République numérique (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 12 BIS (Suite)
Mme la présidente. - Amendement n°63 rectifié bis, présenté par MM. Pintat, Revet, B. Fournier, D. Laurent, Longeot et Mouiller.
I. - Alinéa 3
Après la référence :
L. 322-8
insérer les mots :
et sans préjudice du troisième alinéa du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales
II. - Alinéa 9
Après la référence :
L. 432 - 8
insérer les mots :
et sans préjudice du troisième alinéa du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales
M. Bernard Fournier. - Faut-il rappeler que les collectivités territoriales ont la charge de l'approvisionnement énergétique des Français ? Garantir la bonne information des élus, c'est garantir le bon approvisionnement des réseaux. Les obligations d'information faites aux concessionnaires ne doivent pas être réduites.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Avis favorable à cette clarification, l'amendement ayant été rectifié pour préciser la référence.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Retrait, car vous êtes satisfait par le code général des collectivités territoriales et le code de l'énergie qui encadrent la transmission d'informations des concessionnaires aux autorités concédantes. L'article 12 bis ne remet pas ces règles en cause.
L'amendement n°63 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°227 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Alinéa 3
Après les mots :
d'électricité
insérer les mots :
et, dans le cadre des missions qui lui sont confiées à la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre III, le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité
II. - Alinéa 9
Après les mots :
gaz naturel
insérer les mots :
et, dans le cadre des missions qui leur sont confiées à la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre IV, les gestionnaires de réseaux publics de transport de gaz naturel
M. Yves Rome. - Cet amendement ouvre, par parallélisme, l'accès aux données dont dispose le gestionnaire du réseau de transport d'électricité au travers de ses missions de service public car les seules données des réseaux de distribution ne donnent qu'une vision partielle du système électrique et ne suffisent pas aux besoins des acteurs. La mise à disposition doit se faire dans un format ouvert et interopérable. Elle doit respecter le secret en matière commerciale et industrielle.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. - Les clients de RTE, 490 au total, sont essentiels au système électrique. RTE met déjà à disposition du public bon nombre de données. Avis favorable, par conséquent, ces dispositions étant étendues aux données des gestionnaires des réseaux de gaz.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Les données de RTE pourraient aider les fournisseurs à rendre leurs offres plus réactives, à compenser des déséquilibres provisoires entre l'offre et la demande. Avis favorable.
L'amendement n°227 rectifié est adopté.
L'article 12 bis, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°304 rectifié, présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Cantegrit et Charon, Mmes Deroche et Duranton, MM. Emorine, B. Fournier et Houel, Mme Hummel, MM. Laménie, Laufoaulu, Lefèvre et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Pointereau et Vaspart.
Après l'article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 142-3 du code de l'énergie, il est inséré un article L. 142-3-... ainsi rédigé :
« Art. L. 142-3-... - Dans le cadre des objectifs mentionnés à l'article L. 100-2, les opérateurs mettant à la disposition du public les données thermiques et climatiques à partir des objets connectés déployés à l'intérieur des logements ou des bâtiments tertiaire sont chargés :
« 1° De procéder au traitement de ces données dans le respect des secrets protégés par la loi ;
« 2° De mettre ces données à disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert aisément réutilisable, c'est-à-dire lisible par une machine, et sous une forme agrégée garantissant leur caractère anonyme.
« Un accès centralisé à ces données peut être mis en place par l'autorité administrative selon des modalités précisées en tant que de besoin par décret.
« Un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés précise les modalités d'application du présent article. Il détermine la nature des données détaillées concernées et les modalités de leur traitement. »
M. Jean Bizet. - Cet amendement ouvre les données détaillées issues des usages thermiques tels que thermostats connectés, ainsi que des données climatiques, pour développer de nouveaux services.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. - Ainsi, les consommations de chauffage, les données de tout équipement renseignant sur les usages énergétiques de la maison seraient mises à disposition. Mais par qui ? Et le champ est-il assez précis ? L'amendement de M. Bizet est, comme d'habitude, très avant-gardiste. Sagesse. Nous aimerions entendre l'avis du Gouvernement.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - La publication de données agrégées pourrait effectivement être utile. Hier soir, pour augmenter la température chez moi, j'ai utilisé une touche de portable... Mais ces données sont éminemment privées, donc sensibles. Une expertise préalable est, à tout le moins, nécessaire. Avis défavorable.
M. Jean Bizet. - Amendement avant-gardiste, certes ! Je veux bien me retourner vers les fabricants pour cerner le champ et éviter les dérives. Mais nous n'y échapperons pas.
L'amendement n°304 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°173 rectifié, présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Cantegrit, Chasseing, Chatillon, Cornu et Danesi, Mme Duranton, MM. Emorine, B. Fournier, Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Laménie, D. Laurent, Lefèvre et Mandelli, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller et Vaspart.
Après l'article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier du code de l'énergie est complétée par un article L. 142-3-... ainsi rédigé :
« Art. L. 142-3-... - Dans le cadre des objectifs mentionnés à l'article L. 100-2, les opérateurs mettant à la disposition du public la consommation du fioul domestique à partir des données issues de leur système de comptage de l'énergie sont chargés :
« 1° De procéder au traitement de ces données dans le respect des secrets protégés par la loi ;
« 2° De mettre ces données à disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert aisément réutilisable, c'est-à-dire lisible par une machine, et sous une forme agrégée garantissant leur caractère anonyme.
« Un accès centralisé à ces données peut être mis en place par l'autorité administrative selon des modalités précisées en tant que de besoin par décret.
« Un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés précise les modalités d'application du présent article. Il détermine la nature des données détaillées concernées et les modalités de leur traitement. »
M. Jean Bizet. - Dans le cadre d'une stratégie nationale bas carbone et conformément aux objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, il est nécessaire d'encourager des offres d'efficacité énergétiques sur toutes les énergies et des offres alternatives moins carbonées, donc d'ouvrir les données liées aux quantités de fioul livrées.
Mme la présidente. - Amendement identique n°308, présenté par M. Courteau.
M. Roland Courteau. - Oui, il faut encourager des offres d'efficacité énergétiques sur toutes les énergies, je dis bien toutes.
Mme la présidente. - Amendement identique n°550 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi et Mmes Deromedi et Deroche.
Mme Catherine Deroche. - Défendu.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. - Il s'agit ici d'ouvrir les données des distributeurs de fioul afin d'offrir aux consommateurs des alternatives moins carbonées : objectif très louable, mais le dispositif est inadapté car le fioul, contrairement au gaz ou à l'électricité, n'est pas distribué de façon centralisée mais par 1 800 opérateurs...
La consommation ne peut être calculée en fonction des quantités livrées. Comment se fonder sur des données agrégées ? Certains immeubles ont plusieurs sources de chauffage.
Enfin, le chèque énergie n'est qu'un moyen de paiement, sans lien avec une connaissance de la consommation. En tout état de cause, il faudrait rectifier le quatrième alinéa.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - La mesure serait coûteuse pour les entreprises commerciales qui devraient ainsi livrer des données privées. La loi de transition énergétique prévoit un suivi global de la vente du fioul, cela vous satisfait en partie.
M. Roland Courteau. - Convaincu, je m'incline.
Les amendements nos308 et 550 rectifié bis sont retirés.
M. Jean Bizet. - J'accepte la rectification demandée.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. - C'était une rectification sur la forme qui ne modifie pas notre avis sur le fond !
M. Jean Bizet. - Me voilà coincé ! (Sourires)
L'amendement n°173 rectifié est retiré.
ARTICLE 12 TER
Mme la présidente. - Amendement n°228, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« L'administration fiscale transmet, sous forme dématérialisée dans le cadre d'une procédure en ligne, à titre gratuit, à leur demande, aux professionnels de l'immobilier, ...
II. - Alinéas 5 et 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de concilier la transparence de l'information sur le marché immobilier qu'organise le précédent alinéa et le respect de la vie privée, les données transmises par l'administration fiscale excluent toute identification nominative du propriétaire d'un bien et les bénéficiaires de la transmission ne doivent à aucun moment reconstituer des listes de biens appartenant à des propriétaires désignés. La transmission de ces informations par l'administration fiscale est soumise, dans le cadre de la procédure en ligne, à une déclaration de motifs préalable, aux fins de laquelle l'organisme demandeur doit justifier de sa qualité et accepter les conditions générales d'accès au service. »
III. - Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 107 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « procédure de contrôle portant sur la valeur d'un bien immobilier », sont insérés les mots : «, faisant état de la nécessité d'évaluer la valeur vénale d'un bien immobilier en tant que vendeur ou acquéreur potentiel de ce bien » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « la rue et la commune » sont remplacés par les mots : « les références cadastrales et l'adresse ».
M. Yves Rome. - Cet article a été introduit à la suite d'un amendement que nous avions proposé et qui a été adopté par la commission des lois. Il élargit le périmètre des personnes pouvant demander la transmission des données foncières de l'administration fiscale.
L'absence de transparence des marchés fonciers et immobiliers constitue un obstacle à leur fluidité et à leur bon fonctionnement.
Ce dispositif peut être encore amélioré pour éviter tout blocage, grâce à des processus dématérialisés en ligne. La publicité foncière n'autorise pas, en effet, la consultation d'un fichier anonymisé. La base Patrim sur les valeurs immobilières mérite d'être ouverte pour d'autres motifs que ceux qui sont ici prévus. Les précautions prises lors de sa création ne paraissent plus de mise, à l'heure où se multiplient les sites immobiliers en ligne avec photo, permettant de localiser très précisément un bien.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Cet amendement ajoute des garanties pour le respect de la vie privée, et assure une meilleure articulation avec les expropriations pour cause d'utilité publique. Avis favorable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Il s'agit ici de transmission des données relatives aux mutations, plus que d'open data. Les données permettant l'identification du propriétaire ne pourraient être transmises. Mais l'amendement restreint le champ de la dérogation, dont bénéficient notamment les collectivités territoriales.
Quant aux modalités de transmission, elles relèvent du décret.
Donnons-nous le temps d'y réfléchir d'ici le projet de loi de finances. Repérer des transactions déconnectées du marché est un objectif partagé.
L'amendement n°228 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°625, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.
I. - Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
agences d'urbanisme mentionnées au code de l'urbanisme, à l'établissement public visé au titre IX
par les mots :
agences d'urbanisme mentionnées à l'article L. 132-6 du même code, à l'établissement public mentionné à l'article 44
II. - Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au troisième alinéa de l'article L. 135 J du même livre, les mots : « du onzième » sont remplacés par les mots : « de l'avant-dernier ».
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Amendement de précision rédactionnelle et de coordination.
L'amendement n°625, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 12 ter, modifié, est adopté.
ARTICLE 13
Mme la présidente. - Amendement n°102, présenté par M. Leconte.
Supprimer cet article.
M. Jean-Yves Leconte. - Les lois de 1978 qui ont créé la Cnil et la Cada ont, quarante ans durant, protégé les Français vis-à-vis des risques informatiques et assuré la transparence de l'administration vis-à-vis des citoyens. Comment, aujourd'hui, protéger les citoyens face à un open data qui s'élargit ? Les enjeux sont à la croisée des métiers de la Cnil et de la Cada, c'est évident !
Mais, si le manque de contrôle démocratique sur les autorités administratives indépendantes (AAI) peut être déploré, elles n'en sont pas moins nécessaires dans certains cas. Nous l'avions vu, lors des réunions de la commission d'enquête sénatoriale sur les AAI et de l'examen de la proposition de loi de Jacques Mézard qui l'avait suivie. Plutôt que de créer des autorités administratives interdépendantes, préparons la fusion de la Cnil et de la Cada par un rapport. Bien sûr, c'est difficile. Nous avons l'expérience de la création du Défenseur des droits. Mais il faut poser le problème. D'où nos amendements de suppression, afin de lancer la réflexion un cran plus loin que ce qui est proposé dans ces articles.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Le Gouvernement a fait le choix de mieux articuler Cnil et Cada sans les fusionner, la commission des lois en a pris acte tout en améliorant le texte. Ces deux autorités ont un rôle différent, précontentieux et de communication de documents administratifs pour la Cada, de régulation et de protection de données individuelles pour l'autre. Mais leurs champs de compétence se recoupent en partie, et c'est pourquoi les mesures visant à mieux les articuler doivent être préservées. M. Mézard lui-même, dans son rapport, n'excluait pas de déroger par une disposition spéciale à l'incompatibilité entre les mandats des membres des diverses AAI. Avis défavorable.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Le Gouvernement s'est voulu prudent, en proposant une gouvernance plus coordonnée entre la Cnil et la Cada, même si une fusion a pu être envisagée dans un premier temps. En effet, ailleurs en Europe, les équivalents de la Cnil et de la Cada sont souvent réunis au sein d'instances uniques de la data : au Royaume-Uni, en Europe centrale par exemple.
Mais nous ne pouvons faire fi de notre longue tradition. La loi Cnil réagissait contre des fichiers créés par l'État et considérés comme liberticides. La loi Cada donnait de nouveaux droits aux citoyens, dans un contexte de guerre froide où l'on souhaitait libéraliser la société par opposition à l'URSS.
Certes, les enjeux se croisent : protection de la vie privée, anonymisation, etc. Nous avons donc choisi une participation croisée qui facilitera la possibilité d'un collège commun. C'est un premier pas. J'attends un rapport de M. Jean Massot, président de section honoraire au Conseil d'État, pour analyser les étapes suivantes, que nous pourrons mettre en open data. Les deux institutions seront bientôt réunies dans un même immeuble rue de Ségur. Ce rapprochement physique facilitera sans doute une collaboration plus étroite.
M. Jean-Yves Leconte. - Compte tenu de ces explications, le plus raisonnable est sans doute de retirer mes amendements, il faut progresser par étapes.
L'amendement n°102 est retiré.
L'article 13 est adopté.
L'amendement n°103 est retiré.
L'article 14 est adopté.
L'amendement n°104 est retiré.
L'article 15 est adopté.
L'amendement n°105 est retiré.
L'article 16 est adopté.
L'article 16 bis demeure supprimé.
ARTICLE 16 TER
L'amendement n°65 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°108 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe UDI-UC.
Première phrase
Remplacer les mots :
Commissariat à la souveraineté numérique
par les mots :
Haut-Commissariat au numérique
Mme Catherine Morin-Desailly. - Chacun mesure l'enjeu de la mutation numérique de nos sociétés. À l'Assemblée nationale, un rapport a été demandé sur la création d'un commissariat à la souveraineté numérique. Le rapporteur de la commission des lois a judicieusement supprimé les limites fixées à ces missions.
Sans méconnaître l'importance de l'enjeu de souveraineté, l'amendement n°108 rectifié bis propose une dénomination plus englobante, celle d'un haut-commissariat.
Mme la présidente. - Amendement n°107 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe UDI-UC.
I. - Première phrase
Après les mots :
dont les missions
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
seront de favoriser une meilleure coordination interministérielle des programmes et des actions technologiques au sein de l'État, de veiller à la cohérence des stratégies et des outils technologiques mis en place par les administrations, d'assurer une meilleure lisibilité des actions de l'État en matière de technologies, de favoriser une meilleure diffusion des savoir-faire stratégiques sur le numérique au sein de l'État et de participer aux négociations européennes et internationales portant sur les normes et standards ainsi que sur la gouvernance des technologies.
II. - Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L'ensemble de ces missions concourent à assurer la souveraineté numérique nationale.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Je propose de préciser les missions généralistes du haut-commissariat. Les technologies numériques sont devenues des éléments cruciaux pour le fonctionnement de l'État mais aussi pour le déploiement de l'ensemble des politiques publiques.
Mme la présidente. - Amendement n°229, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Seconde phrase
Après le mot :
précise
insérer les mots :
notamment, sous l'égide de ce commissariat, les conditions de maîtrise des lieux de stockage des données et de développement de protocoles de chiffrement, ainsi que
M. Jean-Pierre Sueur. - Je félicite Mme Morin-Desailly : en proposant que le commissariat devienne haut-commissariat, elle n'a en rien porté atteinte aux finances de l'État... (Sourires)
Cette demande de rapport ne trompe personne : il s'agit de contourner l'article 40.
M. Philippe Dallier. - Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. - Internet abolit-il les identités nationales ? Non. Les impératifs de souveraineté, d'indépendance nationale doivent aussi y prévaloir. Il n'y a là rien de ringard.
Cryptage et maîtrise du chiffrement sont d'une importance extrême dans la lutte contre le terrorisme. Nous aurions peut-être, ainsi, en captant à temps certains messages chiffrés, pu éviter le 13 novembre...
Mme la présidente. - Amendement n°295 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Béchu, Bouchet et Buffet, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Commeinhes, Dallier et Danesi, Mmes Deromedi et Di Folco, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Grosdidier et Grosperrin, Mme Hummel, MM. Kennel, Leleux et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Magras et A. Marc, Mme M. Mercier, MM. Pillet et Savin, Mme Troendlé et M. Vasselle.
Seconde phrase
Remplacer les mots :
de cet établissement public
par les mots :
du Commissariat à la souveraineté numérique
Mme Catherine Troendlé. - Ne préjugeons surtout pas de la forme juridique que pourrait prendre le commissariat à la souveraineté numérique. Il peut s'agir d'un établissement public, certes, mais aussi d'un simple service du Premier ministre...
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
Mme la présidente. - Amendement n°230, présenté par M. Gorce et les membres du groupe socialiste et républicain.
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il présente les différentes voies d'assistance que le commissariat pourra proposer aux administrations, ainsi que les modalités de diffusion des bonnes pratiques en matière de protection des données personnelles.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il convient de rendre hommage ici à M. Gorce, qui a eu l'idée de cet amendement, pour compléter l'énumération des missions du commissariat envisagées par ce rapport.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Oui, la souveraineté numérique est un enjeu pour la France et l'Union européenne. Cette demande de rapport a fait débat en commission. Après avoir auditionné M. Bellanger, qui a inspiré cette initiative de l'Assemblée nationale, nous avons choisi de ne pas limiter le champ d'investigation du Gouvernement. Toute liste serait non exhaustive, et autoriserait le Gouvernement à y cantonner sa réflexion, ce qui n'est pas souhaitable.
Avis défavorable, à défaut d'un retrait, aux amendements nos108 rectifié bis et 107 rectifié bis, car la souveraineté numérique est un sujet à part entière. C'est au rapport de décider de l'appellation. Les derniers hauts-commissaires étaient membres du Gouvernement...
Avis défavorable également aux amendements nos229 et 230, d'autant que la coordination interministérielle relève du pouvoir réglementaire. Avis favorable à l'amendement n°295 rectifié : laissons le rapport définir la nature juridique du futur commissariat.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - On dirait, à entendre certains, que le commissariat est déjà créé ! Il s'agit d'abord de réfléchir à son opportunité. Ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Haut-commissariat ou commissariat ? Il y a des hauts-commissaires aux finances publiques, pour la solidarité active, aux réfugiés, il y a aussi les Hauts-de-France... (Sourires)
Mme Éliane Assassi. - Eh ho ! (Rires)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Plus sérieusement, étant donnée l'importance des enjeux - sécurité et défense nationale, compétitivité économique, protection des données personnelles - faut-il créer une structure centralisée spécifique ou agir de manière interministérielle ? Vu la tradition administrative française, organisée en ministères qui se veulent souverains, je pencherai plutôt pour la deuxième solution.
La question du système d'exploitation souverain n'est plus d'actualité, c'est heureux, car ce n'était pas en phase avec une réalité de plus en plus interconnectée. L'Agence nationale de la sécurité informatique (Ansi), voire le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), traitent les questions de cybersécurité. Une certaine tension au sein de l'appareil de l'État n'est pas une mauvaise chose.
Madame Morin-Desailly, le Gouvernement partage votre conception large de la souveraineté. Les agriculteurs par exemple pourraient utiliser eux-mêmes les données de leur exploitation, au lieu de les livrer à des tractoristes étrangers.
Les drames récents ont montré toute l'acuité des enjeux de chiffrement. Le Gouvernement a rappelé son attachement à ces technologies qui assurent la plus grande sécurité des administrations, des entreprises et des citoyens. Les attaques terroristes de Paris ont été synchronisées par des échanges de SMS en clair ! J'ai lancé un appel à projets sur les technologies de protection des données personnelles par chiffrement, et ce texte charge la Cnil de promouvoir ces technologies.
Nous avons tout intérêt à prolonger la réflexion ambitieuse initiée par Mme Morin-Desailly. Restons prudents sur les suites institutionnelles d'un tel rapport. Sagesse sur l'ensemble des amendements.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le Sénat a conscience depuis longtemps de l'importance des enjeux de souveraineté numérique. Il s'agit non pas de se replier sur soi, mais de devenir acteur de notre destin numérique, de ne plus subir des décisions qui se prennent sans nous. Les États-Unis se sont organisés depuis les années 1990 pour prendre le leadership de ce secteur. Le Chief Technical Officer du président Obama n'a rien à voir avec le SGMAP : il a autorité sur l'ensemble des départements et des politiques publiques.
Avec un haut-commissariat, le ministre de l'éducation nationale aurait-il signé un contrat sans appel d'offres avec Microsoft sans réfléchir à l'avenir des données connectées ?
Je regrette à ce titre que ces questions soient traitées dans différents textes : loi Renseignement, loi Macron II... Il ne s'agit pas de faire de l'étatisme numérique. Dommage que le Sénat n'ait pas voté mon amendement sur les marchés publics : il était normatif et efficace. Je ne confonds pas les solutions et les objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; MM. Leconte et Rome applaudissent également)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Le titre Ier concerne l'innovation et le partage des données, le titre II, les droits des consommateurs, la neutralité du Net et les données personnelles, le titre III, les territoires et l'accessibilité pour les publics les plus fragiles. Ce texte a été écrit par quatorze ministères différents et modifie quatorze codes ! Le Gouvernement a bien conscience que le numérique est un objet politique transversal qui nécessite un travail interministériel au plus haut niveau de l'État.
M. Sueur a évoqué la localisation des données. Le Gouvernement en est bien conscient, quand il négocie l'initiative sur la libre circulation des données à Bruxelles ou le Tafta, en prévoyant des exceptions pour les données sensibles en matière de santé, de justice ou de défense.
L'amendement n°108 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°107 rectifié bis et l'amendement n°229.
L'amendement n°295 rectifié est adopté.
L'amendement n°230 n'est pas adopté.
L'article 16 ter, modifié, est adopté.
ARTICLE 17 A (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°455, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la fin de la seconde phrase de l'article L. 312-9 du code de l'éducation, les mots : « et le respect de la propriété intellectuelle » sont remplacés par les mots : « , le respect de la propriété intellectuelle et de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la lutte contre les violences commises au moyen d'un service de communication au public en ligne ».
M. Patrick Abate. - L'apprentissage de la maîtrise des outils numériques, omniprésents, est devenu indispensable. L'initiation prévue par la loi de 2009 ne suffit plus. Il est indispensable de préciser le contenu des enseignements. Les histoires dramatiques d'adolescentes victimes de revenge porn nous interpellent tous. Il s'agit de donner aux enseignants des outils pour lutter contre une cyber-violence qui touche 20 % des jeunes scolarisés.
La commission des affaires culturelles du Sénat a supprimé cet article en arguant de l'opportunité du choix du véhicule législatif. La question de la cyber-violence a pourtant toute sa place dans un texte fondateur de la société numérique, car ce phénomène de société est tout sauf anecdotique.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - La commission, en supprimant l'article 17 A, ne s'opposait pas à son contenu. Mais le code de l'éducation prévoit déjà que l'enseignement moral et civique comprend une formation à l'utilisation responsable des outils numériques. La commission a finalement émis un avis favorable à cet amendement. À titre personnel, je reste défavorable, car il rend la loi bavarde et illisible.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Retrait, car l'amendement est satisfait par l'article L 121-1 du code de l'Éducation nationale. Le plan numérique à l'école comprend un volet de formation des enseignants et des élèves à l'autonomie dans l'environnement numérique.
La « revanche pornographique » et le cyber-harcèlement sont devenus des infractions et des circonstances aggravantes depuis la loi du 4 août 2014.
Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures de sensibilisation des jeunes, des enseignants et des parents : diffusion d'un kit de prévention du cyber-harcèlement à l'école, partenariat avec l'association e-Enfance, numéro vert d'écoute... Des dispositions législatives nouvelles ne sont pas nécessaires.
M. David Assouline. - Le texte ne serait pas le bon vecteur ? Cet argument peut être utilisé pour bien des amendements. Cette loi a l'ambition d'embrasser toutes les problématiques de la révolution numérique. Or cette violence qui s'exprime sur internet peut entraîner le rejet de cet outil. Il s'agit ici de rétablir un ajout de l'Assemblée nationale : nos amis députés sont aussi attachés que nous à la qualité de la loi, mais ils sont conscients qu'une loi sur la République numérique ne peut faire l'impasse sur la question de la cyber-violence qui bouleverse toute la société. Il s'agit de montrer que nous sommes concernés.
Mme Françoise Laborde. - Je suis moi aussi favorable au rétablissement de cet article. Nous sommes tous les enfants de la République, mais pas tous de la République numérique.
Les lois sont parfois trop bavardes. Mais ce bavardage-là est nécessaire pour dire notre vigilance face à la cyber-violence.
M. Patrick Abate. - J'entends vos arguments. Chacun est préoccupé par ces problèmes. Ce projet de loi est transversal par nature ; il traite forcément de sujets déjà traités. Au risque de quelques redondances, nous ne pouvons faire l'impasse sur un tel sujet.
L'amendement n°455 n'est pas adopté.
L'article 17 ter A demeure supprimé.
ARTICLE 17
M. Patrick Abate . - La recherche est une source de progrès qui ne saurait être captée par une minorité pour des motifs mercantiles. Or c'est ce qui se passe aujourd'hui. La présence de cet article est ainsi une bonne nouvelle. Mais il est injustifié de le limiter aux projets financés au moins pour moitié par des deniers publics, alors que les institutions publiques souffrent le plus des tarifs prohibitifs de l'édition. L'extrême concentration du marché entre les mains de quelques éditeurs, guère précaires, place les chercheurs dans une situation de dépendance, et il faut s'atteler au rééquilibrage de leurs relations contractuelles.
Mme la présidente. - Amendement n°456, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 2, première phrase
1° Après le mot :
financée
insérer les mots :
directement ou indirectement
2° Remplacer les mots :
pour moitié
par les mots :
en partie
M. Patrick Abate. - Il est défendu.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - En matière d'open access aux résultats de la recherche scientifique, la question se pose du juste équilibre entre respect de la propriété intellectuelle et diffusion des résultats de la recherche publique. J'ai veillé à favoriser cette diffusion sans mettre le modèle économique des éditeurs en péril.
La commission avait estimé que le critère du financement public était clair et ne méritait pas d'être modifié. Elle a toutefois émis un avis favorable à cet amendement lors de sa réunion du 26 avril. Personnellement, je voterai contre.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Avis défavorable. La libre diffusion des résultats de la recherche est indispensable pour favoriser l'innovation. L'open access est conforme au modèle de la science ouverte et à la réalité de la pratique des chercheurs. Il prend corps en Allemagne, mais aussi en Amérique latine ou au Québec. Pour que la recherche française reste à la pointe de la recherche mondiale, il faut consacrer le droit de tout chercheur à mettre à disposition du public ses écrits issus d'une activité de recherche majoritairement financée par fonds publics. Conservons l'équilibre trouvé, similaire à celui choisi par les pays qui ont légiféré dans ce domaine.
L'amendement n°456 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°264, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
une fois par an
insérer les mots :
ou dans des actes de conférences scientifiques
Mme Dominique Gillot. - Les actes de colloques ou de congrès scientifiques sont prépondérants dans l'ingénierie, l'informatique, ou encore dans la physique, comme le consortium Couperin l'a montré dans son analyse des bases de données citationnelles de Thomson Reuters et Elsevier Relx. Pas moins de de 39 millions d'articles ! Il serait paradoxal d'exclure du champ de la loi tout un pan de publications scientifiques dans ces domaines. Cet amendement revient au texte initial du Gouvernement.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Je comprends l'objectif, mais dans la version initiale, le délai était plus long. Avis favorable de la commission, malgré ma crainte que cela ne bouleverse un équilibre fragile.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Dans le cadre du plan de soutien à l'accélération de la diffusion en libre accès par les éditeurs scientifiques français, un groupe de travail s'est réuni, à la demande du Premier ministre, avec les représentants de tout le secteur ; il propose l'exclusion de ce type de publications, du fait de la particularité du modèle économique de ces ouvrages collectifs. Avis défavorable.
M. Patrick Abate. - La plupart des publications en informatique, en électronique, en télécommunications se retrouvent dans les actes des colloques et congrès ! Nous voterons l'amendement.
L'amendement n°264 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°188, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
est
insérer les mots :
au maximum
Mme Corinne Bouchoux. - Je soutiens aussi les amendements de Dominique Gillot. Il s'agit de choisir entre les chercheurs et le lobby des éditeurs...
Mme la présidente. - Amendement identique n°268, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
est
insérer les mots :
au maximum
Mme Dominique Gillot. - Il serait dommage, alors que ce texte veut traiter les enjeux du numérique, de ne pas valoriser les produits de la recherche. Les revues coûtent fort cher aux universités. C'est une erreur d'exclure les actes des colloques. Donnons aux chercheurs français les moyens de se hausser au niveau de leurs collègues de pays à la législation plus ouverte. C'est un enjeu de souveraineté scientifique.
M. Alain Néri. - Bravo !
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Nous ne devons pas freiner l'avancement de la recherche, mais nous ne devons pas non plus mettre en péril le modèle économique des éditeurs, même s'il est appelé à évoluer.
Les éditeurs et les auteurs peuvent prévoir des délais plus courts - il nous semblait inutile de le préciser. La commission a toutefois émis un avis favorable aux amendements nos188 et 268.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
M. Alain Néri. - Pourquoi ?
M. David Assouline. - J'ai beaucoup hésité sur ces amendements car dans un domaine voisin, je suis sensible à la nécessité de protéger les droits des auteurs et créateurs. Mais Mme Gillot m'a convaincu : ce sont les éditeurs et non les chercheurs qui s'opposent à ses propositions. L'accélération des échanges, la mise en commun des résultats permet des avancées incomparablement plus rapides. S'il y a un domaine où la République numérique, qui regarde avec confiance la révolution numérique, ne doit pas mettre de barrières, c'est bien là - d'autant que les chercheurs eux-mêmes nous le demandent !
M. Bruno Sido. - C'est le vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui prend la parole. Nous rencontrons en permanence des chercheurs, des académiciens. Pour une fois, je suis d'accord avec M. Assouline - ou plutôt avec Mme Gillot : cette loi est une occasion d'avancer sur le TDM. Vous avez retiré des éléments qui étaient dans le texte initial... sous la pression de qui ? Le Royaume-Uni a déjà légiféré en la matière ; les États-Unis et le Japon aussi.
L'amendement de Nathalie Kosciusko-Morizet a été adopté à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement sait bien que Bruxelles va ouvrir en en mai 2016 la négociation pour réviser, fin 2016, la directive de 2001. Nous mettrons deux ans pour transposer la nouvelle directive, comme d'habitude... Autant de temps perdu !
M. Jean-Pierre Sueur. - Le Sénat ne doit pas donner le sentiment de se couper des chercheurs. Faire la différence entre des articles de revue et des participations à des colloques est absurde et indéfendable - c'est l'universitaire qui parle !
Les amendements nos188 et 268 ne prévoient un délai inférieur uniquement dans le cas d'un accord entre l'auteur et l'éditeur : où est le préjudice ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - J'ai donné un avis favorable aux deux amendements. Comme vous le dites, il s'agit d'un accord entre les deux parties.
Oui, monsieur Sido, il faut aussi avancer sur le data mining. Nous allons en parler.
Mme Dominique Gillot. - Mon premier amendement élargissait le champ des publications concernées, celui-ci permet seulement à des scientifiques, en accord avec leurs éditeurs, de raccourcir le délai d'embargo.
Les amendements identiques nos188 et 268 sont adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°95 rectifié, présenté par M. Leleux, Mmes Duranton et Lopez et MM. Dufaut, Bouchet et Karoutchi.
Alinéa 2, seconde phrase
1° Remplacer le mot :
six
par le mot :
douze
2° Remplacer le mot :
douze
par le mot :
vingt-quatre
M. Jean-Pierre Leleux. - Nous souhaitons revenir aux délais initiaux de douze et vingt-quatre mois.
L'enjeu économique ne peut être nié pour des centaines de publications qui ont conclu des rapports exclusifs avec des auteurs. Beaucoup de bibliothèques renonceront à leurs abonnements, sachant la mise en ligne proche... Le Gouvernement le sait bien, qui a prévu plan d'accompagnement - qui n'est pas encore publié.
Il serait aussi dangereux pour la science française, dont l'impact dépend de la publication dans les grandes revues internationales, d'adopter des délais très inférieurs à ceux de nos voisins.
L'amendement n°170 rectifié n'est pas défendu.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Aucune étude d'impact ne nous éclaire. Les éditeurs ne sont pas unanimes. Directeurs de bibliothèques et universitaires excluent de résilier leurs abonnements, car les chercheurs ne veulent pas attendre six ou douze mois. Il faudra d'ailleurs faire preuve de pédagogie pour que les auteurs tirent parti de ce droit secondaire.
Les difficultés de certains éditeurs sont surtout liées au refus du numérique ou de l'anglais...
Je tiens cependant à relayer l'inquiétude des éditeurs, madame la ministre. Avis défavorable.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Avis très défavorable à cet allongement des délais qui nuirait à la recherche française. Il ne s'agit pas ici des droits des auteurs, mais des intérêts des éditeurs...
Le plan d'accompagnement du Gouvernement a pour but principal d'aider les petites maisons françaises qui ont réussi à survivre face aux géants anglo-saxons. Un groupe de travail a été mis sur pied, il est dommage que les éditeurs privés y soient parfois allés à reculons...
Le plan, en cours de validation, prévoit des aides financières et des licences nationales avec les plateformes de diffusion ou les éditeurs. Une enveloppe supplémentaire de 2 millions d'euros sur cinq ans a été réservée, et une aide spécifique est prévue pour la traduction des articles en sciences humaines et sociales. Un bilan sera établi dans deux ans. Les éditeurs seront évidemment associés, ils disposent de la version de travail du projet.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous venons de voter l'amendement n°268, quelle cohérence y aurait-il à voter celui-ci ? Douze est-il inférieur à six ? La logique voudrait que cet amendement tombe...
M. Jean-Pierre Leleux. - Merci de nous avoir communiqué quelques éléments du plan, madame la ministre. Il était attendu fin janvier 2016...
L'amendement n°95 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°500 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un délai inférieur peut être prévu pour certaines disciplines, par arrêté du ministre chargé de la recherche.
Mme Françoise Laborde. - Si les délais d'embargo prévus par le projet de loi correspondent aux recommandations européennes, ouvrir la possibilité d'un délai inférieur serait un gage de souplesse : en informatique par exemple, les articles pourraient être mis à disposition sur internet avant même publication pour prendre l'avis des pairs - c'est d'ailleurs courant.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Avis défavorable, cela créerait une insécurité juridique et autoriserait le pouvoir réglementaire à empiéter sur le droit de propriété intellectuelle.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Avis défavorable aussi. Le Gouvernement veut établir un équilibre durable. Les délais de six et douze mois correspondent aux recommandations de la Commission européenne en juillet 2012 et du programme H 2020.
L'amendement n°500 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°262, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La recherche publique bénéficie sans restriction du droit à l'extraction d'informations sur les données publiées relevant de ses activités scientifiques, pour ses propres besoins à l'exclusion de toute exploitation commerciale.
Mme Dominique Gillot. - Les techniques automatiques de fouille de textes et données permettent, grâce à des algorithmes, de faire des recherches dans des gisements immenses dans un temps réduit. Des recherches naguère irréalisables deviennent possibles. L'enjeu est considérable pour l'innovation et la souveraineté scientifique de la France, en génétique par exemple ou pour la recherche de corrélations dans des processus complexes. Faut-il laisser les chercheurs continuer à oeuvrer hors de toute légalité ? Les dispositions de l'article 18 bis vont dans le bon sens, mais insuffisamment. Cet amendement est le moins que nous puissions faire pour nos chercheurs au bénéfice de notre société apprenante.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Nous traiterons plus tard du trade and data mining (TDM), dont la France ne peut en effet se priver. Il se pratique aux États-Unis, au Canada, au Japon, au Royaume-Uni, mais la directive européenne de 2001 l'interdit. En attendant sa révision d'ici quelques mois, la commission a réécrit l'article 18 bis - qui, dans sa version adoptée à l'Assemblée nationale était contraire à cette directive et donc inapplicable.
La commission, lors de sa dernière réunion, a toutefois donné un avis favorable à cet amendement. Personnellement, je m'en tiens à la rédaction actuelle.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Nous y reviendrons à l'article 18 bis.
L'amendement n°262 n'est pas adopté.
L'article 17, modifié, est adopté.
ARTICLE 17 BIS
M. Michel Savin . - Ne manquons pas le rendez-vous de la modernité et du e-learning, malgré les oppositions. De nombreuses écoles et universités fournissent ainsi des formations qualifiantes de très haut niveau, et cet article est bienvenu.
Mais le décret du 17 novembre 2014 freine les étudiants qui ont de lourdes contraintes par ailleurs, comme les sportifs de haut niveau. Les formations en e-learning ne peuvent non plus bénéficier des ressources de la taxe d'apprentissage alors que les investissements nécessaires sont considérables. Il faut y remédier.
M. Patrick Abate . - Introduit à l'Assemblée nationale sans étude d'impact, cet article assouplit les conditions de l'enseignement à distance. À nos yeux, celui-ci ne saurait se substituer à l'enseignement présentiel d'autant que les succès du e-learning restent à démontrer...
La tentation sera grande pour des universités en mal de financement, poussées à rechercher des ressources propres, de supprimer des cours pour vendre des MOOCs, au détriment de la qualité et de la diversité de l'offre de formation. Un site privé en vend déjà pour 20 à 300 euros par mois.
Oui à la complémentarité, non à la substitution. Nous voterons contre cet article et les amendements qui s'y rattachent.
Mme la présidente. - Amendement n°265, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
à distance et tout au long de la vie
par les mots :
initiale, continue et tout au long de la vie, à distance
Mme Dominique Gillot. - Le numérique est un défi et une opportunité pour l'enseignement supérieur, et pas seulement à destination des étudiants empêchés. Dans le cas de la formation initiale ou plus tard, l'enseignement numérique est un vecteur de diversification de l'offre et d'innovation pédagogique - l'État pourra apporter son aide - qui permettra de faire face à la massification de l'enseignement supérieur tout en évitant le recours au tirage au sort quand les capacités d'accueil sont dépassées. D'où nos deux amendements.
Mme la présidente. - Amendement n°263, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 611-8 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les enseignements mis à disposition sous forme numérique par les établissements ont un statut équivalent aux enseignements dispensés en présence des étudiants selon des modalités qui sont précisées par voie réglementaire. »
... - Au dernier alinéa du même article L. 611-8, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».
Mme Dominique Gillot. - Défendu.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Cet amendement me paraît inutile : la formation tout au long de la vie est un continuum, qui inclut formation initiale et continue et couvre toutes les situations où s'acquièrent des connaissances. Avis favorable de la commission, néanmoins, aux deux amendements.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Le développement de l'enseignement à distance n'est pas guidé par des impératifs budgétaires : c'est un facteur de démocratisation et d'accessibilité à la formation. Les États-Unis, mais aussi de nombreux pays d'Afrique l'ont bien compris. Les méthodes de l'enseignement à distance sont aussi, souvent, plus interactives, moins unilatérales. On compte aujourd'hui, en France, un million d'inscrits à 150 cours en ligne, du droit constitutionnel à la gestion des risques financiers. C'est justement pour faire face au risque de privatisation que la France doit affirmer un modèle républicain et autoriser les établissements publics à proposer ce type de formations.
L'enjeu n'est pas moindre pour la francophonie et la résistance à la domination anglo-saxonne.
Sagesse sur l'amendement n°265. Avis favorable à l'amendement n°263.
M. Jean-Yves Leconte. - Ces amendements sont essentiels pour que nos établissements d'enseignement supérieur se projettent sur tous les territoires mais aussi à l'international. N'oublions pas non plus que les Français représentent moins de 10 % des francophones, nous devons être à la hauteur de nos responsabilités vis-à-vis des pays d'Afrique, par exemple. L'Australie, elle, a su se rendre attractive à travers le monde.
L'amendement n°265 n'est pas adopté.
L'amendement n°263 est adopté.
L'article 17 bis, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°269, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 124-3 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le volume pédagogique minimal de formation en établissement n'est pas requis pour les formations supérieures suivies exclusivement à distance. La charge de travail réalisée lors des périodes de formation en milieu professionnel et des stages par l'étudiant inscrit dans une formation à distance est inférieure ou égale à la moitié de celle prévue dans son année de formation. »
Mme Dominique Gillot. - Actuellement, un stage n'est possible que dans le cadre d'une formation offrant au moins 200 heures d'enseignement. L'enseignement à distance est donc exclu.
Les stages sont pourtant particulièrement importants pour l'insertion professionnelle, notamment en fin d'études, comme l'indique l'enquête de 2015 sur 173 établissements - 30 % des diplômés trouvent un poste dans la continuité de leur stage de fin d'études. D'où notre amendement qui prévient par ailleurs toute dérive.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Oui, il faut supprimer le volume d'heures minimal, mais il faudra s'assurer que les formations à distance respectent des critères de qualité - que le pouvoir réglementaire devra fixer.
Avis favorable de la commission.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Retrait. Très favorable aux formations en ligne, je crains cependant les dérives telles que le développement des boîtes à conventions de stage...
M. Mandon a identifié cette question et le Gouvernement s'engage à trouver une solution concertée dès cette année. Le décret de novembre 2014 sera modifié.
Mme Dominique Gillot. - Je ne crois pas que les boîtes à stages soient intéressées. Néanmoins, sachant le travail de simplification et de modernisation entrepris par M. Mandon, je retire volontiers l'amendement.
L'amendement n°269 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°266, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'éducation est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Les diplômes peuvent être obtenus en formation initiale ou continue tout au long de la vie, par des enseignements en présence des étudiants, à distance, ou par ces deux moyens combinés. Un décret précise les modalités d'encadrement et d'évaluation des enseignements à distance. » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Une période de césure dans les études supérieures peut être réalisée au cours d'un cycle ou entre deux cycles, dans des conditions définies par décret. »
Mme Dominique Gillot. - Il importe que les modalités nouvelles d'enseignement puissent être reconnues et comptabilisées pour l'obtention des diplômes, dans des conditions fixées par décret.
Cet amendement confirme aussi que les étudiants peuvent interrompre leurs études par une césure pour acquérir une expérience, dans une association par exemple, selon des modalités fixées non plus par circulaire, mais par décret.
Mme la présidente. - Amendement n°267, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'éducation sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Les diplômes peuvent être obtenus en formation initiale ou continue tout au long de la vie, par des enseignements en présence des étudiants, à distance ou par ces deux moyens combinés. Un décret précise les modalités d'encadrement et d'évaluation des enseignements à distance. »
Mme Dominique Gillot. - Amendement de repli...
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Favorable aux principes posés par l'amendement n°266, je ne suis pas sûre qu'il soit nécessaire de les inscrire dans la loi. La commission lui a néanmoins donné un avis favorable, ainsi qu'à l'amendement n°267 malgré mes doutes.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Retrait de l'amendement n°266, car ces deux dispositions sont satisfaites par le droit existant. S'agissant du droit à la césure, l'évolution souhaitable est surtout culturelle : l'année de césure n'est pas valorisée à sa juste valeur par les recruteurs, contrairement à ce que l'on observe au Royaume-Uni ou au Canada. Encourageons-les à changer de regard !
Sagesse sur l'amendement n°267, que je crois cependant satisfait par l'article L. 123-3 du code de l'éducation.
Mme Dominique Gillot. - La circulaire signée pour la dernière rentrée doit être mieux diffusée et appliquée qu'elle ne l'est aujourd'hui, si l'on en croit les organisations étudiantes. Je maintiens l'amendement n°267 afin de garantir la qualité de l'enseignement à distance et sa validité pour l'obtention des diplômes.
L'amendement n°266 est retiré.
L'amendement n°267 est adopté et devient article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°622, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 822-1 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut assurer la gestion d'aides à d'autres personnes en formation. »
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Contrairement aux apparences, cet amendement a toute sa place dans cette loi, puisqu'il porte sur une grande école du numérique, grande école d'un nouveau genre créée il y a un an et qui offre déjà 171 formations dans tous les territoires. De jeunes développeurs autodidactes découvrent ainsi tout le potentiel de leurs compétences.
L'enjeu est d'intégration sociale ; il est aussi économique, car la France a du retard dans la numérisation de ses PME. Pour cela, il faut accéder aux talents, aux ressources humaines, à des couteaux suisses du numérique.
Mme la présidente. - Amendement n°622, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 822-1 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut assurer la gestion d'aides à d'autres personnes en formation. »
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Contrairement aux apparences, cet amendement a toute sa place dans cette loi, puisqu'il porte sur une grande école du numérique, grande école d'un nouveau genre créée il y a un an et qui offre déjà 171 formations dans tous les territoires. De jeunes développeurs autodidactes découvrent ainsi tout le potentiel de leurs compétences.
L'enjeu est aussi économique, car la France prend du retard dans la numérisation de ses PME. Pour cela, il faut accéder aux talents, aux ressources humaines, à des « couteaux suisses » du numérique. Dans ce domaine, l'offre d'emplois excède la demande. Pour créer cette grande école, le Gouvernement s'était engagé à financer sur trois à vingt-quatre mois cette formation exigeante. L'amendement n°622 permet au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) de verser des bourses à ce public non étudiant. Pas de République numérique sans espoir d'une insertion professionnelle qui remplisse par ailleurs les besoins des PME.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - Sur le principe, je n'y suis pas opposée, mais le dépôt de cet amendement avant-hier très tard n'a pas permis de l'analyser... La commission a toutefois donné un avis favorable. Si nous parlementaires, l'avions déposé, il aurait relevé de l'article 40...
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Cela devait figurer soit dans ce texte, soit dans le projet de loi Égalité et citoyenneté ; nous avons choisi ce texte pour que les apprenants concernés puissent bénéficier le plus vite possible de ces bourses.
Les crédits sont déjà prévus au budget de l'État.
M. Jean-Yves Leconte. - Quelle part du budget du Cnous sera-t-elle concernée ? Pourquoi le Cnous, qui a déjà de larges responsabilités ? Pourquoi ne pas faire appel à d'autres établissements publics ou organismes, tels que les Assedic ?
M. Patrick Abate. - L'objectif est tout à fait louable. Le Cnous s'adresse à des étudiants, pour lesquels il a fort à faire. Là, il s'adresserait à des salariés au chômage ou en conversion, ou encore à des personnes sans qualification. Quid de la responsabilité des entreprises ? Connaissant les difficultés actuelles du Cnous, nous sommes inquiets. D'autres organismes auraient pu, en effet, participer au financement de ces bourses, d'autant que cette grande école numérique regroupe 170 entités très diverses, des associations, aux IUT, en passant par les collectivités locales et des CFA...
Nous avons des réserves.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Aïe, aïe, aïe... Si nous avons pu créer 171 formations labellisées en moins d'un an, c'est que nous n'avons pas tenu des raisonnements semblables aux vôtres, messieurs les sénateurs, cherchant à choisir l'organisme le plus approprié. Sinon, nous aurions mis, disons trois ou quatre ans au moins à obtenir un tel résultat !
L'urgence sociale était de saisir l'opportunité qu'un organisme comme le Cnous accepte de le financer. La ministre de l'éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, s'est mobilisée et a décidé de réserver dix millions d'euros sur le budget du Cnous à ce projet.
Les universités, des IUT, des écoles de la seconde chance, mais aussi des formations d'entreprises privées, en effet, ou des associations, ont été labellisés. J'en parle avec passion, car je connais ces jeunes, je les vois régulièrement et j'ai rencontré encore tout récemment à Rennes, dans un quartier prioritaire, où l'on m'avait déconseillé d'aller, car il est réputé dangereux, des diplômés de ce cursus, qui trouvent un emploi à 90 %.
Cela coûte 70 000 euros maximum par formation labellisée. Cinq millions d'euros sont destinés à la grande école numérique et le programme des investissements d'avenir participe au titre des ministères de la jeunesse et de la formation professionnelle.
Remercions le Cnous de le financer...
M. Joël Labbé. - Très bien !
M. David Assouline. - Il y a des décrocheurs dans ce pays. C'est maintenant que des offres d'emploi demeurent non satisfaites notamment dans ce secteur du numérique parce qu'il n'y a pas les jeunes formés pour cela.
Il s'agit ici de faire raccrocher un jeune sorti du système scolaire vers une formation de niveau supérieur qui, à 90 %, lui assure un emploi ; non pas à Paris, comme les grandes écoles élitistes, mais dans 170 lieux répartis sur tout le territoire.
C'est une réussite éclatante. Doit-on se demander d'abord qui paye ? Que le Cnous soit concerné est symbolique : c'est dire à ces jeunes qu'ils sont des étudiants. Une question toutefois : ces 10 millions d'euros seront-ils simplement prélevés sur le budget du Cnous ou celui-ci sera-t-il abondé à due concurrence ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Le budget du Cnous est de 1,3 milliard d'euros et je parle bien de 10 millions d'euros sur trois ans pris sur ce budget.
L'amendement n°622 rectifié est adopté et devient article additionnel.
Les articles 17 ter et 18 sont successivement adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°627, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 4° du II de l'article 27 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après les mots : « téléservices de l'administration électronique », sont insérés les mots : « tels que définis à l'article 1er de l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, ».
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Il s'agit de changer de place l'article 25 bis adopté à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur concernant les autorisations délivrées par la Cnil pour la création de fichiers de téléservices administratifs. Il ne m'en voudra pas...
M. Jean-Pierre Sueur. - J'en suis heureux ! (Sourires)
L'amendement n°627, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°231, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 311-8 du code des relations entre le public et l'administration est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque une demande faite en application du I de l'article L. 213-3 du code du patrimoine porte sur une base de données et vise à effectuer des traitements à des fins de recherche ou d'étude présentant un caractère d'intérêt public, l'administration détenant la base de données ou l'administration des archives peut demander l'avis du comité du secret statistique institué par l'article 6 bis de la loi n°51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. Le comité peut recommander le recours à une procédure d'accès sécurisé aux données présentant les garanties appropriées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« L'avis du comité tient compte :
« 1° Des enjeux attachés aux secrets protégés par la loi, et notamment la protection de la vie privée et la protection du secret industriel et commercial ;
« 2° De la nature et de la finalité des travaux pour l'exécution desquels la demande d'accès est formulée. »
II. - L'article L. 213-3 du code du patrimoine est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'article 226-13 du code pénal n'est pas applicable aux procédures d'ouverture anticipée des archives publiques prévues aux I et II du présent article. »
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement, par une inspiration commune, est le même que celui du Gouvernement. (Sourires) Il complète la procédure d'accès anticipé aux archives publiques, afin de prendre en compte le cas des grandes bases de données utilisées à des fins de recherche ou d'étude présentant un intérêt public et d'éviter un trop grand nombre de refus.
Des administrations comme la Cnaf, la Cnav ou l'Acoss n'ont pas le statut de service statistique ministériel et ne peuvent utiliser la procédure prévue pour la communication aux chercheurs des données statistiques. Elles rencontrent ainsi certains freins pour développer l'accès des scientifiques à leurs données.
Il faut évidemment y remédier. Tel est l'objet de cet amendement.
Mme la présidente. - Amendement identique n°615, présenté par le Gouvernement.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Derrière les amendements techniques, il y a parfois des enjeux considérables. Certaines données sont aujourd'hui considérées comme sensibles. Pourtant, le centralisme a parfois du bon - notre pays possède des trésors, comme les données des organismes de sécurité sociale, largement inexploitées par nos chercheurs. La Cour des comptes, qui vient de rendre un rapport sur le système d'information de l'assurance maladie, dresse le même constat.
Des données statistiques, relatives au budget des ménages par exemple, ont été rendues accessibles aux chercheurs publics en 2008, puis les données fiscales en 2013, et les données de santé en 2016.
Le mécanisme proposé est extrêmement protecteur, grâce à un double verrou : le Comité du secret statistique doit être saisi par l'administration pour valider la pertinence des travaux scientifiques, puis le comité des archives - cela vient de la troisième grande loi de 1978, avec les lois Cada ou Cnil, qui concerne les archives et protège leur intégrité. Ce dispositif est importé ici.
Il répond à une demande forte des chercheurs qui doivent aujourd'hui partir à l'étranger pour trouver des données étrangères !
Cela gêne leurs travaux pour mesurer par exemple l'impact des politiques publiques. Il s'agit donc aussi d'objectiver, par la recherche scientifique, le débat démocratique. Thomas Piketty, par exemple, nous le demande.
Nul transfert de données n'est possible - je vous rassure. Ces techniques consistent simplement à les lire pour les exploiter scientifiquement.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Ces amendements nos231 et 615 veulent contourner le caractère non communicable de certaines données au moyen d'une procédure juridiquement assez fragile : on assimilerait des documents à des archives vivantes, ce qui autorise le service des archives à ouvrir les bases de données. Bref, la voie normale, celle de la Cnil, étant fermée, on crée, en quelque sorte, un itinéraire bis qui suscite bien des réserves.
Les archives acceptent la communication des documents à 85 %, il n'y a pas urgence à la faciliter encore. De plus, toute réutilisation serait interdite ; or le data mining, indispensable, en serait une. En définitive, l'itinéraire bis ainsi controuvé serait donc bouché.
J'ai cherché en vain une solution qui tienne la route, juridiquement, dans le peu de temps laissé par le dépôt tardif de cet amendement : il faudrait revoir tout le système ; la réflexion, à l'évidence, n'est pas mûre, d'autant que le sujet n'a été abordé ni à l'Assemblée nationale, ni pendant les travaux préparatoires, ni pendant la consultation publique. Nous aurions pourtant aimé connaître l'avis du Conseil d'État sur une telle procédure.
Les données de santé bénéficient de garanties spécifiques ici absentes. Quant aux chercheurs qui analysent les politiques publiques, ils ont déjà librement accès aux données fiscales, comme à celles de l'Insee. Les deux verrous que vous citez n'en sont pas, en réalité : le Comité du secret statistique donne un avis qui ne lie pas, le service des archives n'est pas une autorité indépendante. D'où notre conclusion : retrait ou rejet.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Je note, hélas, de votre part, une certaine défiance à l'égard de la communauté des chercheurs, qui sont soumis, je le rappelle, au secret professionnel...
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Il ne s'agit pas de cela !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - L'accès aux données fiscales est libre, alors qu'elles sont très personnelles, dans des conditions spécifiques ; pourquoi l'accès aux données sociales ne le serait-il pas ?
L'administration elle-même est prête à s'engager, comme le montre la mise en cause de la responsabilité pénale du directeur.
Les échanges de données actuelles avec les chercheurs se font sur une base juridique fragile. Je parle d'un envoi de clé USB par la Poste.
Je crains que ces réticences, ces résistances, cette prudence ne plombent les capacités de nos chercheurs à avancer.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Les travaux de nos deux commissions et du Sénat, les dispositions que nous avons votées à l'article 18 notamment, montrent qu'il n'y a de notre part nulle défiance à l'égard des chercheurs. Mme Touraine a présenté dans la loi Santé des garanties suffisantes, que nous aurions attendues ici. Votre argument ne me convainc pas, madame la ministre, d'autant que l'amendement lui-même dit bien que le code pénal n'est pas applicable. Je maintiens l'avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je n'ai pas été convaincu par M. Frassa. Où est le problème ? Nos chercheurs en démographie, en sociologie, en anthropologie et autres sciences sociales ont besoin de données.
Pourquoi les en priver, dès lors que deux comités s'assurent que cela ne portera pas atteinte à la vie privée ?
Les fichiers de la Cnaf sont très utiles pour l'analyse de l'évolution des familles et des revenus. N'ayons pas peur de notre ombre !
Le Sénat doit montrer sa capacité à peser et démontrer sa sympathie pour les chercheurs de notre pays. Il ne faudrait pas nous quitter ce soir en n'ayant fait que leur adresser des mises en garde ou leur opposer des restrictions.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Cette question est très délicate, et M. Sueur ne m'a pas du tout convaincu. Nous sommes tous ici sensibles aux intérêts de la recherche scientifique - ce n'est pas la question. Le régime actuel fonctionne bien : 85 % des demandes adressées aux Archives sont satisfaites.
Le travail législatif auquel vous nous conviez relève d'une certaine improvisation. Il s'agit de données non communicables au nom de la vie privée ; leur incommunicabilité serait ordonnée pour des motifs d'intérêt général de recherche, mais sans les garanties qu'avait prévues Mme Touraine. Repoussons ces deux amendements.
Les amendements identiques nos231 et 615 sont adoptés et deviennent article additionnel.
L'article 18 bis A est adopté.
ARTICLE 18 BIS
M. Patrick Abate. - Cet article soumet la fouille des données à la domination des éditeurs. Nos amendements cherchent à y remédier.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Le Text and Data Mining (TDM) est formidable. En priver les chercheurs serait regrettable. Un seul pays en Europe, le Royaume-Uni l'a autorisé, après les États-Unis et le Japon. Mais d'autres pays, comme l'Allemagne, s'interrogent. Des partenariats entre chercheurs français et britanniques seraient fragilisés par cette différence légale.
J'en parlais avec un professeur d'Oxford, grand informaticien, qui ne comprenait pas les obstacles juridiques opposés en France à l'utilisation du TDM. Pour les lever, il y a trois voies : celle de l'Assemblée nationale, qui comme au Royaume-Uni, utilise la voie légale ; la voie contractuelle que vous proposez ; l'exception de copie provisoire. Bien des observateurs, en Allemagne notamment, attendent notre décision.
Le choix du Gouvernement a été de réserver une nouvelle exception au droit d'auteur au niveau européen, sans anticiper dans la loi le résultat de ces discussions.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. - J'ai rencontré de nombreuses personnalités pour trouver un compromis. Notre commission a choisi la voie contractuelle, en attendant la révision du droit européen. Notre solution est utile et équilibrée. Avis défavorable.
Mme Dominique Gillot. - C'est en effet paradoxal : vous craignez que les conservatismes restreignent les activités de recherche - mais proposez de supprimer l'autorisation de recourir au TDM...
Nous avons tous reçu des incitations à l'autoriser. La dernière que nous ayons reçue lundi est signée d'une foule de sommités qui font l'honneur de la France. (L'oratrice lit la lettre)
Pour éviter de porter un coup frontal à la recherche française, disent-ils, il faut établir une exception au droit d'auteur. L'Allemagne vient de modifier sa loi fondamentale pour anticiper une révision prochaine du droit européen. (Marques d'impatience sur certains bancs)
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Dominique Gillot. - C'est important !
Mme la présidente. - Certes, mais vous avez dépassé votre temps de parole...
M. Alain Fouché. - C'est dommage !
Mme Dominique Gillot. - Je voterai contre l'amendement du Gouvernement.
L'amendement n°585 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Nous avons examiné aujourd'hui 97 amendements. Il en reste 383.
Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 28 avril 2016, à 10 h 30.
La séance est levée à 1 h 25.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du jeudi 28 avril 2016
Séance publique
À 10 h 30
Présidence : Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
Secrétaires : Mme Valérie Létard - M. Philippe Nachbar
1. Explications de vote et vote, en deuxième lecture, sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n°2015 - 1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (texte de la commission, n°530, 2015-2016)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il sera examiné conformément à la procédure d'examen en commission selon laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission.
2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n°325, 2015-2016).
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n°534, 2015-2016).
Texte de la commission (n°535, 2015-2016).
Avis de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (n°524, 2015-2016).
Avis de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°525, 2015-2016).
Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 526, 2015-2016).
Avis de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°528, 2015-2016).
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président
3. Questions d'actualité au Gouvernement.
À 16 h 15 et le soir, jusqu'à minuit trente
Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente M. Hervé Marseille, vice-président
4. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n°325, 2015-2016).