Listes électorales (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, de la proposition de loi organique rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne autre que la France pour les élections municipales et de la proposition de loi organique rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France, adoptées par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.
Il a été décidé que ces trois textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Ces trois textes portent une réforme ambitieuse et moderne de l'accès au scrutin, issue d'un engagement du président de la République, comportant la possibilité de s'inscrire jusqu'à trente jours avant le scrutin.
Le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, de décembre 2014, évalue à 3,5 millions le nombre de non-inscrits et à 6,5 millions le nombre de mal inscrits. C'est dire la nécessité de la réforme. Au printemps 2015, les inspections générales des finances, de l'administration, de l'Insee et des affaires étrangères ont exploré des pistes de réformes et défini les modalités concrètes du répertoire électoral unique ; nous avons cherché à en mesurer l'implication pratique pour les maires, qui sont au coeur du processus électoral ; nous nous sommes placés aussi du point de vue de l'électeur.
Je tiens à remercier le rapporteur de votre commission des lois, qui partage les ambitions de cette réforme. Nos concitoyens pourront s'inscrire jusqu'à 30 jours avant le scrutin, les personnes venant d'acquérir la nationalité française et ceux qui auront atteint l'âge de la majorité entre deux tours, seront inscrits d'office sur les listes électorales : la dématérialisation de celles-ci complète rend possible des réformes importantes.
Les doubles inscriptions seront traitées : nous construisons un système informatique nouveau, moderne, qui supprimera les doublons. Les maires inscriront et radieront et non plus les commissions électorales ; cela empêchera, me semble-t-il, de siéger à la commission de contrôle. C'est une divergence avec votre commission des lois.
Le Gouvernement est également réservé sur le recours administratif préalable, non compatible avec le délai de 30 jours.
Si, la double inscription pour les Français établis hors de France sur deux listes électorales a pu paraître nécessaire pour des raisons pratiques, l'évolution du droit électoral en faveur de cette catégorie de Français a fait perdre sa pertinence à ce système dérogatoire. En effet, depuis la création des mandats de députés des Français de l'étranger en 2009, les Français inscrits uniquement sur une liste électorale consulaire disposent d'une représentation parlementaire complète. Auparavant, pour pouvoir exercer son droit de vote lors des élections législatives, il fallait en outre être inscrit en France, ce qui justifiait la possibilité d'être inscrit sur deux listes distinctes. Avec la création des députés des Français établis hors de France et la possibilité pour les Français établis hors de France de voter pour les élections européennes (2011), la double inscription me semble avoir perdu sa justification.
Vous avez prévu la radiation des Français doublement inscrits, de bonne foi, à l'étranger et en France ; chaque électeur devra désormais choisir entre la liste consulaire et la liste électorale communale.
La proposition de loi organique réformant l'élection présidentielle, débattue ici il y a quelques semaines, avait apporté un premier élément de réponse en prévoyant la radiation automatique des listes électorales consulaires en cas de désinscription du registre des Français de l'étranger.
Désormais, selon les présents textes, chaque électeur devra choisir entre être inscrit sur une liste consulaire ou sur une liste communale. Toutefois, je veux rassurer les électeurs inscrits hors de France, ce volet de la réforme ne sera mis en oeuvre qu'après les échéances électorales, afin notamment, de ne pas modifier le corps électoral à un an des prochaines échéances législatives.
Ces textes servent un objectif démocratique premier, et nous luttons contre l'abstention, qui mine notre démocratie. Il y a là un enjeu républicain, et non pas seulement une question de technique électorale, qui doit nous rassembler largement. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois . - Il y a un an, nous avions repoussé l'ouverture exceptionnelle des listes électorales pour l'adapter au calendrier des régionales, qui avaient lieu en décembre 2015, par une loi de circonstance, au profit d'une extension aux nouveaux arrivants dans la commune de l'article L. 30 du code électoral, mais nous n'avions pas été entendus par l'Assemblée nationale. Voici une réforme plus pérenne, visant aussi les Français établis hors de France et les ressortissants européens, mais aussi la Nouvelle-Calédonie.
Les défauts de la procédure actuelle sont connus : écarts jusqu'à 30 % entre les listes communales et le fichier général des électeurs de l'Insee ; inadaptation de l'inscription annuelle avec la mobilité de la société actuelle. Il en va de même des doubles inscriptions entre listes consulaire et communale pour les Français de l'étranger.
Nous sommes donc d'accord sur le diagnostic ; restent des divergences sur les modalités.
L'obligation d'arrêter les listes 30 jours seulement avant le scrutin inquiète, mais je m'y suis rallié. Un délai plus important enlèverait tout intérêt à l'inscription en continu.
Ensuite, la nouvelle organisation devrait fluidifier le travail des services, à condition que les communes jouent leur rôle pour inciter les nouveaux arrivants à s'inscrire sur les listes. Il y aura certes des inscrits de dernière minute, mais en nombre modéré. Je vous proposerai de reporter la mise en oeuvre possible au 31 décembre 2019, date limite que le Conseil d'État pourra avancer si j'étais pessimiste, mais j'en doute...
Je crains en effet qu'il ne suffise pas de mettre l'Insee et les communes sous pression, comme le voudrait le Gouvernement, pour résoudre les problèmes réels de mise en route de la réforme.
Un tel délai sera utile pour s'assurer la concordance entre la liste communale et celle de l'Insee - la première devenant une extraction de la seconde. Quelqu'un qui n'est pas inscrit sur la liste de l'Insee ne pourra tout simplement pas voter. Scène au bureau de vote garantie !
De même, la mise en oeuvre du portail électronique, quand on sait que moins de 8 % des municipalités dont la population est inférieure à 2 000 habitants envoient leurs documents à l'Insee sous format électronique, et la formation des 40 000 agents ne se feront pas par un claquement de doigts.
Sans compter la qualité insuffisante des liaisons internet sur l'ensemble du territoire ! Je le rappelle pour mémoire : depuis qu'on en parle, le problème finira bien un jour par être résolu !
Autre problème, la procédure constitue une usine à gaz : le maire inscrit et radie ; une commission de contrôle - où il ne siège pas ! - peut contester ses décisions, avec un droit de recours possible devant le tribunal de grande instance jusqu'à trente jours avant une élection. Imaginez les problèmes lors des campagnes électorales ! Nous vous proposerons que seul l'électeur mécontent puisse saisir le tribunal de grande instance, la commission de contrôle se contentant du recours gracieux préalable obligatoire en amont.
L'avantage serait double : limiter le nombre de recours contentieux ; éviter que le maire ne soit inquiété pour une erreur involontaire.
Enfin, je vous propose de revenir sur la durée de résidence pour l'inscription : cinq ans, c'est la bonne mesure de l'attachement à sa commune de coeur.
Je vous propose donc d'adopter ces textes avec nos amendements de bon sens - et l'engagement donné par le Gouvernement que la réforme ne coûtera rien aux communes. (Applaudissements)
M. Christophe-André Frassa . - Il est rare que les Français de l'étranger soient directement concernés par un texte, mais ils l'ont été deux fois cette année, sous l'oeil vigilant de notre rapporteur. Comme tout praticien expérimenté, il a posé le bon diagnostic et apporté les bons remèdes.
Le groupe Les Républicains votera ces textes, qui réparent les défauts de la procédure actuelle : écarts, doubles inscriptions, annualité de l'inscription. L'allongement du délai à 2019 est une bonne chose, l'Insee en aura besoin. Même avis positif sur le rôle accordé au maire et la durée de résidence.
Les Français établis hors de France peuvent être doublement inscrits, c'est peut-être un défaut - mais l'inscription unique est-elle, pour autant, la panacée ? Permettez-moi d'en douter. La double inscription suscite en fait peu de dysfonctionnements et de problèmes.
Le problème tient au manque de volonté et d'organisation du ministère des affaires étrangères pour mettre en place un système, somme toute assez simple, selon lequel les Français de l'étranger votent à l'étranger pour les scrutins nationaux - élections européennes, présidentielle, législatives, consulaires et référendums - et votent en France pour les scrutins locaux et ce, sans leur laisser le choix.
Vous vous souvenez des combats que j'ai menés avec notre ancien collègue Christian Cointat pour que vive effectivement cette collectivité d'outre-frontière. II est nécessaire d'être rattaché à une commune en France, ne serait-ce que pour prévoir le retour et la réinsertion en France.
Je crains aussi que le nouveau système n'encourage le « tourisme électoral » : rien n'interdira à un Français de l'étranger de s'inscrire avant le scrutin sur la liste de son ancienne commune, en se désinscrivant du registre consulaire, puis, une fois le scrutin passé, de se réinscrire sur le registre consulaire. Certes tous ne seront pas aussi facétieux mais cet exemple illustre les limites du système et son côté « petite usine à gaz ».
Toutefois, Les Républicains, malgré et peut-être à cause de ces réserves, voteront ces trois textes. (Applaudissements)
M. Hervé Maurey . - Je me réjouis de ce texte qui s'inscrit dans le droit fil de la proposition de loi n°141 que j'avais déposée en novembre 2015 pour améliorer les conditions d'inscription sur les listes électorales.
La clôture annuelle des listes le 31 décembre n'incite pas les gens à s'inscrire : à cette date, ils ne pensent pas encore aux élections de l'année suivante. Nous avons très souvent lors de scrutins locaux entendu en janvier ou février des électeurs manifester leur volonté d'aller s'inscrire sur les listes électorales alors que c'est trop tard. C'est encore plus vrai lorsque le scrutin a lieu en mai lors des présidentielles ou en juin lors des élections législatives ou européennes.
Mme Pochon et M. Warsmann ont remis, avec leur rapport, l'ouvrage constitué par ma proposition de loi sur le métier. Ils ont proposé d'autoriser l'inscription au fil de l'eau sur les listes jusqu'à trente jours avant le scrutin.
Le texte permet l'inscription de personnes qui ne figurent pas en leur nom propre sur le rôle fiscal, mais en qualité d'indivisaire, de gérant ou au travers d'une société. Ainsi des personnes impliquées dans la vie de la collectivité - notamment des commerçants - pourront y voter même s'ils n'y habitent pas.
Autres aspects positifs : la possibilité pour les enfants de rester électeurs dans la commune de leurs parents jusqu'à l'âge de 26 ans et la création du répertoire électoral unique.
En revanche, il est anormal que l'on puisse devenir plus rapidement éligible qu'électeur. Je proposerai donc de rétablir le délai de deux ans de résidence. Je proposerai d'ouvrir le délai d'inscription réduit, limité aux motifs professionnels, à tout nouvel habitant de la commune. Je proposerai aussi que l'on puisse consulter les listes électorales pour rechercher des héritiers. J'avais déposé un amendement pour sensibiliser les jeunes lors de la journée citoyenne.
Même si ce texte peut être amélioré, l'ensemble du groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements)
M. Christian Favier . - Faciliter les inscriptions sur les listes électorales ne sera certes pas le remède contre l'abstentionnisme mais il est bon, en démocratie, de faciliter l'exercice du droit de vote. Le groupe CRC votera ce texte. Trop de Français, par ignorance, ne sont pas inscrits.
Il est dommage que ce texte ne puisse entrer en vigueur dès l'an prochain. La création du répertoire électoral unique est une avancée mais attention au risque de radiations massives.
Les Français de l'étranger, doublement représentés au Sénat et à l'Assemblée nationale, perdront la faculté de double inscription.
Il ne faudrait pas non plus que les comités de contrôle se réunissent trop peu. Nous voterons ce texte en pensant aux 6,5 millions de personnes mal inscrites et aux 3 millions de non-inscrits. (Applaudissements)
M. Jean-Yves Leconte . - Mme Pochon et M. Warsmann ont réalisé un travail approfondi à l'Assemblée nationale. Six millions et demi de mal inscrits, trois millions de non-inscrits, sur 45 millions d'électeurs, c'est considérable.
Le répertoire électoral unique est une innovation importante. Certains craignent une liste électorale contrôlée par Bercy, mais l'Insee ne fera qu'enregistrer les décisions des maires, sous le contrôle du juge.
Cette réforme nous rapproche de la législation d'autres pays européens et facilitera la participation des ressortissants communautaires aux élections locales.
Pour les Français de l'étranger, c'est même une révolution. Le système actuel était d'une redoutable complexité : on pouvait voter à l'étranger sans être inscrit en France, voter à l'étranger pour les élections consulaires et en France pour les autres élections, ou encore voter aux élections nationales au consulat et aux élections locales en France. Résultat : plusieurs milliers de Français de l'étranger n'ont pu voter lors de la présidentielle !
Le texte est une simplification bienvenue : il n'y aura plus qu'une inscription. Bien sûr, ce sera un crève-coeur pour certains de nos compatriotes expatriés que de couper les ponts avec leur commune d'inscription en France...
Je veux rendre hommage au travail réalisé depuis quinze ans par l'Assemblée des Français de l'étranger. Ces derniers peuvent désormais voter aux élections législatives et européennes. Je veux rendre hommage à la députée Claudine Schmid, qui a veillé à ce que ceux qui sont inscrits dans une commune en France conservent le droit d'obtenir une sépulture dans le cimetière communal.
Il est utile que les Français de l'étranger puissent, s'ils le souhaitent, continuer à être inscrits en France, car à l'étranger, le bureau de vote peut se situer à des milliers de kilomètres, là où l'on ne connaît personne de confiance à qui donner procuration... Car je le rappelle, le vote électronique n'est possible que pour les élections consulaires et législatives.
Cette modernisation de notre droit électoral est bonne pour la démocratie. Nous la voterons, même si certains points restent à débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur le banc de la commission)
Mme Esther Benbassa . - Ces textes font suite au rapport d'Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann de 2014, Mieux établir les listes électorales pour revitaliser la démocratie, qui montrait que 9,5 millions de Français sont mal ou pas inscrits.
Faciliter le vote est une démarche louable, alors que l'abstention a atteint près de 50 % au second tour des dernières élections départementales. Le législateur a le devoir de s'attaquer aux causes institutionnelles de cette crise démocratique. Le groupe écologiste votera ces textes, saluant la procédure d'inscription en continu et l'inscription d'office des naturalisés. Le répertoire électoral unique par l'Insee est aussi une bonne mesure.
Toutefois, l'abstention massive a d'autres causes que les difficultés à s'inscrire sur les listes électorales. Elle a aussi des causes politiques et varie selon les scrutins. Elle obéit à des déterminismes sociaux que soulignent Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen. Les seniors se mobilisent davantage que les jeunes : seuls 41,2 % des 18-24 ans ont voté lors des municipales de 2008, contre 81,2 % pour les plus de 50 ans. De plus, pourquoi aller voter si tous les programmes se ressemblent, que l'alternance semble impossible ? Le mouvement Nuit debout a montré que la mobilisation politique restait vive dans notre pays, mais nos institutions sont à bout de souffle. Revoir les modalités d'inscription sur les listes électorales est utile, réformer les institutions de la Ve République est nécessaire et urgent. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Requier . - Ces textes, d'une faible portée symbolique, sont d'une grande utilité pratique : le répertoire électoral unique est une avancée indéniable, à condition que les communes aient les moyens nécessaires. 3,5 millions de non-inscrits, 6,5 millions de mal inscrits : la représentativité de notre démocratie est amoindrie. « En démocratie, chaque génération est un peuple nouveau », disait Tocqueville : à nous de faire en sorte que les jeunes électeurs aillent voter ! Il y va de la validité du principe représentatif - on n'a pas trouvé mieux jusqu'ici - et du bon fonctionnement de nos institutions.
Les plus jeunes sont particulièrement concernés par la mal-inscription, en raison de leur mobilité géographique. Le répertoire électoral unique y remédiera. Le délai repoussé à 2019 est raisonnable. Quant au recours obligatoire devant la commission de contrôle, il désengorgera les tribunaux.
Certains voudraient accorder une plus grande liberté à nos concitoyens de voter dans leur commune d'origine. Pour quelques-uns, les scrutins sont l'occasion d'un retour au pays natal, de grandes tablées familiales... Faut-il pour autant faire du vote un facteur d'identité ? Le RDSE, puissamment attaché à la République, refuse tout autre facteur d'identification et de cohésion que l'idéal républicain. Chacun doit prendre part à la vie civique de la commune où il réside, même si le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point...
La question de l'âge du droit de vote, celle du vote obligatoire relèvent d'un autre débat. Nous voterons ces trois propositions de lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur le banc de la commission ; M. Henri Tandonnet applaudit aussi)
Mme Lana Tetuanui . - Le droit de vote fonde la démocratie et notre légitimité d'élus, mais la tenue de nos listes électorales est devenue inadaptée. Ces textes, fruits d'une initiative transpartisane, sont donc bienvenus.
Des obstacles demeurent cependant. En Polynésie, les maires et délégués du syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française, tout en faisant part de leur accord de principe, ont demandé la mise en place d'un groupe de travail pour une meilleure prise en compte de nos spécificités - des communes composées d'îles distantes et pas toujours reliées par internet, en particulier.
Des ajustements techniques peuvent suffire dans la plupart des cas. Toutefois, le délai de trente jours pose un problème particulier, surtout quand les échéances sont rapprochées : les services municipaux pourraient ne pas être en mesure de poursuivre la constitution des listes entre la présidentielle et les législatives l'an prochain. On risque alors des contentieux importants, voire un déni inacceptable d'accès au vote. Je vous proposerai un amendement qui nous prémunit contre ces risques. (Applaudissements)
Mme Hélène Conway-Mouret . - Ces textes illustrent la volonté du Gouvernement de simplifier et de moderniser nos procédures administratives, pour les adapter aux réalités contemporaines et en particulier à la mobilité des Français. Un sursaut était nécessaire face à la montée de l'abstention, qui menace notre démocratie même : 20 % à la présidentielle de 2012, 50 % au premier tour des régionales de 2015, sans compter les quelque trois millions de non-inscrits. Car si l'inscription est obligatoire, le code électoral ne prévoit aucune sanction... Je n'oublie pas les 6,5 millions de Français inscrits dans un bureau qui ne correspond plus à leur lieu de résidence. Ainsi, vingt à vingt-cinq mille Français inscrits sur les listes consulaires et rentrés en France n'ont pu voter en 2012, comme en 2007... Ce texte va donc dans le bon sens.
La communauté française des résidents hors de France entretient des liens très particuliers avec la nation. 1,7 million sont inscrits au registre consulaire, donc automatiquement inscrits sur les listes électorales consulaires : ils sont très attachés à cet exercice de la citoyenneté - selon Ipsos, 90 % le jugent important ou très important.
Depuis la réforme que j'ai conduite en 2013, les conseillers consulaires jouent un rôle nouveau de représentation locale des Français de l'étranger. Ils participent aussi à notre diplomatie d'influence et à la mise en oeuvre des politiques publiques, bref ils repoussent nos frontières et font vivre la démocratie de proximité.
La Direction des Français de l'étranger a fait des efforts importants pour mobiliser les électeurs, faisant augmenter la participation grâce à la multiplication des bureaux et au vote électronique. Le délai de trente jours sera un véritable défi.
J'espère que les réformes conduites feront encore progresser la participation des Français de l'étranger aux élections. Ce sont des Français à part entière, qui n'ont ni plus ni moins de droits que ceux de l'Hexagone. Je voterai ces textes, ne doutant pas que nous saurons encore les améliorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur le banc de la commission)
La discussion générale commune est close.
Discussion des articles de la proposition de loi
M. le président. - Nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales.
ARTICLES ADDITIONNELS avant le titre premier
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mme Lamure, M. Pointereau, Mme Giudicelli et MM. Houel, Joyandet, Charon, Raison et Panunzi.
Avant le titre Ier (dispositions relatives au répertoire électoral unique et aux listes électorales)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° À l'article L. 1, les mots : « et universel » sont remplacés par les mots : « , universel et obligatoire » ;
2° Après l'article L. 1, il est inséré un article L. 1-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1-... - Les motifs d'exemption de vote doivent être liés à une obligation soudaine et incontournable.
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »
M. Jean-Pierre Grand. - Nous proposons de rendre le vote obligatoire. Est-il légitime qu'un député soit élu avec une participation électorale de 20 %, comme ce fut le cas il y a quelques jours ? Ce qui vaut pour la représentativité syndicale vaut aussi pour la représentativité politique.
N'oublions pas que la démocratie est le fruit d'une longue histoire, parfois douloureuse, que bien de gens sont morts pour elle.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Un mot d'ensemble sur ma manière d'aborder cette proposition de loi. J'ai cherché à créer les conditions pour que la CMP réussisse - non parce que je serais devenu un adepte du consensus, mais parce que l'essentiel du texte me paraît bon. Les propositions que j'ai faites visaient à éviter un rejet des communes. J'ai donc émis un avis défavorable à tout ce qui n'est pas en lien direct avec le texte.
Sur le fond, je ne suis pas favorable à l'obligation de voter - d'autant qu'il n'y aurait pas de sanction...
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. - Même avis défavorable.
M. Jean-Pierre Grand. - Je voulais ouvrir le débat. À quel seuil de votants devient-on légitime ? Nous y reviendrons.
L'amendement n°11 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Bouchoux.
Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 2 du code électoral, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize ».
Mme Corinne Bouchoux. - Pour cet amendement d'appel, je propose d'abaisser à 16 ans la majorité électorale. Les jeunes de 16 à 18 ans peuvent déjà travailler, conduire, payer par carte bleue... Délégués de classe ou membres de conseils municipaux de jeunes, ce sont des citoyens en devenir, qui ont déjà une vraie conscience politique. La Suisse, l'Allemagne, l'Autriche ont déjà mené des expérimentations en ce sens, qui ont permis de lutter contre l'abstentionnisme en mobilisant les jeunes précocement. Cela suppose, bien sûr, un vrai travail d'éducation à la citoyenneté et d'accompagnement.
Nous demandons au moins une étude de faisabilité et une expérimentation.
Ne craignez pas que les jeunes votent comme leurs parents - comme on craignait jadis que les femmes votent comme leur mari ! Faisons le pari de la jeunesse. Comme le relevaient Daniel Cordier et Lucie Aubrac, heureusement que l'on n'a pas demandé leur âge aux résistants lors de la dernière guerre...
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Même avis que précédemment. Je crains d'ailleurs que cette proposition ne fasse qu'augmenter le taux d'abstention, puisque les jeunes votent moins que leurs aînés...
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Avis défavorable, sans ignorer que votre position, que nous comprenons, est de plus en plus partagée dans la société. Toutefois, cette réforme suppose de revoir l'article 3 de la Constitution, qui aligne l'âge du droit de vote sur celui de la majorité civile.
Mme Corinne Bouchoux. - J'entends, nous y reviendrons.
L'amendement n°17 est retiré.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Garriaud-Maylam, Lamure et Giudicelli, MM. Houel, Joyandet, Charon, Perrin, Raison et Laufoaulu, Mme Micouleau, M. Chaize, Mme M. Mercier et M. Panunzi.
Avant le titre Ier (dispositions relatives au répertoire électoral unique et aux listes électorales)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernière phrase du troisième alinéa de l'article L. 65 du code électoral est ainsi modifiée :
1° Les mots : « n'entrent pas » sont remplacés par le mot : « entrent » ;
2° Les mots : « , mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins » sont remplacés par les mots : « et leur nombre est mentionné lors de la proclamation des résultats ».
M. Jean-Pierre Grand. - La loi du 21 février 2014 a permis de décompter les votes blancs, je veux aller plus loin en les comptabilisant parmi les suffrages exprimés. Aujourd'hui, le vote blanc n'empêche pas un maire d'être élu dès le premier tour, alors qu'il n'atteint pas 50 % des voix. Si demain, le vote blanc est mieux identifié, il ne sera plus besoin de voter pour les extrêmes pour exprimer son refus de l'offre politique.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Outre les raisons déjà dites, il faudrait au moins une étude d'impact. On éviterait ainsi une élection au premier tour d'un candidat minoritaire ? Il y a tout de même des conditions de participation. Avec votre amendement, que se passe-t-il si quelqu'un est élu au second tour avec 3 % des voix ? On recommence ?
Enfin, cela n'engage que moi, mais je crois que si les gens ne votent pas, c'est qu'ils savent que le résultat sera le même qu'ils votent pour Pierre, Paul ou Jacques...
Avis défavorable.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Même avis. Cet amendement est sans lien avec le texte, et le vote blanc est comptabilisé séparément depuis la loi du 21 février 2014. C'est une avancée importante, inutile d'aller plus loin pour le moment.
M. Jean-Pierre Grand. - La loi de 2014 est sympathique, mais elle est très insuffisante : elle n'empêche pas un candidat d'être élu au premier tour avec un score réel très faible et 30 % d'abstention... Les gens n'auront le sentiment d'avoir joué un rôle que si leur vote blanc est comptabilisé séparément, et s'il peut contraindre à organiser un second tour. Cela ne leur ferait-il pas plaisir de voir le nombre de votes blancs s'afficher à la télévision le soir de la prochaine présidentielle ?
M. Jean-Claude Carle. - Excellent amendement !
M. Marc Laménie. - Cet amendement a du sens, il peut donner envie de voter, alors que l'abstention gangrène notre démocratie, toutes élections confondues. Je comprends votre rapporteur, mais je voterai cet amendement.
M. Jean-Yves Leconte. - Comme l'a dit Mme Benbassa, la crise du politique s'explique par le fait que les gens n'ont plus le sentiment que leur vote peut changer leur vie, qu'ils peuvent faire des choix réels. Ce n'est pas cet amendement qui y changera quoi que ce soit. Plutôt que de laisser les électeurs exprimer leurs états d'âme, demandons-leur de choisir, faute de quoi les autres choisiront pour eux !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je soutiens cet amendement. Certes, il faudrait approfondir la réflexion : quid si les votes blancs sont majoritaires ? J'ai fait des propositions à ce sujet... Reste que cette question du vote blanc est essentielle.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Attention tout de même aux effets techniques de cet amendement, qui imposerait de revoir les seuils électoraux. De plus, renforcera-t-il la légitimité des élus ? J'en doute. Quelle sera la légitimité d'une personne si l'on affiche qu'elle n'a été élue que par 10 % des électeurs ?
Une élection sert à désigner des élus, pas à se faire plaisir. Oui, le fonctionnement de notre démocratie doit être amélioré, mais pas ainsi.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - J'ajoute que, lors des scrutins proportionnels, si les votes blancs sont comptabilisés parmi les suffrages exprimés, le seuil de 5 % sera plus difficile à atteindre pour les petites formations. Cet amendement aura réduit la diversité de la représentation politique.
M. Yves Détraigne. - Depuis quelque temps, on distingue déjà les votes blancs et les votes nuls. Cela n'a pas changé grand-chose...
En revanche, cet amendement affaiblirait encore la légitimité des élus, déjà fragilisés par le taux d'abstention. La prudence s'impose. Cet amendement ne renforcerait pas notre démocratie.
L'amendement n°12 rectifié bis n'est pas adopté.