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Table des matières
Rapport de la Cour des comptes
M. Gérard Larcher, président du Sénat
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Rapport de la Cour des comptes
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
Avenir du site Alstom de Belfort
Consultation des Domaines par les collectivités territoriales
Question prioritaire de constitutionnalité
Établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes (Procédure accélérée)
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Michel Forissier, rapporteur
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État
Question prioritaire de constitutionnalité
Ordre du jour du mardi 14 février 2017
SÉANCE
du jeudi 9 février 2017
54e séance de la session ordinaire 2016-2017
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jean-Pierre Leleux.
La séance est ouverte à 11 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Rapport de la Cour des comptes
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des Comptes. (M. le Premier président de la Cour des comptes, accompagné de M. le Rapporteur général de la Cour, prend place dans l'hémicycle)
Monsieur le Premier président, monsieur le Rapporteur général, c'est avec un très grand plaisir que nous vous accueillons pour la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes.
Je connais l'attention que vous portez au Parlement et je tiens à vous remercier personnellement de votre présence parmi nous aujourd'hui ainsi que pour vos fréquentes interventions devant nos commissions.
La Cour des comptes est en effet souvent sollicitée par les commissions permanentes et délégations du Sénat, à commencer, bien sûr, par les commissions des finances et des affaires sociales.
Au cours de l'année 2016, la commission des finances a bénéficié de l'éclairage de la Cour sur des sujets aussi variés que la Journée défense et citoyenneté, l'état et la compétitivité du transport aérien, l'enseignement français à l'étranger, le financement des opérations extérieures de la France, ou encore récemment, l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable.
La commission des affaires sociales a bénéficié de l'expertise de la Cour des comptes sur la prévention des conflits d'intérêts en matière d'expertise sanitaire, ainsi que sur l'adaptation aux besoins des moyens matériels et humains consacrés à l'imagerie médicale.
Ces sollicitations illustrent l'attention que porte le Sénat aux observations, constats et recommandations de la Cour.
La remise du rapport annuel est un moment attendu, pour l'analyse critique qu'elle offre de nos finances publiques. Le nombre de nos collègues présents en témoigne. Elle est d'autant plus attendue en cette année de transition où les options politiques en matière budgétaire et fiscale seront soumises au verdict des urnes.
La situation de nos finances publiques est loin d'être totalement satisfaisante, dans un contexte qui nous pousse à craindre des évolutions budgétaires difficiles.
C'est donc avec le plus grand intérêt et toute notre attention que nous allons à présent vous écouter, monsieur le Premier président.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . - (M. le Premier président remet à M. le président du Sénat un exemplaire du rapport public annuel de la Cour) La présentation du rapport public annuel demeure un rendez-vous incontournable, un point culminant de notre calendrier.
Ce rapport permet aux juridictions financières de rendre compte d'une partie de leurs constats, de leur impact effectif sur l'action publique et de leur activité tout en satisfaisant leur obligation constitutionnelle d'informer les citoyens.
En 2016, le champ de compétences juridictionnelles de la Cour et des chambres régionales des comptes couvrait plus de 17 000 organismes. Les chambres régionales ont publié 612 rapports d'observations définitives, auxquels s'ajoutent les avis de contrôle budgétaire et les jugements et plus de 1 000 travaux ont été conduits par les différentes chambres de la Cour. Certains d'entre eux l'ont été à la demande des commissions des finances et des affaires sociales du Sénat, témoins de la bonne qualité des relations entre la Cour et le Sénat, dont je me réjouis.
Nous en suivons très attentivement les effets en analysant les suites apportées à nos recommandations. Ainsi, 72 % des recommandations émises au cours des trois dernières années ont été au moins partiellement mises en oeuvre, et près de 25 % l'ont été entièrement.
Ces constats mesurent la réalité des efforts des agents publics pour appliquer nos recommandations et le chemin qui reste à parcourir pour améliorer l'efficacité et l'efficience de nos services publics.
Les progrès constatés depuis 2010 dans la situation de nos finances publiques sont réels mais fragiles. Des efforts accrus de maîtrise des dépenses seront nécessaires pour stabiliser puis réduire le niveau de dette et respecter la trajectoire sur laquelle la France s'est engagée, à travers son Gouvernement et son Parlement.
Pour accroître l'efficacité et l'efficience des services publics, la dynamique de modernisation, amorcée dans de nombreux secteurs, demande à être amplifiée et doit concerner tous les domaines de l'action publique.
Enfin, pour accompagner et renforcer cette dynamique, les juridictions financières s'attachent à identifier les freins persistants qui l'entravent et à mettre en valeur les conditions de sa réussite.
Mon premier message concerne la situation de nos finances publiques. À première vue, on pourrait se réjouir et se satisfaire de l'évolution récente de nos grands agrégats financiers. En 2016, le déficit public devrait à nouveau se réduire selon les prévisions du Gouvernement...
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Le solde public s'établirait, pour 2016, à moins 3,3 % du PIB, soit une amélioration de 0,2 point par rapport à 2015.
Les progrès enregistrés demeurent néanmoins fragiles...
Mme Nicole Bricq. - Oui.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - La France est avec l'Espagne, le Portugal et la Grèce, l'un des quatre pays de la zone euro encore en procédure de déficit public excessif.
Au-delà des efforts d'économies engagés, des facteurs indépendants de la volonté des pouvoirs publics ont contribué à une maîtrise accrue de nos dépenses et au respect de la trajectoire : l'évolution à la baisse des taux d'intérêt, à laquelle est due 40 % de la réduction du déficit public intervenue depuis 2011,...
Mme Nicole Bricq. - Merci M. Draghi !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - ... et la baisse de notre contribution au budget européen. Mais le niveau de notre dette publique est toujours préoccupant. À 96 % du PIB, il est supérieur au niveau de dette moyen des États de la zone euro.
L'utilisation d'émissions sur souches anciennes par l'agence France Trésor freine dans un premier temps l'endettement, mais alourdira dans les années à venir la charge de la dette pour l'État.
S'il se stabilise, le niveau de notre dette ne se replie pas - alors que la dette de certains de nos voisins européens, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, a continué de baisser en 2016.
En 2017, selon les prévisions du Gouvernement, l'amélioration de nos comptes devrait s'accentuer sensiblement : si l'objectif de réduction de déficit était de 0,2 point en 2016, celui de 2017 a été fixé à un niveau beaucoup plus ambitieux, à 0,6 point.
Si les juridictions financières appellent à nouveau à la prudence vis-à-vis de ces prévisions, ce n'est pas par pessimisme. C'est parce qu'elles observent que, sans prévisions réalistes, il n'existe pas de choix éclairés. Or les prévisions actuelles ne leur semblent pas assez prudentes.
Elles comportent une évaluation optimiste des recettes publiques, à commencer par une prévision de croissance économique pour 2017 jugée un peu élevée par le Haut Conseil des finances publiques en septembre dernier - après une année 2016 dont la croissance devrait, selon les dernières informations communiquées par l'Insee, être en retrait de 0,2 % par rapport à la prévision gouvernementale. Les prévisions pour 2017 reposent en outre sur l'hypothèse d'une croissance spontanée des prélèvements obligatoires supérieure à ce que dicterait la prudence.
Du côté des dépenses publiques, les prévisions de déficit intègrent une nette accélération, qui s'explique par une progression de plus de 3 % de la masse salariale de l'État en 2017. La Cour estime néanmoins que cette prévision de croissance des dépenses risque d'être sous-estimée, par l'État comme par la sécurité sociale.
En définitive, l'objectif d'un déficit à 2,7 points de PIB en 2017 sera très difficile à atteindre.
Le respect de la trajectoire adoptée par notre pays dans la dernière loi de programmation des finances publiques appellera des efforts supplémentaires en matière de dépenses, d'autant plus exigeants que plusieurs tendances lourdes s'apprêtent à peser : la remontée des taux d'intérêt, en train de se concrétiser ; l'évolution de notre contribution au budget de l'Union européenne qui, selon la Commission, devrait recommencer à s'accroître ; et enfin, le choix souverain de notre pays de renforcer ses efforts en matière de sécurité intérieure et extérieure.
Maîtriser les dépenses publiques ne signifie pas sacrifier la qualité du service public offert aux citoyens.
Au contraire, le rapport public annuel met en évidence des démarches d'amélioration qui reposent sur le souci d'accroître la capacité des organismes publics à répondre aux besoins réels et parfois évolutifs des citoyens, tout en utilisant plus efficacement chaque euro dépensé.
Les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs face au défi de la modernisation nécessaire de l'action publique. Des efforts réels ont souvent été engagés par les administrations pour accroître la performance des services publics, par la formalisation d'une stratégie reposant sur des priorités et des instruments explicites et par la clarification des rôles de chacun, en évitant des dispositifs d'intervention redondants. Si ces réformes sont parfois très récentes, elles constituent des avancées dont la Cour sera attentive à suivre les effets.
J'en donnerai deux exemples.
La création du nouvel opérateur Business France, a permis de recentrer les actions de l'État en appui à l'internationalisation de l'économie française, grâce à un partage des rôles avec les chambres de commerce et d'industrie et à la définition d'axes stratégiques prioritaires.
Second exemple : l'externalisation du traitement des demandes de visa à l'étranger, qui a atteint son objectif de désengorgement des consulats tout en offrant un service de bien meilleure qualité, sans peser sur les finances publiques.
La Cour constate également, dans certains secteurs, des améliorations des processus de gestion, rendus plus rigoureux et plus efficients : les réformes des achats de maintenance et du maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, ou le recours par Pôle emploi à des opérateurs privés, recommandé par la Cour dans un rapport au Parlement en 2014.
La politique d'hébergement des personnes sans domicile a enregistré des progrès notables en matière de capacité d'accueil et de conditions de prise en charge des bénéficiaires. Toutefois, la crise économique et le contexte international n'ont pas permis une adaptation suffisante à des besoins sans cesse croissants, le nombre de personnes sans domicile ayant augmenté de façon massive - de 44 % en dix ans.
Au-delà des difficultés liées à un contexte difficile, les initiatives prises pour améliorer la performance des politiques publiques se heurtent trop souvent à des obstacles, à des limites d'ordre interne, qui ont dévoyé ou limité les effets des réformes nécessaires, voire les ont empêchées.
Le premier frein est le défaut d'adaptation des missions et des objectifs prioritaires des administrations publiques : je citerai le Muséum national d'histoire naturelle, qui n'a pas su faire face à la multiplicité des sites qu'il gère et à la nécessité de choisir un axe stratégique de développement.
Le deuxième frein identifié par la Cour, c'est le caractère inadapté de l'organisation institutionnelle - autrement dit, le manque de clarté ou de pertinence du partage des responsabilités et des tâches. À cet égard, l'exemple du stationnement urbain est particulièrement significatif.
Le projet de constitution du pôle scientifique et technologique de rang mondial « Paris-Saclay », que l'État porte depuis la fin des années 2000, constitue un autre exemple d'organisation inadaptée. Celle-ci doit être revue pour atteindre la visibilité internationale recherchée.
La troisième difficulté récurrente que relève la Cour, est le choix d'instruments inadéquats pour répondre aux objectifs fixés.
Depuis nos travaux de 2013, la situation économique des débitants de tabac s'est globalement améliorée, du fait de l'augmentation des prix du tabac et de la part qui revient aux buralistes, y compris ceux dont les chiffres d'affaires sont les plus élevés. Cette mesure n'encouragera en rien l'indispensable réorientation de cette activité.
Le dernier frein, peut-être le plus important, est le défaut d'une volonté politique clairement exprimée et durable, nécessaire pour surmonter les résistances au changement et conduire les réformes jusqu'à leur terme.
Bien entendu, il n'appartiendra jamais aux juridictions financières de décider à la place des représentants du suffrage universel. Néanmoins, nombre de leurs travaux mettent en évidence les opportunités ratées, voire le coût, qu'emporte un manque de constance dans la décision.
Ce constat apparaît nettement dans le chapitre consacré à l'écotaxe poids lourds...
M. Jean Desessard. - Et voilà !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - ... qui révèle les déterminants d'un échec stratégique et coûteux. (Mouvements divers, notamment sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jacques Grosperrin. - Merci Mme Royal !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Les recettes prévues et non collectées ont été compensées de façon très insatisfaisante au regard des objectifs initiaux par un accroissement de la fiscalité pétrolière, dont le produit est inégalement réparti entre l'État et les collectivités territoriales et dont le coût a été supporté presque entièrement par les poids lourds français...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Quelle erreur ! (Marques d'approbation à droite)
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Plusieurs autres travaux témoignent de l'immobilisme ou du retard de certains organismes face à des difficultés de gestion pourtant évidentes et dénoncées par la Cour : il en est ainsi de ceux consacrés à la situation de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (Cipav) ou aux finances des hôpitaux d'Ajaccio et de Bastia, où les juridictions financières ont constaté l'abandon de toute volonté de redressement, face aux résistances rencontrées.
Quelques remèdes : d'abord, c'est une évidence, les projets réussis sont les projets bien préparés, ce qui suppose d'accorder plus d'attention aux résultats obtenus par les politiques existantes avant d'annoncer des politiques nouvelles. Cela signifie d'adopter réellement, et non pas seulement en apparence, le réflexe de l'évaluation en intégrant dans le processus de réforme le temps nécessaire pour l'examen de ses résultats. Cela requiert enfin de renforcer considérablement le contenu des études d'impact.
M. Bruno Sido. - Voilà !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Cette observation réitérée des juridictions financières est illustrée dans le chapitre sur les autoroutes ferroviaires, dont le bilan est mitigé.
Les réformes doivent être assorties d'une stratégie connue par les acteurs, reposant sur une analyse partagée des besoins, des priorités d'action et un partage des rôles clair.
C'est le sens des recommandations formulées par la Cour pour construire une politique de contrôle et de lutte contre la fraude en matière de formation professionnelle continue des salariés.
Les juridictions financières recommandent une véritable stratégie de contrôle, reposant sur une programmation annuelle et une organisation plus adaptée aux enjeux.
Deux facteurs jouent un rôle essentiel dans la mise en oeuvre réussie d'un projet : la responsabilisation des acteurs du changement et l'instauration d'un pilotage réactif par les résultats.
Le renouvellement des moyens aériens et navals de la Douane est le contre-exemple exact d'une responsabilisation réussie des agents, en raison d'une culture autarcique et d'un déficit de contrôle.
L'exemple de l'indemnisation amiable des victimes d'accidents médicaux prouve la nécessité d'instaurer un pilotage réactif par les résultats, afin de donner l'alarme lorsque les objectifs ne sont pas remplis. Mise en oeuvre dans la foulée de la loi du 4 mars 2002, cette politique a été dévoyée. C'est la conséquence des défaillances de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), l'établissement public chargé d'indemniser les victimes.
La situation de nos finances publiques demeure fragile et vulnérable, malgré les progrès constatés. Les efforts de maîtrise des dépenses devront être poursuivis et intensifiés si notre pays veut préserver sa capacité à faire des choix souverains et à rester crédible dans le concert européen grâce au respect de ses engagements. Les rapports de la Cour des comptes et des chambres régionales montrent des marges d'efficacité et d'efficience.
Une modernisation effective de notre action publique est possible. Elle a été engagée dans plusieurs secteurs et peut prendre appui sur les compétences et la force de l'engagement de l'immense majorité d'agents publics. Elle doit se systématiser en prenant en compte les meilleures pratiques.
Enfin, le succès des démarches de modernisation dépend d'une sorte de révolution copernicienne, qui consisterait à prêter plus d'attention aux résultats effectifs de l'action publique, à l'impact des politiques publiques pour leurs bénéficiaires, et à fonder les décisions sur la mesure de ces résultats plutôt que sur le souci d'annoncer systématiquement des mesures nouvelles.
Pour accomplir cette révolution, les pouvoirs publics peuvent compter sur les juridictions financières - je l'espère - qui continueront de remplir avec une grande vigilance les missions que leur ont confiées les représentants du suffrage universel. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Le rapport public annuel est toujours une source d'informations précieuses pour les parlementaires et nos concitoyens. Ce moment solennel est aussi l'occasion de rappeler l'importance de la mission constitutionnelle d'assistance de la Cour des comptes au Parlement, dans ses travaux de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Cette mission prend des formes multiples, au-delà du rapport public annuel.
Nous avons par exemple organisé deux colloques en 2016 pour les quinze années du vote de la LOLF.
Chacun examinera avec attention les analyses et recommandations du rapport annuel pour en tirer les leçons utiles. Cette année, le suivi de ses recommandations ne fait apparaître qu'un seul constat de progrès, sur le traitement des demandes de visas.
Quelques mots sur les travaux qui font écho à ceux que nous avons nous-mêmes menés. L'abandon définitif de l'écotaxe poids lourd a été décidé dans la loi de finances pour 2017. La mise en place puis l'abandon de cette taxe ont fait l'objet de débats intenses dans cette assemblée, ses commissions permanentes, comme au sein de la commission d'enquête présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx...
M. François Marc. - En effet !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - La Cour des comptes rejoint également le constat dressé par M. Michel Berson, auteur en mai 2016, du rapport « Réussir le cluster de Paris-Saclay », dénonçant le caractère très insatisfaisant du pilotage du projet par l'État, et l'urgence de doter l'université d'une gouvernance à la hauteur de son ambition mondiale.
La Cour des comptes rejoint également plusieurs préconisations formulées par M. Philippe Dallier dans son rapport de décembre 2016 sur les dispositifs d'hébergement d'urgence.
D'autres insertions susciteront sans aucun doute l'intérêt de nos rapporteurs spéciaux, MM. Michel Bouvard et Philippe Carcenac, qui ont travaillé sur les hélicoptères, à propos des moyens aériens et navals de la Douane, M. Vincent Capo-Canellas sur l'action sociale de la direction générale de l'aviation civile.
Les rapporteurs de la commission des finances utilisent les travaux de la Cour des comptes tout au long de l'année, sans attendre la parution du rapport public.
Les enquêtes qui nous sont remises en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances font l'objet d'une exploitation systématique, grâce aux auditions auxquelles participent les administrations et organismes contrôlés. Celles relatives au financement des OPEX ou à la compétitivité du transport aérien ont enrichi nos débats sur les annulations de crédits pesant sur le ministère de la défense ou sur l'opportunité de réviser la taxe de solidarité sur les billets d'avions et la taxe sur les nuisances sonores aériennes.
Le suivi ne se fait pas uniquement sur l'année mais dans un cadre plus long : ainsi, l'analyse par la Cour de la mise en oeuvre des Contrats de plan État-région (CPER), dans une enquête remise au Sénat en 2014, a constitué une source d'information importante pour M. Bernard Delcros.
Cette année, MM. Yannick Botrel et Alain Houpert se pencheront bientôt sur la chaîne des aides agricoles. M. Jean-François Husson se penchera avec la Cour sur le soutien aux énergies renouvelables. La Cour des comptes examinera le programme « Habiter mieux » pour M. Philippe Dallier et la question du personnel contractuel dans l'éducation nationale pour MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud. Enfin, un rapport sera remis sur les matériels et équipements de la police et de la gendarmerie à la demande de M. Philippe Dominati. Nous aurons également, en juin prochain, communication de l'enquête sur les politiques de lutte contre l'exclusion bancaire, que je rapporterai.
L'an passé, j'avais insisté sur la bonne coordination des travaux de la Cour avec ceux de notre commission des finances. C'est toujours le cas. Notre programme de contrôle budgétaire a été rendu public et transmis à la Cour des comptes. Dans le cadre de sa mission d'assistance, la Cour transmet les travaux définitifs qu'elle a réalisés sur les domaines qui intéressent les rapporteurs spéciaux et cela est précieux.
M. Philippe Dominati s'est par exemple appuyé sur le rapport de la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France de 2012 pour proposer une organisation nouvelle de la préfecture de police de Paris. C'est pour prolonger les travaux de la Cour des comptes sur la difficile mise en place de l'Institut national du cancer que M. Francis Delattre a présenté en juillet 2016 un rapport sur cet opérateur pivot des plans cancer successifs. C'est également parce que la Cour des comptes a soulevé un risque dans son rapport sur le budget de l'État de mai 2015, que le rapporteur spécial Maurice Vincent a fait le choix de mener une mission de contrôle sur la politique de dividendes de l'État actionnaire.
Les travaux réalisés par la Cour sur la gestion des enseignants et le coût du lycée ont été pris en compte par M. Gérard Longuet dans son rapport de décembre 2016, relatif aux heures supplémentaires dans le second degré de l'éducation nationale.
L'an passé, j'avais regretté que les travaux de la commission soient publiés trop tardivement. Cette année, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur l'impôt sur les sociétés nous a été présenté en janvier, et nous en ferons bon usage.
Cette année encore, le rapport public annuel est riche d'enseignements, et je veux remercier le Premier président de sa grande disponibilité. (Applaudissements sur de nombreux bancs, de ceux du groupe socialiste et républicain jusqu'à droite)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - Cette présentation nous offre l'occasion de saluer, cette année encore, l'apport majeur de la Cour des comptes à l'information du Parlement en général et de notre commission en particulier. Je pense aux rapports annuels sur les lois de financement de la sécurité sociale, les rapports de certification, les rapports thématiques et les enquêtes effectuées à notre demande.
Alors que la sphère sociale représente près de la moitié des finances publiques, l'ensemble des travaux de la Cour invite d'abord à la lucidité, alors que d'aucuns sont tentés par des promesses de dépenses nouvelles. Il est bien trop tôt pour se prononcer sur l'exécution des comptes du régime général de la sécurité sociale, mais, conformément à nos alertes, le respect de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2016 n'est pas assuré. L'enveloppe allouée à l'hôpital sera, cette année encore, sollicitée, ce que le Gouvernement a confirmé dans sa réponse à la Cour.
Cela traduit la faiblesse des mesures d'économie.
Pour 2017, la Cour relève l'arrêt du mouvement de réduction des prélèvements obligatoires, qui n'avait été mis en oeuvre que tardivement, à partir de 2015, et très progressivement. Malgré les annonces du pacte de responsabilité, le contre-choc fiscal n'a donc pas eu lieu.
Pour boucler l'exercice, le Gouvernement a recours à des expédients de trésorerie, en aménageant le calendrier de versement de la taxe sur les véhicules de sociétés et de la C3S. Ces mesures ne sont pas reconductibles en 2018 alors que devront être financées des mesures nouvelles à effet différé sur les comptes publics : élargissement du CICE et du crédit d'impôt sur les services à la personne.
Les économies annoncées sur l'Ondam ne sont pas davantage pérennes ni reconductibles. Notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, en avait démontré le caractère artificiel pour près d'un milliard d'euros.
Les économies annoncées sur l'assurance chômage sont aussi, comme je l'avais anticipé, fictives. Ce n'est pas en dépensant plus que nous dépenserons mieux. Nos dépenses sociales dépassent très largement celles de l'État, il n'est pas anormal que la Cour des comptes y insiste, soulignant que le niveau très élevé des dépenses publiques ne donne pas les résultats attendus. La Cour prend en exemple les politiques de logement, de la formation professionnelle ou de la santé.
Nous avons, pointe la Cour, des marges de progression dans la lutte contre la fraude en matière de formation professionnelle, et d'efficacité dans la gestion de l'Oniam et la conduite de son activité - nous auditionnerons bientôt le candidat pressenti à sa présidence.
La Cour nous appelle aussi à la vigilance sur le suivi de ses recommandations. Celles-ci étaient sévères, en 2014, sur la gestion de la Cipav, caisse qui concerne de nombreuses professions libérales. Trois ans plus tard, la Cour nous alerte sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 50 du PLFSS. Parmi les enquêtes que votre commission des affaires sociales demande à la Cour, Daniel Chasseing a été le rapporteur de celle qui nous a été remise en avril dernier sur l'imagerie médicale, et dont les recommandations ont été traduites dans la relation conventionnelle entre la profession et l'assurance maladie.
Outre la lucidité, persévérance, constance, ténacité seront indispensables pour rétablir l'équilibre de nos finances publiques.
Je souligne à nouveau la contribution que la Cour des comptes nous apporte dans le nécessaire contrôle de l'action du Gouvernement.
À chacun d'en tirer ses propres conclusions. J'y vois pour ma part une incitation à une action résolue pour retrouver les marges nécessaires à une action publique rénovée, adaptée aux nombreux défis que nous avons à relever. (Applaudissements sur la plupart des bancs, depuis les bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'à droite)
M. Gérard Larcher, président du Sénat. - Monsieur le Premier président, je vous remercie. Merci à toutes et tous d'être venus aussi nombreux en séance pour ce temps fort. Nous en avons fini avec la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes. MM. les huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président et M. le Rapporteur général de la Cour des comptes.
La séance est suspendue à 12 h 20.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, le site Internet du Sénat et sur Facebook. (Sourires) J'appelle chacun à respecter son temps de parole.
Rapport de la Cour des comptes
M. Michel Bouvard . - La Cour des comptes donne acte au Gouvernement du respect de l'objectif - modeste - de réduction des déficits. Mais nous faisons partie des quatre pays en déficit excessif avec l'Espagne, le Portugal et la Grèce. L'optimisme du Gouvernement pour la loi de finances 2017 est difficilement tenable dès lors que 40 % de la réduction du déficit s'expliquent par les faibles taux d'intérêt et l'effort des collectivités locales.
Comment ferez-vous face à la hausse attendue des taux d'intérêt et quels efforts regrettez-vous de ne pas avoir faits ? Le décalage entre la France et l'Allemagne est préoccupant : on est passé de 27 à 54 points de base entre septembre et décembre.
M. Charles Revet. - C'est grave.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics . - Chacun est dans son rôle. Dans un exercice convenu, certains finissent par surjouer ; ce n'est pas votre cas et j'apprécie la modération de votre propos.
Nous avons fait, chaque année, des prévisions de taux d'intérêt. Pour 2017, les taux d'intérêt estimés à dix ans sont de 1,25 %, alors qu'ils sont aujourd'hui à 1 % et tournaient autour de 0,5 % il y a quelques semaines. Leur récente hausse s'explique par le contexte international mais aussi national : les perspectives électorales nuisent à la lisibilité de l'avenir. Les propos de certains candidats annonçant un déficit à 4,7 % en 2017 ont sans doute alerté certains acteurs financiers.
Nos objectifs ont été tenus. Rendez-vous le 15 mars pour la loi d'exécution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Michel Bouvard. - Je ne puis partager votre optimisme. Les taux de fin d'année sont déjà supérieurs aux prévisions de la loi de finances. L'inquiétude de la Cour vient de ce que la baisse de la dette est due au coupon de 0,5 % du PIB encaissé par l'État. En outre, vous faites dès maintenant les encaissements pour 2017. Relisez la page 34 de son rapport !
Vaccins obligatoires
M. Jean-Claude Requier . - Hier, le Conseil d'État nous a enjoints de prendre sous six mois des mesures contre la pénurie des trois vaccins obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Les laboratoires associent ces trois vaccins à d'autres, si bien que pour se mettre en conformité avec la loi il faut recourir à des vaccins hexavalents qui vaccinent aussi contre la coqueluche, l'haemophilus influenzae et l'hépatite B, et permettent aux laboratoires d'augmenter leurs marges.
Pensez-vous possible, dans le délai imparti, de remettre sur le marché le vaccin DTP ou bien de rendre obligatoires les trois autres vaccins, piste envisagée par le Conseil d'État lui-même ?
Ce dernier a réaffirmé l'importance de la vaccination et de tordre le cou aux préjugés qui sévissent çà et là. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur certains bancs écologistes, centristes et du groupe socialiste et républicain)
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Je vous prie d'excuser Mme Touraine, à l'étranger. La vaccination est un des grands succès de notre politique de santé, car elle a éradiqué des fléaux. Ne l'oublions pas ! Dès janvier 2016, Mme Touraine a lancé un plan d'amélioration et de sécurisation de la vaccination. Un comité d'orientation indépendant présidé par le professeur Fischer, a organisé une grande concertation citoyenne, qui a produit des recommandations présentées le 30 novembre 2016. Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil d'État et a immédiatement saisi les services pour qu'elle soit appliquée. Ce sera fait, en tenant compte de la concertation citoyenne. Ce travail pourrait déboucher sur une évolution du cadre législatif.
M. Jean-Claude Requier. - Merci. En ces temps de campagne électorale, j'émets le voeu de rendre obligatoire un quatrième vaccin, celui contre la langue de bois. (Rires et applaudissements sur la plupart des bancs)
Affaire Théo (I)
Mme Esther Benbassa . - Jeudi dernier, Théo, 22 ans, jeune homme sans histoire d'une famille honorablement connue, a été gravement blessé lors d'une opération de contrôle. Il affirme avoir subi des injures racistes et un viol. Hospitalisé, il a été déclaré en incapacité totale de travail pendant soixante jours.
Quatre policiers ont été mis en cause, l'un pour viol et les trois autres pour violences volontaires en réunion. Cela rejaillit sur toute la profession, déjà en butte à des attaques violentes. Le Défenseur des droits demande que les contrôles soient accomplis pour des raisons objectives et vérifiables. La Ligue des droits de l'homme ne dit pas autre chose.
Ne faudrait-il pas sans tarder rappeler à chacun ses devoirs, rétablir l'État de droit et restaurer une police de proximité convenablement formée pour protéger les citoyens dont elle a la charge ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et communiste républicain et citoyen)
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur . - Les blessures du jeune Théo sont graves. Je tiens à lui exprimer toute ma compassion ainsi qu'à ses proches et à sa famille, l'assurer de mon souci de la vérité. L'Inspection générale de la police a été saisie. J'appelle à la sérénité par rapport à l'engagement de justice et de vérité, identique à celui qui est le mien pour l'agression de Viry-Châtillon.
Chaque matin, je m'enquiers des enquêtes d'Aulnay, comme chaque matin, je m'enquiers sur les attaques de Viry-Châtillon.
Il n'y a pas de place pour ceux qui agressent les représentants de la République, ni pour ceux qui ne respectent pas ses valeurs dans leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
C'est par des politiques publiques, le renforcement des crédits du ministère de l'Intérieur, la mise en opération des caméras mobiles que l'on améliorera la situation. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du RDSE et du groupe socialiste et républicain)
Mme Esther Benbassa. - La tâche est lourde. Le chemin sera long. Espérons que le Gouvernement saura prendre les mesures qui s'imposent pour former la police de proximité.
Affaire Théo (II)
Mme Éliane Assassi . - L'acte abominable commis à Aulnay-sous-Bois, véritable barbarie, suscite la compassion vis-à-vis de la victime et ses proches. Quatre agents sont mis en cause. Le Défenseur des droits est intervenu. Les policiers auraient lancé des crachats et proféré des injures racistes. Cette pratique révoltante s'inscrit dans des pratiques policières douteuses dans les quartiers. Sans remettre en cause la déontologie des policiers, il faut bien constater une tension permanente et des conditions de travail qui se dégradent. Les associations évoquent des contrôles d'identité discriminatoires voire des atteintes à la dignité humaine. Bien sûr, il faut être serein. Cependant, pourquoi certains échappent-ils à la justice expéditive de la comparution immédiate ? Remettons à plat les pratiques du maintien de l'ordre en créant une véritable police de proximité, mettons en place le récépissé pour en finir avec le contrôle au faciès. Rétablissons la confiance pour qu'il n'y ait plus d'Alexandre, de Théo ou d'Adama Traoré. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur . - J'appelle chacun à la prudence. Ne qualifions pas ce qui s'est passé, c'est le travail de la justice. Les faits sont graves ; mais n'exacerbons pas les tensions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain, au centre et à droite)
J'appelle au calme et à la sérénité. Le texte sur la sécurité publique adopté par l'Assemblée nationale prévoit des caméras mobiles à déclenchement automatique, sécurisant les contrôles d'identité. 2 000 seront déployées dans la police, 600 dans la gendarmerie. C'est préférable au récépissé, dont l'accumulation aurait pour effet de constituer un fichier des personnes contrôlées ; ce que je ne puis accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Avenir de l'Union européenne
M. Richard Yung . - Avec le Brexit, l'Union est confrontée à sa crise la plus grande. Un divorce après quarante ans de vie commune, c'est douloureux. Mais nous devons être fermes. S'il y a un accord, ceux qui restent devront avoir une situation plus favorable que celui qui part.
Pour le nouveau locataire de la Maison Blanche, le Brexit va être une chose merveilleuse ; selon lui, d'autres pays quitteront l'Union européenne, qui est un instrument au service de l'Allemagne. On voit que le président américain ne maîtrise pas bien les questions européennes ; mais surtout, ces propos choquants manifestent l'intention de construire un ordre international sur les relations bilatérales et de sortir du multilatéralisme en vigueur depuis 1945. Les États membres doivent faire bloc autour du nouveau partenariat à 27.
Quelles orientations la France mettra-t-elle en avant lors des prochains sommets ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes . - Dans ce contexte, la première détermination de l'Union européenne doit être l'unité. Quand l'Allemagne est mise en cause, quand le futur ambassadeur des États-Unis auprès de l'Union européenne souhaite à celle-ci le même sort que l'URSS où il a été en poste, il faut que le soixantième anniversaire du traité de Rome, le 25 mars, soit l'occasion de réaffirmer notre unité.
Nous avons fait de grandes choses. Personne ne réglera nos défis à notre place. Nous avons des valeurs et des intérêts économiques à défendre. Le déplacement d'une ambassade au Proche-Orient, qui risque d'enflammer la région, l'annexion de la Crimée... tout cela doit nous inciter à réaffirmer notre attachement au multilatéralisme et au droit international. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Jungle de Calais
M. le président. - La parole est maintenant à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Le 2 novembre dernier, je me suis réjoui du démantèlement de la jungle de Calais. J'ai félicité Mme la préfète du Pas-de-Calais pour la qualité de l'intervention des services de sécurité qui ont agi avec dignité et sécurité.
Si la situation s'est améliorée à Calais, les migrants sont de retour, surtout des mineurs, attirés par le passage vers le Royaume-Uni. À la Grande-Synthe, les passeurs font la loi sur 1 500 migrants. Les effectifs sont-ils assez nombreux pour enrayer l'installation d'une nouvelle jungle ? Les installations sont-elles suffisantes pour accueillir les migrants ? Le Brexit, qui mettra la frontière à Douvres plus qu'à Calais, n'incite-t-il pas à dénoncer les accords du Touquet ?
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur . - Merci de me donner l'occasion de dresser un bilan précis. Pas moins de 7 424 personnes ont été mises à l'abri ; 1 952 mineurs ont été orientés vers des centres d'accueil et d'orientation, 485 transférés vers le Royaume-Uni après le démantèlement. Plus de 400 dossiers restent pendants, il est vrai.
Comme je le dis chaque semaine à mon homologue britannique, les dossiers doivent être examinés de manière précise, suivant les critères que nos amis britanniques se sont eux-mêmes fixés, à savoir le lien de parenté et la vulnérabilité, et non suivant un objectif quantitatif. Si l'on veut éviter la reconstitution des filières de passeurs, il faut que les mineurs, qui sont refusés et dont l'avenir est ici, aient le sentiment que leur cas a été traité justement.
Les effectifs de sécurité sont redimensionnés pour empêcher qu'un campement ne se reconstitue, 350 places de plus ont été ouvertes en centre d'accueil de demandeurs d'asile et 50 autres, dans les Hauts-de-France, en centre d'hébergement provisoire. Chaque cas fait l'objet d'un traitement individuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Rappelons à nos amis anglais que le mot « solidarité » existe aussi dans leur langue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
Avenir du site Alstom de Belfort
M. Cédric Perrin . - Le 7 septembre, la direction d'Alstom annonçait la fermeture du site de Belfort. À la suite d'une forte mobilisation, le Gouvernement a annoncé le 4 octobre un plan de sauvetage soutenu par les élus. Mais nous attendons des garanties sur les commandes. Une note de Bercy qui a fuité dans la presse, soulignant les fragilités juridiques du plan, a réveillé de mauvais souvenirs chez les salariés d'Alstom... Certaines officines sont à la manoeuvre pour discréditer l'accord. Après les paroles, les collectivités locales attendent des actes et que l'État s'engage lors du comité de suivi du 17 février.
Je suis d'autant plus inquiet que, si le conseil d'administration de SNCF Mobilités a validé l'achat de trente TET en 2016, Alstom attend toujours... La commande de quinze rames TGV Bordeaux-Marseille, six rames Paris-Milan et vingt locomotives de secours sera-t-elle validée par le comité de suivi le 17 février et approuvée par SNCF Mobilités le 23 ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics . - Veuillez excuser Christophe Sirugue, en déplacement en Allemagne. Je pourrais vous répondre en un mot : oui. Oui, je confirme le scénario que vous décrivez. La note que vous évoquez envisageait un autre scénario, qui a été écarté d'emblée par le Gouvernement. Je vous confirme, au nom du Gouvernement, que celui-ci a demandé à la SNCF de commander quinze rames à Alstom dans le contexte du contrat-cadre actuel, ce qui sera rappelé lors de la prochaine réunion du comité de suivi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mixité sociale au collège
Mme Françoise Cartron . - En 2011, je remettais un rapport sur les conséquences de l'assouplissement de la carte scolaire, où je proposais entre autres de faire de la mixité sociale une priorité de la politique éducative, de réexaminer la sectorisation en introduisant la notion de secteur « multi-collèges » et de moduler les dotations en fonction de la composition sociale des établissements - privés y compris. Lors de l'examen en 2013 de la loi de refondation de l'école, le Sénat a tenu à faire de la mixité sociale l'une des missions de l'Éducation nationale. Dès novembre 2015, la ministre Najat Vallaud-Belkacem s'y est attelée de la meilleure façon qui soit : résolument mais prudemment, par voie d'expérimentation.
La dernière étude PISA le rappelle, la France est le pays de l'OCDE où l'origine sociale pèse le plus sur la réussite des élèves, et la ségrégation scolaire y est pour beaucoup.
La mixité est positive pour tous les élèves, sur le plan des résultats comme de la cohésion sociale. Mais cette politique ambitieuse, si elle n'est pas bien préparée, expliquée et accompagnée, suscite des crispations. Aujourd'hui, 46 départements ont défini 82 territoires pilotes. Le Gouvernement peut-il nous en dire plus sur la rentrée prochaine ?
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville . - Veuillez excuser Mme Vallaud-Belkacem. On sait que 10 % des collèges reçoivent 63 % des élèves dont l'origine sociale est défavorisée. Il y a des générations d'élèves qui ne se rencontrent jamais. Comment, dans ces conditions, garantir l'appartenance à la République ? Certains voudraient rigidifier la carte scolaire, d'autres l'assouplir. Mais les solutions doivent venir des territoires. Ce n'est pas la carte qui fera changer le territoire, mais l'inverse.
Des solutions concrètes ont émergé dans les 25 territoires pilotes mis en place l'an dernier : resectorisation, secteurs multi-collèges, évolution de la carte de formation. Et cela marche ! Aussi la ministre a-t-elle souhaité étendre le dispositif dans 82 territoires et 248 collèges. Les collectivités locales font preuve en la matière d'un engagement transpartisan. Quatre nouveaux projets sont prévus en Gironde pour la rentrée 2018, et la rentrée 2017 permettra d'approfondir la réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mmes Hermeline Malherbe et Évelyne Rivollier applaudissent aussi)
Consultation des Domaines par les collectivités territoriales
M. Jean-François Longeot . - L'arrêté du 5 décembre 2016 a relevé les seuils de consultation obligatoire des Domaines en cas d'acquisition ou de prise de bail en les portant à 180 000 euros dans le premier cas, à 24 000 euros de loyer annuel dans le second, et cela pour tenir compte de l'évolution du marché. Le seuil de consultation au premier euro en cas de cession demeure pour les seules communes de plus de 2 000 habitants.
Or de nombreuses communes rurales craignent ainsi d'être privées des services des Domaines, à qui elles s'adressaient pour obtenir des conseils et des évaluations incontestables. Pouvez-vous les rassurer ? (Applaudissements au centre)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics . - Vous connaissez le principe de libre administration des collectivités territoriales, égratigné par la validation obligatoire de certaines transactions afin d'éviter des dérives observées dans le passé. Face à l'inflation des demandes, et les seuils de consultation obligatoire n'ayant pas été réévalués depuis des lustres, l'arrêté du 5 décembre les a relevés pour les acquisitions et prises à bail.
En-deçà des seuils, la consultation est facultative ; afin d'éviter l'inflation, nous demandons aux collectivités qui formulent une demande de justifier d'un projet solide. Pour les plus petites opérations, il est toujours possible d'utiliser le portail « Demande de valeurs foncières », et les communes de moins de 2 000 habitants peuvent demander une évaluation deux fois par an.
Ce projet a été travaillé avec l'Association des maires de France dans un dialogue constructif, une fois n'est pas coutume. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-François Longeot. - Je ne conteste pas le relèvement des seuils ni la nécessité de garantir la bonne utilisation des deniers publics. Attention cependant aux petites communes qui se sentent flouées et montrées du doigt. (Applaudissements au centre ; M. René Danesi applaudit aussi)
Olympisme et langue française
M. Jacques Legendre . - Paris est candidat aux jeux Olympiques de 2024. Est-ce une raison pour que la signature officielle, affichée sur la Tour Eiffel, soit « Made for sharing » - fait pour partager, semble-t-il ? N'aurions-nous pu trouver autre chose que ce slogan publicitaire recyclé, qui a servi à vanter les produits de Quality Street en 1979, de Cadbury ou encore à lancer une pizza burger à découper ! D'autant qu'il est en anglais alors que le français, suivant la volonté de Pierre de Coubertin, est langue olympique. Dites « Paris est une fête » : tous les Américains vous comprendront.
Avec ce slogan, vous proclamez que la France renonce à défendre sa langue, vous désespérez Québécois et Africains qui l'ont en partage avec nous et qui, eux, en sont fiers. Corrigerez-vous cette erreur, et même cette faute ? (Vifs applaudissements et bravos sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - Que ne vous êtes-vous adressé à moi plus tôt pour obtenir des informations fiables ? Le 3 février, nous avons déposé le troisième et dernier dossier, sur les aspects techniques. Le même jour s'engageait la campagne de promotion de notre candidature à l'étranger. Nous avons adopté un slogan français, « Venez partager », et un autre en anglais destiné à la promotion internationale. Il y a bien deux slogans.
M. Charles Revet. - Il n'y a qu'une Tour Eiffel !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - Le slogan en anglais a été affiché sur la Tour Eiffel le jour du lancement de la campagne internationale, alors qu'une conférence de presse avait lieu devant 600 journalistes du monde entier. Mais nos ambassades disposent de tous les documents de la candidature en français. Pour en savoir plus, je vous invite à vous rendre à la prochaine réunion du groupe d'études sénatorial sur les pratiques sportives, mardi prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi)
Aide à domicile
M. Christian Manable . - En décembre 2016, le Défenseur des droits s'inquiétait de la situation de l'aide à domicile dans la Somme. En privilégiant le mode mandataire et en réduisant le nombre d'heures prises en charge, le département de la Somme, d'après M. Toubon, menace les intérêts des personnes âgées. Le tribunal d'Amiens vient de lui ordonner de respecter la loi en rendant à ces dernières leur libre choix.
Rappelons-nous que 90 % des professionnels de l'aide à domicile sont des femmes. En affaiblissant le mode prestataire, qui permet de les salarier dans des associations ou des services, on précarise des gens qui doivent déjà souvent composer avec une multiplicité d'employeurs, de contrats, avec le morcellement de leur temps de travail, sans parler des indemnités de transport et du droit à la formation. Le soutien à nos aînés est pourtant un enjeu social et économique de taille.
Quelles perspectives pour ces professionnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi)
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Je salue l'action qui fut la vôtre à la tête du département de la Somme jusqu'en 2014, marquée du sceau de la solidarité. La situation a bien changé depuis... (Vives protestations à droite) Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le tribunal !
M. Jean-Claude Lenoir. - Ce n'est pas à la hauteur d'un ministre !
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - Le préfet a dû intervenir pour faire respecter la loi, les personnes âgées et ceux qui travaillent à leur service ! Heureusement, le droit a été dit.
L'enjeu est considérable. Dans dix ans, un tiers de la population aura plus de 65 ans. Cela nécessitera le recrutement de 300 000 personnes, mais pas n'importe qui, des personnes qualifiées et de confiance. Nous allons lancer une grande campagne pour inciter les jeunes et les candidats à la reconversion à s'y diriger, avec des moyens financiers. Ce sont des métiers non délocalisables avec des évolutions de carrière intéressantes, si du moins les départements jouent le jeu. Soyons à la hauteur. Cela commence maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi)
Écomouv'
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à Mme Royal... qui est absente, une fois de plus ! (Exclamations à droite) Nous étions nombreux ce matin pour écouter le Premier président de la Cour des comptes présenter son rapport annuel. Pas moins de trente-deux pages sont consacrées à l'abandon calamiteux du contrat Écomouv', qui a coûté un milliard d'euros et occasionné une perte de recettes de dix milliards d'euros.
La décision de Ségolène Royal d'annuler l'écotaxe a été prise dans la précipitation, sans analyse de sa portée et sans fondement juridique, dit la Cour, qui parle de « gâchis », d'« échec industriel et social ». Mme Royal reconnaît-elle sa responsabilité dans cette affaire ? Quelles suites compte-t-elle donner au rapport de la Cour des comptes ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics . - Je suis surpris que la lecture du rapport annuel vous ait appris grand-chose, puisque vous avez présidé une commission d'enquête sur la question. Vous n'ignorez donc pas à quelle date le contrat a été signé : le 4 mai 2012 ! (Mme Brigitte Gonthier-Maurin invite ses collègues à retrouver la mémoire)
M. François Grosdidier. - Et alors ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Il fallait payer 38 euros de frais de gestion à une société privée pour 100 euros de recettes, du jamais vu ! Et le contrat revenait à déléguer à une société privée le recouvrement d'une taxe... Vous parlez de calamité, encore faudrait-il en dire l'origine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Dans le rapport de la Cour, un tableau indique à la page 214 que la hausse de la taxation du gazole a rapporté plus d'un milliard d'euros, soit quatre à cinq fois plus que ce qui était attendu de l'écotaxe.
M. François Grosdidier. - Qui a payé ? Les automobilistes français !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - On peut faire tous les effets de manche que l'on veut, on ne peut nier que les responsabilités, dans cette affaire, sont très largement partagées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Quand je le disais, vous ne me croyiez pas. Là, c'est la Cour des comptes qui le dit. Elle ne critique pas l'écotaxe, mais son abandon ! (« Bravo » sur les bancs du groupe Les Républicains) Avec vos mesures de substitution, ce sont les automobilistes et les camions français qui paient. Vous serez responsables de ce gâchis devant les Français. (Vifs applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 15.
Accord en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle est parvenue à un texte commun.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d'une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mercredi 8 février prennent effet.
Question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 9 février 2017, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État lui a adressé une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 (Contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n°2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - L'année 2017 est un tournant pour l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui est au service des politiques de l'emploi et de la formation depuis 1946, y compris dans des périodes difficiles, comme celle de la reconstruction ou, plus récemment, celle de la montée du chômage. Ses compétences, son expertise, son rôle fondamental pour l'égalité d'accès à la formation sur l'ensemble du territoire sont reconnus.
La décentralisation et l'ouverture à la concurrence l'ont mise en difficulté, incitant le Gouvernement à la soutenir : c'est le sens de l'ordonnance du 10 novembre 2016 que ce projet de loi ratifie.
Il s'agit de répondre à la déstabilisation causée par le transfert de la compétence formation à la région, qui a asséché les ressources procédant de l'État, mais également de faire respecter le droit de la concurrence, qui l'a fortement affectée. L'AFPA a subi des pertes importantes de marchés, vu son chiffre d'affaires chuter de façon significative et, à partir de 2009, fait face à de graves difficultés financières, menaçant son existence même et la laissant au bord du défaut de paiement.
Il s'agit aussi de répondre aux impératifs juridiques : cette structure assure en effet à la fois des missions de service public et des activités concurrentielles. La création d'un EPIC résout cette difficulté.
Le Gouvernement a accompagné depuis 2012 la transformation de l'AFPA : sur proposition de M. Sapin, alors ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; sous le Gouvernement Ayrault, il a affirmé sa volonté de développer un projet pérenne conforté par la loi Rebsamen du 17 août 2015 qui crée l'EPIC. L'ordonnance du 10 novembre 2016 est l'aboutissement de ce processus de transformation concerté avec les acteurs de la formation mais aussi les instances européennes.
Les missions de service public financées par l'État à hauteur de 110 millions d'euros, dans la loi de finances initiale pour 2017, sont clairement délimitées : certification, réponse aux besoins de formations dans la logique du développement économique de notre territoire, incubateur de nouveaux métiers, expertise et veille, appui aux professionnels.
Les autres activités sont menées dans le cadre de deux filiales soumises à la concurrence et qui relèvent du droit des sociétés. Il s'agit d'une mission de service public concurrentiel de formation pour les demandeurs d'emploi, et d'une autre destinée aux salariés. Une convention collective créera une Unité économique et sociale (UES), dotée d'un comité d'entreprise commun à l'établissement et à ses filiales.
La gouvernance quadripartite associera l'État, les collectivités, les partenaires sociaux et des personnalités qualifiées. L'établissement sera dirigé par un directeur général, nommé après avis du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.
La première directrice générale a été nommée en conseil des ministres le 7 décembre dernier et a pris ses fonctions au 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur du statut d'établissement public.
L'ordonnance règle la question du patrimoine immobilier de l'AFPA en organisant les conditions du transfert vers l'EPIC, lors de sa création, de biens de l'État utilisés, jusqu'à présent.
L'ordonnance organise aussi le transfert vers l'EPIC de 116 sites au 1er janvier 2017, jusque-là concédés par l'État à l'AFPA. L'EPIC sera mieux inscrit dans les territoires. L'ordonnance est équilibrée et conforme au droit européen. L'EPIC a été créé le 1er janvier. Beaucoup reste à faire pour que l'établissement réussisse pleinement sa transformation.
À sa nouvelle direction de bâtir un projet de développement site par site et au niveau national.
Le Gouvernement n'a pas choisi la voie de la facilité...
M. Jean Desessard. - Non...
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - ... mais une ambition stratégique forte au service d'un acteur historique de la formation. Nous faisons confiance à l'expertise de ses salariés ; une nouvelle période s'ouvre pour le nouvel établissement, marquée par l'exigence de servir tous les publics et les territoires, en se tournant vers l'avenir.
Je salue enfin le travail exigeant et sans concession du rapporteur, M. Michel Forissier. Ce texte a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi)
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales . - Ce texte devait clore une longue incertitude sur l'avenir de l'AFPA, principal opérateur de la formation professionnelle en France, qui accompagne les mutations de l'économie de notre pays depuis la Libération, en ratifiant l'ordonnance du 10 novembre 2016 transformant l'AFPA en EPIC.
La nouvelle agence reste toutefois confrontée aux mêmes difficultés qui ont mis l'AFPA au bord de la faillite en 2012.
J'ai acquis au cours de mon travail la conviction que l'inaction aurait tué l'AFPA, victime de l'entrée en 2008 de la formation dans le champ concurrentiel et de la décentralisation, avec pour conséquence un déclin marqué de son activité entre 2007 et 2014, avec une chute de 25 % de son chiffre d'affaires, une baisse de 36 % des demandeurs d'emploi accompagnés et une part de marché des commandes de formation des conseils régionaux passée de 42 % en 2010 à 25 % en 2016.
Le plan de redressement adopté en 2012 n'a pas arrêté les pertes, qui ont atteint 152 millions d'euros en 2015, contre 80 millions en 2012. Opérateur de service public et organisme de formation, l'AFPA, association hybride, ne pouvait répondre aux contraintes juridiques qu'en devenant EPIC. Ce sera un Service d'intérêt économique général (SIEG).
Respecter la réglementation communautaire en matière d'aides d'État et de SIEG, tout en assurant le transfert à l'Agence des biens jusqu'à présent mis à la disposition de l'AFPA par l'État : tel était l'objectif poursuivi par l'ordonnance du 10 novembre 2016. Elle offre de solides garanties en la matière.
La ligne de crête est étroite, mais le Gouvernement a trouvé un équilibre satisfaisant. Il est essentiel de définir une méthodologie incontestable pour définir les coûts à facturer aux filiales en compensation de la mise à disposition des formateurs. Un désengagement de l'État condamnerait l'Agence mais une subvention trop élevée constituerait une distorsion de concurrence.
Les filiales devront développer une offre pédagogique adaptée aux demandes des prescripteurs : outil numérique, modernisation des formations, prise en compte des TPE-PME, pilotage de l'activité par les résultats plutôt que par le chiffre d'affaires.
L'ordonnance règle aussi l'imbroglio juridique de l'immobilier : une mise à disposition par l'État dans des conditions très avantageuses posait problème. La loi du 5 mars 2014 permettait aux régions de reprendre la propriété des sites mais une seule a fait ce choix.
La solution retenue a été la dévolution du patrimoine, malheureusement mal entretenu ; il convient par conséquent d'évaluer les besoins de rénovation et de mises aux normes, mais surtout de rationaliser les implantations. La mise en place de plateaux techniques mutualisés au niveau régional est bienvenue. Reste à régler le contentieux immobilier avec certaines collectivités.
Bref, cette réforme est une condition nécessaire, mais non suffisante...
M. Jean Desessard. - Absolument !
M. Michel Forissier, rapporteur. - Nous faisons confiance à la nouvelle direction et aux autorités de tutelle pour ouvrir une nouvelle page de l'histoire de l'AFPA. La commission vous demande d'adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite, ainsi que sur la plupart des bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
M. Dominique Watrin . - Le groupe CRC s'est abstenu sur l'article 22 de la loi Rebsamen de 2015 habilitant le Gouvernement à prendre cette ordonnance. Nous confirmons cette abstention sur le présent projet.
L'AFPA est un opérateur historique dont l'ambition initiale, datant de la Libération, au service de la formation de chaque salarié et de chaque demandeur d'emploi, afin de lui permettre d'acquérir une qualification diplômante, est toujours d'actualité. C'est un droit des salariés, correspondant à ce que nous réclamons avec notre groupe : la mise en place d'une sécurité d'emploi et de formation, afin que les salariés puissent évoluer, se former, monter en qualification ou se réorienter professionnellement.
Derrière le choix de l'organisation - marchandisation ou non du secteur - c'est le choix d'un modèle social qui se dessine.
Nous saluons le travail du rapporteur, ainsi que les quelques avancées de l'ordonnance. La précédente majorité avait voulu couler l'AFPA. Un exemple : la sécurisation de la dévolution des parts immobilières à l'AFPA, dont la pérennité est cependant loin d'être assurée. La décentralisation de la commande publique de la formation est l'un des principaux dangers. La droite voulait plus de régionalisation, plus de filialisation.
Le Gouvernement a dû reculer face aux demandes de Bruxelles relatives aux possibles distorsions de concurrence. Les missions publiques ne seront subventionnées qu'à hauteur de 110 millions d'euros.
Autre problème, une interprétation très restrictive de la notion de publics éloignés de l'emploi, qui exclut les chômeurs de longue durée. Les régions resteront maîtresses du pilotage.
L'État n'est pas allé au bout de la logique d'appartenance au service public de l'emploi, aux côtés de Pôle Emploi. Sans le plan « 500 000 formations », le solde national des formations financées par les régions aurait été négatif.
Les suppressions de postes se poursuivent, menaçant la pérennité de la structure. Nous assumons nos positions contre une libéralisation fructueuse pour les sociétés de formation privées.
Notre abstention sera un encouragement au Gouvernement à poursuivre la consultation des membres du personnel qui ont voté constamment contre ce plan et ont posé des questions qui demeurent malheureusement sans réponses.
Mme Hermeline Malherbe . - Nous sommes donc appelés à nous prononcer sur la transformation de l'AFPA, dont l'histoire est longue, riche et parfois tumultueuse, en agence via le statut d'EPIC. Cette histoire a failli s'achever en 2010, à la suite, diront certains, de la décentralisation de 2004, mais aussi, selon d'autres, du transfert du financement des formations assurées par l'association.
Cette décentralisation aurait pu être mieux accompagnée par le Gouvernement de l'époque et mieux anticipée par I'AFPA.
Certains évoqueront aussi la décision du Conseil de la concurrence en 2008, qui place l'AFPA, comme tout opérateur de la formation professionnelle, dans le champ concurrentiel.
Depuis, elle a perdu de nombreuses parts de marché, dégradant ses fondamentaux budgétaires et financiers, aggravant son déficit. On peut se demander si le Gouvernement de l'époque, en le laissant filer, souhaitait vraiment conserver l'AFPA. Il a fallu un acte politique fort du nouveau Gouvernement pour inverser la tendance.
L'ordonnance du 10 novembre dernier concrétise le processus de refondation de l'AFPA, qui conserve son sigle en se transformant en agence.
Le rapporteur a souligné la complexité des questions juridiques résolues par ce texte. L'AFPA garde ses missions traditionnelles. Elle doit créer deux filiales, l'une pour les demandeurs d'emploi, l'autre pour les salariés. Parmi ses nouvelles missions, elle devra évaluer les besoins des bassins d'emplois et mettre à jour les titres professionnels. L'ordonnance clarifie aussi les questions patrimoniales.
Le groupe RDSE votera ce texte, premier pas vers une indispensable stratégie d'ensemble de la formation professionnelle, qui doit être adaptée à la demande locale, desservir tous les publics et prendre en compte les métiers émergents.
Les chiffres du deuxième semestre 2016 sont encourageants : le plan « 500 000 formations » porte ses fruits, puisque deux tiers des stagiaires trouvent un emploi dans les six mois qui suivent leur formation.
Le Compte personnel de formation (CPF) récemment créé contribue à notre développement économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)
M. Jean-Marc Gabouty . - Je salue le rapport très documenté de M. Forissier, même si mon appréciation sera plus sévère.
Diverses structures de formation professionnelle ont été mises en place dès les années trente, puis ont resurgi dans l'après-guerre. L'AFPA, créée en 1946, pour répondre aux défis de la reconstruction dans l'industrie, en particulier dans le BTP, a concentré son action sur les publics privés d'emploi. Elle était financée par l'État - jusqu'à 1,2 milliard d'euros en 1998.
Son activité a été fortement perturbée par la décentralisation et par l'ouverture à la concurrence.
Après quelques années de grandes difficultés, un processus de refondation a été engagé. La solution trouvée est la transformation de l'AFPA en EPIC, cadre mieux adapté aux contraintes mais insuffisamment pérenne. La capacité de l'AFPA à assurer une gestion équilibrée reste sujette à caution.
La dette fiscale et sociale qui s'élève à 80 millions d'euros n'a fait l'objet que d'un moratoire. Parc vétuste, charges trop lourdes : comment imaginer un nouveau départ ? L'activité est déconcentrée, le pilotage centralisé.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est le problème français en général !
M. Jean-Marc Gabouty. - Une plus forte décentralisation aurait pu être envisagée, par le biais d'un EPIC régional, ou d'un établissement centralisé avec des filiales dans chaque région.
Reconnaissant le caractère indispensable de la transformation de l'association en EPIC mais mesurant la très grande fragilité de cette évolution en raison des incertitudes et des inquiétudes que j'ai évoquées, mon groupe ne s'opposera pas à cette ordonnance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit aussi)
M. Jean Desessard . - Comme notre rapporteur, je constate que le Gouvernement a respecté l'objet et les délais fixés par l'ordonnance : transformer l'AFPA en EPIC, préciser ses missions, régler les conditions de transfert de son patrimoine immobilier. Ainsi 116 sites d'une valeur estimée à 410 millions d'euros, ont été transférés gratuitement à l'EPIC.
Nous saluons l'effort, qui s'imposait. L'AFPA ne respectait pas les règles européennes, sa situation financière se dégradait. La mort annoncée est évitée. Mais il reste les travaux de désamiantage et de mise aux normes, qui coûteront des dizaines de milliers d'euros. Reste aussi le contentieux avec France Domaine.
L'État n'est pas autorisé à financer l'Agence au-delà des 110 millions d'euros annuels, chiffre qui devra certainement être revu à la baisse.
Le doute s'installe. Comment préserver le service public de la formation professionnelle ? Quelques pistes : lancer l'appel d'offres national sur les formations rares et émergentes, accorder une dotation de service public à l'AFPA pour pérenniser ses activités.
L'AFPA devra rationaliser son patrimoine, réintégrer les formations les plus rémunératrices, développer les relations avec les régions.
Le défi est immense. Si je conçois que le Gouvernement respecte les objectifs fixés par l'ordonnance, avec cette réforme, je ne crois pas que le montage envisagé suffise à garantir de manière pérenne un service public de formation professionnelle de qualité. Oui, il est nécessaire, mais pas suffisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ; ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Hermeline Malherbe applaudit aussi)
Mme Nicole Bricq . - L'AFPA, en plus du double choc évoqué par plusieurs d'entre vous, a vu le montant de sa dotation de l'État chuter de 575 millions d'euros en 2007 à 74 millions en 2011, ce qui représente en réalité un triple choc, l'ayant conduite au bord de la cessation de paiement en 2011.
L'AFPA doit trouver sa place dans la refondation - le terme utilisé à juste titre par M. Watrin en commission - de la formation professionnelle.
Ses financements sont devenus aléatoires, désormais dépendants des appels d'offres des régions et le droit européen la contraint fortement.
À cela se sont ajoutés les transferts du personnel chargé d'orienter les demandeurs d'emploi à Pôle Emploi portés par Mme Morano, qui ont affaibli l'association, sans renforcer Pôle Emploi. En y injectant dès le début du quinquennat 220 millions d'euros, le Gouvernement a apporté un bol d'air à l'AFPA, dans un processus qui se concrétise avec cette ordonnance.
L'urgence conjoncturelle a été traitée par le plan du Gouvernement sur la formation professionnelle ; l'urgence structurelle tient à la révolution numérique, à l'écrasement de la chaîne hiérarchique, aux allers-retours des travailleurs entre le salariat et en-dehors de celui-ci, au développement des plateformes de services, à la mobilité, tous facteurs qui entraînent en même temps des mouvements de destructions, mais aussi de créations d'emplois.
Cela suscite des inquiétudes qui sont peu entendues dans cette campagne électorale. Il faut engager un accompagnement de la formation tout au long de l'AFPA.
L'ordonnance règle quelques problèmes, mais l'AFPA doit développer son activité. La formation professionnelle doit être une priorité principielle du futur quinquennat. Ne remettons pas en cause les jalons posés par le Gouvernement, à savoir le Compte personnel de formation et le Compte personnel d'activité des personnes peu qualifiées. Les efforts doivent s'intensifier en direction des chômeurs, dont moins de 20 % sont en formation.
L'efficience des sommes consacrées à la formation professionnelle - plus de 30 milliards - pose question. La question du paritarisme, notamment, appelle une révolution. Le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, M. Pierre Méhaignerie, en dresse en 2011 un bilan mitigé de la présidence Sarkozy-Fillon. Je le dis sans polémiquer. (Exclamations ironiques à droite) M. Pierre Méhaignerie constatait : « La Gouvernance n'est pas assurée s'il y a plusieurs pilotes dans l'avion ». Ce matin, le Sénat a écouté doctement M. Didier Migaud. Je vous conseille de vous référer au schéma illustratif du rapport qui porte sur la formation professionnelle. 192 organismes collecteurs, 77 000 prestataires de formations. Comment voulez-vous que cela marche ?
M. Jean Desessard. - Il y a eu une réforme.
Mme Nicole Bricq. - Oui en 2014, mais elle ne suffit pas. La refondation du système doit reposer sur trois principes : un accès universel à la formation avec une obligation d'assiduité, un accès diversifié à des formations courtes pour la maîtrise d'une technique et longues pour les reconversions professionnelles, un système transparent assorti d'une évaluation en termes de résultats, en termes de retour à l'emploi ou de progression salariale.
Si nous ne menons pas cette réforme de la formation professionnelle, ce sera une faute très lourde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Yves Daudigny. - Excellente réflexion !
Mme Catherine Procaccia . - Ce projet de loi s'inscrit dans la logique de décentralisation et de rationalisation de la formation professionnelle, antérieurement déployée lors de la réforme de 2004. En 2008, rapporteur de la loi réformant le service public de l'emploi, j'ai demandé un rapport au Gouvernement pour faire le point sur l'éventuel transfert des activités de l'AFPA à Pôle emploi.
Il devenait nécessaire de rationaliser ces services pour éviter aux chômeurs et aux personnes en quête d'emploi un parcours du combattant. À cela s'ajoutaient les craintes du Conseil de la concurrence au sujet des activités de formation. Enfin, on ne pouvait ignorer la question immobilière. La dévolution envisagée s'est heurtée à la censure du Conseil constitutionnel.
Sur le plan européen, l'opération risquait d'apparaître comme une aide de l'État.
En 2014, le Gouvernement a tenté de se conformer à cet avis en mettant en place un mécanisme de transfert, mais rien n'a abouti.
J'étais aussi rapporteur de la loi Rebsamen sur le dialogue social qui proposait de transformer l'AFPA en EPIC. Des assurances nous avaient été données sur la solidité du dispositif dont j'espère qu'il sera l'ultime épisode de ce feuilleton.
Notre majorité, en soumettant l'AFPA à un régime concurrentiel, aurait été à l'origine de ses difficultés financières, ai-je entendu. C'est faux. Gouvernement après gouvernement, nous avons toujours tenté de sauver l'AFPA. Les difficultés financières s'expliquent plutôt par des politiques financières et des choix de gestion inadaptés, comme l'a bien montré la Cour des comptes dans son enquête sur l'AFPA publiée au premier semestre 2013. Preuve en est le système de subventions aux régions, déséquilibré, ou encore les conflits récurrents avec les représentants syndicaux sur les plans sociaux proposés.
L'organisation territoriale de l'AFPA n'a pas non plus évolué. Une absence d'étude de marché l'a empêchée d'anticiper la période de transition qu'elle allait traverser. La Cour des comptes a aussi souligné l'évolution trop lente des effectifs, le manque de mobilité des personnels, des problèmes de facturation, qui ont concouru à une dégradation des comptes. Tout cela a peu à voir avec l'action de l'État.
Cependant, l'AFPA reste un outil puissant pour faciliter le retour des stagiaires demandeurs d'emploi sur le marché du travail. La moitié des stagiaires demandeurs d'emploi qui obtiennent de l'AFPA un titre professionnel occupent un emploi six mois après la fin de leur formation.
En lui accordant un statut plus conforme au marché concurrentiel, nous espérons renforcer l'AFPA et lui permettre de mieux tirer parti de ses compétences.
J'espère que c'est la dernière fois que nous aurons à légiférer sur le statut de l'AFPA. (Applaudissements)
M. Michel Forissier, rapporteur . - Quand le Gouvernement propose un texte, je me demande toujours ce que j'aurais fait si j'avais été ministre. En l'occurrence, la même chose.
M. Watrin a évoqué le Conseil national de la Résistance. C'est une époque où communistes et gaullistes marchaient main dans la main pour sauver la France. Nous sommes dans un cas de figure comparable.
Tous les ingrédients sont là pour résoudre le problème de la formation professionnelle. Évitons de tout faire peser sur l'AFPA. Quand un métier sans formation diplômante suffira, il faudra bien adapter l'offre de l'AFPA.
On me dit qu'il serait honteux d'avoir des exigences en matière de performance. Je ne le crois pas. J'en ai eu l'expérience pour la cuisine centrale de ma ville de Meyzieu. Nous n'avons pas eu peur de la concurrence et c'est le service public qui a gagné : nous avons réussi, en faisant de la production interne, à développer un service public de qualité. Nous ne pouvons pas repartir avec une AFPA qui fonctionnerait comme à ses débuts. Regardez l'outil numérique : c'est un outil ouvert vers l'avenir. Prenons modèle.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État . - Nous avons créé les conditions d'une transformation de l'AFPA. Aux acteurs de réinventer l'outil. Plusieurs d'entre vous ont mentionné la transformation profonde des métiers. Une nouvelle directrice a été nommée en Conseil des ministres, le 7 décembre. Le conseil d'administration devrait bientôt se réunir, dans l'organisation quadripartite que vous avez évoquée. J'espère qu'il saura réussir cette transformation.
Monsieur Watrin, deux informations consultations ont été lancées auprès du personnel, l'une du 26 juin au 28 octobre, l'autre à partir du 18 novembre. Les salariés connaissent parfaitement les difficultés que suscitera l'adaptation de l'AFPA aux nouveaux enjeux. Ils tiennent tout comme nous à cet outil et ont accompagné la préparation du projet.
L'un des représentants syndicaux de l'AFPA qualifiait cette transformation de « chance et d'opportunité à saisir » ; preuve que le personnel de l'AFPA y est pleinement engagé.
Madame Malherbe, vous plaidez pour une stratégie plus proche des bassins d'emplois, envisageant des solutions innovantes. Je ne peux qu'approuver.
Monsieur Gabouty, le transfert des compétences aux régions a effectivement eu des effets sur l'AFPA. Vous regrettez que nous n'ayons pas décentralisé davantage. Nous avons besoin d'un outil de formation national. Les 13 régions ne font pas la France et il faut harmoniser les enjeux.
De par leur compétence, les régions auraient pu définir les missions de service public qu'elles souhaitaient voir dévolues à l'échelon régional. Elles ne l'ont pas fait. Dont acte, mais c'est une grande déception.
La loi laissait aussi la possibilité aux régions de reprendre des sites d'implantation de l'AFPA pour construire un projet stratégique inscrit dans un territoire pour répondre aux demandes particulières de leurs habitants. En 2015, une seule l'a fait, la Basse-Normandie ; et seule la région Bourgogne-Franche-Comté a saisi cette opportunité en 2016. Il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Monsieur Desessard, j'espère vous rassurer sur les aspects financiers : la compensation versée par l'État étant votée par le Parlement, elle n'a pas vocation à diminuer, au contraire. Pour ce qui est de la transformation des métiers, il faut les anticiper. Cela fait partie de l'une des missions de service public de l'AFPA définies par l'ordonnance, celle d'« incubateur ». Les formations relèvent de la concurrence et du marché. Vous avez mentionné la loi Sapin 2. Anticiper les métiers à dix ans ou vingt ans et faire de la prospective n'entrent pas forcément dans la compétence des régions.
Madame Bricq, votre propos était riche.
M. Jean Desessard. - Vous n'avez pas dit « bavard » ! (Sourires)
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Vous avez indiqué la nécessité d'apporter une réponse à la hauteur des besoins de formation des chômeurs de notre pays. Seul un chômeur sur dix bénéficie d'une formation à l'issue de sa période de chômage. C'est intolérable. La formation facilite le retour à l'emploi. Une formation de base ne suffit pas lorsqu'il s'agit de la transition énergétique. D'où notre plan 500 000 formations qui continuera jusqu'en juin 2017. Les partenaires sociaux et les présidents des conseils régionaux souhaitaient évaluer l'efficacité de ce plan. Nous leur offrons une période de six mois supplémentaires pour cela, au terme de laquelle nous espérons pérenniser ce plan.
Nous aurons sans doute l'occasion de reparler du rapport de la Cour des comptes. 75 organismes de formation et peu de contrôle : cela pose problème. Le décret porté par la loi du 5 mars 2014 devait servir de point d'appui. On mentionne souvent les 30 milliards d'euros de la formation professionnelle : cela inclut les 13 milliards de crédits pour la formation, mais n'oublions pas tous les crédits annexes.
Je vous remercie de la qualité de vos interventions et de l'intérêt que vous manifestez pour ces questions. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°97 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l'adoption | 279 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d'une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité publique.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mercredi 8 février prennent effet.
Question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 9 février 2017, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 (Contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Prochaine séance, mardi 14 février 2017, à 14 h 30.
La séance est levée à 18 heures.
Marc Lebiez
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mardi 14 février 2017
Séance publique
À 14 h 30
1. Nouvelle lecture de la proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (n°340, 2016-2017).
Rapport de Mme Stéphanie Riocreux, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°374, 2016-2017).
À 16 h 45
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
À 17 h 45 et le soir
3. Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification des procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions sur les produits de santé (n°305, 2016-2017) et sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (n°303, 2016-2017).
Rapport de MM. Gilbert Barbier, sénateur et Alain Ballay, député, fait au nom de la commission mixte paritaire (n°302, 2016-2017).
Rapport de MM. Gilbert Barbier, sénateur et Jean-Louis Touraine, député, fait au nom de la commission mixte paritaire (n°304, 2016-2017).
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (n°372, 2016-2017).
Rapport de MM. Mathieu Darnaud, sénateur et Victorin Lurel, député, fait au nom de la commission mixte paritaire (n°371, 2016-2017).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°97 sur l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n°2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 342
Suffrages exprimés : 279
Pour : 279
Contre : 0
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 141
N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, Mme Isabelle Debré, présidente de séance, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (108)
Pour : 108
Groupe UDI-UC (42)
Abstentions : 42
Groupe communiste républicain et citoyen (21)
Abstentions : 21
Groupe du RDSE (17)
Pour : 17
Groupe écologiste (10)
Pour : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.