Nouvelles intercommunalités
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi modifiant la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République pour permettre de rallonger d'un an le délai d'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités, présentée par M. Jacques Mézard et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Demande du groupe RDSE)
Discussion générale
M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi . - On n'échappe pas à sa destinée ; la nôtre, monsieur le ministre, est de nous opposer, malgré notre amitié, par la volonté de l'exécutif et de son chef ; je n'ai guère souhaité cette confrontation que le Gouvernement désire, sans regard pour l'expression des territoires. Nous avons élaboré cette proposition de loi avant votre nomination, pour insuffler une bouffée d'oxygène, desserrer le carcan autoritaire que la loi NOTRe impose aux élus locaux. De quoi s'agit-il ? Tout simplement de permettre à titre exceptionnel à ceux qui en expriment la volonté, confirmée par un vote majoritaire de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), de différer d'un an la création par fusion d'une nouvelle intercommunalité.
De grâce, assez de caricatures et d'approximations ! Soyons clairs : le but n'est aucunement de remettre en cause le principe et l'application de la loi NOTRe, ni les schémas départementaux révisés de coopération intercommunale. Nous n'y touchons pas, tels qu'ils sont validés, si nous donnons à la commission départementale de coopération intercommunale la possibilité de saisir le préfet pour un report d'un an, au 1er janvier 2018 au lieu du 1er janvier 2017.
Les nouvelles intercommunalités prêtes ne seront donc gênées en rien, quoi qu'en dise le Gouvernement. Dans chaque département, des fusions seront réalisées dès 2017, sans que les alternances n'y puissent rien. Arguer des diverses zones de revitalisation rurale, c'est donc fallacieux ; ce n'est pas la première fois que le Gouvernement est contradictoire - qu'il prétend que c'est la lune de miel, dans les départements, entre les élus et les préfets ; cependant, il annonce à présent une avalanche de reports au cas où notre proposition serait adoptée. Ces deux arguments sont à mon sens erronés. Il faudrait savoir : de deux choses l'une, ou il s'en tient aux « informations » que lui fait remonter complaisamment la haute administration, ou il accepte de regarder la réalité en face, celle que nous connaissons, sur le terrain.
Qu'en est--il ? Dans certains départements - pas tous - se posent de vrais problèmes techniques, administratifs, mais aussi des problèmes de gouvernance future. Fusionner des communautés de communes à régimes de fiscalité différents, des agglomérations ou des communautés urbaines avec des communautés de communes, des intercommunalités aux compétences différentes et dont certaines devront être restituées aux communes : tout cela n'a rien de simple.
Cette grande diversité empêche de fusionner à la hussarde. Il ne suffit pas d'affirmer que les services de l'État sont là pour assister les élus locaux. Ainsi, des intercommunalités capteront plus de deux cents élus, au mépris des relations avec les citoyens.
Mme Lebranchu n'a pas répondu - comme à son habitude - à une question que nous lui posions ici sur la carte des conseillers : quelle manque de considération pour les élus locaux ! Monsieur le ministre, si l'association nationale des EPCI nous soutient, si dix-neuf députés socialistes ont déposé un texte dans notre sens...
M. Pierre-Yves Collombat. - Tant que cela ?
M. Jacques Mézard. - ...c'est qu'il y a bien un problème, perçu sur la plupart des bancs. Deux autres propositions de loi, l'une des radicaux, l'autre des républicains, vont dans le même sens. Je salue le travail et la sagesse de notre rapporteur. Vous allez nous dire, monsieur le ministre, que la loi doit être appliquée - mais pourquoi pas le faire intelligemment, même si ce n'est pas l'habitude de la technocratie...
Vous allez nous dire, monsieur le ministre : « la loi de la République doit être appliquée quoi qu'on en pense ». Certes, mais n'est-il pas encore meilleur d'appliquer intelligemment la loi ? N'est-il pas de notre devoir de législateurs - et vous le fûtes - d'améliorer la loi ?
Pourquoi cela ne se passe pas bien ? Parce que le Gouvernement, et son exécutant, votre prédécesseur, a voulu passer en force en brutalisant les élus locaux. Ordre fut donné aux préfets de fabriquer des intercommunalités les plus grosses possibles, bien au-delà du seuil de 15 000 habitants et en piétinant l'accord conclu avec le Sénat sur les dérogations à 5 000 habitants, possibles dans 57 départements, jetées aux oubliettes par les préfets.
C'est ça la stricte vérité ! Cette réforme traduit les propositions, non des élus de la République, mais encore une fois, de la haute fonction publique, du fameux rapport de Terra Nova, et de celui de 2014 de Mme la commissaire générale à l'égalité des territoires qui écrivit à vos prédécesseurs : « il faut raisonner en territoire vécu.... L'objectif est de limiter le nombre d'EPCI, pour augmenter leurs atouts. Un nombre inférieur à 1 000 (2 108 actuellement) semble une bonne cible... La loi devra être très restrictive sur les exceptions de taille... ». J'en passe et des meilleures !
Le vrai but : de très grandes régions, avec de grands EPCI, la suppression des départements et in fine du Sénat !
Lorsqu'il s'agit de gagner du temps sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes on fabrique un référendum. Lorsqu'il s'agit de la réforme territoriale, le Gouvernement passe en force, au motif que, s'il consultait les élus, les réponses de ces derniers seraient négatives !
Monsieur le ministre, nous avons combattu ensemble contre ces textes. Nous avons pensé, peut-être à tort, qu'avec son intuition profonde le chef de l'État avait considéré que vous étiez le mieux à même d'appliquer ces lois avec la sagesse d'un élu local d'expérience, la capacité de concilier les objectifs de l'exécutif avec les réalités du terrain et les difficultés des élus de nos territoires.
Avec cette proposition de loi nous vous offrons le moyen de tendre la main aux collectivités sans renier votre engagement au sein du Gouvernement.
Je ne saurais conclure sans citer le « discours pour la liberté » de Clemenceau : « Dans la République, la liberté c'est le droit commun de chacun et l'autorité ne peut être que la garantie de la liberté de chacun ; malgré vous, je demeure solidaire de mon parti à condition qu'il représente nos idées, et si mon parti abandonne pour un moment ces idées, je continuerai, fussé-je seul à les défendre !» (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)
M. Patrick Masclet, rapporteur de la commission des lois . - Cette proposition de loi facilite la réalisation des schémas de coopération intercommunale : de nombreux territoires manquent d'éléments pour construire un véritable projet de territoire. Cependant, tous ne demandent pas de délai supplémentaire, certains voulant même aller le plus vite possible. Je remercie les associations nationales d'élus, l'AMF et l'Assemblée des communautés de France (AdCF), pour leur écoute et leurs remarques. Toutes convergent : le message est celui de réussir de la meilleure façon la mise en oeuvre des schémas. En outre, deux grands principes doivent être respectés : ne pas modifier les SDCI et le constat de délais très contraints fait glisser sur un autre mandat (et donc de nouveaux élus) la mise en oeuvre d'une nouvelle intercommunalité.
Il faut aussi reconnaître la complexité de certaines situations fiscales (TPU, fiscalité additionnelle, fiscalité mixte...)... Pour de très nombreuses intercommunalités, on ajoute un nouveau régime transitoire fiscal à un régime fiscal transitoire existant depuis la loi de 2010...
Les autres associations vont dans le même sens : ne pas modifier les schémas, en place depuis le 31 mars, mais aussi tenir compte des difficultés de certains territoires. Personne ne remet en cause les schémas départementaux, laissons les collectivités y répondre, l'AdCF estime à quinze mois le délai de préparation des fusions, les questions sont techniques.
Le délai supplémentaire d'un an prolongera les débats sur le rapprochement et la fusion des compétences, tout en respectant le délai légal pour l'exercice des compétences facultatives, c'est un point sensible par exemple pour les services à la personne.
Pour la fiscalité, deux régimes transitoires vont coexister, c'est une difficulté. De même, les très grandes intercommunalités, dites « XXL », posent des problèmes de gouvernance.
Cette proposition de loi ne fait que proposer une clause de délai supplémentaire en cas de difficulté, sans ralentir les projets prêts au 1er janvier 2017. Nous avons prévu la saisine de la CDCI avant juillet 2016, c'est-à-dire avant que le préfet ne se prononce, en ne visant que les projets de fusion, pour ne pas bloquer les autres projets. Nous avons également prévu qu'elle se prononce à la majorité de ses membres, et non à une majorité des deux tiers, très difficile à obtenir.
Ce texte apportera donc du lien dans la construction de l'organisation territoriale de notre République. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - Cette proposition de loi prétend répondre à l'inquiétude qui serait celle des maires : le Sénat est donc tout à fait dans son rôle constitutionnel - et je me réjouis de cette occasion de vous rassurer. Huit mois après l'adoption de la loi NOTRe, longuement débattue, vous posez la question de sa mise en oeuvre, alors que les procédures sont en cours. Le seuil de 15 000 habitants résulte d'un accord de votre CMP, après un long débat avec les députés ; il s'agit que les intercommunalités puissent exercer leurs compétences, en synergie, voire en osmose avec les communes.
L'exposé des motifs évoquait des « territoires équilibrés », pour un optimum au service de nos compatriotes. Ce seuil est pondéré, selon des critères géographiques et démographiques - de même que les intercommunalités constituées après 2012 peuvent rester inchangées.
Votre mission de contrôle et de suivi de la réforme territoriale, dont j'ai suivi les travaux avec attention, a validé également ce nouveau seuil.
Dès septembre, les préfets ont soumis des projets de schémas, les conseils municipaux et communautaires ont été consultés ; les avis ont été très majoritairement favorables dans plus de la moitié des cas, puis ont été amendés ; le nombre d'EPCI passerait ainsi de 2 061 à 1 249.
Mme Françoise Laborde. - C'est bien ce que nous disions.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Certes, tout n'a pas été sans frottement, je le sais très bien comme élu local, sur le terrain, où je suis aussi, Monsieur le président Mézard. Les CDCI ont joué tout leur rôle, allant plus loin que les préfets dans quatorze départements. Dans la plupart des cas, le consensus est avéré, nulle part on a souhaité le statu quo, partout on veut plus d'efficacité, et atteindre une masse critique. Je n'ignore pas, cependant, la persistance de certaines frustrations.
Dans son exposé des motifs, cette proposition de loi déclare que le défaut de délai supplémentaire empêcherait toute mise en oeuvre harmonieuse.
Votre commission des lois a apporté des pondérations que je tiens à saluer, mais qui ne rendent pas ce texte plus utile : je ne suis pas favorable à ce délai supplémentaire, qu'y gagnerons-nous alors qu'il reste encore vingt mois ? On ne réglera pas les problèmes délicats en reportant les décisions ! Vous avez raison de critiquer l'instabilité institutionnelle : restons-en au délai convenu !
Laissons les élus travailler dans ce cadre, surtout que, comme vous le dites, ce délai supplémentaire ne change rien aux schémas ; en fait, ce délai supplémentaire fragiliserait les avantages fiscaux des zones de revitalisation rurale, c'est important.
Certes, le mandat des conseillers communautaires pose problème, mais la jurisprudence constitutionnelle est claire : elle n'autorise pas le maintien.
Le Gouvernement est conscient des problèmes, il y a apporté des solutions et reste ouvert ; la loi NOTRe le permet, par exemple sur la question des compétences, avec des dispositions transitoires évitant tout vide. Pour ces compétences facultatives, une période transitoire est prévue, d'un an, pour maintenir l'application des projets en vigueur dans les anciens périmètres ; de même, les mécanismes de mutualisation permettent de la souplesse, tout en relevant la qualité des services dans certaines communes et intercommunalités ; enfin, le code général des collectivités territoriales prévoit déjà un conventionnement entre collectivités territoriales et EPCI, pour un service de proximité, adapté aux territoires. Le Gouvernement a identifié quelques difficultés et travaille à les résoudre...
M. Jean-Claude Lenoir. - On peut donc leur donner plus de temps !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Ce sera l'objet du futur texte sur l'égalité et la citoyenneté, mais aussi, vous le savez, de la loi de finances.
Pour les taxes d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), les taux pourront aussi être aménagés.
Le Gouvernement a préparé une circulaire rappelant tous ces outils. J'ai saisi mon collègue des finances dans ce sens.
Enfin, dans une circulaire du 27 août, mon prédécesseur a demandé de limiter strictement la procédure dite de « passer outre », aux seuls cas de consensus avec la CDCI. Il ne s'agit pas de passer en force contre la volonté des élus, mais d'appliquer ce procédé aux seuls cas de nécessité impérative pour appliquer la loi.
M. Jean-Claude Lenoir. - C'est tout dire !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Ce « passer outre » est là pour assouplir, pas pour être un acte d'autorité.
Je suis prêt à travailler avec vous sur les cas difficiles, par exemple sur l'évolution de la taxe d'habitation ou de la modulation du versement transport pendant une période transitoire. La loi de finances pourra y revenir, compte tenu des demandes apparues sur le terrain.
Notre position est simple, claire : conserver l'ambition pour nos territoires - mais en tenant aussi le calendrier prévu. Oui, la loi de la République doit être appliquée, monsieur Mézard ; notre amitié tiendra, et je vous dis en mon âme et conscience, comme au nom du Gouvernement que je représente ici, que ce délai supplémentaire n'apporterait rien, ne consoliderait aucun des engagements communs que nous avons depuis tant d'années. C'est ma conviction profonde : personne ne m'a donné d'instruction, j'espère vous convaincre et que la vie intercommunale en sera renforcée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Françoise Laborde . - Cette proposition de loi aidera-t-elle les élus à appliquer le seuil de 15 000 habitants fixé par la loi NOTRe ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Oui !
Mme Françoise Laborde. - C'est ce que nous disent les élus locaux. Nous n'imposons rien, nous rendons possible : c'est ce dont les élus locaux ont besoin face aux difficultés, quand les études d'impact ne règlent pas tout. Le réagencement des compétences, très lié au contexte local, va démultiplier les points techniques à régler, de même que les ressources humaines, la répartition des équipements.
De nombreuses collectivités territoriales font remonter des difficultés à tenir les délais, à choisir la nouvelle fiscalité, la nouvelle gouvernance : tout ceci doit être préparé minutieusement, ces opérations sont subtiles, des délais trop stricts peuvent ruiner de bonnes solutions.
Ce délai supplémentaire, facultatif, conditionnel, permettra une meilleure mise en oeuvre de la loi, pour préparer des changements majeurs - et non reporter des cas difficiles, comme cela a été prétendu ici ou là.
L'intercommunalité est un outil, une coopérative de communes, il faut laisser aux élus le choix de l'organisation et rétablir la confiance. Avec ce texte, la Haute Assemblée défend une conception de la démocratie locale fondée sur la liberté et la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi qu'au centre et à droite)
M. Jean-François Longeot . - Je salue le conseil municipal des jeunes de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez, en Vendée, accompagnés de son maire, présent en tribunes. (MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent) Cette proposition de loi, avec ce délai facultatif d'un an, ne remet pas en cause la loi NOTRe, elle en permet une meilleure application, avec plus de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales. Du reste, le Sénat avait déjà proposé la date butoir de 2018, repoussé par l'Assemblée nationale.
Il y a un risque, ensuite, que des compétences « orphelines » apparaissent, il faut y veiller. En somme, il s'agit de s'adapter aux réalités, de donner de la souplesse. Une fois n'est pas coutume, je citerai François Mitterrand : « Laissons du temps au temps ». (Applaudissements au centre et à droite, ainsi que sur les bancs du groupe RDSE)
M. Christian Favier . - Au cours du débat sur le projet de loi NOTRe, de nombreux intervenants se sont interrogés sur la pertinence de la « rationalisation » de la carte intercommunale alléguée par le Gouvernement.
Ils notaient, comme nous, que les intercommunalités venant de se constituer n'avaient pas encore eu le temps de construire des programmes d'actions dans leurs domaines de compétences, n'avaient pas encore permis aux élus de se connaître et d'apprendre à travailler ensemble.
Le président Larcher lui-même soulignait que les collectivités avaient besoin de stabilité. La question du rythme, celle des seuils étaient aussi posées. Ces interrogations ont été balayées, le texte a été adopté et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se sont retrouvés bien seuls à s'opposer au nouveau processus de relance de l'intercommunalité.
Les projets de schéma sont aujourd'hui en cours d'adoption malgré les critiques, la majorité qualifiée étant souvent difficile à obtenir pour s'y opposer. En Isère, trois communes ont décidé de fusionner dans l'intercommunalité des Abrets-en-Dauphiné, qui demande son rattachement à un EPCI, contre l'avis du préfet - qui, finalement, l'a emporté. Cet exemple pourrait s'appliquer à beaucoup de cas. On parle aujourd'hui d'intercommunalité XXL, de plusieurs dizaines de communes - jusqu'à 200... Les flux habitat-travail sont pris en compte, mais ils ne sont pas à eux seuls pertinents pour rendre compte de la réalité des bassins de vie. On assiste à une consolidation de situations acquises plutôt qu'à l'expression d'une volonté politique et un projet partagé. Le processus laisse peu de place aux élus des communes, encore moins aux citoyens.
Aussi étions-nous enclins à soutenir cette proposition de loi. Mais elle ne fait que repousser d'un an les difficultés. Nous continuons à refuser la rationalisation, dans ces conditions, de la carte des intercommunalités, dont le nombre va baisser de 40 %. Toutefois pour ne pas accroître les difficultés des élus, le groupe CRC s'abstiendra.
Mme Delphine Bataille . - Je salue les jeunes élus du conseil municipal de la commune d'Angles en Vendée, présents en tribune et les élus de plein exercice qui les accompagnent. (Applaudissements)
Lors de l'examen de la loi NOTRe, le Sénat, à deux reprises, avait porté la date d'achèvement de la carte intercommunale au 1er janvier 2018. Finalement l'accord s'est fait sur celle du 1er janvier 2017, ce qui laissait aux préfets et aux CDCI le temps de la concertation. Le compromis était satisfaisant, contrepartie de l'assouplissement du seuil à 15 000 habitants et de la définition de dérogations. Le calendrier a été fixé en connaissance de cause.
Un des objectifs de la loi NOTRe est de renforcer les intercommunalités, de mieux faire coïncider les périmètres avec les bassins de vie et la réalité des territoires. Je comprends les inquiétudes de certains élus. Mais l'intercommunalité a pour but non de faire disparaître les communes...
M. Pierre-Yves Collombat. - Allons !
Mme Delphine Bataille. - ...mais de mutualiser la gestion et le financement des services publics pour accroître leur qualité et leur périmètre. Des dérogations sont prévues dans les territoires les moins denses ou de montagne. La loi NOTRe traite avec souplesse le cas des nouveaux EPCI à fiscalité propre, qui disposeront d'un délai d'un an pour statuer sur les compétences optionnelles, de deux ans pour les compétences facultatives. Un transfert différé est prévu pour certaines compétences obligatoires, janvier 2018 pour la Gemapi, janvier 2020 pour l'eau et l'assainissement par exemple. En réalité la plupart des intercommunalités ont évolué plus vite que la législation et la grande majorité des fusions sont consensuelles. Les préfets ont travaillé avec les élus et les CDCI pour préparer l'actualisation des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI).
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - C'est la réalité rêvée...
Mme Delphine Bataille. - Les concertations avaient commencé avant même l'été 2015...
Allonger les délais serait un mauvais signal envoyé aux nombreuses collectivités qui ont su préparer les évolutions.
Dans le département du Nord, grâce à un important travail de concertation, le nouveau schéma arrêté par le préfet supprime les enclaves comme les discontinuités et rationalise la carte des EPCI, au bénéfice des habitants et des services publics. Les regroupements permettent d'étendre les services publics dans les zones rurales, de mutualiser projets et budgets, de répondre aux problèmes de gestion rencontrés par les élus.
Reporter la date d'achèvement de la carte, c'est faire obstacle à la nouvelle organisation alors que les enjeux financiers et fiscaux ne sont pas négligeables. La réforme aura un impact sur le classement en ZRR, sachant que l'actuel demeure jusqu'au 30 juin 2017 ; le nouveau sera défini au niveau de l'intercommunalité, sans distinction entre les communes ; il sera pluriannuel sur la durée du mandat communautaire, fonction de la densité et de la richesse des habitants ; seules les avantages fiscaux ayant un impact sur le développement des territoires seront maintenus.
Le groupe socialiste n'est pas favorable à un délai supplémentaire d'un an. 2017, année électorale, aura déjà été bien chargée... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Lenoir . - Je dois des remerciements au président Mézard, qui propose une solution de bons sens, à notre rapporteur, dont la démonstration convaincante doit emporter l'adhésion, à M. le ministre, qui a rappelé la solidarité gouvernementale, c'est devenu trop rare pour ne pas être souligné... (Sourires)
Lors de l'examen de la loi NOTRe, nous étions extrêmement attachés à ce que les communautés de communes correspondent à des bassins de vie. Si le Sénat n'avait pas voté le texte de la CMP, la position de l'Assemblée nationale sur le seuil aurait prévalu. L'encre du texte était à peine séchée que les préfets dessinaient déjà des cartes qui ne correspondaient ni aux souhaits des élus, ni aux réalités territoriales...
Monsieur le ministre, il est faux de dire que dans la plupart des départements les CDCI ont approuvé le schéma proposé par le préfet. Leur seul pouvoir que leur donne la loi est d'approuver ou non les amendements modificatifs... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe RDSE)
Soyons pragmatiques. Les élus, dans certains cas, ont besoin de temps. Pourquoi le leur refuser ?
Le philosophe Alain, né à Mortagne-au-Perche et cher à M. Mézard, disait qu'un citoyen devait posséder deux vertus : l'obéissance, facteur d'ordre, et la désobéissance, gage de liberté. Monsieur le ministre, donnez aux élus un peu de liberté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
M. Mathieu Darnaud . - À mon tour de remercier M. Mézard et notre rapporteur. Le Sénat a su faire entendre la voix des territoires lors de la CMP sur la loi NOTRe. Je suis membre de la mission de suivi sénatoriale sur la mise en application de la nouvelle organisation territoriale. Entre les discours et la réalité, il y a un écart important. Le texte de M. Mézard est facilitateur, il fait oeuvre utile pour les élus.
Faisons-leur confiance, donnons-leur du temps. Il serait paradoxal que les compétences orphelines obligent à créer de nouveaux syndicats ! Il faut du temps pour fusionner des dizaines de communes et mesurer l'impact des intercommunalités sur le calcul des dotations. Je soutiens ce texte, porteur de l'esprit du Sénat. Monsieur le ministre, écoutez la voix des territoires, inquiets face à une réforme difficile à mettre en place et pour tout dire anxiogène. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Delcros . - Toute évolution de l'organisation territoriale de proximité doit respecter trois principes. Il faut d'abord s'adapter à un monde qui change rapidement - ne serait-ce qu'à cause du numérique ; depuis la loi relative à l'administration territoriale de la République de 1992, de nombreux textes ont changé la donne. Ensuite, les élus locaux ont besoin de visibilité : après la fusion des cantons, des régions et des intercommunalités, après les transferts de compétences, la baisse des dotations, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, il faudra une période de stabilité. Enfin, il faut tenir compte de l'avis des élus de terrain.
La plupart d'entre eux ont anticipé et seront prêts au 1er janvier 2017. Mais, dans certains départements, les élus ont besoin d'un délai supplémentaire pour construire sur des bases solides une stratégie de développement, un nouveau projet de territoire. Je ne vois aucun inconvénient à le leur accorder.
J'ai cosigné cette proposition de loi ; la commission des lois en a amélioré la rédaction. Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi.
M. Michel Vaspart . - J'espère que cette proposition de loi sera votée et appliquée. Les collectivités territoriales n'ont ressenti aucun choc de simplification, ils demandent des assouplissements ; il faut les entendre. Même si le Sénat a amélioré le texte de la loi NOTRe, les difficultés étaient prévisibles. J'avais demandé un report des dates de mise en oeuvre, l'Assemblée nationale l'a rejeté.
Demander un délai supplémentaire d'un an n'est pas faire preuve de mauvaise volonté, mais vouloir aider les maires. La fusion s'accompagne dans certaines communes d'une hausse de la taxe d'habitation qui peut dépasser 10 %... Un lissage total est nécessaire. On voit aussi des communes qui ne bénéficiaient pas du FPIC en bénéficier...
La technocratie a fait son oeuvre, disait M. Mézard. Il a raison. Nous devons ajuster la loi au fur et à mesure des difficultés, faute de quoi la colère des élus locaux sera vive. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Michel Baylet, ministre . - Merci à tous pour vos propos de bon sens, la qualité de vos arguments. La sérénité du Sénat est toujours un plaisir pour un membre du Gouvernement.
Monsieur Vaspart, les textes sur l'intercommunalité ne sont pas nuisibles. J'ai moi-même porté les intercommunalités sur les fonts baptismaux.
Je salue l'art oratoire de M. Lenoir ; qu'il ne se laisse pas aller, cependant, à des propos irrespectueux des convictions de chacun... Solidarité gouvernementale, instructions... Ma conviction est que prolonger les délais de vingt mois serait une erreur et facteur de complexité. Le débat a eu lieu, il reste neuf mois. Il est temps de passer à l'action. La loi n'oblige pas à un vote sur les schémas...
M. Jean-Claude Lenoir. - Elle ne le permet pas !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - ...mais dans beaucoup de départements, les élus ont souhaité un vote solennel... (À droite : « ce n'est pas dans la loi, c'est du bricolage ! ») Ce n'est jamais du bricolage de respecter la volonté des élus...
Attention aussi aux propos fantasmagoriques : aucun EPCI ne regroupe plus de 200 communes ; deux, dans le Pays basque et le Cotentin, en regroupent plus de cent cinquante ; neuf en comptent plus de cent. À chaque fois en raison de problématiques particulières.
M. Philippe Bas, président de la commission . - Cette proposition de loi est le signe de l'attention des sénateurs aux élus locaux. Nous sommes tous partisans de l'intercommunalité. Les seules questions sont celles du rythme des fusions et des seuils.
Nous voulions des intercommunalités naturelles et les fonder sur l'affectio societatis ; nous ne voulions pas d'ensembles d'une dimension telle que les représentants des communes y seraient noyés, que les assemblées y ressembleraient à des chambres d'enregistrement. Nous avons voulu que la responsabilité des maires soit respectée, que la démocratie locale s'exprime, que le pouvoir dans les nouvelles assemblées ne soit pas concentré entre les mains du président, du bureau et du directeur général. Le centralisme intercommunal n'aurait rien à envier au centralisme d'État que nous combattons depuis des générations...
Mme Françoise Laborde. - C'est juste !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Personne ne souhaite porter un coup d'arrêt au processus de regroupement en cours. Cette proposition de loi ne l'enrayera pas. En revanche, elle donnera du temps de réflexion dans l'attente de nouveaux instruments, la dotation de centralité, le nouveau mode d'emploi de la dotation de solidarité rurale, l'organisation de la proximité... Il est probable que le nouveau délai ne sera pas utilisé si l'État y met du sien... Les difficultés sont nombreuses quand la loi est utilisée à d'autres fins que celles pour lesquelles elle a été votée...
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Il y a déjà un délai de neuf mois, c'est n'est pas rien. Je le répète : aucune intercommunalité ne regroupe 200 communes, seules neuf en comptent plus de cent.
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais il y a eu beaucoup de projets d'intercommunalités XXL.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - La loi fixe un plancher, non un plafond. On ne peut à la fois demander le respect de la volonté des élus et contester leurs choix.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE UNIQUE
M. Marc Laménie . - Je salue l'initiative de M. Mézard. Depuis la loi NOTRe, tout va trop vite. Les difficultés ont des difficultés. À la CDCI des Ardennes, il y a des tiraillements, l'ambiance est devenue pesante... La fusion, c'est une question de gestion et de gouvernance. Et il y a des incertitudes de caractère financier... La DGFiP a beaucoup de mérite à faire des simulations financières... Donnons du temps au temps. Je voterai ce texte, respectueux de la démocratie de proximité et des élus de base que nous sommes pour la plupart.
M. Jacques Mézard . - Le ministre, qui a déjà parlé deux fois plus longtemps que l'auteur de la proposition de loi, m'a répondu à côté du sujet... Il ne s'agit pas de remettre en cause la loi NOTRe - quoi qu'on en pense - mais de permettre aux intercommunalités qui en éprouvent le besoin de l'appliquer. Le ministre ne voit pas l'utilité d'un délai supplémentaire ; je n'en vois pas l'inconvénient. Au contraire : ce texte est une main tendue, l'occasion pour le Gouvernement de montrer aux maires qu'il y a une autre façon de faire que le passage en force. Le Gouvernement a pris l'habitude de reculer, sauf face aux élus locaux qu'il préfère montrer du doigt...
Nous nous étions opposés naguère à ce que les préfets puissent donner un avis, aujourd'hui ils ont tout pouvoir... Il faut écouter les élus. Monsieur le bourreau, encore une minute !
M. Pierre-Yves Collombat . - Quel chemin parcouru depuis qu'on affirmait, au moment de la loi Joxe-Baylet, que les intercommunalités étaient une démarche volontaire des communes... Les CDCI n'ont guère de latitude pour modifier les schémas des préfets, sauf majorité qualifiée difficile à réunir.
Le rapporteur de la commission des lois a eu raison de limiter le texte aux cas de fusion. Le Gouvernement dit : il faut appliquer la loi, mais de qui se moque-t-il ? Il faut se souvenir des allers et retours sur la clause de compétence générale... Il faut sortir du tunnel ? Mais pour aller où ?
M. Jean-François Husson . - Nos collectivités territoriales entrent dans une période, jamais vue, d'instabilité fiscale et financière. Comment peuvent-elles, sereinement, élaborer des projets de fusion sans aucune visibilité ? Dans une telle instabilité ? Prenez deux intercommunalités qui fusionnent, l'une a la taxe d'enlèvement, l'autre la redevance ; que se passera-t-il si elles n'ont pas décidé à temps quelle solution retenir ?
Je vous fais une proposition, monsieur le Ministre : vous engager, dans ce contexte de baisse des dotations, à réfléchir aux mécanismes de bonifications des concours de l'État. Voilà ce dont les Français ont le plus urgemment besoin. (Approbations à droite)
M. Mathieu Darnaud . - Est-il vraiment normal, alors que la loi NOTRe était de simplification, que l'on en vienne à recréer des syndicats mixtes pour gérer les compétences ?
Il y a neuf mois ? Non puisque certaines intercommunalités ne sont pas encore connues. Mme Bataille a souligné le manque d'anticipation, mais comment anticiper quand la CDCI décide autre chose que ce que les élus avaient proposé ? On est plutôt autour de quinze mois. La prise de la compétence transport, ou voirie, questions éminemment pratiques, est une décision très complexe.
M. Jean-Pierre Bosino . - M. Mézard demande une minute au bourreau : la tête tombera donc quand même...
Au comité directeur de l'AMF ce matin, la prise de conscience s'est faite que l'existence même des communes était menacée, en particulier par l'asphyxie financière. L'actualité montre pourtant que de l'argent existe quelque part. Il n'y a pas opposition des maires aux intercommunalités : ils savent bien que celles-ci sont aptes à rendre un certain nombre de services. Lors du congrès de la fin mai va revenir cette question de l'exigence que les communes continuent à vivre.
M. Jean-François Longeot . - Les schémas seront adoptés, certes, mais dans la douleur. Voyez ce qui se passera par exemple en zone de montagne, des intercommunalités auxquelles il manquera 1 000 habitants pour atteindre le seuil des 5 000 se trouveront adjointes à telle ou telle intercommunalité de 25 000 habitants, parmi 80 communes, parce qu'on n'aura pas eu d'autre choix.
Les choses ne sont pas faciles pour les élus, pas non plus pour les préfets... Laissez-nous un peu de temps.
Mme Françoise Gatel . - Partons des finalités. Il ne s'agit pas de remettre en cause la loi NOTRe - à qui appartient-elle, d'ailleurs ? - mais de favoriser la réussite des territoires. Soit l'État les administre, soit ils s'administrent librement, dans l'intérêt des habitants.
Monsieur le ministre, desserrez la corde !
Mme Brigitte Micouleau . - Membre ou nom d'une CDCI, nous avons tous constaté les difficultés de mise en place des schémas. En Haute-Garonne, un sur deux a reçu un avis défavorable. Mme Laborde ne me contredira pas...
Mme Françoise Laborde. - En effet.
Mme Brigitte Micouleau. - Quant aux autres, ils n'ont pas toujours suscité l'enthousiasme. Laissons aux élus et aux habitants le temps de se préparer à ces fusions.
M. Yves Détraigne . - Je n'étais, au départ, pas favorable à cette proposition de loi, qui risquait de reporter le problème dans le temps, sans le résoudre. Pourquoi ne pas préciser que le délai n'est pas reconductible ? Je ne connais pas d'intercommunalité qui refuse la discussion, mais il faut les inciter à s'y atteler.
Dans la Marne, un tiers des 620 communes seulement disposent encore d'une école : l'intercommunalité, c'est déjà une pratique quotidienne et on sait bien qu'elle est l'échelle d'organisation du territoire de demain. Je suivrai la position de la commission.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par MM. Joyandet, Vasselle, Morisset et Laufoaulu, Mmes Lopez, Procaccia et Cayeux, MM. Saugey et Huré, Mme Micouleau, M. Trillard, Mme Duchêne et MM. Grosdidier, Laménie, Houpert, Chaize, Raison et Revet.
Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer l'année :
2018
par l'année :
2020
M. Alain Vasselle. - Les arguments ne manquent pas en faveur d'un report supplémentaire du délai. Sur le terrain, les communes rurales sont très inquiètes pour leur avenir : la conjonction de la loi NOTRe et de la baisse des dotations risque de leur être fatale.
Ce n'est pas en quelques mois que l'on règle le rapprochement de communes percevant qui la TEOM, qui la ROM. Les DDFIP, d'ailleurs, croulent sous les demandes et ne peuvent plus faire face. Il faut allonger le délai, pour le faire coïncider, en 2020, avec le renouvellement des équipes municipales, car on ne comprend pas, sur le terrain, comment le Parlement a pu changer les règles du jeu en cours de mandat !
M. Patrick Masclet, rapporteur. - Le Sénat n'a cessé, lors des débats sur la loi NOTRe, de plaider pour le 1er janvier 2018. Lors de nos auditions, personne n'a demandé un tel report. Enfin, il est préférable que tout soit stabilisé pendant le mandat municipal en cours. Ces trois raisons m'amènent à vous prier de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Le Gouvernement ne souhaite pas reporter l'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités à 2018, ce n'est pas pour accepter un report jusqu'à 2020 !
À 14 h 30, l'AMF a diffusé un communiqué dans lequel elle dit qu'il ne peut y avoir de prolongation du délai pour les nouveaux périmètres. (Rires)
M. Alain Vasselle. - Je parle, moi, de la mise en oeuvre ! Ce n'est pas contradictoire. Les élus vivent très mal le changement des règles en cours de mandat et vous nous dites que le délai suffit, mais l'année 2017 est chargée en élections...
Cependant, pour que la CMP ait une chance de réussir, je retire cet amendement : vous avez le devoir impérial, monsieur le rapporteur, d'y obtenir le délai supplémentaire d'un an. (Sourires) Je veux dire « impérieux », bien sûr !
L'amendement n°2 est retiré.
M. Pierre-Yves Collombat. - Reste un certain nombre de problèmes de transferts : fiscaux d'abord - car qu'est-ce que l'intercommunalité, sinon le transfert de ressources des communes rurales vers les communes urbaines ? - de compétences ensuite : les gestionnaires des intercommunalités, issus des grandes communes, s'imaginent souvent dans une sorte de prolongement de leur mandat.
Envoyons le message que le Gouvernement n'est pas l'adversaire des communes.
M. Jacques Mézard. - Lors de son examen, nous avions proposé de rebaptiser la loi NOTRe : son véritable nom devrait être LEUR(re) ! (Sourires) L'histoire montrera que nous avions raison.
Légiférons dans le respect des élus locaux. Une République qui n'en tient pas compte n'évolue pas dans le bon sens. Nous ne doutons pas de la compétence de l'État, mais ses services n'ont pas les moyens d'assurer le concours nécessaire car les choses vont trop vite.
Un peu de liberté, c'est cela que nous demandons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, à droite et au centre)
M. Alain Vasselle. - Je rejoins totalement MM. Mézard et Collombat. Malheureusement, arrivé en cours de mandat, je n'ai pu dire tout le mal que je pensais de la loi NOTRe... M. Collombat a raison : dans le Calvados, des intercommunalités de plusieurs dizaines de communes se sont transformées en communes nouvelles avec comme argument essentiel les dotations de l'État ! Est-ce à cela que vous voulez aboutir ?
Je voterai cet article unique, et souhaite que notre rapporteur réussisse à convaincre nos collègues de l'Assemblée nationale.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Monsieur Mézard, la liberté, dans nos débats, est totale... Vos propos ne m'ont nullement convaincu. Ce sont les élus locaux qui siègent dans les CDCI, et tous ne souhaitent pas un report de l'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités. Certains souhaitent même aller plus avant, ou simplement la stabilité de la loi : j'en fais partie. Je respecte votre position, faites de même ! Je ne laisserai pas dire que la liberté serait confisquée !
L'article unique est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Canevet, Paul, Kern, Cigolotti, Médevielle et Longeot, Mmes Joissains et N. Goulet, M. Luche, Mme Férat et MM. L. Hervé, Tandonnet, Maurey, Lemoyne et Guerriau.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le V de l'article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Jusqu'au prochain renouvellement suivant la constitution de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre issue d'un schéma départemental de coopération intercommunale révisé selon les modalités prévues à l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, il est procédé à la détermination du nombre et à la répartition des sièges de conseiller communautaire dans les conditions suivantes :
« a) Soit le conseil communautaire est composé de l'ensemble des membres des conseils communautaires des anciens établissements publics de coopération intercommunale, si les conseils communautaires concernés le décident par délibérations concordantes prises avant le 15 décembre 2016 ;
« b) Soit le nombre et la répartition des sièges au sein de l'organe délibérant de l'établissement public ont été déterminés dans les conditions fixées à l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales avant le 15 décembre 2016.
« Dans tous les cas, le montant cumulé des indemnités des membres du conseil communautaire du nouvel établissement public de coopération intercommunale ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil communautaire composé dans les conditions prévues aux articles L. 5211-6, L. 5211-6-1 et L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales.
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux quatre premiers alinéas » ;
2° À la deuxième phrase, les mots : « des conseils municipaux » sont supprimés et les mots : « au même premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux mêmes alinéas ».
M. Jean-François Longeot. - Afin de ne pas bouleverser la composition des anciens conseils communautaires, d'assurer une nécessaire continuité entre les anciens et nouveaux EPCI, et de ne pas remettre en cause le mandat de conseillers communautaires légalement élus, je propose un régime transitoire encadrant la composition des conseils communautaires des EPCI nouvellement constitués, dans la même logique que le « conseil municipal provisoire ».
M. Patrick Masclet, rapporteur. - Cet amendement concerne les intercommunalités dites XXL - qu'il faudrait toutefois définir... Nous avons évalué ses effets : il accélérerait la création de ce que d'aucuns appellent des « assemblées communautaires » : près de 500 membres dans le Cotentin, 350 au pays Basque. La comparaison avec le conseil municipal ne tient pas, car les ex-conseillers communautaires ne perdraient pas leur mandat d'élu local.
Avis défavorable.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Cela va à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci, à deux reprises, dans ses décisions de questions prioritaires de constitutionnalité du 20 juin 2014 et du 5 mars 2014, a estimé que la répartition des sièges devait se faire sur des critères « essentiellement démographiques ».
Cet amendement pose toutefois la question de l'information des élus sur la rationalisation de la carte intercommunale : un simulateur vient précisément d'être mis en ligne sur le site de mon ministère, et j'ai demandé aux préfets d'informer les élus en temps utile.
L'amendement n°1 rectifié ter est retiré.
À la demande du groupe RDSE, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°200 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 203 |
Contre | 119 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, à droite et au centre)
La séance suspendue à 17 h 15, reprend à 17 h 20.