Éloge funèbre de Louis Pinton
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - (Mmes et MM. les sénateurs et les ministres se lèvent)
C'est avec une grande tristesse que j'accomplis une nouvelle fois devant vous le devoir qui revient au président de notre assemblée de saluer solennellement la mémoire d'un collègue.
Vous vous souvenez de la stupeur qui nous a saisis, le 17 novembre dernier, lorsqu'au moment des questions d'actualité au Gouvernement nous avons appris la disparition brutale de Louis Pinton.
Avec Louis Pinton, c'est une figure majeure de la vie politique de l'Indre au cours de ces dernières décennies et un sénateur de la République estimé de tous qui nous a quittés.
C'est au nom du Sénat que j'ai prononcé, le 24 novembre, l'éloge de Louis Pinton en l'église Saint-André de Châteauroux où nous lui avons rendu hommage en présence de plusieurs d'entre vous, notamment Mme la présidente Jacqueline Gourault, nos collègues Catherine Deroche, Rémy Pointereau, Éric Doligé, et bien sûr le sénateur de l'Indre Jean-François Mayet et Mme Frédérique Gerbaud, sa suppléante, qui nous a désormais rejoints dans cet hémicycle.
Cet adieu émouvant au milieu des siens, au milieu de très nombreux maires en écharpe tricolore, au côté de son successeur au conseil départemental et de ses collègues conseillers départementaux, dans cette terre, au coeur du Berry, qui lui était si chère et qu'il avait si fidèlement servie, devait trouver son écho au Palais du Luxembourg. C'est ce qui nous réunit aujourd'hui.
Louis Pinton était particulièrement attaché au Sénat de la République où il avait succédé à Daniel Bernardet le 22 novembre 2007. Il croyait profondément au rôle de notre assemblée, au point de renoncer en janvier dernier à la présidence du conseil départemental de l'Indre à laquelle il s'était voué sans compter depuis 1998.
Né à Bonnat dans la Creuse, terre où il repose désormais, Louis Pinton avait accompli ses études secondaires aux lycées de Guéret et de Périgueux et au collège Sainte-Barbe à Paris, avant de se former, pour accomplir sa vocation de vétérinaire, à l'école nationale vétérinaire de Toulouse. II commença à exercer en milieu rural à Argenton-sur-Creuse en 1974 avant de s'installer en 1980 à Orsennes, dans ce département de l'Indre qu'il n'allait plus quitter.
Moins de trois ans plus tard, Louis Pinton devint maire d'Orsennes, fonction qu'il occupera durant trois mandats successifs.
C'est en 1998 que Louis Pinton, qui avait été élu conseiller générai en 1992, a succédé à la tête de l'assemblée départementale à Daniel Bernardet, qu'il avait connu dès les années 1970, qui fut en quelque sorte son guide en politique, et auquel le liait une très sincère amitié.
Louis Pinton, comme Daniel Bernardet, était profondément lié aux élus locaux et à son territoire. Il avait conservé de l'exercice de sa profession de vétérinaire en milieu rural un sens du contact et une parfaite connaissance des territoires, dont il porta ici la parole avec force. II se voulait d'abord homme de terroir ce qui n'excluait en rien la force de ses convictions.
Louis Pinton préférait la sincérité vraie entre les hommes et les femmes. II savait écouter, sa courtoisie et sa discrétion allant de pair avec une autorité naturelle qu'il mettait au service de ses mandats pour les accomplir avec rigueur.
Louis Pinton présida durant dix-huit ans aux destinées du conseil général, puis du conseil départemental, avec cette rigueur que j'évoquais, ce qui passait par une gestion des deniers publics à la fois exigeante et généreuse.
Il fit ainsi de l'Indre - ce qui n'est pas rien en cette période - le département le moins endetté de France, cette maîtrise de la dépense publique n'empêchant pas une politique d'investissements dynamique dans le domaine des transports, de l'éducation, de l'environnement et du numérique. Louis Pinton voulait faire de l'Indre un département attractif, au coeur de ce Berry qui est l'un des plus vieux terroirs agricoles de notre pays.
L'Indre s'est aussi fixé pour objectif, sous sa direction, une politique sociale active à laquelle il était particulièrement attaché. J'ai eu ainsi le bonheur d'inaugurer à ses côtés, le 18 septembre 2015, après une très belle assemblée générale des maires, une réalisation originale du département qui illustre la générosité et l'attachement de Louis Pinton à la réinsertion sociale : la ferme thérapeutique de l'établissement public départemental Blanche de Fontarce a pour vocation d'accueillir notamment de jeunes adultes en difficulté sociale et psychologique et en chemin de réinsertion. Ce fut un moment particulièrement chaleureux et très personnel, dont je me souviens avec émotion et je sais par les témoignages reçus très récemment, d'accueillants comme d'accueillis, que cette émotion a été partagée.
Lorsqu'il prit l'initiative, en janvier, d'anticiper l'application de la loi sur l'exercice des mandats en décidant de quitter la présidence du conseil départemental, Louis Pinton pouvait légitimement dresser un vrai bilan de son action à la tête du département de l'Indre.
Louis Pinton était depuis neuf ans un sénateur attentif et estimé. II fut depuis 2007 un de ces élus qui font la richesse du Sénat, un défenseur infatigable et vigilant des intérêts de son département et du territoire, tout en exprimant, toujours avec conviction et détermination, sa vision des sujets engageant l'avenir du pays.
Je le revois ici, au haut de cet hémicycle, au côté de Jean-François Mayet, le regard attentif, le cheveu blanc en brosse et qui suivait les débats. Lui, le réservé, s'exclamait parfois - et sa voix portait ! - quand il entendait ce qui lui paraissait le contraire de la vérité. Car son exigence, c'était la vérité !
Membre du groupe Les Républicains, Louis Pinton participa, tout au long de son mandat sénatorial, aux travaux de la commission des affaires sociales qu'il éclairait de ses compétences d'élu de terrain. II était aussi membre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et participait en connaisseur aux travaux des groupes d'études, notamment de l'élevage.
La pondération de Louis Pinton n'empêchait pas la force dans l'expression de ses convictions. Je me souviens de sa position vigoureuse lors des débats récents sur la déchéance de nationalité qu'il considérait, je cite : « comme un débat stérile qui détourne l'attention du seul objectif valable dans les circonstances actuelles, à savoir la lutte intensive contre le terrorisme ». Les évènements d'hier nous rappellent ces propos.
Mes chers collègues, Louis Pinton a consacré l'essentiel de sa vie publique à ses mandats d'élu local et de parlementaire. II était un élu exemplaire et une personnalité très attachante.
Je venais de le charger d'une mission sur les modes de gestion des collectivités territoriales en ces temps de rareté financière - qui vont durer. Notre métier commun de vétérinaire nous avait construit un mode de raisonnement : l'observation pour poser un diagnostic, l'analyse pour poser un pronostic, la décision pour engager un traitement. Des vertus utiles dans la vie publique ! Louis Pinton avait en fait une grande sensibilité cachée sous une carapace parfois un peu rugueuse. C'était un humaniste.
À nos collègues du groupe Les Républicains et à ceux de la commission des affaires sociales, j'exprime à nouveau toute notre sympathie.
Je souhaite aussi redire à sa famille, à ses enfants, à Jean-François Mayet, à Frédérique Gerbaud, et à tous leurs proches, les condoléances sincères et attristées de chacun des membres du Sénat de la République, ainsi que la part personnelle que je prends à leur peine.
La mémoire de Louis Pinton restera bien vivante.
Je laisse à présent la parole à M. André Vallini, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, en remerciant de sa présence M. Michel Sapin, qui n'est pas étranger à ce département de l'Indre.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai appris, le 17 novembre dernier, que Louis Pinton nous avait quittés brutalement, à seulement 68 ans. Élu de l'Indre pendant près de vingt-cinq ans, cet homme travailleur, jovial, accessible, a consacré toute son énergie à son territoire du Berry. Il avait toujours la volonté d'aider ses concitoyens.
Élu rural par excellence, homme de terrain proche des habitants et estimé par eux, grand connaisseur du monde agricole, féru de chasse, attaché à la présence des services publics, Louis Pinton s'est engagé pour le développement des infrastructures ferroviaires de son département, contre la désertification médicale, mais aussi pour l'extension du haut débit, puis du très haut débit dans les villes mais aussi dans les campagnes de l'Indre.
Dans son mandat de sénateur, auquel il avait décidé de se consacrer pleinement il y a quelques mois, il a poursuivi son combat au service des territoires ruraux. Lutter contre la fracture territoriale, y compris numérique, par une politique volontariste d'aménagement du territoire tout en conservant une fiscalité locale modérée, cela répondait chez lui à une conviction profonde.
Louis Pinton laisse un Sénat endeuillé, un territoire attristé mais transformé et prêt à affronter l'avenir.
À ses proches, à ses amis et collaborateurs, j'adresse au nom du Gouvernement, avec Michel Sapin qui est à mes côtés, nos condoléances les plus attristées. (Mmes et MM. les sénateurs et les ministres observent un moment de recueillement)
M. le président. - Avant de suspendre la séance par respect pour la mémoire de Louis Pinton, je vous annonce - car nous avons vécu des semaines terribles - que je prononcerai l'éloge funèbre de Michel Houel le mardi 10 janvier à 14 h 30, et celui de Jean-Claude Frécon le mardi 24 janvier à 14 h 30.
La séance est suspendue à 14 h 50.
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 15 heures.