Chambres consulaires (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat.
Discussion générale
M. Jean-Claude Lenoir, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur . - Je lirai l'intervention de M. Houel, qui a réalisé un remarquable travail auquel je veux commencer par rendre hommage.
Seules les dispositions relatives aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) restaient en discussion. Le Sénat avait entendu y apporter quelques inflexions, en effet.
Chacun peut constater la paupérisation de nos territoires ruraux ; l'appui aux entreprises ne saurait dans ce contexte être affaibli, surtout alors que les périmètres des régions s'agrandissent.
Nous avions donc imposé en première lecture la présence d'une CCI ou d'une de ses délégations dans chaque département, consacré les CCI de Seine-et-Marne et d'Essonne, rendu juridiquement opposables les schémas directeurs élaborés par les CCI, et fléché 50 % du fonds de solidarité vers les chambres hyper-rurales.
Une courte majorité s'est dégagée en CMP - Dura lex, sed lex - qui ne convient pas à une partie de notre Haute Assemblée.
Certes la CMP a suivi le Sénat pour pérenniser les CCI de l'Essonne et de Seine-et-Marne. Mais elle est revenue sur le caractère opposable des schémas directeurs des CCI, en le réservant à ceux adoptés après l'entrée en vigueur de la présente loi. Je vous poserai là-dessus, madame la Ministre, une question précise dans un instant.
Le fléchage du fonds d'urgence est maintenu, mais il inclut les chambres d'outre-mer et est réduit à 25 %.
Les schémas directeurs doivent tenir compte de la mission d'appui aux entreprises dans les territoires : cela signifie simplement l'existence d'implantations du réseau, dans chaque département, qui peuvent être, non pas nécessairement des établissements publics, comme le sont les chambres, mais des antennes sans personnalité juridique propre.
À titre personnel, je regrette ce recul, puisqu'en définitive, pour certains départements, l'interlocuteur juridique sera situé dans un autre département de la région. Mais je dois suppléer ici le rapporteur, et c'est en cette qualité, comme en tant que vice-président de la commission mixte paritaire, que je vous invite à adopter ces conclusions.
J'en viens à présent en mon propos personnel et à ma question, madame la Ministre : le texte de compromis de la CMP est ambigu sur la date de son entrée en vigueur et son application aux situations en cours. Il importe, avant de déterminer notre vote, de lever cette ambigüité.
Le caractère contraignant donné aux schémas directeurs par l'article premier ter du projet de loi sera-t-il, oui ou non, applicable aux schémas directeurs qui, dans certaines régions, ont d'ores et déjà été adoptés sous l'empire du droit antérieur ? (Applaudissements à droite)
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Ce texte est attendu par les CCI et les Chambres de métiers et d'artisanat (CMA). Ainsi elles disposent des outils pour mener à bien leur réorganisation avant les élections consulaires qui se tiendront à la fin de l'année.
Je me félicite que la CMP soit parvenue à un accord sur un texte équilibré, qui respecte les principes de la réforme : le libre choix des CCI pour s'adapter et se réorganiser. Je salue parmi vous tout spécialement tous ceux qui y ont oeuvré.
Le texte comporte de nombreux amendements parlementaires. Les futurs schémas directeurs peuvent tenir compte de l'exigence de maintien d'un service de proximité dans les bassins de vie.
De même, seuls les schémas directeurs adoptés après sa publication sont visés, et non ceux adoptés précédemment, qui resteront donc soumis au droit antérieur, monsieur le Président Lenoir.
Un quart du fonds de modernisation et solidarité sera fléché vers les chambres hyper-rurales ou en difficulté, ainsi qu'outre-mer.
L'année 2016 doit être une année de transition utile. Je vous invite à voter ce texte qui donne aux CCI les moyens de se réorganiser et de poursuivre leur mission dans de bonnes conditions, au service de la réussite économique de nos territoires. (M. Bernard Lalande applaudit)
M. Joël Labbé . - Ce texte parachève le processus de réorganisation des CCI et CMA entamé en 2005, qui est déjà bien avancé. Il préserve un maillage du territoire, dont j'avais déjà souligné en première lecture, combien il est utile et nécessaire, comme je le constate chaque jour dans le Morbihan, sans remettre en cause la présence sur le terrain. Les acteurs, eux, sont réservés faute de concertation suffisante en amont et en raison du prélèvement opéré sur leur trésorerie.
M. Jean-Claude Lenoir, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur. - On leur fait les poches !
M. Joël Labbé. - Le Sénat avait veillé au maintien des implantations de proximité dans les territoires ruraux. Toutefois, le fléchage du fonds de péréquation a été réduit à 25 %.
De plus, à cause d'une interprétation restrictive, les aides aux territoires hyper-ruraux seront plus limitées...
M. Jean-François Longeot. - Eh oui !
M. Joël Labbé. - Les territoires méritent notre soutien. Cependant, le groupe écologiste votera ce texte. (« Très bien ! » et applaudissements au centre)
M. Jean-Claude Requier . - Le groupe RDSE ne peut que regretter à nouveau le recours à la procédure accélérée. Non sans rappeler la discussion de la loi NOTRe, le présent projet cristallise les divergences sur l'évolution de notre organisation territoriale.
Le titre Il sur les chambres des métiers et de l'artisanat faisait consensus. Il a été adopté conforme par le Sénat. Tel n'est pas le cas du titre premier sur les CCI...
En première lecture, le Sénat avait amendé le texte pour garantir la présence d'au moins une chambre par département. Il avait fléché la moitié du fonds de solidarité vers les chambres hyper-rurales.
La CMP a toutefois supprimé l'article premier, l'opposabilité du schéma directeur et a abaissé le fléchage de l'article premier bis, inséré sur un amendement d'Alain Bertrand et de plusieurs membres du groupe RDSE, tout en adoptant une nouvelle rédaction ambiguë, dans un sens bien trop large par CCI France. Elle a en effet considéré que l'expression « proportion substantielle », conduisait à cibler les circonscriptions comprenant 33 % de communes situées en zones de revitalisation rurales, ce qui représente la moitié des départements, et donc aboutit à un véritable saupoudrage des crédits.
Nos réserves sont donc importantes. Le texte permet aux CCI de se réorganiser mais celle-ci se fait au détriment des territoires ruraux. La région est un échelon vu comme lointain, abstrait.
Cette réorganisation est vécue sur le terrain comme une atteinte aux services publics. Les territoires ruraux sont inquiets et craignent l'accroissement de la désertification.
Le groupe RDSE a besoin de réelles garanties pour voter ce texte. Puissent-elles enfin émerger ! (MM. Jean-François Longeot et Daniel Chasseing applaudissent)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) L'accord en CMP est équilibré. Le fonds de péréquation traduit le souci de tenir compte des spécificités des territoires.
À l'heure où le chômage explose, les CCI sont les plus à même pour ajuster leur organisation pour répondre aux besoins. Alors que nous ne cessons de réclamer la simplification de la gouvernance, la réactivité, l'écoute du terrain, nous ne pouvons que soutenir ce projet plébiscité par deux fois en assemblée générale par CCI France et adopté à l'unanimité par son comité directeur le mois dernier.
Le texte ne sacrifie pas la proximité. Dans la majorité des territoires, les CCIT ont été maintenues dans tous les départements. Parfois elles ont été supprimées, en raison de considérations locales, à la demande des acteurs locaux eux-mêmes.
Ce texte garantit le maintien de services de proximité, tout en soutenant les zones rurales grâce au fonds de solidarité qui conduira à transférer près de 4 millions d'euros vers les zones de revitalisation rurales.
Si nous n'adoptons pas ce texte, l'Assemblée nationale aura le dernier mot. Je vous invite par conséquent à le voter. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite, ainsi que sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Michel Le Scouarnec . - Ce texte contribue à la déconstruction du réseau consulaire, dénoncée par Jean-Pierre Bosino en première lecture, entamée depuis plusieurs années, au nom de la modernisation, de la rationalisation, de la simplification, de la mutualisation, bref de l'austérité, de la baisse de qualité du service public, conduisant inéluctablement à des plans sociaux. Les CCI et les CMA ont été peu à peu asphyxiées.
Ainsi, 1 750 postes de salariés sous statut seront supprimés. Ces baisses d'effectifs vont se poursuivre. Les maigres économies, introduites insidieusement par la régionalisation, nuiront à l'aide aux entreprises. Nous prônons au contraire une action au plus près des besoins des usagers et des territoires. Malheureusement, la CMP n'a pas retenu la mesure confortant la préservation d'une CCI, ou à tout le moins d'une de leurs délégations, par département. Nous le regrettons vivement !
Vous faites des économies, certes, mais au détriment du service public et de l'aménagement du territoire.
En cohérence avec notre vote en première lecture, et avec notre opposition au nouveau découpage régional, nous ne voterons pas ce texte.
M. Yannick Vaugrenard . - Ce texte est issu d'un compromis. Tous les points de vue ont été pris en compte lors de la CMP.
La CMP a conservé la rédaction du Sénat pérennisant le statut des CCI d'Essonne et de Seine-et-Marne, déjà prévu dans le code de commerce. Il était sans doute nécessaire de le préciser, pour rassurer, mais ne nous plaignons pas ensuite que la loi soit bavarde !
Le Sénat avait fléché 50 % du fonds de solidarité vers les zones hyper-rurales. La CMP a conservé le principe au prix de quelques ajustements, ramenant ce taux à 25 %. Si le montant n'est pas utilisé dans sa totalité, le reliquat est reversé au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région et de CCI France.
Nous nous étions prononcés sur le maintien d'une chambre ou d'une délégation par département. Les CCI n'y étaient pas favorables, souhaitant se réorganiser librement, en fonction des territoires. Les dispositions introduites par le Sénat auraient eu pour conséquences de remettre en cause les réorganisations déjà intervenues ou en cours. C'est pourquoi la CMP n'a pas repris la rédaction du Sénat mais elle a maintenu l'exigence des services de proximité d'appui aux entreprises dans les départements et les bassins économiques.
Enfin les schémas directeurs des CCI seront opposables s'ils tiennent compte des souhaits exprimés par les CCIT et s'ils sont adoptés par la majorité des deux tiers des CCIR. C'est pourquoi la CMP n'a pas retenu la disposition initialement adoptée par le Sénat au sujet de l'entrée en vigueur.
Au terme de longues et intéressantes discussions, la confiance vigilante l'a emporté sur la méfiance. C'était le bon chemin à prendre pour aboutir. Aussi, je vous demande d'approuver ce texte de compromis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et au centre)
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe les républicains) Ce texte doit accompagner la régionalisation des réseaux et leur réorganisation. Le Sénat avait amendé le texte : présence d'une antenne ou délégation sans personnalité morale par département en cas de fusion ; fléchage du fonds de solidarité vers les zones hyper-rurales ; non-opposabilité des schémas directeurs régionaux adoptés avant la réforme ; maintien des CCI de l'Essonne et de Seine-et-Marne.
Les dispositions sur les CMA avaient été votées conformes.
La CMP a entériné le maintien des CCI de l'Essonne et de Seine-et-Marne et le fléchage du fonds.
Toutefois, la suppression de l'exigence d'une antenne consulaire par département est un recul. Le président Larcher le dit souvent : les territoires ruraux se sentent de plus en plus délaissés face à la métropolisation en quoi l'INSEE voit le moteur de la France ; leurs habitants ont le sentiment que le législateur ne se préoccupe que des grandes villes. Mme la ministre a répondu sur l'opposabilité des schémas directeurs...
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - Oui
M. Jean-Claude Lenoir. - La réponse est claire.
Mme Sophie Primas. - Je ne m'y appesantis donc pas.
Préservons nos CCI qui jouent un rôle majeur dans la formation professionnelle, l'apprentissage, en particulier, auquel je suis très attachée, et doivent continuer à jouer un rôle actif dans les territoires ruraux. C'est pourquoi le groupe Les Républicains est majoritairement réservé sur ce texte.
Mme Delphine Bataille . - Le texte de la CMP est équilibré. Les compromis ont permis de ne pas oublier les territoires ruraux, ainsi du fléchage du fonds de péréquation. Avec ce texte, les CCI disposeront des moyens pour se réorganiser, à la suite de la loi NOTRe.
La régionalisation de leurs réseaux donnera aux CCI plus de visibilité sans pour autant sacrifier le service de proximité. Elles seront des interlocuteurs plus forts, comme je l'avais illustré en première lecture pour le Nord-Pas-de-Calais. Les synergies seront renforcées à présent avec la Picardie.
Il est vrai que les regroupements entraînent souvent des baisses d'effectifs. Nous devons être vigilants. Les compétences des CCI sont larges et importantes pour l'activité économique, l'emploi et le rayonnement de nos territoires : soutien à l'investissement, formation professionnelle, développement durable, soutien à l'export...Elles seront renforcées par la nouvelle organisation rendue possible par ce texte.
Ce texte leur permettra de mener à bien leurs missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Frédérique Espagnac . - À mon tour, je salue le travail de la commission et le compromis obtenu en CMP. L'action des CCI rurales, hyper-rurales et d'outre-mer a été confortée. Sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, je suis très attachée à la ruralité. Les inquiétudes des CCI ont été entendues : la nécessité du maintien de l'appui aux entreprises dans les territoires en difficulté a été reconnue. Ainsi le maillage sera à la fois efficace et étendu.
Même si je regrette la baisse des crédits fléchés, je soutiens le compromis trouvé, qui s'inscrit dans la politique rurale ambitieuse menée par le Gouvernement, visant à surmonter l'opposition entre métropoles et territoires ruraux.
Ce texte répond aux attentes des CCI et leur donne les moyens d'exercer leurs missions sur tous les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La discussion générale est close.
Vote sur le texte élaboré par la CMP
M. Jean-Claude Lenoir, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur . - Monsieur Vaugrenard, votre position semble ambiguë. Quel sera votre vote ?
Madame la ministre, je prends acte de votre éclaircissement. J'y insiste : la proposition de loi ne s'appliquera donc pas aux schémas votés antérieurement.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - C'est exact.
M. Daniel Chasseing . - Les CCI jouent un rôle majeur dans les territoires ruraux, d'autant plus que le département n'a plus de compétence en matière économique. Je regrette que le texte de la CMP mette en péril les CCI des territoires ruraux, ainsi que la baisse des crédits fléchés. Il n'est pas sûr désormais que les CCI rurales aient les moyens de soutenir les initiatives locales. Les mêmes qui prétendent défendre les territoires ruraux votent la baisse des crédits, portant un mauvais coup pour les zones rurales... Je voterai contre ce texte.
M. Yannick Vaugrenard . - Monsieur Lenoir, je vous rassure : la position du groupe socialiste est très claire. La CMP est parvenue à un compromis satisfaisant, je le répète.
Si nous adoptons ce texte, l'Assemblée nationale ne reviendra pas sur le fléchage de 25 % des crédits du fonds de solidarité.
M. Michel Canevet . - J'attire votre attention sur la baisse des moyens des CCI depuis plusieurs années. La réorganisation du réseau implique de nouvelles dépenses. Il faut leur donner les moyens de leurs missions. En outre, la réorganisation entraîne des réductions d'effectifs - c'est notamment le cas en Bretagne. Attention à ne pas accentuer la désertification de nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; M. Joël Labbé applaudit aussi)
Mme la présidente. - Conformément à l'article 42, alinéa 12 du Règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la CMP.
Les conclusions de la CMP sont adoptées ; le projet de loi est définitivement adopté.
Prochaine séance mardi 8 mars 2016, à 14 h 30.
La séance est levée à 20 h 25.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus