Égalité et citoyenneté (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'égalité et à la citoyenneté.
Discussion générale
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports . - La France traverse une période mouvementée, difficile. Notre Nation a été durement éprouvée. La crise économique et l'épreuve du terrorisme fragilisent notre capacité à vivre en commun. La République n'est pas une statue de cire. Elle doit se reformuler. L'Europe se désintègre, elle est contestée comme rarement depuis les années soixante.
Le texte que nous vous présentons vise à faire bloc contre les semeurs de désordre et les prédicateurs de lendemains qui pleurent. Il n'y a pas de prophétie plus auto-réalisatrice que de nous faire croire qu'il n'y aura plus de progrès, de bond en avant. L'appartenance à la communauté nationale, la citoyenneté, ce sont des droits essentiels mais aussi des exigences. Au-delà des principes sur l'état de notre société repliée sur elle-même, elle est dynamique : 35 millions de Français adhèrent à une association, 16 millions sont bénévoles.
La réserve civique aidera chacun à se mettre au service de l'intérêt national. Chacun de nos concitoyens pourra être mobilisable en cas d'inondation ou de catastrophe naturelle.
Le projet de loi issu de l'Assemblée nationale créait un congé d'engagement non rémunéré fractionnable. Je regrette que la commission spéciale du Sénat l'ait supprimé. Nul ne peut nier que le Gouvernement est attentif aux entreprises. (Moues à droite) L'engagement citoyen et associatif est tout aussi essentiel.
Nous proposerons de le rétablir. Faire converger la culture de l'engagement à tout âge est indispensable. Notre démographie dynamique fait de la France un pays toujours jeune.
Donnons à notre jeunesse la capacité de maîtriser son destin.
La jeunesse n'est pas homogène. Nous donnerons un nouvel élan au service civique, comme le préconisait le rapport du sénateur Yvon Collin en 2010. Cela concernera 350 000 jeunes à l'aube de 2018-2019. C'est une bataille que nous devons gagner.
Nous renforçons le dispositif facilitant l'autonomie des jeunes. La mobilité est essentielle, les élus des territoires ruraux le savent bien. Il sera désormais possible de financer le permis de conduire par le compte de formation.
Je regrette que votre commission spéciale ait supprimé la possibilité de devenir responsable de publication dès 16 ans ou de demander l'émancipation au même âge.
Ouvrir de nouveaux droits aux jeunes de 16 ans et plus, c'est faciliter l'apprentissage de la responsabilité, l'apprivoisement de la citoyenneté. « La jeunesse ressent un plaisir incroyable lorsqu'on commence à se lier à elle » disait Fénelon - c'est-à-dire, quand on lui fait confiance.
Les mesures sur l'égalité réelle ont leur cohérence. Celles sur le droit d'interpellation des conseils citoyens créés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ont été supprimées par votre commission spéciale. J'en suis surpris. Ces conseils citoyens sont utiles. Je vous proposerai de rétablir l'article 34 donnant à ces conseils le droit de saisir le préfet des difficultés particulières rencontrées par les habitants.
Contre les discriminations, le racisme et l'antisémitisme, nous renforcerons notre arsenal, en généralisant la circonstance aggravante, en renforçant la répression des délits de provocation et d'injure raciste.
En 2014, seulement 221 condamnations ont été suivies. Nous avons un devoir moral d'efficacité en la matière.
Votre commission a adopté plusieurs amendements qui bouleversent l'équilibre de la grande loi sur la presse du 29 juillet 1881 - à laquelle on ne touche que d'une main prudente ! Il faudra faire preuve de mesure.
Ce projet de loi est un texte de progrès. Je connais la tempérance et la rigueur du Sénat. Je sais aussi son audace. J'espère que les débats montreront que nous partageons l'idée d'une République citoyenne et unie. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit aussi)
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable . - L'ambition de ce texte est grande : une mobilisation générale pour le vivre ensemble à l'heure où un mouvement insidieux se développe qui menace la cohésion sociale. La manière dont nous faisons société s'incarne avant tout dans la manière dont nous partageons l'espace public dans toutes les villes, tous les quartiers et tous les territoires.
Depuis la loi Siegfried en 1894, le modèle français du logement social s'est imposé comme un pilier de notre pacte républicain, au même titre que la sécurité sociale et les services publics. Il doit être sans cesse renouvelé. Le logement social est le logement de tous : 70 % des Français y sont éligibles.
Après la Seconde Guerre mondiale, devant l'urgence, nous nous sommes contentés d'un impératif d'efficacité avec les grands ensembles. Ce qui devait être un urbanisme de rêve, sans voiture, s'est mué en fin de compte, en instrument de relégation sociale. La diversité sociale, clef du succès de ces quartiers, s'est peu à peu effacée. Nous avons construit vite, trop vite parfois, de manière indifférenciée, pour loger les Français dans l'urgence.
« L'apartheid territorial et social » que dénonce le Premier ministre est une réalité. Des ghettos de pauvres et de ghettos de riches, telle est la résultante de logiques discriminatoires qui enferment des jeunes talents dans leurs quartiers. Nous avons le devoir d'y remédier.
Le fléau de la discrimination fissure la société tout entière. Il nous faut reprendre le flambeau d'une politique de logement qui est devenue la priorité du Gouvernement. Les résultats sont là. (On en doute à droite) L'État a sécurisé le financement du logement social, notamment via des prêts accordés aux bailleurs, et par le fonds national de l'aide à la pierre.
Une politique du logement doit être au service de la mixité sociale. Les discussions à l'Assemblée nationale ont été constructives. Vous n'avez pas repris ni amélioré l'équilibre entre le droit au logement social et la nécessaire mixité.
En supprimant la possibilité pour les préfets de procéder à des attributions, vous avez limité la capacité d'intervention de l'État.
À force de modifier l'article 55 de la loi SRU, vous oeuvrez à sa disparition. Elle fête pourtant ses quinze ans et est le pilier de notre politique sociale - or trop de communes s'exonèrent de leur effort de solidarité.
M. Philippe Dallier. - Elles ne « s'exonèrent » pas toutes !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. - Aujourd'hui, on peut vivre dans une agglomération urbaine en étant coupé du monde. L'« apartheid territorial » est une réalité. Je regrette vos amendements qui reviennent sur la loi SRU et avec elle sur les quelque 700 000 logements sociaux attendus dans les communes carencées et déficitaires. Est-ce le principe même du logement social, y compris très social, que vous visez ainsi ? (Mme Catherine Procaccia proteste)
Pourtant, la loi SRU, pilier fondateur de notre pacte social, fête ses quinze ans cette année. Cette loi constitue une pièce maîtresse de l'édifice de notre droit au logement autant qu'un texte fondateur en matière de mixité sociale. Avec ce projet, le Gouvernement a souhaité consolider les fondements de son périmètre d'application pour le rendre plus cohérent avec la réalité du terrain et renforcer les moyens opposables aux communes qui s'exonèrent de l'effort national de solidarité.
Votre position exprime un refus de lutter contre la ségrégation. Vous promouvez une société de la distance et de la défiance. (On le conteste vigoureusement sur les bancs du groupe Les Républicains)
Pourtant, certains d'entre vous se battent sur le terrain pour des villes plus inclusives. L'article 20 prévoit une réforme ambitieuse des attributions des logements sociaux, ainsi que des mesures de transparence dans la procédure d'attribution.
Le Gouvernement avait intégré au texte l'intégralité de la proposition de loi de Dominique Raimbourg relative aux gens du voyage. La mixité n'est pas le paravent de l'exclusion. On ne peut renoncer au respect élémentaire du droit au logement.
Le Gouvernement souhaite un droit d'accès, pas un droit d'exclusion. Il défend un pacte territorial renforcé entre État et collectivités territoriales.
Il vise ainsi une République en actes : avoir un chez-soi, c'est une exigence quotidienne pour beaucoup de nos concitoyens. J'aurais aimé que nous puissions être unis au service de cette nécessité. Je constate que ce n'est pas le cas, j'en prends acte mais serai présente pour répondre pied à pied, article par article, amendement par amendement, à la défense de mesures que je crois essentielles pour le pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté » . - (Applaudissements au centre et à droite) Né de l'effroi suscité par les terribles attentats de 2015 et de la question terrifiante qu'ils ont posée à toute la Nation « Comment des enfants de France peuvent-ils avoir pour seul dessein sa destruction ? », ce projet vise à renforcer la cohésion de notre société.
Le président du Sénat, dans son excellent rapport de 2015 « La Nation française, un héritage en partage ? » a formulé une série de propositions destinées à renforcer l'appartenance républicaine, affirmant à raison que la Nation française constitue un héritage à partager qu'il nous appartient de faire vivre et de transmettre.
Le texte initial s'est emballé, passant de 41 articles à 217. Après sa première lecture. Il est devenu un véritable cabinet de curiosités, un « Bon Coin » législatif. (Sourires et marques d'approbation à droite) On a perdu le fil du propos initial.
L'examen du texte nécessitait une méthode rigoureuse, tracée par le président Jean-Claude Lenoir, selon six critères : il a fallu le recentrer sur son objectif initial, n'adopter que des mesures réalistes ; supprimer les dispositions relevant du pouvoir réglementaire et les demandes de rapports ; ne pas rajouter de nouvelles contraintes souvent irréalistes à nos compatriotes, aux entreprises, et aux collectivités, ne pas revenir sur des dispositions récemment adoptées par le Sénat; affirmer notre rôle de législateur en refusant d'être une simple chambre d'enregistrement. Nous serons ainsi fidèles à la ligne de conduite définie par le Conseil d'État.
Nous avons déclaré irrecevables 68 amendements ce qui a créé parfois polémique. La disposition sur le délit d'entrave numérique à l'IVG aurait pu être censurée d'office par le Conseil constitutionnel, si nous ne l'avions pas déclarée irrecevable ! L'accusation d'obscurantisme est intolérable ! (Applaudissements à droite et au centre) Pourquoi le Gouvernement a-t-il déposé un tel amendement au Sénat, à la dernière minute, s'il avait une telle importance ? Accuser la commission spéciale de trahir Simone Veil est indigne : cette femme d'exception, centriste, a suscité l'engagement de beaucoup de femmes en politique.
M. Didier Guillaume. - Il n'y avait pas internet à l'époque !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Cette attitude masque mal l'impréparation fiévreuse du Gouvernement, surtout soucieux de rassembler sans scrupules une majorité effritée ! (Très bien ! et applaudissements nourris à droite et au centre)
Un pays n'a pas d'avenir sans l'engagement de tous ses citoyens. Cependant, ce texte a largement dérivé et nous manquerions à notre devoir si nous ne réintroduisions pas un peu plus de sérénité dans ce débat. Mes chers collègues, c'est dans cet état d'esprit rigoureux, mais nullement grincheux, que nous abordons cette séance publique. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté » . - La commission spéciale m'a désignée rapporteur du Titre II de ce projet de loi. Construire davantage de logements sociaux, loger mieux les ménages modestes, favoriser la mixité, tels sont les objectifs.
M. Michel Raison. - Très bien.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - C'est une nouvelle étape franchie dans la bureaucratisation du logement. Les problèmes du logement doivent être traités au cas par cas : tout le contraire des lois vues et votées depuis Paris.
Le projet de loi prétend renforcer la mixité sociale en diversifiant les attributions de logements pour que les ménages les plus modestes ne soient pas systématiquement relégués dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cette politique risque fort d'être ingérable. On ne peut donner l'assurance que les populations les plus fragiles s'adaptent aux quartiers riches : coût de la vie, habitudes de quartier, autant de facteurs qu'une approche technicienne ne prend pas en compte.
Le projet renforce les contraintes de la loi SRU. L'aspect productiviste a pris le pas sur l'aspect qualitatif de cette loi. Le Gouvernement s'est contenté d'introduire de nouvelles exemptions. La commission spéciale a souhaité redéfinir l'ensemble du processus pour permettre une meilleure adaptation au terrain. Un contrat d'objectifs et de moyens entre le maire et le préfet déterminera le taux de logements sociaux et l'échéance à prévoir.
Dans les communes de plus de 50 % de logements sociaux, un tel contrat permettra de diversifier l'offre.
Enfin, la commission spéciale a simplifié les procédures d'évaluation pour les gens du voyage. Elle vous propose d'adopter ce projet de loi ainsi modifié. (Applaudissements à droite et au centre)
M. David Rachline . - Qu'attendre d'un Gouvernement dont l'une des ministres estime que la société est minée par le repli identitaire alors que le pays est infiltré par les ennemis de la France ! (Mme Emmanuelle Cosse, ministre, sourit) Le vivre ensemble décrété est un échec : vous continuez. C'est le résultat de la politique menée depuis des décennies, la situation prophétisée par les patriotes vilipendés.
Vous n'hésitez pas à flirter avec le totalitarisme dans votre amendement n°664, pro-migrants et anti-maires. Période électorale oblige, la majorité sénatoriale est revenue sur les mesures les plus drastiques.
Vous avez créé le communautarisme au nom du vivre ensemble, des ghettos au nom de la mixité sociale. L'idéologie a supplanté le sens du service. L'échec était assuré.
Transmettre le nom de la France et sa spécificité, revenir à une pleine souveraineté, telles sont les lignes à suivre. Un profond remaniement du code de la nationalité est indispensable car la citoyenneté découle de la nationalité.
Le premier des droits des Français est qu'ils soient servis les premiers en France.
Mme Éliane Assassi. - Scandaleux !
M. David Rachline. - Pour faire vivre le sentiment d'appartenance à la Nation française, il faut montrer que le pays s'occupe en priorité - non en exclusivité - des fils et filles de France.
Laissez la place à ceux qui souhaitent que la France continue de briller, à ceux pour qui, comme disait ce lieutenant tombé au champ d'honneur, « France n'est pas un vain mot ».
M. Stéphane Ravier. - Bravo !
M. Christian Favier . - Dix-huit mois après les attentats contre Charlie Hebdo, nous devons examiner ce projet de loi qui est une accumulation de mesures souvent aléatoires, voire contradictoires. Le ministère à l'égalité réelle qui devait porter ce texte a été supprimé cet été. Que faut-il en penser ?
M. Daniel Dubois. - Où est-il donc passé ? (Sourires au centre et à droite)
M. Christian Favier. - Le titre du projet de loi est doublement redondant. Et pourtant, il ne traite nullement de la citoyenneté. Ce qui est désigné comme la source des maux de notre société, c'est la concentration de la pauvreté dans certains quartiers. Plutôt que de lutter contre la pauvreté, on cherche à la distribuer sur le territoire.
L'entre-soi n'existe pas seulement dans les quartiers populaires. Que faites-vous de la fraude fiscale, de la corruption, de la délinquance en col blanc ?
Les peurs sont multiples : terrorisme, exclusion, déclassement. La commission spéciale a totalement réécrit ce projet de loi en y apportant de la cohérence. Malheureusement, cette cohérence est le dogme de la dérégulation et de la déréglementation. Détricotage du droit au logement, déconstruction de la loi SRU : les valeurs portées par la majorité de droite l'ont emporté, celui d'une société qui valorise l'entre-soi.
Le problème des quartiers populaires, ce ne sont pas les habitants, mais le niveau record du chômage des jeunes ou le recul de l'école. Dans notre société, le déclin est présenté comme inexorable. Le renoncement de nos gouvernants, le non-respect de la parole publique ont achevé l'idée d'une action publique au service du peuple.
Ce projet de loi n'apporte par les bonnes réponses. La « République en actes » nécessiterait le retour des services publics pour promouvoir une société plus humaine.
Nous regrettons l'absence de droit de vote pour les étrangers, pourtant promesse du président de la République. Ce projet participe aux amalgames et à la stigmatisation. C'est une occasion manquée de construire une société qui rassemble plutôt qu'une société qui divise. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
Mme Françoise Laborde . - Tortueux et long est le chemin qui conduit de l'égalité proclamée en 1789 à l'égalité réelle. La valorisation de la citoyenneté et la recherche de l'égalité doivent sous-tendre toute politique. Nos deux rapporteurs ont redonné de la cohérence au texte. Je regrette l'utilisation de la procédure accélérée dans un débat qui aurait dû être apaisé.
La clarification des critères prioritaires d'attribution et les nouvelles obligations de mixité sociale sont bienvenues en matière de logement social. S'il faut tenir compte de la situation locale, il n'est pas judicieux de laisser à la libre négociation la fixation, sans aucun encadrement, du taux de ménages les plus démunis à loger en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. N'exonérons pas de cette obligation les collectivités qui en ont les moyens.
Pour ce qui est de l'obligation de réaliser des logements sociaux, le texte parvient à un compromis acceptable sur la loi SRU pour tenir compte des spécificités propres à chaque commune et s'adapter à la demande. Des efforts restent à faire pour trouver le juste équilibre entre égalité d'accès au logement et mixité sociale.
Notre groupe se réjouit de la montée en puissance du service civique, dû à une proposition de loi d'Yvon Collin. Parfois, toutefois, les dispositions visant les jeunes cachent l'incapacité de nos gouvernements à leur garantir un toit, une formation, un emploi. Un sans-abri sur dix est diplômé de l'enseignement supérieur !
J'approuve le renforcement des contrôles de l'enseignement à domicile et hors contrat : il faut traquer les risques d'isolement, de mauvais traitements, de dérive sectaire. Je regrette que nos amendements se soient heurtés à l'article 40, quand d'autres y ont échappé...
Lutter contre les inégalités commence à l'école. Sans tomber dans l'écueil du nivellement par le bas, sachons remettre en marche l'ascenseur social. C'est notre plus grand défi.
M. Jean-Claude Carle. - C'est vrai !
Mme Françoise Laborde. - Priorité doit être donnée à l'école de la République, plutôt qu'aux écoles privées qui accueillent les plus favorisés. (M. Jean-Claude Carle se montre plus dubitatif)
M. Philippe Dallier. - Pas en Seine-Saint-Denis !
Mme Françoise Laborde. - Comme le disait Édouard Herriot, « une démocratie bien comprise n'est pas un régime qui maintienne artificiellement entre les hommes une égalité chimérique; c'est un régime de libre sélection qui n'assigne d'autre limite à l'ascension sociale que les limites mêmes de l'effort et de la volonté de l'individu. »
Une loi ne suffira pas à résorber les inégalités, qui vont croissant. C'est un travail de longue haleine qui doit s'engager, associant tous les Français.
Enfin, nous partageons les inquiétudes du Défenseur des droits sur l'absence de mesures contre les inégalités territoriales face au service public. Nous attendrons l'issue du débat pour déterminer notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Jean Desessard et Mme Frédérique Espagnac applaudissent aussi)
Mme Aline Archimbaud . - Les événements dramatiques de ces deux dernières années ont montré l'ampleur des fractures sociales, du sentiment d'abandon de certains. Malheureusement, de nombreuses dispositions phares de ce projet de loi ont été supprimées par la commission spéciale, et le texte n'est plus à la hauteur des enjeux.
Le titre premier traite de la jeunesse. N'oublions pas les 2 millions de jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation ; bref, invisibles. Le renforcement du service civique est heureux ; encore faut-il que l'Agence du service civique ait les moyens nécessaires pour susciter les engagements.
Un objectif de 25 % de logements sociaux hors quartiers prioritaires de la politique de la ville pour les 25 % de ménages aux revenus les plus faibles, ce n'était pas disproportionné. Nous défendrons le retour au texte initial. Idem sur la loi SRU, vu l'ampleur des besoins. Ne maintenir qu'une barre de 15 % de logements sociaux, c'est une vraie régression. Sur la lutte contre l'habitat indigne, l'hébergement d'urgence, l'habitat mobile, la domiciliation des sans-abris, le logement des jeunes et étudiants, nous ferons des propositions.
Le titre III, sur la lutte contre le racisme et les discriminations, a été appauvri, nous proposerons de revenir au texte de l'Assemblée nationale.
Nous souhaitons également poursuivre la mobilisation pour l'accès aux droits. Les citoyens ont des devoirs, certes, mais aussi des droits, auxquels la République doit garantir un accès effectif. Trop nombreux sont ceux qui ignorent leurs droits, se perdent dans les méandres administratifs : le non-recours a été chiffré à 6 milliards d'euros en 2014, avec les conséquences sociales et sanitaires que l'on imagine - ce ne sont pas des économies. Nous proposerons des simplifications.
Le groupe écologiste espère un débat pragmatique et non idéologique - encore moins démagogique et populiste. Affirmons au Sénat une volonté commune de nous mobiliser pour l'égalité et la citoyenneté. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)
M. Jacques-Bernard Magner . - L'Assemblée nationale a porté ce texte de 41 à 217 articles ; il a été examiné par une commission spéciale, présidée magistralement par Jean-Claude Lenoir. Mais sous couvert d'une volonté de simplification et de cohérence, les rapporteurs de la commission spéciale ont manié sans mesure l'irrecevabilité.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. - Les compliments s'arrêtent !
M. Didier Guillaume. - Voici votre vision de la démocratie ! Scandaleux !
M. Jacques-Bernard Magner. - Le groupe socialiste demandera des explications...
M. Jacques-Bernard Magner. - Outre la création de 60 000 postes dans l'éducation nationale, de nombreuses dispositions ont été mises en oeuvre depuis 2012 pour traduire la priorité donnée à la jeunesse.
M. François Bonhomme. - C'est flagrant !
M. Jacques-Bernard Magner. - Garantie jeunes, emplois d'avenir au nombre de 250 000, revalorisation des bourses étudiantes, le service civique porté à 110 000 recrues en 2016, 150 000 en 2017...
M. François Grosdidier. - Et avec tout ça, le chômage augmente ?
M. Jacques-Bernard Magner. - ... Erasmus +, cautionnement locatif étudiant... Toutes mesures dont le comité interministériel à la jeunesse assure désormais le suivi.
L'engagement citoyen est, lui aussi, au coeur du quinquennat de François Hollande. Face aux événements de 2015, le rassemblement autour des valeurs de la République devenait impérieux. Les jeunes ne souhaitent pas des mots, mais des actes !
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Jacques-Bernard Magner. - Certaines des actions engagées depuis le printemps 2015 par le comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté nécessitaient une traduction législative, nous y sommes. Le parcours citoyen généralisé, de la primaire à la terminale, pourra trouver sa consécration dans le service civique, voire la réserve citoyenne. Pourquoi ne pas remettre le livret citoyen dès le CP ? Pourquoi la valorisation de l'engagement serait-elle réservée aux étudiants ?
Avec 16 millions de bénévoles, 2 millions d'employés et 23 millions d'adhérents, nos associations constituent un creuset de l'engagement. D'où notre attachement au congé pour engagement associatif que la commission spéciale a supprimé. Entre parenthèse, Bercy n'a pas à déterminer seul « l'intérêt général ».
Comme nous croyons à la pédagogie active, nous croyons à la citoyenneté active. Parallèlement aux 300 heures d'enseignement moral et civique, favorisons le débat, les projets citoyens dans les écoles, et reconnaissons enfin la pré-majorité associative. Il existe déjà un milliers d'associations gérées par des mineurs et rassemblées dans un réseau national, cela ne pose aucun problème. Ne soyons pas frileux ! Rétablissons donc les articles 15 et 15 ter. Reconnaître de nouveaux droits aux mineurs de 16 ans, ce n'est pas remettre en cause la majorité à 18 ans.
Quant au logement, les chiffres montrent une concentration des ménages les plus pauvres dans les quartiers les plus défavorisés. L'objectif fixé par le projet de loi - un quart des logements sociaux hors des quartiers prioritaires réservés au quart des ménages les moins aisés - était une réponse concrète ; mais la commission spéciale a préféré s'en remettre au contrat... De même sur la loi SRU, vidée de son objectif essentiel : la construction de logements sociaux. Serait-ce le moment de lever la pression sur la construction ? Que proposez-vous pour que les communes déficitaires s'engagent enfin ?
M. Philippe Dallier. - Pourquoi « enfin » ? !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Elles le font déjà !
M. Jacques-Bernard Magner. - Parmi les mesures de la République en actes figure la création d'une agence de la langue française, dont la mission de configuration a été confiée à Thierry Lepaon. Où en sommes-nous, et comment apaiser les inquiétudes de ceux qui craignent une dilution des actions de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme ?
Enfin, la majorité sénatoriale use d'arguties juridiques pour contourner le débat sur l'entrave numérique à l'IVG. Des femmes en détresse sont aujourd'hui manipulées. (Mme Michèle André le confirme) Votre rigueur législative est toute sélective.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - C'est faux !
M. Jacques-Bernard Magner. - Pour notre part, nous défendrons toujours ce droit fondamental des femmes (Applaudissements à gauche) comme nous défendrons ces piliers de la République que sont l'égalité et la citoyenneté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Dallier . - Les attentats de janvier 2015 ont révélé les profondes fractures qui divisent la République, dont les valeurs sont rejetées par une partie de notre jeunesse. Quinze mois après, le Gouvernement a présenté ce projet de loi Égalité et Citoyenneté, censé y porter remède. Il sous-entend que les inégalités et le manque de mixité sociale sont en cause dans la radicalisation et le communautarisme. Peut-être...mais le mal est plus profond. L'Etat laisse bafouer son autorité dans les « territoires perdus de la République », l'école ne remplit plus son rôle de brassage, de transmission de notre langue, de notre culture et de notre récit national.
M. Jean-Claude Carle. - Très bien !
M. Philippe Dallier. - Sans vision d'ensemble, point de cap. Ce projet de loi est devenu un fourre-tout législatif, égrenant des mesures anecdotiques ou incantatoires : de l'alimentation durable au bizutage, au lundi de Pentecôte, aux gens du voyage... Ce matin, nous examinions en commission spéciale nombre d'amendements déposés dans la nuit par le Gouvernement, sans rapport avec le texte. On accuse le Parlement de lenteur ; le Gouvernement devrait balayer devant sa porte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce texte ne peut être utilisé comme le dernier véhicule législatif avant le terminus de 2017 !
Sur des problèmes d'importance, le texte est teinté de l'idéologie du toujours plus de droits individuels, de méfiance envers toute autorité... On mesure là la volonté du président de la République d'aller vers toujours plus d'émancipation, sans contrepartie.
Les symboles d'autorité participent à la construction de la société ; on en fait des suspects ! L'État s'immisce encore plus dans la sphère familiale et l'exercice de l'autorité parentale. Les maires voient leurs prérogatives mises en cause. Au nom de la mixité sociale, tous les membres de commissions d'attribution, tous les bailleurs sont considérés comme suspects ! À la clé, les sanctions pleuvent...
L'objectif de 25 % de logements sociaux d'ici 2025 est inatteignable, un rapport du CGEDD présidé par Ségolène Royal le confirme.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Philippe Dallier. - Vous dégoûtez les maires bâtisseurs - dont je suis - de continuer. (Applaudissements au centre et à droite) À votre logique du bâton, nous préférons celle du contrat entre l'État et les communes : sur la base d'un constat partagé sur la tension du marché, le foncier disponible et les moyens financiers de la collectivité, des objectifs et un calendrier seront fixés. Entre 15 et 25 % de logements sociaux, ce n'est pas 15 % pour tout le monde !
Vous avez une drôle de vision de l'avenir professionnel des jeunes : après les emplois d'avenir, le tout-associatif - voie d'accès à la fonction publique ou para-publique déjà pléthorique. Ce n'est pas ce dont rêvent les jeunes - sinon, pourquoi s'expatrieraient-ils ? (Mmes Hélène Conway-Mouret et Dominique Gillot protestent)
Votre propension à penser une société hors sol, votre vision désincarnée de la citoyenneté n'est pas la bonne méthode pour ramener dans son giron les enfants des territoires perdus de la République ! (Applaudissements et « Très bien ! » à droite et au centre)
M. Daniel Dubois . - Je m'attacherai tout particulièrement au Titre II, et à son article 20, sur les règles d'attribution des logements sociaux. Ces mesures sont-elles de nature à résoudre le problème de mixité sociale ? Non, elles seraient même contre-productives. Je connais l'engagement des maires et des bailleurs : il ne sert à rien de remplacer la carotte et le bâton par le bâton et le bâton. Ce n'est pas le concours Lépine de la meilleure ou de la moins mauvaise priorité. Trop de priorités tuent la priorité ! Pourquoi intégrer dans le droit commun les personnes relevant du Dalo ? Pourquoi donner priorité à des personnes en cours d'expulsion ? C'est une prime à la mauvaise foi... de même, l'insertion relève de l'État.
Bref, vous faites entrer le logement social dans une logique de quotas. Où est la confiance envers les acteurs de proximité ? Ce sont ces derniers qui connaissent la réalité de terrain ! Pensez-vous mieux gérer les choses depuis vos ministères parisiens ? Vous allez décourager les maires de construire, à les obliger à sans cesse remplir des cases.
Heureusement, la commission spéciale a redonné un peu d'oxygène à ce texte. Le logement social mérite un vrai débat national, bien plus que quelques chapitres dans un projet de loi de réconciliation de la gauche à quelques mois d'élections. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Claude Carle . - Le président de la République a déclaré que la France avait besoin de simplification. Dans une étude du 27 septembre, le Conseil d'État s'est alarmé de notre logorrhée législative et de ce que les lois sont souvent prises en réaction au journal de 20 heures. Ce texte en est un parfait modèle : dispositions hétéroclites, des chirurgiens-dentistes à l'abrogation de l'ordonnance de Charles X ! Cette loi est un véritable vide-grenier : quand le bail arrive à échéance, on emballe, pêle-mêle, l'argenterie et la pacotille - au risque de mélanger l'important et le détail. Or le diable se niche dans les détails : en l'espèce, l'article 14 bis, qui remet en cause la liberté d'enseignement qu'il s'agisse de l'instruction dans la famille ou dans un établissement privé, en oubliant que l'arsenal juridique existe pour prévenir les dérives : la loi Royal de 1998. Idem pour l'article 47 sur la restauration scolaire. Là encore, point d'étude d'impact. La commission spéciale a rejeté très largement cette disposition. Le Gouvernement veut tout normer, tout encadrer. Merci à nos deux rapporteurs d'avoir effectué un tri salutaire : 117 amendements sur 648 ont été déclarés irrecevables au titre des articles 41 et 45 ; la commission spéciale a également supprimé quinze demandes de rapport.
Avec ce texte, on est loin de la prétendue simplification prônée par le président de la République. Si la France est une et indivisible, elle n'est pas uniforme, et le respect de la diversité relève plus de la loi que de la contrainte. Merci à nos deux rapporteurs et au président Lenoir. Le groupe Les Républicains leur apportera son soutien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Valérie Létard . - À mon tour de saluer le président Lenoir et les deux rapporteurs, dont le travail estival a été très important : merci ! En politique, il y a des totems et des tabous. L'article 29, sur l'article 55 de la loi SRU, fait partie de ces marqueurs. Avec la loi du 18 janvier 2013, le Gouvernement a durci le dispositif, au risque de l'impraticabilité. Y revenir trois ans après, c'est de l'acharnement.
J'ai toujours défendu le bien-fondé de l'article 55 de la loi SRU, qui a permis la construction de 480 000 logements. Il est utile, mais n'a pas besoin d'être punitif à l'excès. Mme Estrosi Sassone a eu l'intelligence de préférer le contrat et le cas par cas.
M. Hubert Falco. - C'est le bon sens !
Mme Valérie Létard. - La loi de 2013 a multiplié les contraintes, au point de démotiver les bonnes volontés. L'objectif de 25 % de logements sociaux en 2025 n'est pas tenable ; mais attention à ne pas aller trop loin dans l'autre sens. Décorseter l'article 55, sans le dénaturer, voilà ce que nous proposons. Une fourchette de 15 à 25 % est trop large ; préférons une approche différenciée. Les organismes municipaux de logements sociaux vont être transférés aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ce qui peut se justifier, car l'intercommunalité est déjà un lieu de programmation et de contractualisation des politiques d'habitat, et porte souvent la garantie d'emprunt pour le logement.
M. Philippe Dallier. - Pas partout !
Mme Valérie Létard. - L'Île-de-France n'est pas la France.
Ne faisons pas de l'article L. 302 une coquille vide, n'exonérons pas les communes les moins vertueuses. La mixité sociale ne se décrète pas ! Soyons justes et équitables, laissons les collectivités garder la main sur les politiques qu'elles financent. Faisons-leur confiance ! La voie médiane est possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; MM. Michel Delebarre, Didier Guillaume et Jacques-Bernard Magner applaudissent aussi)
M. Dominique de Legge . - Ce projet de loi présente toutes les caractéristiques pour ne pas dire tous les défauts d'un projet de loi socialiste. (Sourires) Premier défaut : un texte en forme de fourre-tout, qui englobe jusqu'à la fessée ! Deuxième défaut : l'enflure. Cette logorrhée de 217 articles est doublée d'une rhétorique caricaturale : « ardente obligation de la Nation », « République en actes », « égalité réelle », un « parcours citoyen généralisé »...
M. Jean-Pierre Sueur. - Magnifique !
M. Dominique de Legge. - Je crois à l'égalité et à la citoyenneté, mais ces incantations sont un aveu d'impuissance. Y aurait-il une égalité irréelle ?
Loi conceptuelle et idéologique, où les socialistes parlent aux socialistes...
Troisième défaut : vouloir tout uniformiser, au détriment du terrain, tout imposer d'en haut et tout verrouiller, au nom d'une vision autoritaire et moralisatrice de l'action publique dominée par un État centralisateur. Au point de multiplier les ordonnances - dénoncées naguère par un certain François Hollande...
Quatrième défaut : l'État légifère et envoie la facture aux collectivités territoriales. Bref, ce projet de loi est le résumé d'un quinquennat pour rien, où le verbiage l'emporte sur le pragmatisme. Après le pathétique épisode de la loi El Khomri, tout est bon pour rassembler la gauche...
Merci aux deux rapporteurs qui s'y sont attaqué pour tenter d'y introduire un peu de cohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Rappel au Règlement
M. Didier Guillaume . - Mon rappel au Règlement sera bref - mais grave. Ce qui s'est passé au sein de la commission spéciale n'est pas à la hauteur du Sénat. La commission spéciale nous soumet un texte tronqué, elle use d'arguties juridiques pour empêcher le débat sur certains sujets.
C'est la première fois qu'on invoque l'article 41 pour rejeter une dizaine de nos amendements ; sept au titre de l'article 45 ! Repousser l'amendement du Gouvernement sur le délit d'entrave numérique à l'IVG - j'ai le plus grand respect pour Mme Simone Veil, mais le numérique n'existait pas à l'époque - cela laisse songeur.
Est-ce pour masquer vos propres divisions ? Vous avez pourtant adopté un amendement, sans aucun rapport avec le texte, sur la dégressivité des indemnités des fonctionnaires, dont vous aimez faire des boucs-émissaires. Mais pour un de vos leaders, la Constitution n'est qu'un bout de papier !
Censure, arbitraire, turpitude, mauvaise foi ? Nous nous interrogeons. Monsieur le président du Sénat, je vous demande instamment de vous pencher sur cette décision. Nous avons soutenu vos efforts pour rendre plus efficace le travail de notre assemblée, mais ce ne doit pas être un prétexte à la censure : à l'orée d'une nouvelle session parlementaire, le groupe socialiste ne l'acceptera pas. (Applaudissements nourris à gauche)
M. le Président - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement et vous donne lecture de la réponse du président du Sénat.
Plusieurs amendements ont été déclarés irrecevables au titre des articles 40, 41 et 45 de la Constitution.
Le droit d'amendement est un droit fondamental, qui doit s'exercer dans les conditions fixées par la Constitution.
Nous avons tous constaté, ces dernières années, une hausse continue du nombre d'amendements -jusqu'à 10 000 lors d'une précédente session -, qui pèse sur l'organisation de notre temps parlementaire et crée de l'inflation législative. Le projet de loi que nous allons examiner est passé à l'Assemblée nationale de 41 à 217 articles, c'est-à-dire un quintuplement du nombre d'articles...
Conformément aux recommandations du groupe de réflexion sur les méthodes de travail, le Bureau du Sénat et la Conférence des présidents ont préconisé, le 11 mars 2015, que les irrecevabilités constitutionnelles soient mises en oeuvre dans le respect du droit d'amendement, qu'il s'agisse des articles 40, 41 ou 45 de la Constitution.
À nous de faire confiance au travail des commissions, en l'occurrence celui de notre commission spéciale et de ses deux rapporteurs, sous la conduite du Président Jean-Claude Lenoir.
Il y va de la qualité de notre travail comme de la clarté et de la sincérité de nos débats, qui constituent notre préoccupation commune.
M. Ladislas Poniatowski. - Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale . - Je remercie tous les membres de la commission spéciale, qui ont travaillé d'arrache-pied cet été, entre les deux sessions extraordinaires. Merci pour leur assiduité et leur participation. Merci aux deux rapporteurs qui ont procédé à un très grand nombre d'auditions et fourni un gros travail, dont témoigne l'énorme volume de leur rapport.
M. Guillaume a abordé la question sensible de l'usage qui a été fait de l'article 41 et de l'article 45. L'article 45 dit que tout amendement est recevable même quand il y a un lien indirect - a contrario, cela signifie qu'il est irrecevable quand il n'y a pas de lien même indirect. Nous avons écarté des amendements sur des mesures relevant d'autres textes en cours de navette. Curieux cabotage... Nous avons examiné des points avec rigueur et en toute impartialité.
L'exemple donné par M. Guillaume n'est pas bon : il a cité un amendement de Catherine Di Folco, que notre collègue a élaboré en liaison avec Mme Girardin et le Gouvernement. Il y a des amendements auxquels nous tenions, dont certains que j'avais déposés moi-même, qui sont passés à la trappe : l'impartialité a été totale. Travailler dans la rigueur est indispensable en ces temps d'inflation législative ! (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 16 h 35.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.