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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Gestion des migrants par les policiers

Mme Esther Benbassa

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Procès pour l'accueil des migrants

M. Bernard Vera

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Syrie

M. Didier Marie

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Proximité ?

Mme Françoise Gatel

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur

Carte de voeux

M. Éric Doligé

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Lycées en ZEP

Mme Mireille Jouve

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Compte personnel d'activité

M. Yves Daudigny

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Saisie du CSA après l'interview de Farid Benyettou

Mme Nathalie Goulet

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

Avenir de la Nouvelle-Calédonie

M. Pierre Frogier

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer

Grippe aviaire

M. Franck Montaugé

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Démissions d'enseignants

Mme Patricia Morhet-Richaud

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Épidémie de grippe

M. Jérôme Bignon

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

CMP (Candidature)

« Faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ? »

M. Pierre-Yves Collombat, au nom du groupe RDSE

M. Michel Canevet

M. André Gattolin

M. Richard Yung

M. Jean Bizet

M. David Rachline

M. Pierre Laurent

M. Daniel Gremillet

M. Pascal Allizard

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

CMP (Nomination)

Situation de l'hôpital

Mme Laurence Cohen, au nom du groupe communiste républicain et citoyen

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Aline Archimbaud

Mme Catherine Génisson

M. Alain Marc

Mme Annie David

M. Michel Amiel

M. Georges Patient

M. Alain Milon

M. Cyril Pellevat

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Ordre du jour du mardi 17 janvier 2017




SÉANCE

du jeudi 12 janvier 2017

43e séance de la session ordinaire 2016-2017

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat. Comme la dernière fois, au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

Pour des raisons d'ordre pratique que chacun peut comprendre et conformément à la décision de la Conférence des présidents, les auteurs de question pourront utiliser leur droit de réplique s'il leur reste plus de cinq secondes.

Gestion des migrants par les policiers

Mme Esther Benbassa .  - Le 7 janvier 2017, la systématisation des violences policières contre les migrants dans la capitale a été dénoncée. La police les harcèle, leur confisque leurs couvertures, fait usage de gaz lacrymogène et huit personnes proches de l'hypothermie ont dû être prises en charge.

La mise en cause des policiers est peut-être un sport national, monsieur le ministre, mais la situation des migrants est inacceptable et la réalité du harcèlement n'a pas été réfutée. Les places d'hébergement manquent. Le centre de la Chapelle est saturé, comme le 115. Dans la nuit de lundi à mardi, une nouvelle évacuation a eu lieu à Paris. Quelles solutions proposez-vous pour que les réfugiés survivent ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Vous n'avez pas évoqué plusieurs décisions prises par le Gouvernement comme le passage de 22 000 à 44 000 du nombre de places en centre d'accueil des demandeurs d'asile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Pourquoi ne le dites-vous pas ? C'est l'honneur de ce Gouvernement, comme l'est l'augmentation du nombre de postes à l'Ofpra. De même, nous avons mis fin au drame de Calais. Que ne le rappelez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Pendant les évacuations de Calais, nos policiers aidaient les migrants à accéder aux bus. Telle est notre fierté. Sortons de l'outrance et de la caricature. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et sur quelques bancs à droite et au centre)

Procès pour l'accueil des migrants

M. Bernard Vera .  - Le 4 janvier dernier, au tribunal de Nice on a requis huit mois de prison avec sursis contre Cédric Herrou pour avoir aidé des réfugiés dans la vallée de la Roya, proche de l'Italie.

Un nombre croissant de Français jugent indignes les insuffisances de l'État en termes d'accueil. Pas moins de onze procès pour ceux qui accueillent ces réfugiés alors même que les régions ont des moyens pour le faire.

Plutôt que son autoritarisme, quelles actions le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour que le secours aux réfugiés ne soit plus considéré comme un délit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - L'État ne fait pas preuve d'autoritarisme. L'article L. 622-1 du Ceseda a été abrogé par une loi du 31 décembre 2012 défendue par Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur. Toutefois subsiste dans notre droit positif une incrimination pour lutter contre les filières. Dans le cas d'espèce, le procureur de Nice a estimé qu'il était en face d'un réseau irrégulier. La personne à qui vous faites allusion a aidé 300 personnes en situation irrégulière ; c'est pourquoi elle a été convoquée trois fois devant les juges. Alors qu'elle était passible de cinq ans de prison et de 30 000 euros d'amende, le procureur a requis huit mois avec sursis et la privation de son permis de conduire sous réserve de sa situation professionnelle. Je m'interdis de porter aucune appréciation sur cette décision du procureur. Attendons le verdict, le 10 février prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi.  - Tout le monde ne s'appelle pas Mme Lagarde !

M. Bernard Vera.  - M. Valls déclarait en 2012 que notre loi ne devait pas s'attaquer à ceux qui en toute bonne foi tendent une main secourable. Le groupe CRC se tient résolument aux côtés des militants associatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Syrie

M. Didier Marie .  - Depuis cinq ans, le dictateur Bachar al-Assad soutenu par l'Iran et la Russie massacre son peuple. On compte 300 000 tués et la moitié de la population déplacée. Pas une journée ne passe sans images terribles qu'il s'agisse de la chute d'Alep ou du massacre dans la Vallée de la Barada mise à feu et à sang. La France multiplie les initiatives pour sortir du conflit, telles la résolution 2328 du Conseil de Sécurité prévoyant des dispositions humanitaires pour les populations fuyant Alep.

Le Conseil de sécurité a récemment accepté la proposition russe de cessez-le-feu. Des négociations doivent se tenir à Astana, hors du cadre de l'ONU et excluant la coalition internationale anti-Daech dont la France est partie prenante.

Alors que la responsabilité de la Russie dans cette tragédie est claire, que la Turquie joue un rôle trouble et que des renversements d'alliance s'esquissent, que des parlementaires français rendent visite au bourreau de son peuple, que compte faire la France, vis-à-vis de la résolution 2254 des Nations unies, la seule qui offre un choix non entre Bachar al-Assad et Daech mais entre la guerre et la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - La France a sur ce conflit une position constante, visant à trouver une solution pacifique pour faire gagner la paix et écraser la menace terroriste.

Depuis l'usage d'armes chimiques par le Gouvernement de Bachar al-Assad, véritable ligne rouge, nous n'avons cessé de plaider pour une solution pacifique. Celle-ci passe par la résolution 2254 qui organisait l'envoi d'observateurs et d'aide humanitaire en Syrie, sur la base de laquelle le cessez-le-feu a pu être signé dans le cadre de l'accord russo-turc.

Nous sommes toujours favorables au dialogue inter-syrien, promouvons une solution politique passant par le dialogue social, mais Bachar al-Assad n'a plus sa place en Syrie pour des raisons politiques, morales, humanitaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Proximité ?

Mme Françoise Gatel .  - Bravo, monsieur le ministre de l'intérieur, pour votre éloge de la vertu de la proximité avec les élus. Mais où est-elle lorsque le nouveau dispositif de délivrance de carte nationale d'identité va être expérimenté dans 27 communes seulement des 350 d'Ille-et-Vilaine ?

Les jeunes et les personnes âgées doivent se déplacer deux fois de plusieurs dizaines de kilomètres, alors qu'aucun moyen de transport n'est à leur disposition.

Quelle est votre conception de la proximité ? Imposer à 36 000 communes de gérer les fax pour assumer les formalités obligatoires une fois qu'on a supprimé les services publics ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur .  - Le Gouvernement cultive la proximité, je le confirme (Exclamations à droite) tout en luttant contre la fraude documentaire et en améliorant l'efficacité de la délivrance des titres d'identité aux usagers.

Le plan mis en oeuvre a fait l'objet d'une concertation approfondie. (« Pas avec nous » à droite) Nous avons retenu la plus haute indemnisation pour les communes proposée par l'Inspection générale de l'administration, soit 36,5 millions.

La demande de carte nationale d'identité implique une confrontation : pas de délivrance à distance.

M. le président.  - Il est temps de conclure.

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Je me rends à Rennes samedi ; je compléterai ma réponse à ce moment.

Mme Françoise Gatel.  - Je n'y serai pas, hélas. C'est plutôt sur votre définition de la concertation que j'aurais dû vous interroger. Pour moi, la décentralisation ne consiste pas à transformer les élus locaux en sous-traitants sous-payés ! (Applaudissements nourris à droite et au centre)

Carte de voeux

M. Éric Doligé .  - Monsieur le Premier ministre, je me permets de vous lire la carte de voeux que je comptais vous envoyer. Nous n'avons pas hésité à vous applaudir à plusieurs reprises.

M. Didier Guillaume.  - Trop peu !

M. Éric Doligé.  - Ce qui montre notre ouverture et notre objectivité. Je formule le voeu que vous ne recouriez pas au 49-3...

M. Didier Guillaume - Ici, aucun risque !

M. Éric Doligé.  -  ...comme votre prédécesseur l'a fait.

M. Jean-Louis Carrère.  - Il y a été obligé.

M. Alain Fouché.  - Ben voyons !

M. Éric Doligé.  - Je souhaite que votre Gouvernement réponde aux questions de la majorité sénatoriale, (Applaudissements épars à droite) sans les esquiver ! Je souhaite également que vous ne subissiez pas une vague de démissions.

M. Didier Guillaume.  - Quel niveau affligeant...

M. Éric Doligé.  - Je regrette l'absence répétée de Mme Ségolène Royal, (« Ah oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) alors qu'elle devrait nous réserver la primeur de ses jugements sur Notre-Dame des Landes et sur Fidel Castro. Je vous souhaite enfin une paisible retraite après votre reconversion comme avocat. (« Question ! » à gauche ; applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - La vie politique est faite de moments d'affrontement, mais aussi d'amabilité. Nous venons d'en vivre un. (Rires) À mon tour de vous adresser mes voeux, à vous personnellement, à vos collègues de l'opposition, mais aussi à ceux qui soutiennent le Gouvernement ou qui souhaiteraient le faire. (Rires à gauche)

Je formule le voeu que chaque question qui nous sera posée soit d'un niveau suffisamment élevé pour nourrir le débat. Je souhaite également que nous évitions les outrances et je sais que je peux compter sur vous. (Rires)

Je souhaite que l'amour de notre pays nous aide à faire prévaloir l'intérêt général.

Enfin, je souhaite que l'on applique le programme énoncé pendant les primaires, même après qu'elles ont eu lieu. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du RDSE et du groupe socialiste et républicain)

Lycées en ZEP

Mme Mireille Jouve .  - Depuis janvier, plusieurs lycées, en région parisienne et dans l'académie d'Aix-Marseille, sont en grève à l'appel d'un collectif de défense des lycées classés en ZEP. Ils sont inquiets pour leur avenir : en effet, à partir de juin 2017, plus aucun texte réglementaire ne garantira le maintien des moyens supplémentaires qui découlent de ce statut : effectif de classes allégé, postes supplémentaires d'assistants d'éducation... Cela à l'heure où l'enquête PISA révèle que notre système éducatif est profondément inégalitaire. Enseignants et lycéens défendent un argument de bon sens : alors que la réforme des réseaux d'éducation prioritaire a été menée en 2014, pourquoi les lycées sont-ils absents de la nouvelle carte ? Sont-ils les oubliés de la réforme ? Le chantier est remis à plus tard, sans doute à trop tard. Les difficultés scolaires et sociales ne s'arrêtent pas à la fin de la troisième !

Vous avez certes promis la prolongation de la clause de sauvegarde jusqu'en 2019 et une dotation d'emploi exceptionnelle dans les lycées les plus défavorisés, mais ces dispositifs, non pérennes, peuvent très bien être abrogés demain. Que fait le Gouvernement sur le long terme ? Ne pourrait-il pas s'engager davantage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et communiste républicain et citoyen)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - A-t-il jamais été question de sortir les lycées des ZEP ? La réponse est non. Vous connaissez mon attachement à l'éducation prioritaire, dont les moyens ont été renforcés au cours du quinquennat. Nous avons réformé la carte des ZEP pour les écoles et collèges, il faudra le faire aussi pour les lycées. C'est avant tout une réforme cartographique, qui vise à concentrer les moyens sur les établissements les plus fragiles socialement, en faisant sortir ceux qui vont mieux. Cela suppose des indicateurs sociaux précis, discutés avec les acteurs de terrain.

Cette réforme comprend aussi un volet pédagogique, avec l'introduction d'un référentiel pédagogique, à élaborer dans la concertation, et un volet financier -  350 millions d'euros supplémentaires pour les écoles et collèges. Cela ne peut se faire en quinze jours.

Ce travail est déjà programmé ; ce sera la priorité du prochain quinquennat. Nous nous y engageons de façon résolue. (On ironise à droite). Si d'autres venaient aux responsabilités, je comprends que les personnels de l'éducation prioritaire cherchent à faire passer le message.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - En attendant, tous les moyens des lycées ZEP sont préservés, et 450 postes seront créés à la rentrée 2017 pour les établissements les plus fragiles. Vous le voyez, cela laisse le temps de mener ce travail sereinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Compte personnel d'activité

M. Yves Daudigny .  - La loi Travail renforce les syndicats, les droits des salariés, la capacité des entreprises à se développer et la culture du compromis. Elle met le syndicalisme face à ses responsabilités en lui proposant de réinvestir le terrain de l'entreprise, a dit Laurent Berger.

Ce matin, à la Cité des métiers, vous avez lancé une disposition novatrice le compte personnel d'activité (CPA). Annoncé le 3 avril 2015 par le président de la République comme la grande réforme sociale du quinquennat, voté dans la loi Rebsamen de juillet 2015, objet de négociations entre les partenaires sociaux aboutissant à une position commune en février 2016, c'est devenu une mesure phare de la loi Travail du 8 août 2016.

M. Alain Gournac.  - Bref, c'est formidable !

M. Yves Daudigny.  - Ce compte personnel d'activité est composé d'un compte personnel de formation, d'un compte personnel de prévention de la pénibilité et d'un compte d'engagement citoyen. C'est un droit nouveau, devenu réalité le 1er janvier 2017. Il est de plus universel et attaché non à l'emploi, mais à la personne. Pouvez-vous nous en préciser le contenu et les modalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, on ironise à droite)

M. Didier Guillaume.  - Très bonne mesure !

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Oui, monsieur le sénateur, c'était un honneur de lancer ce matin le CPA, pensé et voulu par le président de la République.

M. Francis Delattre.  - Vous pourriez le remercier de la question !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Les mutations profondes du monde du travail l'exigeaient. Premier pilier du CPA : son universalité. Il est donc ouvert à tous : salariés du privé, agents du secteur public, indépendants, demandeurs d'emploi, jeunes ou seniors.

Deuxième pilier, la justice sociale : plus de droits à ceux qui en ont le plus besoin. Le doublement des droits à la formation pour les agents les moins qualifiés est opérationnel dès aujourd'hui. La reconnaissance de l'engagement citoyen et de la pénibilité, c'est-à-dire de l'inégalité devant l'espérance de vie, relèvent aussi de la justice sociale.

Troisième pilier : l'autonomie, car il favorise la reconversion professionnelle qui peut être un pari risqué.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Bref, le Gouvernement est particulièrement fier de cette belle avancée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Saisie du CSA après l'interview de Farid Benyettou

Mme Nathalie Goulet .  - L'anniversaire tragique des attaques de Charlie et de l'Hyper Casher a donné lieu à des manifestations digne et émouvantes, mais aussi à un épisode discutable : l'interview de Farid Benyettou, mentor des frères Kouachi, repenti autoproclamé qui, arborant lunettes de soleil et badge « je suis Charlie », faisait la promotion de son livre. Un comble d'indécence, une insulte à la mémoire des victimes.

Avec André Reichardt, co-président de la commission d'enquête sur la lutte contre les réseaux djihadistes, nous avons saisi le CSA et déposé une proposition de loi pour labelliser les structures en charge de la lutte contre la radicalisation. Demande que nous avions formulée lors de l'examen de la mission Sécurité du projet de loi de finances.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour que la lutte contre la radicalisation ne soit pas au mieux entre les mains incompétentes, au pire entre des mains dangereuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication .  - Nous sommes deux ans après les attentats de Charlie et de l'Hyper Casher. N'oublions pas non plus l'assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge. Nous sommes aussi deux ans après les manifestations d'unité nationale qui ont rappelé notre attachement au modèle de société fondé sur la liberté et les valeurs républicaines.

Je comprends l'émotion et l'indignation suscitées par l'interview de M. Benyettou, et je pense aux proches des victimes qui en ont été blessés.

Nous avons entre les mains un trésor, qui nous vient des Lumières, que nous avons conquis de haute lutte : la liberté d'expression et de communication. Certains pays se battent encore pour y avoir accès. Mais cette liberté ne permet pas tout, et surtout pas de fouler aux pieds la dignité des personnes ou de faire l'apologie du terrorisme. Le CSA, autorité indépendante, en est le garant ; il a récemment élaboré un code de bonne conduite pour la couverture des attentats. Laissons-le oeuvrer. Gardons-nous de règles de circonstances. Protégeons ces libertés que les terroristes combattent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)

Mme Nathalie Goulet.  - J'espère au moins que les droits d'auteur de ce livre iront à l'indemnisation des victimes ! Ma question était posée en toute bonne foi, et je crois d'un niveau satisfaisant, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements au centre)

Avenir de la Nouvelle-Calédonie

M. Pierre Frogier .  - En novembre 2018, les habitants de la Nouvelle-Calédonie seront confrontés à un choix crucial : le maintien ou non de la Calédonie dans la France. Or la préparation de cette échéance ne semble pas être une priorité pour le Gouvernement. Je ne cesse de tirer la sonnette d'alarme : nous nous dirigeons vers un référendum binaire, pour ou contre la France - la pire des solutions.

Cette consultation inutile et dangereuse risque de faire voler en éclat l'exception calédonienne au sein de la République.

Les violences, les exactions, les agressions contre les forces de l'ordre, les affrontements entre communautés se multiplient. Là aussi vous avez tardé à réagir - même si je salue les décisions prises en novembre par le ministre de l'intérieur.

Il y moins de trois semaines, un Kanak a tué un autre Kanak pour mettre fin aux troubles qui perturbaient la tribu de Saint-Louis.

La sortie de l'accord de Nouméa ne peut se faire que sur une base harmonieuse et apaisée. Ferez-vous enfin des derniers mois qui nous séparent de l'élection présidentielle une période utile pour la Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - Je ne peux laisser dire que le Gouvernement n'a rien fait pendant le quinquennat. Vous en avez été le témoin et l'acteur. Le Gouvernement a au contraire préparé pas à pas cette échéance, collectivement, en responsabilité, de façon globale. M. Cazeneuve, alors ministre de l'intérieur, a mobilisé des moyens pour renforcer la sécurité sur place. Le comité des signataires a été réuni pas moins de six fois, pour régler de nombreuses questions essentielles, telle la gestion des listes électorales pour les élections provinciales - dossiers désormais clos.

Sur l'avenir institutionnel, les retours d'experts nourriront le dialogue sur les différentes options.

Nous avons encore renforcé l'économie locale, en soutenant le nickel, en promouvant la formation et les dispositifs de défiscalisation.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Ericka Bareigts, ministre.  - Un mot encore sur les contrats de développement, en forte hausse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain.

M. Pierre Frogier.  - Durant ce quinquennat, par manque de détermination, le Gouvernement a joué les accords de Nouméa au fil de l'eau. Vous laissez un lourd héritage ! (Protestation sur les bancs du groupe socialiste et républicain, applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Grippe aviaire

M. Franck Montaugé .  - Après celle de 2016, l'épizootie de grippe aviaire apparue début décembre dans le Tarn s'est transformée en catastrophe économique et sociale pour la filière.

Déjà, 115 foyers ont été répertoriés sur huit départements, dont les trois quarts dans le Gers et les Landes. Malgré des mesures drastiques, l'épizootie s'étend. Rien n'est plus douloureux pour un éleveur que de voir ses bêtes vouées à la destruction. Certains songent même à la reconversion. La solidarité nationale doit s'exercer et les indemnisations doivent être versées dans les meilleurs délais. Or le solde de la première crise n'est pas encore réglé !

Comment comptez-vous répondre à cette demande urgente et légitime ? Comment le ministère, les organisations professionnelles et les collectivités peuvent-elles contribuer aux adaptations structurelles nécessaires pour maitriser le risque sanitaire et relever le défi de la performance économique, sociale et environnementale ? Le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux de l'agriculture ne pourrait-il être missionné ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser Stéphane Le Foll, retenu à l'Assemblée nationale. Actuellement, dix-neuf pays européens sont touchés par ce virus, véhiculé par les oiseaux migrateurs. Pour éviter la propagation, un dépeuplement spécifique est appliqué depuis le 5 janvier dans 187 communes, qui donnera bien sûr lieu à des indemnisations. Déjà, l'État prend en charge les coûts d'abattage, de nettoyage et de désinfection.

M. Le Foll travaille avec les élus et les responsables de la filière sur un calendrier de remise en production, les conditions d'indemnisation des pertes économiques et la prévention de la diffusion du virus. L'an dernier, 25 millions ont été versés au titre de l'indemnisation sanitaire, auxquels s'ajoutaient 43 millions au titre du développement. Reste à toucher les fonds promis par l'Union européenne, dont 30 % n'ont pas été versés ; le ministère et notre représentation à Bruxelles y travaillent. Vous le voyez, l'État est pleinement mobilisé aux côtés de la filière pour faire face à cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Démissions d'enseignants

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Un récent rapport sénatorial, s'appuyant sur les chiffres du ministère, a illustré les difficultés que rencontrent les enseignants. Depuis 2012, le nombre de démissions des stagiaires a doublé dans le premier degré, et triplé dans le secondaire. J'imagine bien que vous allez relativiser, dire qu'il s'agit d'un problème de moyens et qu'il faut donc créer encore des postes...

Ne croyez-vous pas que les difficultés sont ailleurs ? Selon le rapport de la Cour des comptes, le problème de l'Éducation nationale n'est pas quantitatif. Pédagogisme, réformes à répétition, solitudes des enseignants expliquent leur malaise. Le personnel de l'Éducation nationale a besoin de missions claires : transmission du savoir, perspectives et soutien de la hiérarchie face à des classes de plus en plus rebelles à toute forme d'autorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Soyons précis : on compte 0,15 % de démissions parmi les enseignants. Cela correspond à des enseignants qui réalisent en début de carrière que le métier n'est pas fait pour eux. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

A contrario, on recense dans les écoles du professorat environ 15 % de reconversions professionnelles, avec des enseignants arrivant d'horizons divers. Ces chiffres montrent que dans le monde actuel, les salariés sont mobiles... (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Ce qui importe, c'est que nos enseignants soient bien formés, bien accompagnés, bien rémunérés, bien considérés. Cela passe par le rétablissement de la formation initiale, le protocole sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), qui permet un accompagnement renforcé des nouveaux enseignants pendant leur première année d'exercice.

Je ne dis pas que tout va pour le mieux en matière de gestion des ressources humaines... (On renchérit à droite). Les choses peuvent être améliorées, mais le travail a été bien entamé pendant ce quinquennat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Votre réponse est convenue. Face à la désespérance des enseignants, vous voulez conforter les mauvais choix ! Les résultats de l'enquête Pisa sont pourtant catastrophiques. (On proteste sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Comme l'écrivait Bossuet, les hommes déplorent les effets dont ils chérissent les causes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est une citation de M. Fillon !

Épidémie de grippe

M. Jérôme Bignon .  - L'actualité française, ce n'est ni la primaire socialiste ni l'intronisation de M. Trump : c'est la grippe. C'est l'actualité des dizaines de milliers de parents inquiets, des 155 000 seniors déjà touchés, de ceux qui la redoutent, des familles endeuillées, des hôpitaux surchargés, des Ehpad déboussolés, des services d'urgence éreintés, où l'on manque de lits, des médecins libéraux épuisés et pas assez nombreux, de nos compatriotes dans les déserts médicaux, confrontés à des attentes insupportables.

La grippe n'a pourtant rien de surprenant : elle revient chaque année, avec des pics tous les cinq ans. On est donc surpris par l'impression d'une gestion improvisée et peu professionnelle de l'épidémie. Le débat entre le directeur général de la santé et celui de l'agence nationale de santé publique est surréaliste !

M. Jean-Louis Carrère.  - La question !

M. Jérôme Bignon.  - Que pouvez-vous dire pour rassurer nos compatriotes, madame la ministre ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Veuillez excuser Marisol Touraine qui se trouve précisément... dans un hôpital. (On ironise à droite)

La grippe n'est pas une maladie bénigne, notamment pour les personnes âgées ou fragiles. En matière de vaccination, on peut toujours faire mieux. Je forme le voeu que l'an prochain, davantage de responsables politiques s'engagent dans la campagne de prévention, plutôt que de critiquer ensuite, au plus fort de l'épidémie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Le ministère de la santé a sensibilisé les professionnels de santé dès le 28 octobre à la nécessité de se préparer à l'épidémie, qui cette année est particulièrement précoce et virulente. Nous avons mis en place le plan blanc, permis de rappeler du personnel, d'ouvrir des lits, de déprogrammer des activités non urgentes. Nous étions réunis à l'Élysée ce matin autour du Premier ministre, car 192 établissements se sont déclarés en tension. L'hôpital public reste notre patrimoine commun, et ce n'est pas en supprimant 500 000 fonctionnaires que vous en améliorerez le fonctionnement ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains, qui couvrent la voix de l'oratrice)

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 20.

CMP (Candidature)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître à la Présidence qu'elle propose la candidature de Mme Annie David pour siéger, en qualité de titulaire, au sein, d'une part de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, et d'autre part de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé en remplacement de Mme Laurence Cohen, démissionnaire.

Cette candidature a été publiée conformément à l'article 12, alinéa 4, du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

« Faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ? »

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème « Faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ?».

M. Pierre-Yves Collombat, au nom du groupe RDSE .  - On peut lire dans le bêtisier de Maastricht rassemblé par Jean-Pierre Chevènement, une amusante tirade de Jacques Delors selon qui les partisans du non sont des apprentis sorciers, auxquels il ne donnait qu'un seul conseil : ou vous changiez de position, ou vous abandonniez la politique !

En lançant ce débat, j'ai bien conscience du risque de me retrouver au rang des imbéciles, des europhobes, autant dire des racistes... Mais je rejoindrai ce faisant Joseph Stiglitz, Paul Krugman, James Galbraith ou Jacques Sapir, parmi d'autres. Pour justifier l'Union économique et monétaire, Michel Sapin, déjà ministre des finances, promettait « plus de croissance, plus d'emplois et plus de solidarité », à quoi s'ajoutait l'argument de la souveraineté, c'est-à-dire plus d'autonomie monétaire et financière vis-à-vis des États-Unis.

Or, en matière de croissance et d'emploi, la zone euro faisait moins bien que les États-Unis dès 2003 et, même, que l'Europe à 28 en matière de chômage, avec un différentiel de 1,5 point. À ce jeu, que des perdants et un seul gagnant : l'Allemagne, qui accumule les excédents. L'Europe sociale, loin de progresser, régresse partout, même en Allemagne : un million de pauvres en plus en France entre 2004 et 2014.

La baisse du commerce intra-européen est un autre signe parlant.

Les dégâts de la crise montreront que la zone euro n'est qu'une province de l'empire américain.

Lors de la crise de 2008, les capitaux se sont réfugiés à New York, pas à Paris, ni à Francfort. Tout échange en dollars est susceptible de relever des justices étasuniennes avec entre 20 et 40 milliards de dollars d'amende pour des faits commis hors du territoire américain.

Dans la gestion de la crise venue des États-Unis, l'Europe s'est montrée structurellement faible, comme l'a dit Paul Krugman. Les États-Unis ont réagi très vite avec la mise en place du plan d'aide à la consommation et à la relance et des politiques de Quantitative easing. Dans le même temps, la BCE continuait de lutter contre une inflation imaginaire et relevait son taux directeur...

La zone euro ne s'est pas contentée de subir la crise américaine. À partir de 2010 elle a dû faire face à la crise grecque. Pour sauver les meubles, on a bricolé un système de financement collectif : mécanisme européen de solidarité financière, fonds européen de stabilité financière, mécanisme de stabilité financière, traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire... Cinq ans pour ne pas régler au fond la situation de la Grèce, dont le PIB ne représente que 3 % de celui de la zone euro... et sans garantie que ce bricolage suffira pour des économies plus importantes comme le Portugal, l'Espagne ou l'Italie, dont le système bancaire est au bord de l'implosion. Tout ceci en installant une austérité mortifère en Grèce et une stagnation économique dans le reste de la zone euro.

Paul Krugman nous dit que c'est l'inflexibilité de l'euro et non les dépenses publiques, qui a été au coeur de la crise, mais aussi que le problème fondamental a été l'orgueil, la croyance arrogante que l'Europe pouvait faire fonctionner une monnaie unique alors qu'elle n'y était pas prête.

L'euro, en effet, est une tentative jamais vue de créer une monnaie sans référence à l'étalon-or, sans pouvoir souverain pour la légitimer, l'administrer et la gouverner en cas de crise. Une monnaie sans garantie mutuelle permanente des dettes permettant l'émission d'euro-obligations.

Non pas une monnaie unique mais un système de parités fixes entre des monnaies zombies sans mécanisme pour réduire les excédents et les déficits inéluctables entre des pays dont les productivités économiques sont très différentes.

Le résultat, c'est une monnaie sous-évaluée pour l'Allemagne et surévaluée pour les autres qui n'ont plus le choix que la dévaluation interne. Quand se conjuguent baisse de salaires et désendettement, on ne peut s'étonner de voir surgir la dépression, d'autant que les États se sont interdit toute relance budgétaire. Ce système, en refusant toute monétisation de la dette publique ou sociale, au mieux crée une rente perpétuelle pour les banques, au pire expose les États, lacés dans la main des marchés, au chantage spéculatif. Avant l'euro, le Trésor et les banques centrales surveillaient le taux de change ; depuis, c'est le spread qu'ils examinent, quel progrès ! Et comme garant, quelques règles budgétaires bricolées sur un coin de bureau et placées sous la surveillance d'un haut clergé financier central...

À cela s'ajoute un système de banques centrales chargées de lutter contre l'inflation mais pas contre la stagnation.

Faut-il donc réformer la zone euro ? Assurément oui. Le peut-on ? Sans doute pas. La maîtrise de la zone euro a été abandonnée à l'Allemagne, la France troquant, pour solder l'éternel conflit de la parité du franc avec le mark, son industrie contre le leadership bancaire.

À la tribune de l'Assemblée nationale, en mai 1992, Philippe Séguin avait prévu ce qui se passerait. Il nous prévenait qu'une fois la monnaie unique installée, le piège se serait refermé parce que le coût de la dénonciation serait devenu trop élevé - et qu'aucune majorité ne pourrait revenir sur ce qui a été fait. Il prévenait encore que les sentiments nationaux s'exacerberaient en nationalisme, car rien n'est plus dangereux qu'une nation trop longtemps privée du droit imprescriptible à choisir son destin : nous y sommes.

Plus réconfortant, Bernard Kouchner disait en 1992 : « Avec Maastricht, on rira beaucoup plus ». Je compte sur vous pour lui donner raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Michel Canevet .  - Comme nous sommes encore à une période de voeux, permettez-moi de souhaiter qu'en cette nouvelle année, nous parlions beaucoup de l'Europe, pour l'affirmer et la conforter.

Je remercie le groupe RDSE d'avoir organisé ce débat important. En 1992, j'étais de ceux qui ont voté avec enthousiasme le traité de Maastricht. Mettre en place la nouvelle monnaie dans 19 pays, c'était favoriser la mobilité et affirmer le sentiment européen.

Grâce à l'euro, face à la crise si grave de 2007-2008, nous avons pu mettre en oeuvre la solidarité des pays européens pour la Grèce, car rien de pire que le repli sur soi. Grâce à cette intervention, la Grèce a pu s'en sortir comme ce fut le cas aussi pour le Portugal, l'Irlande ou l'Espagne avant elle.

Nous devons continuer à consolider l'euro comme une valeur importante, en dépit du Brexit.

Nous progresserons en incitant d'autres pays à adhérer à l'euro. Nous avancerons, également, en intensifiant les réunions de la zone euro : l'article 12 du traité budgétaire prévoit deux réunions annuelles, il faudrait une réunion tous les deux mois, pour traiter les problèmes en continu.

Nous devons aussi construire encore plus d'Europe. Valéry Giscard d'Estaing disait : « L'Europe doit être une trajectoire non un État stationnaire ». Affirmons davantage notre rapprochement sur le plan économique. Les dispositions fiscales sont disparates dans les premiers pays de la zone euro. Si l'on veut que les conditions économiques soient identiques, il faut harmoniser les législations fiscales.

Telles sont les propositions du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. André Gattolin .  - Faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ? La réponse est bien sûr positive. Reste à savoir comment faire. La zone euro est en crise. Je ne crois pas qu'il y ait une véritable solidarité des États membres. Depuis 2007-2008, nous avons assisté à une crise de la dette privée, transformée, en 2010, en une crise de la dette publique. C'est la crise qui a provoqué le non-respect des critères du traité de Maastricht et pas l'inverse. Nombre de pays n'ont plus été capables de respecter le critère du déficit public inférieur à 3 % du PIB et la limitation de la dette publique à 60 % du PIB. Curieusement, plus personne ne parle du premier des critères de convergence, celui d'une inflation autour de 1,5 %...

La zone euro a survécu, mais le constat d'échec demeure. Désormais les performances économiques de la Grèce sont inférieures à celles d'autres pays qui ne font pas partie de la zone euro. Les performances économiques des pays de la zone euro sont inférieures à celles des États-Unis, pourtant épicentre de la crise de 2008. En fait, le modèle de croissance des États les plus « vertueux », au sens de l'euro, se fonde sur le chacun pour soi - voyez l'excédent commercial allemand ou le dumping social ou fiscal d'autres pays. La crise est donc là, l'euro a échoué dans ses promesses de prospérité et d'intégration économique, ceci, je le crois, en raison de vices cachés dans la création même de l'euro.

Je suis favorable à une monnaie unique mais, en 1992, je me suis abstenu dans le mouvement des jeunesses européennes auquel j'appartenais, parce que j'ai toujours été contre un euro non doté d'une gouvernance économique et politique - j'ai longtemps payé mon abstention, en passant littéralement pour un idiot, avant que chacun réalise que le carcan imposé à la BCE pour ne faire que lutter contre l'inflation, ne conduise à un échec. On s'est mis à outrepasser les textes. En 2003, les déficits excessifs de la France et de l'Allemagne ont été effacés dans un compromis, comme par miracle, mais voici qu'on ressort, après la crise de 2008, des exigences d'un temps ancien qui bloquent toute relance, précisément quand nous avons besoin de l'inflation pour relancer la croissance.

Un ministre des finances de la zone euro ? Quel gadget ! L'exemple du ministre européen des affaires étrangères, Mme Frederica Mogherini, montre bien que cela ne servirait à rien. La réponse réside dans les volontés politiques nationales.

Ce dont nous avons besoin, c'est de retrouver une solidarité économique, financière - et cela procède d'une volonté politique forte, qui repense les fondations mêmes de l'Europe. Ou bien la Grèce continuera, à elle seule, de menacer tout l'édifice européen...

M. Richard Yung .  - L'avenir de la zone euro mérite qu'on s'y intéresse. Je me réjouis que M. Collombat ait demandé l'inscription de ce sujet à l'ordre du jour. Cependant, quelle déception en vous entendant, mon cher collègue : vous avez consacré l'essentiel de votre intervention à une charge en règle contre l'Europe, avec des propos parfois amusants, excessifs, mais aussi tout à fait décalés - par exemple quand, pour adosser une monnaie, vous citez l'étalon-or : il n'existe plus depuis plus de quarante ans !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et alors ? C'est un moyen de faire une monnaie !

M. Richard Yung.  - Toute votre charge ne débouche que sur le constat qu'on ne pourrait rien faire. Pourquoi débattre, dans ces conditions ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pour en être conscient !

M. Richard Yung.  - N'étant pas souverainiste, je ne m'offusque pas du transfert de souveraineté et je crois que nous devons faire des propositions pour réformer la zone euro. Cette année n'est guère propice, avec les élections en France et en Allemagne, mais je crois que nous devons répondre au désamour vis-à-vis de l'euro et à la montée du nationalisme.

Nous devons être fiers de ce qui a été réalisé. Aucun exemple n'existe dans l'histoire de 22 pays qui ont mis en commun leur monnaie et une partie de leur souveraineté. Sans l'euro et la BCE, le franc serait sans doute inférieur de 20 % à la valeur de l'euro.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et alors ?

M. Richard Yung.  - Quelles pistes de réforme ? Premier point : il faut faire fonctionner les traités et les textes de la zone euro. Le pacte de stabilité et de croissance a déjà vingt ans. Il a surtout été un pacte de stabilité, avec l'accent mis sur le maintien des déficits à moins de 3 % du PIB. Les États-Unis, eux, créaient dès 2008 les éléments de la reprise.

Nous avons également créé un mécanisme européen de stabilité qui représente une aide potentielle de 700 milliards d'euros pour les pays ou les banques qui en auraient besoin.

On n'en a utilisé que 70 milliards. Pourquoi n'y a-t-on pas davantage recours ? Nous devons en outre mieux coordonner les politiques budgétaires.

Enfin, un fonds de garantie des dépôts devrait être créé, dans le cadre de l'union bancaire, en venant à bout des réticences allemandes.

Il faut, aussi, imaginer une capacité budgétaire européenne pour faire face à la crise, ce qui suppose une convergence de la fiscalité sur les sociétés et des salaires. Les Allemands sont accusés à tort : voilà trois ans qu'ils revalorisent les salaires...

Enfin, pour relancer l'investissement, on pourrait créer une réserve pour absorber les chocs économiques. Comment financer ce fonds ? Par le mécanisme européen de stabilité qui devrait être réintégré dans l'union économique et monétaire, apportant ainsi les bases d'un budget important pour la zone euro. On favoriserait ainsi de grands investissements. Le plan Juncker représente une avancée, c'est un succès puisqu'on envisage de le doubler, à 700 milliards d'euros.

M. Jean Bizet.  - Très juste.

M. Richard Yung.  - Reste à nommer un responsable en charge de ce fonds qui recevrait ses instructions du Conseil européen. C'est ainsi que l'on aurait une cohérence entre l'eurogroupe, la commission et le mécanisme de stabilité.

Ce responsable devrait être sous le contrôle d'une structure à inventer, issue du Parlement européen. Un système de strates associerait les parlements nationaux.

Le vrai problème, c'est de savoir sur quoi nous pouvons nous entendre avec l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Face à la politique de l'America First, face au Brexit, une alliance forte entre la France et l'Allemagne est indispensable. Souhaitons que l'année qui vienne soit celle de la relance du dialogue entre nos deux pays ! (M. Pierre-Yves Collombat applaudit).

M. Jean Bizet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je me félicite de ce débat qui intervient à un moment où le renforcement de l'union économique et monétaire passe au second plan, Brexit et crise migratoire obligent.

La réforme du fonctionnement de la zone euro est nécessaire. Les réformes impulsées entre 2010 et 2012 - mécanisme de stabilité, union bancaire, renforcement du pacte de stabilité - ont été des réponses à la crise. Depuis, rien ou presque n'a été entrepris.

Nous ne pouvons nous en tenir au statu quo. S'il y a bien une union monétaire, les politiques budgétaires et fiscales des différents États sont restées nationales.

Nos économies restent convalescentes. Le constat d'ensemble recoupe de très fortes disparités nationales. Le différentiel d'investissement privé, de dépenses publiques sont particulièrement dangereux. Jean-Claude Trichet nous le disait encore hier en audition.

C'est en nous appuyant sur les mécanismes de surveillance unique que nous corrigerons nos faiblesses.

Sans uniformiser les politiques des États membres, nous pourrions rapprocher les mécanismes de fonctionnement national. Les difficultés rencontrées par la mise en place de la taxe sur les transactions financières suffisent à montrer combien la tâche est difficile.

Une collaboration avec l'Allemagne est indispensable. À quelques mois du soixantième anniversaire du Traité de Rome, c'est un message que nous pourrions lancer à nos voisins.

L'exigence démocratique implique que la nouvelle gouvernance européenne associe les parlements nationaux.

Je ne suis pas naïf. Les évolutions sont délicates. Elles sont néanmoins fondamentales et je suis optimiste. Depuis la chute de Lehman Brothers, la zone euro a montré sa solidité et son sérieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains).

M. David Rachline .  - Oui, il faut réformer la zone euro. Cependant pas forcément dans le sens des européanistes béats que vous êtes. Le dogme que vous voulez imposer a été exprimé par le rapport des cinq présidents de l'Union européenne en juin 2015. Ils proposent, pour « sauver l'euro », une surveillance des salaires par une autorité de la compétitivité : nos concitoyens modestes apprécieront... Depuis, le Brexit a eu lieu, mais le dogmatisme est resté. Michel Rocard affirmait en 1992 que l'euro, ce serait moins de chômeurs et plus de prospérité. Idem pour Michel Sapin, déjà ministre des finances, qui anticipait plus de croissance, plus d'emplois et plus de solidarité. Nous sommes loin du compte, ce que cinq prix Nobel d'économie ont démontré. Avec l'euro, l'industrie s'est effondrée en France alors qu'elle prospérait en Allemagne, parce que l'euro a augmenté de 20 % notre coût du travail. Une légère dépréciation de notre monnaie aurait suffi à compenser cette perte.

L'euro grève de plus notre balance commerciale. Avant l'euro, la France était excédentaire, tout comme l'Allemagne - mais les courbes s'inversent depuis l'euro. Même constat pour la croissance ou l'explosion de la dette publique. L'activité économique devient faible ; le déficit et la dette publique augmentent. Et nous voilà dans l'austérité.

Mais je vous connais, vous me répondrez, en bon dogmatiques, que si l'euro ne fonctionne pas bien, c'est qu'il n'y a pas assez d'euro ! C'est certainement vrai pour l'élite financière, pas pour la majorité de nos concitoyens ! L'euro est devenu une fin en soi ; or, quand le moyen devient la fin, il y a peu de chance de trouver le bien commun. L'histoire l'a montré.

Le projet pour l'euro des technocrates bruxellois encourage la financiarisation de l'économie dont découle une nouvelle forme d'esclavagisme; nous allons nous employer d'ici le mois de mai à expliquer à nos compatriotes l'imposture de ce modèle économique que des élites déracinées veulent nous imposer !

De notre côté, nous préconisons que la monnaie redevienne un outil de souveraineté aux mains des chefs politiques et que cette monnaie soit au service de l'économie, elle-même au service de l'homme !

M. Pierre Laurent .  - La gestion actuelle de la zone euro est une des principales causes de la crise que nous connaissons. L'économie actuelle est mortifère. Le Parlement est exclu du débat. Les choix budgétaires sont limités.

La gestion de l'euro souffre de deux tares originelles. Au lieu de réduire les inégalités, il a servi à soutenir la rentabilité des marchés. Sous couvert d'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE), l'euro a échappé à toute gouvernance politique. L'Europe s'est soumise aux dogmes libéraux qui nous ont conduits à la crise.

Rien n'est possible sans remise en cause profonde des traités. Des centaines de milliards d'euros ont été injectés pour renforcer le système bancaire et financier. Rien pour renforcer notre tissu productif. Nous nous dirigeons tout droit vers d'autres crises monétaires. L'austérité, la baisse des salaires, le dumping, la dette, la situation continue de se dégrader. La BCE a engagé 500 milliards d'euros de refinancement bancaire dans le cadre du Quantitative easing sans aucun résultat en matière sociale.

L'emploi, la lutte contre la pauvreté, la transition écologique, tels sont les programmes d'investissement qu'il faudrait favoriser. Les travaux des économistes convergent pour dire qu'un effort de 2 à 4 % du PIB européen est nécessaire. Est-ce impossible ? Non. Le problème n'est pas le manque d'argent mais son utilisation. La seule évasion fiscale représente par exemple 1 000 milliards d'euros sur le continent.

Conférence européenne sur la restructuration de la dette, lancement d'une COP fiscale et financière avec l'interdiction des paradis fiscaux, changement des critères de calcul des déficits maastrichtiens, création d'un fonds européen social et solidaire capable de racheter des titres publics pour refinancer des établissements à très bas taux, telles sont nos propositions.

Nous ne croyons pas à la sortie de l'euro. La France doit être à l'offensive pour reconquérir le pouvoir. Nous proposons un euro utile pour financer le développement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Daniel Gremillet .  - Ce débat est très important parce qu'il est le fruit de notre histoire. Nous allons en effet fêter le 25 mars les 60 ans du traité de Rome. Depuis, le projet européen a été miné par le technocratisme et la crise de 2008, qui a révélé les lacunes de l'organisation de l'Union. Donner la priorité à la zone euro s'entendait, mais les citoyens veulent aussi une Union européenne plus proche, moins technocratique.

La BCE a mené une politique contenant la spirale déflationniste et faisant baisser le chômage, mais les inégalités se sont accrues. Les derniers scrutins européens ont révélé les failles du continent.

Depuis des années, l'État français vit au-dessus de ses moyens. Plus il prélève, plus il rembourse, moins il investit. Les marges de nos entreprises restent très faibles, ce qui les empêche d'effectuer des embauches et les investissements nécessaires.

Les défis de la présidence maltaise sont aussi les nôtres. L'Union européenne attend trop son salut économique de l'extérieur - relance chinoise, élection de Donald Trump - elle manque de souffle. Retrouver un idéal démocratique passe par un leadership retrouvé et un rôle accru des parlements nationaux et du Parlement européen.

La réforme du fonctionnement de la zone euro réside bien dans la politique. Comme le disait Philippe Séguin, le politique doit guider l'économie, non l'inverse. À lui d'assumer ses responsabilités. (Applaudissements à droite)

M. Pascal Allizard .  - La réponse à la question posée est « oui, mais ». Terrorisme, tensions migratoires, relations avec la Russie ou la Turquie, sans parler des traces laissées par la crise économique : l'Union européenne est à la croisée des chemins.

La crise grecque et celle des migrants, la cacophonie qui en a résulté, ont nourri les populismes. Faibles rentrées d'impôts, fraudes à la TVA, vaste économie grise, les difficultés de la Grèce ont attisé les inquiétudes, alors que la zone euro peinait, globalement, à atteindre ses objectifs de croissance et d'emplois.

Si beaucoup de mensonges ont été distillés par les eurosceptiques à la faveur des crises, nombre de citoyens pro-européens se demandent pourquoi ils devaient contribuer à la relance de leurs voisins.

Il est temps d'engager les réformes indispensables du fonctionnement de la zone. L'influence en Europe dépend de la capacité à respecter sa parole, comme l'a dit au Sénat le commissaire Moscovici. Les crises placent les pays européens au pied du mur.

L'instrumentalisation de l'Union européenne par les populistes et les eurosceptiques doit nous alerter. Depuis le Brexit, nous savons que tout est possible. Dans ces moments de préparation de l'avenir, ne nous laissons pas distancer : bâtissons plus de France pour mieux d'Europe. (Applaudissements)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Merci au groupe RDSE pour son initiative, après le rapport de Mme Keller et M. François Marc, sur ce sujet passionnant.

Réformer la zone euro pour la rendre plus solide est indispensable pour les États membres mais aussi pour le continent tout entier. Ces dernières années, l'euro a été à plusieurs reprises au bord de l'éclatement. Il a fallu de la détermination au président de la République pour faire avancer l'union bancaire. La création du FESE, puis du MES, avaient, auparavant, contribué à solidifier le continent.

L'union monétaire de onze États membres est passée à dix-neuf ; l'euro est désormais la deuxième devise mondiale de réserve. Mais il faut aller plus loin en favorisant la croissance et l'emploi. D'où le Quantitative easing décidé par Mario Draghi qui a racheté près de 1 270 milliards d'euros d'obligations, favorisant le maintien des taux à un niveau très bas. Cela favorise l'investissement des entreprises et décourage la rente, comme le souhaite Pierre Laurent.

Des réformes ont été conduites par les États membres. Le pacte de stabilité et de croissance a été assoupli, à la demande de la France, et la croissance repart, quoique trop faiblement : 1,5 % en 2017 sans doute, en intégrant les effets néfastes du Brexit, et sans doute 1,7 % en 2018. C'est bien mais toujours insuffisant pour faire baisser le chômage. Des fragilités demeurent, au Portugal, en Grèce et dans le système bancaire de certains pays.

Des déséquilibres macroéconomiques persistent en outre entre Nord et Sud de la zone euro en termes de dette, de déficit, de balance commerciale ou de chômage.

Beaucoup reste donc à faire pour une véritable convergence. Cela nécessitera une stratégie dédiée, au-delà de l'application du pacte de stabilité et de croissance. C'est pourquoi, en octobre 2015, la commission a décidé, à la demande de la France, une réforme du semestre européen, conformément au rapport des cinq présidents. Celui-ci prendra mieux en compte les situations des différents pays, celle de la zone euro dans son ensemble. Il s'agit de mettre en oeuvre un pacte intelligent !

Au lendemain du sauvetage de la Grèce, le président de la République a fait d'autres propositions. Nous avons énoncé avec l'Allemagne les priorités parmi lesquelles favoriser une convergence réelle des économies via une harmonisation fiscale et sociale, approfondir le marché intérieur en maintenant un haut niveau de régulation. La France défend l'élaboration d'un socle euro des droits sociaux, en se fondant sur un avis du Conseil économique, social et environnemental et des rapports parlementaires. Un salaire minimum généralisé, un droit à la formation garanti, la portabilité des droits, un Erasmus des apprentis, voilà quelques-uns de ses composants.

Le social ne pouvait être la variable d'ajustement, nous devons aussi mieux lutter contre le travail détaché illégal.

Troisième priorité : l'investissement. Le plan Juncker s'étant révélé efficace, nous avons demandé l'accroissement de son montant et sa prolongation. Le Conseil européen a donné son accord et nous attendons que le Parlement européen se prononce ; 30,6 milliards du FEIS ont déjà été mobilisés pour soutenir 163 milliards d'euros d'investissement. Le plafond de 315 milliards doit être porté à 500 milliards.

Quatrième priorité : le renforcement de la gouvernance de la zone euro. Cela passe par des sommets plus réguliers, une présidence permanente et la création d'une réserve - comme l'a indiqué Richard Yung - pour prévenir les chocs et soutenir les instances européennes, tout cela sous un contrôle renforcé des parlements nationaux.

Après la mise en oeuvre de la phase 1 du rapport des cinq présidents - le semestre européen renouvelé - et de ses priorités, la commission fera des propositions.

La France et l'Europe affrontent des risques de nature très différente. Chacun appelle une réponse propre. Le soutien à la croissance, à l'emploi, la préparation de l'avenir sont néanmoins, dans ce contexte, des nécessités impérieuses. La France a défendu l'assouplissement du pacte de stabilité, l'extension du plan Juncker, et sa voix a été entendue - notamment parce que nos engagements budgétaires ont été respectés : le déficit, qui était de 5,1 % en 2011, aura été ramené en dessous de 3 % en 2017.

Nous avons fait la preuve de notre sérieux tout en renforçant les droits des salariés - je pense au CPA. Nous sommes donc en première ligne pour relancer l'Europe et faire en sorte que l'euro reste le moteur de l'intégration européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

CMP (Nomination)

Mme la présidente.  - Il va être procédé à la nomination d'un membre titulaire d'une part à la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, et d'autre part à la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé, en remplacement de Mme Laurence Cohen, démissionnaire.

Cette candidature a été publiée conformément à l'article 12, alinéa 4, du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, je proclame Mme Annie David membre titulaire au sein de ces commissions mixtes paritaires.

Situation de l'hôpital

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la situation de l'hôpital.

Mme Laurence Cohen, au nom du groupe communiste républicain et citoyen .  - L'hôpital joue un rôle essentiel dans notre système de santé, comme l'actualité le montre. Or une avalanche de réformes s'est abattue sur lui depuis quelques années, la santé étant considérée comme une marchandise, le patient comme un consommateur, l'hôpital comme une entreprise. Le professeur Grimaldi a dénoncé cette tendance dans son ouvrage intitulé L'hôpital malade de la rentabilité.

Le plan d'économies de 3 milliards prévoit la suppression de 22 000 postes et de nombreux lits ; 57 000 ont déjà été supprimés ces dernières années, ce qui a un impact grave sur les soins délivrés - c'était l'objet de ma proposition de loi instaurant un moratoire sur les diminutions de lits en 2014, hélas rejetée.

Or la disparition d'un grand nombre de lits a pour effet un engorgement des urgences, dont la fréquentation a crû de 75 % en quinze ans. On en voit les conséquences en cette période d'épidémie de grippe. Quel aveu d'échec lorsque Mme Touraine demande aux hôpitaux, pour faire face à l'épidémie, de déprogrammer des opérations non-urgentes, ou lorsqu'elle reproche aux soignants et aux patients de n'être pas vaccinés.

Frédéric Valletoux confirme cette analyse. Cela devrait conduire le Gouvernement à l'autocritique !

Sur le terrain, cette politique génère une souffrance réelle, palpable. Non remplacement des départs en retraite, remise en cause des 35 heures, marche forcée vers le GHT... Les mauvais coups se multiplient à Bichat, à Beaujon, à Longjumeau, à Juvisy, à l'hôpital gériatrique Adelaïde Hautval de Villiers-Le-Bel, aux Bluets... les établissements fermés ou menacés sont de plus en plus nombreux.

Nulle opposition entre vision moderne et vision archaïque de l'hôpital dans cette dénonciation. Il s'agit plutôt de critiquer la logique qui réserve les soins rentables au privé et de défendre une couverture équilibrée du territoire en offres de soins.

Le regroupement de nos 1 100 hôpitaux en 150 groupements hospitaliers de territoire, effectué sans concertation, fait des directeurs d'agence régionale de santé de véritables préfets sanitaires et risque d'accentuer les inégalités sur les territoires.

Nous ne sommes pas opposés au virage ambulatoire, mais encore faut-il que l'on puisse en profiter. Le CHU de Bordeaux cible 60 % d'ambulatoire : le patient, pris en charge en hôpital-hôtel, doit bien sûr prendre à sa charge ses frais d'alimentation... Pour une économie attendue de 7,5 millions, quelle augmentation du reste à charge ?

Le débat s'est invité dans la campagne de la primaire, puisque le candidat de la droite veut réduire de 100 milliards les dépenses publiques et supprimer 500 000 fonctionnaires. Il veut aussi rétablir les 39 heures à l'hôpital. Or 90 % des Français ne veulent pas diminuer les dépenses publiques de santé et désapprouvent la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires.

Il faut au contraire faire plus en matière de santé, s'attaquer aux dépassements d'honoraires, articuler les différentes offres plutôt que de les mettre en concurrence, augmenter le nombre de médecins et paramédicaux en supprimant le numerus clausus et remédier aux déserts médicaux. Il faudra aussi trancher la question du temps de travail et développer les crèches dans les hôpitaux.

L'avenir de l'hôpital est la question de toutes et tous. Notre pays a les moyens de le protéger, encore faut-il en avoir envie. Il y a urgence - sans jeu de mots. La France, rétrogradée en vingt-quatrième position dans le classement mondial des systèmes de santé, doit retrouver sa première place. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - La santé des Français est, assurément, un sujet important. Je ne dirais pas que notre système de santé va mal ; il a sans doute besoin de trouver un second souffle. Mais l'hôpital, lui, va mal.

En 2013, la Cour des comptes relevait que la répartition historique des hôpitaux sur notre territoire ne répondait pas aux besoins des bassins de population, non plus qu'aux exigences sanitaires ; 6,4 lits pour 1 000 habitants, c'est un tiers de plus que la moyenne OCDE et 14 hôpitaux pour un million d'habitants, c'est deux de plus qu'au Japon, et quatre de plus qu'en Allemagne : c'est trop.

Certains établissements sont aussi trop vieux et trop coûteux. C'est cela qui explique les déficits structurels, et non la T2A qu'on incrimine souvent. Notre commission avait proposé que les investissements lourds ne soient plus comptabilisés dans leurs budgets.

Premières victimes de cette situation : les patients et les soignants, dont les conditions de travail se sont dégradées du fait des 35 heures, qui ont désorganisé les services sans qu'il y ait eu de créations de postes à proportion, et de certaines tâches administratives.

La permanence des soins est défaillante surtout en médecine de ville. Celle-ci prend en charge 7 % des dépenses de permanence, contre 29 % en Allemagne : l'hôpital est trop sollicité dans notre pays ! Bref, la situation n'est pas bonne, et nous devons en débattre.

Il faut organiser la complémentarité entre public et privé sur le territoire, et garantir une médecine de qualité. Le GHT est une réponse intéressante mais son succès dépend du projet de territoire et du volontarisme de l'hôpital pilote.

Il faut redonner aux professionnels de santé leurs lettres de noblesse. Cela passe notamment par la formation - dont le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale a diminué les crédits...

Il est temps, en outre, de développer la télémédecine et les nouvelles technologies. Puissent ces sujets être érigés en priorité par le gouvernement qui sortira des élections. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Aline Archimbaud .  - Merci au groupe CRC pour son initiative. L'hôpital public est ouvert à tous ; il est gratuit, il délivre des soins de qualité et il est un lieu de recherche. D'où l'attachement des Français. Nombreux sont les hôpitaux publics endettés devant emprunter auprès des banques et réduire leurs coûts. Les conditions de travail des professionnels de santé, en conséquence, se dégradent. En sous-effectif, isolés, méprisés parfois, ils sont parfois conduits à des drames - souvenez-vous du suicide de cinq infirmières l'an dernier.

Le manque de médecins allonge les délais et engorge les urgences. Le manque d'information pousse au renoncement aux soins.

Moins de 20 % des personnes éligibles à la CMU-C par exemple, soit un million de personnes, ne demandent pas à en bénéficier. Le mécanisme de la T2A, quant à lui, pousse à réaliser des actes pas forcément utiles. L'hôpital privé, quant à lui, qui sélectionne ses patients et ne fait pas de recherche, se développe, ce qui laisse craindre un système hospitalier à deux vitesses.

Hôpital, étymologiquement, est apparenté à hospitalité. C'est sa mission depuis des siècles. Accueil de tous, formation de haut niveau et recherche, les trois composantes de son ADN doivent être préservées. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

Mme Catherine Génisson .  - Je veux à mon tour remercier le groupe CRC pour son initiative.

Le Gouvernement, sous l'impulsion du président de la République, a rétabli le service public hospitalier, garant de l'égalité d'accès aux soins. La loi de modernisation du système de santé a renforcé l'hôpital. En créant les GHT d'abord. Laissons-les se mettre en place, avant de les évaluer. Citons aussi la fin de la convergence tarifaire, le recrutement de 30 000 soignants.

Renforcer l'hôpital, c'est aussi le rendre attractif pour les professionnels. Prime d'engagement en faveur des jeunes diplômés qui optent pour la carrière hospitalière, renforcement des droits sociaux pour les contractuels, maintien à 100 % de la rémunération pendant le congé maternité, prime d'exercice territoriale quand l'activité est partagée entre plusieurs établissements : le Gouvernement a beaucoup fait pour améliorer les conditions de travail des médecins hospitaliers.

Pour ma part, je suis fière d'avoir exercé mon activité comme praticien hospitalier à temps plein. Pourtant, les conditions de travail sont de plus en plus difficiles : agressivité des patients, cadences de travail, perte de reconnaissance, au point de provoquer des suicides.

Le ministère a donc mis en place un plan pour prendre soin de ceux qui soignent, doté de 30 millions d'euros sur trois ans. Création d'un observatoire de la qualité de vie au travail et des risques psychosociaux, d'un médiateur, d'une charte de l'accompagnement des professionnels lors des restructurations, d'entretiens individuels annuels, concertations avec les syndicats pour valoriser les astreintes : tout cela va dans le bons sens. Nous souhaitons être informés de l'avancement de ce plan.

Nous sommes fiers de notre médecine, de nos hôpitaux. Les professionnels hospitaliers revendiquent une meilleure reconnaissance. La réorganisation de l'hôpital a beaucoup intensifié leurs conditions de travail. En hôpital de jour, les journées sont compliquées mais les week-ends libérés ; dans les services où l'activité est permanente et le travail organisé par poste, le personnel n'a qu'un dimanche de repos par mois...

Le service est l'élément structurant de l'hôpital, et les tâches administratives ne doivent pas prendre le pas sur les activités cliniques, de recherche et d'enseignement. Nous devons promouvoir la carrière clinique, développer les coopérations interprofessionnelles et la formation professionnelle. Stagiaire à Londres, j'avais rencontré un médecin anesthésiste qui avait débuté comme aide-soignante : c'est rare en France !

M. Alain Marc.  - Certes.

Mme Catherine Génisson.  - Les difficultés des urgences sont le miroir de celles de notre système de santé.

La tarification à l'activité n'est pas l'alpha et l'oméga du financement de l'hôpital public. La courroie de transmission avec la médecine de ville doit être renforcée, comme la complémentaire avec le secteur privé.

Je me réjouis que les débats, voire les combats à venir éclairent nos concitoyens sur ce sujet. (M. Jean Desessard applaudit)

M. Alain Marc .  - Soyons clairs, la loi HPST ne répond pas aux attentes des départements ruraux. Seul de mon groupe à l'Assemblée nationale, j'avais voté contre ce texte ; je ne le regrette nullement. L'éloignement de l'hôpital, en zone rurale, occasionne une perte de chance que l'hélicoptère ne suffit pas à réduire.

Reste le maillage des hôpitaux, et surtout l'implantation de médecins libéraux en milieu rural, qui interviennent souvent en première intention pour apporter des soins d'urgence.

À titre personnel, j'estime qu'il faut refuser le conventionnement à ceux qui s'installent sans une zone surdense. Après tout, leurs études sont gratuites jusqu'à la sixième année ! Il est normal que les médecins doivent quelque chose en retour à la Nation. (M. Jean Desessard applaudit)

Tout citoyen doit bénéficier du même accès aux soins urgents ou à une maternité, où qu'il habite. Parfois, la densité de population n'atteint pas la moitié de celle du Sahel et l'hôpital le plus proche est à plus d'une heure. Dans mon département de l'Aveyron, la maternité de Decazeville est provisoirement fermée, celles de Millau et de Saint-Affrique sont sur la sellette...

Il faut une réelle politique de différenciation des territoires, avec une exception géographique assumée, assurant le minimum vital dans les délais les plus brefs. L'équilibre budgétaire à tout prix ne saurait conditionner l'existence des hôpitaux ruraux. Donnons une validation législative à la notion d'exception géographique, afin qu'ils ne soient pas systématiquement remis en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Annie David .  - Notre groupe a demandé ce débat car la situation de l'hôpital public est grave et qu'il y a urgence. À l'approche d'élections importantes, nous devons clarifier notre vision de l'avenir de notre système de santé. Nous avons maintes fois tiré la sonnette d'alarme face à des réformes dont nous observons aujourd'hui les conséquences néfastes : la loi HPST en 2009, la loi Santé en 2016. Le virus est connu : la logique libérale et austéritaire de l'hôpital-entreprise.

Le secteur psychiatrique illustre bien cette déshumanisation des soins : 0,5 % de son budget a été amputé en deux ans. Le centre hospitalier de Saint-Égrève en Isère perd des postes ; à l'hôpital de Saint-Cyr, un pôle entier de pédopsychiatrie est supprimé ; en Haute-Savoie, l'hôpital du Léman perd 43 lits en psychiatrie ; dans le Rhône, le CHS Le Vinatier doit réaliser 3,5 millions d'économies, ce qui implique, là encore, de supprimer des postes. Quant au pôle psychiatrique du centre hospitalier de Vienne, il a été transféré sur un centre privé à Bourgoin. La prise en charge s'en trouve dégradée, surtout celle des enfants. Les professionnels ne peuvent être la variable d'ajustement des logiques comptables que vous imposez, madame la ministre.

Ces nouvelles méthodes de gestion de la psychiatrie trouvent leur source dans le rapport Laforcade, qui consacre une approche scientiste et normalisatrice. Les protocoles de soins de la HAS, dénoncés par le collectif des 39, conduisent à une taylorisation désastreuse et manquent d'humanité.

Pourtant, la psychiatrie française avait su évoluer. Désormais, dans un hôpital psychiatrique devenu usine à patients, le pire peut se produire : patient devenant violent, burn-out, suicides... Malgré les alertes, le personnel soignant se heurte au silence des directeurs d'ARS tout puissants, obnubilés par l'aspect financier. Quant au plan « prendre soin des soignants », il n'est pas mis en oeuvre.

Il faut repenser le système de santé. Une médecine généraliste de qualité, avec des équipes pluridisciplinaires de quartier, reste à échelle humaine. En luttant contre les déserts médicaux, on permettra à l'hôpital de se concentrer sur ses fonctions de spécialité, de prévention, de recherche et d'enseignement. Le financement doit suivre, bien sûr, et l'État assumer ses responsabilités. Cette conception humaniste et citoyenne de la santé publique est indispensable pour éviter un système de soins à deux vitesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

M. Michel Amiel .  - Voilà longtemps qu'on dit que l'hôpital est malade. En quelques décennies il est passé d'une logique asilaire à l'hôpital donnant accès à l'excellence pour tous. Si la santé n'a pas de prix, elle a un coût. Depuis les années quatre-vingt, les conditions de travail se sont dégradées, le gestionnaire a pris le pas sur le sanitaire ; les 35 heures ont causé de vives tensions en matière de ressources humaines.

L'hospitalo-centrisme sévit ; l'hôpital devient le lieu de premier recours, non de premier secours, les urgences sont engorgées par des malades qui n'en relèvent pas. En aval, le virage ambulatoire laisse nombre de patients démunis. Il faut avoir le courage de fermer les services qui ne répondent plus aux besoins.

La régionalisation doit être renforcée pour un maillage plus efficace et une rationalisation de coûts. Pas d'hôpital d'ivoire : ouvrons l'hôpital sur la médecine de ville. La bonne santé n'est pas seulement l'absence de maladie, comme le rappelle l'OMS.

La carrière hospitalière doit être revalorisée, et même réenchantée. La formation des étudiants est trop concentrée sur l'hôpital. Dès le deuxième cycle, il faudrait faire des stages en médecine de ville. Sinon, le futur médecin est incité à diriger son patient vers l'hôpital.

Le personnel hospitalier mérite qu'on lui rende hommage. Pour l'avoir vécu de l'intérieur, je sais combien les conditions de travail se sont détériorées. Pas question de diminuer les effectifs des fonctionnaires hospitaliers, en particulier dans la filière soins !

L'hôpital psychiatrique, lui, est sinistré, alors que jamais la demande, si j'ose dire, n'a été aussi forte. Notre couverture en psychiatrie hospitalière est insuffisante. Et c'est pire encore en pédopsychiatrie.

Sur le plan financier, une approche comptable pluriannuelle doit prendre le pas sur l'Ondam ; la T2A, qui distingue entre activités rentables ou non, être revue.

C'est tout le système qu'il faut revoir, non pas en distinguant gros et petit risque mais en responsabilisant tout un chacun, en développant l'innovation, la télémédecine, en faisant participer plus ceux qui le peuvent ou en taxant davantage le tabac.

Mme Laurence Cohen.  - Plus d'Ondam !

M. Georges Patient .  - Ce débat est bienvenu : merci au groupe CRC. Il me permet de vous alerter sur l'état du système de santé très alarmant en Guyane.

Le service public hospitalier en Guyane est un grand corps malade, voire agonisant.

La ministre l'a constaté sur place l'an dernier. Elle a fait venir l'Igas et débloqué des fonds en urgence, mais cela ne suffit pas, face à l'ampleur des besoins.

L'hôpital de Cayenne couvre environ 150 000 habitants. Son déficit structurel est de 40,5 millions, et il a 25 millions d'euros de retards de paiements à ses fournisseurs. Un rattrapage s'impose.

Le centre hospitalier de l'Ouest guyanais couvre 60 % du territoire et un bassin de santé de plus de 100 000 habitants, si l'on compte les étrangers en situation illégale. Il manque 49 millions d'euros pour financer le nouvel hôpital, et le retard structurel pour 2016 est de 10 millions.

Le centre médico-chirurgical de Kourou est dans une situation similaire : déficit chronique, offre de soins défaillante, problème de ressources humaines et de gouvernance.

La ministre connaît la situation, mais nous n'avons pas obtenu le rapport de l'Igas. Pourquoi ne pas nous le communiquer ? Que faut-il faire pour être entendu ? En deux mois, cinq bébés prématurés sont décédés d'une infection nosocomiale à Cayenne. Un mois avant, c'était un patient brûlé vif dans sa chambre à l'Ehpad. L'hôpital de Cayenne est-il un mouroir ?

Les hôpitaux de Guyane sont indignes d'un pays moderne alors que la Guyane est confrontée à la forte prévalence de maladies infectieuses et parasitaires mais aussi de maladies chroniques. Devons-nous faire appel à Médecins sans frontières ?

Il serait bon que vous annonciez des mesures avant les premières assises de la santé en Guyane, le 19 janvier prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Alain Milon .  - S'ils sont attachés à l'hôpital public, les Français partagent avec les professionnels le sentiment de sa fragilité. Celle-ci résulte de l'hyper-centralisme de la gestion de la santé et des politiques publiques bureaucratiques, décidées sans concertation.

Ainsi, les ARS, loin d'être les planificateurs et régulateurs espérés, deviennent des tutelles, et l'assurance maladie s'immisce dans la gestion hospitalière. Elles demandent des suppressions d'effectifs sans oser se lancer dans les réorganisations structurelles qui devraient être pensées sur le terrain, dans la co-construction.

Il faut d'abord rendre attractif les métiers hospitaliers, donc améliorer les conditions de travail et de rémunération des jeunes médecins. Le dialogue social est insuffisant et manque d'autonomie. Les prises en charge spécifiques aux hôpitaux publics doivent être reconnues.

Puis, le mode de financement de l'hôpital doit évoluer. Le rapport de la Mecss a esquissé des pistes. La T2A a structuré la politique hospitalière, mais il faut trouver un autre mode de régulation. Un choc de simplification s'impose. Expérimentons par exemple un financement au parcours. Le décloisonnement sera aussi un facteur de réussite des parcours de soins.

Nous devons remettre l'investissement au coeur des enjeux. Il se réduit comme peau de chagrin depuis des années, alors que le parc immobilier est vétuste et les besoins criants : 800 millions en Paca d'après l'ARS, pour une enveloppe de 10 millions...

Idem pour l'investissement médical. Le développement technologique doit être une priorité. Pourquoi ne pas confier l'investissement immobilier à un établissement financier dédié ?

Les CHU doivent être promus car ils contribuent au rayonnement de notre médecine. J'ai demandé au nom de la commission un rapport à la Cour des comptes sur leurs missions, entre activités de recours et de référence. Avec la loi NOTRe et la création des GHT, la territorialité doit être au coeur de la stratégie des CHU. Trop souvent, les maternités de niveau 3 dont ils disposent accueillent des parturientes qui relèvent du niveau 1...

Les enjeux de santé mentale ne doivent pas être oubliés, non plus que l'aspect médico-social. Dans les deux cas, il faut décloisonner.

Notre hôpital doit s'adapter à la transition démographique et à la transition épidémiologique et réduire les inégalités face à la santé. Hélas, notre système n'a pas fondamentalement changé. Et les règlementations l'empêchent de s'adapter, alors qu'il faudrait encourager progression et innovation, généraliser les bonnes pratiques. Bref, les hôpitaux doivent réussir la révolution de l'émergence de la territorialité et de la responsabilité populationnelle en santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Cyril Pellevat .  - Merci au groupe CRC d'avoir voulu ce débat. J'assure de mon soutien les personnels de santé, débordés en cette période de grippe.

À Thonon-les-Bains, l'hôpital du Léman est en situation critique : baisse d'activités, déficit de 9 millions d'euros. Certes, l'ARS a débloqué 3,5 millions d'euros en urgence. Mais les réorganisations prévues ne sont pas satisfaisantes. L'ARS envisage le transfert des lits de psychiatrie à La Roche-sur-Foron, à une heure de trajet. Ce serait malvenu, et les réactions se multiplient localement. Allez-vous intervenir, madame la ministre ?

Hélas, ce cas n'est pas exceptionnel. Les conditions de travail se dégradent, les 35 heures n'ont pas aidé, et les professionnels souffrent.

S'il y a un emploi à revaloriser, c'est bien celui des infirmières et aides-soignants, débordés. Face à la pénurie, certains hôpitaux recrutent des infirmiers étrangers ! C'est le cas en Haute-Savoie, où nous manquons cruellement d'aides-soignants, car ceux-ci vont travailler en Suisse, où les salaires sont plus attractifs.

Enfin, nous devons veiller au maillage territorial de l'offre de soins, selon le principe de l'égalité devant le service public.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Cyril Pellevat.  - Au besoin, les progrès technologiques, comme la télémédecine, peuvent apporter des solutions.

Les Français doivent aussi devenir acteurs de leur santé - en matière de responsabilisation et de prévention, il reste beaucoup à faire.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Ce débat est bienvenu, à la veille d'élections majeures. Notre Gouvernement n'a jamais changé de position depuis 2012, jamais varié dans son attachement à l'hôpital public et à ses valeurs, qui sont celles de la République.

Soignant tout le monde, sans exclusion, dans l'excellence, au quotidien ou lors de circonstances exceptionnelles, l'hôpital public incarne la République sociale, fondement de notre identité collective.

Dire que ce Gouvernement a marchandisé la santé, considéré l'hôpital public comme une entreprise, c'est faux !

Dire que nous avons supprimé 57 000 lits en onze ans, ce n'est pas tout à fait vrai. Ce chiffre s'étend depuis 2004 et pour des lits de chirurgie ou de soins de longue durée, pas de médecine. Depuis 2012, nous avons créé 2 500 lits de médecine supplémentaires, et 2 800 lits de soins de suite et de réadaptation.

Mme Laurence Cohen.  - Alors tout va bien !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Je ne dis pas cela.

Loin de marchandiser l'hôpital, c'est le contraire que nous avons fait. Nous avons réintroduit le service public hospitalier dans la loi. Non par idéologie, mais pour apporter aux patients et aux professionnels une garantie d'égalité dans l'accès aux soins, quels que soient leurs revenus ou leur pathologie. C'est une garantie de non sélection, de permanence des soins.

Sous le quinquennat précédent, la loi HPST avait démantelé le service public hospitalier, divisé entre différentes missions que les établissements pouvaient choisir à la carte. Nous l'avons rétabli comme un bloc indissociable qui engage pleinement les établissements et renforcé dès 2012 en mettant fin à la convergence tarifaire - car les hôpitaux publics assurent des missions spécifiques.

L'accueil des patients les plus précaires fait l'objet de financements fléchés. Le non recours à la CMU-C sera résolu par la modernisation de nos sites informatiques : la CMU-C sera bientôt automatique pour tout demandeur du RSA-socle.

M. Jean Desessard.  - Très bien.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Nous avons enclenché des réformes irréversibles, remis en cause le financement exclusif à l'activité et assuré le financement des activités isolées. Les établissements de proximité bénéficieront d'une part fixe de financement.

M. Jean Desessard.  - Très bien.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - La loi de financement de 2017 a pris certaines des mesures préconisées par le rapport d'Olivier Véran pour le financement des spécialités peu compatibles avec la T2A : mise en place d'une dotation modulée pour les soins critiques, prestations intermédiaires entre l'hospitalisation de jour et les consultations externes - sont ainsi valorisées dans la T2A les cas de consultations multiples à l'hôpital, par exemple d'un médecin puis d'un psychologue.

D'autres recommandations seront déployées dans la prochaine campagne tarifaire, notamment sur l'adaptation des soins palliatifs. La ministre a également oeuvré pour diminuer les inégalités de santé sur le territoire, en particulier avec la création de groupements de services hospitaliers de territoire...

Mme Éliane Assassi.  - Parlons-en.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Le service public hospitalier est plus fort quand les hôpitaux travaillent ensemble ! 135 groupements hospitaliers de territoire existent déjà. Ils ont jusqu'au 1er juillet 2017 pour finaliser leur projet. Les équipes seront ainsi complémentaires.

Mme Éliane Assassi.  - Venez un peu sur le terrain !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Je ne comprends pas vos attaques contre le rapport de Michel Laforcade, qui défend la création d'équipes mobiles de psychiatrie pour accompagner les personnes souffrant de troubles psychiatriques. Il existe déjà 120 équipes mobiles de psychiatrie de précarité.

Ce rapport préconise la généralisation de l'expérimentation « Un toit d'abord », nous la faisons. En logeant les personnes en difficulté qui ont des problèmes de santé mentale, on évite des hospitalisations. La création du Conseil national de la santé mentale permet le regroupement de professionnels de tous horizons - il est présidé, du reste, par un sociologue.

Depuis 2012, le Gouvernement a innové pour construire l'hôpital de demain. Les moyens de l'hôpital public ont augmenté de 10 milliards d'euros depuis 2010. Où est l'austérité, dès lors ?

Mme Annie David.  - L'Ondam n'a jamais été aussi faible !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Nous avons veillé à la soutenabilité financière des projets et mis fin à des dérives de projets surdimensionnés, dont les coûts n'étaient pas maîtrisés. La dette des hôpitaux, multipliée par trois entre 2003 et 2012, est désormais stabilisée.

M. Alain Milon.  - Il y a eu le plan Hôpital !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Dès 2012, Marisol Touraine a fixé une trajectoire d'investissement pour les dix prochaines années, quarante projets d'investissements ont été soutenus, pour 2 milliards d'euros, à quoi s'ajoute une enveloppe supplémentaire de 2 milliards et un fonds de 400 millions pour aider les hôpitaux en difficulté avec des emprunts toxiques.

Monsieur Milon, j'entends votre appel à plus d'investissements, mais je crains qu'il ne fasse pas bon ménage avec le cadrage budgétaire de votre candidat pour la présidentielle - à moins que, sur ce sujet encore, il ne change d'avis...

M. Jean Desessard.  - Les socialistes, eux, ne changent donc pas d'avis ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - L'hôpital s'approprie l'usage du numérique. Plus de 80 % des établissements ont informatisé les dossiers des patients ; 70 % d'entre eux ont dématérialisé les résultats des analyses biologiques. La télémédecine s'est développée. Une enveloppe de 80 millions d'euros a amplifié cette dynamique.

Nous avons lancé un programme unique au monde de 60 millions d'euros, qui permettra le séquençage des cancers, donc une personnalisation des traitements.

L'information des patients est essentielle, parce qu'ils sont aussi des citoyens qui veulent savoir, comprendre, participer. Nous avons renforcé leurs droits, augmenté le temps consacré à cette information avec la création de la lettre de liaison. Nous avons aussi renforcé leur représentation dans les conseils d'hôpitaux.

Malgré un contexte budgétaire contraint, 31 000 personnes de plus travaillent à l'hôpital public depuis 2012, dont 3 000 médecins. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Vous avez mentionné la suppression de 22 000 postes : je ne sais pas d'où sort ce chiffre mais il est faux.

L'augmentation du nombre de postes ne résout certes pas tous les problèmes.

Mme Laurence Cohen.  - Nous n'avons pas ces chiffres !

M. Jean Desessard.  - La ministre les avait réservés pour le débat !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Oui, travailler à l'hôpital est difficile, les professionnels le disent tous. Mais n'oublions pas qu'avant les 35 heures, les praticiens hospitaliers avaient cinq semaines de vacances par an : ils en ont désormais neuf, on ne peut pas dire que leur situation se dégrade ! Bien sûr, le travail est intense. Cependant, les améliorations sont réelles.

De même, n'oublions pas qu'avant 2003, il n'y avait pas de temps de récupération à l'issue des gardes de nuit.

Mme Annie David.  - C'est à cela que vous voulez revenir ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Nous avons révisé la grille des agents de catégorie C avec une revalorisation de 450 euros par an, pour 420 000 agents. Nous avons aussi revalorisé la rémunération des cadres, de 250 à 400 euros.

Marisol Touraine a présenté une stratégie nationale pour la qualité de vie au travail.

Soit dit en passant, les 35 heures à l'AP-HP n'ont jamais été supprimées, je tiens à le préciser.

La qualité de vie au travail est inscrite dans le règlement des établissements, et le renforcement de la sécurité des professionnels a été un point d'attention du ministère. Nous avons également oeuvré pour une meilleure détection des risques psychosociaux : la généralisation des services de santé pluridisciplinaires est en cours. Des services d'écoute dédiés aux professionnels de santé voient le jour.

L'hôpital public a fait partie des priorités de ce quinquennat. Cinq ans n'ont pas suffi à résoudre toutes les difficultés. L'hôpital public est plus fort qu'auparavant. Il s'est structuré, a développé sa capacité à innover et a contribué à rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale.

Mme Laurence Cohen.  - Nous y voilà !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Pour y avoir moi-même passé vingt ans de ma vie, j'ai une conscience aiguë des difficultés de l'hôpital public. Plus qu'un métier, c'est un engagement. Nous ferons tout pour renforcer l'hôpital public, pilier de notre système de santé.

Mme Laurence Cohen.  - Nous avons besoin d'actes, plutôt que de discours !

Prochaine séance, mardi 17 janvier 2017, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 35.

Marc Lebiez

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mardi 17 janvier 2017

Séance publique

À 14 h 30

1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (n°19, 2016-2017).

Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n°287, 2016-2017).

Texte de la commission (n°288, 2016-2017).

Avis de Mme Vivette Lopez, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°279, 2016-2017).

Avis de Mme Chantal Deseyne, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°280, 2016-2017).

Avis de M. Michel Canevet, fait au nom de la commission des finances (n°281, 2016-2017).

Avis de M. Michel Magras, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 283, 2016-2017).

Avis de M. Jean-François Mayet, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n°284, 2016-2017).

À 16 h 45

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 17 h 45 et le soir

3. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (n°19, 2016-2017).