Rétablir la confiance dans l'action publique (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - Comme vous le savez, la Conférence des présidents a décidé que nous siégerions jusqu'à 16 heures, à la demande notamment de M. le président Guillaume. Le président du Sénat a envisagé, avec le Gouvernement, la possibilité de siéger lundi.
Trois orateurs ont demandé à prendre la parole sur l'article 9 et Mme la garde des sceaux souhaite répondre. Nous aurons ensuite vingt-deux amendements à examiner sur l'article, puis dix autres, deux orateurs inscrits à entendre et les explications de vote. Nous ne pourrons terminer à 16 heures que si les orateurs s'efforcent d'être concis.
Discussion des articles du projet de loi organique (Suite)
ARTICLE 9 (Suite)
Mme Françoise Gatel . - Comme d'autres, je veux insister sur la transparence de la réserve parlementaire que le Gouvernement veut faire disparaître. Je ne voudrais pas qu'il survienne un « accident de jour » comme il s'est produit « un accident de nuit » à propos des emplois familiaux. Disant cela, je m'adresse à Mme la garde des sceaux car la transparence étant devenue religion d'État, je m'étonne qu'elle ne soit pas appliquée à la réserve ministérielle, sinon a posteriori.
Mme Catherine Génisson . - La répartition de la réserve parlementaire au Sénat est claire et transparente. Dans le Pas-de-Calais, qui compte plus de 700 communes rurales, nous la répartissons de façon égalitaire et transpartisane entre les projets qui peuvent, par exemple, constituer en l'installation d'un défibrillateur dans un équipement collectif.
Si l'amendement que porte le groupe socialiste et républicain n'est pas adopté, nous soutiendrons la rédaction de la commission des lois.
M. Marc Laménie . - Modestement, je veux également défendre la réserve parlementaire. Elle représente 0,035 % du budget de l'État ; en 2016, le Sénat a réparti 53 millions d'euros. C'est un soutien indispensable aux petites communes qui, reconnaissons-le, ont peu de moyens financiers.
Dans les Ardennes, nous privilégions les petits projets qui ne peuvent pas trouver de financement ailleurs, pour des aides comprises entre 1 000 et 10 000 euros. La DETR, elle, est à la discrétion des préfets et des sous-préfets ; nous aurions beaucoup à dire sur sa répartition. Vive la réserve parlementaire !
M. Yannick Botrel . - La réserve parlementaire fait l'objet de deux critiques, à commencer par le clientélisme. C'est un procès d'intention : un affront pour les parlementaires et, plus encore, pour les élus locaux dont on suppose qu'ils se laisseraient conquérir ainsi par les parlementaires.
Trois sénateurs représentent les Côtes-d'Armor : un du groupe communiste républicain et citoyen, un du groupe Les Républicains et moi, personne n'est parfait (Sourires), qui suis du groupe socialiste et républicain. La pluralité est respectée, nous nous entendons pour répartir les fonds.
La DETR, dans mon département, est passée de 9 à 14 millions d'euros de 2014 à 2015. Les grands projets sont mieux soutenus qu'autrefois grâce au gouvernement précédent, mais les petits projets des petites communes ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - La suppression de la réserve parlementaire dans ce projet de loi est un peu démagogique. Comme l'a fait remarquer le Conseil d'État, il aurait suffi au Gouvernement de ne pas l'abonder lors de la prochaine loi de finances ! (Mme Catherine Procaccia renchérit.) À cause de l'article 40 de la Constitution, le seul amendement que nous pouvons proposer est sa suppression pure et simple. Ce n'est guère ainsi qu'on bâtira une relation constructive entre le Parlement et le Gouvernement. Les fonds de la réserve parlementaire servent, non seulement pour financer des projets dans les petites et très petites communes mais aussi, ce qui a été oublié dans la rédaction de la commission, l'accès à l'enseignement et l'aide sociale des Français de l'étranger. Mme la garde des sceaux a pris des engagements, quoique flous, sur les territoires ; en revanche, c'est le grand silence sur les Français de l'étranger. Ne les oublions pas, ce sont les principaux acteurs du rayonnement de la France à l'étranger, y compris économique !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . - Le projet du Gouvernement ne constitue en aucun cas un acte de défiance ou une preuve d'antiparlementarisme. De par l'article 24 de la Constitution, le Parlement vote la loi, contrôle le Gouvernement, évalue les politiques publiques - lesquelles doivent être conduites par les exécutifs nationaux et locaux, selon un budget voté par vous.
La réserve parlementaire brouillait ces lignes constitutionnelles.
M. Jean-Pierre Sueur. - Et cela durerait depuis un demi-siècle ?
M. Daniel Gremillet. - N'importe quoi !
M. Alain Gournac. - Si c'était vrai, ça se saurait !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Madame la ministre, vous n'y croyez pas...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - J'expose une autre position que la vôtre. J'ai entendu vos protestations et, parce que je sais faire la part entre la Constitution et vos préoccupations, je veux renouveler les engagements que j'ai pris devant vous. Le montant attribué aux collectivités locales, 86 millions d'euros, sera réorienté vers des instruments existants qui financent les territoires...
M. Jackie Pierre. - Recentralisation !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - ...comme la DETR. (Protestations sur les bancs des groupes socialiste et républicain et Les Républicains)
M. Daniel Gremillet. - Ce n'est pas du tout la même chose !
Mme Éliane Assassi. - Laissez donc la ministre s'exprimer !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Des amendements ont été proposés pour renforcer la présence des parlementaires dans les commissions d'attribution. Nous pouvons y travailler.
Autre piste, celle proposée par la commission des lois, très intéressante, mais qui ne rompt pas avec la pratique actuelle - c'est un euphémisme - tout en garantissant des garanties procédurales et de publicité. Aujourd'hui, la réserve parlementaire est un non-dit budgétaire et juridique. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Sueur. - Mais non, elle est dans le budget !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - La rédaction de la commission des lois vise les territoires. Et les associations ? Et les Français de l'étranger ? Sans doute faudrait-il aussi préciser la finalité des projets qui pourront être ainsi financés ; par exemple, l'accessibilité des lieux et des services publics.
Votre commission des lois a ouvert une piste sur la base de laquelle le travail pourra se poursuivre à l'Assemblée nationale.
M. Philippe Bas, rapporteur . - Je veux préciser, à nos collègues qui ont déposé des amendements de suppression, que leur proposition conduira, non pas à recréer la réserve parlementaire, mais à rétablir le non-droit actuel. Il suffira au Gouvernement de ne pas abonder la réserve.
M. Jean-Pierre Sueur. - Exact !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Supprimer l'article réécrit par la commission des lois nous mettrait en état de faiblesse ; le texte arriverait neutre à l'Assemblée nationale. Pour nouer le dialogue avec elle, je vous supplie de retirer vos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, Union centriste ; M. Jean-Jacques Filleul applaudit également.)
L'amendement n°17 rectifié bis n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°30.
Les amendements nos36 rectifié, 41 et 68 rectifié sont retirés.
L'amendement n°80 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°71, présenté par le Gouvernement.
I. - Rédiger ainsi cet article :
I. - Il est mis fin à la pratique de la « réserve parlementaire », consistant en l'ouverture de crédits en loi de finances par l'adoption d'amendements du Gouvernement reprenant des propositions de membres du Parlement en vue du financement d'opérations déterminées.
II. - Le 9° de l'article 54 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est abrogé.
II. - En conséquence, Chapitre III
Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :
Dispositions supprimant la réserve parlementaire
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je vous ai indiqué l'ouverture d'esprit dont je comptais faire preuve.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Labbé, Mme Benbassa, M. Tourenne, Mme Yonnet, MM. Labazée et Carcenac, Mmes Jourda et Monier, M. Desessard, Mmes Archimbaud et Bouchoux et M. Dantec.
Rédiger ainsi cet article :
I. - À compter du 1er janvier 2018, la pratique de la « réserve parlementaire », consistant en l'ouverture de crédits en loi de finances par l'adoption d'amendements du Gouvernement reprenant des propositions de membres du Parlement en vue du financement d'opérations déterminées, est subordonnée aux conditions prévues au présent article.
II. - Ne peuvent être proposés par les membres du Parlement que les projets sélectionnés par un jury indépendant. Ce jury est composé de représentants d'élus locaux et de l'État, de parlementaires, et de personnalités issues de la société civile, renouvelés chaque année.
Les demandes de subvention sont déposées par les communes et les associations.
La liste des projets sélectionnés est publiée avant le 1er septembre.
Les membres du jury s'abstiennent de participer aux délibérations portant sur des projets susceptibles de les placer en situation de conflits d'intérêts.
III. - Le quatrième alinéa du 9° de l'article 54 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par les mots : « parmi les projets sélectionnés par un jury indépendant ».
M. Henri Cabanel. - Les territoires ont besoin de cette réserve parlementaire ; je propose qu'elle soit attribuée par un jury d'élus et de citoyens pour lever tout soupçon de clientélisme.
Un exemple concret : vendredi dernier, j'ai assisté à l'inauguration d'une place dans une commune de 276 habitants. Elle a coûté 66 000 euros. Grâce à la réserve parlementaire, qui représentait 20 % du total, le projet a pu être financé et réalisé.
L'amendement n°83 rectifié ter n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°84 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand, Castelli, Collin et Collombat, Mmes Costes et Jouve et M. Requier.
Rédiger ainsi cet article :
La dotation d'action parlementaire est réservée au soutien à l'investissement financier des communes de moins de 5 000 habitants et de leurs groupements.
M. Pierre-Yves Collombat. - Cet amendement rétablit la réserve parlementaire en la réservant aux communes.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Également.
M. Pierre-Yves Collombat. - Soit, je le retire. Madame la ministre, il est écrit dans la Constitution que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Dans la réalité, il la conduit mais ne la détermine pas : c'est le président de la République qui la fixe ! Alors l'argument constitutionnel... Quant aux fonds de la réserve parlementaire, on sait très bien ce qu'il se passera : intégration dans la DETR puis disparition. De la grande médecine !
M. Philippe Bas, rapporteur. - D'un geste, ils s'évaporeront !
L'amendement n°84 rectifié est retiré.
M. René-Paul Savary. - Il existe une véritable inégalité entre métropoles et territoires ruraux. Le Gouvernement propose de donner davantage de pouvoir au préfet.
Mme Colette Mélot. - C'est de la recentralisation.
M. René-Paul Savary. - Comment la DETR est-elle répartie ? Le Gouvernement donne des orientations en laissant aux préfets et sous-préfets le soin de la distribuer. Les maires de mon département le savent bien, s'ils ont besoin d'un financement de moins de 150 000 euros, ils doivent demander un rendez-vous au sous-préfet, sinon ils n'obtiennent rien.
Je ne mets pas en cause leur travail ; mais vous déshabillez les élus au profit de l'administration alors que les charges de fonctionnement s'alourdissent ; une situation qui ne s'améliorera pas avec la fin du cumul des mandats. Le parlementaire deviendra hors-sol, la démocratie n'y gagnera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
L'amendement n°71 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14 rectifié.
Les amendements nos82 rectifié et 81 rectifié sont retirés.
M. le président. - Amendement n°37 rectifié, présenté par Mme Conway-Mouret et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Alinéas 5, 6 et 8
Remplacer les mots :
et de leurs groupements
par les mots :
, de leurs groupements et des organismes de toute nature oeuvrant en faveur du rayonnement de la France à l'étranger
II. - Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
et des organismes de toute nature oeuvrant en faveur du rayonnement de la France à l'étranger
III. - En conséquence, intitulé du chapitre III
Remplacer les mots :
et de leurs groupements
par les mots :
, de leurs groupements et des organismes de toute nature oeuvrant en faveur du rayonnement de la France à l'étranger
Mme Hélène Conway-Mouret. - La réserve parlementaire sert aussi à financer des salles de classe dans les Alliances françaises et les Instituts français, les associations d'entraide et de solidarité au profit des Français de l'étranger. Les consulats, contrairement aux préfectures, ne dispose pas de crédits pour les soutenir.
L'amendement n°52 n'est pas défendu non plus que l'amendement n°11.
L'amendement n°58 est retiré.
L'amendement n°53 rectifié bis n'est pas défendu.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je reprends l'amendement n°53 rectifié bis, qui remplace avantageusement l'amendement n°37 rectifié, dont je demande le retrait.
M. le président. - Ce sera l'amendement n°91, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... - Le présent article est applicable aux projets que les députés et sénateurs proposent pour répondre aux besoins d'investissement des établissements français d'enseignement à l'étranger et des organismes publics et privés qui concourent aux actions de soutien et d'accompagnement aux Français établis hors de France en matière scolaire, de bienfaisance et de solidarité, et en matière de développement culturel, ainsi que de développement économique de la France. »
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable.
L'amendement n°37 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°91 est adopté.
M. le président. - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par M. Delcros, Mme Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Capo-Canellas et Détraigne, Mme Doineau et MM. Gabouty, L. Hervé et Maurey.
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Ils ne présentent pas un caractère permanent ;
M. Bernard Delcros. - Ce débat a installé dans le public une fausse idée de la réserve parlementaire. En réalité, c'est une subvention de l'État aux communes. Je suis favorable à la solution de la commission des lois qui la conserve en l'encadrant.
Madame la ministre, avez-vous un seul argument qui justifie l'abandon de la réserve parlementaire mais le maintien de la réserve ministérielle ?
D'autres dépenses que les dépenses exceptionnelles méritent d'être soutenues par la réserve parlementaire : l'achat d'un engin de déneigement, par exemple.
M. Philippe Bas, rapporteur. - C'est juste.
M. le président. - Amendement identique n°39 rectifié bis, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Pierre Sueur. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°54 rectifié quinquies, présenté par M. Chasseing, Mme Garriaud-Maylam, MM. Paul, Houpert, Doligé, Chatillon, Commeinhes, D. Laurent et Nougein, Mme Micouleau, MM. Kennel et Reichardt, Mmes Imbert et F. Gerbaud et MM. J.P. Fournier, Fouché, Mandelli et Danesi.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Défendu.
Les amendements identiques nos26 rectifié bis, 39 rectifié bis et 54 rectifié quinquies, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement, sont adoptés.
L'amendement n°45 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°76 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Chasseing, Reichardt et Fouché.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le bureau de chaque assemblée s'assure d'une représentation territoriale équitable en amont de la répartition de la dotation de soutien à l'investissement des communes. À cette fin, il détermine et rend publiques les modalités selon lesquelles les projets proposés par les députés et les sénateurs, dès lors qu'ils répondent aux critères cumulatifs d'éligibilité définis au I de l'article 11-1 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, sont retenus dans la liste des projets ayant vocation à être soutenus et soumis au Gouvernement.
M. Daniel Gremillet. - Cet amendement précise la solution de la commission des lois dans laquelle je me retrouve.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Ne mettons pas cela dans la loi, pour préserver l'autonomie de notre assemblée. Retrait ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable.
L'amendement n°76 rectifié est retiré.
L'article 9, modifié, est adopté.
ARTICLE 9 BIS
Mme Éliane Assassi . - La réserve ministérielle doit au moins être soumise à des règles de transparence accrue. Ce n'était pas le cas dans le projet du Gouvernement.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mme Férat, MM. Fouché et Commeinhes, Mme Imbert, MM. Longeot, Delcros, Laurey et Médevielle et Mme Joissains.
Rédiger ainsi cet article :
Il est mis fin à la pratique de la « réserve ministérielle » consistant en l'ouverture de crédits en loi de finances par l'adoption d'amendements du Gouvernement.
M. Bernard Delcros. - Ou bien on estime que la réserve parlementaire peut être maintenue, et je salue l'esprit d'ouverture de Mme la ministre à cet égard ; ou bien on la supprime, et il faut aussi supprimer la réserve ministérielle.
M. Alain Gournac. - Même système ! (On approuve à droite.)
M. Bernard Delcros. - Que l'on me donne un seul argument pour justifier une différence de traitement !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Faisons pour le Gouvernement ce que nous faisons pour le Parlement : déterminons des garanties de transparence pour la réserve ministérielle, plutôt que de la supprimer. Nous serons ainsi plus forts pour convaincre Mme la ministre de nous suivre. Retrait ?
M. le président. - Mme la ministre, votre avis ? Défavorable par définition ? (Sourires)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Non par définition, mais en vertu d'un raisonnement logique ! Vous vouliez une raison, je vous en donne cinq. La réserve ministérielle sert à financer des investissements exceptionnels des collectivités territoriales. (On s'écrie, à droite, que la réserve parlementaire a le même objet.) Son montant est modeste (Exclamations) : 5 millions d'euros contre 19 millions en 2013. Elle relève de la procédure budgétaire de droit commun...
M. Philippe Bas, rapporteur. - Comme la réserve parlementaire !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Elle est inscrite dans la mission Aide aux collectivités territoriales, au programme 122. Enfin, elle fait l'objet d'une procédure d'instruction claire...
M. Philippe Bas, rapporteur. - Comme la réserve parlementaire !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - ...définie par un décret du 16 décembre 1999.
M. Bernard Delcros. - Sans vouloir polémiquer, vos cinq raisons s'appliquent aussi à la réserve parlementaire, et ne justifient en rien la différence de traitement.
La solution de la commission des lois est équilibrée, et tient compte des débats actuels tout en maintenant un outil de financement important pour les collectivités. Je retire mon amendement, dans un esprit d'ouverture.
L'amendement n°18 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 1
Remplacer les mots :
le ministre de l'intérieur
par les mots :
tout membre du Gouvernement
M. Jean-Yves Leconte. - Défendu.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Sagesse.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable.
Mme Françoise Gatel. - Je salue le travail de la commission des lois qui, tout en conservant un mécanisme de financement des collectivités, rend la procédure plus transparente. Mais, madame la ministre, pourquoi cette religion nationale de la transparence ne s'appliquerait-elle pas à la réserve ministérielle ? Il ne serait pas acceptable que les parlementaires fassent l'objet d'une telle défiance qu'on les traiterait plus mal que des ministres nommés, et non élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
L'amendement n°38 est adopté.
L'article 9 bis, modifié, est adopté.
ARTICLE 9 TER
M. le président. - Amendement n°89 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.
I. - Alinéa 19
Remplacer les références :
L. 120-12 ou L. 220-9
par les références :
L. 120-10 ou L. 220-11
II. - Alinéa 25
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« La Haute Autorité exerce le droit de communication prévu... (le reste sans changement).
M. Philippe Bas, rapporteur. - Amendement de coordination, qui applique les nouvelles modalités du droit de communication exercé par la HATVP aux membres du Conseil supérieur de la magistrature.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable, par cohérence avec ce que je vais vous proposer à l'article suivant.
L'amendement n°89 rectifié est adopté.
L'article 9 ter, modifié, est adopté.
ARTICLE 9 QUATER
M. le président. - Amendement n°72, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. O. 135-3 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « , à l'exception des informations mentionnées au huitième alinéa » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « Ces informations » sont remplacés par les mots : « Les informations demandées à l'administration fiscale » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« L'autorité judiciaire et les juridictions financières peuvent rendre la Haute Autorité destinataire de toute information relative au patrimoine ou aux intérêts d'un député.
« La Haute Autorité peut se faire communiquer tout document ou renseignement utile à l'exercice de sa mission de contrôle, par les établissements ou les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts ainsi que par les entreprises, personnes morales, institutions et organismes mentionnés au I de l'article 1649 ter du même code, sans que ceux-ci puissent lui opposer le secret professionnel.
« Le droit prévu au huitième alinéa s'exerce sur place ou par correspondance, y compris électronique, et quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents. Les agents de la Haute Autorité peuvent prendre copie des documents dont ils ont ainsi connaissance.
« Le refus de communication des documents et renseignements mentionnés au huitième alinéa ou tout comportement faisant obstacle à leur communication entraîne l'application d'une amende de 5 000 euros. Cette amende s'applique pour chaque demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités ne sont pas communiqués. »
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Il a été défendu hier lors du débat de la loi ordinaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable. La position du Sénat doit rester constante dans les deux textes.
L'amendement n°72 n'est pas adopté.
L'article 9 quater est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°79 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste.
Après l'article 9 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 9 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, il est inséré un article 9... ainsi rédigé :
« Art. 9. - Les membres du Conseil économique, social et environnemental adressent personnellement une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts dans les conditions prévues aux articles L.O. 135-1 à L.O. 135-5 du code électoral. »
Mme Françoise Gatel. - Cet amendement a pour objet de soumettre les membres du Conseil économique, social et environnemental aux mêmes obligations déclaratives que les parlementaires.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Compte tenu des compétences du Conseil, je ne crois pas que ses membres soient exposés au moindre risque de corruption... (Rires) Avis favorable à cet amendement qui ne fait de tort à personne.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable, car la composition et le fonctionnement du CESE seront bientôt réformés.
L'amendement n°79 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°73, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
«
Médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques |
Médiateur |
».
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Défendu.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement n°73 n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté, de même que l'article 11.
ARTICLE 12
L'amendement n°9 rectifié bis n'est pas défendu.
L'article 12 est adopté, de même que les articles 13 et 14.
INTITULÉ DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
M. le président. - Amendement n°74, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Défendu.
L'amendement n°69 n'est pas défendu.
L'amendement n°12 est retiré.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°74.
L'amendement n°74 n'est pas adopté.
Explications de vote sur l'ensemble du projet de loi organique
Mme Éliane Assassi . - Ce projet de loi comporte des avancées comme l'encadrement de la réserve parlementaire, la suppression des emplois familiaux, l'amélioration du statut des collaborateurs parlementaires et de l'accès au financement des partis et candidats. Mais des éléments importants manquent pour rétablir la confiance dans la vie publique.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La baisse du chômage !
Mme Éliane Assassi. - Plusieurs de nos amendements, présentant un lien direct avec le texte, ont été déclarés irrecevables. Pourtant, moraliser les rapports entre médias, argent et politique n'a-t-il aucun lien avec le rétablissement de la confiance ? Améliorer la responsabilité des parlementaires grâce au scrutin à la proportionnelle n'a-t-il aucun lien ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - Aucun !
Mme Éliane Assassi. - Mettre fin au ballet indécent des sondages n'a-t-il aucun lien ? Et encore, nous ne nous sommes pas attaqués à la moralisation de l'économie, pour que la puissance publique rappelle à l'ordre le monde de l'argent...
Malgré l'adoption de certains de nos amendements, visant à supprimer le verrou de Bercy, à inclure l'abus de biens sociaux parmi les motifs d'inéligibilité et à ouvrir les concours internes de la fonction publique aux collaborateurs parlementaires, malgré aussi l'intérêt du travail de la commission, nous nous abstiendrons. Ce texte n'est qu'une goutte d'eau dans un océan envahi par l'argent.
M. Joël Labbé . - M. Cabanel et moi-même avons lancé une consultation en ligne sur ces deux textes auprès de nos concitoyens, qui a rencontré un grand succès : 945 citoyens ont fourni 961 contributions et émis 7 882 votes. Il faut absolument que de telles démarches soient approfondies afin que nos concitoyens comprennent notre travail et y contribuent mieux.
Ce texte comporte des améliorations. Je salue le travail de la commission des lois qui a souhaité co-construire avec le Gouvernement. Nous regrettons en revanche que plusieurs de nos amendements aient été déclarés irrecevables comme cavaliers, pour des motifs qui ne tiennent pas.
Je proposerai bientôt la modification du Règlement du Sénat pour supprimer le scrutin public. Le vote électronique serait nominatif, lui aussi. En revanche, ceux qui ne sont pas là ne doivent pas pouvoir voter. C'est une question de transparence. Mon collègue Jean Desessard a été excellent hier, lorsqu'il a rappelé le contenu de l'article 27 de la Constitution.
Nous proposerons aussi un droit d'amendement citoyen, dont nous avons vu, avec M. Cabanel, qu'il était attendu dans la population.
Personnellement, je veux rester positif, et croire que le travail entrepris se poursuivra à l'Assemblée nationale pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.
M. René-Paul Savary . - Mme la ministre nous a répondu avec le sourire, mais ses arguments sont les mêmes que ceux que l'on nous sert depuis des années. Entre le CESE et les ministères d'un côté, et les parlementaires de l'autre, il y a deux poids deux mesures. On aurait pu croire que ce Gouvernement qui se veut révolutionnaire montrerait l'exemple et renoncerait aux vieilles pratiques ! Mais non. J'ai été très déçu par vos arguments sur la réserve ministérielle. Pour rétablir la confiance, il faudra aller dans une autre voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Pierre-Yves Collombat . - Nous vivons dans une République oligarchique régulée par la lapidation médiatique, ce texte en est le produit. Tous les amendements visant à atténuer ce rapport hiérarchique ont été évacués, sous prétexte que là n'est pas l'objet du texte. Précisément ! On désigne des boucs émissaires : les élus. Vous qui êtes si prompts à dénoncer le populisme, que faites-vous donc ici ?
Notre groupe dans sa majorité s'abstiendra, pour tenir compte des avancées, comme on dit en termes progressistes. Pour ma part, je reste résolument hostile à ce texte, car je ne crois pas bon que la République cède à cette pente populiste. Voyez l'étude d'impact : toutes les mesures sont justifiées par l'évocation d'un scandale, petit ou grand. Jamais on ne raisonne en termes d'équilibre des pouvoirs. Est-ce cela gouverner ? Telle n'est pas ma conception. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
M. Jean-Jacques Filleul . - Le groupe La République en marche votera ce texte et se félicite de l'excellent compromis trouvé par la commission des lois et le Gouvernement sur la réserve parlementaire. Veillons à ce que les territoires restent irrigués par le nouveau mécanisme aux mêmes montants, et souhaitons que l'Assemblée nationale nous suive.
M. Marc Laménie . - À mon tour de saluer l'excellent travail de nos commissions des lois et des finances, qui ont su dialoguer et construire. La Haute Assemblée, composée d'élus de la Nation attachés à leur territoire, doit être respectée.
Il y a eu des avancées dans le débat. Les valeurs d'exemplarité, de dévouement, de travail ont guidé nos pas. Restons vigilants afin que les assemblées conservent leur autonomie, et que tout ne dépende pas de la haute administration. C'est important pour le financement des petits projets ruraux.
M. Daniel Gremillet . - Hier soir on nous a expliqué qu'il y avait le nouveau monde et le vieux monde. Pourtant, le ministre qui a signé ce texte n'est déjà plus là. Certains, qui ont fait fi de leur promesse de soutenir le vainqueur des primaires de la gauche, se retrouvent aujourd'hui à des postes de haute responsabilité. Est-ce cela, le nouveau monde ?
Et quand je lis l'intitulé du projet du Gouvernement, j'ai envie de dire qu'il faut rester humble. La confiance ne se décrète pas, elle s'acquiert par le travail, sur le terrain. Une fois ce projet de loi voté, tout sera merveilleux, nous dit-on. Mais il y a déjà de quoi nous émerveiller : le travail accompli chaque jour par les élus !
Grâce au président Bas et à la commission des lois, les lacunes sur les collaborateurs parlementaires ou le soutien à l'action territoriale ont été comblées. Je voterai donc ce texte. Mais encore une fois, restons humbles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit aussi.)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Très bien !
M. René Vandierendonck . - Le groupe socialiste et républicain, lui, a confiance dans notre capacité à jeter les bases d'un accord en commission mixte paritaire. Les propositions faites par le président Bas sont importantes. Ce matin, le ministre Mézard a tiré la sonnette d'alarme sur la situation du monde rural. Les associations d'élus le diront lundi, beaucoup de communes sont exsangues.
Je suis, moi, sénateur d'un département urbain et ne le serai plus en septembre. Avant d'être élu, j'étais plus que réservé sur la réserve parlementaire, en raison de son opacité et de son caractère discriminatoire. Mais le Sénat, tous bords confondus, a entrepris un travail considérable pour améliorer les choses, et je veux remercier tout particulièrement la présidente de la commission des finances. Ne tuons pas le bébé alors qu'il est guéri ! Le Gouvernement devrait plutôt s'inspirer de ces méthodes de transparence à propos de la réserve ministérielle. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Bernard Delcros . - Le groupe Union centriste votera unanimement en faveur du texte issu de nos travaux, qui préserve autant que possible l'intérêt des territoires tout en tenant compte du contexte, et a ainsi acquis la crédibilité nécessaire pour que la navette aboutisse. (Applaudissements au centre et à droite)
Le projet de loi organique, modifié, est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°121 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Pour l'adoption | 300 |
Contre | 2 |
Le Sénat a adopté.
(Nombreux applaudissements, des bancs du groupe socialiste et républicain aux bancs du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . - Je voulais vous remercier pour l'adoption de ce texte et vos observations très utiles. Malgré nos divergences, qu'il convient d'assumer, nous avons avancé ensemble sur de nombreux points. Grâce à la relation remarquable nouée avec votre commission des lois, nous avons trouvé des points d'entente sur des sujets où ce n'était pas certain, comme l'indemnité représentative des frais de mandat. Il nous reste à travailler sur certains points, comme la réserve parlementaire, mais je suis persuadée que grâce à votre concours nous pourrons avancer. (Nombreux applaudissements sur les mêmes bancs)
Secrétaire du Sénat (Nomination)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté la candidature de M. Jean-Paul Émorine pour remplacer, en qualité de secrétaire du Sénat, M. Christian Cambon.
Le délai prévu par l'article 3 du Règlement est expiré. La Présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean-Paul Émorine, Secrétaire du Sénat. (Applaudissements)
Lundi prochain, 17 juillet, le Sénat accueillera la journée de lancement de la Conférence nationale des territoires. À cette occasion, le président du Sénat recevra le président de la République et le Premier ministre. La séance s'ouvrira à 14 h 30 salle Clemenceau par un discours du président du Sénat, suivi d'une intervention du président de la République. Tous les sénateurs sont conviés à cet échange qui se prolongera par des ateliers thématiques.
Prochaine séance, mardi 18 juillet 2017, à 14 h 15.
La séance est levée à 15 h 55.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus