Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Décision du Conseil constitutionnel
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. Gérard Larcher, président du Sénat
Efficacité de la justice pénale
M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Taux de croissance pour 2016 (I)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre
Mesures en faveur de la jeunesse
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports
Taux de croissance pour 2016 (II)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
Alimentation en eau de Mayotte
Modification de l'ordre du jour
Demandes d'avis sur des nominations
Efficacité de la justice pénale (Suite)
Discussion des articles (Suite)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Ordre du jour du mercredi 1er février 2017
SÉANCE
du mardi 31 janvier 2017
49e séance de la session ordinaire 2016-2017
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Corinne Bouchoux, M. Christian Cambon.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat par courrier en date du 26 janvier 2017, le texte d'une décision statuant sur la conformité à la Constitution de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport de mise en oeuvre de la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable 2015-2020.
Il a été transmis à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 30 janvier 2017, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 421-2-6 et 421-5 du code pénal (Entreprise terroriste individuelle).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 27 janvier 2017, une décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le crédit d'impôt collection.
Rappel au règlement
M. Jean Louis Masson . - Mon rappel a pour objet les délais de publication des décrets d'application de la loi du 7 juillet 2014 régissant les rapports entre les communes et l'État sur l'entretien des ouvrages d'art.
Un recensement devait être effectué pour parvenir à des solutions en 2018 ; il n'a pas commencé, les décrets d'application n'ayant toujours pas été publiés. C'est invraisemblable ! En Moselle, un ouvrage d'art menace de s'effondrer. Cette carence de l'exécutif est indéfendable d'autant que le Gouvernement ne répond même pas à nos questions écrites. Il serait temps de se réveiller.
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - J'espère que vous participerez au débat sur le bilan de l'application des lois qui se tiendra le 21 février, à 17 h 45, en salle Clemenceau. La Conférence des présidents s'est penchée, lors de sa dernière réunion, sur la question des délais de réponses aux questions écrites.
Il est donné acte de votre rappel au règlement.
Efficacité de la justice pénale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale.
Discussion générale
M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il y a deux ans, le Gouvernement s'est proposé de bâtir une justice pour le XXIe siècle. La précédente garde des sceaux, par ses décisions d'un dogmatisme à toute épreuve, n'a pas su répondre aux besoins pressants d'une institution judiciaire qui traverse une crise grave. Il fallait, nous expliquait-on, sortir du « tout-carcéral ». Effet d'annonce... Le nombre de détenus n'a cessé d'augmenter. Pire, la justice, mise en difficulté, inspire de la défiance à nos concitoyens.
Depuis plusieurs années, les contentieux civils, pénaux et administratifs se multiplient ; l'encombrement de la justice est avéré. Faute de disposer des moyens d'accomplir sa mission, la justice n'est plus crédible. Il est urgent de sortir de cette situation : les Français jugent à 64 % notre justice peu ou pas satisfaisante.
Notre justice n'entrera pas dans le XXIe siècle si nous maintenons les décisions prises. La contrainte pénale, espèce de Canada Dry de l'alternative à la prison, est l'exemple le plus emblématique : les magistrats n'y ont presque pas recours parce qu'ils doutent de son efficacité. C'est pourquoi nous souhaitons la supprimer.
Il faut rendre à la justice son efficacité, sa simplicité, sa lisibilité.
Notre justice doit être indépendante et efficace, afin qu'elle protège davantage nos concitoyens, leurs droits et leurs libertés.
Parce que la loi pénale a une vocation sociale dissuasive, nous proposons de restaurer les peines planchers pour les délits et les crimes punis de plus de cinq ans d'emprisonnement. Ne criez pas au loup trop rapidement : nous les avons modernisées. Si elles étaient contraires au principe de l'individualisation des peines, le Conseil constitutionnel les aurait supprimées dès 2007.
L'automaticité de la réduction des peines rompt l'effectivité des décisions de justice. Cette rupture est aussi tragique pour les victimes que fatale pour les délinquants. Comment un délinquant peut-il, dans ces circonstances, mesurer la gravité de son acte ? La réduction des peines doit être considérée, non comme un acquis, mais comme une faveur donnée au détenu qui a donné des gages de sa volonté de réinsertion. Un tribunal d'application des peines en décidera collégialement. N'oublions pas que derrière chaque dossier se trouve une personne gangrénée par une délinquance toujours plus subversive. Toujours pour lutter contre la récidive, nous pourrions bâtir des centres de rétention pénitentiaire à sécurité adaptée.
Cette proposition de loi ne constitue pas une législation de plus alors que concitoyens et magistrats étouffent sous les normes. Avec elle, le magistrat ne sera plus jamais mis à l'écart des décisions et la justice rendue plus efficace. Merci au rapporteur Pillet et au président Bas pour leur travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois . - Cette proposition de loi qui, comme son titre l'indique, vise à renforcer l'efficacité de la justice pénale, prend sa source dans un constat qu'il serait irresponsable de négliger : la crédibilité de la justice pénale ne cesse de s'éroder. Or on ne peut pas vouloir conforter l'autorité judiciaire sans préserver l'adhésion à ses décisions.
La justice, dont l'indépendance doit être garantie, est rendue au nom du peuple français. Nos concitoyens exigent légitimement d'être écoutés. Le législateur, pourvu qu'il fasse preuve de pédagogie, peut les satisfaire sans bouleverser ou affaiblir les règles fondamentales de notre droit.
De l'avis de la majorité de la commission des lois, les auteurs de la proposition de loi ont opportunément suscité une réflexion. Les auditions, constructives, ainsi que les contributions citoyennes sur l'espace participatif attestent de sa pertinence. L'effet de la peine tient davantage à la certitude qu'elle sera appliquée qu'à sa sévérité, raison pour laquelle la proposition de loi encadre mieux l'alternative aux poursuites, renforce les prérogatives du parquet dans la conduite des enquêtes et pour les placements en détention provisoire et assure des garanties dans la phase de jugement. Elle aménage également la législation contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et renforce la protection des mineurs victimes d'infractions.
La commission des lois a examiné la constitutionnalité et la conventionnalité des mesures proposées en veillant à la cohérence de leur intégration dans notre droit. Résultat fondamental, elle a préservé l'absolu pouvoir du juge. Il pourra déroger à une peine plancher pourvu qu'il motive sa décision ; c'est cela renforcer l'efficacité de la justice rendue au nom du peuple français.
Notre tâche est de dire les faits et de faire oeuvre de pédagogie. Dire les faits, c'est rappeler que le taux de réponse pénale atteint 90 %, que le nombre de peines d'emprisonnement ferme a augmenté de 10 % entre 2011 et 2015 et que la population carcérale a crû de 3,3 % en 2016, une hausse plus rapide que celle de la population française. C'est aussi entendre les magistrats qui rejettent la contrainte pénale et lui préfèrent le sursis avec mise à l'épreuve. Être pédagogue, c'est rappeler que la peine est nécessaire sans être suffisante.
Les auteurs de la proposition de loi ont l'immense mérite d'ouvrir deux débats sans les clore : la suppression des mesures automatiques de remise de peine, l'élargissement de la pratique du mandat de dépôt lors du jugement. Il faudra bien trouver une solution pour qu'une peine de vingt ans de détention ne se réduise à sept ans et trouver un autre épilogue au procès que celui consistant à laisser la personne condamnée quitter librement le tribunal. Quelles que soient nos convictions, il serait irresponsable de traiter ces sujets avec complaisance ou condescendance.
Mais pourquoi le nier ? L'efficacité de la justice dépend des moyens qu'on lui accorde. Nous espérons une ambitieuse loi de programmation et de courageuses lois de finances. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice . - Sartre fait dire à un personnage des Mains Sales que tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces. L'efficacité, est-ce l'utilité, la rapidité, la simplicité ou la cohérence ? L'exercice de définition n'a rien d'oiseux...
Rétablir les peines minimales, renforcer les règles de révocation des sursis, supprimer la contrainte pénale, les mesures que vous proposez ont toutes un point commun : elles durciraient la répression. Sont-elles un gage d'efficacité ? Je ne le crois pas. Elles rigidifieraient, voire alourdiraient le travail de la justice. Je me réjouis que la commission des lois ait supprimé ou intégralement réécrit les dispositions, telles que celles des articles premier et 4, qui auraient soulevé des difficultés constitutionnelles. Vous avez eu raison de revenir sur l'article 25 : criminaliser l'infraction d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste aboutirait au blocage de la cour d'assises spéciale.
Cette proposition de loi n'apporte pas d'efficacité à la justice, bien au contraire. C'est pourquoi le Gouvernement ne peut la soutenir. Efficacitas, en latin, renvoie à la force, à la vertu. Nous ne cessons d'en apporter à la justice. Il faut des moyens financiers et humains pour que les droits votés ne restent pas des droits de papier. Nous nous y employons : le dégel de 107 millions d'euros en 2016 a été assorti de l'ouverture de 40 millions d'euros par décret d'avance en 2016. Et l'on mesure les effets de cette politique : les arriérés de paiement de la cour d'appel de Rennes sont passés de 5 millions à 800 000 euros en un an. C'est à cela que l'on mesure l'efficacité de la justice. Le budget de la justice pour 2017 est de 7 milliards d'euros, en hausse. Les crédits de fonctionnement augmentent de 10 %, les crédits immobiliers de 28 %. Un poste de magistrat a été créé par jour, soit 1 354. Depuis 2012, 5 512 nouveaux greffiers, plus de 5 400 surveillants et 911 éducateurs de la PJJ ont été formés. Voilà comment l'on renforcera l'efficacité de la justice tout en recentrant les magistrats sur leur coeur de métier, en améliorant la gestion des contentieux de masse et en simplifiant la procédure. Autant de buts qui sous-tendaient le projet de loi sur la justice du XXIe siècle mais aussi la loi du 3 juin 2016, l'adaptation réglementaire du 7 septembre 2016 et les deux circulaires datées du 23 décembre 2015. Forfaitisation de certains délits routiers, transmission de procès-verbaux par voie électronique, extension de l'usage de la visio-conférence, nous avançons. Simplification aussi, que l'aménagement du principe « un acte, un procès-verbal » pour autoriser le regroupement de plusieurs actes de procédure en un procès-verbal. Et ce, en préservant les garanties des droits de chacun. Oui, nous avons donné à la justice plus de force et de vertu. Oui nous avons été efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jacques Mézard applaudit également)
Question préalable
M. le président. - Nous passons maintenant à l'examen de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Jacques Bigot . - Cette proposition de loi nous interpelle sur la cohérence du travail de la commission des lois. Nous réussissons à trouver un consensus et à voter des textes bien construits dès lors qu'il s'agit de droit pénal et de terrorisme - pour preuve, le dernier texte sur la sécurité civile. M. le président de la commission des lois crée une mission sur le redressement de la justice à laquelle, nous, démocrates, participons activement car nous croyons tous, avec le garde des sceaux, que nous devons avoir une vision commune des besoins à donner à la justice et des réformes à mener. Et voici qu'une proposition de loi accrédite l'idée que la justice pénale n'est pas bonne.
Je sais gré au rapporteur d'avoir souligné, dans son rapport, que statistiquement, la justice pénale n'a jamais été autant répressive : un taux de réponse pénale supérieur à 90 % et plus de 69 000 personnes détenues en juillet 2016, soit le maximum jamais atteint. M. Pillet a raison : une réforme d'ampleur de la justice ne pourra se faire à moyens constants. Effectivement, laisser une marge d'appréciation au juge à tous les stades de la chaine pénale est un impératif.
Mais tous ces sujets sont ceux que nous explorons au sein de notre mission d'information, reportons ce débat au moment où paraîtra son rapport, à la fin du trimestre.
La proposition de loi, si elle a été édulcorée par le rapporteur, représente un texte de plus qui compliquera la vie des magistrats. La contrainte pénale, c'est vrai, n'est pas mise en oeuvre partout faute de moyens mais l'est dans certains territoires.
C'est parce que la mission d'information peut aboutir qu'il faut renoncer à l'examen de la proposition de loi. Toutefois, parce qu'il est de tradition de ne pas empêcher l'examen d'une proposition de loi portée par un groupe,...
M. Hubert Falco. - C'est logique.
M. Jacques Bigot. - ...je ne soumettrai pas ma motion à vos suffrages.
M. Hubert Falco. - Très bien.
La motion n°1 est retirée.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Merci à M. Bigot d'être revenu à plus de raison et de sa participation très active à la mission d'information.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec lui : ce texte ne fait pas obstacle aux travaux de la mission d'information. En supprimant la contrainte pénale, introduite sans aucune étude d'impact et peu utilisée, en rétablissant les peines planchers et en mettant fin aux remises de peine automatiques, ce texte allège les charges qui pèsent sur la justice. Il va dans le sens de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe UDI-UC)
Discussion générale (Suite)
Mme Esther Benbassa . - Selon les auteurs de la proposition de loi, la crédibilité de la justice pénale est fortement érodée dans l'esprit de nos concitoyens. Son laxisme supposé est décrié. L'heure n'est plus au débat mais à l'aggiornamento, ajoutent-ils.
Cette proposition de loi revient sur la loi de 2014, défendue par Christiane Taubira que la droite sénatoriale avait combattue.
M. Philippe Bas, président de la commission. - À juste titre.
Mme Esther Benbassa. - Ce texte donne une idée précise des orientations de François Fillon et rappelle les fondamentaux de la droite. Tout répressif, tout carcéral, accusations de laxisme et d'irresponsabilité vis-à-vis des socialistes.
Les peines planchers étaient censées décourager la récidive ; or elle est passée de 6,4 % en 2002 à 14,7 % en 2011. Le quantum ferme moyen de la peine, qui avait baissé de 1,2 mois entre 2004 et 2012, a augmenté à nouveau de 1,5 mois entre 2012 et 2015 pour s'établir à 8,4 mois aujourd'hui.
Il est regrettable, même si cela n'est pas surprenant, de constater la multiplication des outrances démagogiques à l'approche des élections. Le groupe écologiste ne votera pas cette proposition de loi inique.
Les lois peuvent être toujours plus répressives, elles resteront des voeux pieux si l'on ne renforce pas les moyens de la justice. Mais, en période électorale, il faut visiblement davantage montrer ses muscles que réformer. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
M. Alain Anziani . - J'ai entendu dire que ce texte était préparé dans la perspective de l'alternance. Si tel est le cas, cela est inquiétant : au lieu de préparer l'avenir, vous vous tournez vers le passé.
Ce texte de réaction, de restauration, est appuyé sur un mauvais procès fait à la gauche taxée de laxisme.
Le rapporteur a l'honnêteté de reconnaître que la justice n'a jamais été aussi répressive. Il y a le nombre record de détenus de 69 000. Je n'en suis pas fier mais c'est un fait : quand la gauche est au pouvoir, l'emprisonnement augmente.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Ce n'est pas vous qui prononcez les peines !
M. Alain Anziani. - Votre programme est un long pensum de redites. L'obstacle identifié, Nicolas Sarkozy l'avait dénoncé le premier, est le juge. Il faut donc l'écarter en plaçant au-dessus de lui des peines automatiques, en-dessous des amendes forfaitaires.
Heureusement, François Pillet est arrivé. Il a rappelé quelques principes fondamentaux...
M. Philippe Bas, président de la commission. - Tout va bien.
M. Alain Anziani. - ...et souligné que des moyens sont nécessaires. Procureur sévère, il a refusé tout sursis à des propositions irréalistes. Cette proposition de loi figurera au musée des textes anticonstitutionnels. Il est vraiment remarquable d'avoir bafoué tant de principes fondamentaux : principes d'opportunité des poursuites, d'individualisation des peines.
Le rapporteur a rendu au juge sa possibilité d'appréciation - principe selon lequel il n'y a peu de détention sans titre conformément à l'article 66 de la Constitution et à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La proposition de loi avait même créé une interdiction de mentir, pour laquelle la Cour européenne des droits de l'homme avait déjà condamné la France.
Le Conseil constitutionnel a rappelé plus récemment que chacun a le droit de ne pas s'incriminer.
Le texte fait également fi du principe de légalité des peines, qui doivent être claires et intelligibles, lorsqu'il propose de réprimer la « manifestation » d'une adhésion à des organisations soupçonnées de porter atteinte aux intérêts de la Nation. Comment la définir ?
Même confusion sur la pose du bracelet électronique, dont vous avez imaginé qu'elle pourrait ne pas s'imputer sur la durée de détention - alors que l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme précise bien que le bracelet est une peine de privation de liberté.
Votre proposition de loi s'en remet au règne de l'opinion, qui veut plus d'incarcération. La contrainte pénale est ainsi supprimée au motif que les magistrats ne s'en servent pas. Mais que dire alors des peines planchers ? En 2010, elles étaient écartées dans 62 % des cas par les juridictions ; en 2014, l'Union syndicale des magistrats reconnaissait qu'elles n'avaient fait baisser ni la récidive ni la délinquance. Preuve que les peines planchers n'ont d'effet ni curatif, ni préventif...
Souvenez-vous de la loi pénitentiaire de 2009, que nous avions largement modifiée avec Jean-René Lecerf, mais dont la discussion a eu le mérite de poser des questions incontournables : quel est le sens de la peine, quelle est l'efficacité de la détention, comment éviter la récidive ? La présente proposition de la loi, elle, évite soigneusement de poser de telles questions. Oubliées aussi les règles pénitentiaires européennes qui précisent que la privation de liberté doit être le dernier recours.
Bref, un texte de circonstance, électoral.
L'article 4 permet au procureur de la République de prendre des mesures coercitives, comme de solliciter à l'issue d'une garde à vue le placement en détention provisoire. Comment peut-on imaginer de détenir des personnes qui ne sont ni poursuivies ni mises en examen, au mépris des droits de la défense ?
Cela mérite un plus vaste débat sur l'équilibre de nos institutions judicaires. Le président Sarkozy envisageait naguère de supprimer le juge d'instruction... Qui ici peut accepter la confusion entre l'autorité qui poursuit, celle qui enquête et celle qui place en détention provisoire ? Comment tolérer les entorses faites aux droits de la défense ?
On peut renforcer le pouvoir du Parquet, mais à condition de garantir son indépendance. Le Sénat avait accepté que le Conseil supérieur de la magistrature puisse opposer son véto à une nomination - mais à l'Assemblée nationale, l'un des vôtres, Guillaume Larrivé, s'y est opposé, mettant en garde contre l'autonomie d'un contre-pouvoir judiciaire... Explicitez donc votre position ! Renforcer les pouvoirs du Parquet suppose de renforcer son indépendance.
Bref, en matière pénale, Les Républicains n'ont d'autre réponse que le retour au passé et le souci de plaire, au mépris des droits fondamentaux et d'une justice forte et indépendante. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)
Mme Cécile Cukierman . - À quelques semaines des élections, il est regrettable de débattre d'un tel texte - que l'Assemblée nationale n'aura pas le temps d'examiner d'ici la fin février. La droite sénatoriale veut prendre un peu d'avance dans l'éventualité d'une alternance...
M. Philippe Bas, président de la commission. - Exactement !
Mme Cécile Cukierman. - Qui plus est, les conclusions de la mission de la commission des lois sur le redressement de la justice n'ont pas encore été rendues. À quoi sert-elle, dès lors que ses conclusions sont tirées avant l'heure par une partie du groupe Les Républicains ?
Ce texte est celui d'une droite dure. Il revient sur les principales mesures de la loi Taubira du 15 août 2014. Contrainte pénale et libération sous contrainte sont effacées ; la liberté du juge d'application des peines est encadrée ; le quantum de peine aménageable est réduit ; le recours aux procédures automatiques est développé. Et surtout, le juge est évincé, ses décisions contraintes, à rebours du principe d'individualisation des peines. L'USM a dénoncé un texte démagogique à visée incarcératrice.
Pourquoi la proposition de loi n'a-t-elle pas été soumise au Conseil d'État, comme le permet l'article 39, alinéa 5 de la Constitution ? Nous avons d'ailleurs demandé hier au président du Sénat d'y remédier, comme la Constitution l'y autorise.
Plusieurs dispositions du texte initial avaient un caractère inconstitutionnel ; elles ont été supprimées ou modifiées par le rapporteur, mais l'esprit demeure : des dispositions sécuritaires visant à incarcérer toujours plus, dit le Syndicat de la magistrature. Ainsi, on aggrave la sanction pénale pour la petite délinquance ; la grande délinquance financière, elle, ne passe que rarement par la case prison... Certains, on l'a vu récemment, conservent un casier vierge alors qu'ils encouraient 15 000 euros d'amende et un an d'emprisonnement ; là, personne pour dénoncer le laxisme de la justice...
Il y a pourtant d'autres solutions à la surpopulation que de créer de nouveaux centres pénitentiaires... D'abord, faire de la détention provisoire l'exception et non la règle, donner la priorité aux mesures de prévention et à la réinsertion. Notre attitude n'est pas laxiste, elle vise l'efficacité, non la démagogie. À quand une vaste réflexion sur la peine ? Prenons exemple sur les pays scandinaves au droit pénal plus avancé, comme la Norvège. Celle-ci consacre, il est vrai, cinq fois plus de moyens à la justice que la France, rapportés au nombre d'habitants.
La justice pénale ne sera efficace et humaine qu'avec plus de moyens, plus de magistrats - loin des suppressions de fonctionnaires annoncées par le candidat Les Républicains ! Nous ne voterons pas ce texte, contraire à notre conception de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et socialiste et républicain)
M. Jacques Mézard . - Il est opportun de considérer ce texte comme inopportun. Oserais-je dire que mes collègues Pillet et Buffet, pour lesquels j'ai le plus grand respect, sont en service commandé, dans une magnifique répartition des tâches : à l'un, l'accélérateur, à l'autre le frein...
C'est d'autant plus regrettable que notre commission mène une mission fort utile sur le redressement de la justice. Pourquoi alors cette proposition de loi ? Seule explication : la recherche de l'effet médiatique.
Responsables politiques et médias font un procès injuste à notre justice, en particulier à la Cour de cassation. Mais si la justice n'est pas appréciée, est-ce la faute des magistrats, ou des responsables politiques, de toute tendance ? Le problème, pour nos concitoyens, ce sont d'abord les délais. Mais alors pourquoi ajouter toujours de nouveaux délais, en particulier en allongeant les délais de prescription ?
Deuxième problème : les moyens au quotidien. La situation des greffes est catastrophique, comme l'accès à la justice pénale des plus défavorisés. Ce n'est pas la faute des magistrats, c'est notre faute à tous.
Troisième problème, l'avalanche de textes nouveaux, au gré des gouvernements successifs. Sous le quinquennat Sarkozy, on a fait fort : je me souviens d'un texte sur les morsures de chiens... Sous l'actuel quinquennat, ce n'a pas été brillant non plus. Cela rend le travail des magistrats toujours plus difficile. Arrêtons d'agir au gré des poussées médiatiques, faisons confiance aux magistrats même si certains syndicats devraient se faire plus silencieux...
Le procès en laxisme est injuste, quand nos prisons sont pleines, indignes d'une démocratie ! Il faudrait rationaliser l'échelle des peines, simplifier les procédures...
Quant à l'exécution des peines, elle est certes insatisfaisante - il faut cesser de prononcer trois ans fermes pour espérer voir le condamné faire quelques mois.
M. François Pillet, rapporteur - Et oui...
M. Jacques Mézard. - La déjudiciarisation n'est pas une réponse. À quand la sanction par ordinateur, sans aucune individualisation des peines ? La justice mérite une loi de programmation élaborée dans un large consensus politique et en concertation avec ceux qui la rendent, les magistrats. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Yves Détraigne . - Nous sommes en début d'année et voilà déjà une nouvelle réforme de la justice... qui en annonce d'autres après les élections. J'ai recensé vingt textes consacrés à la justice en une douzaine d'années ! Pour bien fonctionner, la justice a besoin de stabilité et de moyens ; elle n'a ni l'un, ni l'autre. Pas un chef de cour qui ne s'en plaigne : les magistrats n'ont pas les moyens d'exercer leurs missions. Notre justice est insuffisamment dotée. Nous sommes en matière de moyens, les bons derniers des pays occidentaux.
Quelques mesures de la loi Justice du XXIe siècle devraient désengorger le système, comme l'amende forfaitaire pour les infractions routières ou le divorce sans juge, mais d'autres réformes aggravent les choses, comme la loi du 7 mai 2016 qui transfère la contestation du placement en centre de rétention du juge administratif au juge judiciaire.
La question des moyens doit rester une préoccupation permanente.
Ce texte, ambitieux, aborde presque tous les aspects de la politique pénale. Il reprend certaines de nos préoccupations, notamment sur la contrainte pénale, inutile et trop similaire au sursis avec mise à l'épreuve.
Les magistrats ne se sont pas approprié ce nouvel outil. Depuis 2014, 2 009 contraintes pénales ont ainsi été prononcées pour 80 000 sursis avec mise à l'épreuve ; y renoncer est de bon sens.
Là où la proposition de loi améliore l'exécution des peines, essentielle à la crédibilité de la réponse pénale, nous la soutenons ; tout comme les mesures de simplification procédurale - je pense à la lecture publique du renvoi devant une cour d'assises, ou à la possibilité pour les enquêteurs de recourir à des supports papier. Je salue le travail du rapporteur Pillet, précis, vigilant et constructif. Il a proposé de supprimer les deux premiers articles, inopportuns voire contre-productifs, sur l'automatisation de l'engagement des poursuites. Il a évité les a priori et caricatures : non, ce texte n'exprime nulle défiance vis-à-vis du juge, puisque le dernier mot lui reviendra toujours.
Gardons à l'esprit la nécessité absolue de renforcer les moyens de notre justice ; en attendant, malgré les réserves évoquées en introduction, nous voterons ce texte tel qu'il a été amendé par la commission. Il faudra être attentif à son évolution au cours de la navette et à son corollaire budgétaire, qui sera de la responsabilité de la prochaine majorité. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)
Mme Patricia Morhet-Richaud . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La violence est omniprésente ; le sentiment d'impunité se répand. La plupart des peines de prison de moins de deux ans ne sont pas exécutées. Alors que les violences contre les personnes augmentent, ainsi que les cambriolages, je me félicite de l'initiative de nos collègues...
La justice va mal. Les tribunaux sont engorgés, les procédures longues, compliquées, reportées, les peines trop rarement exécutées. Or l'accès au droit est un pilier de la démocratie : la justice doit être indépendante, efficace et accessible à tous. L'accumulation des textes, l'instabilité législative, la surtransposition des directives réduisent la lisibilité, augmentant les coûts et nourrissent la défiance des citoyens.
Ce texte va dans le bon sens : il renforce l'efficacité des poursuites, des alternatives aux poursuites et le contenu de la réponse pénale. Les mesures de protection des mineurs et de lutte contre le terrorisme sécurisent la population, en particulier les plus fragiles. La nouvelle rédaction concernant la contrainte morale et les infractions sexuelles était attendue depuis longtemps.
Il est essentiel de redonner valeur d'exemplarité aux peines, dont 80 à 100 000 sont en attente d'exécution et dont la durée effective ne cesse de baisser, en raison des réductions et aménagements.
Combien de récidivistes parmi les 68 432 détenus que compte notre pays au 1er janvier 2017 ? Ce texte s'attaque au sentiment d'impunité, avec notamment le rétablissement des peines planchers et la suppression de l'automaticité des remises de peine. La création des centres de détention pénitentiaires pour les détenus peu dangereux est une réponse à la surpopulation carcérale : 19 498 personnes incarcérées n'ont pas encore été jugées, et le taux d'occupation de certaines maisons d'arrêt atteint 137 %. Le programme de construction annoncé par le ministère ne suffira pas à lui seul à résoudre ce problème. La détention doit être digne et humaine.
Restaurons la lisibilité et la crédibilité de notre justice pénale : ce texte, opportunément amendé par le rapporteur, va dans le bon sens. L'intelligence avec une puissance étrangère, le délit d'entreprise individuelle terroriste sont mieux réprimés par cette proposition de loi. Pour toutes ces raisons, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme . - La justice est malade ; le malade est sous respiration artificielle.
Cette proposition de loi appréhende le fonctionnement de la justice dans sa globalité et fait des propositions à chaque échelon de la procédure pénale. Pour que les décisions de justice soient mieux admises, mieux comprises et mieux appliquées, elle renforce l'efficacité des alternatives aux poursuites, des poursuites pénales, le contenu de la réponse pénale, l'exécution de la peine prononcée, la lutte contre le terrorisme, la protection des mineurs.
La contrainte pénale est opportunément supprimée, après avoir été créée par Christine Taubira - avec quelle assurance ! - en 2014. Le bilan est sombre : alors qu'elle en escomptait 8 000 à 10 000 par an, seules 2 287 contraintes pénales ont été prononcées en deux ans, dont la moitié par 24 tribunaux de grande instance. Cela représente 0,35 % des peines, loin de la martingale théâtralement annoncée. Pourquoi cet échec ? Manque de crédibilité, similarité trop grande avec le sursis avec mise à l'épreuve mis en place en 1958 et mieux conçu, absence d'augmentation du nombre de postes qui aurait été nécessaire dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation pour sa mise en oeuvre. Un conseiller d'insertion et de probation gère 110 dossiers en moyenne ! Bref, cette usine à gaz mérite d'être supprimée, d'autant qu'elle fait concurrence aux autres peines en milieu ouvert. Idem pour la libération sous contrainte.
Le code de procédure pénale fait de l'aménagement de peine le principe et non l'exception : il faut inverser cette logique, et la réserver aux peines de moins de six mois.
Je salue l'article 22, qui réintroduit les délégués bénévoles.
L'exécution des peines est bien le maillon faible de la chaîne pénale. C'est tout l'enjeu de la bonne justice qu'attendent nos concitoyens, sans trop d'illusions... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UDI-UC)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier demeure supprimé, de même que l'article 2.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°44 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Supprimer cet article.
Mme Françoise Laborde. - L'exécution d'une mesure alternative aux poursuites n'entrainant pas l'extinction de l'action publique, nous supprimons l'article permettant son inscription au bulletin n°1 du casier judiciaire.
M. François Pillet, rapporteur. - L'amendement ne vise manifestement pas le bon texte. Cet article ne vise pas à inscrire les mesures alternatives aux poursuites au bulletin n°1 du casier judiciaire, mais au sein de l'application informatique Cassiopée. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - J'étais défavorable au texte initial, et la réécriture de la commission ne me convainc pas. Avis favorable.
L'amendement n°44 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté, de même que l'article 4.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Dufaut, Bonhomme, Doligé, Masclet, Danesi, Kennel, Commeinhes, Laufoaulu, Perrin, Raison, Laménie, Lefèvre et Cuypers, Mme Lamure et MM. del Picchia, Chaize et Huré.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 18 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils peuvent toutefois accomplir, sur l'ensemble du territoire national, les actes rendus nécessaires par les enquêtes dont ils ont la charge. » ;
2° Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés.
M. Guy-Dominique Kennel. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement élargit à l'excès la compétence territoriale des enquêteurs, ce qui bouleverserait notre code de procédure pénale et soulèverait de nombreuses difficultés. Retrait ou avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Aux termes de l'article 18 alinéa 4 du code de procédure pénale, l'extension est déjà possible sur décision du procureur ou du juge d'instruction. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Bosino. - Le référé-détention, demandé par le procureur, suspend temporairement une décision de remise en liberté contraire à ses réquisitions.
Le texte initial prévoyait qu'il puisse être introduit ab initio : la personne retenue aurait alors été retenue pendant quatre heures puis deux jours, sans titre. Le rapporteur y a remédié : le référé-détention est inapplicable en l'absence de titre initial. Il doit rester une faculté, et non devenir automatique. N'étendons pas son champ d'application.
M. le président. - Amendement identique n°29, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Cet article étend à l'excès la procédure de référé-détention. C'est une disposition lourde de conséquences en termes de privation de liberté, conforme au tout-carcéral voulu par la majorité sénatoriale. Le groupe écologiste s'y oppose fermement.
M. François Pillet, rapporteur. - La commission n'a pas permis le référé en l'absence de titre, mais laissé au procureur la possibilité de ne pas libérer alors qu'il y a déjà un titre. On est loin du tout-carcéral ! C'est un magistrat qui décidera, il s'agit d'une faculté qui n'a rien d'automatique. Avis défavorable aux amendements nos5 et 29.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Avis favorable. La modification apportée par la commission est inutile puisque cela figure déjà dans le droit positif.
Les amendements identiques nos5 et 29 ne sont pas adoptés.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Bonhomme, Doligé, Masclet, Danesi, Kennel, Commeinhes, Laufoaulu, Perrin, Raison, Laménie, Lefèvre et Cuypers, Mme Lamure, MM. del Picchia et Chaize, Mme Deromedi et M. Huré.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l'article 385 est complété par les mots : « et trois jours au moins avant la date de l'audience » ;
2° L'article 390-2 est ainsi rédigé :
« Art. 390-2. - Lorsque le prévenu ou son avocat n'a pu consulter la procédure ou en obtenir copie en temps utile pour permettre l'exercice effectif des droits de la défense, il est procédé, à leur demande, au renvoi de l'affaire. »
M. Guy-Dominique Kennel. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Les demandes de nullité devraient être présentées trois jours avant l'audience. Cela fait peser un formalisme excessif sur les greffes : acte d'huissier, lettre recommandée, etc. En toute hypothèse, les nullités sont jugées au début de l'audience. Retrait ou avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Même avis. Cela rigidifierait la procédure.
L'amendement n°3 rectifié est retiré.
La séance est suspendue à 16 h 30.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat. Je vous appelle au respect des uns et des autres et à celui du temps de parole.
Taux de croissance pour 2016 (I)
M. Vincent Capo-Canellas . - L'Insee a publié ce matin le chiffre de la croissance en 2016 : 1,1 % contre 1,2 % l'année précédente et 1,4 % prévu par le Gouvernement contre vents et marées... Il faut aussi comparer ce chiffre médiocre à la performance moyenne de l'Union européenne : 1,9 % !
Ce résultat est celui de la politique menée depuis cinq ans. Comment allez-vous expliquer aux Français que des statistiques aussi médiocres recèlent des éléments positifs ? Comment envisagez-vous, dans le temps qui vous reste, de restaurer une croissance dynamique ? (Applaudissements au centre)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics . - Ce chiffre est à relativiser. L'Insee publie les chiffres de croissance fin janvier et les rectifie par la suite : en 2013, le chiffre estimé de la croissance est passé de 0,7 % à 0,2 % puis à 0,6 %...
La croissance n'a pas toujours d'influence sur les recettes de l'État, qui dépendent de l'inflation, de l'élasticité, du déstockage de l'épargne des Français... Plus important, le déficit de l'État s'est réduit d'un milliard ; certes, la croissance n'est pas d'un niveau exceptionnel, mais il est meilleur que naguère. De plus, la croissance de 0,4 point au dernier trimestre dessine une perspective encourageante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Chiffres de la délinquance
M. François-Noël Buffet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Lundi, un lycéen a été poignardé à Paris ; mercredi, un policier a été attaqué par un jet de parpaing à Corbeil-Essonnes. Les professionnels constatent un regain de violence sur notre territoire. Les organismes, l'un indépendant, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l'autre dépendant du ministère de l'intérieur, constatent une hausse des violences de 4 % en 2016. Le Gouvernement, lui, communique en parlant d'une baisse.
Pourquoi ce Gouvernement déclare-t-il que « tout va bien, madame la marquise » ? (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice . - Veuillez excuser M. Le Roux qui défend en ce moment le projet de loi sur la sécurité à l'Assemblée nationale.
Il ne peut y avoir de désaccord de statistiques entre le Gouvernement et ce que dit le service statistique du ministère car cet institut applique la même méthode rigoureuse que l'Insee.
La baisse est effective pour la troisième année consécutive. Il y a une baisse des principaux indicateurs depuis cinq ans : vols avec violence, vols de véhicules, etc... - et même du nombre de victimes qui ne portent pas plainte. La fragilité, ce sont les cambriolages. Un plan dédié ainsi qu'un plan d'équipement supplémentaire de 250 millions d'euros y remédiera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. François-Noël Buffet. - Ces organismes donnent des chiffres : il y a bien 4 % de violences en plus. Le Sénat a heureusement débuté l'examen d'une proposition de loi sur la justice pénale et l'exécution des peines. (Applaudissements à droite)
Téléphonie mobile
M. Alain Bertrand . - Une bonne partie du pays - les ruraux et les montagnards - n'a pas de couverture de téléphonie mobile. C'est moins de chiffre d'affaires, d'emplois, de services publics... L'article 9 A de la loi Montagne voté par le Sénat oblige les opérateurs à couvrir tout le territoire mais il a été supprimé en CMP à la demande du Gouvernement, malgré le soutien de M. Baylet, rural comme moi. Comment mettrez-vous fin à cette incurie ? (Applaudissements sur la plupart des bancs)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation . - Je partage votre colère depuis le début. (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Les élus locaux ne cessent de m'alerter : 80 % des courriers que je reçois portent sur ce sujet. Or les opérateurs me répondent : circulez, il n'y a rien à voir. Ils s'élèvent contre la perspective d'une économie administrée et m'expliquent qu'ils ne sont pas là pour payer pour les pauvres, les handicapés, les habitants des campagnes. (La voix de la ministre est couverte par les protestations sur tous les bancs) Nous avons persévéré avec le programme de couverture des zones blanches (marques d'approbation) et le programme de couverture France mobile. Les opérateurs cette fois, auront des comptes à rendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Alain Bertrand. - Je suis stupéfait de votre réponse. France Mobile est un sous-dispositif, une usine à gaz destinée à des ruraux traités en sous-développés. On traite quelques sujets au cas par cas. Nous payons les mêmes impôts qu'ailleurs, nous voulons le même traitement. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
Livre blanc sur la recherche
Mme Corinne Bouchoux . - Ce matin, vous présentiez, monsieur le ministre de l'enseignement supérieur, le Livre blanc sur la recherche. Nous nous félicitons de l'ambition qu'il porte : 60 % de diplômés dans une classe d'âge, politique innovante, statut des enseignants-chercheurs, objectif de part du PIB consacrée à l'enseignement supérieur et à la recherche... Ce sujet mérite de figurer au coeur du débat politique à l'approche de l'élection.
Aux États-Unis, le gel des crédits et la mise au pas de la recherche doivent nous faire réfléchir. Le rôle de l'enseignement supérieur et de la recherche doit être reconnu.
Quelle est la place, notamment, de la transition énergétique et du développement durable dans la stratégie que vous portez ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La remise de ce Livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche est plus qu'une obligation légale : c'est l'expression de la conviction que la matière grise est la première matière à préserver, et de la volonté de redonner à notre pays une place éminente sur la scène internationale à l'heure où le Royaume-Uni annonce un effort supplémentaire de 4 milliards sur les quatre prochaines années.
Ce document établit des objectifs chiffrés et mesure pour la première fois de manière indépendante l'impact de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la croissance : 0,5 point de PIB.
Le développement durable est mentionné une cinquantaine de fois dans le Livre blanc, la transition écologique vingt-huit fois. Je me permets de vous y renvoyer. Nous devrons relever ces défis ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Corinne Bouchoux. - Merci, nous devons nous convaincre collectivement de l'importance de ces sujets. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Décret Trump
M. Éric Bocquet . - Je vais commencer par un poème :
« Envoyez-moi vos fatigués, vos pauvres,
Envoyez-moi vos cohortes qui aspirent à vivre libres,
Les rebuts de vos rivages surpeuplés
Envoyez-les moi, les déshérités, que la tempête m'apporte,
De ma lumière, j'éclaire la porte d'or ! »
Ces derniers vers du poème Le Nouveau Colosse d'Emma Lazarus sont, depuis 1903, gravés sur une plaque de bronze fixée à la base de la statue de la Liberté, à New York, pour souhaiter la bienvenue aux réfugiés.
Un siècle plus tard, les ressortissants de sept pays ne sont plus les bienvenus sur le sol américain pendant quatre-vingt-dix jours et l'entrée sur celui-ci est refusée même aux réfugiés de ces pays. La juge fédérale Ann Donnelly a partiellement annulé les effets de ce décret et les réactions internationales n'ont pas tardé : le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a invité les réfugiés à venir au Canada ; Mme Merkel a donné une leçon de droit humanitaire à Donald Trump. La réponse de la France n'a pas été la plus rapide. Beaucoup s'interrogent sur ce retard. La France doit faire entendre sa voix avec la plus grande clarté et la plus grande fermeté au nom des valeurs humanistes qu'elle porte toujours dans le monde. (Applaudissements)
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre . - Votre critique n'est pas juste : nous avons très vite réagi contre ce décret choquant. Depuis 1793, la France offre l'asile à tous les persécutés. Jean-Marc Ayrault a réagi avec beaucoup de netteté, très vite, prenant contact avec ses homologues européens.
Le décret Trump est inefficace contre le terrorisme, sa motivation affichée. Ce n'est pas en interdisant l'entrée des États-Unis aux ressortissants de ces sept pays qu'on se bat, mais en renforçant les échanges entre services de renseignement, en coopérant militairement et en agissant comme nous le faisons au Levant dans le cadre de la coalition. Les déclarations ne mènent à rien.
Nous sommes la France, qui porte un message universel que les peuples du monde attendent d'elle. Nous serons fermes, actifs et intraitables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que sur certains bancs à droite et au centre)
Mesures en faveur de la jeunesse
M. Jacques-Bernard Magner . - L'action en faveur des jeunes a été une priorité de ce quinquennat. La loi Égalité et citoyenneté vient d'être promulguée, malgré l'opposition de la majorité sénatoriale, qui a tout tenté contre elle, de la question préalable à la saisine du Conseil constitutionnel. Cette loi crée les conditions de la généralisation d'une culture de l'engagement citoyen, notamment par la création d'un congé d'engagement associatif et la mise en place de la réserve civique, pour que 350 000 jeunes soient engagés d'ici 2018, ou encore le financement du permis de conduire par le compte personnel de formation ; ces mesures concrètes sont très attendues par la jeunesse. Quel en est le calendrier d'application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports . - Ce gouvernement fait en sorte que les lois votées soient appliquées au plus vite. Création d'une circonstance aggravante de racisme, congé d'engagement bénévole - combattu par la majorité sénatoriale ! - sont d'ores et déjà en vigueur. Les jeunes peuvent financer leur permis de conduire par le compte personnel et formation. Le décret du 17 avril créera la réserve civique. C'est une loi importante, de progrès.
Je salue enfin le parcours exceptionnel de notre équipe de handball qui a remporté son sixième titre de championne du monde. (Applaudissements à gauche et quelques applaudissements à droite) J'aurais aimé que la droite aussi applaudisse nos sportifs. (Huées à droite)
Taux de croissance pour 2016 (II)
M. Francis Delattre . - Alors que l'Espagne affiche une croissance de 3,2 % et la création de 550 000 emplois, que les prix de l'énergie et les taux d'intérêt sont bas, l'Insee annonce une croissance de 1,1 % alors que la prévision était de 1,4 %. Tous les économistes estiment qu'une croissance ne crée des emplois qu'à partir de 1,5 % de croissance, ce qui explique la hausse du chômage : 26 000 inscrits de plus à Pôle Emploi en catégorie A.
Malgré ce constat d'échec, le ministre annonce une année 2017 dynamique. Les vrais chiffres seront dans la loi de règlement... Cette politique ne conduit-elle pas au suicide économique et au manquement à nos engagements européens ? (Applaudissements à droite. Brouhaha à gauche)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics . - Je n'ai pas bien entendu la fin de votre question, mais j'ai entendu le début, qui énonce une critique infondée. Les chiffres sont connus : notre déficit est d'un milliard inférieur à ce qu'il était l'an dernier. Rendez-vous en effet au mois de juin pour le constater en loi de règlement.
En un an, 110 000 chômeurs en moins ont été constatés à Pôle Emploi. Ce n'est pas contestable. Vous parlez d'un taux de croissance minimal de 1,5 % pour faire baisser le chômage. Mais l'économie n'est pas une science aussi rationnelle que les mathématiques. Ce qui compte, ce n'est pas tant la croissance que ses conséquences concrètes. Oui, monsieur le sénateur, rendez-vous en juin pour la loi de règlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mal-logement
Mme Évelyne Yonnet . - La situation du mal-logement s'aggrave : 143 000 personnes sans domicile fixe, 3,96 millions mal logées, 14,6 millions touchées par la crise du logement : locataires incapables de payer, propriétaires impécunieux, copropriétés dégradées, habitat indigne.
Les prix de l'immobilier ont doublé en moins de vingt ans, et depuis l'an 2000 les loyers ont augmenté de 55 % dans les grandes agglomérations, deux fois plus vite que l'inflation !
L'encadrement des loyers, l'amélioration de la transparence des attributions des HLM, le renforcement de l'hébergement d'urgence sont parmi les mesures utiles prises par le Gouvernement. Je salue également ses efforts contre la réduction des inégalités territoriales et sociales, ainsi qu'en matière d'urbanisme et d'aménagement. Ainsi, un sous-préfet dédié à la lutte contre l'habitat indigne a été nommé d'après ma proposition de loi.
Quel est le bilan des mesures mises en place pour résorber le mal logement et renforcer l'hébergement d'urgence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Veuillez excuser Mme Cosse, retenue auprès de la Fondation Abbé Pierre.
Le Gouvernement salue votre travail en la matière, madame Yonnet, et lui-même agit : loi de mobilisation du foncier public, renforcement de la loi SRU en 2013, encadrement des loyers en 2014, réforme d'Action logement et des aides à la pierre en 2015, loi Égalité et citoyenneté en 2016... J'ajoute que 2 130 000 permis de construire ont été délivrés pour 1,8 million de mises en chantier, et le cap du 110 000e ménage hébergé au titre du Dalo a été franchi.
La droite souhaite maintenant supprimer l'encadrement des loyers, la loi Alur, la loi SRU et les APL ; et même vendre les logements sociaux ! Les Français trancheront. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Procès en islamophobie
M. François Bonhomme . - Élisabeth Badinter déclarait il y a un an qu'il ne fallait pas avoir peur de l'accusation d'islamophobie. Il y a quelques jours, l'historien de la Shoah Georges Bensoussan était attaqué en justice, poursuivi pour incitation à la haine raciale. Même la Licra se désolidarise du collectif contre l'islamophobie et son cortège de prédicateurs. Le philosophe Pascal Bruckner a lui aussi comparu. Heureusement, la justice n'est pas dupe de la stratégie de certains groupes islamistes et la décision des juges a marqué la victoire de la liberté d'expression. Mais on n'a pas entendu le Gouvernement frileux. Il est temps de soutenir nos enseignants dans leur tâche alors que l'enseignement de la Shoah est devenu impossible dans certains territoires de la République.
Il n'y aurait d'autre coupable que la République et la France ! Ne croyez-vous pas qu'il est temps de défendre la République contre ses fossoyeurs ? (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je suis surpris par votre question, monsieur le sénateur, qui ne traduit pas le comportement du Gouvernement. La loi Égalité et citoyenneté renforce la lutte contre le racisme et l'antisémitisme à travers les actions de groupe. Le président de la République a réaffirmé à maintes reprises son engagement, en particulier lors du dîner du Crif. J'ai diffusé en juin 2016 une circulaire aux parquets dans laquelle j'ai réaffirmé la priorité de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les formes de discrimination. Votre indignation ne repose sur aucun fait. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
Alimentation en eau de Mayotte
M. Thani Mohamed Soilihi . - Mayotte connait depuis novembre la pire sécheresse de son histoire en raison d'un fort déficit pluviométrique. Les réserves en eau sont de l'ordre de 15 à 20 % des capacités. Depuis fin décembre, l'eau est coupée deux jours sur trois sur la plus grande partie du territoire. La rentrée scolaire a été repoussée du 9 au 12 janvier. L'eau est, de manière générale, une denrée rare à Mayotte. Quelles mesures d'urgence le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cette pénurie aux conséquences sanitaires potentiellement dramatiques ?
Des mesures de sensibilisation à ces risques seraient en outre opportunes... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Le Gouvernement suit avec la plus grande attention la situation à Mayotte et travaille en lien avec le syndicat intercommunal de l'eau et de l'assainissement de l'île.
Trente-quatre rampes ont été installées pour apporter de l'eau potable et l'envoi d'un tanker pour compléter l'approvisionnement est envisagé, ce qui suppose l'installation de pompes pour apporter cette eau dans les réseaux. Un raccordement du réseau nord au réseau sud de l'île est aussi prévu. Nous sommes aussi attentifs à la situation des collèges et des lycées ; à moyen et long termes, nous engagerons un travail pédagogique pour développer une culture d'économie de l'eau.
Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement et de la ministre des outre-mer pour assurer l'approvisionnement des Mahoraises et des Mahorais.
La séance est suspendue à 17 h 30.
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 17 h 45.
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l'inscription à l'ordre du jour du mercredi 8 février 2017, après l'examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain de la proposition de loi visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété ; des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances du 14 mars 2016 relatives à la partie législative du code de la consommation et du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs, initialement inscrites le jeudi 9 février.
Le Gouvernement a également demandé l'inscription à l'ordre du jour du mercredi 15 février 2017 des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relative à l'autoconsommation d'électricité et relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, ou de sa nouvelle lecture, après l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, ou de sa nouvelle lecture.
La commission des lois se réunira pour examiner le rapport sur la proposition de loi visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété le mercredi 1er février matin. Le délai limite de dépôt des amendements sur ce texte pourrait être fixé au lundi 6 février à midi.
En conséquence, l'ordre du jour des séances du mercredi 8 au mercredi 15 février 2017 s'établit comme suit :
Mercredi 8 février
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relative à la partie législative du code de la consommation et sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation
Jeudi 9 février
À 11 h 30
- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes
Mardi 14 février
À 14 h 30
- Nouvelle lecture de la proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45 et le soir
- Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance portant création de l'Agence nationale de santé publique
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer ou nouvelle lecture
Mercredi 15 février
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ou nouvelle lecture
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relative à l'autoconsommation d'électricité et relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables ou nouvelle lecture
- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale ou nouvelle lecture.
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Demandes d'avis sur des nominations
M. le président. - Conformément aux dispositions de la loi organique net de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et en application de l'article L. 132-2 du code de l'énergie, M. le Premier ministre, par lettre en date du 30 janvier 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente en matière d'énergie sur le projet de nomination de M. Jean-François Carenco aux fonctions de président du collège de la commission de régulation de l'énergie.
Cette demande d'avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
En outre, conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et en application de l'article L. 2312-2 du code de la défense, M. le Premier ministre, par lettre en date du 31 janvier 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente en matière de défense sur le projet de nomination de M. Jean-Pierre Bayle aux fonctions de président de la commission du secret de la défense nationale.
Cette demande d'avis a été transmise à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Renvoi pour avis
M. le président. - J'informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété, dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
Efficacité de la justice pénale (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Cécile Cukierman. - Cet article élargit le domaine de l'amende forfaitaire aux délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à un an à l'exception des infractions contre les personnes. Cette disposition est contraire au principe d'individualisation des sanctions mais aussi aux principes du contradictoire et de la séparation de la poursuite et du jugement puisqu'elle consacre une procédure automatique sans expression des droits de la défense. L'amende forfaitaire, on l'a vu pour les délits routiers, affaiblit la réponse pénale, ce qui n'est certainement pas l'intention des auteurs de ce texte.
M. le président. - Amendement identique n°13, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Alain Anziani. - Si la loi pour la justice du XXIe siècle prévoit l'amende forfaitaire pour les contraventions de quatrième classe et les délits routiers, cet article va beaucoup plus loin en l'étendant à des délits beaucoup plus personnalisés, qui ne peuvent pas être examinés sans tenir audience.
M. le président. - Amendement identique n°30, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°45 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - Déjudiciariser des pans entiers du contentieux à des fins strictement budgétaires pour désengorger les tribunaux ne renforcera pas l'autorité de la justice.
M. François Pillet, rapporteur. - Si ce débat est légitime, le Gouvernement a créé, sans protestation, l'amende forfaitaire en matière délictuelle. Cette procédure s'appliquera à des délits simples et incontestables.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable : les délits de presse et d'exhibition sexuelle ne sont pas des délits simples...
Les amendements identiques nos6, 13, 30 et 45 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 6 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Kaltenbach.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « hébergement », sont insérés les mots : « , de transport ».
M. Philippe Kaltenbach. - Une loi a été adoptée en 2012 pour exclure les actions humanitaires du délit d'aide au séjour irrégulier. Le législateur a oublié d'y inclure les services de transport si bien que des personnes ont été poursuivies devant les tribunaux dans le sud-est de la France. Cela a choqué l'opinion.
Je ne suis pas certain que cet amendement soit dans la philosophie du texte mais il est utile de faire passer ce message : ne saurait y avoir de délit de solidarité.
M. François Pillet, rapporteur. - L'aide directe ou indirecte à l'entrée ou au séjour d'un étranger en situation irrégulière est un délit passible de cinq ans de prison et de 30 000 euros d'amende. En revanche, l'aide apportée par un proche ou dans un but humanitaire pour préserver la dignité ou l'intégrité de la personne n'est pas poursuivie. Nul n'est besoin d'en ajouter, nous affaiblirions la lutte contre les filières clandestines. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - J'ai exactement le même avis que le rapporteur. Avis défavorable.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
ARTICLE 6 BIS
M. le président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mme Yonnet et M. Sueur.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article 225-15-1 du code pénal, il est inséré un article 225-15-1 - ... ainsi rédigé :
« Art. 225-15-1 - ... - Les personnes physiques ou morales déclarées responsables pénalement des infractions prévues à la présente section encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
Mme Évelyne Yonnet. - Cet amendement, qui vise à améliorer la lutte contre les marchands de sommeil, est peut-être satisfait par le code pénal. Pour autant, les magistrats utilisent trop peu la confiscation. La Cour de cassation, dans son arrêt du 15 janvier 2015, a confirmé la possibilité d'y recourir dans les SCI. Monsieur le ministre, merci de mieux la faire connaître.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement, qui a déjà été rejeté lors du projet de loi Égalité et citoyenneté, est satisfait. Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement vise à sensibiliser le ministère...
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Un guide a été diffusé aux juridictions, à 9 000 exemplaires. Cet amendement est disproportionné. Retrait ?
Mme Évelyne Yonnet. - Soit, c'était en effet un amendement d'appel et d'alerte.
L'amendement n°43 rectifié est retiré.
L'article 6 bis est adopté.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mme Yonnet et M. Sueur.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° Au dernier alinéa de l'article 706-62-1, le montant : « 75 000 € » est remplacé par le montant : « 375 000 € » ;
Mme Évelyne Yonnet. - Alors que la fondation Abbé Pierre présente son vingt-deuxième rapport, cet amendement alourdit le montant de l'amende encourue pour le délit de divulgation, de 75 000 à 375 000 euros. Il faut protéger les victimes des marchands de sommeil. Dissuasive pour les délits non lucratifs, une amende de 75 000 euros ne représente rien pour un marchand de sommeil. Dans ce business très lucratif, on se prépare déjà à accueillir les réfugiés climatiques. J'ajoute qu'il y avait eu égalité des voix sur mon amendement lors de l'examen du projet de loi Égalité et citoyenneté.
M. François Pillet, rapporteur. - Le Parlement a modifié l'article 706-62-1 en juin 2016. Ne revenons pas sur sa rédaction, a fortiori lorsqu'il s'agit de déroger au principe de proportionnalité. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Retrait. Le Parlement s'est prononcé sur ce point dans la loi renforçant la lutte contre le crime organisé et l'amendement créerait une distorsion dans l'échelle des peines. En pratique, les marchands de sommeil sont bien plus lourdement condamnés.
Mme Évelyne Yonnet. - J'ai entendu le ministre. Mais je souhaite que les décisions prises par les parlementaires soient plus rapidement appliquées. Il y a urgence, le phénomène touche désormais le milieu rural.
L'amendement n°42 rectifié est retiré.
L'article 7 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Dufaut, Bonhomme, Doligé, Masclet, Danesi, Kennel, Commeinhes, Laufoaulu, Perrin, Raison, Laménie, Lefèvre et Cuypers, Mme Lamure, MM. del Picchia et Chaize, Mme Deromedi et M. Huré.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est complétée par un paragraphe ainsi rédigé :
« Paragraphe...
« De la clôture des débats
« Art. 461-... - Le président déclare les débats terminés. Lorsque le prévenu est libre et que les circonstances de l'affaire le justifient, le président peut enjoindre au prévenu de ne pas quitter le palais de justice pendant la durée du délibéré, en indiquant, le cas échéant, le ou les locaux dans lesquels il doit demeurer, et invite le chef du service d'ordre à veiller au respect de cette injonction. »
M. Éric Doligé. - Cet amendement crée une faculté pour le tribunal correctionnel de garder sous escorte un prévenu pendant le temps du délibéré afin d'éviter qu'il ne prenne la fuite. Simple dans le principe, peut-être compliqué à mettre en oeuvre...
M. François Pillet, rapporteur. - En effet, cela engendrerait des tensions insupportables. Surtout, le prévenu est toujours présumé innocent. Cet amendement contrevient au droit de la défense : avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis défavorable. La loi de 2000 l'a prévu en cour d'assises car le principe d'oralité des débats y empêche que la sentence soit prononcée en l'absence de l'accusé. Cela ne vaut pas en correctionnelle.
L'amendement n°4 rectifié est retiré.
ARTICLE 8
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
M. Christian Favier. - Les peines planchers sont inefficaces contre la récidive, aggravent la surpopulation carcérale et sont contraires au principe d'individualisation des peines. Nous avons décidé leur suppression il y a deux ans à peine, prenons le temps d'en mesurer les effets.
M. le président. - Amendement identique n°14, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Alain Anziani. - Les peines planchers sont inefficaces, les chiffres de l'USM le prouvent.
M. le président. - Amendement identique n°31, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Les peines planchers relèvent de l'imposture : elles sont d'une totale inefficacité dans la lutte contre la récidive.
M. le président. - Amendement identique n°46 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - On ne peut pas conclure que les peines planchers ont fait leurs preuves... Pourquoi aller plus loin que le législateur de 2007 ?
M. François Pillet, rapporteur. - Il n'a échappé à personne que nous ne parlons pas des mêmes peines planchers. Avec ce texte, elles s'appliqueront seulement aux délits et crimes punis de plus de cinq ans d'emprisonnement et ne concerneront pas les mineurs.
Nous ne portons pas atteinte à l'individualisation des peines puisque le juge peut décider de ne pas appliquer la peine plancher en motivant sa décision. Bref, cet article ne nuit à aucun droit fondamental ! Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable, sans surprise.
M. Charles Revet. - Dommage !
M. Jacques Bigot. - Monsieur le rapporteur, où est la cohérence ? Selon vous, l'essentiel est la mise en oeuvre rapide de la peine, et non sa sévérité. Certes, les magistrats pourront refuser la peine plancher mais non au motif que les prisons sont surpeuplées. S'ils ne les appliquent pas, on les accusera de laxisme...
Les amendements identiques nos7, 14, 31 et 46 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Cécile Cukierman. - Contrairement aux peines planchers, l'aménagement des peines est efficace dans la prévention de la récidive. La privation de liberté doit être le dernier recours.
M. le président. - Amendement identique n°15, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Alain Anziani. - Voici un article étrange qui supprime la possibilité d'aménagement des peines. Étonnant et incohérent puisqu'en 2009, Mme Dati l'a élargie aux peines d'emprisonnement inférieures à deux ans, décision confirmée par une autre majorité en 2014. Pourquoi revenir aujourd'hui sur ce principe, sans raison apparente ?
M. le président. - Amendement identique n°32, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - L'abaissement du seuil d'aménagement ab initio a fait l'objet d'un assez large consensus parmi les magistrats auditionnés. Une peine de plus d'un an de prison est d'ailleurs difficile à aménager. Quand l'expérience commande de modifier une loi, il faut le faire, par pragmatisme. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable car je ne crois pas du tout que les aménagements de peines dénaturent celles-ci : elles en individualisent l'exécution pour mieux prévenir la récidive. Si nous maintenons cet article, on aggravera la surpopulation carcérale.
Les amendements identiques nos8, 15 et 32 ne sont pas adoptés.
L'article 9 est adopté.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
M. Christian Favier. - Malgré les modifications apportées par le rapporteur à cet article, l'automaticité de la révocation du sursis nuit à l'individualisation des peines, principe à valeur constitutionnelle.
M. le président. - Amendement identique n°16, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Alain Anziani. - Même motif, mêmes effets. Cet article n'améliore pas la réinsertion, qui devrait être le premier objectif du législateur.
M. le président. - Amendement identique n°33, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Le juge peut s'opposer à la révocation automatique du sursis, l'article ne contrevient donc pas à l'individualisation de la peine. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable. Il faut une application fine, selon la situation du prévenu.
Les amendements identiques nos10, 16 et 33 ne sont pas adoptés.
L'article 10 est adopté.
ARTICLE 11
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Il s'agit ici du sursis avec mise à l'épreuve. C'est la même argumentation que pour le sursis simple.
M. le président. - Amendement identique n°36, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Mêmes explications : rejet.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable : le texte rigidifierait les procédures.
Les amendements identiques nos17 et 36 ne sont pas adoptés.
L'article 11 est adopté.
ARTICLE 12
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.
I. - Alinéas 8 et 9
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
4° L'avant-dernier alinéa de l'article 393 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il l'informe également des dispositions prévues à l'article 434-26 du code pénal. » ;
b) À l'avant-dernière phrase, après les références : « 394 à 396 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...) Au huitième alinéa, après la référence : « 173 », sont insérés les mots : « du présent code ».
L'amendement de coordination n°50, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 12, modifié, est adopté.
L'article 12 bis est adopté.
L'article 13 demeure supprimé.
ARTICLE 14
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Pourquoi étendre les critères de maintien en détention provisoire ? C'est une majorité de droite qui les a fixés dans la loi de 2009.
M. le président. - Amendement identique n°39, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - L'extension se justifie quand il s'agit de maintenir l'ordre et d'empêcher la concertation entre les prévenus. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable. Le risque de coordination frauduleuse est très réduit.
Les amendements identiques nos18 et 39 rectifié ne sont pas adoptés. L'article 14 est adopté, de même que les articles 15 et 16.
ARTICLE 16 BIS
M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
de l'avant-dernier alinéa
par les mots :
du troisième alinéa du présent article
L'amendement de coordination n°49, sur lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse, est adopté.
L'article 16 bis, modifié, est adopté.
ARTICLE 17
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Cet article rendra la confusion des peines plus difficile à prononcer : les peines devront porter sur des infractions de même nature.
M. le président. - Amendement identique n°40, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Les juridictions refusent souvent la confusion des peines quand les infractions sont de nature différente. En outre, nous avons laissé aux juges la possibilité de déroger à la règle.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable : la confusion des peines participe de l'individualisation des peines.
Les amendements identiques nos19 et 40 ne sont pas adoptés.
L'article 17 est adopté.
ARTICLE 18
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Même philosophie : cet article prévoit que l'état de récidive légale doit systématiquement être relevé d'office au stade du jugement, sauf décision spéciale et motivée. De nouveau, on limite le pouvoir d'appréciation du juge.
M. le président. - Amendement identique n°41, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Certes, on exigera du juge un travail supplémentaire de motivation. Mais les obligations de motivation sont de plus en plus fortes dans l'Union européenne ou de la part de la Cour de cassation. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Contraindre les magistrats à motiver rigidifiera la procédure. Avis favorable.
Les amendements identiques nos20 et 41 ne sont pas adoptés.
L'article 18 est adopté.
ARTICLE 19
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Cet article constitue une marque de défiance envers les juges d'application des peines.
M. François Pillet, rapporteur. - Transférer une partie du contentieux au tribunal d'application des peines est nécessaire pour améliorer l'efficacité de la justice pénale. Je le reconnais, cette mesure suppose d'accorder des moyens supplémentaires à la justice. En revanche, elle ne constitue en rien une marque de défiance envers les juges. De l'avis de tous, l'harmonisation des critères de compétence apporte de la clarté. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - La nouvelle répartition des compétences alourdira la charge de travail du tribunal d'application des peines. Avis favorable.
M. Jacques Bigot. - Avec le président de la commission des lois, nous avons rencontré des magistrats débordés. Fort heureusement, ce Gouvernement a procédé à des recrutements massifs après un quinquennat où l'on ouvrait 80 postes par an. Cet article suppose des créations de postes supplémentaires, où sont-elles ? Les magistrats n'en peuvent plus !
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
L'article 19 est adopté.
ARTICLE 19 BIS
M. le président. - Amendement n°22, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Faut-il revenir au bracelet électronique pour les fins de peine ? La loi de 2014 l'a supprimée car cette possibilité était faiblement utilisée, à 3,7 % seulement. Comment éviter la récidive ? Une libération conditionnelle favorise davantage la réinsertion.
M. François Pillet, rapporteur. - Quand nous venons de supprimer la libération sous contrainte, cet article est nécessaire pour éviter les sorties sèches. Un projet sérieux de réinsertion sera désormais exigé du condamné. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
L'article 19 bis est adopté.
ARTICLE 20
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Je rappelle que les crédits de réduction de peine nous viennent de la loi Perben 2. Nous ne pouvons pas accepter de revenir ainsi au régime d'avant 2004.
M. François Pillet, rapporteur. - Je ne voudrais pas que ce problème, sociologiquement important, devienne le terrain de chasse de personnes moins versées dans la pédagogie que nous... Les réductions de peine demeureront mais seront fonction de la volonté du prévenu de se réinsérer. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Avis favorable. Les réductions de peine améliorent leur exécution et permettent un suivi lors de la sortie de détention.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
L'article 20 est adopté.
ARTICLE 21
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Cécile Cukierman. - Cet amendement supprime la contrainte pénale et la libération sous contrainte, introduites par la loi Taubira. La contrainte pénale est certes encore peu utilisée par les magistrats, mais laissons-lui le temps de trouver sa place. Sa suppression ne fera qu'aggraver la surpopulation carcérale.
Reste la question budgétaire, car la contrainte pénale exige un suivi du condamné renforcé par rapport au sursis avec mise à l'épreuve. Il faut donc plus de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. Une justice efficace et humaine a un prix.
M. le président. - Amendement identique n°24, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Alain Anziani. - Vous jugez la contrainte pénale inefficace car peu utilisée. C'est pourtant une peine très novatrice ; elle trouve son origine dans des pays anglo-saxons qui ne sont pas connus pour leur laxisme. Elle a été recommandée par le Conseil de l'Europe et retenu par la conférence du consensus. C'est une révolution culturelle : laissons-lui le temps de prendre sa place dans notre dispositif pénal. Si nous le supprimons, j'en suis persuadé, nous y reviendrons.
M. le président. - Amendement identique n°34, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Cette peine - car même en milieu ouvert, c'est une peine à part entière - a pour finalité de responsabiliser et de réinsérer le condamné. Nous souhaitons qu'elle trouve toute sa place dans notre système pénal, car c'est bien plus qu'une alternative au sursis avec mise à l'épreuve. Laissons aux magistrats le temps de s'en saisir.
M. le président. - Amendement identique n°48 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Je ne conteste pas que la contrainte pénale ait suscité des espoirs immatériels, dans le cadre de la conférence du consensus. Mais sur le terrain, elle ne marche pas, faute de financements et parce qu'elle ne se distingue pas assez des outils existants ; depuis 2014, 2 504 contraintes pénales ont été prononcées contre 110 000 sursis avec mise à l'épreuve. Nous avons suivi l'avis des magistrats que nous avons auditionnés : c'est un dispositif lourd dont ils ne se servent pas. Portons plutôt nos efforts sur le sursis avec mise à l'épreuve. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Le Gouvernement croit à la contrainte pénale, et un travail a été engagé pour analyser l'écart entre le nombre de contraintes pénales prononcées et les prévisions de l'étude d'impact. Les magistrats ont l'habitude du sursis avec mise à l'épreuve, c'est vrai. Pour que la contrainte pénale soit efficace, il faut du personnel, qui manquait dans les premiers temps de son entrée en vigueur : 1 100 conseillers d'insertions et de probation ont depuis été recrutés. Enfin, les avocats eux-mêmes ne souhaitent pas de contrainte pénale pour leurs clients ! Nous avons organisé le 6 décembre une réunion de sensibilisation et invité les parquets à requérir plus souvent cette peine. Nous procéderons aux ajustements qui s'imposent mais nous n'avons pas l'intention de la supprimer. Avis favorable aux amendements.
M. Philippe Bas, président de la commission. - C'est l'article le plus fondamental de cette proposition de loi, tant la contrainte pénale résume à elle-seule la politique pénale de ce quinquennat. Nous avons des objections de principe très fortes. Nous voulons que l'alternative à la prison soit l'exception, et non le principe ! Nous n'avons ni pudeur ni réticence face à l'acte de punir. Face à la hausse de la délinquance, il est essentiel d'affirmer l'exigence de la sanction.
L'échec de la contrainte pénale est patent, après plusieurs années d'application : avec mille peines prononcées par an, contre 108 000 peines de prison, on mesure l'inanité d'un dispositif massivement rejeté par les magistrats. Entre 2011 et 2015, les peines de prison ferme ont augmenté de 10 %, le nombre de sursis avec mise à l'épreuve a baissé de 18,7 %, preuve que nos magistrats sont sévères et veulent une répression efficace.
Mauvaise en principe et dépourvue de moyens pour l'appliquer, la contrainte pénale doit être abandonnée. À l'avenir, il faudra assortir les mesures en matière de politique pénale d'études d'impact approfondies...
M. Jacques Bigot. - La contrainte pénale, contrairement au sursis avec mise à l'épreuve, suppose des obligations lourdes, dont l'application est contrôlée, avec la durée d'une sanction. Elle est donc beaucoup plus répressive. Aujourd'hui les conseillers d'insertion et de probation ont trop de sursis avec mise à l'épreuve à suivre.
Cessez donc d'opposer une droite répressive à une gauche prétendument laxiste ! Ce qui compte pour que la sanction soit efficace, c'est l'exécution rapide de la peine, qui dépend largement des moyens. Là où les juridictions en ont les moyens, la contrainte pénale est appliquée ! On ne reprochera pas au garde des sceaux de répondre aux besoins dans des prisons qui ne cessent de se remplir.
Tous les démocrates ont intérêt à ce que la justice fonctionne de manière apaisée : c'est ce qu'attendent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Les amendements identiques nos11, 24, 34 et 48 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 21 est adopté.
ARTICLE 22
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Faut-il des assistants bénévoles pour assister le SPIP ? Non, nous avons besoin d'approfondir la formation, déjà de grande qualité, des conseillers d'insertion et de probation dont la professionnalisation s'accélère.
M. le président. - Amendement identique n°47 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - Nous craignons que la réintroduction de bénévoles ne casse la dynamique de professionnalisation du personnel d'insertion et de probation. L'ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, a souligné que l'efficacité d'une politique pénale se mesurait non au taux d'entrée en prison mais au taux de sortie dans de bonnes conditions.
M. François Pillet, rapporteur. - Je ne conteste nullement que la professionnalisation des conseillers d'insertion et de probation a été très bénéfique. Cet article autorise le monde associatif et bénévole à apporter un soutien ponctuel aux équipes. La commission a fait oeuvre créatrice ! Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Favorable. Ces mesures de suivi concernent les dossiers les plus complexes, faisons confiance à la compétence des conseillers d'insertion et de probation, dont nous avons augmenté le nombre de 1 100.
Je remercie le président Bas pour ses propos sur la sévérité des juges, et ne manquerai pas de les rappeler à certains de ses amis qui prétendent que notre justice est laxiste !
Les amendements identiques nos25 et 47 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 22 est adopté.
ARTICLE 23
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Cécile Cukierman. - La prison n'est pas la solution à tous les maux de la société. Au problème de la surpopulation carcérale, la droite sénatoriale répond par la création de nouveaux centres de rétention. Pendant ce temps, le nombre de détenus non jugés ne cesse de croître : ils sont 19 500 au 1er janvier. En accentuant la répression, ce texte ne fera qu'accentuer le problème. Pour désengorger les prisons, il faut faire de la détention provisoire l'exception et non la règle.
M. le président. - Amendement identique n°35, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Tous les détenus ne nécessitent pas le même niveau de sécurité. Cet article, très pragmatique, répond aux besoins de l'administration pénitentiaire. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - C'est vrai. D'ailleurs les critères de répartition des condamnés en tiennent compte. Le profil médico-social fait partie de la définition de la personnalité, cet article n'apporte donc pas grand-chose : avis favorable aux amendements.
M. Alain Fouché. - Cet amendement est proprement incroyable. J'ai plus de trente ans de barreau, j'ai défendu des gens très dangereux. Il faut maintenir la détention provisoire, souvent indispensable à la sécurité publique ! Je ne suis pas du tout d'accord avec cette proposition déconnectée de la réalité.
Mme Cécile Cukierman. - Nous intervenons dans cette enceinte car nous avons été élus, pas en vertu de nos compétences supposées. Notre proposition est cohérente. Vous qui avez tant d'expérience, vous savez aussi que la durée d'enfermement ne fait pas baisser la délinquance, bien au contraire. Les maux sont plus profonds. S'il suffisait d'être plus répressif, cela se saurait ! À nos yeux, cet article ne répond pas aux besoins.
M. Alain Fouché. - J'ai le droit de penser le contraire.
M. François-Noël Buffet. - J'entends que nous sommes incohérents, que notre texte ne tient pas debout, que nous sommes d'abominables personnages qui voudrions incarcérer à tout va...
Avec ces établissements à niveau de sécurité allégé, destinés aux détenus peu dangereux, nous devrions arriver à désengorger des prisons surchargées. C'est une amélioration des conditions carcérales des détenus qui va dans le sens de l'individualisation de la peine et du respect des personnes.
Les amendements identiques nos12 et 35 ne sont pas adoptés.
L'article 23 est adopté.
ARTICLE 24
M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Cet article abaisse les seuils d'aménagement des peines. J'ai donné des arguments lors de la discussion sur l'article 9.
M. le président. - Amendement identique n°37, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Avis défavorable, les magistrats auditionnés sont pour.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Avis favorable.
Les amendements identiques nos26 et 37 ne sont pas adoptés.
L'article 24 est adopté.
ARTICLE 24 BIS
M. le président. - Amendement n°27, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Le principe général de réparation intégrale de préjudice causé par une détention provisoire en cas de non-lieu, prévu à l'article 149 du code de procédure pénale, connaît un certain nombre de dérogations. Le rapporteur y ajoute une nouvelle : cela mériterait un débat plus approfondi et une étude d'impact. Nous manquons d'éléments pour nous prononcer.
M. le président. - Amendement identique n°38, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. François Pillet, rapporteur. - Le texte de la commission ne suspend la réparation du préjudice que dans les cas où la personne qui a fait l'objet de la détention provisoire est encore poursuivie pour les mêmes faits et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une décision de non-culpabilité. Si elle aboutit à un non-lieu définitif, l'indemnisation devra tenir compte de la première détention provisoire annulée. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Si de nouvelles poursuites sont engagées sur les mêmes faits, l'exclusion peut se justifier ; elle est toutefois excessive s'il s'agit d'une simple enquête préliminaire. À ce stade, avis favorable à la suppression.
Les amendements identiques nos27 et 38 ne sont pas adoptés.
L'article 24 bis est adopté,
ainsi que les articles 25, 26, 27, 28, 29 et 30.
ARTICLE 31
M. le président. - Amendement n°28, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Alain Anziani. - Cet article autorise la délivrance d'un extrait de casier judiciaire aux personnes morales de droit public et privé qui exercent, sous le contrôle d'une administration, une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact régulier avec des mineurs.
Nous avons légiféré sur ce sujet il y a quelques mois à peine, après l'affaire de Villefontaine. Un peu de stabilité législative ne ferait pas de mal.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet article ne remet pas en cause le dispositif voté l'an passé mais le complète. En aucun cas, une personne privée ne pourra avoir accès à cet extrait de casier. Avis défavorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Une expertise plus poussée serait nécessaire. Avis favorable en attendant.
L'amendement n°28 n'est pas adopté.
L'article 31 est adopté.
L'article 32 demeure supprimé.
L'article 33 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. François-Noël Buffet . - Ce texte est le résultat d'un travail approfondi réalisé au sein du groupe Les Républicains.
M. Charles Revet. - Très bon travail !
M. François-Noël Buffet. - Nous avons souhaité nous focaliser sur l'exécution des peines, non en créer de nouvelles ou en alourdir le quantum.
Deux visions s'opposent manifestement. Pour nous, il faut plus de fermeté, remettre les choses en ordre. Nous avons souhaité que l'individualisation des peines reste un principe incontournable ; le juge conservera avec ce texte toute la latitude nécessaire, même pour les peines planchers en cas de récidive. La mise en place des tribunaux d'application des peines remédiera à la solitude du juge d'application des peines.
En face, d'aucuns considèrent que la peine prononcée et la réalité de la peine exécutée peuvent n'être pas les mêmes. Faisons simplement le constat de ce qui nous sépare.
Merci au rapporteur et au président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur . - Ce texte est, ai-je dit en commission, une sorte de tract ; en tout cas, une vision très simplificatrice ! Ce texte n'ayant aucune chance d'être examiné par l'Assemblée nationale avant la fin de la session, il n'a d'autre objet que de définir ce que sera le programme électoral de la droite et du centre.
Monsieur Buffet, nous sommes pour la fermeté, la rigueur, l'exigence. Faut-il rappeler que c'est ce Gouvernement qui, depuis cinq ans, a augmenté les moyens de la justice, qui n'avaient cessé de baisser sous le précédent quinquennat ?
Il y a en effet deux philosophies. Pour nous, l'efficacité passe par la confiance dans les magistrats, l'individualisation des peines, les alternatives à la détention, pour une justice ferme, exigeante et humaine.
Mme Esther Benbassa . - Les innovations introduites ces dernières années - priorité à la réinsertion, mise en place de peines alternatives à la prison, abrogation des peines planchers - sont en passe d'être supprimées par le Sénat.
Il est impensable de voter de nouvelles dispositions en matière judiciaire sans s'attaquer à la question des moyens. Or le candidat de la droite prévoit de supprimer 500 000 agents publics...
Le groupe écologiste votera contre ce texte d'affichage à destination des électeurs de droite, sauf l'un d'entre nous, qui ne prendra pas part au vote.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Je ne peux laisser qualifier de « tract » ce travail législatif de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit aussi) Le Sénat, assemblée parlementaire permanente de la République, inscrit son travail dans la durée. Oui, l'adoption de ce texte nous permettra, dans l'hypothèse d'une alternance, d'avoir un texte prêt dont la nouvelle Assemblée nationale pourra se saisir dès le mois de juin.
Ce texte ne remet nullement en cause l'individualisation des peines mais émet un signal de sévérité. Pendant la durée où les peines planchers ont été en vigueur, les magistrats ne les ont appliquées que dans la moitié des cas - preuve qu'ils sont libres ! En revanche, le quantum des peines prononcées a été augmenté de six mois en moyenne. Les magistrats comprennent très bien que nous leur demandons plus de sévérité, pas de renoncer à leur office.
Je ne peux laisser dire que nous serions hostiles aux alternatives à la prison. Le nombre de détenus placés sous bracelet électronique, qui avait doublé entre 2010 et 2012, passant de 5 000 à 10 000, n'a pas évolué depuis, malgré tous les discours sur les peines alternatives.
Un tract ? Non, nous votons la loi, pour faire évoluer la politique pénale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance demain, mercredi 1er février 2017 à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 30.
Marc Lebiez
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mercredi 1er février 2017
Séance publique
De 14 h 30 à 18 h 30
Présidence : Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente, Mme Françoise Cartron, vice-présidente Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain
1. Proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques (procédure accélérée) (n°231, 2016-2017).
Rapport de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des lois (n°333, 2016-2017).
Texte de la commission (n°334, 2016-2017).
2. Nouvelle lecture de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n°159, 2016-2017).
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n°289, 2016-2017).
Résultat des travaux de la commission (n°290, 2016-2017).
De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit
Présidence : Mme Françoise Cartron, vice-présidente M. Thierry Foucaud, vice-président
Ordre du jour réservé au groupe RDSE
3. Proposition de loi visant à mettre en place une stratégie nationale d'utilisation du transport sanitaire héliporté (n°233, 2016-2017).
Rapport de M. Gilbert Barbier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°323, 2016-2017).
Texte de la commission (n°324, 2016-2017).
4. Débat sur le thème : « Faut-il supprimer l'École nationale d'administration ? »