Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Retrait d'une proposition de loi
Mises au point au sujet de votes
Renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi
Renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils (Suite)
M. Manuel Valls, Premier ministre
Violences lors des manifestations (I)
M. Manuel Valls, Premier ministre
Violences lors des manifestations (II)
M. Manuel Valls, Premier ministre
Rôle des maires dans la lutte contre le terrorisme
Reconnaissance de la nationalité française des tirailleurs sénégalais
Mises au point au sujet de votes
Stockage des déchets radioactifs
M. Gérard Longuet, auteur de la proposition de loi
Discussion de l'article unique
Ordre du jour du mercredi 17 mai 2016
SÉANCE
du mardi 17 mai 2016
97e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
Secrétaires : Mme Valérie Létard, M. Philippe Nachbar.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
CMP (Demande de constitution)
M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.
Retrait d'une proposition de loi
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, a demandé le retrait de l'ordre du jour réservé à son groupe du mercredi 18 mai 2016 de la proposition de loi visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale.
Mises au point au sujet de votes
M. Daniel Gremillet. - Concernant les scrutins nos221 et 222, MM. Joël Guerriau et Michel Bouvard voulaient voter pour et M. Christian Cambon souhaitait s'abstenir. Sur le scrutin n°223, M. Jean-Pierre Raffarin souhaitait s'abstenir.
M. Loïc Hervé. - Concernant les scrutins n°221 et n°222, Mme Nathalie Goulet souhaitait voter contre. Sur le scrutin n°216, M. Jean-Léonce Dupont souhaitait voter contre et sur le scrutin n°223, Mme Anne-Catherine Loisier souhaitait voter contre.
M. Cyril Pellevat. - Sur les scrutins nos221 et 222, M. Cédric Perrin souhaitait voter contre.
M. le président. - Dont acte.
Renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils.
Discussion générale
M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi . - Il y a exactement un an, le 20 mai 2015, nous examinions un texte devenue la loi du 6 juin 2015 sur la protection des installations civiles abritant des activités nucléaires dont j'étais le rapporteur. Le dispositif anti-intrusions a été étendu aux sites militaires par la loi de programmation militaire réactualisée. L'effet dissuasif de ces textes est avéré. Pour autant, seules les installations terrestres étaient couvertes.
Or nous recensions déjà une soixantaine de survols par des drones, dont celui de la base militaire de l'Île Longue. Le Gouvernement a fait réaliser un rapport sur le sujet au Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN), remis en octobre dernier : il fait le point sur les adaptations réglementaires nécessaires.
Ne diabolisons pas les drones, il s'agit d'encadrer leur usage sans casser le développement dynamique du secteur où de nombreuses entreprises françaises ont trouvé leur place.
En 2015, on a signalé huit survols à proximité de Roissy-Charles-de-Gaulle. Deux nouveaux survols ont été repérés à proximité d'avions de ligne en phase d'approche, le 19 février et le 20 avril 2016. À l'étranger, d'autres incidents ont été recensés au cours de l'année 2015 ; en janvier à Dubaï, en avril à Manchester, en juillet à Varsovie...Ils sont devenus innombrables, à tel point que l'association internationale du transport aérien (IATA) a appelé à la mise en oeuvre de réglementations et de moyens adaptés. Les États-Unis ont réagi très vite en imposant un enregistrement des drones de plus de 250 grammes.
Le 29 février 2016 un drone obligeait à mobiliser deux F16 belges et un Rafale avant de s'écraser dans un champ dans l'Aisne. La menace des drones est désormais prise en compte pour toutes les manifestations mobilisant du public - comme la COP21 ou l'Euro de foot ; entre autres, depuis qu'un drone était venu se poser à quelques mètres de Mme Angela Merkel lors d'un meeting politique en septembre 2013.
Nous devons d'abord adapter nos technologies à l'identification et à la neutralisation des drones. Des expérimentations sont en cours. Ainsi, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a engagé un programme pour mettre au point un radar passif, en coopération européenne et internationale, de sorte que ces systèmes soient interopérables.
La France compte 200 000 drones de loisirs et 2 300 opérateurs professionnels, qui utilisent 4 200 drones. Ce développement a été permis par une législation pionnière de 2012, codifiée en 2015, qui autorise des dérogations et en particulier les vols hors vue.
Il est besoin d'un cadre législatif pour encadrer davantage l'usage des drones civils au-delà de ce que prévoit déjà la loi de programmation militaire. Les professionnels de la filière y sont favorables, comme nous l'avons constaté lors des auditions que nous avons menées avec M. Jacques Gautier, coauteur de cette proposition de loi.
Enregistrement, formation des pilotes, signalement des drones et renforcement des sanctions en cas de vols illicites, voici l'objet de ce texte qui n'apporte en aucun cas une réponse fermée à une question technologique en constante évolution.
Les apports du rapporteur Pellevat sont bienvenus, je pense en particulier à l'enregistrement en ligne des drones.
Chacun en est conscient, il est de notre devoir de compléter l'arsenal législatif sur les drones civils. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Ce texte fait suite à des vols intentionnels au-dessus des installations nucléaires en 2014. Plus largement, il répond au développement des drones civils, un secteur en pleine expansion. En France, on dénombrait entre 150 000 et 200 000 drones fin 2015.
Le premier risque est celui d'accident, des drones ont provoqué la fermeture d'aéroports à Paris-Charles-de-Gaulle, Heathrow ou encore Dubaï. Récemment, un sharklet avait été arraché par un drone aux États-Unis : il s'agit de la petite partie recourbée au bout de l'aile, que l'on retrouve sur certains modèles d'avions comme l'A320. Autre exemple dramatique, un drone s'est écrasé en plein centre de Buenos Aires en Argentine, le 15 août 2015, blessant grièvement deux personnes. Malgré cela, l'accidentologie liée aux drones reste faible.
Le deuxième risque est la captation indue d'informations sur des sites sensibles ou relatives à la vie privée. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) s'est saisie du sujet et propose de faire évoluer les textes relatifs à la vidéoprotection pour mieux prendre en compte la surveillance mobile.
Le troisième risque est celui de l'utilisation du drone comme une arme. Le 26 janvier 2015, un aéronef a survolé la Maison blanche avant de s'y écraser. En avril 2015, un drone contenant un peu de sable radioactif s'est posé sur le toit de la résidence du Premier ministre japonais, à Tokyo.
Le quatrième est celui de l'utilisation à des fins délictuelles ou criminelles. Le 29 juillet 2015, un drone a largué de la drogue dans la cour d'une prison de l'Ohio.
Enfin, le cinquième risque est celui de l'utilisation démonstrative de drones pour décrédibiliser l'État. M. Pintat a cité le cas du meeting de Mme Merkel en 2013. On peut aussi évoquer le survol d'un appareil portant un drapeau pro-albanais lors d'un match de football opposant, à Belgrade, la Serbie et l'Albanie en octobre 2014, ce qui avait provoqué l'interruption du match.
Dans ce secteur en pleine expansion, il convient de laisser de la souplesse. D'où le recours au réglementaire pour les seuils. Privilégions la formation et l'information, la démarche préventive. Des solutions innovantes sont en cours d'expérimentation aux Pays-Bas, où l'on dresse même des faucons pour intercepter les drones... (Sourires)
L'article premier définit, d'une part, les drones à travers la notion de télépilote, d'autre part, le champ d'application de l'immatriculation des drones. J'y ajoute une référence à un régime d'enregistrement en ligne et de déplacer la définition du télépilote à l'article suivant.
L'article 2 impose une formation aux télépilotes d'aéromodèles, au-delà d'un certain seuil de masse. Spécifique à ce type d'aéronef, cette formation pourrait consister en un tutoriel sur internet, en lien avec la procédure d'enregistrement, selon des modalités qui seront fixées par voie réglementaire. La commission a inclus une nouvelle définition du télépilote qui prend en compte tous les cas de figure : drone piloté, drone automatique, drone autonome dont la trajectoire est programmée par l'intelligence humaine ou l'intelligence artificielle. Outre des précisions rédactionnelles, nous avons limité l'obligation de formation au seul usage de loisir, supprimé la dispense de formation pour les télépilotes affiliés à une fédération sportive ainsi que la référence aux sanctions applicables en cas de méconnaissance de l'obligation de formation, qui devrait être sanctionnée par des peines contraventionnelles. Enfin, nous pourrions exiger la détention d'un titre de télépilote pour certaines activités professionnelles opérées hors vue du télépilote, qui sont par nature plus complexes.
L'article 3 crée une obligation d'information de l'utilisateur à la charge des fabricants de drones : il impose, en pratique, l'insertion d'une notice informant l'usager des principes et règles à respecter pour utiliser ces appareils en conformité avec la législation et la règlementation applicables. J'ai supprimé la référence à l'obligation d'information pour les seuls drones destinés à un usage de loisir : les professionnels utilisent de façon croissante des drones grand public, tandis que des amateurs sont tentés par des drones très performants, dont le prix décroît. J'ai supprimé aussi la référence à un seuil de déclenchement de cette obligation d'information, car il serait fondé sur la masse du drone, ce qui s'accorderait mal avec l'obligation d'inclure cette notice dans les emballages des pièces détachées, qui peuvent être très légères, également visées afin de toucher les constructeurs amateurs assemblant eux-mêmes leurs drones.
L'article 4 rend obligatoire un signalement électronique et lumineux des drones à partir d'une certaine masse. L'objectif est de distinguer rapidement les drones coopératifs des drones hostiles afin de limiter les risques de méprise dans les contre-mesures. Cette disposition nécessitant des adaptations industrielles, son entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2018. J'ai proposé un régime d'exemption pour les drones opérant dans un cadre agréé et dans certaines zones identifiées, notamment pour les usages expérimentaux, ainsi qu'un dispositif de limitation de performances afin d'assurer la sécurité des vols habités, à la suite de plusieurs incidents récents au cours desquels des pilotes ont indiqué avoir croisé des drones au-dessus de 150 mètres d'altitude.
Enfin, l'article 5 prévoit des sanctions réprimant l'usage illicite ou malveillant de drones.
Nous avons donc réécrit cette proposition de loi, en en conservant l'esprit, en respectant le besoin de souplesse et surtout en veillant à entraver le moins possible le développement de cette filière prometteuse. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - Les drones représentent un secteur en plein développement alors que notre pays ne comptait qu'une cinquantaine d'opérateurs en 2010, ils étaient 2 300 l'an passé, représentant 6 500 emplois ; cinéma, publicité, suivi de chantier, surveillance : les drones sont désormais partout. Entre autres exemples, ils participent de la prévention des incendies, en particulier dans le massif des Landes. Le déploiement de cette filière s'accompagne néanmoins de préoccupations de sécurité. Ces dernières semaines, de nombreux pilotes d'avion ont signalé des vols dangereux.
Le Gouvernement travaille avec les pays voisins pour écarter les drones malveillants. Le Conseil pour les drones civils a été installé en 2015, preuve de la volonté du Gouvernement d'assurer un équilibre entre sécurité et souci d'accompagner la filière.
La France, premier pays producteur de drones, a été la première à se développer d'une législation évolutive : en 2012, puis en 2015. Elle coopère avec l'Europe et les organisations internationales afin d'établir des règles communes.
Merci à MM. Pintat et Gautier d'avoir tiré les conséquences du rapport d'octobre 2015, remis par le Gouvernement au Parlement « L'essor des drones aériens en France : enjeux et réponses possibles de l'État ».
Le Gouvernement approuve les ajouts de la commission, en particulier sur les dispositifs de limitation de la performance à l'article 4. Vous avez eu également raison de sécuriser les sanctions applicables aux vols illicites, c'est le complément indispensable à une meilleure information des utilisateurs au moyen des notices désormais obligatoires.
Ce texte correspond au souhait du Gouvernement d'une législation réactive et souple. La discussion se poursuivra sur les seuils, sachant que le rapport de 2015 préconisait 25 kilogrammes comme seuil d'immatriculation et 1 kilogramme pour le simple enregistrement.
Merci au Sénat pour cette proposition de loi de modernisation du cadre juridique (Applaudissements)
Mme Leila Aïchi . - L'usage croissant et diversifiant des drones appellent un encadrement législatif. Les auteurs de la proposition de loi ont rappelé les risques de collision, perturbant le trafic aérien.
Les décrets de 2015 sont souvent mal connus des utilisateurs. Les 86 survols recensés en 2015 par le SGDSN seraient pour la plupart liés à une méconnaissance de la réglementation.
Cette proposition de loi est bienvenue et équilibrée, contrairement à la loi du 2 juin 2015. Le Parlement devra prendre toute sa part dans l'encadrement de ce secteur en pleine expansion. Nous saluons l'adoption de l'amendement de M. Pozzo di Borgo renforçant la protection de la vie privée. La réponse doit être globale et multidimensionnelle. Le renforcement réglementaire et capacitaire doit se faire au niveau national comme au niveau européen. Ce qui marque aujourd'hui, alors que c'est bien à l'échelon européen que l'on pourra trouver l'équilibre entre objectifs de développement du secteur et impératif de protection des libertés publiques. Le groupe écologiste votera ce texte. (Applaudissements)
Mme Évelyne Didier . - L'usage des drones se démocratise. On retrouve ces appareils dans la publicité, le cinéma, le BTP. Le festival « Drôles de drones », qui doit se tenir à la cité des sciences et de l'industrie de la Villette dans un mois, nous dévoilera certainement de nouvelles possibilités d'utilisation.
Les TPE et PME françaises sont bien placées dans ce secteur.
La commission européenne s'est saisie du sujet et a publié un rapport. Le Parlement européen a adopté une résolution appelant à l'élaboration d'un cadre européen sur les drones civils accompagnant le développement de la filière et protégeant les biens et les personnes, en particulier dans le domaine de la vie privée. Voici tout l'enjeu de ce texte résumé en quelques mots.
Son article premier prévoit un régime d'enregistrement en ligne pour les drones. Le seuil pourrait être fixé entre un et vingt-cinq kilogrammes. Il doit être assez bas : 98 % des drones de loisirs en France sont des micro-drones. De plus, l'immatriculation en ligne n'est guère une procédure contraignante. Encadrons un peu plus le pouvoir réglementaire - à mon sens, cela est nécessaire également sur les sanctions.
La commission a adopté un amendement protégeant la vie privée. Cela nous renvoie à des questions éthiques. Bien trop souvent, la loi est sur ce point en retard sur la technologie. Certains considèrent que les prises de vues de manifestants constituent des atteintes à la vie privée.
Le groupe CRC votera ce texte...
M. Bruno Sido. - Bravo !
M. Robert del Picchia. - Très bien !
Mme Évelyne Didier. - Cela ne devrait guère vous étonner... (Exclamations à droite) Il sera particulièrement attentif aux questions d'éthique et de démocratie. (Applaudissements)
CMP (Accord)
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché est parvenue à l'élaboration d'un texte commun.
Renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils (Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Jean-Jacques Filleul . - On l'a dit, les drones ont des usages variés qui vont de la cartographie à la surveillance en passant par l'aide à l'agriculture. Le développement de drones civils de petite taille a démocratisé les usages amateurs - d'où la nécessité d'un encadrement en particulier pour assurer la sécurité aérienne, perturbée par des drones indétectables.
La loi du 2 juin 2015, relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, a interdit le survol des sites nucléaires ; d'autres le sont également. Les vols de nuit sont interdits, de même que les vidéos et les photographies prises à partir de drones sans autorisation des personnes.
Ce texte complètera utilement notre arsenal juridique : immatriculation des drones, brevet de télépilote, notice d'information. C'est une première étape, il faudra bientôt légiférer sur d'autres points comme les assurances. Que nous exportions notre législation innovante sur les drones aussi bien que nos drones ! (Applaudissements)
M. Loïc Hervé . - Entre 2014 et 2015, une vingtaine de drones avait survolé des centrales nucléaires. L'aéroport d'Heathrow a dû interrompre le trafic aérien, c'est dire le besoin de lever les coins d'ombre de notre législation.
Les drones ne sont plus seulement à usage militaire. Le marché pourrait atteindre 180 millions d'euros par an. Ces appareils seraient particulièrement utiles en montagne, dans les sites difficiles d'accès, pour assurer des tâches de surveillance, sans dommage pour l'environnement, repérer des zones de sauvetage, acheminer des vivres et des médicaments ; par exemple, aussi, pour déclencher des avalanches dans notre département de Haute-Savoie, monsieur le rapporteur Pellevat.
Les professionnels du secteur, conscients qu'un grave accident, fragiliserait l'essor des drones civils, sont favorables à ce texte.
Le groupe UDI-UC l'approuve, afin que la filière puisse se développer sereinement. (Applaudissements)
M. Yvon Collin . - Le 31 octobre 2014, six sites nucléaires étaient survolés illégalement ; en 2015, la Maison blanche était survolée, la résidence du Premier ministre japonais aussi : oui, la question se pose de l'utilité des drones, le danger est bien là quand le risque d'attentat est élevé comme jamais ; certes, un drone ne transporte pas de bombes, mais il peut le faire de matières bactériologiques ou chimiques dangereuses.
Cette proposition de loi complète utilement notre réglementation, dans le bon sens : aussi, l'immatriculation est incontournable, de même l'information via la notice et la formation des télépilotes ; l'ignorance des règles explique bien des vols illicites - désormais, elles seront plus claires et les sanctions, plus sévères.
Comment neutralisera-t-on les drones illicites ? Notre arsenal vaut pour les drones lourds, pas pour les plus petits : où en est-on ? L'expérimentation prévue fin 2016 aura-t-elle lieu ?
Les arrêtés du 17 décembre 2015 n'encadrent pas suffisamment l'usage des drones, ce texte comble un vide, avec la souplesse requise pour ne pas brider un secteur où la France est leader avec la Chine : le RDSE le votera à l'unanimité. (Applaudissements)
M. Jacques Gautier . - Le cinéma et la télévision nous ont fait découvrir les capacités ISR - information, surveillance, renseignement - des drones militaires, indispensables sur les théâtres d'opération. Dans le domaine civil aussi, les professionnels utilisent désormais des drones de taille plus modeste, immatriculés par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). La réglementation pionnière de 2012, revue en 2015, est désormais insuffisante alors que le marché des drones de loisir explose et que des usages illicites ou dangereux se multiplient. Il nous faut réagir, sans pénaliser cette filière d'excellence française prometteuse d'emplois... aussi bien que de loisirs des jeunes et des moins jeunes.
Ce texte vise à mieux former et informer les télépilotes, à mieux les connaître grâce à une procédure de déclaration simplifiée, à repérer les drones grâce à un signal électronique et lumineux peu coûteux ; il renvoie au décret pour fixer les seuils et permettre aux pouvoirs publics de séparer l'immense majorité des utilisateurs de bonne foi de la poignée de ceux qui sont malveillants. Ceux-ci continueront de vouloir contourner les règles, mais s'exposeront à des sanctions pénales et à la confiscation de leur appareil.
Je salue les amendements utiles de notre commission. Les pouvoirs publics doivent désormais avancer sur la voie d'une réglementation européenne. (Applaudissements)
M. Didier Mandelli . - Nous sommes à l'aube de l'ère des drones. Tout s'accélère, les performances des drones s'améliorent et leur prix diminue, les drones de loisirs constituent la majorité du marché mais ceux qui sont destinés à un usage civil professionnel ne sont pas en reste.
C'est le secteur audiovisuel qui, le premier, nous a habitués aux drones qui permettent de réaliser des prises de vue spectaculaires là où un hélicoptère ne passe pas, voire de capter des compétitions sportives. En agriculture, ils servent à surveiller des parcelles, à évaluer - grâce à une caméra multispectrale - l'état de santé des plantes et la quantité d'eau, de nutriments et de pesticides dont elles ont besoin, voire à larguer des oeufs de trichogramme, prédateur de la pyrale du maïs !
Les drones ont aussi fait leur entrée dans le domaine du spectacle : le Puy-du-Fou s'est doté d'une flotte capable de réaliser une chorégraphie aérienne synchronisée avec la musique. Ils ont des usages humanitaires : le Rwanda s'en dote pour livrer des vaccins ou des médicaments, comme l'avait fait Médecins sans frontières dès 2014 en Papouasie. Les professionnels du bâtiment les utilisent pour inspecter des toitures ou autres zones dangereuses, dresser des cartes en trois dimensions, traquer les déperditions énergétiques, et l'on commence à s'y intéresser pour le transport de colis.
Nous devons adapter notre droit à ces évolutions rapides.
M. Bruno Sido. - Eh oui !
M. Didier Mandelli. - Ce texte y pourvoit, en renvoyant certains points au décret pour conserver de la souplesse. Merci au rapporteur et aux auteurs de cette proposition de loi, qui accompagnera l'expansion du secteur sans la brider. Le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements)
M. Vincent Capo-Canellas . - L'évolution de notre cadre réglementaire est indispensable, face aux évolutions techniques et commerciales du secteur des drones et aux menaces qu'ils présentent. Ce cadre doit être souple, pour préserver le développement du secteur, et réactif, face aux évolutions rapides : ce texte équilibré y parvient. En tant que rapporteur spécial du budget de l'aviation civile, j'y suis particulièrement sensible.
Cependant, cela ne règle pas la question des moyens de détection, d'identification et de neutralisation des drones de petite taille, qui peuvent être des armes par destination, frapper par impact direct ou transporter des armes radiologiques, bactériologiques ou chimiques, sans parler des risques de collision avec les avions. Nos armes sont inadaptées. Le SGDSN y consacre un programme de recherche pour protéger les sites sensibles, mais il faudra attendre encore plusieurs années sa traduction opérationnelle.
Le groupe UDI-UC votera ce texte, en appelant à poursuivre ces recherches ! (Applaudissements)
Mme Nicole Bonnefoy . - Rapporteure de la mission budgétaire « Transport aérien », je constatais l'an dernier que le développement du marché des drones serait déterminé par notre capacité à adapter notre réglementation aux évolutions du secteur, à garantir la bonne insertion des drones dans le trafic aérien et à apporter une réponse équilibrée aux vols illicites. Ce texte y parvient, qui répond à l'impératif de sécurité sans freiner le développement d'une filière française hautement compétitive. La France, qui fut l'un des premiers pays à réglementer l'usage des drones, a su créer un écosystème dynamique de TPE et PME en s'appuyant sur son savoir-faire aéronautique : les opérateurs, qui étaient cinquante en 2012, sont aujourd'hui 1 800, et le secteur pourrait employer 20 000 personnes en 2020. Le marché des drones de loisirs connaît une rapide expansion : 100 000 appareils vendus en 2014.
L'objet de la réglementation adoptée en 2012 était de garantir la sécurité des personnes et des biens au sol comme dans les airs, tout en favorisant l'expansion du secteur et en assurant à tous un accès équitable aux aérodromes et à l'espace aérien. Pour cela, il fallait éviter d'être trop prescriptif, et définir des règles proportionnées. En reprenant les préconisations du rapport de 2015 du SGDSN, la présente proposition de loi poursuit cette démarche en la mettant à jour, nous la voterons. (Applaudissements)
M. François Bonhomme . - En février 2015, après le survol par des drones de plusieurs sites sensibles, j'interrogerais le ministre de l'intérieur sur l'usage des drones et leur encadrement. Il m'avait répondu avoir confié au SGDSN une mission portant à la fois sur l'évaluation des risques, la réponse capacitaire et le cadre juridique. Depuis, le secteur a continué de se développer rapidement, tant celui des drones de loisir que celui des drones professionnels, destinés à des usages toujours plus techniques comme la surveillance des champs et le calcul des intrants en agriculture.
Pour accompagner ce développement, plusieurs aménagements s'imposaient : les arrêtés du 17 décembre 2015 ont distingué les drones de loisir ou de compétition des drones professionnels, rangés en catégories en fonction de leur poids, et la Direction générale de l'aviation civile a défini des règles d'utilisation des aéromodèles de catégorie A, telles que l'interdiction de survoler des zones peuplées ou des no-fly zones, l'interdiction de voler à proximité des aérodromes, etc... Mais la multiplication des incidents a révélé l'insuffisance de cette réglementation. En renforçant l'information et la formation des utilisateurs - car neuf incidents sur dix sont involontaires - en imposant l'enregistrement des drones et en facilitant leur repérage, cette proposition de loi apporte des réponses utiles, tout en laissant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les seuils : approche pragmatique qui traduit la volonté d'avancer en bonne intelligence avec les représentants de la filière.
Il faudra très vite prendre en compte la législation européenne en cours de constitution. L'Agence européenne de sécurité aérienne envisage des règles différenciées en fonction du niveau de risque, avec un système de certification européenne. Se posera aussi la question de l'intégration des drones dans l'espace aérien européen. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Filleul et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 6214-1. - Le télépilote est la personne qui contrôle manuellement les évolutions d'un aéronef circulant sans personne à bord ou, dans le cas d'un vol automatique, la personne qui est en mesure à tout moment d'intervenir sur sa trajectoire ou, dans le cas d'un vol autonome, la personne qui détermine directement la trajectoire ou les points de passage de cet aéronef.
M. Jean-Jacques Filleul. - Nous avons complété en commission la définition du télépilote, nous allons plus loin ici en distinguant les trois cas de figure à envisager : le vol manuel, le vol automatique et le vol autonome.
S'agissant du vol autonome, nous avons veillé à ce que les techniciens et ingénieurs qui conçoivent les logiciels de navigation ne soient pas considérés comme télépilotes, mais seulement ceux qui déterminent directement la trajectoire.
M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Je comprends vos craintes, mais songeons que nous sommes à l'aube d'une révolution où des robots sauront prendre des décisions. Qu'adviendra-t-il lorsque la trajectoire sera déterminée par l'intelligence artificielle ? À qui incombera la responsabilité ? Sagesse.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. - Avis favorable à cet amendement qui complète utilement le travail de la commission, en veillant à ce que seule la personne qui détermine directement la trajectoire ait la qualité de télépilote. Les craintes du rapporteur pourront être levées au cours de la navette.
L'amendement n°1 est adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Pellevat, au nom de la commission.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
le télépilote
par les mots :
ce dernier
L'amendement rédactionnel n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
L'article 3 est adopté.
L'article 4 est adopté.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Pellevat, au nom de la commission.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
du présent article
L'amendement rédactionnel n°4,
accepté par la commissionest adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Filleul et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 8
Remplacer les mots :
des infractions prévues aux articles 223-1 et 226-1
par les mots :
de l'infraction prévue à l'article 223-1
M. Jean-Jacques Filleul. - L'usage des drones ne doit pas porter atteinte à la vie privée, c'est pourquoi la commission a adopté l'amendement de M. Pozzo di Borgo instituant une peine complémentaire de confiscation. Mais l'article 226-1 du code pénal, couplé à son article 226-31, permet déjà de la prononcer.
L'amendement n°2, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. Alain Fouché. - Les centrales nucléaires sont couvertes contre les risques majeurs, comme la chute d'un avion. Comment les protéger contre les drones ? L'Agence nationale de la recherche a lancé un programme, Thalès et Airbus proposent des solutions, quelles suites leur donner ? N'est-ce pas aux opérateurs de détecter les drones hostiles, puis aux forces de l'ordre de les détruire ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. - La question de la sécurité des centrales nucléaires est cruciale. Je vous ferai une réponse complète lors du débat à l'Assemblée nationale.
M. Alain Fouché. - Merci.
L'article 5, modifié, est adopté.
La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.
(Applaudissements)
La séance est suspendue à 16 h 10.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat. Comme la dernière fois, au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. J'insiste aussi sur le respect du temps. Conformément à la décision de la Conférence des présidents, les auteurs de question ne pourront utiliser leur droit de réplique que s'il leur reste plus de cinq secondes.
Situation politique
Mme Colette Giudicelli . - Les ministres jouent à tour de rôle une partition qui leur est propre. Ce week-end, Ségolène Royal a pris une position surprenante sur l'EPR. Alors, monsieur le Premier ministre, que vous avez déclaré que nous étions en guerre, les violences contre les forces de l'ordre se répètent en dépit de la fermeté du ministre de l'intérieur. Vous laissez sciemment prospérer une zone de non-droit entre Rennes et Nantes ; comment s'étonner des violences qui s'y développent ? L'Assemblée nationale n'est plus en mesure de légiférer sereinement. Réunir une majorité n'y a jamais été si difficile. La résorption du déficit est contredite par les cadeaux présidentiels. Les Français constatent que l'État est introuvable. N'y a-t-il pas urgence à rétablir de la cohérence dans l'action du Gouvernement et rétablir l'autorité de l'État ? (Applaudissements à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - J'aimerais tant vous rassurer sur la cohérence et la détermination du Gouvernement... Gouverner est difficile dans nos sociétés modernes, exigeantes ; ce n'est pas une nouveauté. Il faut écouter la société.
Je constate que les lois passent. Elles sont votées au Parlement. Parfois, c'est difficile et le Gouvernement doit user des instruments comme l'article 49-3 pour montrer sa détermination à faire adopter la loi portée par Mme El Khomri. La représentation nationale est capable de se rassembler sur des textes comme ceux sur le terrorisme ou le renseignement.
Le quinquennat ne s'achève que dans un an.
M. Didier Guillaume. - Voire plus...
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Le Gouvernement travaille. Comme le disait Léon Blum, on ne sait jamais d'avance le résultat des élections... En attendant, je vous rassure le Gouvernement et le président de la République sont déterminés à faire respecter les lois et l'ordre public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Colette Giudicelli. - La France n'a plus de président, elle a un candidat en campagne qui multiplie les promesses. Pour 86 % d'entre eux, les Français trouvent que cela ne va pas mieux. Nier l'évidence n'a jamais été une preuve d'autorité.
Traité transatlantique
M. Philippe Esnol . - Monsieur le ministre des affaires étrangères, le traité transatlantique est négocié dans les conditions les plus opaques. Les parlementaires, pour accéder aux documents afférents, doivent suivre un véritable parcours du combattant. Il faut prendre rendez-vous auprès du secrétariat d'État aux affaires européennes pour pouvoir espéré être conduit, seul, dans la salle spéciale dans laquelle sont précieusement conservés les documents. Aucune prise de notes n'est autorisée. Aucune traduction n'est proposée d'un anglais qui n'est pas celui de Shakespeare mais d'une grande technicité juridique, et il est impossible de se faire assister !
Comment restaurer la transparence ?
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie . - Matthias Fekl est en déplacement en Russie. Les conditions de cette négociation, effectivement, ne correspondent pas à notre conception de la démocratie, nous voulons plus de transparence. Les parlementaires ont désormais accès aux comptes rendus détaillés. Initialement, les Américains exigeaient qu'aussi bien le Gouvernement que les parlementaires ne puissent consulter ces documents que dans leur ambassade. C'était inacceptable.
Désormais, vous pouvez accéder aux documents au ministère des affaires étrangères et nous avons mis en place un comité de suivi stratégique auquel la société civile, les syndicats, les ONG devraient avoir accès. Encore faudra-t-il que les Américains effectuent le tournant de la transparence, ce qui ne paraît pas à l'ordre du jour.
Il n'est pas question que la France signe n'importe quel accord à n'importe quelles conditions, ni qui soit contraire à nos valeurs et à nos intérêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Esnol. - Last in translation: such is life ! (Sourires)
Lutte contre l'homophobie
Mme Corinne Bouchoux . - Le 17 mai est la journée internationale de lutte contre l'homophobie. Quelque 1 318 signalements de brimades cette année. On peut se féliciter de la diminution des actes après les manifestations contre le mariage pour tous.
Cependant, les agressions physiques restent importantes, l'homophobie « ordinaire » se développe, les victimes en milieu scolaire sont de plus en plus jeunes. Comment la justice agira-t-elle pour lutter contre ces actes sur tout le territoire ? Avec quels moyens humains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Vous connaissez l'engagement du Gouvernement à lutter contre les discriminations et les violences qu'elles suscitent. Dès juillet 2013, une instruction a été prise pour lutter contre l'homophobie.
Les parquets ont été invités à participer à cette politique. Le projet de loi Justice du XXIe siècle renforce les sanctions et les étend au monde du travail. Un amendement du Gouvernement rend possible l'action de groupe en matière de discrimination, ouvrant ainsi un volet indemnitaire.
Notre action passe aussi par le renforcement du tissu associatif et l'action de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain).
Mme Corinne Bouchoux. - Votre réponse est satisfaisante dans son esprit. Cette lutte, pour être énergique, doit être menée dans toutes les administrations et services publics avec des moyens renforcés. Elle passera par la formation. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
Cabinets dentaires à bas coût
Mme Laurence Cohen . - Les centres dentaires à bas coût défraient la chronique : leur seul objectif est la rentabilité, au détriment des patients : 2 000 restent mutilés.
Ce scandale ne survient pas dans un ciel serein. Les soins dentaires apparaissent comme le chantier de la privatisation de la santé : faible remboursement, généralisation du secteur II, faiblesse de la prévention.
Mme la ministre Touraine a demandé un rapport auprès de l'Igas. Au-delà de la réparation des patients, que compte faire le Gouvernement pour bâtir une vraie politique bucco-dentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Philippe Bas. - Bonne question !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - Le développement des centres dentaires ne pose pas problème en soi. Ce qui est en question dans l'affaire Dentexia est le respect des règles pour assurer la sécurité et la qualité des soins. Ce sont justement les contrôles effectués qui ont permis aux pouvoirs publics de constater des manquements graves.
Le collectif de patients de Dentexia a été reçu au ministère de la santé. La question est celle de la reprise de leurs soins.
Une plateforme téléphonique a été créée dans les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté. Les patients se verront proposer un bilan bucco-dentaire pris en charge par la sécurité sociale. Ils bénéficieront aussi d'accompagnement psychologique.
Mme Touraine a saisi l'Igas pour évaluer la situation des centres de soins à bas coût. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que du groupe RDSE)
Mme Laurence Cohen. - Si les patients vont dans ce genre de centres, c'est que les remboursements dentaires sont insuffisants. Il faut renforcer la prévention, rembourser à 100 % les soins bucco-dentaires - c'est possible ! - et cesser la discrimination entre patients en fonction de leur richesse. Le Val-de-Marne est pionnier en la matière. Manifestement, ce n'est pas la voie choisie par ce Gouvernement qui préfère économiser des milliards d'euros sur le dos des patients. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Violences lors des manifestations (I)
Mme Sylvie Robert . - Depuis plusieurs semaines, plusieurs villes subissent des violences tout à fait inédites : en marge des manifestations contre la loi Travail, c'est le cas de Rennes, où les forces de l'ordre ont eu un comportement exemplaire. Manifester est un droit, casser est un délit. Pourriez-vous nous annoncer la plus grande fermeté contre les casseurs ? Confirmez-vous l'envoi de renforts ? Quelle indemnisation des acteurs économiques, victimes des casseurs. ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale : manifester est un droit qui doit être préservé, y compris dans l'état d'urgence ; mais casser les commerces, du mobilier urbain, vouloir casser des policiers, en menaçant leur vie, de ces agents qui sont soutenus par la France, c'est un délit, voire un crime. Le ministre de l'intérieur s'est rendu à Rennes, où 88 postes supplémentaires seront mobilisés ; une indemnisation des victimes de la casse sera mise en place.
Les casseurs et leur organisation non démocratique trouveront face à eux la plus grande détermination de l'État, de la police et de la justice.
M. Éric Doligé. - Ils s'en moquent !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - J'en appelle aux organisateurs des manifestations : il ne peut y avoir la moindre complaisance en particulier pour des tracts comme celui de la CGT contre la police.
Une loi a été adoptée à l'Assemblée nationale et sera bientôt discutée au Sénat. Nous sommes dans une démocratie. Avec cette violence radicale, il peut y avoir des victimes, tant du côté des policiers que de ceux qui manifestent pacifiquement. Le moment est difficile pour le pays ; nous ne pouvons avoir la moindre complaisance pour ceux qui passent outre les valeurs de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)
Violences lors des manifestations (II)
Mme Françoise Gatel . - Le ministre de l'intérieur est un homme profondément républicain. Je voulais l'interroger sur la situation quasi-insurrectionnelle à Rennes. Le peuple invisible est indigné devant cette horde de sans lois qui reviendra galvanisée par le référendum prochain sur l'aéroport Notre-Dame-des-Landes dans le département voisin. Quelle réponse judiciaire contre ces gens qui s'emparent de la ville, qui la confisquent à ceux qui, habitants et commerçants, veulent juste vivre ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Les faits sont graves. Je n'ai jamais accepté les violences dans un pays comme le nôtre, où nous pouvons débattre et manifester : nulle excuse, dans ces conditions, à la violence ! On ne peut pas vouloir casser du policier et mettre en cause l'honneur du ministre de l'intérieur. Bris de vitrines, de permanences d'élus, de bâtiments publics, ces agissements sont inacceptables. La justice doit suivre. Depuis le 24 mars 2016, on a procédé à 499 interpellations dont 164 mineurs ; il y a eu 11 ouvertures d'information judiciaire, 121 comparutions immédiates et 91 convocations devant le tribunal correctionnel ; 99 mesures de réparation pénale ont été prononcées. Je ne m'autorise pas à commenter les décisions judiciaires mais je puis constater que la réponse judiciaire a lieu.
Je salue l'action des forces de l'ordre, dans des situations parfois très délicates et complexes, et je vous assure de la détermination absolue du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Françoise Gatel. - Vos déclarations sont fermes, monsieur le Premier ministre ; la justice doit l'être tout autant. Sans quoi, la République ne protègera pas les plus faibles. (Applaudissements au centre et à droite)
Rôle des maires dans la lutte contre le terrorisme
M. Jean-Paul Fournier . - Le manque de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales empêche les maires d'assumer leurs prérogatives dans la lutte contre le terrorisme : ainsi deux suspects fichés S de ma commune ont été arrêtés en possession de soixante-dix drapeaux de Daech, et se sont volatilisés dans la nature sans que j'en sois informé.
Il n'est pas admissible que le premier magistrat de la commune soit ainsi tenu à l'écart des décisions judiciaires. Pour prévenir la radicalisation, les maires doivent être considérés comme un véritable partenaire du renseignement territorial et recevoir de l'État les renseignements utiles, et notamment la liste des individus fichés S dans leur commune. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Les maires ont un rôle essentiel pour prévenir la radicalisation. Le Premier ministre a mis en place un plan d'action, qui implique tous les acteurs. Les collectivités territoriales seront mieux associées. Les cellules préfectorales du suivi de la radicalisation et d'accompagnement des familles auxquelles participent les conseils départementaux seront dynamisées.
Concernant les communes, une convention-cadre sera signée demain, le 18 mai, entre l'État et l'AMF pour faciliter la détection des personnes qui se radicalisent, favoriser la remontée des signalements et assurer le suivi social.
Cela suppose des moyens nouveaux et une formation adaptée : kits de formation et modules de formation en ligne. Tous les acteurs de la élus de la République seront bien associés dans la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Paul Fournier. - Les maires sont des officiers de police judiciaire, tenus au secret professionnel. Je ne comprends pas ce manque de confiance entre l'État et les communes. (Applaudissements à droite)
Dette grecque
M. Vincent Eblé . - Après un long processus de négociation sur sa dette, l'économie grecque redémarre. Les accords signés ont rétabli de la confiance, pour l'investissement et l'engagement des acteurs économiques. Je tiens à saluer les réformes structurelles et les efforts budgétaires accomplis par le gouvernement Tsipras : hausses des recettes fiscales, fonds de privatisation, maîtrise des emplois publics. Le temps est venu de s'interroger sur un allègement de la dette.
L'Eurogroupe a évoqué la possibilité du reversement à moyen terme des bénéfices réalisés par la BCE sur la détention de la dette grecque - soit 7,7 milliards d'euros - conditionné à la mise en oeuvre de réformes complémentaires. La BCE et le FMI partageant cette orientation.
Le peuple grec a déjà fait de gros efforts, le vivre ensemble est menacé. « Aide-moi à t'aider » disait le président de la République à Alexis Tsipras : l'implication de la France a sauvé la zone euro. Quelle position allons-nous défendre lors de la prochaine réunion de l'Eurogroupe pour que la Grèce retrouve la croissance, et sa population de l'aisance, après des années d'efforts considérables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - La position de la France est constante, contre la sortie de la Grèce de la zone euro et pour débattre de la soutenabilité de la dette grecque. Telle fut la position adoptée par l'Eurogroupe le 13 juillet 2015. Depuis lors, le Gouvernement Tsipras issu des élections de septembre a engagé la Grèce dans des réformes profondes, économiques, sociales, fiscales : la Grèce a tenu ses engagements. Reste à passer à la deuxième phase, sur la soutenabilité de la dette grecque ; certains pays s'y refusent, il faut négocier notamment sur les taux, c'est nécessaire à une solution durable, dans l'intérêt du peuple grec. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Classes bi-langues
M. Michel Bouvard . - Ma question s'adressait à Mme Vallaud-Belkacem, elle a eu la courtoisie de s'excuser.
L'autre jour, le groupe centriste a eu droit à une réponse ironique sur les classes bi-langues. Elles seront finalement maintenues, fort heureusement pour l'attractivité de notre pays et le tourisme. Les élus et les établissements seront-ils associés au plan de maintien ? Les moyens de ces classes seront-ils, ou non, maintenus ? J'espère que les territoires frontaliers ne seront pas oubliés. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Les classes bi-langues ne doivent pas être l'apanage des classes aisées. Ainsi la réforme du collège anticipe l'enseignement de la LV2 de la 4e vers la 5e avec 25 % d'heures supplémentaires pour cette LV2. Les dispositifs qui favorisaient des contournements seront supprimés.
Dans l'académie de Grenoble, les classes bi-langues passent de 51 à 112 ; l'offre d'italien concernera 80 écoles publiques, soit 15 de plus.
Ces éléments précis devraient convaincre les personnes de bonne foi et mettre fin aux polémiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations à droite)
M. Michel Bouvard. - Preuve de ma bonne foi, je me suis documenté avant de parler. Je puis ainsi vous dire que, dans le collège de Modane, à six kilomètres de la frontière italienne, l'italien perd la moitié de ses heures à la rentrée prochaine, faute de moyens alors que nous sommes dans la continuité linguistique, avec contribution de l'État italien !
Élus et parents d'élèves veulent plus de transparence dans cette affaire. (Applaudissements à droite)
Reconnaissance de la nationalité française des tirailleurs sénégalais
M. Gilbert Roger . - La France a une dette envers ceux que l'on appelle improprement les tirailleurs sénégalais, à qui on a promis la nationalité française. Les tirailleurs issus des colonies ont combattu aux côtés de la France dans tous les conflits du XXe siècle. Mais lorsque les colonies sont devenues indépendantes, ils n'ont pas reçu la nationalité française, en dépit des promesses de la loi de 1960, abrogée en 1973. Beaucoup ont perdu leur nationalité sans même le savoir. Pour demander la nationalité, ces tirailleurs doivent prouver que leur domicile et leurs intérêts se situent en France, ainsi en a décidé la Cour de cassation.
Le Gouvernement facilitera-t-il leurs démarches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire . - La France est éternellement reconnaissante à ces anciens combattants, qui ont donné leur jeunesse et, parfois, versé leur sang au nom de la liberté. Ils ont perdu leur nationalité française lors de l'indépendance de leur pays. Le droit de la nationalité prend en compte leur situation particulière. Il prévoit, pour eux, une voie d'accès spécifique à la nationalité avec dérogation à l'exigence de stage.
En revanche, il ne peut être dérogé à la condition de résidence car déroger à cette règle affaiblirait la cohérence d'un droit de la nationalité qui s'est façonné au fil de notre histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La séance est suspendue à 17 h 35.
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
La séance reprend à 17 h 45.
Mises au point au sujet de votes
M. Martial Bourquin. - J'étais retenu dans mon département par une réunion à la préfecture, lors des scrutins publics nos221 et 222, tenus lors du projet de loi sur la reconquête de la biodiversité.
Fidèle à mon combat contre toutes les formes de pollution, et conformément à l'amendement n°213 rectifié ter que j'avais cosigné en première lecture, je souhaitais voter contre lors du scrutin n°221 et m'abstenir lors du scrutin n°222.
M. Jean-Louis Carrère. - Même requête. J'étais aussi retenu par la visite du ministre de l'agriculture dans mon département des Landes, particulièrement touché par la grippe aviaire.
M. Jean-Yves Leconte. - Je fais la même démarche.
M. Roland Courteau. - Moi aussi.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Moi également.
Mme Gisèle Jourda. - Moi de même.
M. le président. - Dont acte. Vos mises au point seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse des scrutins.
CMP (Candidatures)
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.
Stockage des déchets radioactifs
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.
Discussion générale
M. Gérard Longuet, auteur de la proposition de loi . - Je remercie le groupe Les Républicains qui a accepté d'inscrire à l'ordre du jour cette proposition de loi qui aurait pu, qui aurait dû être portée par le Gouvernement...
M. Jean-Claude Lenoir. - Très juste !
M. Gérard Longuet. - Merci à tous les cosignataires ; ce débat ne concerne pas seulement les élus de la Meuse et de la Haute-Marne mais tout le territoire. Merci aussi à M. Raison, notre rapporteur. Ce texte est un travail collectif, qui doit beaucoup aux travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et à son président M. Jean-Yves Le Déaut.
C'est une vieille affaire, une belle histoire qui a associé tous les courants politiques qui ont gouverné la France depuis 1991 pour donner une situation stable aux déchets ultimes de notre production nucléaire. Que nous en débattions aujourd'hui est une novation réjouissante, avant que l'Assemblée nationale, je l'espère, s'en saisisse à son tour.
C'est en 1991 que s'est ouvert le débat sur la façon de traiter les déchets à vie longue et haute activité. Le 26 novembre 1993, le conseil général de la Meuse, comme son sous-sol contenait de l'argilite de la période du Callovo-Oxfordien, s'est porté candidat pour accueillir le laboratoire d'étude sur le stockage souterrain. Son voisin, la Haute-Marne, s'y déclarait prêt également. Dans la Meuse, les élus ont pris une décision unanime avec une réserve majeure : la réversibilité, principe posé dans la loi de 2006 pour tenir compte des avancées possibles de la science et de la possibilité de réutiliser ces déchets pour produire de l'énergie. La loi de 2006 a imposé que la notion de réversibilité soit précisée par la loi avant l'autorisation de stockage. Elle implique en particulier que les colis de déchets soient récupérables.
La réversibilité implique que la construction du site soit progressive - elle durera une centaine d'années -, que les installations soient flexibles, que les galeries puissent être fractionnées ; elle signifie que d'autres solutions doivent pouvoir être mises en oeuvre si elles apparaissent scientifiquement utiles.
Lors du débat public de 2013, l'idée d'une phase industrielle pilote de cinq ans a émergé. De nombreux acteurs sont concernés : l'Andra, l'ASN, l'IRSN, le comité national d'évaluation - sans compter la dimension internationale avec la directive Euratom et l'agence spécialisée de l'OCDE. Le système sera transparent.
Ce texte permet de lancer le chantier Cigéo. Un nouveau texte sera nécessaire ensuite. Toute l'opération sera placée sous le contrôle permanent du Parlement. Montrons que nous savons non seulement produire de l'électricité mais aussi en assumer les conséquences. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Claude Lenoir. - Bravo !
M. Michel Raison, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Merci à M. Longuet d'avoir abordé cette question avec sérénité et pragmatisme. Le texte est la dernière étape d'un long processus qui a débuté avec la loi de 2006 ; celle-ci avait retenu le stockage en couche géologique profonde comme solution de gestion à long terme des déchets radioactifs, imposé la réversibilité, dont la définition devait être donnée dans une loi ultérieure avant le lancement du chantier. Nous y sommes.
Lors du débat public de 2013 il a été décidé de ménager une phase industrielle pilote ; la notion de réversibilité, clé du présent texte, a été définie, qui ne doit pas être confondue avec celle de récupérabilité. La réversibilité se définit comme la capacité à offrir aux générations futures des choix sur la gestion à long terme des déchets radioactifs, parmi lesquels le scellement des ouvrages de stockage ou bien la récupération des colis de déchets. Cette réversibilité est assurée notamment par le fait que le développement du stockage est progressif et flexible.
Sur la base des travaux de l'Andra et des conclusions du débat public de 2013, plusieurs véhicules législatifs ont tenté de relancer le projet Cigéo ces dernières années, les projets de loi sur la transition énergétique et Macron, sans qu'aucun n'aboutisse. Il est temps de prendre nos responsabilités dans ce dossier crucial.
Cette proposition de loi apporte quatre modifications à la loi de 2006 : la définition de la réversibilité, le lancement d'une phase industrielle pilote, l'adaptation de la procédure d'autorisation et l'adaptation du calendrier. Elle n'est en rien un chèque en blanc sur la poursuite du projet Cigéo. D'autres échéances législatives sont prévues, et la phase pilote garantit une identification précoce des problèmes et leur ajustement. Enfin, l'article adapte le calendrier de mise en oeuvre du projet. La commission de l'aménagement durable a adopté trois amendements.
Notre débat n'est pas entre pro et antinucléaires, la question est celle de la gestion des déchets radioactifs existants. La directive Euratom du 19 juillet 2011 nous impose de mettre en place un stockage dans des installations appropriées, qui serviront d'emplacement final. Le simple entreposage de déchets radioactifs, comme à La Hague, ne peut être qu'une solution provisoire.
Nous devons avancer avec humilité et prudence, le sujet est très technique et à haut risque. Le texte de la commission apporte de nombreuses garanties : une phase industrielle pilote, le développement progressif du stockage, un contrôle permanent de l'Andra et de l'ASN, le droit de regard du Parlement à chaque étape. Il a été adopté à la quasi-unanimité.
En l'adoptant, nous prenons nos responsabilités pour assurer nos choix énergétiques passés et présents et permettons aux générations futures de conserver leur liberté de choix. C'est affaire d'éthique et de continuité de l'État. (Applaudissements au centre et à droite et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Je salue l'initiative de M. Longuet et des auteurs de cette proposition de loi, étape importante d'un processus transpartisan de long terme qui nous engage envers les générations futures.
La France a fait le choix du nucléaire : 58 réacteurs sont en activité, sous le contrôle des autorités de sûreté. La loi sur la transition énergétique a fixé à terme un plafond de 50 % à l'électricité d'origine nucléaire.
La loi Bataille de 1991 était un premier pas.
La France a fait le choix stratégique du nucléaire et s'est dotée d'un parc de 58 réacteurs qui fournit une électricité décarbonée et compétitive. Les déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue représentent 3 % des déchets mais 99 % de la radioactivité totale.
La loi Bataille prévoyait leur stockage en couches géologiques profondes. Pour conduire ses recherches, l'Andra a créé à Bure, à 500 mètres de profondeur, dans la couche argileuse, un laboratoire souterrain. Elle a remis son rapport en 2005. Après une évaluation par la Commission nationale d'évaluation et l'ASN, après un débat public en 2013, la loi de programmation du 26 juin 2006 a retenu l'option du stockage en profondeur, que la directive Euratom de 2011 a conforté. L'Andra a été chargée de concevoir le centre de stockage ; c'est le projet Cigéo, au coeur de la région Grand Est, qui aura un effet d'entraînement économique important.
La loi de 2006 impose à l'Andra une caractéristique décisive, la réversibilité, dont la définition est renvoyée à un autre texte après l'organisation d'un débat public. C'est précisément l'objet de ce texte, qui prévoit en outre une phase industrielle pilote et adapte le calendrier de mise en oeuvre du projet. Il ne vaut pas autorisation ; celle-ci ne sera délivrée par décret en Conseil d'État qu'en 2021, après instruction technique de l'ASN, avis de l'OPECST, consultation des collectivités territoriales et enquête publique. Les résultats de la phase industrielle pilote feront l'objet d'un rapport de Andra, d'un avis de la commission nationale d'évaluation, d'un avis de l'ASN, transmis pour examen à l'OPECST. Si le rapport de ce dernier en confirme la pertinence, un projet de loi pourra être déposé pour préciser les conditions du passage à l'exploitation courante du centre.
Comme les parlementaires, le Gouvernement a le souci de sa responsabilité vis-à-vis des générations futures. Ce texte apporte des précisions nécessaires. Je vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UDI-UC, RDSE et socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Lenoir. - Très bien !
M. Christian Namy . - Cette proposition de loi adapte la loi de 2006, après le débat public de 2013. Elle est portée par les parlementaires et les élus de la Meuse et de la Haute-Marne.
La réversibilité est la condition nécessaire pour préserver les choix des générations futures. Elle ne doit pas être de façade. Que l'on soit pro ou antinucléaire, ces déchets existent, qu'ils proviennent de nos centrales, de la défense ou de la santé. La France, championne de l'électricité nucléaire, le sera aussi en matière de retraitement et de stockage des déchets. Il y a là une filière à développer, créatrice de milliers d'emplois.
Je ne peux que déplorer l'absence de la ministre de l'énergie, qui démontre une fois de plus son désintérêt pour le sujet...
Des engagements ont été pris par les gouvernements successifs d'un accompagnement économique des territoires concernés. Pour l'instant, l'accompagnement est bien maigre, alors qu'il en va de l'acceptation du projet... Seul EDF tient, en partie, ses engagements. Le laboratoire de Bure compte 200 emplois, dont 40 % d'emplois locaux. L'État et les producteurs, réunis à l'époque par M. Devedjian au sein d'un comité de haut niveau, s'étaient engagés entre autres à associer les industries locales aux appels d'offres. Il serait bon de réunir ce comité, qui n'a pas été convoqué depuis plus de deux ans malgré les demandes des élus et les promesses de Mme Royal... Les industriels doivent tenir leurs engagements. Pourquoi aussi ne pas installer l'Andra sur le territoire ?
Pouvez-vous faire le point, madame la ministre ? N'est-ce pas le moment de relancer les discussions entre l'État et les collectivités territoriales ? Ne faudrait-il pas confier le dossier au ministère de l'industrie ? Je suis sûr que Bruno Sido, avec qui nous avons toujours fait cause commune, ne dira pas autre chose...
Le groupe UDI-UC soutient ce texte. L'État doit inciter les opérateurs du nucléaire à respecter leurs engagements d'accompagnement économique. Nous ne pouvons pas transiger sur ce point. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Pierre Bosino . - Quel mode de stockage pour nos déchets nucléaires à haute radioactivité ? En 2013, la France disposait de 1,4 million de m3 de déchets radioactifs, dont 47 000 m3 de déchets de haute et moyenne activité à vie longue. Il faut que nous prenions nos responsabilités dès lors qu'aucune solution d'élimination n'a été trouvée.
Nous soutenons le principe d'une phase industrielle pilote. Ce n'est pas seulement un choix technique, c'est un choix politique qui va de pair avec la recherche sur le retraitement des déchets, la valorisation du MOX.
Le choix du stockage en couches profondes est certainement la solution la plus sûre aujourd'hui. L'OPECST a publié dix rapports sur le sujet en 25 ans... Comme le dit un opposant à Cigéo, les immenses piscines de la Hague ont des toits si peu solides qu'ils ne résisteraient pas à une attaque de drone...
La proposition de loi définit la réversibilité et assure un contrôle du Parlement à toutes les étapes. Nous regrettons cependant la faiblesse de la concertation publique. La perception de la menace ne sera atténuée qu'à la condition d'une transparence absolue tout au long du projet. Nous y reviendrons dans la discussion des articles, en insistant aussi sur la nécessaire indépendance de tous les acteurs publics, l'Andra, l'ASN, l'IRSN. La gestion des déchets est un défi sans précédent, qui requiert la vigilance de la société sur une durée qui dépasse de très loin tout ce qu'ont jamais connu les organisations humaines. C'est pourquoi nous sommes aussi persuadés qu'il faut une maîtrise publique du nucléaire dans toutes ses dimensions, du militaire au civil, et de tous ses acteurs. La responsabilité sociétale doit l'emporter sur la recherche de la rentabilité financière. Ne nous y trompons pas, le projet Cigéo suppose un financement très important, auquel la taxe sur la recherche et l'entreposage des déchets devra contribuer. Ne reproduisons pas l'erreur des pays qui ont abandonné le stockage profond pour des raisons budgétaires de court terme... (Applaudissements)
Mme Nelly Tocqueville . - Cette proposition de loi reprend un texte déposé par les députés socialistes en novembre 2015, preuve de son caractère consensuel et transpartisan. Si des amendements à la loi sur la transition énergétique ou à la loi pour la croissance et l'activité ont été déposés sur le même sujet, un texte ad hoc est indispensable sur un dossier aussi important.
La loi de 2006 a fait le choix du stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs, ce que la directive de 2011 a conforté. Le présent texte définit la notion de réversibilité, instaure une phase industrielle pilote et adapte la procédure d'autorisation comme le calendrier.
La réversibilité n'est pas la récupérabilité. C'est la possibilité donnée aux générations futures de faire des choix autres, y compris de revenir sur les nôtres. La phase pilote permettra d'évaluer la maîtrise des risques, l'outil industriel, la capacité de retirer les colis...
La question n'est pas de nous prononcer pour ou contre le nucléaire, mais d'assumer notre responsabilité dans la gestion des déchets à l'égard des générations futures. C'est une nécessité éthique. La solution du stockage géologique fait consensus au niveau international ; cela ne signifie pas qu'il s'agit de la solution ultime, la recherche doit se poursuivre. Nous voterons ce texte, en restant attentifs à la transparence et à l'association du public à toutes les étapes du projet.
M. Ronan Dantec . - John Maynard Keynes disait qu'il fallait mieux employer des gens à creuser des trous, puis à les reboucher, que laisser la crise économique s'installer. Je ne pensais pas voir un jour M. Longuet se rallier au keynésianisme... (Sourires)
Le 8 mai, la consommation d'électricité a été presque entièrement couverte par les énergies renouvelables en Allemagne, une des économies majeures de la planète... La transition énergétique est en marche en Europe, elle est inéluctable... Nous devrions discuter de stratégie, renoncer à un modèle en voie de marginalisation - les investissements dans les énergies renouvelables ont représenté 286 milliards de dollars l'an dernier, deux fois plus que pour le charbon ou le gaz, et je ne parle pas du nucléaire, une somme insignifiante.
Mais nous nous enfonçons dans le déni collectif, dont les historiens et sociologues auront beaucoup à dire, en creusant un trou de 35 milliards d'euros, dont 6 milliards rapidement. EDF est surendettée et devra faire face à bien plus de 100 milliards d'euros de nouvelles dépenses au cours des prochaines années : à croire que l'on veut en finir avec le service public à la française en organisant sa faillite !
Changeons de logiciel. La France est le seul pays à miser sur le stockage profond. La moins mauvaise solution serait le stockage à sec en subsurface. Elle est utilisée aux États-Unis, en Allemagne. Elle est bien moins coûteuse et garantit une bien meilleure réversibilité.
On joue beaucoup sur les mots dans l'hémicycle. Une réversibilité sans récupérabilité à tout moment n'en est pas une. Mais le rapporteur a le talent de rendre acceptable l'inacceptable... Au Nouveau-Mexique, le Waste Isolation Pilot Plant a dû être suspendu à la suite d'un incendie, idem à Asse en Allemagne où la mine de fer est rongée par les infiltrations. Nous nous apprêtons à dépenser 35 milliards d'euros pour stocker des déchets durant des milliers d'années sans pouvoir les récupérer. Reprenons nos esprits et enterrons ce texte en couche profonde !
M. Gérard Longuet. - On ne plaisante pas sur ce sujet.
M. Jean-Claude Lenoir. - Le discours de M. Dantec n'a pas l'air de susciter l'enthousiasme...
M. Jean Louis Masson . - Ancien inspecteur des installations nucléaires, je sais combien le développement de cette filière a été positif pour la Nation, le plan Messmer a été une réussite. Je défends sans réserve la centrale de Cattenom que des pays voisins voudraient voir fermer.
Qui dit nucléaire, dit déchets. Dans cinquante ans, il est évident que les technologies auront évolué. D'où la réversibilité qui est synonyme de récupérabilité. Ne soyons pas hypocrites en jouant sur les mots. Dans les années 90, au moins, le Gouvernement défendait sans fard l'enfouissement irréversible - et M. Strauss-Kahn, un an après la loi, avait fait abroger mon amendement imposant la réversibilité. L'enfouissement de déchets chimiques dans les mines de potassium d'Alsace s'est révélé catastrophique, et nous n'avons pas fini de faire face à ses conséquences... Parlons français : si un stockage est réversible, c'est que l'on peut enlever les matières stockées !
M. Jacques Mézard . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Quels que soient nos choix énergétiques, il revient à l'État d'assumer leurs conséquence dans un esprit de responsabilité et avec prospective. Les déchets existent, nous en débattons depuis longtemps, et il faut savoir prendre des décisions. Il y a peu, nous avons voté une loi de transition énergétique réduisant la part du nucléaire à 50 % de la production électrique d'ici 2025 ; M. Dantec aurait aimé l'abaisser à zéro...
M. Ronan Dantec. - Non, c'était trop ambitieux !
M. Jacques Mézard. - Nous ne partageons pas ses convictions.
Il ne faut pas oublier le gâchis qu'a été l'abandon de Superphénix (On renchérit à droite), en vertu d'un accord électoral prenant le pas sur les intérêts fondamentaux de la nation. La France a perdu vingt ans d'avance. (MM. Ladislas Poniatowski, Charles Revet et Bruno Sido confirment) Que compte faire le Gouvernement pour relancer la nouvelle génération de réacteurs ? Elle avait l'avantage de consommer une partie des déchets radioactifs. (On renchérit à droite) Ayons une vision prospective et moderne de notre recherche !
Le groupe RDSE n'est pas contre les énergies renouvelables, il est pour la diversité énergétique. S'il fallait arrêter le nucléaire, on devrait construire des barrages et des éoliennes que les mêmes combattraient - des associations s'élèvent même contre les champs photovoltaïques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi qu'au centre et à droite)
Nous avons devant nous un texte transpartisan, porté par les élus de la Meuse et associant les populations. Le groupe RDSE le votera unanimement, avec conviction et responsabilité. (Applaudissements sur les mêmes bancs ; Mme Delphine Bataille, M. Jean-Jacques Filleul et Mme Nelly Tocqueville applaudissent aussi)
M. Gérard Longuet. - Superphénix renaîtra de ses cendres !
M. Jean-Claude Lenoir . - Avec cette proposition de loi, il s'agit tout simplement de l'indépendance de la France. Elle suppose une maîtrise totale du cycle nucléaire, depuis l'approvisionnement et la production jusqu'à la gestion des déchets.
Nous ne sommes pas les seuls à réfléchir au stockage des déchets. Belges, Suisses, Suédois le font aussi. Si les États-Unis ont renoncé au projet de Yucca Mountains, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) comme l'Union européenne recommandent le stockage profond comme la seule solution viable. Peu de pays ont franchi le pas. C'est le cas de la Finlande et de la Suède, mais contrairement à ces pays, nous n'entreposerons à Bure que 3 % de nos déchets, ceux qui n'auront pas été retraités à La Hague. Ils tiendraient dans une piscine olympique.
Le texte est cohérent et responsable. Cohérent, parce qu'il s'inscrit dans la lignée des travaux des commissions Castaing et Goguel dans les années 1980, de l'Opecst dans les années 1990, et des lois antérieures. La loi du 30 décembre 1991, qui porte le nom d'un député courageux, Christian Bataille, a lancé des recherches sur le stockage, réversible ou non ; quinze ans après, sous une autre majorité, fut votée la loi de 2006 qui précisait la notion de réversibilité et initiait le processus devant conduire à la construction d'un centre de stockage.
Un texte responsable, ensuite, défendu par les sénateurs de la Haute-Marne et de la Meuse, MM. Sido et Longuet, sans oublier M. Namy. Le consensus est réuni, ce texte ressemblant point par point à un autre déposé par des députés de gauche à l'Assemblée nationale. Je suis impressionné par l'unanimité qui règne dans notre hémicycle, à peine égratignée par des interventions isolées. Au Gouvernement, maintenant, d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et de respecter le calendrier. Les territoires attendent les retombées du projet Cigéo.
Il ne s'agit pas de faire comme en 1830, monsieur Dantec, quand on demandait aux révolutionnaires d'ouvrir des tranchées puis de les combler, mais bien d'affirmer notre maîtrise du nucléaire, et je veux saluer tous ceux qui ont la lucidité de soutenir cette vaste entreprise. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UDI-UC et RDSE ; Mme Delphine Bataille applaudit aussi)
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
M. Jean-Yves Roux . - Ce texte porte sur un champ encadré de longue date par la représentation nationale : il s'agit d'autoriser le lancement d'une phase industrielle pilote de stockage de matières et déchets radioactifs et de définir les critères d'une mise en service complète, dont celui de réversibilité. Ce n'est donc qu'une étape, certes cruciale.
La question du stockage des matières et déchets de haute et moyenne radioactivité se pose quels que soient nos choix énergétiques, comme le relevait le rapport Bouillon-Aubert de 2013.
Sur la question, la coopération internationale n'a cessé de s'intensifier. La France est liée par le traité Euratom, dont le préambule impose des conditions de sécurité aptes à « écarter les périls pour la vie et la santé des populations », et par une obligation de transparence envers nos partenaires européens en cas d'accidents. Je suis d'ailleurs de ceux qui déplorent que la coopération au sein de l'Union n'aille pas plus loin. La coopération scientifique passe, elle, par des accords-cadres entre l'Andra et ses homologues. Enfin, nous disposons des retours d'expérience de la Finlande, et nos voisins en attendent autant de notre part.
Le stockage en surface ou en subsurface est une solution temporaire, d'ailleurs risquée. La séparation-transmutation produit elle-même des déchets inéliminables. La création de centres de stockage internationaux n'est plus d'actualité, l'idée d'envoyer des colis dans l'espace est pour l'instant jugée fantaisiste, et celle du stockage en mer est heureusement abandonnée depuis 1993. Qu'attendons-nous donc ? Le consensus international des experts se fait autour du stockage profond. Nous avons opté pour un stockage dans l'argile, et non dans le granit comme en Finlande ou en Suède ou dans des mines de sel comme en Allemagne, ce qui ne pose pas de problème en soi - la qualité des matériaux et les conditions de stockage importent aussi. La phase pilote sera déterminante.
La coopération internationale porte enfin sur la concertation avec la population, phase non négociable.
Je souhaite que les conditions de sécurisation du site, la sous-traitance, la sécurité et la formation continue du personnel ne soient pas reléguées à l'arrière-plan, car la sûreté du site en dépend.
Que le dialogue se poursuive. La réversibilité, c'est aussi la possibilité de faire un jour des choix différents. Nous disposons d'éléments probants pour autoriser cette phase industrielle pilote, sous réserve des exigences de concertation et de sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et Les Républicains)
M. Bruno Sido . - Quelques éléments fondamentaux en guise de conclusion. La pérennité de la filière nucléaire dépend de notre capacité à apporter une réponse à la question des déchets radioactifs. Ce faisant, nous assumerons nos choix passés - 58 réacteurs apportant 75 % de notre électricité - et conforterons l'excellence française.
Scientifiquement, le stockage profond est la meilleure solution. Il suppose une gestion dans le très long terme. Or nous ne pouvons pas imposer aux générations futures un mode de gestion. D'où l'intérêt de la notion de réversibilité, monsieur Masson, qui s'est affinée depuis la loi Bataille : pas de décision brutale, de la souplesse et beaucoup de pragmatisme.
J'avais déposé un amendement à la loi de transition énergétique proche de cette proposition de loi. Mme Royal m'avait assuré qu'un projet de loi viendrait en 2016. M. Longuet aide le Gouvernement à tenir sa promesse... Sur ce sujet qui dépasse les clivages partisans et nos divergences sur le mix énergétique, je forme le voeu que le Sénat se rassemble, comme l'ont fait les élus de la Meuse et de la Haute-Marne.
Après nombre de rapports scientifiques, un débat public en 2013 et des travaux d'évaluation, le projet Cigéo doit entrer dans sa phase préindustrielle. C'est l'intérêt de l'État et de nos territoires. Faisant écho à M. Maurey, je demande la réunion du comité de haut niveau à Bure, comme lorsque Mme Delphine Batho était ministre. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Longuet. - Excellent !
M. Jean-Claude Lenoir. - Bravo !
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
ARTICLE UNIQUE
M. Jean Louis Masson . - Autant je suis pour le nucléaire et le stockage, autant je trouve scandaleux de nommer réversible un stockage qui ne l'est pas. (On proteste à droite) La preuve, l'alinéa 7. On y lit que les colis sont récupérables durant la première phase seulement. C'est donc qu'ils ne le seront pas ensuite ! D'autres solutions sont possibles. La science progressera. En 1950, personne n'imaginait que l'homme marcherait sur la lune.
M. Jean Louis Masson. - C'est pour montrer que je ne suis pas hostile au projet Cigéo que je maintiens l'alinéa 1. En revanche, on ne peut pas être d'accord avec la suite, qui repose sur la définition de la réversibilité à l'alinéa 4 : « La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l'exploitation des tranches successives d'un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion ». La réversibilité, c'est pouvoir revenir en arrière !
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Masson.
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Tout stockage souterrain de déchets radioactifs doit être réversible. La réversibilité implique qu'à tout moment dans l'avenir il soit possible de revenir à la situation antérieure dans des conditions techniques et financières acceptables.
M. Jean Louis Masson. - Voilà ma définition de la réversibilité, honnête et en bon français : elle n'enfume pas nos compatriotes, elle !
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
I. - Alinéa 6, seconde phrase
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
trois
II. - Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de garantir la participation des citoyens tout au long de la vie d'une installation de stockage en couche géologique profonde, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs élabore et met à jour tous les trois ans, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes et le public, un plan directeur de l'exploitation de celle-ci.
M. Patrick Abate. - Il y a trois conditions pour que la France soit championne du monde du nucléaire : que le pilotage de la production et de ses externalités soit toujours guidé par l'intérêt général, que des acteurs publics en aient la charge, et que la transparence soit assurée vis-à-vis de la population. On sait les craintes que suscite le projet Cigéo, le manque de confiance dans les experts ; ramenons de dix à trois ans la périodicité des rapports de l'Andra.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 19
1° Supprimer les mots :
, le cas échéant,
2° Remplacer les mots :
afin de prendre en compte
par les mots :
et prenant en compte, le cas échéant,
Mme Nelly Tocqueville. - La commission du développement durable a rendu facultatif le rendez-vous législatif sur les conditions d'exercice de la réversibilité. Il doit avoir lieu, un tel sujet ne souffre aucune opacité.
M. Michel Raison, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°3 qui supprime presque l'intégralité de la proposition de loi, de même qu'à l'amendement n°2, car on ne saurait subordonnée la réversibilité à « des conditions techniques et financières acceptable ». Le sujet est trop grave.
Quant à l'amendement n°4 rectifié, je comprends ses motivations : dix ans, cela peut sembler long. M. Abate accepterait-il une périodicité de cinq ans ? Dans ce cas, avis favorable.
Mme Tocqueville est déjà satisfaite par le texte, mais son amendement n'en bouleversant pas l'équilibre, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - M. Masson vide cette proposition de loi de sa substance : avis défavorable à l'amendement n°3, ainsi qu'à l'amendement n°2, qui introduirait de l'incertitude. Tout ouvrage vieillit, et imposer une réversibilité sans limite de temps ne serait pas réaliste.
J'entends M. Abate et le rapporteur, et m'en remets à votre sagesse si le délai est ramené à cinq ans.
Enfin, avis favorable à l'amendement n°1 rectifié.
M. Patrick Abate. - D'accord pour cinq ans, mais qu'est-ce qui explique au juste vos réticences ? Estimez-vous qu'après trois ans on manquerait de recul, que le rapport serait bâclé et que, de ce fait, la transparence n'y gagnerait pas ?
M. Michel Raison, rapporteur. - Un rapport bâclé, sur un tel sujet, non. Mais les organisations disposeront de toute façon d'informations annuelles. En revanche, un rapport tous les trois ans serait trop lourd.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - Effectivement, les acteurs disposeront des éléments chaque année.
M. le président. - Ce sera l'amendement n°4 rectifié bis.
M. Gérard Longuet. - A M. Masson, esprit parfois surprenant mais toujours réfléchi, je dirai que la réversibilité est un combat permanent, avec un risque géologique, un risque logistique lié à la gestion de dizaines de milliers de colis dans des conditions de haute technicité, et un risque économique, celui de ne plus avoir l'argent pour faire fonctionner tout cela. Tous les rendez-vous de contrôle sont donc pertinents.
Cependant vos amendements ne nous feraient pas progresser intellectuellement, monsieur Masson. Le délai de dix ans est trop long, mais trois ans seraient trop courts pour la visibilité des industriels ; soit pour cinq ans, monsieur Abate. Quant à l'amendement de Mme Tocqueville, il me paraît satisfait, mais si c'est le prix à payer pour l'unanimité, je suis prêt à le payer de bon coeur.
M. Jean Louis Masson. - Mes amendements sont logiques entre eux, au service d'une réversibilité véritable : ils pourraient être versés au dictionnaire, puisqu'ils définissent la réversibilité. Mme la ministre a reconnu le caractère irréversible de l'enfouissement : c'est ce contre quoi je me bats. Je voterai l'amendement n°4 rectifié bis et l'amendement n°1 rectifié : cinq ans, c'est mieux, et l'intervention du législateur est bienvenue.
M. Marc Laménie. - C'est vrai que la transparence est une bonne chose, la commission locale d'information apporte toujours de la confiance, elle est indispensable aux projets eux-mêmes, je voterai les amendements nos4 rectifié bis et 1. Je dis cela en tant qu'ancien président de la commission locale de la centrale nucléaire de Chooz.
M. Ronan Dantec. - M. Longuet nous dit que le risque géologique est le mieux prévisible. C'est ce que disaient les ingénieurs allemands qui prônaient le stockage dans les mines de sel ; on a vu ce que cela a donné ! Avec le nucléaire, on est dans le registre de la foi, comme si l'on ne pouvait pas être dédit ; on ne peut à la fois voir dans le nucléaire la panacée et être contraints d'enfouir les déchets ! La logique scientifique veut qu'on attende, je remercie M. Masson d'avoir démontré que ce texte organise l'irréversibilité !
M. Michel Raison, rapporteur. - Curieuse alliance...
M. Rémy Pointereau. - Celle de la carpe et du lapin.
M. Ronan Dantec. - Quid, ensuite, des 6 milliards d'euros : nous ne les avions pas ! Trouvons plutôt des financements pour des projets industriels sérieux pour l'est de notre pays, celui-ci ne l'est pas !
M. Jean-Claude Lenoir. - M. Dantec nous fait un aveu. Pourquoi les écologistes repoussent-ils cette solution industrielle ? Mais pour tuer le nucléaire - un député a même parlé de la constipation du nucléaire... Les écolos estiment que les ingénieurs sont des incapables, et puis encore des parlementaires... Or les lois votées sur le nucléaire l'ont été à la quasi-unanimité - à part votre groupe.
L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°2
L'amendement n°4 rectifié bis est adopté, ainsi que l'amendement n°1 rectifié
L'article unique, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Mézard.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 542-12 du code de l'environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elle communique cette évaluation aux présidents des commissions parlementaires compétentes en matière de finances, d'énergie et de développement durable. »
M. Jacques Mézard. - Je propose la transmission de l'évaluation de l'Andra aux présidents des commissions des finances, des affaires économiques, du développement durable de chaque assemblée parlementaire. Ce serait une avancée démocratique.
M. Michel Raison, rapporteur. - La transparence par les chiffres en sera améliorée, en particulier sur le coût - il s'élève déjà à 2 milliards d'euros au total, avec une perspective qui pourrait être de 35 milliards, mais en 150 ans. Avis favorable.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - Les commissions parlementaires sont déjà tenues informées par l'Andra et elles peuvent auditionner ses responsables : défavorable.
M. Daniel Gremillet. - La transparence est indispensable. Cet amendement est bienvenu : je le voterai.
M. Jean Louis Masson. - Il serait plus utile de transmettre des informations à tous les parlementaires et les modalités financières sont accessoires. Cet amendement est bien loin de l'objet de la proposition de loi.
M. Christian Namy. - Nous voterons cet amendement.
L'amendement n°5 est adopté et devient article additionnel.
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Claude Lenoir . - Notre groupe a demandé un scrutin public pour affirmer que le Parlement prend ses responsabilités : nous avons débattu et allons adopter un texte consensuel. Ne le prenez pas mal, madame la ministre, mais nous attendions Mme Royal. Elle retenue à l'Assemblée nationale pour la ratification de la COP21, Mme Pompili était là tout à l'heure, en remplacement de M. Vidalies : j'aurais voulu la retenir. Finalement, c'est vous qui avez été chargée de nous donner l'avis du Gouvernement ; j'y vois un avantage : puisque vous nous avez dit votre accord, je puis espérer que ce texte sera rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
M. Jean Louis Masson . - Le Parlement doit prendre ses responsabilités ? Je le fais en disant que je voterai contre ce texte dangereux pour l'avenir. Quand on connaît le problème de la Lorraine avec les affaissements miniers, alors que les spécialistes d'avant niaient tout problème pour l'avenir, on a de quoi être inquiet : vous jouez à la roulette ! Pensez aussi à ce qu'on disait des mines de potasse alsaciennes.
M. Gérard Longuet . - Ce débat est de longue haleine, depuis la loi Bataille de 1991 que j'ai appliquée en tant que ministre. Monsieur Masson, vous me décevez en refusant d'étudier, de comparer, de rechercher une solution durable : c'est l'objet de ce texte ! J'espère, madame la ministre, que vous obtiendrez une inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale : nos collègues vous soutiendront !
M. Ronan Dantec . - Effectivement, il faut étudier, comparer. Mais vous engagez ici des milliards que vous n'avez pas, sans recul, pour une filière que d'autres pays quittent - et alors même que rien ne presse, sinon l'endettement du secteur électrique !
Ce trou à Bure, c'est un peu comme le destin de la ligne Maginot : elle craque, on la sait condamnée, mais on continue d'y ajouter des casemates.
On va vers de grandes désillusions et ne croyez pas qu'il y ait unanimité ; d'autres solutions existent, mais ne vous ne les recherchez pas : c'est un déni de réalité.
M. Patrick Abate . - On ne vote pas un chèque en blanc, mais on prend rendez-vous. Votre alarmisme n'est pas de mise ! Quant au financement, nous pouvons encore regarder du côté de la production nucléaire...
Mme Nelly Tocqueville . - Le groupe socialiste votera pour, c'est une question de responsabilité, ce qui n'interdit en rien de poursuivre la recherche ; et nous souhaitons une inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale :
M. Bruno Sido. - Très bien !
À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°224 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 333 |
Contre | 10 |
Le Sénat a adopté.
CMP (Nominations)
M. le président. - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
La liste des candidats établie par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : MM. Hervé Maurey, Jérôme Bignon, Mme Sophie Primas, M. Rémy Pointereau, Mme Nicole Bonnefoy, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Évelyne Didier, membres titulaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Ronan Dantec, Daniel Gremillet, Mme Chantal Jouanno, MM. Philippe Madrelle, Charles Revet, membres suppléants.
Prochaine séance, mercredi 18 mai 2016 à 14 h 30.
La séance est levée à 20 h 20.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mercredi 17 mai 2016
Séance publique
À 14 h 30
Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaires : Mme Corinne Bouchoux - M Jean-Pierre Leleux
1. - Désignation des vingt-sept membres de la mission d'information sur l'intérêt et les formes possibles de mise en place d'un revenu de base en France.
De 14 h 30 à 18 h 30
Ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen
2. - Proposition de loi tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale (n°402, 2015-2016).
Rapport de M. Philippe DOMINATI, fait au nom de la commission des finances (n°590, 2015-2016).
Résultat des travaux de la commission (n°591, 2015-2016).
3. - Proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d'identité abusifs (n°257, 2015-2016).
Rapport de M. Alain Marc, fait au nom de la commission des lois (n°598, 2015-2016).
Résultat des travaux de la commission (n°599, 2015-2016).
À 18 h 30
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain
4. - Proposition de résolution, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle (n°523, 2015-2016).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 224 sur l'ensemble de la proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :344
Suffrages exprimés :343
Pour :333
Contre :10
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 143
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe socialiste et républicain (109)
Pour : 109
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 42
Groupe communiste républicain et citoyen (20)
Pour : 20
Groupe du RDSE (17)
Pour : 17
Groupe écologiste (10)
Contre : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 2
Abstention : 1 - M. Jean Louis Masson
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier