outre, le recours à des agents de sécurité privée suscite chez nous la plus vive opposition. Enfin, il y a lieu de craindre que ces périmètres de sécurité ne servent, une fois de plus, à étouffer la contestation politique sur la voie publique.
L'article 3, malgré les atténuations apportées en commission, fait entrer l'assignation administrative à résidence dans le droit commun. Quant à l'article 4, sur les visites domiciliaires et saisies, l'autorisation du juge des libertés et de la détention n'est pas une véritable garantie : soumis à la pression, à l'urgence, peu nombreux, ces magistrats auront du mal à refuser leur autorisation. En outre, le texte ne prévoit pas quelles pièces seront versées au dossier ; l'autorité administrative devra se prononcer au vu des documents fournis par les services de renseignement.
La commission des lois a limité dans le temps l'application de ces deux derniers articles, par une clause d'autodestruction révélatrice du danger qu'ils représentent. Nous ne pouvons accepter que soient ainsi remises en cause les libertés publiques.
Ce qui est à l'oeuvre, c'est un glissement dangereux de l'autorité judiciaire vers l'autorité administrative, dotée de pouvoirs permanents. Nous sommes à l'aube d'un état d'urgence permanent, les quelques garanties apportées n'y changeront rien. Les autorités administrative et judiciaire pourront être compétentes en même temps, quand nous aurions besoin de clarification. Quoi qu'il en soit, la lutte contre le terrorisme passe par un travail de long terme, associant renseignement, police de proximité, police judiciaire et magistrats travaillant selon des règles procédurales claires et en référence à des incriminations pénales.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen, refusant la banalisation de l'état d'urgence, voteront unanimement contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Philippe Esnol . - Le géographe américain Jared Diamond, dans Effondrement, montre que les sociétés ne se maintiennent que si elles prennent conscience des maux dont elles sont affectées, pour pouvoir y apporter des solutions. À l'inverse, les sociétés qui tardent à regarder la réalité en face accélèrent leur effondrement. Un an après l'attentat de Nice, ce texte montre que le Gouvernement a pris la mesure de la gravité de la situation du pays.
Nous avons besoin de réalisme et d'efficacité. Il faut sortir de l'état d'urgence, et lui rendre son caractère exceptionnel alors que les menaces terroristes sont devenues permanentes. Dans les Yvelines où a eu lieu l'attentat de Magnanville, l'état d'urgence a été conduit avec professionnalisme par les autorités. Depuis novembre 2015, les forces de l'ordre ont fait preuve d'un dévouement exceptionnel. Mais l'état d'urgence s'essouffle, son efficacité décroît et nos concitoyens, tout en réclamant une vigilance maximale, aspirent à tourner la page.
C'est pourquoi le Gouvernement nous propose de nouveaux outils administratifs permanents, tirés du bilan de l'état d'urgence. Certaines mesures ont montré leur efficacité, comme les perquisitions administratives. Vous en proposez de nouvelles, monsieur le ministre, comme la protection des lieux et événements soumis à une menace particulière ou la fermeture des lieux de culte, répondant ainsi à l'évolution concrète de la menace. Les drames du Bataclan et de Manchester ont révélé la vulnérabilité des lieux de manifestations culturelles. De même, la fermeture des lieux de culte sur décision du préfet complètera utilement la faculté dont il dispose déjà d'expulser les prédicateurs radicaux ou d'interdire des réunions. Elle responsabilisera les propriétaires des lieux.
Depuis l'habeas corpus, une architecture institutionnelle s'est édifiée pour assurer notre sécurité sans sacrifier nos libertés. Le RDSE, dans un esprit de co-construction, proposera des modifications au texte afin de garantir cet équilibre. Souvenons-nous cependant que la lutte contre le terrorisme nécessite de donner des moyens à la justice et surtout aux services de renseignement. Nous regrettons enfin qu'un texte aussi important ait fait l'objet de la procédure accélérée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Philippe Bonnecarrère . - Notre pays aura vécu presque deux ans sous le règne de l'état d'urgence. Huit lois auront été votées dans les quatre dernières années. Notre pays a pu compter sur l'engagement sans faille du Parlement qui, avec l'exécutif, l'a doté de l'arsenal le plus complet pour combattre le terrorisme tout en restant dans le cadre d'une démocratie protectrice des libertés publiques. Il reste à sortir de l'état d'urgence.
Les deux réécritures de ce projet de loi, par le Gouvernement après l'avis du Conseil d'État, puis par la commission des lois, ont rendu plus assimilables les mesures voulues par l'exécutif. « Le Sénat ampute les ambitions sécuritaires du Gouvernement », ai-je lu dans la presse. C'est excessif et inexact. Le travail mené par notre commission était nécessaire pour rendre le texte compatible avec la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme. Il s'agit non pas de raboter le texte, mais d'assurer son application effective.
Le Sénat s'est aussi attaché à trouver les bons équilibres. Entre l'impératif de la lutte antiterroriste et la préservation des libertés, d'abord : je n'y reviens pas. Entre les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif, ensuite, grâce au maintien du contrôle parlementaire. Entre les juges judiciaire et administratif, aussi. De texte en texte, nous avons assisté à une extension des mesures de la police administrative vers ce qui relève de la sanction et inversement le droit pénal a défini les infractions en les situant de plus en plus en amont, se rapprochant ainsi de la prévention - c'est l'hybridation dont parle M. Mercier.
Enfin, le Sénat a recherché l'équilibre entre le droit commun et le droit d'exception. Intégrer des mesures de l'état d'urgence dans le droit commun ne peut se faire sans précautions. L'état d'urgence ne fonctionne pas comme une boîte à mails où l'on transférerait le message d'un compte à un autre... Quelle place doit-on d'ailleurs réserver à l'avenir à l'état d'urgence ? Comment apporter une réponse progressive et différenciée à une situation de crise en démocratie ? L'exercice est difficile.
Le Parlement est conscient de la guerre menée par les terroristes, qu'elle soit individuelle ou organisée, d'origine exogène ou endogène. Nous savons que la fermeté est nécessaire, dans la durée.
Le groupe de l'Union centriste est favorable à ce texte qui dote l'État de droit des moyens de se défendre contre une menace permanente, dans le respect des droits et libertés. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)
M. Jacques Bigot . - Personne ne saurait nier la permanence du risque terroriste, le drame des victimes, l'angoisse de nos concitoyens. Mais cela ne justifie nullement l'ampleur des atteintes à notre système démocratique et judiciaire que vous proposez, monsieur le ministre. Cela d'autant moins que le terrorisme a changé. Charlie Hebdo, le Bataclan étaient des opérations organisées, tandis que les attentats de Nice ou plus récemment des Champs-Élysées étaient le fait d'individus isolés. La chute de Daech ne diminuera pas la menace, elle pourrait même la démultiplier. Pourtant, on ne peut pas rester en permanence dans l'état d'urgence. L'actuel président de la République le disait déjà en décembre 2016, et il ajoutait que notre arsenal juridique de droit commun suffisait.
Certaines mesures de ce projet de loi peuvent paraître nécessaires. Ainsi de l'article premier : nos concitoyens veulent que l'on puisse continuer à organiser des manifestations d'ampleur, tout en assurant leur sécurité, ce qui ressortit de la compétence normale de l'autorité administrative. Les Français le comprennent.
S'agissant de l'article 2, la fermeture des lieux de culte est fondée sur des motifs qui se situent à la limite de l'infraction pénale d'apologie du terrorisme. L'article est cependant utile, et le contrôle a priori du juge des référés administratif est intéressant.
Les possibilités d'interception des communications hertziennes ne nous posent pas de problème non plus.
Les mesures figurant aux articles 3 et 4 sont, en revanche, très attentatoires aux libertés et dénoncées comme telles par le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNDCH), des universitaires et des magistrats - pas forcément d'extrême gauche. Je souligne votre habileté, monsieur le rapporteur, à démontrer que vous avez souhaité adoucir les mesures, mais votre rédaction prouve que l'on aurait pu rester dans le champ judiciaire. S'il y a « des raisons sérieuses de penser » que le comportement d'une personne constitue une menace, n'est-ce pas qu'elle s'est rendue coupable d'une infraction, et pourrait donc faire l'objet de poursuites plutôt que d'être poursuivie ?
Dans l'état d'urgence, le Parlement avait un pouvoir de contrôle. Monsieur le rapporteur, vous proposez certes que ces mesures soient limitées dans le temps mais pendant quatre ans, le Gouvernement pourra faire ce qu'il veut. Quant au contrôle de la juridiction administrative, le juge administratif n'est certes pas plus liberticide que le juge judiciaire, mais son contrôle est a posteriori. Le juge judiciaire, lui, peut prendre toutes les mesures qui figurent aux articles 3 et 4, mais il le fait dans le cadre d'une instruction et dans le respect du contradictoire.
Nous proposerons donc la suppression de ces articles inutiles, sinon pour rassurer les Français. Il faudrait plutôt leur expliquer que nous sommes allés au bout de ce que nous pouvions faire dans la loi, et que la sécurité absolue n'existe pas. En revanche, nous serons toujours à vos côtés pour renforcer les moyens des forces de sécurité et de la justice.
Retirez les articles 3 et 4, et nous voterons la loi. Sinon, nous rappellerons ce que le président de la République lui-même a dit en novembre 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - M. Buffet a explicité certaines positions de la commission, nous en reparlerons.
À M. Rachline, je me contenterai de répondre que le héros du plateau des Glières n'aurait sans doute pas aimé être cité ainsi. (Mme Éliane Assassi le confirme.)
M. Richard, dont l'esprit de finesse n'a d'égal que celui du rapporteur, a expliqué la subtilité des articles 3 et 4. L'équilibre est toujours difficile entre sécurité et libertés individuelles.
Monsieur Favier, vous êtes hostiles par principe à de telles mesures et n'avez voté aucune des lois antiterroristes récentes. En face, nos adversaires ne sont pas dans la même logique. L'étendue du danger est réelle, je le vois dans les notes que l'on porte à ma connaissance. (Mme Éliane Assassi proteste.)
M. Esnol l'a très bien dit, une société qui tarde à prendre conscience de la réalité est une société en péril.
Certains ont cité le président de la République. Il a toujours dit qu'il apprécierait la situation après son élection. Une fois en fonctions, lorsque l'on prend connaissance des notes des services, on prend conscience de l'ampleur du danger.
M. Bonnecarrère nous appelle pertinemment à trouver de justes équilibres, et à poursuivre ce travail d'hybridation cher à Michel Mercier, rapprochant autorité judiciaire et autorité administrative.
M. Bigot approuve l'article premier, il a raison : sans lui, le marché de Noël de Strasbourg ne pourrait pas se tenir. Je le laisse juge de l'évolution de sa pensée sur le reste des dispositions...
Nous tenterons donc d'atteindre un point d'équilibre.
La discussion générale est close.
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 juillet 2017, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 4614-13 du code du travail (Contestation et prise en charge des frais d'une expertise décidée par le CHSCT)
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la Séance.
La séance, suspendue à 17 h 10, reprend à 17 h 25.
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - Nous poursuivons l'examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme pour lequel la procédure accélérée a été engagée.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Cécile Cukierman. - Cet article confie au préfet la compétence pour instaurer des périmètres de protection « permettant d'assurer la sécurité des lieux ou d'événements soumis à un risque d'actes de terrorisme en raison de leur nature ou de l'ampleur de la fréquentation ». Le préfet peut également organiser le filtrage des accès au périmètre protégé, afin de procéder à des palpations de sécurité, à l'inspection visuelle voire à la fouille de bagages.
Le pouvoir des préfets serait ainsi disproportionné. L'absence de base objective pour les fouilles favoriserait les discriminations. J'ajoute que les agents de police municipale ne disposent pas de la formation nécessaire.
Ce qui nous inquiète, à terme, c'est que l'on utilise ce genre de mesures pour étouffer et réprimer toute contestation politique sur la voie publique.
M. le président. - Amendement identique n°25 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux et M. Desessard.
Mme Esther Benbassa. - Principale innovation par rapport à l'état d'urgence, l'article premier confère à l'autorité administrative la possibilité d'instaurer un périmètre de protection au sein duquel l'accès à la circulation des personnes serait réglementé.
Quelle idée de société est ainsi privilégiée ? Une société du soupçon, du contrôle, stigmatisante pour nos concitoyens musulmans, qui loin de lutter contre les discriminations, les contrôles au faciès, les facilite. Une telle restriction des libertés n'est pas nécessaire pour lutter contre le terrorisme. Nous avons déjà débattu de nombreux textes à ce sujet. Mieux vaudrait améliorer la coordination des services de renseignements et d'enquête, renforcer leurs moyens et surtout réfléchir aux causes, en agissant pour la prévention.
Nous avons dénoncé l'inflation législative basée sur l'émotion. Le président change, le Premier ministre change, mais rien ne change...Voici un nouveau texte un peu plus attentatoire aux libertés et nous sommes bien peu pour en débattre, comme si le législateur était apathique.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Cette mesure, nouvelle en effet dans notre droit, garantit le maintien des manifestations culturelles ou sportives, tel l'Euro 2016. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable. Pour la Biennale du design, par exemple, nous avons eu besoin d'établir ce genre de périmètre. Tant que je serai ministre de l'intérieur, il ne sera jamais question de discriminations ou de contrôles au faciès. Il n'est au demeurant nullement question ici de contrôles d'identité, il s'agit simplement de faire ouvrir les sacs, de vérifier qu'aucune arme n'est introduite dans ce genre de manifestation.
M. David Assouline. - Il nous faut affronter cette question : comment sécuriser et en même temps préserver les libertés ? La lutte contre le terrorisme, qui persistera pendant des années, quels que soient les effets de l'action militaire, ne serait-ce qu'en raison du retour d'un certain nombre de personnes des théâtres d'opération, nous impose ce défi.
Vous mentionnez le marché de Strasbourg ou d'autres manifestations qui justifient ce type de mesures. Qu'en est-il des manifestations revendicatives et sociales ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Ce n'est pas du terrorisme.
M. David Assouline. - Le marché de Strasbourg non plus, a priori... À partir du moment où se tient une manifestation rassemblant un grand nombre de personnes, dans n'importe quelle ville, a fortiori dans la capitale, il faut prendre en compte le risque terroriste. Qu'en est-il de ces manifestations ? Sont-elles concernées par ces périmètres de sécurité et ces mesures de contrôle systématique ? Où se situe la défense des libertés collectives, face à un danger certes bien réel ?
M. Ronan Dantec. - Mes inquiétudes rejoignent celles de M. Assouline. Un état exceptionnel ne peut pas devenir une norme habituelle. Quel recours a-t-on pour remettre en cause le jugement émis par le préfet qu'il y a un risque terroriste ?
Mme Éliane Assassi. - Nous devons pouvoir nous projeter. Monsieur le ministre, vous m'inquiétez quand vous affirmez que tant que vous serez ministre, il n'y aura pas de mesures discriminatoires...
M. Alain Richard. - Il veut rester ministre le plus longtemps possible ! (Sourires)
Mme Éliane Assassi. - Sans doute, mais vous ne serez tout de même pas ministre à vie ! (Mouvements divers) Qu'en sera-t-il si l'on a un gouvernement d'extrême-droite ? (M. David Rachline sourit.) Voilà pourquoi nous sommes contre cet amendement.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Si un régime d'extrême-droite s'imposait, il pourrait prendre, je le crains, d'autres lois, d'autres mesures que celles-ci...
Mme Éliane Assassi. - Malheureusement !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Cet article concerne des évènements culturels et sportifs, pas les manifestations sur la voie publique qui sont régies par les articles L. 211-1 et L. 214 du Code de la sécurité intérieure. Nous l'avons dit et je le réaffirme : ces mesures ne seront pas utilisées pour maintenir l'ordre public.
Les amendements nos5 et 25 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°53 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Alinéa 4
Supprimer les mots :
d'un lieu ou
M. Guillaume Arnell. - Nous sommes favorables à l'outil juridique nouveau que constitue le périmètre de sécurité. Mais il ne faudrait pas alourdir les charges des communes et il ne faudrait pas non plus que ce périmètre nuise à l'organisation de manifestations culturelles.
Cet amendement prévient le risque d'application pérenne d'un périmètre de sécurité en le limitant à la seule sécurisation des évènements sensibles. Les lieux soumis à un risque particulier pour ce qu'ils représentent feront l'objet d'un dispositif pérenne, comme pour les centrales nucléaires.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable. Ce genre de mesure doit pouvoir s'appliquer à un lieu comme la Tour Eiffel par exemple.
M. David Assouline. - Je m'interroge sur votre réponse à ma question, monsieur le ministre. Le projet de loi ne fait pas un cas particulier de manifestations culturelles et sportives, mais traite de tout type de manifestation, puisqu'il s'agit « d'assurer la sécurité d'un lieu ou d'un événement soumis à un risque (...) à raison de sa nature ou de l'ampleur de sa fréquentation ». Monsieur le ministre, je réitère donc ma question.
L'amendement n°53 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°67, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 4
1° Supprimer les mots :
actuel et sérieux
2° Remplacer la deuxième occurrence du mot :
ou
par le mot :
et
II. - Alinéa 6
1° Troisième phrase
a) Après le mot :
périmètre,
insérer les mots :
en les adaptant aux impératifs de leur vie privée, professionnelle et familiale,
b) Remplacer la seconde occurrence des mots :
ainsi que
par le mot :
et
2° Supprimer la dernière phrase.
III. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police ne peut renouveler un arrêté instituant un périmètre de protection que si les conditions prévues au premier alinéa du présent article continuent d'être réunies. »
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La commission des lois a introduit les mots « actuel et sérieux » pour qualifier le risque terroriste justifiant un périmètre de sécurité. C'est superfétatoire, je l'ai dit dans mon propos liminaire, le risque auquel nous faisons face étant malheureusement toujours actuel et sérieux. Le Gouvernement juge en outre indispensable de soumettre aux conditions de cet article les personnes travaillant dans ce périmètre de sécurité ou celles qui s'y rendent pour raisons familiales. On évitera ainsi de tomber dans le piège du faux domicile, utilisé pour préparer un attentat.
M. Michel Mercier, rapporteur. - La commission des lois, après en avoir délibéré ce matin, serait d'accord pour abandonner ces qualificatifs sous la condition que les deux circonstances définies pour l'application de ces mesures deviennent cumulatives et non alternatives.
M. le président. - Sous-amendement n°83 à l'amendement n° 67 du Gouvernement, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.
Amendement n° 67, dernier alinéa
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La durée d'un arrêté préfectoral instaurant un périmètre de protection en application du présent article ne peut excéder un mois. Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police ne peut renouveler l'arrêté au-delà de ce délai que si les conditions prévues au premier alinéa continuent d'être réunies. »
M. Michel Mercier, rapporteur. - La commission des lois propose de sous-amender votre amendement en limitant la durée maximale des périmètres de protection à un mois renouvelable. Sous condition d'un avis favorable du Gouvernement à ce sous-amendement, nous donnerons un avis favorable à son amendement.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis favorable au sous-amendement n°83. (Sourires) Il faudra une expertise juridique et technique des conséquences du terme « immédiat ».
Le sous-amendement n°83 est adopté.
L'amendement n°67, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°54 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Esnol et Hue et Mmes Jouve, Laborde et Malherbe.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, au plus tard quarante-huit heures avant son application, sauf éléments nouveaux et circonstanciés
M. Jean-Noël Guérini. - Cet amendement assure que les organisateurs de l'événement à protéger sont avertis suffisamment tôt du dispositif de sécurité nécessaire, afin d'éviter les annulations liées à l'impossibilité de mise en oeuvre des mesures prévues par un arrêté tardif.
La mention d'« éléments nouveaux et circonstanciés » permet aux préfets prenant tardivement connaissance d'une menace terroriste de prendre un arrêté malgré tout.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'autorité administrative doit bien évidemment dialoguer avec les organisateurs de ces événements avant de prendre la décision. Cela va de soi. Retrait ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°54 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°37 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et au maire de la commune concernée
M. Jean-Noël Guérini. - L'association de la police municipale à ce nouveau dispositif relève du bon sens. Cependant, il ne faudrait pas que la mise en oeuvre de ces périmètres de sécurité fonctionne comme un transfert de charges caché vers les collectivités territoriales. L'État doit tenir ses promesses. Les fonds destinés aux manifestations culturelles ne doivent pas être remis en cause.
Cet amendement garantit une meilleure information des maires lors de la mise en place des périmètres de sécurité.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Encore une fois, cela va de soi. De plus, l'intervention de la police municipale étant soumise à l'autorité du maire...
M. Jean-Noël Guérini. - Soit...
M. Michel Mercier, rapporteur. - ...il n'y a pas de transfert de charge.
M. Jean-Noël Guérini. - Voire !
M. Alain Fouché. - Les maires sont toujours informés !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Je ne pense pas que les préfets puissent omettre d'informer les maires. Dès l'organisation de grands événements dans leur commune, les maires sont en fait plutôt demandeurs de ce type de dispositif et font appel à la police nationale et à la gendarmerie : ainsi 86 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour les 14 et le 15 juillet. Retrait ?
L'amendement n°37 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°35 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Collombat, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne y ayant un intérêt peut saisir le tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin d'obtenir la suspension de l'exécution de tout ou partie des mesures manifestement disproportionnées de l'arrêté. L'urgence est alors présumée.
M. Jean-Noël Guérini. - Cet amendement facilite l'accès au juge administratif pour l'instauration du périmètre de sécurité.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Mieux vaut démontrer qu'il y a urgence que la présumer. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La décision relève du juge. Il n'est pas nécessaire de la contraindre par la loi. Avis défavorable.
M. Jean-Noël Guérini. - Quelle entente entre le rapporteur et le ministre !
M. Alain Richard. - Si le juge estime que la contestation d'une décision administrative relève de l'urgence, la procédure du référé liberté s'applique et il se prononce dans les 48 heures.
Dès lors qu'il y a une décision relative au périmètre de sécurité, la liberté de chacun est mise en cause.
M. Alain Fouché. - Le préfet peut prendre des mesures excessives, sous le coup de la peur, par exemple. Car dans ces cas-là, il peut sauter ! (Sourires) On peut le comprendre...
M. Jean-Noël Guérini. - Je retire mon amendement.
L'amendement n°35 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par MM. Grand et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Huré et Vasselle, Mmes Imbert et Deromedi, MM. Chasseing, P. Leroy, G. Bailly, Bonhomme et J.P. Fournier, Mmes Duchêne et de Rose, MM. Laménie et Dassault, Mme Micouleau, MM. Joyandet, Lefèvre et Cuypers, Mme Giudicelli et MM. Revet, Charon et Chaize.
Alinéa 9, seconde phrase
Remplacer les mots :
1° bis et 1° ter
par les mots :
1° bis, 1° ter et, après accord du maire, 2°
M. Jean-Pierre Grand. - Le filtrage des accès au périmètre de protection - palpations de sécurité, inspection visuelle, fouille des bagages - est assuré par les policiers et les gendarmes - officiers et agents de police judiciaire.
Après l'accord du maire, ils pourront être assistés par des agents de police municipale, mais sauf pour la fouille des véhicules susceptibles de pénétrer au sein du périmètre de protection.
Cet amendement autorise à effectuer ces fouilles après accord du maire, sous l'autorité de l'OPJ compétent et avec le consentement du propriétaire du véhicule.
Monsieur le ministre, on demande un effort plus extraordinaire aux collectivités. Les polices municipales représentent une charge lourde. Pourrons-nous en tenir compte dans l'établissement des budgets à venir ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Dans notre droit, le véhicule est considéré comme une extension du domicile. La jurisprudence est constante. Accorder aux polices municipales le droit de fouiller un véhicule serait attentatoire aux libertés individuelles. Avis défavorable à moins d'un retrait.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Je ne mésestime pas le rôle des polices municipales mais les opérations de visites des véhicules sont réservées aux policiers nationaux et aux gendarmes par le code de procédure pénale et dans certaines conditions. Avis défavorable ou retrait.
M. Jean-Pierre Grand. - Cet amendement m'a été inspiré par la lecture des rapports des patrouilles de police nocturnes dans ma communauté urbaine. Quand deux gendarmes ou deux policiers tiennent en respect les occupants d'un véhicule, et que des policiers municipaux sont présents, qui va ouvrir le coffre ? C'est ainsi que cela se passe, sur le terrain, où l'action des services est complémentaire et exigerait une réforme du code de procédure pénale afin de permettre une coopération plus étroite. Je vais retirer cet amendement...
M. Alain Fouché. - C'est dommage !
M. Jean-Pierre Grand. - Cependant, la question reste ouverte et vous devriez, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur de la commission des lois, y réfléchir.
L'amendement n°19 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°38 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Hue, Mmes Jouve et Laborde et M. Vall.
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Noël Guérini. - Nos forces de l'ordre sont soumises à une déontologie de plus en plus développée. Qu'en est-il des agents de sécurité privée ?
Cet amendement les autorise à effectuer des opérations de surveillance de la voie publique dans les périmètres de sécurité et à leurs abords.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'alinéa 14 de l'article premier, que cet amendement supprime, opère une coordination avec l'article 1613-1 du code de sécurité intérieure, afin que les agents de sécurité privée puissent intervenir au sein des périmètres de protection. Avis défavorable, il doit être conservé.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Cet amendement pose une question pertinente. Il est clair que les agents de sécurité privée jouent un rôle déterminant dans beaucoup de manifestations. Il conviendra de réfléchir à leur professionnalisation, à leur formation, à l'avenir. Le texte prévoit qu'ils agissent sous le contrôle d'un policier ou d'un gendarme. Lorsque l'on renvoie quelqu'un hors du périmètre de sécurité, il est toujours accompagné d'un policier ou d'un gendarme. Avis défavorable.
L'amendement n°38 rectifié n'est pas adopté.
M. David Assouline. - Prenons au sérieux l'exercice parlementaire. J'ai posé une question, j'ai relu l'article du projet de loi : aucune réponse du Gouvernement. La liberté de manifester existe dans notre pays. Cet article la menace. Qu'avez-vous à répondre à cela ? Bien sûr, l'intention est de protéger nos concitoyens, mais toute manifestation d'ampleur pourrait tomber sous le coup de cette mesure mal circonscrite. Je ne peux voter un tel article.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux et M. Desessard.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - L'article 2 du projet de loi permet au préfet de police de Paris ou au représentant de l'État dans le département, aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme, d'ordonner la fermeture d'un lieu de culte dans lequel les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, incitent à la violence, à la commission d'actes de terrorisme ou font l'apologie de tels actes.
Cet article est parfaitement arbitraire. Comment définir les idées ou théories qui justifient la fermeture de ces lieux de culte ? Le droit de tout individu à exercer paisiblement son culte sera bafoué. Que penser d'un pays où la pratique d'un culte est entravée au moindre soupçon ? Le commissaire européen des droits de l'homme ne s'y est pas trompé, la CEDH s'est inquiétée.
En outre, cette disposition est, ne nous le cachons pas, discriminatoire pour les musulmans.
M. Philippe Esnol. - Ha !
Mme Esther Benbassa. - Cette disposition, plus étendue que dans l'état d'urgence, n'est pas suffisamment encadrée.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Si le Sénat donne satisfaction à Mme Benbassa, nous retomberons dans le cadre de la loi de 1905 dont Aristide Briand était le rapporteur et qui n'avait pour objet que de maintenir l'ordre public dans le contexte de la séparation de l'Église et de l'État. À l'époque, le maire de Lyon était pour l'interdiction musclée des processions... Cela a changé depuis ! Créer un pouvoir de police spéciale au profit du préfet est une innovation plus adaptée. Rappelons enfin qu'il s'agit surtout de mosquées.
M. Alain Fouché. - Très bien.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - L'arrêté de fermeture est assorti d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à 48 heures et la mesure ne peut être exécutée d'office si le juge des référés est saisi dans ce délai.
Mme Esther Benbassa. - La loi de 1905 n'est pas le sujet. La plupart des mosquées sont en fait de toutes petites salles ; le processus de radicalisation a lieu en fait hors leurs murs ; on voit mal de surcroît les pratiquants se tourner vers le juge pour contourner les interdictions... C'est une mesure attentatoire à la liberté de culte.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai eu l'honneur de présider la commission d'enquête sur les réseaux djihadistes et de rapporter la mission d'information sur l'organisation de l'islam. La radicalisation se fait surtout à l'extérieur des mosquées. Jusqu'à présent, les fermetures de lieux de culte ont-elles eu lieu exclusivement dans le cadre de l'état d'urgence ? Enfin, la question de la preuve des propos tenus pose problème.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Les dix-sept fermetures décidées du temps de l'état d'urgence l'ont été avec de grandes précautions. Onze de ces lieux de culte restent fermés. J'ai assisté, dans mon département, à une fermeture décidée en accord avec les autorités musulmanes du département ; le délai de six mois est nécessaire pour que le lieu de culte puisse rouvrir avec une autre association cultuelle.
L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°42 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Hue et Mmes Jouve, Laborde et Malherbe.
Alinéa 4
Après les mots :
la fermeture des lieux de culte
insérer les mots :
ou l'interdiction de se réunir dans un lieu afin d'exercer une pratique cultuelle
M. Philippe Esnol. - Vous connaissez l'attachement de notre groupe à la laïcité. Compte tenu de la diversité des lieux de pratique cultuelle, il faut combattre les propos radicaux dans les lieux de culte, mais aussi dans tous les lieux où se tiennent des réunions religieuses.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Votre amendement est satisfait, le texte le permet déjà. La procédure est très encadrée. Il n'y a pas d'exécution d'office puisqu'un délai de 72 heures est ménagé pour le référé suspensif devant le juge administratif. C'est un bon équilibre. Retrait ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Sont considérés comme lieux de culte ceux où un culte est exercé de manière régulière et organisée, quelle que soit la destination initiale du bâtiment : cela va donc au-delà des seuls édifices du culte au sens de la loi de 1905.
L'amendement n°42 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux.
I. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
, les idées ou théories qui sont diffusées
II. - Alinéa 5
1° Remplacer les mots :
six mois
par les mots :
quatre mois
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle ne peut faire l'objet que d'un seul renouvellement.
Mme Esther Benbassa. - La diffusion « d'idées ou de théories » est un motif bien trop large, bien trop flou qui risque de déboucher sur des fermetures injustifiées. Dans son avis du 7 juillet, le Défenseur des droits considère qu'en l'absence de tout acte matériel, le texte s'affranchit du droit commun de la preuve.
L'article 2 limite la fermeture à six mois, sans mention du renouvellement, ce qui laisse la voie libre aux reconductions abusives. C'est une atteinte grave à la liberté de culte. Nous proposons quatre mois renouvelables une fois.
La CNCDH a rappelé que ces mesures attentatoires aux libertés n'obéissaient qu'au principe de précaution et faisaient du simple soupçon un motif légitime d'intervention, mettant à mal l'État de droit.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié ter, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
les idées ou théories qui sont diffusées
par les mots :
les écrits qui sont diffusés
M. Jean-Yves Leconte. - Si des « propos tenus » ou « activités » sont facilement caractérisable, « les idées ou théories » qui sont diffusées sont des notions aux contours indécis. Nos lois doivent d'être claires, précises et intelligibles. Plutôt que d'évoquer les « idées ou théories », nous proposons d'inclure les écrits qui sont diffusés.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'expérience de l'état d'urgence montre que reconstituer une association cultuelle pour gérer un lieu de culte qui a été fermé prend du temps. Quatre mois, c'est trop court. Vous devriez retirer cette partie.
Le terme de « propos » inclut les idées et théories, mais pas les écrits, par exemple les tracts. Les propos sont des suites de mots, qui constituent des phrases, qui constituent à leur tour des discours, qui diffusent des idées et théories. Écrire « propos, idées et théories » serait tautologique. Avis défavorable à l'amendement n°27 ; avis favorable à l'amendement n°18 rectifié ter.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Il faut en effet du temps pour reformer une association cultuelle, trouver un nouvel imam, d'autant qu'il y a souvent du conflit entre anciens et nouveaux occupants.
« Idées et théories » vise certains théoriciens de Daech, certains prédicateurs qui appellent au djihad dans leurs théories et participent à la radicalisation. Si vous voulez ajouter « écrits », très bien, mais nous tenons à la notion de « théorie ».
M. Alain Richard. - Les mesures administratives sont, par construction, soumises au contrôle du juge, qui en demandera justification. Or ici, la base légale de la mesure, ce sont des propos provoquant à la commission d'un acte terroriste. Les idées ou théories n'entrent dans ce champ que si l'on peut démontrer qu'elles se sont exprimées par des propos verbaux ou des supports écrits.
M. Philippe Bonnecarrère. - La rédaction de la commission est plus exigeante que la Convention européenne des droits de l'homme, qui estime que la liberté religieuse peut faire l'objet de limitations, notamment lorsque le discours religieux ou l'entité religieuse, quelle que soit sa forme, prônent la violence et soutiennent des valeurs incompatibles avec la démocratie.
Mme Nathalie Goulet. - Je soutiens l'amendement n°18 rectifié ter. Verba volant, scripta manent. Avec 312 imams formés à l'étranger dans ce pays, dont certains non francophones, il est urgent de rouvrir le dossier de la formation des imams en France.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable à l'amendement n°27 ; sagesse sur l'amendement n°18 rectifié ter.
L'amendement n°27 n'est pas adopté.
L'amendement n°18 rectifié ter est adopté.
M. le président. - Amendement n°41, présenté par M. Guérini.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
ou font l'apologie de tels actes
par les mots :
, font l'apologie de tels actes ou l'apologie de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou de crimes et délits de collaboration avec l'ennemi
M. Jean-Noël Guérini. - La liste des propos pouvant entraîner une fermeture pourrait être étendue à l'apologie de crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou de crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Cet amendement est plutôt restrictif. En visant les « propos et écrits », on laisse le juge apprécier la proportionnalité. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Retrait ?
L'amendement n°41 est retiré.
M. le président. - Amendement n°58 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve et Laborde et M. Vall.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La répétition de tels propos ainsi que l'absence de mesure de radiation prise à l'encontre de son auteur, a fortiori lorsqu'il y exerce un magistère religieux ou participe à la gestion du lieu de culte, constituent des éléments de nature à en justifier la fermeture.
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement précise les éléments justifiant la fermeture des lieux de culte, pour en responsabiliser les dirigeants. Ceux-ci sont en effet aux avant-postes de la lutte contre la radicalisation.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Cet amendement est satisfait. Retrait ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. Nous essayons d'inciter les responsables de culte à dénoncer la radicalisation et l'apologie du terrorisme. Nous sommes pour un islam républicain, respectueux de la loi de 1905 dont Aristide Briand disait qu'elle était une loi de liberté de culte, de croire ou de ne pas croire.
L'amendement n°58 rectifié est retiré.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
M. Christian Favier. - Cet article met en place l'assignation à commune, le pointage quotidien et le port de bracelet électronique. La commission des lois a beau avoir supprimé l'obligation de déclarer les numéros d'abonnement ou identifiants de communication électronique, nous ne pouvons nous résoudre à faire entrer dans notre droit commun ce genre de mesures individuelles, tirées de l'état d'urgence et inspirées d'un dangereux principe de précaution. Elles bafouent les droits et libertés constitutionnelles, que ce soit au regard du droit à la sûreté ou des principes de légalité et de nécessité des délits et des peines. Supprimons-les purement et simplement.
M. le président. - Amendement identique n°23 rectifié, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jacques Bigot. - On veut, sur la base de soupçons, assigner à résidence une personne dans un périmètre qui peut certes aller jusqu'au département, mais uniquement si la personne accepte de porter un bracelet électronique ! Cette mesure attentatoire à la liberté n'était acceptable pendant l'état d'urgence - qui aurait dû durer moins longtemps - que parce que ce dernier était justifié par un péril imminent.
Enfin, s'il s'agit d'actes, les comportements visés justifient pleinement la saisine du juge judiciaire et le contrôle judiciaire peut se mettre en place.
Des personnes ont été assignées à résidence pendant une année entière ; par définition, elles adaptent leur comportement et il devient impossible de récolter de nouveaux éléments ! Écarter le juge des libertés et de la détention, qui est compétent pour la rétention des étrangers ou l'internement psychiatrique, c'est donner un pouvoir excessif à l'exécutif.
M. le président. - Amendement identique n°28, présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux.
Mme Esther Benbassa. - Malgré les quelques améliorations apportées par le rapporteur, cet article prévoit une généralisation excessive et dangereuse des mesures exceptionnelles de police administrative. L'imprécision des critères d'application porte atteinte au principe de légalité et de sécurité juridique. Cela en dit long sur une certaine vision de l'État de droit... L'arsenal juridique est suffisant. Ce n'est pas une lubie d'écologiste : 500 juristes et responsables d'association ont dénoncé un projet de loi qui hypothèque les libertés de manière inédite.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Ces amendements suppriment une mesure essentielle du projet de loi : non pas l'assignation à résidence, mais l'obligation de demeurer dans un périmètre au moins égal à la commune.
Le terrorisme vise la destruction de notre société ; il est protéiforme, de nouvelles formes de radicalisation apparaissent tous les jours, des gens isolés commettent des attentats, se réclament d'organisations qu'ils connaissent à peine...
Il ne peut y avoir de liberté sans protection, ni de vraie protection sans liberté : c'est l'équilibre que nous tâchons de bâtir, petit à petit. Il serait facile de supprimer toutes les mesures attentatoires aux libertés puis d'aller s'asseoir sous un arbre pour attendre... Mais l'État doit agir (M. Alain Fouché renchérit.) avec des armes efficaces. Si nous lui refusons ces armes, nous perdrons la liberté.
La commission a choisi, plutôt que de supprimer les articles 3 et 4, de permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle. L'obligation de résidence a été enserrée dans des règles conciliant liberté et sécurité. Avis défavorable aux amendements de suppression.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La menace terroriste est profonde. D'exogène, avec des attentats pilotés par l'extérieur, elle est devenue protéiforme, avec des individus isolés mais appuyés par des réseaux quelquefois liés au grand banditisme.
Si nous attendons que les faits soient élucidés, nous risquons d'arriver toujours après l'attentat. Le texte est équilibré : pas d'obligation d'assignation à résidence comme dans l'état d'urgence mais des déplacements encadrés. Le port du bracelet électronique évite que les suspects ne s'évaporent : à Lyon, l'homme qui avait décapité son employeur avait échappé à la surveillance en passant d'un département à l'autre...
Nous avons ménagé une possibilité d'appel au juge administratif, car il s'agit d'une mesure restrictive de liberté ; l'article 4 comportant une mesure privative de liberté, c'est le juge des libertés et de la détention qui est compétent. Avis défavorable.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - M. Macron, en novembre 2016,...
M. Alain Fouché et Mme Nathalie Goulet. - C'était avant ! (Sourires)
M. François Pillet. - La Révolution n'avait pas eu lieu !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - ...prônait le retour au droit commun, tel que renforcé par le législateur. Le président a expliqué, avec raison, au Congrès que l'on ne pouvait combattre les ennemis de la liberté en reculant nous-même sur les libertés. Comment être efficace ? Une personne suspectée peut très bien trucider quelqu'un dans sa commune. N'était-ce pas le cas à Saint-Étienne-du-Rouvray ?
Plutôt que d'assigner à résidence, il convient de renforcer les capacités d'investigation, de suivi, de filatures, de renseignement. Pourquoi n'en entendons-nous pas parler ? Parce que cela coûte cher ! On préfère reculer sur les principes, un peu plus à chaque attentat, sans pour autant gagner en efficacité. Mais pour lutter contre ce fléau, il faut des moyens !
M. Bernard Cazeau. - Amen !
M. François Pillet. - Ce débat fait honneur au Sénat. Je comprends les hésitations, mais l'article 3 n'abandonne pas du tout le recours au juge. En le supprimant, on laisse penser que le juge administratif défendrait moins bien les libertés que le juge judiciaire. C'est faux.
M. David Assouline. - Ah bon ?
M. François Pillet. - Le juge administratif ne mérite pas ce mauvais procès.
M. David Assouline. - Avez-vous lu la tribune de Mireille Delmas-Marty ? Reconnaissez-le, nous passons à une autre conception de la justice. Jusqu'à présent, la justice punissait l'acte. Avec ce texte, elle punira préventivement. Nous nous apprêtons à faire le contraire de ce que nous avons toujours défendu, tous bords confondus !
Oui, la menace a évolué, elle est inédite, et nous avons légiféré, sous le précédent quinquennat, pour rendre permanentes les mesures qui s'imposaient. Mais M. Urvoas, pourtant à la pointe de ce combat, estime que ce projet de loi n'est pas nécessaire. Des attentats ont eu lieu malgré l'état d'urgence.
On ne peut combattre sereinement le terrorisme si l'on abandonne nos libertés individuelles et collectives. Céder, c'est, d'une certaine manière, donner une victoire à nos adversaires.
M. Jean-Yves Leconte. - Dans le nouveau monde, je rendrai la liberté aux Français, disait le président de la République à Versailles. Or l'état d'urgence se transforme en état permanent. Depuis quelques années, le code pénal a été adapté aux nouvelles formes de terrorisme. De nouvelles incriminations ont été créées, répondant au principe de précaution. Ces textes, je les ai soutenus, mais ce projet de loi va plus loin. Il crée, à côté du code pénal, une seconde voie administrative ; or c'est à la justice judiciaire d'enquêter sur les actes terroristes et de les réprimer.
Monsieur le ministre d'État, vous avez cité Victor Hugo à propos de la liberté et de la responsabilité. Sans liberté, point de sécurité ! Ce n'est pas en étendant le périmètre de la violence légitime d'État que nous trouverons la solution, mais dans la justice et la responsabilité.
Comment, enfin, ne pas soulever la question des moyens, quand 10 % des annulations de crédits concernent vos missions de sécurité ?
Mme Nathalie Goulet. - Adel Kermiche, l'un des deux terroristes de Saint-Étienne-du-Rouvray, portait un bracelet électronique...
Évidemment, nous menons une guerre asymétrique, mais les décrets d'application de la loi Renseignement ne sont pas encore sortis ! J'attire, moi aussi, votre attention sur les restrictions budgétaires, pour la défense, la justice, l'intérieur... Comment mettre en place ces nouvelles dispositions alors que la justice est défaillante par manque de moyens ?
Vous nous faites voter des mesures non financées.
M. Alain Fouché. - C'est vrai !
Mme Nathalie Goulet. - Sans moyens pour la gendarmerie, la justice, les militaires, comment les mettre en place ?
M. Philippe Bas, président de la commission. - Cet article s'inscrit dans le cadre de notre État de droit. Les décisions du ministre de l'intérieur sont soumises à de nombreux contrôles et assorties de conditions très restrictives : il s'agit de personnes représentant une menace très grave...
M. Jean-Yves Leconte. - On peut ouvrir une information judiciaire !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Soyez sûrs que le Conseil d'État demandera au ministre de l'intérieur les éléments qui justifient sa décision.
M. David Assouline. - Pourquoi pas la justice judiciaire ?
M. Philippe Bas, président de la commission. - Parce qu'il ne s'agit pas de punir mais de prévenir.
M. Jean-Yves Leconte. - L'incrimination existe !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Or ces mesures préventives sont encore plus importantes que les mesures punitives. L'État de droit républicain distingue bien ces deux missions. Éviter que des vies humaines soient fauchées, c'est rendre le plus éminent des services aux Français. Il ne s'agit pas d'enfermer les gens, mais de réduire leurs possibilités de déplacement pour mieux les surveiller, sous le contrôle vigilant du Conseil d'État. Ce régime n'est pas celui des assignations à résidence, certes utiles, prononcées pendant l'état d'urgence. Il est à la fois plus restrictif dans son application et plus souple pour l'individu surveillé puisqu'il prend en compte les exigences de la vie professionnelle et familiale. De plus, le renouvellement de la mesure fait intervenir le juge des référés du tribunal administratif.
Le ministre de l'intérieur aura-t-il besoin de ce dispositif ? C'est ma conviction. Quoi qu'il en soit, la commission des lois a prévu qu'il devra rendre compte au Parlement des dispositions prises en application de cet article. Nous saurons dans combien de cas le Conseil d'État aura annulé une décision, dans combien de cas la surveillance aura été judiciarisée... Ce rapport annuel servira de base au Parlement lorsqu'il se prononcera à nouveau sur ce dispositif, dont nous avons prévu qu'il tombera de lui-même au 31 décembre 2021 s'il n'est pas reconduit par un vote.
L'une des forces de l'état d'urgence a été non seulement le contrôle par les juridictions, mais aussi notre propre contrôle, exercé par la mission de suivi présidée par M. Mercier, dotée des mêmes pouvoirs qu'une commission d'enquête. Nous savons donc tout des mesures prises par le Gouvernement dans le cadre de l'état d'urgence, et nous nous prononçons sur ses renouvellements en connaissance de cause. De la même façon, la clause d'autodestruction obligera le ministre de l'intérieur à nous démontrer que les nouvelles mesures sont utiles s'il veut obtenir leur prolongation. (Applaudissements à droite)
M. Alain Richard. - Rappelons le principe de la séparation des pouvoirs. La prévention des infractions, la protection de l'ordre public font parties des missions constitutionnelles du Gouvernement, il est donc normal que la décision lui appartienne de limiter la liberté de mouvement d'une personne à propos de qui il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics. L'exécutif est contrôlé par la justice administrative, reconnue par la Constitution et qui a le même niveau de responsabilité et d'autorité que la justice judiciaire dans son champ de compétence. Elle a fait preuve de sa capacité d'exercer un contrôle critique pendant l'état d'urgence.
Enfin, c'est une économie de moyens, précisément, que de circonscrire les mouvements d'une personne suspectée, plutôt que de devoir mobiliser des dizaines de policiers pour la surveiller. C'est une aide à l'exécutif.
À la demande du groupe La République en marche, les amendements nos6, 23 rectifié et 28 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°122 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 106 |
Contre | 229 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 43 rectifié ter n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°45 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 228-2. - Le ministre de l'intérieur informe sans délai le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent des mesures mentionnées aux 1°, 2° et 3° ci-dessous, qu'il veut prendre à l'encontre d'une personne mentionnée à l'article L. 228-1. Le procureur de la République de Paris saisit le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris pour qu'il se prononce sur l'opportunité d'ordonner les mesures suivantes :
M. Jean-Noël Guérini. - Après la réaction de personnalités dans la presse et l'avis du Conseil d'État, le Gouvernement a modifié son projet à l'article 4. La commission des lois a, elle, apporté des modifications substantielles à cet article 3. Restent deux points problématiques : la compétence du juge administratif pour contrôler ces mesures individuelles de surveillance, et le bracelet électronique. Notre objectif, par cet amendement, est de poursuivre le chemin accompli jusqu'ici.
Nous proposons d'abord de soumettre ces mesures individuelles de surveillance à l'appréciation du juge des libertés et de la détention auprès du TGI de Paris. Il est normal que le juge judiciaire intervienne ; il a l'habitude, puisque ces mesures ressemblent à s'y méprendre à celles prévues aux articles 142-5 et suivants du code de procédure pénale. N'imposons pas une charge supplémentaire à la justice administrative.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Je reconnais là toute la subtilité de M. Guérini... Mais la commission des lois en a décidé autrement. Retrait.
M. Jean-Noël Guérini. - Comme d'habitude !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable à défaut d'un retrait.
L'amendement n°45 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°47 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde et M. Vall.
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au département. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle normale, et s'étend, le cas échéant, à d'autres départements que celui de son lieu habituel de résidence ;
M. Jean-Noël Guérini. - Il y a un risque d'application différente de cet article dans une petite commune ou dans une métropole. On oublie trop la diversité de territoire quand on légifère depuis Paris.
M. Michel Mercier, rapporteur. - C'est un amendement de géographie...
M. Jean-Noël Guérini. - Pas tout à fait !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Il est satisfait : rien n'empêche que le périmètre retenu soit celui du département, puisqu'il doit être au moins équivalent à celui de la commune. L'autorité administrative prendra sa décision sous le contrôle du juge. Retrait ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Je vois dans cet amendement une preuve de votre attachement viscéral au département... (Sourires) Même avis que M. Mercier, cependant.
L'amendement n°47 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°68, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 11
Remplacer les mots :
de trois fois par semaine
par les mots :
d'une fois par jour
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Cet amendement rétablit la possibilité d'un pointage quotidien, sans quoi un individu pourrait être trois jours sans surveillance - un délai suffisant pour commettre un attentat.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Les personnes revenues du théâtre de conflit irako-syrien et soumises au système de contrôle administratif des retours sur le territoire national (CART) doivent, elles, pointer trois fois par semaine, alors qu'on peut supposer qu'elles sont plus proches de passer à l'acte. Pourquoi cette distorsion ? Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Les personnes relevant du CART sont assignées à domicile huit heures par jour : c'est beaucoup plus rigoureux. Mais peut-être devrions-nous réformer le CART en faisant pointer tous les jours ?
M. Jacques Bigot. - Je ne comprends plus. S'il s'agit de surveiller des gens que nos services n'ont plus les moyens de suivre, un pointage tous les trois jours, ou même tous les jours, ne suffit pas. Allez au bout de la logique et mettez tout le monde sous bracelet électronique ! Tout cela nous confirme dans notre volonté de supprimer l'article.
L'amendement n°68 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°46 rectifié, présenté par MM. Guérini, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Alinéa 12
Remplacer (deux fois) les mots :
d'habitation
par les mots :
de domicile
Mme Mireille Jouve. - Pourquoi ces variations lexicales entre « habitation » et « domicile » ? Y a-t-il là des subtilités qui nous échappent ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Question très pertinente... Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - « Domicile » vient du latin domus, la maison, donc en général le lieu où l'on habite... Avis défavorable.
M. Alain Richard. - Le domicile est une notion juridique. Employer ce mot nous exposerait à des annulations, si la personne est dans un lieu qui n'est pas son domicile au sens juridique. Mieux vaut s'en tenir au terme « habitation », qui désigne une réalité de fait.
L'amendement n°46 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°66 rectifié bis, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Hue, Mmes Jouve et Laborde et M. Vall.
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne visée par une telle décision peut former un recours sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin d'en obtenir la suspension. Sans délai, la juridiction administrative initialement saisie forme une question préjudicielle qu'elle transmet immédiatement au juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris, qui se prononce sur l'opportunité des mesures prévues par la décision. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle qui intervient dans un délai de vingt-quatre heures. La juridiction administrative initialement saisie se prononce sur la proportionnalité de ces mesures, à la lumière de la solution proposée par le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures.
M. Jean-Noël Guérini. - Face au brouillage des compétences entre juges administratif et judiciaire, nous proposons une solution médiane : le juge administratif devrait poser au juge des libertés et de la détention une question préjudicielle sur l'opportunité de la mesure. Éclairé par son avis et celui de l'administration, il trancherait. À la guerre des juges, préférons le dialogue des juges, comme eût dit Bruno Genevois !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Ce serait une collaboration intéressante mais un mécanisme un peu lourd. Imaginez que pendant le temps de la consultation du juge des libertés et de la détention, on n'applique pas la mesure ? Le suspect sera parti ! L'efficacité, chère à Mme Lienemann, demande qu'on en reste au texte de la commission. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La pensée de M. Guérini est comme d'habitude riche et complexe, trop peut-être ? Retrait.
M. Jean-Noël Guérini. - Je sais parfois raisonner...
L'amendement n°66 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°65 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°77 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 13, deuxième, troisième et dernière phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée équivalente, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, la décision renouvelant ces obligations doit être notifiée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. Si la personne concernée saisit le juge administratif d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision, celle-ci ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué.
II. - Alinéa 21, deuxième, troisième et dernière phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
Elles peuvent être renouvelées, pour une durée équivalente, par décision motivée lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Nous arrivons à un équilibre sur cet article, la position de la commission et celle du Gouvernement ayant évolué. Reste à régler quelques détails sur la durée.
M. le président. - Sous-amendement n°79 à l'amendement n° 77 rectifié du Gouvernement, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.
Amendement n° 77
I. - Alinéa 3
A. - Première phrase
1° Remplacer le mot :
équivalente
par les mots :
maximale de trois mois
2° Compléter cette phrase par les mots :
et sur la base d'éléments nouveaux ou complémentaires
B. - Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les mesures sont levées aussitôt que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites.
C. - Deuxième phrase
1° Remplacer les mots :
Au-delà d'une durée cumulée de six mois, la décision renouvelant ces obligations
par les mots :
Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article
2° Après le mot :
notifiée
insérer les mots :
à la personne concernée
D. Troisième phase
1° Remplacer le mot :
quarante-huit
par le mot :
soixante-douze
2° Remplacer les mots :
celle-ci
par les mots :
la mesure
3° Remplacer les mots :
ait statué
par les mots :
n'ait statué sur la demande
II. - Après l'alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.
III. - Alinéa 6
1° Remplacer le mot :
équivalente
par les mots :
maximale de six mois
2° Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
et sur la base d'éléments nouveaux ou complémentaires. Les mesures doivent être levées aussitôt que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites.
IV. - Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute décision de renouvellement doit être notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. Si la personne concernée saisit le juge administratif d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de la décision, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge n'ait statué sur la demande.
« La personne soumise aux obligations prévues aux 1° et 2° du présent article peut, dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures ouvertes aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Le dialogue avec le Gouvernement est de grande qualité. Pour la commission, il est essentiel qu'un juge intervienne. Nous avons d'abord pensé au juge des libertés et de la détention, mais le référé administratif suspensif imaginé à l'article 2 a retenu notre intérêt. Nous proposons donc ici le même schéma : quand l'autorité administrative envisage de prolonger une mesure de surveillance, il doit en avertir cinq jours à l'avance la personne concernée, qui dispose d'un délai de 72 heures pour saisir le juge des référés administratifs par la voie du référé-liberté. Tant que le juge des référés n'a pas statué, le renouvellement ne peut être décidé. Il s'agirait donc d'une sorte d'autorisation par le juge, si du moins il est saisi.
Quant à la durée, monsieur le ministre, notre différend est verbal : l'équivalent de trois mois, c'est trois mois !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Le problème est ailleurs. En trois mois, il est difficile d'apporter des éléments nouveaux pour justifier un renouvellement. Nous souhaitons donc que cette obligation ne s'impose qu'au terme du deuxième renouvellement. Mais ce point pourra être éclairci au cours de la navette. Pour l'heure, avis défavorable au sous-amendement.
Le sous-amendement n°79 est adopté.
L'amendement n°77 rectifié, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°49 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Guérini, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas d'accord de la personne concernée, le procureur de la République de Paris saisit le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris pour qu'il se prononce sur l'opportunité d'ordonner ce placement sous surveillance électronique mobile.
M. Jean-Noël Guérini. - Avec cet amendement, le juge des libertés et de la détention pourra se prononcer sur le port du bracelet électronique. Mais je m'attends à ce que M. le rapporteur me demande de le retirer...
L'amendement n°49 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Leconte.
Alinéa 17, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
M. Jean-Yves Leconte. - Alain Richard nous expliquait tout à l'heure que la prévention était le domaine exclusif de l'État.
M. Alain Richard. - De l'exécutif ! La justice fait partie de l'État !
M. Jean-Yves Leconte. - Soit. La gestion des bracelets électroniques ne peut donc pas être confiée à des personnes privées.
M. Michel Mercier, rapporteur. - L'État ne fabrique pas de bracelets électroniques, il faut bien un marché public pour en acheter ! C'est ce que fait déjà le ministère de la justice. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable.
M. Jean-Yves Leconte. - Si l'on me donne l'assurance qu'il ne s'agit pas du suivi des personnes, mais uniquement de l'achat de bracelets, je le retire.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Il ne n'agit que de la pose des bracelets, qui permet ensuite d'alerter policiers et gendarmes.
L'amendement n°17 est retiré.
M. le président. - Amendement n°69 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 22
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 228-5. - Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à toute personne mentionnée à l'article L. 228-1, y compris lorsqu'il est fait application des articles L. 228-2 à L. 228-4, de :
« 1° Déclarer les numéros d'abonnement et identifiants techniques de tout moyen de communication électronique dont elle dispose ou qu'elle utilise, ainsi que tout changement de ces numéros d'abonnement et identifiants ; ces déclarations ne portent pas sur les mots de passe ;
« 2° Ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique. »
II. - Alinéa 23
1° Première phrase
Remplacer les mots :
L'obligation mentionnée au premier alinéa est prononcée
par les mots :
Les obligations mentionnées au 1° et au 2° sont prononcées
2° Deuxième, troisième et dernière phrases
Elles peuvent être renouvelées, pour une durée équivalente, par décision motivée lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Cet amendement rétablit la possibilité d'obliger les personnes à communiquer leurs numéros d'abonnements et identifiants techniques. Il ne s'agit pas des mots de passe : nous n'allons pas écouter les conversations privées. L'amendement rétablit aussi le texte initial en ce qui concerne l'interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes, car la porosité est trop grande entre délinquance et criminalité organisées d'un côté, terrorisme de l'autre.
M. le président. - Amendement n°64 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 228-5.- Le ministre de l'intérieur informe sans délai le procureur de la République de Paris, et le procureur territorialement compétent, de la mesure d'interdiction qu'il veut prendre à l'encontre d'une personne mentionnée à l'article L. 228-1 de se trouver en relation directe ou indirecte avec une autre personne mentionnée au même article. Le procureur de la République de Paris saisit le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris pour qu'il se prononce sur l'opportunité d'ordonner une telle mesure.
Mme Mireille Jouve. - Nous souhaitons aussi que le juge des libertés et de la détention se prononce sur l'opportunité des mesures individuelles de surveillance autres que le bracelet.
M. le président. - Amendement n°78, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 23, deuxième, troisième et dernière phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
Elle peut être renouvelée, pour une durée équivalente, par décision motivée lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Amendement de coordination.
M. le président. - Sous-amendement n°82 à l'amendement n° 78 du Gouvernement, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.
Amendement n° 78
I. - Alinéa 3
1° Remplacer le mot :
équivalente
par les mots :
maximale de six mois
2° Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigé :
et sur la base d'éléments nouveaux ou complémentaires. L'obligation doit être levée aussitôt que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites.
II. - Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'alinéa 23
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute décision de renouvellement doit être notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. Si la personne concernée saisit le juge administratif d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de la décision, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge n'ait statué sur la demande.
« La personne soumise à l'obligation mentionnée au premier alinéa peut, dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures ouvertes aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Sous-amendement de coordination.
Nous avons là, monsieur le ministre, un vrai point de désaccord. Lors de l'examen de la loi de lutte contre la criminalité du 3 juin 2016, le Parlement avait rejeté l'obligation de déclarer ses identifiants électroniques ; la commission des lois fait de même aujourd'hui pour quatre raisons. D'abord, aucun cadre juridique n'est prévu pour la conservation et l'utilisation de ces données, non plus qu'aucune voie de recours. La Cnil a émis les plus fortes réserves. Le champ de l'obligation n'est ni limité ni précisé. Or le Conseil constitutionnel a, dans une décision du 2 décembre 2016, rappelé la nécessité pour le législateur de prévoir dans ce domaine des garanties propres à concilier le respect de la vie privée et la sauvegarde de l'ordre public.
Deuxième raison : le manquement à cette obligation est sanctionné pénalement. C'est une atteinte aux droits de la défense : depuis la décision du 4 novembre 2016 du Conseil constitutionnel, nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, en cohérence avec la jurisprudence de la CEDH.
Troisième raison : il serait paradoxal d'imposer dans ce projet de loi des obligations qui vont plus loin que le régime de l'état d'urgence.
Enfin, cette mesure est inutile. Si vous prenez la décision d'obliger une personne à rester dans sa commune, c'est que vous avez eu des informations. C'est donc, certainement, que les services de renseignement ont trouvé les identifiants de la personne concernée... Mais pour cela, ils doivent se plier au droit commun du renseignement, c'est-à-dire à la loi de 2015. Voudriez-vous leur permettre de la contourner ? Je préfère écarter tout de suite cette mauvaise pensée...
Pour ce qui est de l'interdiction d'entrer en relations avec certaines personnes, la commission des lois s'est bornée à reprendre le texte de la loi du 13 novembre 2014.
Avis défavorable, par conséquent, à l'amendement n°69 rectifié, ainsi qu'au n°64 rectifié. Avis favorable à l'amendement n°78, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n°82.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable à l'amendement n°64 rectifié et au sous-amendement n°82.
L'obligation de déclarer ses identifiants ne fait pas partie de l'état d'urgence, c'est vrai. Mais sous le régime de l'état d'urgence, les personnes assignées à résidence doivent pointer trois fois par jour et rester chez elles douze heures par jour. Il y a beaucoup moins de risque de perdre leur trace. Le Gouvernement a précisé qu'il ne s'agissait pas de recueillir les mots de passe, et que les conversations privées ne seraient pas écoutées.
Avec notre texte, si la personne incriminée ne signalait pas l'achat d'un nouveau téléphone, elle pourrait être condamnée à trois ans de prison : cela fait réfléchir !
L'amendement n°69 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°64 rectifié est retiré.
Le sous-amendement n°82 est adopté.
L'amendement n°78, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Grand et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Joyandet, Huré et Vasselle, Mmes Imbert et Deromedi, MM. Chasseing, P. Leroy, G. Bailly et J.P. Fournier, Mmes Duchêne et de Rose, MM. Laménie, Dassault et Maurey, Mme Duranton, MM. Lefèvre, Cuypers et Bonhomme, Mme Giudicelli et MM. Revet et Chaize.
Après l'alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions du ministre de l'intérieur prises en application des articles L. 228-2 à L. 228-5 sont communiquées au maire de la commune d'habitation.
M. Jean-Pierre Grand. - Le maire, autorité de police administrative au nom de la commune, a des pouvoirs de police générale et la qualité d'officier de police judiciaire. Il serait normal de l'informer des mesures individuelles de surveillance prises à l'encontre de ses administrés. Il fut un temps où c'était systématiquement le cas.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Ce serait disproportionné. On ne peut pas diffuser de telles informations auprès de 36 000 maires ! L'efficacité de l'action administrative impose le retrait de l'amendement.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. La lutte contre le terrorisme relève de la compétence de l'État et exige la discrétion.
M. Jean-Pierre Grand. - Soit. Mais je connais une commune qui, récemment, a failli embaucher une personne aujourd'hui en prison. Il y a un juste milieu à trouver avec les maires.
L'amendement n°20 rectifié est retiré.
M. David Assouline. - Cet article illustre ce qui est le plus contestable dans cette loi. Il ne faut pas baisser la garde contre le terrorisme, c'est évident. Mais on introduit ici dans le droit commun des mesures exceptionnelles, typiques de l'état d'urgence. Il ne s'agirait plus d'assignation à résidence, dites-vous, puisque le périmètre a été élargi. La mesure ne change pas de nature pour autant.
M. le ministre d'État a justifié ces mesures de surveillance en citant le cas du terroriste qui a décapité son patron. Or, quand il avait été repéré près de Besançon, il n'était pas considéré comme susceptible de passer à l'acte ! Le problème, c'est qu'il n'a pas été tracé, faute de moyens. J'espère que nous discuterons en loi de finances de cette question essentielle.
Inefficace et attentatoire aux libertés, cet article doit être rejeté.
L'article 3, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 20 h 15.
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 21 h 45.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°21, présenté par MM. Grand et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Huré et Vasselle, Mme Imbert, MM. Chasseing, P. Leroy, G. Bailly, B. Fournier et J.P. Fournier, Mmes Duchêne et de Rose et MM. Laménie et Dassault.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 371-6 du code civil est complété par les mots : « et, pour les sorties individuelles, validée par la mairie de la commune de résidence ».
M. Jean-Pierre Grand. - Le rétablissement de l'autorisation de sortie du territoire (AST) par le Parlement en 2016 avait pour objectif de lutter contre le départ de nombreux mineurs français dans les zones de combat en Syrie et en Irak, aux côtés des forces de l'organisation dite de l'État islamique.
Selon le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, au 9 mars 2015, 1 432 ressortissants étaient partis combattre dans les rangs djihadistes. Parmi ces Français, composés essentiellement de jeunes, la proportion de mineurs est estimée à 25 %, soit plus de 350.
Un jeune mineur déterminé à quitter le territoire national n'aura aucune difficulté à remplir lui-même le formulaire Cerfa exigé et à subtiliser la pièce d'identité de l'un de ses parents pour en présenter une copie. Pour rendre le dispositif efficace, je propose de rétablir le contrôle des sorties individuelles par les mairies qui avait cours jusqu'en 2013.
En somme, je demande simplement au Gouvernement de respecter la loi votée par le Parlement.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Le formulaire Cerfa peut être téléchargé sur Internet. Exiger sa certification par la mairie, comme le demande M. Grand, représenterait pour elle une charge nouvelle. Si je comprends le souci de M. Grand d'associer le maire à la police des mineurs, faut-il une précaution supplémentaire alors que le système actuel fonctionne bien ? Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - M. Grand a un certain nombre d'idées à soumettre, je souhaite les connaître toutes avant de me prononcer. Avis défavorable pour l'heure.
M. Philippe Bas, président de la commission. - La question posée par M. Grand n'est pas dénuée de fondement. Au vu du nombre de départs pour la Syrie et l'Irak, nous avons jugé indispensable de rétablir, pour des raisons de sécurité, l'autorisation de sortie du territoire. Les conditions d'application de cette mesure législative n'ont pas apporté toutes les garanties d'une surveillance réelle des mineurs.
Peut-être suffirait-il que le ministre s'engage à réexaminer la question pour éviter que la loi soit privée de son effet utile par des dispositions réglementaires insuffisantes. Si tel était le cas, je suppose que M. Grand retirerait son amendement.
M. André Reichardt. - M. Bas m'a enlevé les mots de la bouche. À mon sens, cet amendement est essentiel pour exercer un contrôle réel sur les sorties du territoire des mineurs qui s'applique aujourd'hui selon des modalités que nous connaissons tous. Je voterai l'amendement s'il n'est pas retiré.
M. Jean-Yves Leconte. - Cette autorisation de sortie du territoire est un faux-semblant. Un mineur, pour obtenir un passeport, doit obtenir l'autorisation de ses parents. Ne déresponsabilisons pas les parents en inventant une démarche administrative de plus ! Au sein de l'espace Schengen, ce dispositif ne sert à rien ; il est léonin !
M. Philippe Bas, président de la commission. - C'est bien ce que nous déplorons !
M. Jean-Yves Leconte. - Est-il intégré dans les fichiers de sortie ? Non ! Plutôt que d'exiger de nouveaux papiers qui fabriquent de la sécurité uniquement dans les têtes, responsabilisons les parents en leur expliquant ce qu'ils font en demandant un passeport pour leurs enfants !
M. Jean-Pierre Grand. - Dans ma mairie, un mineur ne peut pas obtenir de passeport sans ses parents, et c'est le cas dans toutes les mairies correctement tenues.
M. André Reichardt. - Elles le sont toutes !
M. Jean-Pierre Grand. - Une charge nouvelle pour les mairies ? Nous avons encore les moyens d'acheter des tampons, quoique peut-être plus pour longtemps...
M. André Reichardt. - On aurait pu mobiliser la réserve parlementaire !
M. Jean-Pierre Grand. - Le théâtre syrien sera peut-être bientôt remplacé par d'autres, en Afrique ou ailleurs : veillons à protéger les enfants qui peuvent encore l'être pour éviter qu'ils ne commettent des bêtises et ne rompent définitivement les liens qui les attachent à leur famille et à la France. Sans cet amendement, attendu, l'AST ne sert à rien.
Mme Nathalie Goulet. - La référence au rapport de la commission d'enquête co-présidée par M. Reichardt suffit à en faire un bon amendement. (Sourires) La fraude documentaire représente un véritable fléau. Rendons opérationnelle une disposition législative que nous avons voulue en adoptant cet amendement.
M. Jean-Yves Leconte. - Pour combien de cas allez-vous embêter les mairies avec cette nouvelle exigence ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Si M. Grand veut bien patienter encore, je lui promets de regarder cette question, qui est sérieuse, d'ici à l'examen du texte à l'Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Grand. - Dans un esprit constructif (Marques d'amusement sur les bancs du groupe Les Républicains), j'accepte cette demande et attendrai le débat à l'Assemblée nationale - ce qui est tout à fait exceptionnel pour un sénateur...
M. Alain Richard. - Ancien député !
M. Jean-Pierre Grand. - Si ma demande n'était pas satisfaite, je me permettrais de déposer une question écrite appelant une réponse rapide...
M. André Reichardt. - Quelle menace !
L'amendement n°21 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°31, présenté par MM. Rachline et Ravier.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 422-4 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la première occurrence du mot : « soit » et les mots : « , soit pour une durée de dix ans au plus, » sont supprimés ;
2° L'alinéa 2 est supprimé.
M. David Rachline. - Les personnes étrangères qui ont voulu, ne serait-ce qu'une fois, s'attaquer à la France en utilisant le vecteur lâche du terrorisme n'ont plus aucune raison de bénéficier de l'accueil du peuple de France et de ses services publics. L'expulsion du territoire doit être définitive pour empêcher la récidive sur notre sol, cela participera de la prévention des actes terroristes.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Cet amendement est inconstitutionnel, ce que son auteur sait parfaitement. L'interdiction du territoire doit demeurer une peine complémentaire.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - En effet, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prohibe tout caractère automatique des peines.
L'amendement n°31 n'est pas adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - Cet article transpose dans le droit commun le régime des perquisitions administratives de l'état d'urgence. À cela près qu'il ne s'agit plus de perquisitions mais de visites qui pourront être entreprises sur le fondement de simples suspicions à partir de critères extensifs et imprécis.
Une ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention de Paris, communiquée au procureur général de Paris, ne constitue en rien une garantie, comme le soulève le syndicat de la magistrature. Le texte ne prévoit pas les pièces qui seront versées au dossier, l'appréciation de l'autorité administrative résultera des éléments fournis par les services de renseignement.
Si la commission des lois propose avec prudence de convoquer de nouveau le Parlement en 2021 pour s'assurer de l'efficacité de telles mesures, nous refusons leur inscription dans notre droit commun. Ne faisons pas déshonneur à notre rôle de défenseur des libertés individuelles.
M. le président. - Amendement identique n°24 rectifié, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jacques Bigot. - Des perquisitions judiciaires sont déjà possibles à toute heure, pourquoi en ajouter ? À lire le texte de la commission, on sent bien que le rapporteur a recherché un équilibre.
À Paris, les perquisitions administratives ont été peu nombreuses car la bonne coopération du Parquet et de la préfecture de police de Paris a permis de judiciariser rapidement les affaires. Pourquoi n'en va-t-il pas de même sur tout le territoire ? Nous devons, en la matière, rester dans le domaine judiciaire plutôt que d'organiser le flou artistique. Nous ne nous satisfaisons pas plus du texte du Gouvernement que de celui de la commission ; aussi proposons-nous de supprimer l'article.
M. le président. - Amendement identique n°29, présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux.
Mme Esther Benbassa. - Nombreux sont les droits fondamentaux menacés par cet article : droit de propriété, inviolabilité du domicile, droit au respect de la vie privée et familiale... Les garanties sont clairement insuffisantes.
Le consensus des professionnels du droit et des associations qui défendent les droits n'est pas parvenu à faire vaciller le Gouvernement. Mireille Delmas-Marty, professeur au Collège de France, le dit bien dans sa lettre ouverte au président de la République : « Il n'y a pas à choisir, monsieur le président, la sécurité ou les libertés. Vous-même et votre Gouvernement, sous le contrôle du nouveau Parlement, vous devez assurer l'une et l'autre, en acceptant qu'elles ne soient absolues ni l'une ni l'autre. Quand Paul Ricoeur - dont M. Macron se dit proche mais semble ne pas avoir lu l'oeuvre - « rappelait la finitude humaine, il ne visait rien d'autre... ».
Puissiez-vous, mes chers collègues, prendre le temps de réfléchir à des mesures d'une telle gravité.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Au juste, la question est : l'administration est-elle suffisamment armée pour faire face au terrorisme sans les assignations à résidence et les perquisitions administratives ? Si l'on quitte la théorie, que j'aime beaucoup, pour revenir au pratique, à l'opérationnel, ce qu'est aussi la lutte contre le terrorisme, on sait que la prévention d'un attentat peut dépendre d'une seule source, parfois étrangère. L'administration doit avoir les moyens de lever le doute, ce qui justifie le recours à des visites domiciliaires.
Le préfet informera le juge des libertés et de la détention, dont l'ordonnance autorisera la visite domiciliaire. La personne concernée pourra, de plus, contester l'acte devant le Premier président de la Cour d'appel de Paris puis devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Le mécanisme est donc très encadré, l'équilibre parfaitement adéquat : avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - En effet, procureur de Paris, procureur territorial, juge des libertés et de la détention, tous les niveaux joueront dans ce mécanisme très encadré : avis défavorable.
M. Jacques Bigot. - La rédaction est assez encadrée en effet, mais pourquoi ne pas se contenter des perquisitions judiciaires ? Le flou artistique est absolu. Plus que l'article 3, cet article 4 est un leurre pour rassurer nos concitoyens : « nous vous libérons de l'état d'urgence tout en le maintenant ». (Mme Gisèle Jourda ainsi que MM. Jean-Yves Leconte et René Vandierendonck applaudissent.)
Mme Éliane Assassi. - Bravo !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - On sort l'artillerie lourde pour des cas minimes que l'on pourrait traiter autrement. J'ose espérer qu'on ne l'utilisera pas après une simple note blanche ou une dénonciation. Si le cas concerne une information venant de l'étranger, il faut poursuivre les investigations ! Et comme toujours, au prétexte de cas minimes, nous faisons glisser nos concepts fondamentaux. Mireille Delmas-Martry, référence du droit au niveau européen, le dit très bien : la dangerosité se substitue à la culpabilité... Au bout de cette logique, c'est la présomption d'innocence qui est menacée !
Mme Gisèle Jourda. - Parce qu'il ne faut pas basculer les mesures de l'état d'urgence dans le droit ordinaire, parce que la politique est une question de valeurs, je voterai la suppression de cet article.
Les amendements identiques nos7, 24 rectifié et 29 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°70, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 7
Remplacer les mots :
le nom de
par les mots :
le chef de service qui nomme
II. - Alinéa 15, deuxième phrase
Remplacer les mots :
, par l'officier de police judiciaire territorialement compétent présent sur les lieux et
par les mots :
et par l'officier de police judiciaire territorialement compétent présent sur les lieux, qui peuvent s'identifier par le numéro d'immatriculation administrative mentionné à l'article 15-4 du code de procédure pénale, leur qualité et leur service ou unité d'affectation, ainsi que
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Par cet amendement, le Gouvernement souhaite garantir la sécurité des policiers et gendarmes amenés à participer aux opérations de visite en assurant leur anonymat dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et dans le procès-verbal de visite. Seuls seront mentionnés leurs numéros d'immatriculation administrative. En revanche, le formalisme entourant un acte ayant le caractère d'une procédure pénale n'est pas de mise ici.
M. le président. - Sous-amendement n°80 à l'amendement n° 70 du Gouvernement, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.
Amendement n° 70
Compléter cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Alinéa 18, seconde phrase
Remplacer les mots :
à l'avant-dernier
par les mots :
au septième
... - Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge qui a autorisé la visite et les juridictions de jugement saisies à cet effet ont accès aux nom et prénom de toute personne identifiée par un numéro d'immatriculation administrative dans le procès-verbal mentionné au septième alinéa du présent article.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Tout à fait d'accord : l'acte ne relève pas du pénal. En revanche, il faut assurer l'accès au registre d'immatriculation administrative, qui n'est pas possible en dehors de la procédure pénale.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis favorable.
Le sous-amendement n°80 est adopté.
L'amendement n°70, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°71, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 13, dernière phrase
Remplacer le mot :
délivre
par les mots :
peut délivrer
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Mieux vaut supprimer la saisine automatique du juge des libertés et de la détention territorial, introduite par la commission des lois.
Dans la cinquième phase de l'état d'urgence, il y a une perquisition administrative par jour. Rendez-vous compte du volume !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°71 est adopté.
M. le président. - Amendement n°72, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 26
Remplacer les mots :
accord exprès
par le mot :
information
II. - Alinéa 28
Au début, insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu'il s'agit d'un mineur, la retenue fait l'objet d'un accord exprès du juge des libertés et de la détention.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Cet amendement revient à la simple information du juge des libertés et de la détention, et non à son accord exprès imposé par la commission des lois, s'agissant de la retenue des personnes concernées par le lieu visité pendant une durée ne pouvant excéder quatre heures.
En effet, la modification proposée par la commission des lois serait lourde de contraintes, notamment lorsque les perquisitions se déroulent tôt le matin, et pourrait conduire, en cas de difficulté matérielle à obtenir l'accord du juge de manière immédiate, au départ de l'individu. Au surplus, le Conseil constitutionnel considère qu'une telle mesure n'a pas, compte tenu de sa brièveté, à être autorisée par l'autorité judiciaire. C'est d'ailleurs le cas des retenues faisant suite à un contrôle d'identité, introduites par la loi du 3 juin 2016.
M. le président. - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Pillet, A. Marc et Poyart, Mme Deromedi, M. Portelli, Mme Di Folco et MM. Bas, Darnaud, Buffet et Bonhomme.
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal mentionné au quatrième alinéa du présent article.
M. François Pillet. - L'intervention du juge des libertés et de la détention est fondamentale, elle peut être orale. Pour éviter d'interminables querelles de procédure, je propose qu'il en soit fait mention au procès-verbal.
M. Michel Mercier, rapporteur. - M. Pillet a raison, un coup de téléphone au juge des libertés et de la détention peut suffire. Sous-entendre que le juge des libertés et de la détention pourrait ne pas répondre serait une preuve de défiance à l'égard des magistrats qui sont - c'est bien connu - à la disposition du droit et de la justice 24 heures sur 24. Avis défavorable à l'amendement n°72, favorable à l'amendement n°22 rectifié.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable à l'amendement n°22 rectifié.
L'amendement n°72 n'est pas adopté.
L'amendement n°22 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°81, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.
Alinéas 43 et 44
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 229-6. - Les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour connaître du contentieux indemnitaire résultant des mesures prises en application du présent chapitre, dans les conditions prévues à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire. »
L'amendement de précision n°81, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°73, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 45
Supprimer cet alinéa.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - L'alinéa 45 de l'article 4, introduit par la commission des lois, se réfère aux nullités en matière d'actes en information judiciaire, sans lien avec les visites ordonnées sur le fondement des présentes dispositions, qui n'ont pas de caractère pénal.
Selon l'adage una via electa, le plaideur ne peut multiplier les voies de droit pour un même litige. Les dispositions de l'article L. 229-5 du code de sécurité intérieure prévoient un mécanisme d'appel suffisant : restons-en là.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous sommes d'accord, mais au cours de la visite domiciliaire, il peut y avoir constatation d'une autre infraction : c'est de celle-là qu'il s'agit ! Le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a eu raison d'attirer notre attention sur ce point, il y va ici du respect des droits de la défense. Avis défavorable.
L'amendement n°73 n'est pas adopté.
M. Jacques Bigot. - Nous ne voterons pas cet article 4, dont nos débats viennent de montrer qu'il sera peu utilisé. À nouveau, l'exemple des pratiques parisiennes montre qu'il vaut mieux rester dans le domaine judiciaire. Souhaitons que la coopération des services de police et de justice rende partout cet article inutile.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Monsieur Bigot, les perquisitions administratives récentes ont permis d'éviter deux attentats, l'un contre un bureau de vote, l'autre contre un meeting politique. Deux, c'est certes peu mais leurs conséquences auraient été catastrophiques pour notre démocratie. Nous défendons donc les libertés publiques. (Mme Marie-Noëlle Lienemann en doute.)
L'article 4, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Troendlé.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes publiques peuvent charger une association ou une fondation ayant pour objet la prévention et la lutte contre la radicalisation d'une action, d'un projet ou d'une activité en lien avec son objet si cette association ou fondation a été reconnue d'utilité publique et bénéficie d'un agrément délivré dans des conditions fixées par décret.
Toute association ou fondation mentionnée au premier alinéa est soumise de plein droit aux obligations de conclusion d'une convention, de production d'un compte rendu financier et de dépôt et publication de ces documents prévues à l'article 10 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Ces obligations financières et de transparence sont exigées également au moment de la dissolution de l'organe ou de l'association concernés.
Les dirigeants de l'association publient également une déclaration d'intérêt.
Les associations et fondations mentionnées au premier alinéa et exerçant leur action, projet ou activité avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi s'acquittent des obligations prévues à l'avant-dernier alinéa dans le délai de trois mois à compter de cette date.
Mme Nathalie Goulet. - La lutte contre le terrorisme ne peut se réduire à de la répression. Merci à la commission des lois de ne pas avoir frappé cet amendement d'une irrecevabilité au titre de l'article 41.
La lutte contre la radicalisation est aussi importante et, à ce jour, assez mal encadrée. Une centaine d'associations, rarement homologuées et trop peu contrôlées, oeuvrent de manière très disparate, malgré les efforts de Mme Domenach et du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.
D'où cet amendement qui comporte des mesures de transparence financière mais aussi des mesures techniques, inspiré d'études récentes et d'une proposition de loi. Nous devons nous assurer que ces associations ont un minimum de compétences et encadrer leur activité.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Cet amendement, qui vient peut-être un peu trop tôt, va dans le bon sens. L'avis de la commission était plutôt défavorable ; après avoir entendu Mme Goulet, je donne un avis de sagesse.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Je partage votre point de vue. Dans la précipitation de l'après-attentat, l'État a accordé son soutien à des structures sans avoir préalablement évalué leur action. Certaines avaient une action à la limite du soutien à la radicalisation ! J'ai souhaité y mettre un peu d'ordre, notamment en impliquant davantage des travailleurs sociaux expérimentés.
M. André Reichardt. - Ancien co-président de la mission d'information sur le djihadisme, je soutiens cet amendement qui reprend nos propositions, qui convergent d'ailleurs avec celles de Mmes Benbassa et Troendlé dans leur rapport sur les politiques de déradicalisation.
Mme Esther Benbassa. - Je suis bien sûr d'accord sur le fond. Certaines associations se transforment même en cabinets privés de consulting en radicalisation, ils ne rendent de comptes à personne... La protection judiciaire de la jeunesse peut mener ce travail, à condition de disposer des moyens adéquats. Le ministre nous a dit qu'une évaluation était en cours, la baisse du nombre d'associations subventionnées entre 2015 et 2016 semble le confirmer.
Nous devons assainir le terrain. Les expériences étrangères n'ont rien à voir avec les nôtres : ailleurs, on propose un accompagnement individualisé et sur-mesure par des psychologues et des sociologues en relation avec les familles.
L'amendement n°16 rectifié est adopté, et devient un article additionnel.
L'article 4 bis est adopté.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Merci au Gouvernement d'avoir accepté l'article 4 bis, qui est essentiel dans le projet : il dispose que toutes ses dispositions seront revues. Ainsi, en 2021, après des évaluations annuelles fournies par le Gouvernement, on pourra décider de revenir ou non dessus.
L'article 4 ter est adopté.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Évelyne Rivollier. - Les articles 5 et 6 de ce projet de loi adaptent le droit français au droit de l'Union européenne, et pérennisent le système de suivi des données des passagers de voyages aériens, dit PNR.
La CNIL n'a pas été consultée, alors qu'elle appelle à la plus grande vigilance. Plus de 100 000 voyageurs sont concernés. Ce fichier ne sera tenu que par des services de renseignement qui ne sont pas contrôlés. Il y a deux semaines, des centrales nucléaires ont été hackées, des fichiers de cet ordre pourraient tout autant l'être. Cela n'empêchera pas les terroristes de passer à travers les mailles bien trop larges du filet.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable : vous n'ignorez pas que nous sommes tenus de transposer les directives.
Mme Éliane Assassi. - Nous ne l'ignorons pas, en effet !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - C'est également un dispositif utile et encadré grâce à l'anonymisation des données personnelles et à la stricte habilitation des personnes y ayant accès. Avis défavorable.
M. André Reichardt. - Nous attendons cette transposition depuis tellement longtemps, après une attente également longue d'un vote par le Parlement européen...
Mme Éliane Assassi. - Pour quelle issue ?
M. André Reichardt. - M. le ministre vient de vous présenter les garanties... Sérieusement, les vies qu'on sauvera valent ce PNR !
Mme Éliane Assassi. - Il y a bien une raison pour laquelle le Parlement européen a tellement renâclé !
M. Philippe Bonnecarrère. - Le combat contre le terrorisme est international par nature. Le PNR marque à cet égard un progrès, même s'il comporte des faiblesses...
M. René Vandierendonck. - Très bien !
M. Philippe Bonnecarrère. - Le Parlement européen, le 6 juillet 2017, a décidé de constituer une commission spéciale sur le terrorisme, pour un an. Ce sujet serait digne d'un dialogue interparlementaire, notamment avec la commission des lois.
M. Jean-Yves Leconte. - Chacun sait combien il a été difficile d'obtenir un accord du Parlement européen sur le PNR. Parmi les voyageurs, il s'agit d'abord d'identifier les individus dangereux. Il ne faut pas de trou dans la raquette. Même si en France, l'on ne peut plus prendre l'avion sans contrôle d'identité préalable, il en va encore autrement dans d'autres endroits de l'espace Schengen
Tant que toutes les dispositions n'ont pas été mises en place dans tous les États membres de l'espace Schengen, le PNR ne sera pas pleinement efficace. Il reste donc encore beaucoup à faire.
Si la directive est transposée, pourrons-nous aller plus loin ? D'autres dossiers comme les passeports attendent aussi plus de coopération, ce qui n'ira pas sans confiance. Je voterai cet article.
Mme Esther Benbassa. - Les articles 5 et 6 adaptent le droit français au droit européen pour le PNR. Les terroristes pourraient cependant entrer sur le territoire par le train. Ces méthodes ont peu d'efficacité et mobilisent des ressources qui manquent aux autres activités de renseignement.
La collecte massive des données, contraire aux principes de l'État de droit, n'est pas une réponse au terrorisme. La CJUE a déjà censuré en 2014 la directive de 2006, jugeant disproportionnées la collecte à grande échelle et la conservation de données personnelles de citoyens n'ayant aucun lien avec le terrorisme. Je voterai les amendements du groupe CRC.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Autant je n'ai pas voté les articles 3 et 4, autant je crois en la nécessité du PNR européen qui est équilibré entre efficacité et garanties des libertés publiques. Il n'y a pas d'alternative. (M. André Reichardt le confirme.)
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE 6
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je salue le travail sur cet article de M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Il était indispensable et bienvenu de voter le PNR, attendu trop longtemps. Rien ne sert de créer un fichier s'il n'est pas partagé.
Or la coopération européenne est loin d'être suffisante. Il faut mettre en place des cadres pour dialoguer hors Union européenne et hors OTAN, notamment avec les pays de la rive Sud, qui n'ont pas toujours les moyens et peuvent avoir besoin de formation.
Le PNR maritime est insuffisant. Aujourd'hui, seuls le Royaume-Uni, l'Espagne, la Finlande, la Belgique disposent de moyens minimaux. Il faut l'étendre aux transports ferroviaires et par autocar, comme le proposait dans son rapport la commission d'enquête du Sénat.
M. le président. - Merci de conclure.
M. André Reichardt. - Je voterai pour !
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Évelyne Rivollier. - Il est défendu.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Idem.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
ARTICLE 7
M. Jean-Yves Leconte . - Un PNR maritime national, à quoi bon ? Il faut au minimum une perspective de PNR maritime européen. Mme Garriaud-Maylam, jusqu'où irons-nous, pourquoi pas un PNR étendu aux voyages par tramway, par Blablacar ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je n'ai pas eu le temps de finir !
M. Jean-Yves Leconte. - Schengen est un espace de liberté. Il ne faut pas aller trop loin. Je dis hola ! (Sourires)
M. le président. - Amendement n°74, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 15, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La mise en oeuvre d'un PNR maritime fait encore l'objet de réflexions de la part du Gouvernement, s'agissant notamment des modalités de consultation des données qui seront collectées à ce titre. Donnez un peu de temps au Gouvernement !
M. Michel Mercier, rapporteur. - Je crains que le ministre ait lu un peu vite... Il n'y a pas de dimensions internationales au PNR maritime. La commission ne veut pas imposer un mode d'organisation au Gouvernement : ce n'est pas de son ressort. Elle veut seulement que les passagers des bateaux aient les mêmes garanties que ceux des avions et que des filtres soient appliqués aux demandes.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Les quantités diffèrent...
M. Michel Mercier, rapporteur. - Ils se chiffrent en millions dans les deux cas.
L'amendement n°74 n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°3 rectifié quater, présenté par Mme Deseyne, MM. de Legge, P. Dominati et Reichardt, Mme Morhet-Richaud, M. Huré, Mmes Gruny et Di Folco, M. Fouché, Mmes Imbert et Lamure, M. G. Bailly, Mme Micouleau, MM. Lefèvre et Laménie, Mme Deromedi, M. Cuypers, Mme Debré, M. J.P. Fournier, Mme Deroche et MM. Gremillet et B. Fournier.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l'article L. 612-1 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « ou les personnes morales de droit privé non lucratif gérant des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, lesquels sont identifiés au titre du présent code par le numéro du fichier national des établissements sanitaires et sociaux, pour ceux dans desquels les personnes morales de droit privé non lucratif organisent un service de sécurité intérieure ».
Mme Chantal Deseyne. - Cet amendement autorise les établissements privés à but non lucratif gérant des services de santé à se doter d'un service de sécurité intérieure, comme les établissements publics ou les établissements privés inscrits au registre du commerce et des sociétés.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Il est légitime de combler ce vide juridique, mais d'autres établissements pourraient en avoir besoin. Avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Restreindre cette disposition au secteur de la santé exclut d'autres secteurs, comme celui de la culture - je pense aux musées. Cette disposition doit faire l'objet d'une réflexion plus large avec les acteurs concernés et le secteur de la sécurité privée. Ces établissements peuvent toujours faire appel à des sociétés de sécurité pour sécuriser leurs accès ou leurs bâtiments comme tout donneur d'ordres.
Retrait, sinon avis défavorable.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous partageons l'avis du Gouvernement, mais, au vu de ce que je présume du vote qui va intervenir, (sourires) peut-il prendre des engagements de calendrier ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Nous aurons des éléments à la fin de l'année.
M. André Reichardt. - Je soutiens cet amendement : les motifs pour le retirer ne sont pas convaincants. Les établissements de santé ne sont pas comparables avec les établissements culturels. À Nice, il y a un an, ils n'avaient pu assurer leur sécurité par leurs propres moyens. Qui peut le plus peut le moins : nous pouvons étendre cette disposition plus tard !
L'amendement n°3 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
(On s'en félicite à droite.)
L'amendement n°33 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°62 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Avant l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 833-2 du code de sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° - Peut ordonner la suspension d'opérations de recueil de renseignement en cours lorsqu'elle constate une atteinte grave et répétée aux champs d'application prévus par la loi. »
M. Guillaume Arnell. - Depuis 2012, de nombreuses voix appellent à faire entrer dans la loi de nouvelles techniques de renseignement, ce qui permet un cadre légal, mais révèle aussi la réduction de la protection de notre vie privée.
Il faut étendre les pouvoirs de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Cette autorité administrative indépendante a un pouvoir d'avis et de recommandation sur l'usage qui est fait de certaines techniques : si son avis au Premier ministre n'est pas suivi, elle peut saisir le Conseil d'État qui, statuant en formation spécialisée, peut ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.
Retrait de cet amendement inopérant, sinon avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis. C'est en effet au Conseil d'État d'ordonner la destruction du renseignement illégalement collecté. Avis défavorable.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Christine Prunaud. - Cet amendement supprime les articles 8 et 9 instaurant un nouveau régime légal de surveillance des communications hertziennes, pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016 statuant sur une question préalable de constitutionnalité.
Nous sommes inquiets de voir s'élargir le champ des techniques de renseignement : il sera en effet possible de ne pas se limiter à la prévention d'actes terroristes mais de viser des personnes à raison de leur militantisme et il n'y a pas de véritable contrôle juridictionnel préalable, la CNCTR ne donnant qu'un simple avis au Premier ministre.
Le renseignement militaire peut agir sans décisions du Premier ministre et sans avis de la commission. Nos concitoyens n'ont aucune garantie et cette captation généralisée de données n'est aucunement efficace.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Le Conseil constitutionnel a censuré « l'exception hertzienne », principe qui permettait la surveillance des communications par voie hertzienne. Sa décision prenant effet le 31 décembre 2017, il fallait combler ce vide juridique. Cet article reprend toutes les recommandations. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Même avis.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°61 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Barbier, Bertrand et Collombat et Mme Jouve.
Alinéa 10, première phrase
Après la référence :
L. 811-3,
insérer les mots :
à l'exception de la prévention de la délinquance organisée
Mme Mireille Jouve. - Cet amendement supprime du champ des interceptions de correspondances par voie hertzienne la prévention de la délinquance organisée.
M. Michel Mercier, rapporteur. - La restriction de l'amendement est beaucoup trop sévère. Avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Le régime hertzien léger est résiduel : émissions de radios que n'importe qui peut capter. On peut faire une analogie avec le régime de captation des paroles. L'amendement ne concerne pas le réseau hertzien privé qui, lui, est privatif. Avis défavorable.
Mme Mireille Jouve. - Nous n'excluons que la prévention de la délinquance organisée, c'est tout !
M. Alain Richard. - Dans certaines régions du monde, la délinquance organisée est un danger aussi grave pour la sécurité et la souveraineté nationales que le terrorisme ; je pense à la piraterie et l'industrie de l'enlèvement, auxquelles notre pays est très vulnérable.
L'amendement n°61 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°75, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 14 et 15
Rédiger ainsi ces alinéas :
« À ce titre, elle est informée du champ et de la nature des mesures prises en application de l'article L. 854-9-1 et peut, à sa demande, se faire présenter sur place les capacités d'interception mises en oeuvre sur le fondement de cet article.
« La commission peut également solliciter du Premier ministre tous les éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission, y compris, à seule fin de s'assurer du respect des champs d'application mentionnés au premier alinéa, la communication des renseignements collectés et les transcriptions et extractions réalisées, et adresser à tout moment au Premier ministre, ainsi qu'à la délégation parlementaire au renseignement, les recommandations et les observations qu'elle juge nécessaires au titre du contrôle qu'elle exerce sur l'application du présent chapitre. » ;
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Cet amendement rétablit les modalités du contrôle assuré par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) sur les mesures de surveillance des communications hertziennes ouvertes mises en oeuvre par les services de renseignement : un régime de surveillance des communications hertziennes « privatives » - car assimilables à des communications échangées à titre confidentiel ou privé, exemples : talkies walkies numériques, le wifi non connecté à Internet, le bluetooth, etc...- qui constituera une nouvelle technique de renseignement et qui sera assorti de toutes les garanties prévues par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement en termes d'encadrement légal et notamment de prérogatives de contrôle reconnues à la CNCTR ; un régime hertzien allégé, résiduel, pour la surveillance des communications hertziennes ouvertes, c'est-à-dire des communications échangées sur un espace public et pouvant être interceptées par toute antenne placée sur leur « chemin », la CB par exemple.
Il est essentiel que la différence entre ces deux régimes hertziens soit bien marquée : pour le hertzien privatif, la CNCTR doit disposer de toutes les prérogatives de droit commun applicables aux techniques de renseignement ; pour le hertzien ouvert accessible aux services de renseignement, il faut qu'elle puisse s'assurer que le nouveau régime hertzien ouvert n'empiète pas sur le champ des techniques de renseignement : il lui suffit d'avoir accès aux capacités d'interception car elles sont spécifiques aux communications hertziennes ouvertes et permettent donc de vérifier qu'elles ne peuvent servir à d'autres utilisations. Le Gouvernement a cependant admis que la commission puisse aussi ponctuellement demander au Premier ministre un accès aux renseignements collectés pour s'assurer de cette absence de dévoiement.
M. Michel Mercier, rapporteur. - La commission des lois s'est placée d'un autre point de vue : elle a simplifié le dispositif en supprimant la saisine initiale du Premier ministre. Avis défavorable.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - De quoi s'agit-il ? Le spectre hertzien, c'est l'ensemble des fréquences. Dans la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016, à aucun moment, il n'est fait état d'un saucissonnage de ce spectre. La CNCTR rend un avis sur les demandes de mise sous surveillance ; elle contrôle l'utilisation des moyens de surveillance. Nous sommes dans ce cas ; elle a enfin un rôle juridictionnel puisqu'elle est saisie du contentieux de la légalité des autorisations de recourir à ces techniques. Rien ne lui interdit de faire ces contrôles sans faire appel au Gouvernement. Je ne voterai donc pas l'amendement du Gouvernement.
M. Alain Richard. - Il s'agit tout de même de l'outil principal du contre-espionnage français. Le rôle de la CNCTR est honorable. Mais entre-t-il dans ses attributions d'être le moniteur du contre-espionnage français. Le souhaite-t-elle seulement ?
L'exécutif de ce pays, on peut le penser, est capable d'encadrer les actions. Le Conseil constitutionnel n'a pas émis d'autres exigences. Aller au-delà n'est pas conforme aux intérêts de notre pays.
M. Jean-Yves Leconte. - Si nous en sommes là, c'est qu'il y a eu une question prioritaire de constitutionnalité. La CNCTR connaît la situation de l'État, elle ne fait pas n'importe quoi.
L'amendement n°75 n'est pas adopté.
M. Alain Richard. - Bravo, le sens de l'État !
M. le président. - Amendement n°63 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la commission constate une atteinte grave et répétée aux champs d'application lors des interceptions opérées, elle peut ordonner la suspension de la collecte de renseignements par cette voie. » ;
Mme Françoise Laborde. - Cet amendement de repli donne à la CNCTR le droit de suspendre une surveillance.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement n°63 rectifié est retiré.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Boutant, au nom de la commission des affaires étrangères.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° du I de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les observations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement lui adresse en application de l'article L. 854-9-3 du même code. »
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - Cet amendement de coordination tire les conséquences de l'adoption de l'article 8 du projet de loi en transposant une de ses dispositions dans l'article de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative à la délégation parlementaire au renseignement.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Merci, monsieur Boutant, pour avoir accepté une rectification. Avis favorable.
L'amendement n°1 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Je vous propose de prolonger notre séance au-delà de minuit pour achever l'examen du texte. (Marques d'approbation)
Il en est ainsi décidé.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Évelyne Rivollier. - Défendu.
L'amendement n°11, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Boutant, au nom de la commission des affaires étrangères.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
mises en oeuvre sur le fondement du présent article
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
prises en application du présent article. Elle peut également se faire présenter sur place les capacités d'interception mises en oeuvre et, à la seule fin de s'assurer du respect du champ d'application mentionné au premier alinéa, les renseignements collectés et les transcriptions et extractions réalisées.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - Cet amendement complète le pouvoir de contrôle de la CNCTR, qui doit pouvoir se faire présenter par les militaires les capacités d'interception mises en oeuvre. La totalité du spectre hertzien ferait ainsi l'objet d'un contrôle.
Intelligence Security Committee au Royaume-Uni, Select Committee on Intelligence au Sénat américain... Rien n'échappe au contrôle parlementaire chez nos voisins.
Nous nous piquons de défendre les libertés individuelles. Au nom de quoi refuser cet amendement qui répond à l'injonction du Conseil constitutionnel de mettre fin à l'exception hertzienne ? J'en appelle à votre sens des responsabilités et à votre attachement à la défense des libertés individuelles, qui se sont exprimés lors de la loi Renseignement. (On approuve sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain.)
M. Michel Mercier, rapporteur. - Amendement tout sauf anodin, qui étend le pouvoir de contrôle de la CNCTR sur les forces armées. Nous touchons là au fondement même de l'État. Avant de prendre position, la commission a souhaité entendre l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Alain Richard a attiré notre attention tout à l'heure sur les difficultés de contrôle de la CNCTR. Il s'agit ici de notre capacité à garder le secret-défense. Il appartient à nos forces armées d'écouter les transmissions radio entre deux avions dans notre espace aérien, ou les communications radio d'une embarcation trop proche d'un point de sortie d'un de nos sous-marins, sans avoir à avertir en temps réel la CNCTR. Ce serait saper tout ce qui fait la force de la défense française !
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - La commission des affaires étrangères a voté cet amendement sous l'effet de l'euphorie qui a suivi l'élection de son nouveau président (sourires) ; après avoir entendu les explications du Gouvernement, elle revient sur sa position.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - C'est difficile à comprendre : la commission avait accepté cet amendement à une large majorité... Il ne s'agit pas d'un contrôle en temps réel mais a posteriori ; pas d'écouter ce qui a été intercepté, mais de s'assurer que les techniques de renseignement sont utilisées à bon escient. Si l'on ne met pas fin à l'exception hertzienne, on risque une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité...
M. Alain Richard. - Il existe certes au Royaume-Uni ou aux États-Unis des instances parlementaires chargées d'observer a posteriori l'activité des services, mais il serait audacieux de prétendre qu'elles se livrent à une vérification ponctuelle des interventions : elles s'en tiennent à un dialogue global avec les directeurs des services.
Nous avons regardé de près les conditions posées par le Conseil constitutionnel : il serait tout à fait surprenant qu'en cas de nouvelle saisine, il prive l'État de ses prérogatives de souveraineté nationale.
M. Jacques Bigot. - Ce débat montre que notre démocratie a un problème dans l'organisation du contrôle de son administration. C'est un signe plutôt inquiétant, à l'heure où nous luttons contre des ennemis intérieurs et extérieurs.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
L'amendement n°32 n'est pas défendu.
ARTICLE 10
M. Jean-Yves Leconte . - Cet article n'a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme : c'est l'article « Vintimille », qui traduit l'évolution dans l'interprétation de Schengen. À force de cercles de 20 kilomètres autour de gares, on finira par faire des contrôles aux frontières sur tout le territoire !
La police aux frontières n'a pas les moyens de réaliser les contrôles nécessaires. Concentrons-nous plutôt sur les contrôles efficaces, aux aéroports, et tâchons de les réaliser dans de bonnes conditions - les heures d'attente sont insupportables et conduisent à des stratégies d'évitement. Cela n'est pas bon pour les policiers, sans parler de l'attractivité de notre pays.
M. Marc Laménie . - Les dispositions de cet article visent à faire évoluer positivement le code de sécurité intérieure et le code des douanes. Sénateur des Ardennes, je connais les points frontières qui émaillent les routes dans les zones frontalières. Malheureusement, certains terroristes ont quand même pu passer la frontière belge... Ce n'est pas simple !
Nous sommes tous convaincus de l'importance de nos forces de sécurité intérieure, police, gendarmerie ou douanes. Le renforcement des contrôles, y compris dans les trains, est bienvenu : il faut tout mettre en oeuvre dans la lutte contre le terrorisme.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - L'article 10 élargit les possibilités de contrôle dans les zones frontalières intérieures et extérieures, y compris autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et porte de six à douze heures la durée pendant laquelle les contrôles des titres de séjour pourront être effectués. Ces mesures sont disproportionnées, quand on sait comment se déroulent les contrôles... Elles abîment encore un peu l'image de notre pays, sans être efficaces pour autant. Les réseaux terroristes n'empruntent pas les chemins balisés par l'État : ils les contournent en usant de faux papiers, sans compter que les terroristes sont le plus souvent des citoyens des pays qu'ils visent ! Abordons la lutte contre le terrorisme sous un autre prisme que le tout sécuritaire...
M. le président. - Amendement identique n°30, présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux.
Mme Esther Benbassa. - Nous craignons, à l'instar du Défenseur des droits dans son avis du 7 juillet 2017, que de tels contrôles soient effectués de manière discriminatoire et en vue de contrôler la régularité du séjour des personnes contrôlées.
Il est cocasse de voir le Sénat, qui a voté tous les textes sécuritaires récents, se poser en défenseur des libertés fondamentales... La commission a rendu le texte plus acceptable, le Gouvernement dépose des amendements pour rétablir son texte, amendements que la commission propose de sous-amender... Quand sortirons-nous de la posture politicienne pour débattre du droit de demain et des générations qui viennent ? Probablement jamais !
Aucune loi ne garantira un risque zéro. N'en déplaise au ministre, ne pas voter ce texte ne rend en rien responsable de la survenance d'un attentat. En revanche, votre responsabilité, monsieur le ministre, dans l'affaiblissement de notre État de droit est immense.
M. le président. - Amendement identique n°52 rectifié, présenté par MM. Guérini, Barbier, Bertrand et Castelli, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall.
Mme Françoise Laborde. - La lutte contre les infractions frontalières mériterait un débat spécifique. Quel lien entre cet article et le présent projet de loi, monsieur le ministre ?
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avec la fin programmée de l'état d'urgence, il est normal, compte tenu de la menace terroriste et de l'importance de la criminalité transfrontalière, que le Gouvernement renforce les contrôles dans les gares et aérogares. La commission des lois a garanti la proportionnalité de la mesure : avis défavorable.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Avis défavorable. En effet, madame Benbassa, vous ne serez pas responsable si un attentat survient demain, quels que soient les contrôles mis en oeuvre. Moi, si. Souvenons-nous des attentats du 13 novembre, marqués par les allers et venues entre France et Belgique. Il est très important de pouvoir contrôler les entrées sur notre territoire.
Mme Esther Benbassa. - L'état d'urgence n'a pas empêché les attentats : Magnanville, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray, Champs-Élysées... Les plus meurtriers se sont produits sous l'état d'urgence. Le Gouvernement cherche à se couvrir !
M. André Reichardt. - Sénateur d'un département frontalier, je me suis interrogé sur ces dispositions. Compte tenu des améliorations substantielles que la commission des lois a apportées, je les voterai, mais pas de gaieté de coeur. Mon département n'est pas un poste frontière Schengen : des contrôles, fussent-ils aléatoires, dans les gares alsaciennes sont nécessaires pour protéger la population.
Les amendements identiques nos12, 30 et 52 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°76, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 2
Supprimer le mot :
immédiats
II. - Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l'article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, désignés par arrêté en raison de l'importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité, l'identité de toute personne peut être contrôlée, pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. Lorsqu'il existe une section autoroutière commençant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà des limites de cette zone, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
III. - Alinéa 7
Supprimer le mot :
immédiats
IV. - Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Pour la recherche et la prévention des infractions liées à la criminalité transfrontalière, les agents des douanes investis des fonctions de chef de poste ou les fonctionnaires désignés par eux titulaires du grade de contrôleur ou d'un grade supérieur peuvent, dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l'article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, désignés par arrêté en raison de l'importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité, vérifier le respect, par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d'éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé, des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents prévue à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Lorsqu'il existe une section autoroutière commençant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà des limites de cette zone, la vérification peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que la vérification révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Madame Benbassa, sous le régime de l'état d'urgence, dix-sept attentats ont été déjoués en 2016, et sept depuis janvier 2017 : notre action est donc pertinente. Cet amendement rétablit le texte du Gouvernement en élargissant les contrôles d'identités au-delà des seuls abords immédiats.
M. le président. - Sous-amendement n°84 à l'amendement n° 76 du Gouvernement, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.
Amendement n° 76, alinéas 6 et 12
Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :
Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas douze heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones mentionnées au même alinéa.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement du Gouvernement sous réserve de ce sous-amendement qui précise que les contrôles d'identité effectués dans une zone de vingt kilomètres autour des points de passage frontaliers ne pourront avoir un caractère systématique et fixe à douze heures la durée maximale des contrôles.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Favorable.
Le sous-amendement n°84 est adopté.
L'amendement n°76, ainsi sous-amendé, est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
L'article 11 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°14, présenté par MM. Fouché, G. Bailly, Bonhomme, Milon, B. Fournier, Bouchet, César, Lefèvre, Vasselle, Revet, Calvet, Chatillon et Laménie.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 2 de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs est ainsi modifié :
1° Au II, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux » ;
2° Au III, les mots : « de sa mise en oeuvre dans les deux ans suivant son entrée en vigueur » sont remplacés par les mots : « , à l'issue d'un délai d'un an de mise en oeuvre ».
M. Alain Fouché. - Cet amendement réduit le temps d'expérimentation des caméras piéton portées par les agents des services de sécurité de la SNCF et de la RATP. Le rapport que j'ai signé avec M. Bonhomme a permis d'améliorer la loi Savary et le dispositif s'est révélé concluant. Il le sera donc forcément sur le domaine public ferroviaire. Une expérience a été lancée ; la CNIL donnera son autorisation en septembre. Si l'expérimentation n'était pas convaincante, elle ne serait pas étendue ! N'attendons pas une année de plus pour généraliser un dispositif utile pour la sécurité de nos gares.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous n'en sommes qu'aux prémices de l'expérimentation qui a commencé au 1er janvier 2017. Je ne suis pas arc-bouté sur les trois ans, mais encore faudrait-il que le Gouvernement soit en mesure de nous fournir un rapport dès mi-2018... Il faut prendre le temps de l'expérimentation pour qu'elle soit un mode valable de décision moderne.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Sur le principe, nous sommes d'accord, mais la SNCF dit ne pas être en mesure de lancer la phase opérationnelle de l'expérimentation avant début 2018. Or un an d'expérimentation seulement, c'est insuffisant pour se prononcer.
En tant que rapporteur de la loi du 22 mars 2016, M. Fouché a tracé le chemin à suivre ; ce que nous faisons, mais sans brûler les étapes.
M. Alain Fouché. - Ce dispositif fonctionne bien dans la police et la gendarmerie. Contrairement aux portiques installés gare du Nord, aussi inutiles que coûteux, il est dissuasif, accepté par les passagers, rapide et concret : pourquoi ne pas réduire le délai à deux ans ? Il s'agit de déjouer des attentats, de sauver des vies ! Monsieur le ministre, ne pouvez-vous vous engager plus avant ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Nous ignorons si l'expérimentation peut être conduite dans un laps de temps aussi court. Preuve que nous vous suivons : le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur votre prochain amendement.
M. Alain Fouché. - Soit, je le retire.
L'amendement n°14 est retiré.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par MM. Fouché, D. Bailly, Bonhomme, Milon, B. Fournier, Bouchet, César, Lefèvre, Vasselle, Revet, Calvet, Chatillon et Laménie.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 2251-4-1 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen des caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service interne de sécurité concerné. »
M. Alain Fouché. - Cet amendement autorise les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP à transmettre en temps réel les images captées par leurs caméras individuelles lorsque qu'ils sont confrontés à une situation nécessitant l'appui de leur poste de commandement. Celui-ci pourrait ainsi conseiller les agents sur le terrain quant à la manière de gérer le conflit et ainsi protéger leur sécurité.
M. Michel Mercier, rapporteur. - Sagesse, puisque nous avons déjà l'avis du Gouvernement...
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Sagesse, donc.
L'amendement n°15 est adopté, et devient un article additionnel.
Explications de vote
M. Jacques Bigot . - Nous quittons l'état d'urgence mais en conservant ce qui est important, disait le Gouvernement. Ce n'est pas exact ; en amendant les articles 3 et 4, la commission a fixé un terme au 31 décembre 2021. On maintient donc l'état d'urgence sans l'état d'urgence, l'état d'exception dans le droit commun... Ce n'est pas crédible !
Nous n'avons cessé, au cours du précédent quinquennat, de renforcer notre arsenal pénal ; il est désormais possible de sanctionner lourdement ceux qui envisageraient des actes terroristes. Les articles 3 et 4 sont de pur affichage, et risquent en outre d'être contraires à la Convention européenne des droits de l'homme, voire à la Constitution. Malgré l'intérêt de certains articles, nous ne pouvons voter ce texte.
Mme Esther Benbassa . - À Versailles, avec son lyrisme habituel, le président Macron déclarait : « Le code pénal tel qu'il est, les pouvoirs des magistrats tels qu'ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, nous permettre d'anéantir nos adversaires. » Propos raisonnables, rassurants. Le contenu de ce texte ne l'est hélas pas. Le Parlement a voté sans sourciller la sixième prorogation de l'état d'urgence : ce sera la dernière, promis.
J'ai cru que M. Macron était un libéral à l'américaine : en matière économique mais aussi sociale et sociétale. Je me suis trompée : il n'est libéral qu'économiquement. Ce projet de loi bafoue les libertés individuelles et les fragiles équilibres de l'État de droit. La société qu'on nous propose n'est pas une start-up mais une société du soupçon permanent où préfets et ministre de l'intérieur remplacent les juges. Une fois la loi promulguée, nul besoin de l'état d'urgence : ce sera notre droit commun.
Mme Éliane Assassi . - Nous voterons contre ce texte qui nous inquiète. Aucun des arguments du rapporteur ou du Gouvernement ne nous ont convaincus, en particulier sur les articles 3 et 4. Introduire dans le droit commun des dispositions issues de l'état d'urgence, c'est le contaminer, l'intoxiquer ; et c'est mettre à mal nos libertés fondamentales.
M. Alain Fouché. - C'est la guerre !
Mme Éliane Assassi. - Notre groupe votera unanimement contre.
M. François-Noël Buffet . - La France ne pouvait rester éternellement sous le régime de l'état d'urgence, elle ne pouvait non plus se démunir dans la lutte contre le fléau du terrorisme. Je salue le travail du rapporteur et du président de la commission : en modifiant le texte pour y réintroduire les garanties nécessaires, le Sénat a joué son rôle de gardien des libertés individuelles et publiques. Le texte final est équilibré, la date butoir apporte une sécurité supplémentaire. Le groupe Les Républicains votera ce texte sans difficultés.
À la demande de la commission des lois, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°123 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 229 |
Contre | 106 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Merci d'avoir adopté ce texte, merci pour la méthode avec laquelle nous avons travaillé, dans un souci d'écoute des préoccupations des uns et des autres. C'est de bon augure pour l'avenir, car nous aurons encore à travailler ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche, Union centriste et Les Républicains, ainsi que sur le banc de la commission)
Prochaine séance, jeudi 20 juillet 2017, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit quarante.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du jeudi 20 juillet 2017
Séance publique
À 9 h 30
Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président
1. Examen d'une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il lui confère, pour une durée de quatre mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour le suivi de la loi n°2017-1154 du 11 juillet 2017 prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.
2. Six conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié.
3. Projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense (procédure accélérée) (n°550, 2016-2017).
Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n°631, 2016-2017).
Texte de la commission (n°632, 2016-2017).
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président
4. Questions d'actualité au Gouvernement.
À 16 h 15
Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente
5. Débat sur l'orientation des finances publiques et projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016 (n°643, 2016-2017).
6. Projet de loi autorisant la ratification de l'avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu (n°491, 2016-2017).
Rapport de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n°622, 2016-2017).
Texte de la commission (n°623, 2016-2017).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°122 sur l'amendement n°6, présenté par Mme Éliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°23 rectifié, présenté par M. Jacques Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain et l'amendement n°28, présenté par Mmes Esther Benbassa et Corinne Bouchoux, tendant à supprimer l'article 3 du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 337
Suffrages exprimés : 335
Pour : 106
Contre : 229
Le Sénat n'a pas adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (142)
Contre : 140
Abstention : 1 - M. Claude Malhuret
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe socialiste et républicain (86)
Pour : 85
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Luc Carvounas
Groupe Union centriste (43)
Pour : 1 - Mme Nathalie Goulet
Contre : 41
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault
Groupe La République en marche (30)
Contre : 29
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean-Baptiste Lemoyne
Groupe communiste républicain et citoyen (18)
Pour : 18
Groupe du RDSE (16)
Contre : 16
Sénateurs non inscrits (12)
Pour : 2 - Mme Esther Benbassa, M. Jean Desessard
Contre : 3
Abstention : 1 - M. David Rachline
N'ont pas pris part au vote : 6 - Mmes Aline Archimbaud, Corinne Bouchoux, MM. Ronan Dantec, Joël Labbé, Robert Navarro, Stéphane Ravier
Scrutin n°123 sur l'ensemble du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 336
Suffrages exprimés : 335
Pour : 229
Contre : 106
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (142)
Pour : 141
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe socialiste et républicain (86)
Contre : 85
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Luc Carvounas
Groupe Union centriste (43)
Pour : 42
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Jacqueline Gourault
Groupe La République en marche (30)
Pour : 29
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean-Baptiste Lemoyne
Groupe communiste républicain et citoyen (18)
Contre : 18
Groupe du RDSE (16)
Pour : 14
Contre : 1 - M. Pierre-Yves Collombat
Abstention : 1 - M. Gilbert Barbier
Sénateurs non inscrits (12)
Pour : 3
Contre : 2 - Mmes Aline Archimbaud, Esther Benbassa
N'ont pas pris part au vote : 7 - Mme Corinne Bouchoux, MM. Ronan Dantec, Jean Desessard, Joël Labbé, Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier