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Table des matières
M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques
Traité transatlantique (Suite)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes
Traité transatlantique (Suite)
Mise au point au sujet d'un vote
M. Michel Le Scouarnec, auteur de la proposition de loi
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Discussion des articles de la proposition de loi
Discussion des articles de la proposition de loi organique
Modification à l'ordre du jour
Demande d'inscription à l'ordre du jour
Ordre du jour du mardi 9 février 2016
SÉANCE
du jeudi 4 février 2016
62e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaires : M. Bruno Gilles, Mme Catherine Tasca.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Traité transatlantique
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture et l'aménagement du territoire, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement (demande du groupe communiste républicain et citoyen).
Discussion générale
M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution . - Ce n'est pas la première fois que nous débattons de ce projet de partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement (PTCI).
Par une précédente proposition de résolution européenne, j'avais alerté sur les conséquences dramatiques de l'institution d'un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et État ; elle avait été adoptée à l'unanimité. J'espère qu'il en ira de même pour celle-ci, qui porte sur les conséquences qu'aurait le traité transatlantique sur l'agriculture et l'aménagement du territoire.
Les États-Unis se sont lancés, en ce début du XXIe siècle, dans une politique active d'accords bilatéraux ou multilatéraux, visant non seulement à réduire les droits de douane, mais à lever les obstacles non tarifaires aux échanges : développement durable, marchés publics, réglementation des investissements, de la propriété intellectuelle, procédures, concurrence.
Le président Obama, invoquant la signature du traité du partenariat transpacifique déclarait que cet accord renforcerait le leadership américain et renforcerait l'emploi aux États-Unis : on est loin d'un accord « gagnant-gagnant » !
Le commerce extérieur français représente 30 % de notre PIB et occupe un quart de nos salariés. L'aéronautique, la pharmacie, la chimie, l'agriculture et l'agroalimentaire, le luxe et l'armement sont nos plus gros secteurs d'importation, sans oublier le nucléaire.
L'Allemagne est de loin notre premier partenaire : 17 % de nos échanges. Nos cinq premiers partenaires, tous compris (Allemagne, Belgique, Italie, Espagne et Royaume-Unis) représentent la moitié de nos exportations. Mais nos échanges intra-européens stagnent et le commerce avec les émergents est versatile. D'où l'idée d'un accord transatlantique qui démantèlerait les barrières tarifaires et non-tarifaires.
Or notre agriculture est confrontée à des difficultés graves et récurrentes. Nous ne sommes plus que la cinquième exportation mondiale, alors que nous étions deuxième il y a peu. Cela menace des services de proximité : vétérinaires, abattoirs, commerces ruraux.... Le volet agricole du partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement aggravera les difficultés.
La filière de l'élevage serait la première touchée car les normes sanitaires et sociales sont sources de distorsion de concurrence entre les États-Unis et l'Union européenne.
L'industrialisation des fermes et la concentration géographique qui s'ensuivrait aurait des conséquences environnementales lourdes.
La filière lait serait très menacée par la disparition des labels de qualité. Les Américains commercialiseront de nombreux fromages dont la dénomination d'origine européenne a été convertie en marque...
La Commission européenne affiche sa détermination, mais la négociation risque de la mettre à l'épreuve. Bref, les objectifs qui nous tiennent à coeur risquent fort d'être remis en cause par le traité. Merci aux rapporteurs de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques de leur soutien. Le choix de société auquel nous exposent ces négociations doit faire l'objet d'un débat démocratique. (Applaudissements à gauche et sur le banc des commissions)
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques . - Ce partenariat n'est pas un traité ordinaire, puisqu'il porte sur des normes qui pourraient acquérir une portée internationale, vu le nombre des échanges concernés. Cette proposition de résolution européenne ne s'oppose pas à une adoption du traité mais exprime l'inquiétude des parlementaires sur la transparence des négociations ainsi que sur les conséquences du traité sur l'agriculture, et en particulier sur l'élevage.
L'Europe achète 13 milliards de dollars de produits agricoles aux États-Unis et leur vend 20 milliards. C'est bien moins que dans l'industrie ou les services. Mais l'agriculture est un domaine particulièrement sensible sur des deux côtés de l'Atlantique.
La commission des affaires économiques considère que la libéralisation des échanges Europe/États-Unis menace fortement notre élevage et tout particulièrement notre élevage bovin. Alors que nos bêtes sont nourries à l'herbe, le maïs OGM est leur aliment de base aux États-Unis. De plus, l'importation massive des pièces nobles, comme l'aloyau, que les Américains délaissent, ferait considérablement chuter les prix chez nous - ce dont nous n'avons vraiment pas besoin ! Pour l'instant, la force du dollar voile ce risque. J'ajoute que l'Europe et la France exporte des vins protégés par des appellations d'origine, alors que les Américains ne reconnaissaient que les marques.
Sur la méthode, les Américains ont consenti un effort important en apparence en acceptant de supprimer les droits de douane sur 97 % des lignes tarifaires. Mais il y a fort à parier qu'ils exigeront en contrepartie de pouvoir exporter sans mention leurs produits génétiquement modifiés. En outre, chaque État fédéré pourrait revenir sur la position adoptée au niveau fédéral. Le calendrier est inquiétant, car l'administration Obama n'a plus beaucoup de temps, et cela risque de conduire au sacrifice de l'agriculture. Nous souhaitons que l'accord respecte la sécurité alimentaire des consommateurs.
Bref, cette proposition de résolution européenne correspond bien aux positions prises par notre commission depuis des années. Mieux vaut l'absence d'accord qu'un mauvais accord. (Applaudissements)
Hommage à une délégation lao
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que M. Fekl) Je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom, la présence dans notre tribune d'honneur, d'une délégation conduite par le ministre de la justice de la République démocratique populaire Lao, Son Excellence M. Bounkeut Sangsomsak.
Il est accompagné par M. Vincent Eblé, président du groupe d'amitié France-Cambodge et Laos, Mme Catherine Tasca, présidente déléguée pour le Laos, et des membres de ce groupe.
Nous nous félicitons des liens étroits que tissent nos deux pays grâce à ces rencontres croisées. Ainsi, M. Vincent Eblé, Mme Catherine Tasca et Mme Marie-Annick Duchêne ont participé récemment aux cérémonies du 20e anniversaire de l'inscription de la ville de Luang Prabang à la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco.
Votre visite d'étude, monsieur le ministre, s'inscrit dans le cadre du programme de soutien du ministère des affaires étrangères et du développement international pour la mise en oeuvre du schéma directeur de la justice au Laos, dont l'objectif est d'approfondir l'État de droit.
Accompagnée par Mme Claudine Ledoux, ambassadrice de France à Vientiane, la délégation a un programme d'auditions et d'entretiens à Paris, puis se rendra à l'École nationale de la magistrature à Bordeaux.
Nous vous souhaitons, monsieur le ministre, un séjour et des échanges fructueux, en formulant le voeu que cette session de travail contribue à la réforme de la justice au Laos. Nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Applaudissements)
Traité transatlantique (Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes . - L'importance de cette proposition de résolution européenne se mesure à celle, essentielle, de l'agriculture dans notre économie.
Notre excédent commercial avec les États-Unis s'établit à 7 milliards d'euros. Nous demandons des garanties sur le rôle du Parlement en cas de signature de l'accord. La suppression des droits de douane exclut certains produits sensibles, comme la viande de boeuf, de porc ou de volaille. L'accès de nos produits au marché américain est freiné par de forts écarts de compétitivité, en particulier pour la viande bovine, ce qui nous place dans une position défensive. Les États-Unis et le Canada bénéficient déjà de contingents d'exportation de viande bovine vers l'Union européenne mais ils ne les utilisent pas entièrement.
Le développement de notre filière laitière passe certes par l'exportation et notamment vers les États-Unis. Mais les barrières tarifaires et non tarifaires sont considérables.
La protection du consommateur est pensée selon des paradigmes différents des deux côtés de l'Atlantique : se voulant scientifique en Amérique, elle repose davantage chez nous sur le principe de précaution. Un haut niveau de protection de l'environnement et des consommateurs doit en tout état de cause être garanti. L'indication géographique, enfin, ne serait être réduite à une marque.
Notre discussion tombe à point nommé, puisque la négociation entame un nouveau cycle.
Il reviendra aux parlements nationaux de ratifier le traité, ou non. Pouvez-vous nous garantir qu'il nous sera bien soumis ? Les accords sont-ils considérés comme des accords mixtes et donc relevant de la ratification des parlements nationaux ? Qu'adviendra-t-il si un accord est rejeté par un parlement national ? (Applaudissements)
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Merci pour l'engagement dont le Sénat fait preuve dans le suivi de ces négociations importantes.
L'an passé déjà, une proposition de résolution européenne portait sur l'arbitrage, et j'ai beaucoup échangé avec nos commissaires à ce sujet. Mon engagement est que votre information soit la meilleure possible. La prochaine session des négociations sera suivie très attentivement par le Gouvernement.
Le calendrier politique américain doit-il conduire à conclure ces négociations avant la fin de l'année ? Non, pas plus que la conclusion récente du Partenariat transpacifique - qui a d'ailleurs fait l'objet de trente cycles de négociations sur cinq ans.
Pour le Gouvernement, seul un bon accord sera acceptable. Nous ne nous déterminerons qu'en fonction du contenu du texte. Pour l'heure, le compte n'y est pas pour la France. Pas de précipitation, donc. La France défendra ses intérêts et ses valeurs, ainsi que l'intérêt général national et européen.
L'agriculture est stratégique pour notre pays, et ne se résume pas à des chiffres ou des normes techniques. Il s'agit aussi de défendre nos traditions, nos valeurs et notre souveraineté alimentaire que rien ne serait mettre en cause.
Recherche de la qualité, contrôles rigoureux de la ferme à l'assiette garantissant pour nous la sécurité du consommateur, alors que les États-Unis préfèrent traiter le produit fini. Il n'est pas question de remettre en cause nos préférences collectives, qu'il s'agisse de l'interdiction du boeuf aux hormones, de la décontamination chimique ou des OGM.
Pour gérer les risques, les États-Unis se fondent sur ce qu'ils considèrent comme la science alors que nous appliquons le principe de précaution. Chaque approche est légitime, mais nous défendons la nôtre. Le maintien d'une agriculture fidèle à nos traditions réclame une mobilisation politique constante.
C'est à juste titre que le projet de résolution mentionne le cas de notre élevage, qui connait une crise aiguë. M. Le Foll est très mobilisé là-dessus. Nous refusons de faire des concessions supplémentaires. C'est à présent aux Américains de faire des propositions.
Votre proposition de résolution européenne aborde, à raison, la protection des indications géographiques. Le système américain repose sur les marques, c'est-à-dire sur le droit de propriété, quand nous sommes plus attentifs à la réalité des terrains et des modes de production agricole.
Nous exigeons un haut niveau de protection pour nos appellations, et demandons l'abandon des dénominations semi-génériques comme celle du « champagne de Californie ». Nos demandes sont précises et cohérentes ; l'exemple de nos relations avec le Canada montre que la coexistence entre marques et indications géographiques protégées est possible. À ce stade, la négociation est ardue. Les sujets pourraient toutefois faire l'objet d'un accord à la fin des discussions.
Nous souhaitons aussi la levée des barrières sanitaires : actuellement, le marché américain du boeuf est de facto fermé à notre viande bovine au prétexte de la crise de la vache folle ! Pourtant, le risque est désormais reconnu pour négligeable par l'Organisation internationale de la santé animale. De même, nos exportations de produits laitiers ou de pommes sont fortement bridées.
L'agriculture est si importante pour nous qu'il est naturel qu'elle occupe une place centrale dans les négociations.
Selon l'organisme de recherche du ministère fédéral de l'agriculture des États-Unis, une réduction significative des droits de douane agricoles aura des effets délétères pour l'Union européenne, avec un déséquilibre qui lui serait largement défavorable. L'étude indique également que l'abandon des législations européennes protectrices sur les OGM, les hormones ou la décontamination des viandes aurait non seulement des effets sur la qualité des produits, mais serait également dangereux économiquement.
L'ouverture et la transparence des négociations, que la proposition de résolution européenne demande, est une préoccupation constante. Désormais, les documents consolidés sont accessibles à Paris, ce qui met fin à la mascarade qu'était leur mise à disposition à Bruxelles ou dans les locaux de l'ambassade américaine. C'était inacceptable, je l'ai dit en ces termes à nos partenaires. Nous n'en sommes qu'au début du chemin. Les États membres doivent avoir accès aux offres que les États-Unis adresseront à la commission européenne. Je continuerai à la réclamer.
Pour la France, le traité est un accord mixte : il appelle donc une ratification européenne et nationale. C'est aussi la position de tous les États membres mais la Commission européenne reste prudente.
En cas de refus par le Parlement français, le droit prévoit la juxtaposition de mesures qui demeureront en vigueur et d'autres qui tomberaient. Mais politiquement, un rejet par le Parlement remettrait en cause l'ensemble de l'accord. Toute autre solution constituerait un coup d'État. (Applaudissements).
L'agriculture reste au coeur des débats sur ce traité, dans la plus grande transparence. Le Gouvernement partage l'esprit comme la lettre de la proposition de résolution européenne. (Applaudissements)
CMP (Candidatures)
M. le président. - La commission des lois a désigné les candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.
Traité transatlantique (Suite)
Discussion générale (Suite)
M. François Fortassin . - Cette proposition de résolution européenne nous est soumise en pleine crise de l'élevage. La chute des prix suscite la colère légitime des agriculteurs. Aussi devons-nous veiller à ce que les négociations garantissent une certaine réciprocité - d'autant que la question agricole est sensible aussi aux États-Unis. La population rurale, des deux côtés de l'Atlantique, représente un sixième de la population.
La filière bovine est la première menacée. Comment concilier l'inconciliable, la ferme limousine familiale et le ranch texan avec ses 100 000 vaches ? Les principes posés par notre commission des affaires européennes ne peuvent qu'être partagés, en particulier en ce qui concerne les barrières non tarifaires. Le principe de précaution doit continuer à s'appliquer. Et nous voulons défendre le fromage au lait cru contre ces pâtes fondues qui sont en fait des savons (Sourires). Le poulet fermier élevé en plein air contre le poulet nourri au maïs OGM.
Notre agriculture se caractérise par l'excellente qualité de ses produits - même si quelques défaillances peuvent plomber l'ensemble de la production. Ce n'est pas en multipliant les chaînes de restauration qui proposent tout autre chose que de la nourriture que nous nous en sortirons !
La proposition de résolution européenne appelle enfin à plus de transparence des négociations, c'est bienvenu. Le RDSE la votera à l'unanimité. (Applaudissements)
M. Michel Le Scouarnec . - Alors que les agriculteurs français se mobilisent pour défendre leur emploi et une juste rémunération de leur travail, évitons de les déstabiliser davantage : un quart des producteurs porcins bretons sont en liquidation ! Il faut s'attaquer aux racines du mal, qui sont connues, à une logique de marché et de concurrence dévastatrice.
À l'échelle européenne aussi, il faut faire cesser le dumping social et environnemental. Au lieu de cela, on nous prépare cette machine de guerre qui se traduirait pas un démantèlement des normes dans tous les domaines.
Les États-Unis seraient les grands gagnants. La suppression des droits de douane rapporterait 5,5 milliards aux États-Unis, 800 millions à l'Union européenne : celle des barrières non tarifaires, 10 milliards aux États-Unis, 2 milliards à l'Union européenne, selon une étude américaine. Une enquête allemande parvient aux mêmes conclusions. La Commission européenne ignore les intérêts de 99 % des fermes, à l'exception des plus grandes.
L'Union européenne organise la protection des animaux, de la ferme à l'assiette, elle interdit les hormones de croissance, les antibiotiques non médicaux et elle est nettement plus stricte sur les OGM. Rien de tel aux États-Unis, où l'on décontamine les carcasses une fois les bêtes abattues... Quelles garanties pour notre sécurité alimentaire ? Pour le bien-être animal ? Et que dire de l'usage de la ractopamine !
Il est prévu que les barrières sanitaires ne devront pas opposer des « barrières inutiles ». C'est dire ! L'enjeu est trop important, l'agriculture ne produit pas une marchandise comme les autres.
Mme Sophie Primas, rapporteur. - C'est vrai.
M. Michel Le Scouarnec. - Il est d'autant plus important que les négociations se déroulent au grand jour. Nous voterons évidemment cette proposition de résolution. (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Raoul . - L'agriculture et l'aménagement du territoire sont des sujets particulièrement sensibles à la veille du 12e cycle de négociations. Je veux saluer vos efforts, monsieur le ministre, en faveur de la transparence des négociations : jamais le contrôle parlementaire ne s'est si bien exercé, même si des progrès restent possibles.
N'oublions pas que l'agriculture occupe une place très inégale dans l'économie des pays intéressés : 0,9 % du PIB en Allemagne, qui pourrait être tentée de s'en servir comme d'une variable d'ajustement.
En dépit de l'avis de la Cour de Luxembourg sur le caractère mixte de cet accord, il est indispensable d'associer au débat les opinions et parlements nationaux. C'est ainsi que nous avons obtenu de la Commission européenne qu'elle veille plus scrupuleusement à l'équité et à la réciprocité de l'accord.
Parce que l'agriculture ne doit pas servir de variable d'ajustement, M. Billout a bien fait de déposer cette proposition de résolution que M. Bonnecarrère et moi-même avons voulu renforcer pour qu'elle soit adoptée à l'unanimité de nos deux commissions des affaires économiques et des affaires européennes. Nous attendons des garanties sur la protection des consommateurs. Alors que le principe de précaution est ici, un leitmotiv, rien de tel aux États-Unis... Je salue la proposition française d'encadrement de la convergence réglementaire. Beau travail, monsieur le ministre !
Je reprends aussi à mon compte la proposition du Parlement européen d'exempter certains produits et activités sensibles de la libéralisation. La qualité de nos produits et la vie de nos terroirs sont en jeu. Les propos que vous avez tenus, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale sur la « diplomatie des terroirs » nous pouvons faire les nôtres : la qualité de nos produits est une chance pour aborder le marché américain mais aussi pour obtenir l'équité dans les négociations internationales. Et ce, d'autant que les droits de douane sont très inégaux des deux côtés de l'Atlantique : 12,2 % aux États-Unis, contre 6,6 % en Europe.
Certains produits, exclus de la réduction des droits, pourraient faire l'objet d'un contingentement. On parle d'un contingent de 150 000 tonnes de viande bovine. Peut-on imaginer qu'il soit fongible avec le contingent canadien ?
Nous n'accepterons pas un accord préjudiciable à notre agriculture - ce qu'il ne sera pas nécessairement. Nous voterons cette proposition de résolution. (Applaudissements)
M. Joël Labbé . - Merci à M. Billout pour cette proposition de résolution européenne, ainsi qu'aux rapporteurs et au président de la commission des affaires européennes. Si Mme Primas n'avait pas été rapporteur, on aurait parlé à propos de ce texte d'antiaméricanisme primaire : ses arguments contre le traité transatlantique sont à charge.
S'il n'est pas signé, la terre ne s'arrêtera pas de tourner - au contraire, elle tournera mieux ! Seuls les tenants de l'agro-industrie veulent sa signature.
Le ministre a parlé de mascarade à propos des négociations, elles sont mal engagées. La commission européenne s'affranchit de tout cadre démocratique. Au lendemain de la COP21, il faudrait plutôt favoriser la relocalisation de la production alimentaire et mettre en place une gouvernance mondiale de l'alimentation !
Pour aujourd'hui, veillons à préserver nos normes, nos terroirs et notre modèle de société. Malgré tout le respect que j'ai pour l'Amérique, son modèle de société n'est pas le nôtre - même si on voit la permaculture et l'agriculture en ville y apparaître. Les exploitations d'engrainement américaines ont des coûts inférieurs de 40 % à ceux des ateliers français. Tout est dit... Faudra-t-il multiplier les fermes des 1 000 vaches ou des 150 000 poulets ?
On approcherait du dernier round, dit-on. Vocabulaire sportif alors que les règles du jeu ne sont pas connues, et que nous sommes exclusivement sur la défensive, et bien mal partis pour remporter le match... Notre rapporteur a raison : il ne faut pas hésiter à refuser cet accord s'il est mauvais.
Si ce texte me convient, il ne va pas assez loin. Je n'ai pas pu consulter mon groupe...
M. Jean Bizet. - Ce n'est pas très démocratique !
M. Joël Labbé. - Parce que j'aime l'unanimité et qu'elle semble réunie, je ne veux pas la compromettre. Je ne participerai pas au vote. (Marques de déception)
M. David Rachline . - Le traité transatlantique ressemble à un coup de grâce pour nos agriculteurs Nos modèles sont opposés : les fermes font 12 hectares en moyenne chez nous, contre 169 aux États-Unis. Cet accord accélérera la désertification des campagnes, détériorera notre environnement et la biodiversité et dégradera la qualité de nos produits. Il parachèvera l'évolution vers une agriculture mondialiste, ultra-libérale, hors-sol, coupée de toutes racines. Et nous aurons perdu de vu l'essentiel : «L'agriculture n'est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir», dit Pierre Rabhi.
Spécificité de cet accord, il faudrait s'en remettre en cas de différend à l'arbitrage privé. Cet abandon de souveraineté est inimaginable.
Pour Georges Friedman, le traité transatlantique est un instrument de vassalisation de l'Europe. Le groupe Communiste républicain et citoyen a raison de le contester et je voterai cette proposition de résolution européenne, sans oublier toutefois qu'il est le fruit d'une construction européenne que vous défendez depuis trente ans. Sans changement radical, notre agriculture s'effondrera. Si nous ne changeons pas de modèle en profondeur, les mesures prises ressembleront à de la morphine qui, loin de guérir l'agonisant, ne fait que rendre moins douloureuse sa disparition.
M. Jean Bizet . - Je me réjouis de la tenue de cedébat. Il est fondamental que le Sénat suive attentivement les négociations du traité transatlantique et en discute régulièrement en séance publique. Nous le faisons pour la quatrième fois à propos de ses incidences sur l'agriculture, qui cristallisent toutes les inquiétudes.
Cet accord de nouvelle génération vise non seulement à l'abaissement des droits de douane mais au rapprochement des normes et, plus largement à la réduction des barrières non tarifaires. Or ces normes, même si elles sont parfois lourdes et inadaptées, sont l'expression de préférences collectives auxquelles nous tenons.
La position dominante des États-Unis n'est pas forcément appelée à durer. L'équilibre du commerce mondial se déplace vers l'Asie. La Chine, malgré ses difficultés actuelles, se lance à la conquête du monde avec le projet « une ceinture, une route » et des centaines de milliards de dollars à investir dans une soixantaine de pays.
Dans ce contexte, un accord équilibré contribuerait à maintenir la centralité de l'Atlantique dans l'économie mondiale. Ne soyons pas naïfs toutefois. La France a de nombreux atouts à faire valoir : nos vins et spiritueux bénéficieraient grandement de la levée des barrières tarifaires américaines. La reconnaissance de nos indications géographiques est un préalable indispensable : le président Lenoir et moi-même avons été très fermes sur ce point avec l'ambassadeur américain en charge de ces négociations, M. Punke, que nous avons rencontré à Paris il y a 48 heures.
Les secteurs sensibles doivent être protégés, comme la filière bovine. Cela ne doit pas nous exonérer d'une réflexion sur leur avenir et leur réorganisation : pour eux, l'avenir est dans la très haute qualité. Pourquoi pas une appellation commune clairement identifiable ?
M. Alain Vasselle. - Et la valeur ajoutée serait aussi partagée ?
M. Jean Bizet. - Monsieur le ministre, nous ne voterons pas n'importe quoi, n'importe comment et n'importe quand. (Applaudissements à droite)
M. Jean-François Longeot . - Le traité transatlantique suscite beaucoup d'espoir. L'Europe pourrait y gagner plusieurs centaines de milliards d'euros, soit un montant comparable à celui du plan d'investissement lancé par la commission européenne. Il suscite également beaucoup de craintes.
Le Sénat, jouant son rôle d'aiguillon du Gouvernement, doit appeler à la plus grande vigilance sur la protection de nos indications géographiques. Si elles sont reconnues, nos viticulteurs et nos producteurs laitiers y gagneront : élu du pays du comté, du morbier et du mont d'or, j'en sais quelque chose ! La filière comté du Doubs, la première AOC fromagère en volume, craint la contrefaçon, qui se pratique déjà. La tentation sera sans doute plus grande après le traité transatlantique... Quelque 10 000 emplois sont en jeu.
Cet exemple est très local mais très éclairant. Appelons, non seulement à rendre les négociations plus transparentes, mais à en faire de véritables négociations. Jamais la France, dans son histoire, ne s'est engagée dans un processus d'une telle ampleur sans négocier elle-même son destin commercial. Le président de la République lui-même a exprimé son inquiétude. Le mandat donné à la Commission européenne n'est pas un blanc-seing. Plus de transparence, plus d'informations, et nous pourrions rassurer le terrain.
D'après un rapport du ministère de l'agriculture américain, notre agriculture serait la grande perdante de ce traité. Sauvegardons notre modèle. La traçabilité et l'étiquetage des produits sont l'un des moyens d'y parvenir.
Le groupe UDI-UC votera cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements au centre)
M. Michel Raison . - Les marchés anciens s'effritent, les nouveaux se dérobent. 2016 sera l'année de tous les dangers. Voulons-nous que le traité soit le coup de grâce pour les agriculteurs européens ? Je parle bien des agriculteurs européens car la France n'est pas une île isolée.
Je partage l'attente d'une plus grande transparence et d'une meilleure association des parlements nationaux. Il est inacceptable qu'aucune étude d'impact sur les filières concernées n'ait été publiée ! Les seules études disponibles promettent un avenir sombre aux agriculteurs européens : la valeur agricole diminuerait de 0,5 % en Europe, et augmenterait de 0,4 % outre-Atlantique...
L'enjeu est crucial pour la filière laitière. En préparant un rapport sur le lait, j'avais déjà été alerté sur le réveil du géant laitier américain : plus de 50 % du lait produit aux États-Unis l'est dans des fermes de plus de 10 000 vaches. Ce traité signe la volonté des États-Unis de revenir sur le marché mondial.
Le formidable système de protection que constituent nos indications géographiques pourrait se trouver très affaibli. Les Américains considèrent que certaines appellations sont devenues génériques : feta, gouda et comté... Ils produisent 74 000 tonnes de munster, nous en exportons 20 tonnes !
Churchill dit que les pessimistes voient les difficultés dans les opportunités, et que les optimistes voient les opportunités dans les difficultés. Si j'appartiens plutôt à la première catégorie, cela a ses limites. La rapporteur a raison : mieux vaut une absence d'accord qu'un mauvais accord, le contenu doit primer sur le calendrier. (Applaudissements à droite et au banc de la commission)
M. Franck Montaugé . - Le traité, par ses enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et sociétaux, mérite une attention particulière. Il fera baisser de 0,25 % nos exportations aux États-Unis, auxquels il fera gagner 9,7 milliards de dollars.
Nos préférences collectives doivent être défendues, alors que les normes sanitaires qui empêchent l'exportation de nos fromages outre-Atlantique sont maintenues. Des accords doivent être trouvés, notamment sur la reconnaissance de l'équivalence de nos systèmes de contrôle.
Les indications géographiques, contrairement aux marques, sont permanentes ; elles ne peuvent pas être cédées. L'Union européenne doit obtenir leur reconnaissance. Il est significatif que les États-Unis ait refusé la création d'un groupe de travail de haut niveau sur ce sujet en octobre dernier.
Enfin, il faut protéger nos secteurs sensibles, et d'abord l'élevage bovin. L'exportation massive de morceaux nobles américains, le marché outre-atlantique se concentrant sur la viande hachée, serait catastrophique pour nos exploitations. N'oublions pas que les règles et pratiques observées des deux côtés de l'Atlantique, qu'il s'agisse de l'alimentation, du bien-être animal ou de la taille de l'exploitation sont très différentes.
Faute d'étude d'impact, comment apprécier les effets de la levée des barrières non tarifaires ? La libéralisation des échanges n'est pas une fin en soi.
Je salue l'action du ministre Fekl, tout en demandant qu'un maximum d'informations nous soit fourni afin de soutenir nos territoires. Le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et CRC)
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Hasard du calendrier, nous examinons ce texte alors que les agriculteurs agonisent dans nos départements et manifestent leur désespoir dans toute la France. Le hasard fait parfois bien les choses, il nous invite à prendre conscience de la responsabilité collective qui est la nôtre. En bonne montagnarde, je sais qu'il faut sécuriser une ascension si l'on ne veut pas se retrouver brutalement en bas.
Faute de précautions, l'accord en cours de négociation pourrait avoir des effets désastreux. L'agriculture ne se limite pas à des chiffres : c'est de notre histoire, de notre mode de vie, et de nos savoir-faire qu'il s'agit. Notre agriculture est diverse mais se caractérise par un souci permanent de qualité. En témoigne le développement des circuits courts, qui rassurent aussi les consommateurs.
Ce traité frapperait durement l'élevage bovin : les États-Unis sont le premier producteur mondial de viande de boeuf. C'est une question économique mais aussi de santé publique. Les effets de certaines substances administrées aux bêtes ne se font sentir que des années après sur la santé.
En montagne, l'agriculture contribue à l'aménagement du territoire. Comme elle est extensive, ses produits ont le goût du terroir. Protégeons les indications géographiques, pleines de sens au pays des 1 200 fromages !
Oui, le contenu doit l'emporter sur le calendrier. Pour l'heure, il est impossible de signer cet accord en l'état. (Applaudissements à droite)
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - M. Fortassin appelle à plus de transparence, tout en reconnaissant les progrès réalisés en la matière. Les exemples fromagers qu'il a cités sont au coeur de notre diplomatie des terroirs.
À M. Le Scouarnec, je rappelle la mobilisation du Gouvernement face à la crise qui secoue la Bretagne. Ne préjugeons pas du résultat des négociations : pour l'heure, il n'y a pas d'accord. La France décidera sur pièces.
M. Alain Vasselle. - Soyez ferme !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - Monsieur Raoul, l'agriculture ne doit effectivement pas être la variable d'ajustement. Pour l'heure, il n'y a eu aucune décision sur les contingents chiffrés de boeuf. Seront-ils fongibles avec les contingents canadiens ? Nous nous efforçons en tout cas que, globalement, les contingents soient supportables pour des secteurs déjà en grande difficulté.
Oui, monsieur Labbé, des règles internationales sont souhaitables et l'OMC doit jouer un rôle plus actif dans leur définition et leur mise en oeuvre. J'ai ici même plaidé pour la création d'une Cour de justice commerciale internationale.
A la mondialisation de l'économie doit correspondre la mondialisation des règles, et la transparence de leur élaboration.
M. Alain Vasselle. - Très bien !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - Monsieur Rachline, qu'une instance arbitrale privée puisse remettre en cause les décisions souveraines des Parlements nationaux serait en effet insupportable. La France a obtenu sur ce point un consensus européen. Vous approuvez cette proposition de résolution européenne, je m'en réjouis. Ce n'est pas l'habitude de votre famille politique, adepte de la rhétorique complotiste. En revanche, prétendre que l'Union européenne menace nos agriculteurs est un énorme mensonge : quel serait leur avenir sans l'Europe ? De même, dire que nous ne faisons pas le poids face aux Américains, c'est exprimer une bien piètre idée de notre pays...
M. David Rachline. - À cause des règles que vous avez instaurées !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - La France, membre permanent du Conseil de sécurité, sait se faire entendre.
Monsieur Bizet, nous devons participer à l'élaboration des normes de demain, veiller à ce qu'elles soient conformes aux intérêts et à la vision de la France.
M. Alain Vasselle. - Il faut une harmonisation mondiale !
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - La vigilance du Parlement doit être totale.
Monsieur Longeot, comptez sur moi pour maintenir la pression afin d'obtenir la transparence. Je m'exprimerai le 8 mars devant vos commissions compétentes pour un point d'étape.
Monsieur Raison, nous déplorons l'absence d'une étude d'impact mais disposons d'autres études. Une est à venir avant l'été sur les conséquences du traité sur le développement durable. Toutes les écoles économiques doivent s'exprimer sur ce traité et publier leurs travaux. Sur le lait et la crème, nous nous montrerons très offensifs car la législation américaine empêche beaucoup de nos exportations.
Monsieur Montaugé, merci pour vos propos sur la diplomatie des terroirs. Pas question de remettre en cause les choix que les Français et les Européens ont faits ensemble.
Je note une large convergence de vue sur ce sujet. Je vous assure de la mobilisation du Gouvernement et de ma totale disponibilité.
La proposition de résolution européenne est adoptée.
M. le président. - Le texte est adopté à l'unanimité. (Applaudissements) En application de l'article 73 quinquies, alinéa 7, de notre Règlement, il sera transmis au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.
CMP (Nominations)
M. le président. - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement. N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire en tant que titulaires, MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Alain Fouché, François Zocchetto, Alain Richard, Jean-Claude Leroy et Mme Éliane Assassi ; et en tant que suppléants, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Jacky Deromedi, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Sophie Joissains, MM. Roger Madec, Louis Nègre et Mme Catherine Troendlé.
La séance est suspendue à 12 h 50.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Mise au point au sujet d'un vote
M. André Gattolin. - Je souhaitais corriger une erreur sur mon vote hier soir lors du scrutin public n°142 sur la proposition de loi interdisant les parlementaires en mission. Je voulais voter en faveur du texte.
Accès au logement social
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi favorisant l'accès au logement social pour le plus grand nombre, présentée par M. Michel Le Scouarnec et plusieurs de ses collègues (demande du groupe communiste républicain et citoyen).
Discussion générale
M. Michel Le Scouarnec, auteur de la proposition de loi . - Selon la Fondation Abbé Pierre, 141 000 personnes dorment dans la rue, chiffre qui a doublé en dix ans, tandis que 1,2 million de personnes sont sous la menace d'une expulsion. Le mal-logement a aussi des effets sur la vie scolaire, la santé, le travail, etc... Il y a urgence à agir. Le logement est devenu un bien spéculatif.
On est loin des 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Cela a des conséquences sur l'emploi : 12 000 emplois perdus en 2015 dans le BTP. C'est pourquoi nous proposons une agence pour le logement. Les aides à la pierre baissent drastiquement, ce qui se conjugue à la baisse des dotations aux collectivités territoriales.
L'absence de construction publique crée un déficit de l'offre, et donc pousse à la hausse des loyers dans le privé. Les secteurs public et social sont liés. Le projet de loi de finances pour 2016 nous inquiète. L'État continue de se désengager. Avec moins d'argent, on construira moins !
Il faut réorienter les 40 milliards consacrés au logement et dilapidés par trop de niches fiscales, comme le dispositif Pinel, qui ne servent pas au logement social mais aident les ménages aisés à se constituer un patrimoine. Rien ne prouve l'efficacité de ces niches fiscales. Au contraire, elles créent des effets d'aubaine et nourrissent la rente privée.
L'article premier de cette proposition de loi supprime le dispositif Pinel et réaffecte ses crédits vers le logement social. Certes 240 millions, c'est modeste, mais le dispositif monte en puissance. Surtout cette mesure permettra de lutter contre la ghettoïsation de certains quartiers : le brassage et la mixité sociale sont une réponse aux remises en question du pacte républicain.
M. Jean-Claude Requier. - C'est vrai !
M. Michel Le Scouarnec. - Selon l'Union sociale de l'habitat, le logement social est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas, et même de tous. Il arrive que des logements neufs restent vides faute de locataires aux ressources suffisantes.
Un relèvement du plafond d'accès au logement social répond à notre vision généraliste du droit au logement. Le renouvellement urbain dans les zones les plus denses doit être une chance pour mettre en oeuvre la mixité, source de réussite et d'apaisement. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)
M. Philippe Dallier . - Les auteurs de cette proposition de loi dressent un constat sombre que nous ne pouvons malheureusement que partager. L'objectif de construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ne pourra pas être atteint.
Ils souhaitent une réorientation des aides vers le logement social. Ils posent aussi la question de la mixité sociale et souhaitent y apporter des réponses. L'ambition n'est pas mince !
La politique du logement mobilise 40 milliards par an, dont 16 pour le logement social. Mais le pilotage de cette politique est complexe. Certaines zones sont très tendues - Ile-de-France, PACA, frontière Suisse - tandis que dans d'autres l'offre est supérieure à la demande. Il faut aussi penser à la rénovation énergétique, encore balbutiante.
Cette proposition de loi préconise une hausse des aides à la pierre, la mobilisation des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations - Livret A et livret de développement durable - pour la construction et la réhabilitation, et le financement de ces opérations par la suppression de niches fiscales comme le Pinel.
Pour favoriser la mixité, l'article 2 augmente de 10,3 % les plafonds de ressource pour accéder aux différentes catégories de logement social, revenant sur la baisse opérée par la loi Boutin de Mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (Mole) en 2009.
Si je considère, à l'instar des auteurs de la proposition de loi, que la politique du logement présente des résultats insuffisants, j'estime néanmoins qu'il convient de ne pas adopter cette proposition de loi.
Relever les seuils comme nos collègues le proposent reviendrait à ouvrir le logement social à quasiment toute la population. Aujourd'hui, 30,2 % des ménages sont déjà éligibles aux PLA-I, les logements sociaux destinés aux plus défavorisés, et 65,5 % des ménages peuvent demander à se loger dans un logement financé grâce à un PLUS. Quant aux PLS et aux PLI, ils sont déjà respectivement accessibles à 81,4 % et 86,9 % des ménages. Cette proposition de loi rendrait éligible au PLU 35 % des ménages et 92,4 % au PLS. Cela pénaliserait les ménages les plus fragiles qui seraient concurrencés par de plus solvables.
Cette proposition de loi n'apporte pas non plus de réponse efficace au problème de la mixité. Selon moi, la solution est de préserver systématiquement du PLA-I dans les programmes réalisés ainsi que la remise en ordre des loyers, insuffisamment utilisée.
En outre, le dispositif Pinel, mieux calibré que le Duflot, a trouvé son public : il générera 47 000 logements construits en 2015, avec des effets positifs pour l'emploi. Le marché immobilier nécessite avant tout de la stabilité fiscale. Ce serait une erreur de le supprimer. Cela ne nous empêchera pas de demander une évaluation ultérieure. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Le logement est le premier poste de dépenses des ménages, qui y consacrent 18,5 % de leur budget. Avec 351 000 logements construits en 2015, on est loin de l'objectif de 500 000 ! Pourtant l'effort financier est important : 40 milliards d'euros par an. Toutefois l'État se désengage de plus en plus de l'aide à la pierre, financée désormais par les bailleurs sociaux, qui doivent pour ce faire s'endetter.
Le constat est partagé. Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat, mais nous divergeons sur les solutions.
Le dispositif Pinel a un objectif différent des aides au logement locatif. Il favorise le développement du parc locatif intermédiaire. C'est ainsi que 50 000 constructions ont été réalisées en 2015, et autant sont prévues en 2016 pour un coût de 240 millions d'euros annuels et 1,75 milliard d'euros en tout en une génération. Les professionnels notent un effet positif de ce dispositif dans une conjoncture encore fragile. Ne le supprimons pas. Il n'est pas sûr que l'État récupérerait d'ailleurs les 1,75 milliards qu'il coûte, car les investisseurs se tourneraient vers d'autres niches.
Mieux vaut limiter les effets d'aubaine et mener des contrôles fiscaux ciblés pour vérifier dans le temps le respect des obligations que ce dispositif prévoit.
De même, relever les plafonds de ressources entraînerait une réduction des cas où un supplément de loyer de solidarité est versé par les ménages les plus aisés du parc social.
Nous proposons plutôt d'accélérer la libération du foncier en limitant les contentieux ; de simplifier les normes de construction ; de créer un observatoire pour adapter les politiques aux besoins ; de remédier au départ des investisseurs ; de mieux occuper le parc vacant.
Estimant que la proposition de loi a plus d'inconvénients que d'avantages, la commission des affaires économiques a donné un avis défavorable. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - Le Gouvernement estime que cette proposition de loi est inopportune et porteuse d'effets néfastes. Faut-il supprimer le dispositif Pinel alors que le BTP sort à peine de la crise ? Mieux vaut poursuivre les efforts. La simplicité de ce dispositif est la clef de son succès : 50 000 logements construits en 2015. Il est mieux calibré que le Duflot car ciblé sur les zones tendues. Grâce à des plafonds de revenus, il est adapté. La réforme du zonage A, B, C a renforcé son attractivité. De plus, de tels dispositifs dégagent des ressources fiscales supplémentaires sans compter leurs effets bénéfiques sur l'emploi. Enfin, le secteur a besoin de stabilité.
L'aide au logement intermédiaire n'est pas antagoniste avec l'aide à la pierre : 500 millions en 2016 grâce à un fonds mutuel dédié, géré par l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales.
Ces subventions sont complétées par des aides fiscales : taux réduit de TVA pour l'acquisition de terrains destinés à la construction de logements sociaux, exonération d'impôt sur les sociétés et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Cela représente 4 milliards, qui s'ajoutent à l'aide à la pierre. En outre, les conditions de crédit sont très avantageuses. Grâce à quoi 169 000 logements sociaux ont été construits en 2015, soit 2,3 % de plus qu'en 2014.
Relever les plafonds de ressources ne nous semble pas adapté. Le Gouvernement préfère soutenir des parcours locatifs ascendants en direction de logements intermédiaires ou de l'accession sociale à la propriété : 66 % des ménages sont sous le plafond de ressources PLUS. La majorité des Français ont ainsi accès au logement social. Mieux vaut faire évoluer l'image du parc social et accroître son attractivité. Il est vrai que la demande reste supérieure à l'offre. Les ménages au-dessus du plafond de ressources ont vocation à s'orienter vers le logement intermédiaire.
Deux fonds gérés par la Caisse des dépôts et de consignation ont été créés pour soutenir la construction du logement social. Le prêt à taux zéro a été amélioré, rendu plus accessible, pour aider les jeunes ménages.
Le logement social est un pilier essentiel de notre politique. Le Gouvernement souhaite développer toute une gamme de logements, du logement social au logement haut de gamme.
Le projet de loi égalité et citoyenneté favorisera une meilleure répartition du parc social sur le territoire, afin de faciliter la mobilité résidentielle en fonction des parcours de vie, dans le cadre de villes plus harmonieuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste. Mme Sophie Primas applaudit aussi)
M. Vincent Delahaye . - Notre pays connaît depuis plusieurs années une grave crise du logement. Les engagements de campagne du président de la République n'auront pas été tenus. C'est regrettable : 3,8 millions de personnes sont mal logées, 900 000 sont privées de logement personnel, 140 000 sont sans domicile fixe.
Les prix de l'immobilier ont tellement augmenté qu'ils excluent de nombreux Français de certaines zones urbaines. C'est paradoxal, alors que l'épargne des Français, historiquement très abondante, est majoritairement orientée vers la pierre. En 2015, la Caisse des dépôts et consignations a accordé 26 milliards de prêts en faveur du logement social. Elle diversifie son activité vers le logement intermédiaire.
Tout le monde n'a pourtant pas vocation à rester toute la vie dans un logement social. Cette proposition de loi pose la question : faut-il sacrifier le logement intermédiaire au profit du logement social ?
Le groupe CRC propose de supprimer les avantages fiscaux accordés au logement intermédiaire, et de saupoudrer les crédits publics pour aider le logement social. Je ne suis pas favorable à ce que l'on concentre l'effort sur le logement social. Ce n'est pas la solution unique à la crise : il ne peut satisfaire l'ensemble de la demande. Ne sacrifions pas le logement intermédiaire destiné, par nature, aux classes moyennes.
Pourquoi supprimer le Pinel ? Ces dispositifs - Robien, Scellier ou Pinel - fonctionnent : 750 000 logements construits au total.
La question est plutôt celle de l'excès de normes qui pénalisent la construction. Il faut aider les maires constructeurs. Faisons-leur confiance. Ce sont eux qui connaissent le mieux les besoins de leur population.
Mme Isabelle Debré. - Absolument.
Mme Françoise Gatel. - Tout à fait.
M. Vincent Delahaye. - Il faut avoir à la fois du logement social, du logement intermédiaire, de l'accession sociale à la propriété, etc.
M. Michel Le Scouarnec. - Nous sommes d'accord avec cela !
Mme Isabelle Debré. - Nous aussi !
M. Vincent Delahaye. - La congestion du marché limite la circulation. Nous avons proposé de modifier le régime des plus-values immobilières pour fluidifier le marché.
Nous ne voterons pas cette proposition de loi. Sacrifier le logement intermédiaire au profit du logement social n'est pas un remède à la crise du logement en France. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marie-France Beaufils . - Chacun constate que la baisse des aides à la pierre n'est pas bonne. C'est pourquoi nous proposons au contraire de l'augmenter. L'État se désengage. Résultat, les bailleurs et les locataires sont mis à contribution. Aussi nous proposons de supprimer le dispositif Pinel. Le rapporteur y est hostile au nom de la stabilité fiscale. De ce point de vue, les gouvernements successifs ont fait preuve d'une stabilité admirable : le Pinel s'est appelé successivement le Duflot, le Scellier, le Besson, le Robien, le Borloo, etc.
Il faut adapter l'offre à la demande notamment en termes de surface : avec 41 mètres carrés en moyenne, les logements Pinel sont trop petits pour satisfaire les attentes des ménages. Le Pinel est réservé aux ménages aisés. L'argent public devrait être mieux utilisé.
Nous ne souhaitons pas pénaliser le logement privé. Simplement le logement public doit être prioritaire. L'État n'a plus les moyens de financer l'assistanat du logement privé : le Pinel coûte 1,8 milliard ! C'est pourquoi nous proposons d'augmenter les aides à la pierre.
En relevant les plafonds d'accès au logement social, nous favoriserions la mixité. En les abaissant en 2009, on a fait sortir du parc des ménages solvables et entraîné une paupérisation du parc social qui concentre les personnes en difficulté. La politique publique du logement est le meilleur levier pour assurer le brassage des populations et reconstruire la République.
Le logement social a été un domaine d'innovation, de modernité architecturale. Il n'est pas forcément laid et gris, ni le logement privé beau et coloré. Nous plaidons pour un logement social de qualité, à haute exigence environnementale.
Le vivre ensemble ne passe pas seulement par les choix intelligents des commissions d'affectation, ni par des programmes mixtes : il faut faire en sorte que des populations diverses cohabitent dans le même parc social. Il faut réorienter les crédits vers les aides à la pierre, pour que chacun soit bien logé, et puisse s'épanouir. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Daniel Raoul . - Cette proposition de loi a le mérite de nous permettre un débat sur le mal logement, que le 21e rapport de la Fondation Abbé Pierre analyse comme un facteur d'aggravation des inégalités, aux effets terribles sur la santé, et de décrochage scolaire et social.
Il faut en priorité construire et réhabiliter des logements dans des villes qui en manquent, et sans doute - comme vous le dites madame la ministre - territorialiser l'application de la loi. Il est anormal qu'il y ait autant de mal logés et de SDF, qu'autant de logements soient vacants : 3,1 % des logements sociaux et jusqu'à 5 % en Bourgogne !
On recense 2 000 logements vacants dans mon département. Un maire qui avait réhabilité des logements sociaux ne trouvait aucun locataire, même en leur offrant trois mois de loyer. La dégressivité de la taxe sur les plus-values alimente la spéculation foncière. Nous pourrions nous inspirer des pays du nord, qui versent le produit de cette taxe aux collectivités ayant classé le foncier en zone constructible.
Nous transférons des crédits d'aide à la pierre vers des aides à la personne, alors que ces dernières ont un effet haussier sur le marché...
M. Michel Le Scouarnec. - Donc vous convenez qu'il faut augmenter les aides à la pierre !
M. Daniel Raoul . - Ne faudrait-il pas proportionner l'APL à la surface ? 40 milliards d'euros, c'est trop, pour trop peu d'effets.
Les premiers résultats de la politique du Gouvernement se font sentir, 120 000 logements en 2013, soit 2,3 % de plus qu'en 2014.
L'article premier de la proposition de loi supprime purement et simplement le Pinel, alors qu'il a débloqué des programmes en panne et stimulé un secteur en difficulté. La loi Égalité et citoyenneté permettra de faire encore mieux.
L'article 3 est un gage financier qui n'a aucun sens...
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. - Sinon politique !
M. Daniel Raoul. - ...Sinon d'exprimer l'hostilité de principe du groupe communiste républicain et citoyen au CICE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis, applaudit également ; exclamations sur les bancs du groupe CRC)
M. Joël Labbé . - Après le nécessaire débat sur le traité transatlantique, je salue l'initiative de mon collègue morbihannais Michel Le Scouarnec, dont je respecte l'engagement sans faille en faveur des valeurs humanistes...
M. Michel Le Scouarnec. - Bon début !
M. Philippe Dallier, rapporteur. - Attendez la suite !
M. Joël Labbé. - Avec plus de 3,5 millions de mal logés et 140 000 personnes qui dorment dans la rue, dont 30 % d'enfants, le constat est terrible.
L'objectif du Gouvernement - construire 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux - est loin d'être tenu, avec 300 000 logements sortis de terre en 2014.
Il est bon de citer l'Abbé Pierre. « Sur ma tombe, au lieu des fleurs et des couronnes, apportez-moi la liste des milliers de familles, des milliers de petits enfants à qui vous aurez donné la clé d'un vrai logement. »
L'article premier supprime le Pinel, qui ne semble pas atteindre les objectifs souhaités tout en coûtant bien cher, d'autant plus qu'il est permis de louer à son ascendant ou son descendant : c'est une subvention à l'augmentation du patrimoine privé ? De plus, toutes les zones ne sont pas éligibles, ce qui crée des inégalités territoriales...
M. Philippe Dallier. - On peut investir où l'on veut !
M. Joël Labbé. - Mais il faudrait évoquer aussi le Censi-Bouvard, véritable cadeau aux centres de vacances privés, Center parcs et autres. La demande de rapport votée en octobre 2013 n'a toujours pas été honorée.
L'article 2 nous a laissés perplexes...
M. Philippe Dallier, rapporteur. - Vous n'êtes pas les seuls...
M. Joël Labbé. - Il apporte certes une réponse au mécontentement des classes moyennes inférieures, et plus d'égalité, mais comment le relèvement des seuils, dans une situation de pénurie, pourrait-elle régler la situation ? Nous aurions préféré une augmentation de surloyers.
Nous ne pouvons que souscrire à l'article 3 : le CICE n'a pas atteint ses objectifs de résorption du chômage, tout en profitant aux grandes entreprises qui pratiquent l'évasion fiscale.
Je souscris aux deux tiers de notre proposition de loi. Je m'abstiendrai sur l'article 2, mais voterai la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste citoyen et républicain)
M. Jean-Claude Requier . - Les chiffres du rapport de la Fondation Abbé Pierre sont éloquents. Mais comment une politique du logement peut-elle être détachée de la politique de l'emploi ou du développement économique ?
Cette proposition de loi serait contraire au droit de chacun à un logement décent, qui est un objectif à valeur constitutionnelle consacré par le Conseil constitutionnel en 1995. L'article premier, qui tire un trait sur le très jeune dispositif « Pinel » en faveur de l'investissement locatif privé serait un mauvais signal pour un secteur qui connaît une timide reprise, sans parler, bien sûr, de l'affection de notre groupe pour Sylvia Pinel... (Rires) Ce dispositif en effet, qui a remplacé avantageusement son prédécesseur, dit « Duflot », en favorisant la construction de 40 000 logements de haute qualité énergétique dès sa mise en place en 2015, est le premier du genre qui, en offrant des loyers inférieurs de 20 % aux prix du marché, soit territorialisé et réservé aux zones tendues. Ce n'est pas en le supprimant que nous offrirons un logement aux 1,7 millions d'inscrits sur les listes d'attente !
L'article 2 suppose de reconnaître le droit au logement social de la grande majorité de la population, ce qui n'est pas souhaitable. Il doit être réservé à ceux qui en ont le plus besoin, et qui sont encore trop nombreux à être logés dans le parc privé dans des conditions indignes. En outre, il a été conçu pour être provisoire dans un parcours vers l'accession à la propriété...
M. Alain Gournac. - Absolument !
M. Jean-Claude Requier. - La proportion de ménages modestes est la même dans les parcs privé et public.
Les réponses de cette proposition de loi ne sont donc pas adaptées. Le projet de loi Égalité et citoyenneté devrait réformer la détermination des loyers ou les critères d'accès.
Tout en partageant une grande partie des constats dressés par ses auteurs, nous ne pourrons voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
M. Francis Delattre . - Le constat est partagé sur l'échec de la politique du logement. Les résultats tardent à se produire depuis vingt ans. On doit réformer cette politique du logement, dont le coût est prohibitif selon les observateurs étrangers. C'est le premier poste de dépense pour nos concitoyens. Le taux de rotation dans le parc social est faible, 10 % contre 22 % dans le privé. Il faudra des milliards pour mettre aux normes des immeubles vieillissants.
La loi Alur présente bien des inconvénients mais la plupart des décrets d'application n'en ont fort heureusement pas été publiés.
M. Alain Gournac. - Tant mieux !
M. Francis Delattre. - Aujourd'hui, les logements sociaux sont construits de manière obsessionnelle, affectés au Dalo, dans une logique d'urgence, qui se comprend, mais ne doit pas se substituer à une logique de long terme évitant la ghettoïsation.
Le problème n'est pas que l'on ne construit pas de logements sociaux, mais qu'on ne les construit pas là où il faudrait : en dehors de centres anciens, dans des quartiers sans âme, dont les habitants ressentent amèrement cette mise à l'écart...
Mme Marie-France Beaufils. - Caricature !
M. Francis Delattre. - L'accès à l'emploi y est difficile, tant les temps de trajet sont longs et le lieu de résidence est même devenu un critère d'embauche...
La mixité sociale a disparu de ces quartiers.
Souvent la recherche de la bonne école fait fuir les classes moyennes. Le départ des commerçants aggrave l'insécurité. D'un autre côté, un tiers des occupants ont un revenu supérieur au plafond. Il faudrait s'intéresser à la gestion et à l'application des critères.
Avec 2 % du PIB, la France est la championne d'Europe des dépenses pour le logement... avec des résultats décevants.
Les coûts de la construction sont plus élevés de moitié en France qu'en Allemagne, autant d'argent en moins pour les ménages. Les aides peuvent être aisément captées par les professionnels de l'immobilier, avec un effet inflationniste.
L'écart des prix entre construction et consommation a augmenté de 14 % contre 5 % en Allemagne. Les normes sont au coeur du sujet. Si seuls 20 % des logements respectaient les normes pour les personnes handicapées, cela répondrait aux besoins et coûterait beaucoup moins cher. Des espaces devraient être revalorisés dans les zones urbaines. L'État et les collectivités territoriales devraient s'associer pour leur dépollution. Les politiques de réserve foncière à long terme, comme l'Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) en Île-de-France devraient être favorisées.
Même chose pour les logements sociaux dans les zones très tendues avec les baux emphytéotiques ou le paiement différé du terrain. Les quartiers datant des années 1970 devraient être repensés.
Les aides doivent servir à augmenter l'offre, au lieu de nourrir l'inflation. En ce qui concerne l'aide au logement des jeunes, il n'y a pas lieu de distinguer entre les étudiants et les jeunes actifs. Des baux de deux ou trois ans favoriseraient la rotation tout en laissant aux jeunes le temps de mettre au point leur parcours résidentiel. C'est une erreur que de préférer les résidences tout public à celles qui sont réservées aux jeunes actifs et étudiants. (M. Philippe Dallier approuve)
La récente loi Vieillissement a enfin reconnu aux seniors le droit à un logement adapté.
Les collectivités territoriales devraient avoir plus de responsabilités : les maires connaissent chaque quartier, chaque rue, et ils ne peuvent gérer que 20 % de leur parc... Il faut trouver un consensus entre les anciens habitants et ceux qui arrivent dans de nouveaux logements sociaux... Ce n'est pas toujours facile ! (M. Alain Gournac renchérit)
L'accession sociale à la propriété doit être relancée, grâce à la diversification de l'activité des organismes de logement social. Même si le groupe Les Républicains votera contre, remercions le groupe CRC pour le débat que sa proposition de loi a suscité. (Applaudissements à droite et au centre ; exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Philippe Dallier, rapporteur. - M. Delattre est bien consensuel aujourd'hui !
M. Francis Delattre. - La gauche devrait m'applaudir ! (Sourires)
Mme Annie Guillemot . - Le logement n'est pas une marchandise comme les autres. La ministre du logement l'a dit, le logement social est un pilier de notre politique en la matière qui permet à 4 millions de ménages de préserver leur pouvoir d'achat. La Fondation Abbé Pierre a fait part de ses constats accablants. Les ménages sont 45 % de plus qu'en 2006 à consacrer plus de 35 % de leur budget au logement.
Le Gouvernement intensifie ses efforts pour construire des logements sociaux et intermédiaires. Les deux ne s'excluent pas. Dès 2012, le Gouvernement a recadré le dispositif d'initiation à la construction des logements neufs locatifs...
M. Philippe Dallier, rapporteur. - C'est pour cela qu'il a été corrigé avec le Pinel...
Mme Annie Guillemot. - Cette proposition de loi revient sur la mixité sociale dans l'habitat, qui est au coeur du projet de loi Égalité et citoyenneté. Au dernier congrès HLM, le président de la République a réaffirmé son objectif de construire plus et la volonté de l'État d'accorder des moyens pour l'atteindre. Les constats de la Fondation Abbé Pierre ont été rappelés.
Pourtant le plan de relance de la construction commence à produire ses effets, la reprise se confirme ! Le marché des logements neufs est ainsi en hausse de plus de 20 % par rapport à 2014 et les mises en chantiers doublent, ainsi que le nombre de permis de construire. Avec le budget 2016, dont on peut regretter encore que le Sénat ait rejeté les crédits de la mission logement, le Gouvernement intensifie encore ses efforts pour la construction et la rénovation.
Dès 2012, le Gouvernement a recadré le dispositif d'investissement locatif pour éviter les effets d'aubaine et réduire sensiblement son impact sur les finances de l'État.
On ne peut admettre que des populations entières soient exclues de certaines communes, faute de logements sociaux. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin approuve)
La mobilisation du Gouvernement pour le logement social a commencé à porter ses fruits puisque l'année 2015 est marquée par l'augmentation du nombre de logements sociaux financés de 2.3 % par rapport à 2014. Le président de la République vient d'annoncer lors du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations que 3 milliards d'euros vont être mobilisés pour accroître la capacité d'investissement de la Caisse d'ici 2017 avec deux priorités : le logement et la croissance verte.
Les sanctions contre les communes qui construisent insuffisamment de logements sociaux ont été aggravées. Si 1 022 communes soumises à « obligation SRU » se sont en majorité engagées dans des actions utiles pour combler leur retard, la minorité de celles qui résistent à la loi reste considérable : plus de 220 communes ont été déclarées en carence au titre de ce bilan.
Le 14 janvier, nous étions nombreux autour de Louis Besson et de Jean-Claude Gayssot, qui ont porté la loi SRU promulguée le 13 décembre 2000 : il est indispensable de lutter sans relâche contre les effets de la ségrégation sociale et territoriale. Près de la moitié des logements sociaux construits entre 2000 et 2008 est due à la loi SRU dans les communes où elle s'applique. Elle a ainsi permis la construction de près de 450 000 logements.
J'espère que vous serez nombreux à soutenir le projet de loi à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Jean-Pierre Bosino . - L'article premier supprime le Pinel, qui coûte 240 milliards d'euros en 2016, un montant déjà multiplié par trois. Il s'agit d'argent public qui profite à des particuliers pour un logement pas toujours de qualité, dont on a pu s'inquiéter qu'ils deviennent les copropriétés dégradées de demain. Si l'on ajoute que le revenu moyen des bénéficiaires de ce régime s'élève à 67 000 euros par an et que les locataires sont parfois leurs enfants ou petits-enfants...
Le fonds national d'aide à la pierre sera financé par les bailleurs, donc par les locataires. À nos yeux, c'est l'offre de logement publique qui peut influer sur le marché privé. Depuis 1977, le glissement de l'aide à la pierre vers des aides personnelles est une erreur stratégique.
Mme Marie-France Beaufils . - Aucun argument n'a été proposé démontrant l'utilité du dispositif Pinel. Les seuls chiffres dont nous disposons concernent les bénéficiaires de cet avantage fiscal : 4 727 foyers fiscaux en 2014, pour un coût de 16 millions d'euros. Le nombre de logements locatifs a certes augmenté, mais pas celui des logements intermédiaires. Au vu de sa durée, l'avantage fiscal couvre presque le coût de l'investissement, cela devrait interpeller tout le monde.
J'espère que la discussion du projet de loi « égalité et citoyenneté » tiendra compte de notre débat d'aujourd'hui.
Ces sommes doivent être réorientées vers l'aide à la pierre. On prétend que la suppression du Pinel freinerait la construction, la mise en chantier de nouveaux logements publics la relancerait au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
L'article premier n'est pas adopté.
ARTICLE 2
M. Jean-Pierre Bosino . - Le logement social était considéré naguère comme une promotion, la base d'un parcours résidentiel, un outil d'aménagement du territoire. Il y a cinquante ans, y entrer, c'était un signe de réussite, d'autant que des très grands architectes comme Le Corbusier les avait imaginés. Comment est-on passé à la vision restrictive qui a cours aujourd'hui ? Cet article revient sur la loi Boutin, bien nommée Molle, pour la mixité. Ce n'est que justice dans un pays de bas salaires comme le nôtre ! Je pense au cas d'un professeur des écoles qui débute.
Monsieur le sénateur Raoul craint que cela prive les bailleurs des surloyers. Arrêtez d'abord de ponctionner leurs fonds propres ! La demande est là, il ne sert à rien de casser le thermomètre. Cela ne fera pas tomber la fièvre, l'envolée des prix, le mal-logement.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Onze des trente-six communes des Hauts-de-Seine sont hors la loi, par leur nombre de logements sociaux, voire vingt-deux si l'on prend comme référence la barre des 25 %.
Neuilly-sur-Seine qui n'en affiche que 4,61 %, comptabilise des hébergements d'urgence : quelque 40 cabines de 9 m2 sur une péniche gérées par l'Armée du Salut et financées par l'État ! (M. Jean-Claude Requier s'exclame)
Quant à la résidence universitaire d'Antony, son espace de 11 hectares a aiguisé l'appétit des promoteurs, et il n'y aurait plus là, bientôt, que des logements de haut standing, outre 1 000 logements étudiants au lieu de 2 000 actuellement (soit 14 % du parc étudiant de l'Ile-de-France), d'une surface réduite...
Cet article a toute sa pertinence.
M. Philippe Dallier . - Si en 2009, dans la loi Molle, Mme Boutin a réduit les plafonds, c'est qu'ils avaient augmenté mécaniquement avec le taux horaire du Smic. La loi Molle n'a fait que revenir à la situation antérieure. La commission des finances maintient son avis défavorable.
Mme Marie-France Beaufils . - Il ne s'agit pas de chasser les plus fragiles du parc : ils sont prioritaires pour les commissions d'attribution. Il s'agit de faire en sorte qu'une nouvelle catégorie sociale y accède.
J'ai logé une vingtaine d'années dans le parc social : il y avait de la mixité sociale ; les conditions n'étaient pas dégradées comme aujourd'hui. Pour faire la mixité jusque dans la cage d'escalier, comme dit le rapporteur, il faut lever les conditions de ressources qui sont un obstacle. Cela permettrait de créer un logement pour tous - s'il faut changer de nom. En continuant à séparer les gens, nous allons dans le mauvais sens.
L'article 2 n'est pas adopté.
ARTICLE 3
M. Michel Le Scouarnec . - Satisfait du débat qui a eu lieu, je sais qu'il y a des maires bâtisseurs parmi nous. Peut-être faut-il inventer de nouvelles gammes de logement pour notre jeunesse.
L'essentiel est d'offrir des logements de qualité à un loyer abordable. Beaucoup de familles n'arrivent que de justesse à payer leur loyer...
Le logement social est une grande affaire pour notre pays. Une famille mal logée a moins de chance de s'épanouir dans tous les domaines.
L'article 3 n'est pas adopté.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 35.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
Acte est donné de ce rapport qui a été transmis aux commissions des affaires étrangères et des lois.
Autorités indépendantes
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes et proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.
Discussion générale commune
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la proposition de loi et de la proposition de loi organique . - Je veux dire ma profonde satisfaction de vous présenter ces deux textes que j'ai cosignés avec MM. Dupont et Mézard, aboutissement de la trajectoire quasi parfaite d'un travail de contrôle. J'ai en effet présidé en 2015 une commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes (AAI) dont le rapporteur était M. Mézard. Nous partagions la même conviction : pas de chasse aux sorcières, mais une revue de détail... Ce travail nous a conduit à des propositions adoptées à l'unanimité, qui ont elles-mêmes abouti à ces deux textes. Leur adoption aujourd'hui, et pourquoi pas demain à l'Assemblée nationale, donnera tout son sens à la fonction de contrôle du Parlement.
Nous nous inscrivons ainsi dans le droit fil des rapports du doyen Gélard qui, en 2006 puis en 2014, s'inquiétait de la prolifération d'autorités sans véritable définition juridique.
Le constat est peu satisfaisant. Plus de 40 autorités ont vu le jour depuis la création de la Cnil en 1978, dotées de prérogatives souvent très larges, dans des domaines variés et avec des statuts tout aussi divers. Certaines garantissent l'exercice des libertés publiques, comme la Cnil ou le Défenseur des droits, d'autres, comme l'Arcep, régulent un secteur économique où l'État est un acteur historique de poids. D'autres encore ont été créées pour répondre à des obligations européennes ou internationales. Dans son rapport de 2001, le Conseil d'État invoque le hasard ou la nécessité pour justifier leur existence...
Le glissement s'est accéléré au point que certaines créations s'apparentent à un défaussement de l'État : voyez la Hadopi ou la Commission d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Aucune règle juridique précise n'encadre la création d'une AAI. Le législateur peut en créer, reconnaître cette qualité a posteriori, mais ce peut aussi être le cas de la jurisprudence en vertu d'un faisceau d'indices, ou même de la doctrine interprétant la volonté présumée du législateur. Tel M. Jourdain, le législateur crée des AAI sans le savoir...
Nous prévoyons donc, à l'article premier de la proposition de loi organique, que les AAI et API ne puissent désormais être créées que par la loi, et de les doter d'un statut général commun : un mandat de six ans non révocable ni renouvelable, des règles déontologiques renforcées applicables aux membres comme au personnel, et des modalités de contrôle précisées - avec un rapport annuel de chaque autorité, support d'un débat public, et un rapport annuel du Gouvernement annexé au projet de loi de finances. Le contrôle du Parlement s'exercera aussi via la procédure de nomination des présidents, désormais systématiquement soumise à l'article 13 de la Constitution.
Nous débattrons de la liste annexée des vingt AAI et API que nous avons retenues. Pour nous, il s'agit de rendre plus lisible l'action de l'État et plus opérant le contrôle du Parlement. Nous avons retenu des organismes réellement indépendants, et que l'on peut légitimement appeler « autorité » parce qu'ils ont un pouvoir normatif, de régulation et de sanction. Les autorités qui ne figurent pas dans cette liste ne sont pas supprimées mais appelées à être requalifiées. L'objectif de simplification est pour nous une ardente obligation. Le débat est ouvert, mais je crois que notre liste n'est pas loin de la vérité... (Applaudissements au centre et à droite, sur les bancs des groupes RDSE et écologiste et de la commission)
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois . - À mon tour, je me félicite que notre commission d'enquête de 2015 débouche dès aujourd'hui sur deux propositions de loi, preuve que le Sénat peut travailler vite et bien - et pas seulement en procédure accélérée...
Mme Des Esgaulx a parfaitement résumé nos objectifs de simplification et de transparence. Le rapport de la commission d'enquête a mis en lumière la prolifération depuis trente ans d'AAI aux pouvoirs et aux statuts d'une diversité insoupçonnée. Dès 2006, le doyen Gélard ouvrait le chemin. La commission des lois, unanime, a dressé la liste de ces autorités et a souhaité les doter d'un statut général comme d'un corpus de règles communes.
Il s'agit de reconnaître au législateur seul la capacité à créer une AAI - la pratique est déjà celle-là, sauf exception. On peut en effet difficilement admettre que le Gouvernement décide seul qu'une mission lui échappe - et échappe en même temps au contrôle parlementaire. Le contrôle est indispensable en démocratie, d'autant que certaines AAI sont chargées d'un pan entier des politiques publiques : le CSA est le vrai ministère de la communication, comme la politique de la concurrence relève de l'Autorité de la concurrence...
Nous posons donc le principe selon lequel seul le législateur peut créer des AAI et API, et en faisant la liste. La qualité d'AAI suppose d'être une autorité administrative et d'être indépendante du Gouvernement ; nous avons ainsi écarté les organismes qui n'ont ni pouvoir de décision, ni pouvoir de contrainte à l'égard des tiers. Il appartient au Parlement de conférer ou non à un organisme la qualité d'AAI. Cette qualité, je le dis en passant, ne résulte jamais d'engagements internationaux ou européens, comme en atteste la diversité des solutions juridiques adoptées par les pays européens. Certaines, que nous voulons déqualifier, y voient un désaveu, une déchéance, une éviction ; cela ne signifie pourtant ni leur suppression, ni la fin de leur indépendance. La Banque de France ou la Caisse des dépôts et consignations ne sont pas des AAI ; en sont-elles moins indépendantes ? L'indépendance, en tout état de cause, ne peut se concevoir à l'égard du Parlement ; il est légitime que les représentants du peuple puissent demander à tout organe non juridictionnel de leur rendre compte.
La commission des lois a voulu fixer un statut suffisamment ambitieux pour être utile et dans le même temps suffisamment général. Peut-on se satisfaire de règles contingentes, éclatées entre codes et lois ? Le secrétaire général du Gouvernement le croit, il ne manquera pas de redire sa position par votre voix, monsieur le ministre... Pour nous, un statut général est le moyen de vérifier que chacune de ces autorités est soumise à des règles qui garantissent son indépendance : ce n'est pas le cas par exemple du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) dont les membres voient la durée de leur mandat et leurs règles déontologiques fixées par décret...
Le statut général s'accompagne de quelques règles essentielles. Nous prévoyons un mandat irrévocable et non renouvelable, et une incompatibilité de principe entre les mandats dans ces différentes autorités, sauf lorsque la loi le prévoit expressément, de même qu'une incompatibilité entre être membre d'une AAI et avoir une activité dans un secteur qu'elle régule. Le soupçon n'est pas infondé quand on connaît les difficultés de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) à contrôler le respect des obligations déontologiques - 20 % des membres de l'Autorité de la concurrence ne sont pas en règle...
Ces deux textes vont dans le sens de la simplification et de la transparence. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - La commission d'enquête a livré une analyse sévère sur les autorités administratives indépendantes, trop nombreuses, trop mal contrôlées et au recrutement endogamique.
Les deux textes que nous examinons clarifient les choses en ne reconnaissant la qualité d'autorité administrative indépendante qu'aux organismes pour lesquels ce statut apparaît légitime.
Plusieurs de ces organismes oeuvrent dans le champ couvert par la commission de la culture. S'agissant du CSA, du HCERES, des médiateurs du cinéma et du livre, en attendant celui de la musique, la commission des lois a apaisé nos craintes. Restent l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) et la Hadopi.
Pour la commission de la culture, l'ARDP doit demeurer libre des éditeurs de presse et une autorité administrative indépendante ; le statut d'AAI lui a été accordé à l'unanimité par la loi du 17 avril 2015. Le renforcement récent de son rôle est accepté par tous les acteurs, et le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 janvier 2016, lui a reconnu la qualité d'AAI. Son intervention touche à des sujets d'importance en termes de liberté publique.
Quant à la Hadopi, son indépendance est la condition indispensable à l'équilibre entre les ayants droit et les consommateurs de biens culturels sur internet ; c'est aussi une sécurité juridique pour la réponse graduée. Elle est en outre dotée de compétences précontentieuses, ce qui justifie de l'ajouter, comme l'ARDP, à la liste des vingt autorités établie par la commission des lois. (Applaudissements)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - La notion d'autorité publique indépendante est claire : il s'agit des autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité juridique. La qualité d'autorité administrative indépendante peut être reconnue par la loi, la jurisprudence ou la doctrine.
Il est légitime de s'interroger sur la rationalisation des règles applicables à ces autorités. Mais je ne souscris pas à votre analyse à charge : les autorités administratives indépendantes font un travail remarquable qui ne justifie pas un tel climat de suspicion...
Faut-il les doter d'un statut commun ? L'idée est ancienne, mais la situation a beaucoup évolué ces dernières années et le droit en vigueur prévoit déjà des règles communes d'organisation et de fonctionnement.
Depuis 2008, le pouvoir de nomination du président de la République s'exerce après avis des commissions parlementaires, conformément à l'article 13 de la Constitution. Cela vaut pour le président de seize AAI. La loi pour la transparence de la vie publique a imposé aux membres des AAI et des API des déclarations de patrimoine et d'intérêts. Le principe de parité y est également applicable. Les règles comptables sont communes, et le décret du 7 novembre 2012 reconnaît aux présidents des AAI et API le statut d'ordonnateur secondaire. L'irrévocabilité du mandat est déjà la règle et la plupart des mandats ne peuvent être renouvelés.
Plusieurs articles de ce texte me semblent donc déjà satisfaits. En revanche, comment imaginer un cadre commun qui ne tiendrait pas compte de la diversité des missions et des champs d'action des AAI ? La règle du non renouvellement des mandats, à l'article 8, peut être préjudiciable en certaines matières techniques. De même, la règle selon laquelle la fonction de président s'exerce à plein temps, à l'article 11, n'est pas toujours pertinente. Une séparation organique des fonctions d'instruction et de jugement est superflue ; le Conseil constitutionnel admet une simple séparation fonctionnelle.
Il serait regrettable de transformer l'Hadopi en EPA et de retirer à l'ARDP le statut d'AAI. D'autres propositions soulèvent des difficultés constitutionnelles : la déqualification de la Commission nationale consultative du secret défense (CNCSD), par exemple, alors que la décision du Conseil constitutionnel du 10 novembre 2011 se fonde sur cette qualification pour justifier son pouvoir de déclassification. L'incompatibilité avec un mandat électif n'est pas justifiée dans tous les cas...
Pourquoi vouloir imposer au forceps un cadre commun ? La diversité des modalités d'action n'est pas la marque de dysfonctionnements. Le Gouvernement se veut pragmatique et opérationnel : identifions les thèmes communs pour les traiter un à un, plutôt que de songer à une loi-cadre. La mutualisation des fonctions support des services du projet de loi et de plusieurs AAI est déjà engagée, par exemple.
Le Gouvernement donne un avis défavorable à ces deux textes.
M. Vincent Delahaye . - Les deux propositions de loi sont le fruit du remarquable travail de la commission d'enquête sur les AAI, qui illustre le dynamisme du contrôle parlementaire au Sénat.
Lorsque la notion d'AAI est apparue à la fin des années 1970, il n'existait que la Cnil et la Cada. Plus d'une quarantaine de structures peuvent aujourd'hui revendiquer cette qualité. Elles disposent parfois à la fois d'un important pouvoir normatif, d'un pouvoir para-juridictionnel et d'un pouvoir administratif de fait. Atteinte à la séparation des pouvoirs ? On nous répond que ce n'est pas grave, puisqu'elles sont indépendantes... Les AAI sont trop souvent, en réalité, le pré carré de quelques grands corps de l'État qui dépossèdent ainsi le Gouvernement comme le Parlement d'une partie de leurs pouvoirs.
Il est nécessaire de définir un statut général des AAI et surtout d'en fixer la liste dans la loi. L'indépendance qui justifie les compétences des AAI trouvera enfin un contenu concret : mandat irrévocable et non renouvelable, incompatibilités comparables à celles des parlementaires, déclaration de patrimoine imposée aux membres de la HACVP... Il eût peut-être été bon d'en élargir encore le champ.
Enfin, le contrôle du Parlement sur les AAI est renforcé, en particulier par l'unification de la procédure de nomination de leur président.
Ces textes feront la clarté sur une nébuleuse d'électrons libres. Reste à discuter de la liste des AAI. Bien que l'inscription sur cette liste ne fasse que valider un label, ne méconnaissons pas l'impact qu'un déclassement peut avoir, en interne comme en externe.
Le groupe UDI-UC votera ces deux propositions de loi. (Applaudissements au centre et à droite et sur les bancs des commissions)
M. Alain Richard . - Ce débat est bienvenu. Une certaine méfiance s'est exprimée à l'égard des AAI, voire une hostilité de principe. La question a été tranchée par les auteurs de ces propositions de loi comme par la commission des lois : les AAI sont légitimes, et le seront plus encore une fois dotées d'un statut commun. Ce sera un moment important de l'histoire de nos institutions.
Les missions des AAI relèvent de l'exécutif car elles sont d'ordre administratif. Les AAI n'empiètent donc pas sur le pouvoir du Parlement, mais du Gouvernement. Je vais vous faire part d'un petit souvenir personnel qui remonte aux années 1970. Face aux inquiétudes que suscitaient alors les nouvelles technologies informatiques en matière de surveillance généralisée, M. Taittinger, le garde des Sceaux du premier gouvernement de M. Giscard d'Estaing, avait saisi notre petite équipe du Conseil d'État. Nous avons procédé comme souvent au Conseil et défini, par tâtonnements, la formule des AAI, forme socialement et juridiquement acceptable et pertinente. Il fallait trouver un arbitrage dans des secteurs ou l'État était à la fois juge et partie. La formule d'un collège indépendant était pertinente. Elle s'est étendue dans des domaines comme les marchés financiers ou la concurrence, au moment où l'État envisageait de se défaire de ses propriétés héritées du Front populaire et du Conseil nationale de la Résistance.
Le rapport de la commission d'enquête, née dans un esprit de soupçon, conserve le statut des AAI. Je ne peux qu'appeler le Gouvernement à aller plus loin dans cette voie pour rapprocher les statuts nés de lois successives. La position qu'il a exprimée tout à l'heure relevait d'une démarche assez pittoresque digne de la Chambre des Lords.
L'article premier de cette proposition de loi - on y reconnaît bien le pragmatisme du président Mézard - laisse une place à des exceptions : le non-renouvellement du mandat pourrait en effet être difficile dans certains domaines trop étroitement techniques.
Lorsque le législateur confie la régulation d'un secteur à une AAI, il doit lui fixer des lignes directrices et clarifier son champ d'habilitation. Il y a donc entre les deux une proximité beaucoup plus grande qu'on ne le croit.
J'insisterai sur un point, la Commission des participations et des transferts, créée en 1986, n'a pas été conçue comme une AAI de plein exercice. Pourtant, en dépit de la succession des gouvernements aux positions différentes sur le sujet, l'utilité de cette commission a été reconnue pour déterminer la valeur des entreprises publiques. Cet organisme devait acquérir le statut d'AAI. Bercy s'y refuse. Invitons-le à changer d'avis. (Applaudissements)
Mme Corinne Bouchoux . - Cette proposition s'inspire de la commission d'enquête présidée par Mme Des Esgaulx, dont le rapporteur était M. Mézard.
La commission d'enquête avait posé de bonnes questions : procédures de nomination, statut, déontologie. Les AAI sont trop nombreuses et facilitent l'entre soi des grands corps issus des mêmes grandes écoles.
Toutefois, n'oublions pas notre responsabilité : lorsque les hommes politiques ne veulent pas traiter un dossier, ils créent une autorité administrative indépendante ! Si la Cnil avait été une forme juridique innovante, d'autres AAI n'ont pas la même utilité.
Est-il pertinent de déclarer certaines AAI comme le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires ? De même, la liberté de parole du médiateur de l'énergie pourrait être mise en danger par un changement trop brutal de catégorie. La liste annexe doit donc être discutée. Le rapprochement Cnil/Cada serait pertinent à l'heure de l'open data. Je souligne aussi la faible féminisation des AAI.
Mme Éliane Assassi. - Bravo !
Mme Corinne Bouchoux. - Enfin, pourquoi appliquer aux AAI le non-renouvellement du mandat alors que nous refusons de nous l'appliquer ?
Ce texte pose les bonnes questions mais ses réponses nous laissent dubitatives. Nous nous abstiendrons, en nous étonnant toutefois que le Gouvernement qui s'applique à la simplification du millefeuille territorial n'éprouve pas pour les AAI un même zèle réformateur. (Rires et applaudissements)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - Mme Bouchoux est toujours aussi oxygénante !
Mme Éliane Assassi . - Les AAI ont dépecé l'État de ses prérogatives régaliennes. L'État s'est défaussé, refusant d'arbitrer lui-même des conflits sociaux ou économiques. Finalement l'État est démembré.
Le Conseil d'État en 2001 a exprimé ses craintes face à cette transformation des services administratifs en AAI. De même, le Parlement est dépossédé de son pouvoir de contrôle. Je salue le travail réalisé par M. Mézard : le manque de contrôle est criant. Certaines AAI ne sont même pas tenues de publier un rapport public.
M. Jacques Mézard. - C'est juste.
Mme Éliane Assassi. - Quant au contrôle de la Cour des comptes, il n'intervient qu'a posteriori.
Pourtant les effectifs des AAI augmentent, tandis que les rémunérations de leurs présidents dépassent parfois les 300 000 euros. Il conviendrait de les encadrer. La multiplication des AAI accompagne la libéralisation et la privatisation des services publics. Les clients remplacent les usagers du service public.
Dommage que l'on ignore en France la conception participative. Les AAI au lieu d'être souvent cantonnées dans un rôle technique devraient faciliter la participation des citoyens et des usagers.
La perte du pouvoir de l'État, cette confiscation de l'intérêt général par des organismes sans légitimité démocratique, nous conduira à voter ces textes. (Applaudissements)
M. Jacques Mézard . - Je reprends la parole en tant que représentant du RDSE, M. Collombat n'ayant pu être des nôtres ce soir.
Je note avec satisfaction que M. Richard a changé d'avis et a reconnu que le but de notre commission d'enquête n'était pas de supprimer les AAI. Finalement, nous sommes parvenus à des propositions consensuelles, à l'exception de l'abstention des écologistes.
Mme Corinne Bouchoux. - Abstention bienveillante !
M. Jacques Mézard. - Le titre de notre rapport est clair. Nous avons entendu 42 présidents d'AAI, compétents, intelligents. Nous avons noté une certaine endogamie : 65 % des présidents viennent du Conseil d'État ou de la Cour des comptes.
M. Roger Karoutchi. - Les réseaux de M. Richard. (Rires)
M. Jacques Mézard. - Le Parlement devrait réaffirmer qu'indépendance ne signifie pas irresponsabilité, au contraire ! Surtout, le Gouvernement ne peut continuer à créer chaque année une nouvelle AAI pour se défausser de ses responsabilités.
Tout va très bien, dit le ministre des relations avec le Parlement. Mais les AAI captent un pouvoir croissant. Vouloir les soumettre à un statut commun, au respect de règles déontologiques, est-ce exagéré ?
Faute de temps, nous n'allons pas nous attaquer aux centaines d'organismes qui dépendent directement du Premier ministre, et dont certains font ce qu'ils veulent ou rien du tout. Là aussi, il faudrait pourtant remettre de l'ordre. Notre proposition de loi est un premier pas.
(Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles de la proposition de loi
ARTICLE PREMIER - Annexe
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
II. - Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Commission consultative du secret de la défense nationale
III. - Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Commission nationale du débat public
IV. - Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Commission des participations et des transferts
V. - Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Commission des sondages
M. Alain Richard. - Cet amendement complète l'annexe de l'article premier pour y faire figurer des autorités dont les missions justifient la qualification d'autorités administratives indépendantes. J'ai évoqué la commission des participations et des transferts. De même la commission du débat public aussi devrait être reconnue comme autorités administratives indépendantes, vu qu'elle fonctionne vraiment comme une autorité, dotée d'un pouvoir administratif.
M. le président. - Sous-amendement n°27 à l'amendement n° 12 de M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Amendement n° 12, alinéa 6
Supprimer le mot :
consultative
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Les amendements nos12, 1, 5 rectifié bis et 2 modifient la liste des AAI annexée à la proposition de loi. Si l'on applique le critère défini par le doyen Gélard, la détention de pouvoirs normatifs de contrainte, de régulation et de sanction, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution devrait être une AAI. Mais son président ne le souhaite pas, ni la Banque de France. Tant celui qui la présidait il y a encore deux mois que son actuel président ont déclaré qu'ils ne souhaitaient pas bénéficier de ce statut non pertinent, car leur compétence relève de la Banque de France ; ils nous ont d'ailleurs écrit sur papier à en-tête de cette institution. La loi de 2001 donne à la Commission consultative du secret de la défense nationale le pouvoir de se saisir seule des documents. En attendant monsieur Richard, je propose de le garder dans la liste en enlevant le mot « consultatif » de son nom.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. - Les entités visées à l'amendement ont été reconnues comme AAI par le législateur ou la jurisprudence. Toutefois, vu sa position générale sur cette proposition de loi, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat. En revanche, il ne souhaite pas renommer la Commission consultative du secret de la défense nationale : avis défavorable au sous-amendement n°27.
M. François Pillet, vice-président de la commission. - La commission des lois souhaite un vote par division. Seul le II de l'amendement n°12 reçoit un avis favorable.
M. le président. - De fait, on est devant un cas assez compliqué !
Le sous-amendement n°27 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. - La Commission des sondages doit être une AAI. La loi de 1977 qui régit les sondages est archaïque. Les sondages prolifèrent et le débat se résume trop souvent à un commentaire de ces derniers. Or leur élaboration manque de transparence et de fiabilité. C'est pourquoi le Sénat avait adopté une proposition de loi que j'avais déposée avec M. Portelli. Cette proposition de loi donne à la Commission des sondages des compétences importantes, y compris un pouvoir de sanction, et précise sa composition.
Mme Corinne Bouchoux. - Nous voterons l'amendement n°12, équilibré et juste. Vu le rôle des sondages, la Commission des sondages doit être une AAI. Il en va de même pour la Commission nationale pour le débat public.
M. Richard Yung. - Ériger l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en AAI ne serait pas une bonne chose. Elle exerce ses missions adossée à la Banque de France. Si elle devient une AAI, on pourrait craindre le face-à-face entre son président et le gouverneur de la Banque de France. Cela entraînerait aussi une incompatibilité de mandat avec l'AMF, alors que les questions qu'elles traitent sont très proches et qu'elles bénéficient de participations croisées.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - M. Noyer, gouverneur de la Banque de France, a évoqué devant notre commission d'enquête les difficultés que susciterait la transformation en AAI de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. De même, dans la plupart des pays, comme au Québec, les structures jouant le rôle de la Commission nationale pour le débat public relèvent de l'administration.
Le statut d'AAI n'est pas justifié. Il n'est pas sûr non plus que seul le statut d'AAI garantisse l'exigence de rapidité. La présidente de la Commission des sondages ne nous a guère convaincus sur son indépendance à l'égard du Conseil d'État, en parlant d'indépendance de fait, et non juridique...
M. Jean-Pierre Sueur. - Elle est pourtant réelle, mais cette situation juridique n'est pas satisfaisante du tout !
M. le président. - Je rappelle que nous voterons par division sur l'amendement n°12.
Le I de l'amendement n°12 n'est pas adopté.
Le II de l'amendement n°12, modifié, est adopté.
Le III de l'amendement n°12 n'est pas adopté.
Le IV de l'amendement n°12 n'est pas adopté.
Le V de l'amendement n°12 n'est pas adopté.
L'amendement n°12, modifié, est adopté.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture.
Annexe, après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Autorité de régulation de la distribution de la presse
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - Cet amendement réintègre l'Autorité de régulation de la distribution de la presse dans la liste des autorités administratives indépendantes figurant en annexe du texte.
La cour d'appel de Paris, tout comme le Conseil constitutionnel, ont qualifié d'AAI l'Autorité de régulation de la distribution de la presse. À la gauche, je rappelle que cette Autorité se comprend au vu de la loi de 1947 sur la distribution de la presse. Elle règle des conflits et assure la solidarité. À la droite, je rappelle que lors des états généraux de la presse en 2009, Nicolas Sarkozy avait appelé à la création d'une instance de régulation indépendante.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Ce dernier argument est terrible ! Notre rapporteur pour avis s'est adressé à tous les groupes - sauf celui que je préside ! Sagesse positive néanmoins, il faut savoir nous écouter les uns les autres.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Je suis sensible aux excellents arguments du rapporteur pour avis de la commission de la culture. L'Autorité de régulation de la distribution de la presse a vu reconnaître par la loi sa qualité d'AAI, et tout plaide pour qu'elle lui soit laissée. Sagesse.
L'amendement n°1 est adopté.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par MM. Courteau, Vaugrenard et Rome, Mme Lienemann, M. Cabanel et Mmes Espagnac et Bataille.
Annexe, après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Médiateur national de l'énergie
M. Roland Courteau. - Il est essentiel que le médiateur national de l'énergie reste une AAI. Disposant de la personnalité morale et de l'autonomie financière, il est nommé pour un mandat de six ans non renouvelable et non révocable et jouit ainsi d'une totale indépendance. La distinction avec la CRE se justifie encore pleinement aujourd'hui, alors que les pouvoirs de décision règlementaire et d'approbation du régulateur impactent fortement les consommateurs.
À l'instar du défenseur des droits, le médiateur exerce un « pouvoir d'influence » qui constitue son « autorité », selon les termes de l'avis public du Conseil d'État de 2001 sur les AAI. Cela n'est pas compatible avec le devoir de réserve des membres des collèges de la CRE.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Avis tout à fait défavorable. Une autorité qui, n'ayant pas de pouvoir de sanction, ne serait dotée que d'un pouvoir d'influence, ne peut être reconnue en tant qu'AAI. Si nous ouvrons la brèche pour les médiateurs, nous n'avons pas fini ! Il en va de la qualité d'autorité administrative indépendante comme des niches fiscales : on a osé dire que chacune de celles-ci abrite un chien qui aboie !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Le médiateur n'est pas qualifié d'AAI par la loi. Il ne peut donner que des recommandations. Avis défavorable.
Mme Corinne Bouchoux. - D'accord pour supprimer les AAI, mais les choses doivent rester ouvertes. Certaines structures qui n'ont pas cette qualité pourraient y prétendre...
En l'occurrence, après la loi de transition énergétique, il nous paraît légitime de reconnaître le médiateur de l'énergie comme AAI. Son rôle serait ainsi conforté.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Mme Delga a annoncé une mission d'information des consommateurs. Il y a sans doute un lien... Je soutiens la position du rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur. - La commission d'enquête avait accepté que le périmètre change. Mme Des Esgaulx a eu raison de remarquer que la Commission des sondages, hébergée par le Conseil d'État, n'est pas une AAI. Cela ne va pas, il pourrait en être autrement.
L'amendement n°5 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture.
Annexe, après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - L'objet de la proposition de loi n'est pas de supprimer telle ou telle institution, mais de clarifier l'appartenance à la catégorie d'autorité administrative indépendante.
Pour la commission de la culture, la Hadopi est une AAI. Elle a un rôle sinon contentieux, du moins précontentieux, par un mécanisme gradué et par une procédure contradictoire, elle sanctionne l'internaute qui fait un usage irrégulier des données.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Notre but n'est en effet pas de supprimer des organismes, ni de porter un jugement sur leur fonctionnement, qui laisse parfois à désirer - je pense au CSA et à des décisions qui ont posé des problèmes.
On peut être dubitatif devant le bilan de la Hadopi. Mais ce n'est pas notre propos : sagesse positive.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse. Chargée de la protection des oeuvres, la Hadopi doit selon le Gouvernement conserver le caractère d'autorité publique indépendante pour continuer à remplir ses missions en toute indépendance et en toute impartialité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je suis sensible aux arguments de position de M. Bonnecarrère bien que la présidente de la Hadopi nous ait déclaré en audition s'être elle-même posé la question de son absorption par le CSA...
L'amendement n°2 est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
des articles 5 et
par les mots :
de l'article
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°17 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Les articles 5 et 6 sont successivement adoptés.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le mandat d'un membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante peut être suspendu ou interrompu si, sur proposition du président, le collège constate, à la majorité des deux tiers des autres membres, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué aux obligations prévues par la loi ou le règlement intérieur.
II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Le mandat du président d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante peut être suspendu ou interrompu si, sur proposition du membre le plus âgé, le collège constate, à la majorité des deux tiers des autres membres, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué aux obligations prévues par la loi ou le règlement intérieur.
Un membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante qui se trouve dans une situation d'incompatibilité met fin à celle-ci dans un délai de trente jours à compter de sa nomination ou son élection. À défaut d'option dans ce délai, le président de l'autorité administrative indépendante ou de l'autorité publique indépendante, ou le membre le plus âgé lorsque l'incompatibilité concerne le président, le déclare démissionnaire.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement prévoit que le collège de l'AAI ou API, lorsqu'il se prononce sur l'interruption ou la suspension du mandat d'un de ses membres, le fait sur proposition de son président, précise les obligations dont le manquement peut justifier l'interruption ou la suspension du mandat d'un membre et exclut de cette procédure de vote du collège le traitement des incompatibilités. Autant l'empêchement d'exercer ses fonctions ou le manquement à ses obligations relèvent d'une appréciation subjective qui justifie une saisine du collège et un vote de celui-ci, autant l'incompatibilité se constate. Après trente jours, le membre élu ou nommé devra se mettre en conformité avec les règles d'incompatibilité, sous peine d'être déclaré démissionnaire.
Dans l'hypothèse où le président lui-même aurait manqué à ses obligations, serait empêché d'exercer ses fonctions, ou ne mettrait pas fin à une situation d'incompatibilité dans le délai fixé par la loi, le membre le plus âgé convoquerait le collège, ou déclarerait le président démissionnaire.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Avis favorable.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Cela apporte une clarification légitime. La distinction entre suspension et démission est intéressante. Sagesse.
L'amendement n°10 rectifié est adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
Les articles 8, 9 et 9 bis sont successivement adoptés.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
et des autorités administratives
par les mots :
et des autorités publiques
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Correction d'une erreur rédactionnelle.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°18 est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
ARTICLE 11
M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par onze alinéas ainsi rédigés :
À l'exception des parlementaires, le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante est incompatible avec :
1° Les fonctions de maire, de maire d'arrondissement, de maire délégué et d'adjoint au maire ;
2° Les fonctions de président et de vice-président d'un établissement public de coopération intercommunale ;
3° Les fonctions de président et de vice-président de conseil départemental ;
4° Les fonctions de président et de vice-président de conseil régional ;
5° Les fonctions de président et de vice-président d'un syndicat mixte ;
6° Les fonctions de président et de membre du conseil exécutif de Corse et de président de l'assemblée de Corse ;
7° Les fonctions de président et de vice-président de l'assemblée de Guyane ou de l'assemblée de Martinique, de président et de membre du conseil exécutif de Martinique ;
8° Les fonctions de président et de vice-président de l'organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;
9° Les fonctions de président de l'Assemblée des Français de l'étranger, de membre du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger et de vice-président de conseil consulaire.
Sans préjudice d'incompatibilités spécifiques, ce mandat est également incompatible avec toute détention, directe ou indirecte, d'intérêts en lien avec le secteur dont l'autorité assure le contrôle.
M. Jean-Pierre Sueur. - L'amendement limite aux fonctions exécutives locales l'incompatibilité avec le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'autorité publique indépendante car il n'y a pas lieu d'introduire un régime d'incompatibilité plus stricte que celle qui existe pour les parlementaires.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Avis favorable. Alain Richard est plus que réservé face au non-cumul des mandats ; je regrette que le Gouvernement ne l'ait pas entendu lors du débat de son texte...
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse. Les arguments de Jean-Pierre Sueur sont excellents.
L'amendement n°16 est adopté.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un décret en Conseil d'État détermine la liste des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes dont la présidence est incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle ou d'un autre emploi public.
M. Jean-Pierre Sueur. - Afin de tenir compte de la diversité des autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, de leurs missions, de leur périmètre d'action, leurs effectifs, l'amendement prévoit qu'un décret en Conseil d'État déterminera celles pour lesquelles la présidence est incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle ou un autre emploi public.
Cette souplesse serait bénéfique.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Tout à fait défavorable. La transparence exige une incompatibilité de la présidence avec un autre emploi public. Est-il raisonnable de penser que ces AAI ont du pouvoir, sont indépendantes et qu'on peut les présider tout en occupant d'autres fonctions ? Renvoyer à un décret en Conseil d'État cette liste est malin au sens premier du terme, sachant que la plupart des présidences sont occupées par des conseillers d'État ou des conseillers à la Cour des comptes !
M. Michel Berson. - Cela fait des années que M. Mézard rêve d'être conseiller d'État !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse. Cette solution est préférable à l'interdiction absolue, qui ne tient pas compte de la diversité des AAI, et qui aurait d'ailleurs un coût.
Mme Corinne Bouchoux. - Notre rapporteur est donc pour le cumul des mandats en politique et contre dans l'administration. Nous serions plutôt contre tous les cumuls, mais reconnaissons qu'en la matière, l'interdiction de cumul serait un facteur de gaspillage des deniers publics. Ainsi, après avoir longtemps été confiée à des retraités, la présidence de la Cada est aujourd'hui occupée par un conseiller d'État en activité ; le non-cumul coûterait plus cher.
M. Gérard Longuet. - Je défends cette idée de souplesse. Certaines AAI pourraient être présidées par des médecins, des avocats, des chefs d'entreprise, par exemple... Pourquoi réserver ces fonctions aux retraités ou aux fonctionnaires ? Il est vrai que l'amendement confie la garde du pot de crème aux chats...
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Tant pis si je m'affranchis du politiquement correct. Mme Bouchoux connaît bien le cumul : elle est membre de la Cada. Est-il acceptable que des présidents de section au Conseil d'État ou des présidents de chambre à la Cour des comptes président des AAI ?
Si le président a d'autres fonctions, qui dirige ? L'administration. L'observation de M. Longuet est juste, mais elle vise des cas extrêmement rares.
M. Gérard Longuet. - Justement, cela devrait changer !
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Mais si vous confiez la clé du changement au Conseil d'État, nous n'en sortirons pas. Mme Des Esgaulx peut en témoigner, certaines situations sont choquantes. Cet amendement est contraire à l'esprit du texte.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d'appel et conseiller de chambre régionale
par les mots :
membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de membre du corps des magistrats des chambres régionales
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement rédactionnel n°19 est adopté.
L'article 11, modifié, est adopté.
Les articles 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23 sont successivement adoptés.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Pozzo di Borgo.
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° du I de l'article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots : « des députés et des sénateurs, en application de l'article L.O. 135-1 du code électoral, » sont supprimés.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Cet amendement transfert au Bureau des assemblées les compétences de la HATVP, en ce qui concerne le contrôle de la situation personnelle des parlementaires, ce qui est contraire au principe de séparation des pouvoirs garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Entendons-nous bien : il ne s'agit nullement de remettre en cause le travail effectué dans de bonnes conditions par cette autorité administrative. Mais la carrière de son personnel et de certains de ses membres dépend de l'exécutif, et leurs décisions sont susceptibles d'entraîner des poursuites judiciaires.
Le label AAI ne suffit pas à cacher cette confusion des pouvoirs. Certes le Conseil constitutionnel n'en a pas jugé ainsi. Mais je ne suis pas de son avis.
Le Sénat a conforté sa crédibilité par les récentes réformes, sous l'autorité du président Gérard Larcher et son Bureau a démontré sa rigueur, son inflexibilité et de son absence de complaisance. Il importe de rétablir un régime de transparence totalement conforme à notre Constitution.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Je comprends les objectifs de cet amendement. Mais cet amendement traite des attributions d'une AAI, ce n'est pas l'objet du texte.
Nous avons auditionné cinq heures le président de la HATVP, pour moitié au Sénat et pour moitié dans son bureau. Je lui ai dit qu'il était bon qu'elle applique la loi sur tout le territoire de la République et à tous ceux qui relèvent de son champ de compétence, ce qui n'était alors pas le cas.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de ces attributions. Cet amendement qui ne porte pas sur le statut de la HATVP s'apparente à un cavalier. Sur le fond, il revient sur un progrès, voulu par le Gouvernement, obtenu grâce à la loi du 11 octobre 2013. Avis défavorable.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je retire cet amendement, retenant les arguments du rapporteur, plus que ceux du ministre. Une remarque cependant. Lors de ma première année de droit, j'avais constaté que les décisions juridictionnelles allaient généralement dans l'esprit de la loi. Mais là, je constate que la jurisprudence du Conseil constitutionnel va à l'encontre de la lettre même de la Constitution. Il importe, me semble-t-il, de rétablir une certaine cohérence.
L'amendement n°6 est retiré.
L'article 24 est adopté.
ARTICLE 25
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture.
Alinéas 2 et 9
Supprimer ces alinéas.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. - Défendu.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Avis favorable.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°3 est adopté.
L'amendement n°4 rectifié bis n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par MM. Berson et Courteau et Mme Bataille.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
M. Michel Berson. - Créé en 2004, composé de scientifiques, de philosophes, de théologiens, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) est certes consultatif mais ses avis - il en a rendu 134 - nourrissent le débat public sur des questions d'éthique et de santé complexes et sensibles, comme on l'a vu récemment sur les conditions du droit à la fin de vie. Son indépendance est avérée en l'absence de toute tutelle.
Son caractère administratif est sûr : il agit au nom de l'État. Contrairement à ce qu'affirme notre rapporteur, c'est une autorité. Si la juridiction administrative considère en général que seul un organisme qui prend des décisions pouvait se voir qualifier d'AAI, le législateur a toujours pris en compte l'influence et l'autorité morale. Le Comité nourrit le débat public d'une pensée libre et indépendante. Le Conseil d'État s'est finalement rangé à cet avis...
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Michel Berson. - Qu'importe, a-t-il jugé, qu'une telle autorité n'édicte pas exclusivement des décisions exécutoires, dès lors que son pouvoir d'influence et de persuasion, voire « d'imprécation », aboutit au même résultat.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
III. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L'article L. 1412-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité exerce sa mission en toute indépendance. » ;
2° Au premier alinéa du I de l'article L. 1412-2, les mots : « est une autorité indépendante qui » sont supprimés.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Me sont remontées en effet par divers canaux des observations au sujet du CCNE. Il ne s'agit pas pour nous de dévaloriser, de désavouer des organismes - comme des courriers qui nous ont été adressés le prétendent. Les membres du CCNE sont tous, assurément, d'une grande qualité technique, intellectuelle et morale. Mais cela n'en fait pas pour autant une AAI : il reste un comité consultatif qui ne rend pas des décisions, mais des avis. Il serait délicat de faire ainsi une exception. Entendant son message, nous avons proposé cet amendement qui indique que « le comité exerce sa mission en toute indépendance », formule qui reprend celle appliquée à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, dont personne ne songerait à contester l'indépendance ni l'influence.
Je suggère à M. Berson de se rallier à cette rédaction.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Maintenir la qualification actuelle du comité, soit précisément celle d'autorité indépendante, et non d'AAI, aux termes mêmes de l'article L. 1412-1 alinéa 1 du Code de la santé publique, semble préférable. La proposition du président Mézard et l'analogie avec la CNCDH est cependant intéressante. Sagesse.
M. Michel Berson. - Je maintiens mon amendement. La question est de savoir si c'est une autorité ou non. Oui, c'en est une ; le Conseil d'État a jugé ainsi. Le rapporteur a même dû présenter un amendement qui confirme son indépendance. Le président du comité a confié son inquiétude au président de l'Opecst. D'où ma proposition.
Mme Corinne Bouchoux. - Nous soutenons l'amendement du président Mézard, qui sait être souple parfois et entendre le SOS d'un président inquiet.
L'amendement n°15 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°20 est adopté.
L'article 25, modifié, est adopté.
Les articles 26 et 27 sont successivement adoptés.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°28, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Après l'article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques est ainsi modifiée :
1° L'article 18-1 est ainsi modifié :
a) Au sixième alinéa, les mots : « élu en son sein » sont remplacés par les mots : « nommé par décret du Président de la République » ;
b) Les septième, neuvième et onzième alinéas sont supprimés et les mots : « ces organismes » sont remplacés par les mots : « cet organisme » ;
c) La seconde phrase du dernier alinéa, est supprimée ;
2° Au second alinéa de l'article 18-3, les mots : « et de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse » sont supprimés ;
3° L'article 18-5 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est supprimé ;
b) À l'avant-dernier alinéa, les mots : « et l'autorité établissent, chacun pour ce qui le concerne, » sont remplacés par le mot : « établit ».
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement de coordination n°28 est adopté, et devient article additionnel.
Les articles 28 et 29 sont successivement adoptés.
ARTICLE 30
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) La deuxième phrase du même alinéa est complétée par les mots : « du Président de la République » ;
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement rédactionnel n°21 est adopté.
L'article 30, modifié, est adopté.
ARTICLE 31
M. le président. - Amendement n°22, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
e) Le V est abrogé.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement de coordination n°22 est adopté.
L'article 31, modifié, est adopté.
L'article 32 est adopté.
ARTICLE 33
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Yung et Vincent.
Alinéas 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
M. Richard Yung. - Aujourd'hui, l'Autorité des marchés financiers est soumise à l'ordonnance du 31 juillet 2015 sur l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions. Or, compte tenu des règles de renouvellement de cette Autorité, dont le collège est composé de seize membres, issus de neuf organismes différents et renouvelé par moitié tous les trois ans, ces alinéas 8 et 9 seraient un recul.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Yung et Vincent.
Alinéas 18 à 22
Supprimer ces alinéas.
M. Richard Yung. - Cet amendement tend à maintenir la gouvernance actuelle de l'AMF.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Avis défavorable à ces deux amendements. Les nouvelles règles de parité introduites par l'ordonnance du 31 juillet 2015 ne sont aucunement incompatibles avec celles qui concernent le renouvellement partiel de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Le treizième alinéa de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier applicable au collège de l'AMF prend déjà en compte la diversité des autorités de nomination pour arriver à l'objectif de parité.
L'amendement n°14 rectifié veut maintenir une dyarchie au sein de l'AMF, dont les services sont placés sous l'autorité du secrétaire général qui est nommé après agrément du ministre de l'économie...
Ce n'est pas satisfaisant pour l'indépendance de l'AMF. Son président, pourtant nommé selon les modalités prévues au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, n'a pas les moyens de diriger son action alors qu'il est responsable de son action devant le collège et, plus fondamentalement, devant le Parlement.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - En modifiant les règles de renouvellement, la proposition de loi rend difficile la parité. Quant à la suppression du secrétariat général, elle concentrerait de lourdes responsabilités sur les épaules du président, ce qui mettrait en cause sa capacité à représenter l'AMF au niveau européen et international, dans d'importantes réunions de coordination, qui ont d'ailleurs souvent lieu à Paris. Je puis en témoigner, en tant que secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Sagesse.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Voilà bien la démonstration du pouvoir excessif de la haute fonction publique. C'est une bien curieuse AAI que celle dont le secrétariat général doit être agréé par le ministre... Face à la toute-puissance de Bercy, il est bon que le Parlement rappelle qu'il y a des limites à ne pas franchir ! (Applaudissements)
M. Richard Yung. - Sur l'application de la parité, je persiste à penser que la nécessité de coordonner des nominations en provenance de neuf organismes différents pose problème. Il y a ce que vous appelez la « dyarchie ». Ce n'est pas un scandale de la République : l'AMF fonctionne ainsi depuis dix ans, les enquêtes sont diligentées par le président, eh bien pourquoi changer ce qui marche ?
L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°14 rectifié n'est pas adopté.
L'article 33 est adopté.
L'article 34 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°29, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Après l'article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° À l'intitulé, le mot : « consultative » est supprimé ;
2° À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l'article L. 2312-1, le mot : « consultative » est supprimé ;
3° L'article L. 2312-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « consultative » est supprimé ;
b) Au 2° , après le mot : « député », la fin de l'alinéa est supprimée ;
c) Au 3° , après le mot : « sénateur », la fin de l'alinéa est supprimée ;
d) Les trois derniers alinéas sont supprimés ;
4° L'article L. 2312-3 est abrogé ;
5° Au dernier alinéa de l'article L. 2312-4, le mot : « consultative » est supprimé ;
6° L'article L. 2312-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « consultative » est supprimé ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
7° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2312-7 et au premier alinéa de l'article L. 2312-8, le mot : « consultative » est supprimé.
II. - Au dernier alinéa de l'article L. 773-7 du code de justice administrative, le mot : « consultative » est supprimé.
III. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, à la deuxième phrase du deuxième alinéa, à la première phrase du cinquième alinéa, à la première phrase du sixième alinéa, aux première, deuxième et dernière phrases du septième alinéa du I et à la première phrase du II de l'article 56-4, le mot : « consultative » est supprimé ;
2° Au second alinéa de l'article 230-2, les mots : « par la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2312-4 à L. 2312-8 du code de la défense ».
IV. - Au second alinéa du I de l'article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure, le mot : « consultative » est supprimé.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement de coordination n°29 est adopté, et devient article additionnel.
L'article 35 est adopté.
ARTICLE 36
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
4° L'article L. 832-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) À la deuxième phrase du troisième alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « premier » ;
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°23 est adopté.
L'article 36, modifié, est adopté.
L'article 37 est adopté.
ARTICLE 38
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Après l'alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
B bis) Le septième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, la commission est renouvelée par tiers tous les deux ans.
« Lors de chaque renouvellement partiel, le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme, une femme. » ;
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Suivant la logique du texte, l'amendement instaure un renouvellement partiel au sein de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), en adaptant en conséquence les règles relatives à la parité qui existent actuellement.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Excellent amendement, qui comble un oubli. Sagesse très positive.
M. Gérard Longuet. - Voilà une très ingénieuse formule... Souhaitons qu'elle ne soit pas étendue à la fonction de président de la République... (Sourires)
L'amendement n°24 est adopté.
L'article 38, modifié, est adopté.
Les articles 39, 40, 41 sont successivement adoptés.
ARTICLE 42
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Alinéa 9
1° Remplacer les mots :
Ces personnes
par les mots :
Ces personnes sont soumises
2° Compléter cet alinéa par les mots :
est soumis
L'amendement de coordination n°25, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 42, modifié, est adopté.
L'article 43 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°30, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
Après l'article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifiée :
1° La seconde phrase de l'article L. 331-12 est supprimée ;
2° À la première phrase de l'article L. 331-14, les mots : « de son activité, de l'exécution de ses missions et de ses moyens, et » sont supprimés ;
3° L'article L. 331-16 est ainsi modifié :
a) Au huitième alinéa, les mots : « élu par les membres » sont remplacés par les mots : « nommé par décret du Président de la République » ;
b) Les trois derniers alinéas sont supprimés ;
4° Les deux derniers alinéas de l'article L. 331-18 sont supprimés ;
5° L'article L. 331-19 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- la première phrase est supprimée ;
- à la seconde phrase, les mots : « , nommé par ce dernier, » sont supprimés ;
b) Les deuxième, troisième, avant-dernier et dernier alinéas sont supprimés.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°30 est adopté et devient article additionnel.
Les articles 44, 45, 46 sont successivement adoptés.
ARTICLE 47
M. le président. - Amendement n°31, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
1° Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après la douzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Président de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse |
Commission compétente en matière de communication |
» ;
2° Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigé :
...° Après la vingt-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Président de la Commission du secret de la défense nationale |
Commission compétente en matière de défense |
» ;
3° Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigé :
...° Après la trente-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Président du collège de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet |
Commission compétente en matière de la culture |
».
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°31 est adopté.
L'article 47, modifié, est adopté.
L'article 48 est adopté.
ARTICLE 49
M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
I. - Alinéa 2
Après la référence :
article 37
insérer la référence :
, au b bis du 1° du I de l'article 38
II. - Alinéa 3
Après le mot :
phrase
insérer les mots :
du second alinéa
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination et de précision.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°26 est adopté.
L'article 49, modifié, est adopté.
L'article 50 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
Mme Corinne Bouchoux . - Si nous approuvons l'orientation générale du texte, nous ne pouvons le voter, tant il est loin d'être écolo-friendly. La Commission nationale du débat public aurait mérité un meilleur traitement.
M. Gérard Longuet . - Les parlementaires se défient des AAI, par lesquelles le Gouvernement se défausse de ses responsabilités. Contrairement à M. Richard, qui s'en est étonné, j'estime que leur création revient à soustraire des pans entiers de l'action publique au contrôle du Parlement et au regard des citoyens, à qui les ministres répondent lorsqu'ils sont interpellés, qu'ils n'en peuvent mais parce que la décision appartient à une AAI. Nous nous battons aujourd'hui contre des édredons... Les AAI créent des hauts personnages comme s'il en existait des petits, comme si les élus du peuple, toujours partiaux et idéologues, bien sûr, étaient condamnés à être tirés vers le bas... Voilà qui est désagréable...
Je voterai cette proposition de loi bien qu'elle reste au milieu du gué.
M. Jean-Pierre Sueur . - Le groupe socialiste et républicain votera ce texte. Recevant un jour des conseillers d'État, j'ai été perplexe de les entendre vanter le « droit souple ». Ma perplexité est la même à l'égard de ces entités, comme de tous ces espaces interstitiels qui échappent aux règles habituelles de la séparation des pouvoirs. C'était l'intuition du doyen Gélard, il est temps de fixer aux AAI un cadre commun.
Mme Marie-Annick Duchêne . - Quel bonheur de voir que l'on s'attaque enfin aux vrais problèmes et que, si on cherche, on trouve des solutions !
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
Discussion des articles de la proposition de loi organique
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Après l'article L.O. 6222-9, il est inséré un article L.O. 6222-9-1 ainsi rédigé :
II. - Alinéa 5
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L.O. 6222-9-1. - Les fonctions de membre du conseil exécutif sont incompatibles avec ...
III. - Alinéas 6 à 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Après l'article L.O. 6322-9, il est inséré un article L.O. 6322-9-1 ainsi rédigé :
IV. - Alinéa 9
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L.O. 6322-9-1. - Les fonctions de membre du conseil exécutif sont incompatibles avec ...
V. - Alinéas 10 à 12
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° Après l'article L.O. 6432-9, il est inséré un article L.O. 6432-9-1 ainsi rédigé :
VI. - Alinéa 13
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L.O. 6432-9-1. - Les fonctions de membre du conseil exécutif sont incompatibles avec ...
VII. - Alinéa 15
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Les fonctions de président et de vice-président de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna sont incompatibles avec ...
VIII. - Alinéa 16 et 17
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
III. - La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi modifiée :
1° Après l'article 75, il est inséré un article 75-1 ainsi rédigé :
« Art. 75-1. - Les fonctions de président de la Polynésie française ou de membre du Gouvernement sont incompatibles avec le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante créée par l'État. »
2° Après l'article 111, il est inséré un article 111-1 ainsi rédigé :
« Art. 111-1. - Les fonctions de président et de vice-président de l'assemblée de la Polynésie française sont incompatibles avec le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante créée par l'État. »
X. - Alinéas 18 et 19
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
IV. - La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifiée :
1° Après le premier alinéa de l'article 64, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctions de président et de vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie sont incompatibles avec le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante créée par l'État. »
2° L'article 112 est ainsi complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctions de président et de membre du Gouvernement sont incompatibles avec le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante créée par l'État. »
3° Après l'article 196, il est inséré un article 196-1 ainsi rédigé :
« Les fonctions de président et de vice-président d'une assemblée de province sont incompatibles avec le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante créée par l'État. »
M. Jean-Pierre Sueur. - Je l'ai défendu.
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Avis favorable.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°2 rectifié est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Mézard, au nom de la commission des lois.
1° Après l'alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après la douzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Autorité de régulation de la distribution de la presse |
Président |
» ;
2° Après l'alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigé :
...° Après la vingt-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Commission du secret de la défense nationale |
Président |
» ;
3° Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigé :
...° Après la trente-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet |
Président du collège |
» .
M. Jacques Mézard, rapporteur. - Amendement de coordination.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°3 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
L'amendement n°1 est retiré.
Les articles 5 et 6 sont successivement adoptés.
L'ensemble de la proposition de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°143 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l'adoption | 333 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé que le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali, inscrit à l'ordre du jour du jeudi 11 février 2016, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande. Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes sera d'une demi-heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 10 février, à 17 heures.
Il en est ainsi décidé.
Demande d'inscription à l'ordre du jour
M. le président. - En application de l'article 50 ter de notre Règlement, j'informe le Sénat que M. Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste, a demandé, par lettre en date du 3 février 2016, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution pour l'instauration d'un revenu de base, présentée par M. Jean Desessard et les membres du groupe écologiste, en application de l'article 34-1 de la Constitution, et déposée le 2 février 2016.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de la Conférence des présidents qui se tiendra le mercredi 10 février prochain.
Prochaine séance, mardi 9 février 2016, à 9 h 30.
La séance est levée à 19 h 50.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mardi 9 février 2016
Séance publique
À 9 h 30
1. Vingt-six questions orales
À 14 h 30, le soir et la nuit
2. Projet de loi prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence (procédure accélérée) (n°356, 2015-2016)
Rapport de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des lois (n°368, 2015-2016)
Texte de la commission (n°369, 2015-2016)
3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (n°15, 2015-2016)
Rapport de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°340 tomes I et II, 2015-2016)
Texte de la commission (n°341, 2015-2016)
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 143 sur l'ensemble de la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :343
Suffrages exprimés :333
Pour :333
Contre :0
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 142
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (110)
Pour : 110
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 42
Groupe communiste républicain et citoyen (19)
Pour : 19
Groupe du RDSE (17)
Pour : 17
Groupe écologiste (10)
Abstentions : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier