Débat sur l'avenir du transport ferroviaire en France (Suite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je porterai non seulement la parole du groupe Les Républicains mais aussi les conclusions du groupe de travail de la commission des finances consacré au financement des infrastructures de transport.
Premièrement, l'urgence absolue d'engager la régénération de nos lignes structurantes. Notre patrimoine est exceptionnel mais en déshérence. À force de tout miser sur le TGV, on a négligé les autres lignes. L'âge moyen de notre réseau est de 32 ans. Conséquence, des retards et une sécurité qui n'est pas assurée, on l'a vu avec l'accident de Brétigny-sur-Orge.
La tâche est colossale. Après des décennies de sous-investissement, le Gouvernement a dégagé des crédits pour les lignes les plus circulées. Il faudrait un à deux milliards d'euros supplémentaires par an pour la régénération de lignes, soit 3,5 à 4,5 milliards d'euros annuels pendant quinze ans. Pour cela, il est inévitable que l'État gèle toute participation aux lignes LGV, cela n'empêchera ni l'Europe ni des collectivités territoriales de financer des études. Je sais que cette position, même si elle est de plus en plus partagée, ne fait pas l'unanimité.
Deuxièmement, la situation dégradée de SNCF Réseau. Malgré la loi de 2014, la dette continue de peser : elle atteint 44 milliards d'euros ; les intérêts grèvent les finances de la SNCF de 1,2 milliard par an. Le fardeau est trop lourd à porter. Le Gouvernement refuse d'envisager sa reprise, même partielle. Mais il faut trouver une solution d'autant que l'on décide déjà de déroger à la règle d'or pour le Charles-de-Gaulle Express.
Troisièmement, les TET. Leur délégation aux régions, quand des synergies sont possibles avec les TER, est judicieuse.
Enfin, il faut nous préparer à l'ouverture à la concurrence, en la rendant la plus saine possible. Nous devrons renforcer l'indépendance du gestionnaire des gares : la question de la transformation de SNCF Mobilités en société anonyme est posée. Je ne vois pas, enfin, comment on ne pourrait pas rouvrir la question du cadre social du personnel de la SNCF. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Évelyne Didier . - L'avenir du rail inquiète élus, usagers et salariés. C'est une alternative crédible à la route et à l'aérien pour une économie décarbonée. Mais l'endettement massif de l'opérateur et le désinvestissement de l'État interrogent la viabilité de notre modèle ferroviaire. Il manque 11,8 milliards d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), selon la Cour des comptes.
À partir de 1827, la France a développé son réseau en fonction de l'industrie. Dès les années 1920, on constatait que toutes les compagnies étaient en déficit. La dette atteignait 37 milliards de francs en 1936 et la solution fut la nationalisation en 1937. Il y a quatre-vingts ans, la puissance publique a donc su faire le choix de la reprise de la dette ferroviaire.
Nous nous acheminons vers une situation semblable à celle d'avant 1937 : réseau morcelé, investissements confiés au privé avec les partenariats public-privé, lignes abandonnées parce qu'on leur demande d'être chacune rentable - un non-sens ! Quand l'heure sera venue de tirer le bilan, nous verrons que cela a coûté beaucoup trop cher à tout le monde.
Le développement à l'international est devenu la priorité, alors que la financiarisation joue contre notre industrie. On annonce 28 000 suppressions de postes dans les sept ans à venir, comme si cela pouvait résoudre les problèmes.
Il faut réorienter la politique ferroviaire nationale. Il faut programmer des lois pluriannuelles d'investissement. Il faut, comme en Allemagne, ôter la dette à SNCF Réseau, ce qui desserrerait l'emprise des banques qui gagnent 1,7 milliard d'euros d'intérêts chaque année.
Aménagement du territoire, développement durable, tout plaide pour une maîtrise publique du secteur ferroviaire que nous pourrions financer par la généralisation du versement transport, la création d'une écotaxe gérée par le service des douanes, le retour des autoroutes dans le giron de l'État et la suppression des avantages fiscaux indus de la route et du rail.
Accompagnons l'industrie, et pas les marchés - comme je l'entends trop souvent dire. Voici la responsabilité économique et sociale qui est la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et républicain et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
M. Jacques Mézard . - Le train cherche sa voie. (Sourires) Le sujet, c'est l'aménagement du territoire. La situation actuelle, plus que préoccupante, est la résultante de longues années d'errance : la dette de SNCF Réseau atteint 44 milliards d'euros.
Alain Bertrand a excellemment parlé de la mauvaise desserte des territoires ruraux, Ronan Dantec a souligné les conséquences des fermetures de gare sur les urnes. Mais, partout, et y compris dans les grandes agglomérations, les voyageurs trouvent de plus en plus insupportables les conditions dans lesquelles on les fait voyager.
Nous n'avons pas demandé ce débat, monsieur le ministre, pour faire le procès de votre politique : vous vous êtes toujours montré à l'écoute des alertes que nous vous lancions. Nous l'avons fait pour vous demander une vision programmatique et une plus grande concertation entre l'État et les régions. Les incohérences entre les CPER sont flagrantes : trois engagements différents pour le train qui traverse mon territoire. Nous n'allons pas couper sa circulation aux frontières administratives !
L'État n'aurait jamais dû quitter son rôle : celui de tracer les grandes lignes. Je ne remets pas en cause le choix des TGV. Mais il faut prioriser. Des lignes coupées l'automne pendant des mois à cause des feuilles mortes... Nos concitoyens se demandent si la République progresse !
Mme Évelyne Didier. - C'est parce qu'il n'y a plus de fret !
M. Jacques Mézard. - Nous ne pouvons pas accepter que le train fonctionne moins bien qu'il y a vingt ou trente ans. S'il faut fermer des lignes, dites-le clairement ! Quand la SNCF nous annonce un besoin de cent millions d'euros pour éviter une sortie de voie dans le Cantal : où les trouve-t-on ? Si nous n'avons plus de routes ni de trains, que fait-on ?
Mme Françoise Laborde. - Du vélo !
M. Jacques Mézard. - Sans vouloir fâcher M. Dantec, tout le monde ne peut pas prendre le vélo ! Nous ne pouvons pas nous passer de l'État, de sa parole et de son engagement ! (Applaudissements)
M. Hervé Maurey . - Je suis particulièrement sensible à ce sujet en ma qualité de président de la commission de l'aménagement du territoire du Sénat et de représentant de notre assemblée au conseil de surveillance de la SNCF.
La dette ferroviaire, à cinquante milliards d'euros, croît de trois milliards par an. L'écart de productivité entre notre entreprise nationale et ses concurrents étrangers est de 25 à 30 %. L'âge moyen des voies est de 33 ans, contre 17 ans en Allemagne, ce qui dégrade service et sécurité. La concurrence de l'autocar et du covoiturage est de plus en plus réelle.
Le Gouvernement a clamé le retour de l'État stratège ; mais Gilles Savary, député socialiste, l'a dit : l'État est aux abonnés absents. La dernière réforme a été avortée : à cause de quelques manifestations et de la mobilisation contre la loi Travail, l'État a demandé à la direction de la SNCF de capituler sur la réforme sociale, faisant disparaître ses chances de remonter la pente.
L'ouverture à la concurrence arrive, il faut la préparer. Attention à ne pas répéter les erreurs que nous avons commises pour le fret. Le Gouvernement s'est longtemps réfugié derrière les négociations européennes sur le paquet ferroviaire. Désormais, les dates sont connues. Soit, il faut évoquer le sort des personnes et la reprise du matériel. Mais on ne peut pas imposer aux nouveaux entrants d'employer des agents dans les mêmes conditions ! La concurrence doit être un aiguillon.
La loi de 2014 prévoyait la signature d'un contrat de performance entre l'État et la SNCF ainsi qu'une règle d'or pour limiter la dette. Deux ans plus tard, le décret d'application sur la contractualisation n'est pas sorti et l'on fait une dérogation à la règle d'or pour CDG Express.
D'autres promesses de la loi de 2014 n'ont pas été tenues : aucun effort de productivité n'est observé grâce à la mutualisation, l'étanchéité entre le gestionnaire d'infrastructures et le gestionnaire des services ferroviaires n'est pas totale, un doute plane sur le rattachement des gares à SNCF Mobilités - nous attendons toujours le rapport qui était prévu pour cet été par la loi de 2014 sur ce dernier sujet.
Malgré les alertes lancées par notre commission, l'État n'a rien fait pour notre industrie ferroviaire avant de commander, en pleine crise d'Alstom, vingt-deux rames TGV pour des lignes limitées à 250 kilomètres/heure, et de forcer la SNCF à commander six rames TGV pour une ligne Lyon-Turin qui ne sera ouverte au mieux qu'en 2030.
Il faut nous préparer à la concurrence : rouvrir les négociations sociales, signer les contrats de performance et publier les décrets sur la règle d'or. Ce n'est qu'ainsi que le transport ferroviaire aura un avenir.
M. Philippe Madrelle . - En 2011, les Assises du ferroviaire s'alarmaient des 25,5 milliards d'euros d'endettement du système ferroviaire, avec une dérive annuelle de 1,1 milliard d'euros. Curieusement, elles ne s'inquiétaient pas de l'état catastrophique du réseau, souligné pourtant dans deux rapports par l'École polytechnique de Lausanne.
Et il ne se passa rien... Le Gouvernement Fillon a laissé à ses successeurs l'héritage empoisonné de quatre chantiers (Exclamations à droite) de TGV simultanés, entraînant une hausse de la dette de 3,5 milliards d'euros par an... Et cette politique du tout-TGV de Nicolas Sarkozy a creusé la dette ferroviaire qui se monte aujourd'hui à 50,5 milliards d'euros... (Exclamations à droite)
M. Alain Gournac. - Elle continue à se creuser cinq ans après !
M. Ladislas Poniatowski. - En tout cas, la parenthèse est bientôt fermée ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain, où l'on invite à laisser parler l'orateur)
M. Philippe Madrelle. - Le Gouvernement Ayrault a mené une réforme ambitieuse et avec pour objectifs de stabiliser la dette et de réformer la gouvernance. C'est la loi du 4 août 2014. Le Gouvernement Valls a ensuite engagé des efforts de régénération du réseau, conformément au rapport de Philippe Duron. L'effort de l'État a plus que doublé. Il doit être poursuivi.
Le rail est le mode de transport le plus compatible avec nos engagements à la COP21, mais il exige des capitaux lourds et subit la concurrence de l'aérien low cost et du covoiturage interurbain. La grande vitesse à la française, techniquement gratifiante, n'est plus guère tenable. Le Gouvernement a fait le choix courageux de limiter la casse, tout en conservant un objectif d'aménagement du territoire.
Un effort gigantesque de mise à niveau du réseau francilien est engagé. Le fret, lui, recule du fait, notamment, des réseaux laissés trop longtemps sans entretien. Malgré ces efforts, 4 000 kilomètres de lignes du réseau historique subissent encore des ralentissements de circulation.
Les usagers ont pris le pouvoir sur les ingénieurs. Nos concitoyens veulent voyager plus et moins cher plutôt que moins et plus vite. Monsieur le ministre, quel bilan faites-vous de la réforme ferroviaire ? Quid de la séparation entre le réseau et l'exploitation ? Quid de l'application de la règle d'or ? Pourquoi l'exception pour le Charles de Gaulle Express ? Quid, enfin, des investissements dans la grande vitesse ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Louis Nègre . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le ferroviaire s'enfonce toujours plus dans la crise. Merci au groupe RDSE de nous donner l'occasion d'en débattre.
La dette de la SNCF, 50 milliards d'euros aujourd'hui, 60 milliards d'euros en 2025, obère l'avenir. La règle d'or est balayée à la première occasion : 300 millions d'euros de dette en plus pour le CDG Express, c'est une atteinte grave à la crédibilité du Parlement, nous ne pouvons vous suivre. (M. Jacques Legendre applaudit)
Où est l'État stratège que nous appelons tous de nos voeux ? L'âge moyen de notre réseau est de 33 ans, au lieu de 17 chez nos voisins allemands. Et il continue de vieillir ; nous avons connus les premiers accidents mortels depuis 20 ans.
Mais Bercy ponctionne les deux centimes votés en 2015 en faveur de l'AFITF : c'est une politique de Gribouille. Votre gestion du dossier Alstom l'illustre. Nous vous avions alertés ; aujourd'hui il vous faut acheter à la dernière minute des TGV qui coûtent deux fois plus chers que des Intercités - pour rouler sur des lignes Intercités.... Où est la logique ? Sans État-stratège, pas de politique claire, cohérente, favorable à notre industrie, la troisième au monde.
Notre vision est optimiste, pourtant ; elle passe par l'assainissement financier de SNCF Réseau, par un système de financement stabilisé, par l'ouverture à la concurrence. Les usagers sont les naufragés de la politique actuelle. Sans réforme du cadre social obsolète, nous irions contre notre passé de grande nation ferroviaire.
Mme Évelyne Didier. - Pour vous, c'est toujours la faute des salariés !
M. Louis Nègre. - Nous croyons plus que jamais au ferroviaire pour répondre à la demande exponentielle de déplacements : c'est un acte de foi, mais réaliste. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Brigitte Micouleau . - Comment imaginer la France sans TGV entre Paris et Lyon ? Comment réagiraient les Marseillais, les Lillois, les Strasbourgeois si on leur disait que les liaisons TGV avec Paris s'arrêtent ? Je pose le problème de la desserte à grande vitesse de Toulouse. Quatrième ville de France, elle accueille 17 000 nouveaux habitants par an ; son agglomération serait la seule à être exclus du réseau à grande vitesse ? Est-ce équitable, fair-play, même, dans la concurrence entre métropoles françaises et européennes ? Avec la LGV Bordeaux-Toulouse, nous serions à 3h10 de Paris-Montparnasse, contre plus de 5 heures aujourd'hui - la commission Mobilité 21 le demandait.
Quel modèle économique pour la ligne Bordeaux-Toulouse ? Celui de la ligne Tours-Bordeaux a montré ses limites, tout le monde en est d'accord. Faire appel aux collectivités territoriales ? C'est un défi qu'entendent relever Bordeaux, Toulouse, les régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie ; un groupe de travail ministériel a été créé, qui fera ses propositions d'ici l'été. Je suis convaincue qu'un modèle original en sortira, pour une mise en service en 2024. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Raison . - Merci au RDSE pour ce débat qui concerne directement l'aménagement du territoire. Peut-on se passer des échanges à l'intérieur de notre pays ? Le monde urbain et le monde rural ne s'opposent pas, les deux doivent être reliés pour que la France soit puissante - sur le plan économique comme sur celui du bien-être.
Première inquiétude : la dette de 50 milliards d'euros et l'AFITF privée d'un milliard d'euros par la décision désastreuse de Mme Royal d'abandonner l'écotaxe. Seules les régions les plus riches auront les moyens de la rétablir si elles le souhaitent - à rebours de l'aménagement du territoire....
Deuxième inquiétude : une sélection « plus rigoureuse » des projets, comme on dit - l'écart se creusera encore entre les régions.
Troisième inquiétude : la disparition en rase campagne d'un certain nombre de TET. Les régions prennent le sujet à bras-le-corps, mais c'est qu'elles n'ont pas le choix. Paris-Belfort-Mulhouse, déficit : 30 millions d'euros, participation de l'État, 13 millions d'euros... Comment les régions pourront-elles tenir ? Le seul avenir des TET est-il de devenir des TER - et notre territoire national de se fragmenter ? (Applaudissements au centre et à droite et sur plusieurs bancs du groupe RDSE ; M. Ronan Dantec applaudit aussi)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Merci au RDSE pour ce débat passionnant et politique parce qu'il concerne directement les mobilités, c'est-à-dire le déplacement quotidien de millions de nos concitoyens. J'espère qu'il sera à sa place dans les débats politiques des mois qui viennent.
Deux ans après la réforme ferroviaire et alors que l'ouverture à la concurrence se profile, le système ferroviaire est à la croisée des chemins. Il est sain que la Représentation nationale en débatte, sans oublier, par exemple que les droits de passage des TER sont payés par l'État : 1,4 milliard d'euros par an et cela ne concerne pas la région parisienne. La solidarité nationale est au rendez-vous.
La commande de six rames à Alstom, monsieur Maurey, n'est pas destinée au Lyon-Turin, mais à la ligne Paris-Milan-Turin qui lui préexiste.
Le rail a tout son rôle à jouer pour la transition énergétique, conformément à nos engagements de la COP21. Là aussi, regardons les faits. L'État stratège ? L'AFITF gère 2,1 milliards d'euros venus de la route, qu'elle affecte à 80 % au rail et au fluvial : voilà une véritable stratégie de long terme.
La révolution numérique, ensuite, permet de nouvelles formes de mobilité, comme le covoiturage, vous l'avez dit ; elle est un problème mais aussi une solution, grâce aux marges d'efficacité et de compétitivité qu'elle dégage.
L'ouverture à la concurrence ne résulte pas de la seule décision de la France. Les échéances sont connues, 2020 pour le réseau commercial, 2023 pour le réseau concédé. Nos voisins sont dans une situation comparable à la nôtre. L'ouverture du réseau concédé en 2023 exigera une décision du concédant, il faut s'y préparer. Comment ? J'ai engagé un travail avec les régions, préalable à l'expérimentation de 2018-2019, pour définir les lignes concernées - en évitant de n'ouvrir à la concurrence que les lignes rentables - et réfléchir au statut des personnels si l'opérateur historique n'est pas choisi ; j'entends dire que ce ne saurait être l'actuel statut des cheminots...
Pour les gares, le Parlement sera saisi d'un rapport qui laissera ouverte une alternative : soit un nouvel Epic, soit une nouvelle filiale de SNCF Réseau. La réforme ferroviaire doit remettre l'opérateur historique sur une trajectoire vertueuse, vers un retour à l'équilibre économique. La naissance du nouveau groupe public à l'été 2015 montre que le défi peut être relevé. Un nouveau cadre social harmonisé de haut niveau a été adopté ; nous sommes passés d'un système réglementaire, régi par décret, à un système conventionnel - avec l'accord des organisations professionnelles.
Sur le fret, du reste, la différence de compétitivité de 20 à 25 % entre le public et le privé a été réduite de moitié grâce à l'accord de branche.
Des contrats de performance entre l'État et l'opérateur, décennaux mais actualisés tous les trois ans, encadreront la modernisation du groupe public. Ils seront bientôt finalisés. Le rapport stratégique d'orientation prévu par la loi de 2014 a été soumis le 14 septembre dernier au Haut Comité du système de transport ferroviaire, vous en aurez connaissance avec les avis des organisations représentées.
Quelles sont nos priorités ? D'abord, la sécurité, qui n'est jamais définitivement acquise - il y aura un avant et un après Brétigny. J'ai créé un comité de suivi qui doit s'assurer de la mobilisation de tous et travaille dans la transparence. Le réseau vieillit, résultat des décisions passées qui ont joué contre la maintenance, c'est-à-dire l'entretien quotidien et la régénération des lignes. Nous étions tombés à 3 milliards de crédits affectés presque exclusivement aux travaux d'urgence - sur la route, on dirait : au bouchage des trous - au détriment de la régénération. Quand on parle d'État stratège...
Nous avons rompu avec cette stratégie. Dans le projet de loi de finances pour 2017, les crédits pour la régénération sont pour la première fois supérieurs à ceux de la maintenance ordinaire ; il faudra maintenir cet effort plusieurs années, faute de quoi il faudra fermer des lignes... C'est une question politique majeure. Les contrats de performances préciseront la trajectoire, le Gouvernement proposera d'augmenter de 100 millions d'euros par an l'effort de régénération.
Les TET... Des choix de compétences et un redécoupage des régions ont été faits. Avec les grandes régions, la différence entre un TET et un TER sur le même parcours s'efface. C'est pourquoi nous avons engagé le débat avec les régions, une fois identifiées les lignes, interrégionales, qui sont structurantes et relèvent de l'État. L'État propose de renouveler les matériels, une enveloppe de 2,5 milliards d'euros au total et il accompagne les régions pour une partie du déficit ; en contrepartie elles reprennent les lignes. Un accord a été signé avec la Normandie et le Grand Est, nous en sommes près avec la Nouvelle-Aquitaine. Nous parlons de 410 millions d'euro de déficit par an pour l'État... Je suis convaincu que d'ici six ou sept ans chacun verra que c'était le bon chemin.
En 2015, le fret ferroviaire a progressé plus que la route et que le fluvial ; sa part dans le transport de marchandises est un peu remontée au-dessus de 10 %.
Le ferroviaire est déjà dans la concurrence entre modes de transports, arbitrés par le client, l'usager selon le prix, la ponctualité, le confort. L'opérateur historique a fait des propositions tarifaires. Il faut aussi parler de la sureté.
Un mot du fret encore... Si les entreprises, en bout de ligne, peuvent rejoindre les réseaux, elles utiliseront plus facilement le ferroviaire que la route. Le capillaire est déterminant ; pour progresser, nous avons travaillé sur les normes de ces voies en concertation avec tous les acteurs.
La dette s'est considérablement accrue lors du financement des lignes grande vitesse. Une reprise, un cantonnement ont été envisagés. La dette obère-t-elle aujourd'hui la capacité d'investissement ? Non, parce que les taux sont très bas ; le rapport qui vous sera transmis précise pourquoi il a été décidé d'en rester au système actuel, avec cependant une clause de revoyure.
C'est dans ce contexte qu'il faut examiner aussi l'application de la règle d'or. Nous avons en réalité un débat sur la deuxième exception à une deuxième règle d''or... Nous verrons ce qui sortira de la navette... Le Gouvernement a adressé le décret au Conseil d'État, lequel a demandé l'avis de l'Arafer, dont le collège doit se prononcer aujourd'hui même. SNCF Réseau ne financera plus la construction de nouvelles infrastructures : il faudra d'autres modes de financement.
M. Pierre-Yves Collombat. - Souscription, tombola ? (Sourires)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Au travers de l'AFITF, il faudra trouver 800 millions de ressources nouvelles par an pour financer les infrastructures programmées. Où ? La TICPE rapporte 1,1 milliard d'euros mais seuls 735 millions d'euros vont à l'AFITF. Sans être adepte de la politique du sapeur Camember, il y a là une marge d'action. (M. Louis Nègre applaudit)
Des régions connaissent des difficultés particulières, par exemple lorsque le train est la seule réponse aux besoins de mobilité - c'est le cas du Cévenol. La commission Duron, pluraliste, est toujours notre base de travail.
Merci de ce débat, j'espère que ces questions passionnantes ne manqueront pas d'être abordées, dans le débat public, au cours des mois à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
La séance est suspendue quelques instants.
Organisme extraparlementaire (Candidatures)
Mme la présidente. - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence française de la biodiversité.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a proposé les candidatures de M. Jérôme Bignon et de Mme Nicole Bonnefoy.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.