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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Commission spéciale chargée du contrôle des comptes (Candidatures)
Mission d'information sur l'islam en France (Candidatures)
Projet de loi de finances pour 2016 (Nouvelle lecture)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général
Commission spéciale chargée du contrôle des comptes (Nominations)
Mission d'information sur l'islam en France (Nominations)
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 (Nouvelle lecture)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général
Convention fiscale avec l'Allemagne (Procédure accélérée)
Convention fiscale France-Luxembourg (Procédure accélérée)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
Ordre du jour du jeudi 17 décembre 2015
SÉANCE
du mercredi 16 décembre 2015
48e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaires : M. Christian Cambon, M. Jean Desessard.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Commission spéciale chargée du contrôle des comptes (Candidatures)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation des onze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne. En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, et de l'article 103 bis de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
Mission d'information sur l'islam en France (Candidatures)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation des membres de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France et de ses lieux de culte. En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, et de l'article 110 de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
Projet de loi de finances pour 2016 (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Une semaine après l'examen en première lecture de ce projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative, nous nous retrouvons pour clore l'automne budgétaire.
Voilà un mois que nous discutons de ces deux textes ; je n'insisterai donc pas sur leur contenu. Mais souvenez-vous de la situation il y a exactement un an : on nous disait que le déficit allait augmenter ; que les impôts ne rentraient pas ; que le Gouvernement ne serait pas en capacité de baisser les impôts comme annoncé ; et même que la Commission européenne allait nous sanctionner de manière imminente... Or si le déficit public atteignait 4,3 % en 2013, 3,9 % en 2014 et 3,8 % en 2015, en 2016 il devrait se réduire à 3,3 %. Les déficits publics sont au plus bas depuis 2008. La dette sociale a commencé à refluer, la dette publique devrait être stabilisée l'an prochain. La dépense publique, elle, augmente, c'est normal dans une économie en croissance, mais à un rythme historiquement bas ; car nous finançons les nouveaux moyens par des économies sur les dépenses non prioritaires.
Certes, le chemin vers l'assainissement complet des finances publiques est encore long. Mais les chiffres témoignent d'une nette amélioration.
Quel a été le rôle du Gouvernement dans cette amélioration ? Dès le printemps, en raison des risques apparus, nous avons dégagé 4 milliards d'euros d'économies complémentaires, tout en mobilisant des moyens pour assurer la sécurité des Français, financés à leur tour par des économies de sorte que la dépense totale n'augmente pas.
L'an dernier, on voyait dans le rendement plus faible que prévu des impôts, dû au contexte macro-économique, le signe d'un prétendu exil fiscal. On n'en entend plus parler... Et nous anticipons des plus-values par rapport aux prévisions du printemps. Chacun le sait, les prévisions sont par nature difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir... (Sourires)
Dans le même temps, les baisses d'impôts promises sont mises en oeuvre. Le secteur productif et l'emploi bénéficieront de 7 milliards d'euros d'allègements supplémentaires en 2016, et 5 milliards profiteront aux ménages en 2015 et 2016. Le taux de prélèvement obligatoire passera ainsi de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,5 % en 2016.
On disait enfin, l'an dernier, que la Commission européenne était sur le point de prononcer des sanctions contre la France. Il n'en a rien été. Nous respectons strictement la recommandation transmise par Bruxelles en début d'année, et notre pays a montré qu'il continuait à jouer un rôle majeur dans l'Union, par exemple lors de la résolution de la crise grecque.
Voilà le bilan de l'année écoulée. En cas de rejet du texte, le Gouvernement demandera à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. Je vous invite à ne pas laisser à celle-ci le dernier mot. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - J'ai peur que le Sénat ne vous suive pas, monsieur le ministre... La CMP du 10 décembre, sans surprise, a échoué, en raison de divergences de fond, résumées dans le texte de la question préalable : aucune marge de sécurité malgré des prévisions de croissance fragiles, une réduction trop faible des déficits, des économies insuffisantes pour l'État et ses opérateurs, une nouvelle hausse des effectifs hors sécurité et justice (M. le ministre le conteste), l'absence d'effort sur le temps de travail et la masse salariale de l'État, qui représente 40 % de la dépense.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - C'est faux !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Sans compter la nouvelle baisse des dotations aux collectivités territoriales, dont nous acceptions le principe, mais dont devraient être défalquées les nouvelles charges imposées aux collectivités territoriales, telles qu'identifiées par le Conseil national d'évaluation des normes (CCEN) ; cette baisse pèsera sur l'investissement public, donc sur le secteur du bâtiment. Rien non plus qui soit de nature à mettre fin à la « rupture entre les Français et l'impôt » dont parle le Premier ministre.
L'Assemblée nationale a adopté 38 articles dans le texte du Sénat, confirmé la suppression de six articles et accepté certaines de nos modifications à 26 articles. Ainsi, la baisse de TVA à 5,5 % a été réservée aux produits d'hygiène féminine. Même chose sur le suramortissement des coopératives, l'éligibilité dès 2015 des dépenses des collectivités territoriales dans le cadre du plan France très haut débit (THD) au Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), les taxes affectées à l'office national de la chasse ou aux chambres d'agriculture. Les députés ont maintenu le principe de la déclaration des revenus réalisés par les particuliers sur les plateformes en ligne, même si l'obligation est devenue récapitulatif annuel ; il est heureux que l'on avance enfin sur cette question.
L'Assemblée nationale a aussi confirmé l'essentiel des modifications que nous avions apportées à l'article 43 sur les aides fiscales en faveur de l'outre-mer, à l'article 34 sur le prélèvement à la source, à l'article 47 exonérant de TFNB les terrains Natura 2 000. Elle a confirmé également la suppression de plusieurs articles, dont les articles 46 ter et 58 quinquies.
Des divergences importantes demeurent cependant, sur l'impôt sur le revenu, la fiscalité des opérateurs de télécom - c'est bien une hausse de la fiscalité, contrairement aux promesses - et l'amendement Ayrault instaurant une dégressivité de la CSG.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le Gouvernement s'y est opposé.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - De même sur l'extension de l'amortissement accéléré des robots industriels dans les ETI, la suppression des taxes à faible rendement, la décote Duflot...
En seconde partie, l'Assemblée nationale a rétabli les missions rejetées par le Sénat et est revenue sur les économies que nous souhaitions. Bien que la navette ait été fructueuse, il a semblé à la commission des finances qu'il ne servait à rien de poursuivre ; elle proposera au Sénat d'opposer au texte la question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yvon Collin . - La politique économique du Gouvernement a le soutien de la grande majorité du groupe RDSE. En première lecture, nous avons fait adopter quelques-uns de nos 60 amendements, dont la baisse de la TVA sur les produits d'hygiène féminine. L'Assemblée nationale a aussi repris les modifications apportées par le Sénat en seconde partie pour concrétiser les annonces du président de la République à la suite des attentats. L'impératif de sécurité ne met pas à mal la réduction du déficit public - qui restera estimé à 3,3 % - c'est une bonne nouvelle.
Dommage, en revanche, que le nombre de ménages assujettis à l'impôt sur le revenu soit encore réduit, même si cela augmentera le pouvoir d'achat de certains d'entre eux. Il est temps de revenir aux principes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon laquelle chacun contribue aux charges publiques selon ses moyens. Nous continuons de plaider pour un impôt universel et citoyen.
Un effort important est demandé aux collectivités territoriales. Espérons que la baisse des dotations n'aura pas d'incidence trop négative sur l'activité alors que la reprise reste précaire. Nous déplorons aussi la faible attention apportée au monde rural, c'est-à-dire aux racines de notre pays. L'attaque contre les dispositifs de solidarité - la baisse par exemple des sommes affectées au Fonds de garantie des calamités agricoles - est un très mauvais signal.
Les élections régionales montrent qu'il y a véritablement urgence, dans la période difficile que traverse le pays, à répondre aux attentes de nos concitoyens. Réfractaire aux postures partisanes, le groupe RDSE s'opposera en majorité à la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Vincent Delahaye . - J'ai entendu dans vos propos, monsieur le ministre, l'écho de l'excellent service de communication de Bercy... Ce budget est fait de faux-semblants : on fait semblant de baisser le déficit, de faire des prévisions crédibles, de baisser les impôts, de faire des économies, de maîtriser la dette...
Après avoir augmenté de 3 milliards entre 2013 et 2014, le déficit demeure en 2016 au même niveau qu'en 2015, 73 milliards d'euros, au lieu d'environ 50 milliards au milieu des années 2000. Vos prévisions sur l'inflation et la masse salariale sont jugées très optimistes par la Cour des comptes. Quand vous annoncez une hausse des salaires de 2,8 % et de l'investissement de 5 %, pensez-vous que beaucoup de Français vous croient ?
Vous annoncez une baisse de 2 milliards de l'impôt sur le revenu, tout en prévoyant 3 milliards de rentrées supplémentaires... Ceux qui le payent - 50 % des foyers - , paieront plus... Les rentrées fiscales prévues sont de 287 milliards, soit 7 milliards de plus, niveau historique, comme celui de nos prélèvements obligatoires, augmentés de 22 milliards.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Et la PPE, vous ne la comptez pas ! Je vous l'ai expliqué quatre fois !
M. Vincent Delahaye. - Les dépenses publiques continuent à augmenter plus vite que l'inflation, les effectifs de la fonction publique progressent, en sorte que nous devenons vice-champion du monde de la dépense publique après le Danemark...
Les dépenses de sécurité ne devraient pas être financées par la dette.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Achetez-vous un boulier !
M. Vincent Delahaye. - Les économies annoncées de 50 milliards d'euros ne sont pas au rendez-vous. Mme Rabault le dit elle-même : elles ne seront que de 6 milliards en 2016.
La maîtrise de la dette ? Ce sont surtout les intérêts de la dette que l'on maîtrise. Merci les marchés !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La finance, c'est notre amie !
M. Michel Bouvard. - La BCE !
M. Vincent Delahaye. - Je ne suis pas fier de ce budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je ne suis pas fier de vous !
M. Vincent Delahaye. - Notre dette représente à présent sept ans de recettes. Pour les collectivités, au-delà d'un an, le seuil d'alerte est atteint ! (On le conteste sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Quant au chômage, ce ne sont pas les emplois aidés qui le résorberont.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - En 2012, c'était nickel !
M. Vincent Delahaye. - Notre pays est à la remorque de ses partenaires sur les déficits, la dette, les prélèvements obligatoires, le chômage. Le Gouvernement nous invite à ne pas laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale... Encore faudrait-il qu'il nous écoute un peu plus... Le seul véritable effort est demandé aux collectivités territoriales ! Dans ces conditions, nous voterons la question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je vous ai connu meilleur !
M. Éric Bocquet . - Si l'on peut estimer préférable le texte de l'Assemblée à celui du Sénat, la baisse des impôts des ménages des classes moyennes à celle des plus fortunés, il est dommage que le Gouvernement ne soit pas allé jusqu'à rétablir, par exemple, la demi-part des veuves, et plus largement jusqu'à remettre en cause la politique austéritaire qui pèse sur nos concitoyens comme sur les collectivités territoriales. L'aspiration à une nouvelle politique économique et sociale, après les deux rendez-vous électoraux que nous savons, n'est pas une clause de style.
Il ne suffira pas de renforcer les moyens de la sécurité pour éloigner l'ombre qui menace notre démocratie. Il faudrait consacrer des moyens nouveaux aux services publics, à l'école, au logement social, à la lutte contre toutes les discriminations sociales, à la culture...
Le fin du fin de la justice sociale, ce serait une fusion mal étudiée de l'impôt sur le revenu et de la CSG... Ces deux impôts n'ont pourtant pas la même finalité, le premier alimente le budget de l'État, la seconde finance la sécurité sociale. Une fusion serait dangereuse et n'aurait rien de progressiste. Appelées à collecter l'impôt, les entreprises demanderont une compensation financière pour charge administrative, plus coûteuse que le travail des agents de la DGFiP. Le financement de la sécurité sociale sera mis à mal, sans parler des risques de pertes de recettes fiscales lorsque les entreprises seront en difficulté.
Surtout, le vrai débat est occulté. Une vraie réforme de progrès consisterait à mettre en déclin la CSG et à rétablir la progressivité de l'impôt sur le revenu. Le Gouvernement réduit de 2 milliards d'euros l'impôt sur le revenu mais distribue sans contrôle 17 milliards au titre du CICE et 5,5 au titre du CIR... Il faudra bien que le Sénat s'interroge sur les 175 milliards d'exonérations diverses, qui transitent par le budget de l'État avant de profiter aux entreprises, et n'ont eu pour effet que de créer 5,7 millions de chômeurs.
Appelant à une politique progressiste, le groupe CRC ne votera pas la question préalable mais n'aurait pas approuvé le projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Maurice Vincent . - Depuis sa nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, ce budget comporte à nouveau toutes ses missions ; il a retrouvé son équilibre - la version issue du Sénat était plutôt fantaisiste...
Le déficit prévisionnel est de 73 milliards d'euros, malgré les 750 millions d'euros de dépenses nouvelles de sécurité. Nous continuons à, progresser vers la maîtrise de la dette (M. Philippe Dallier s'esclaffe), tout en préservant les services publics et en soutenant autant que possible l'activité.
De nombreux apports du Sénat ont été repris, illustrant l'intérêt du bicamérisme. Dommage, cependant, que l'Assemblée nationale n'ait pas repris intégralement nos propositions sur la fiscalité des revenus de l'économie collaborative et qu'elle ait supprimé le crédit d'impôt pour l'activité sociale.
L'Assemblée nationale a rétabli des mesures de justice sociale : décote d'impôt sur le revenu pour les ménages modestes, rétablissement des 500 millions d'ISF supprimés ici, financement des emplois aidés, dispositifs favorables aux jeunes et à l'investissement des entreprises.
Sur l'essentiel, la sécurité des Français, nous avons démontré notre capacité à nous rassembler. Sur les grandes orientations économiques et financières, des divergences fondamentales demeurent entre gauche et droite. D'un côté, la solidarité, la justice sociale, le soutien aux services publics, une rigueur budgétaire adaptée à la conjoncture. De l'autre, toujours moins d'État, moins de cohésion sociale, moins de redistribution, plus d'individualisme, une très grande rigueur budgétaire... qui n'a jamais été mise en oeuvre auparavant.
Il est regrettable que la majorité sénatoriale ait choisi de rejeter autant de missions en première lecture. Elle nous a empêchés de voir si une autre politique budgétaire était crédible... En réalité, il n'y en a pas, comme l'illustre le dépôt de la question préalable. Nous voterons contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. André Gattolin . - Le texte nous revient dans une version peu différente de celle initialement soumise au Sénat. Pour les écologistes, il est inopportun de réduire les déficits à marche forcée tout en accordant des milliards d'euros d'exonérations aux entreprises, sans grands résultats économiques, et avec des conséquences très préjudiciables sur les services publics.
Nous n'avons pas compris si les 750 millions de dépenses nouvelles de sécurité ont été, ou non, compensés par des économies. Dans le domaine de l'écologie, la contribution essentielle de ce projet de loi de finances est la baisse de 1 000 emplois au sein du ministère... On cherche en vain la traduction des discours du président de la République à la COP21... Pour la transition écologique, nous sommes renvoyés au projet de loi de finances rectificative. Je déplore le morcellement de la discussion : l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence a fait successivement l'objet d'articles dans les deux textes... Comme disait Jean Arthuis, on nous demande d'acheter un lapin dans un sac !
Quelques évolutions positives pourtant. Trois de nos amendements - exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000, financement des associations de surveillance de la qualité de l'air et enrichissement des annexes budgétaires sur les contentieux européens - ont été retenus par l'Assemblée nationale. Je relève aussi la baisse de la TVA sur les protections hygiéniques féminines. Mais je regrette la position de l'Assemblée nationale sur la TGAP ou sur la taxe sur les salaires dans les organismes privés à but non lucratif du secteur sanitaire et social. Si le texte est encore loin de ce que souhaitent les écologistes, il a été amélioré par la navette.
Je note enfin que c'est la première fois que le projet de loi de finances est accompagné d'un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse. Puisse-t-il être enrichi, et inspirer à l'avenir notre politique budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Dallier . - Le Sénat a joué pleinement son rôle en première lecture, en examinant ce budget jusqu'à son terme et en y imprimant, comme on pouvait s'y attendre, sa marque. La CMP, si elle fut cordiale et brève, ne fut pas conclusive.
Après quoi, l'Assemblée nationale n'a pas jugé bon de retenir nos propositions en faveur des ménages, des entreprises et des collectivités territoriales - sur lesquelles le Gouvernement fait peser la plus grande partie de la réduction de ses dépenses.
Nous avions d'abord voulu rendre du pouvoir d'achat aux familles et à la classe moyenne - sur la définition de laquelle nous ne parvenons toujours pas à nous entendre. (M. Henri de Raincourt le confirme) Une certitude, ce sont les principales victimes de la politique fiscale que le Gouvernement s'entête à suivre depuis 2012. Plutôt que de réduire l'impôt sur le revenu sur les premiers déciles, nous avions abaissé de 30 % à 28 % le taux marginal de la troisième tranche de l'impôt sur le revenu.
Le gain esquinté... (On sourit de ce lapsus, à droite, en le considérant révélateur) ou plutôt escompté de 400 euros pour 5 millions de contribuables était loin d'être négligeable !
Pour les familles, nous avions relevé le quotient familial de 1 500 euros à 1 750 euros, afin de revenir sur deux baisses successives et l'accroissement de la pression fiscale sur les ménages. Car ne nous leurrons pas : votre annonce de baisse d'impôt est l'arbre qui cache la forêt. Les prélèvements obligatoires continueront d'augmenter avec la multiplication de nouvelles taxes dans le collectif.
Si les dispositions sur la taxation des revenus de l'économie collaborative n'ont pas été reprises - je regrette, en particulier, la suppression de la franchise de 5 000 euros - un petit pas a été fait : les sites devront envoyer en fin d'année à leurs utilisateurs un récapitulatif des sommes perçues. Il faudra aller plus loin. Même chose de la TVA sur le commerce électronique.
La majorité sénatoriale s'était montrée attentive aux entreprises, avec l'extension du suramortissement Macron, notamment aux coopératives professionnelles et aux installations de stockage et magasinage de produits agricoles. Nous avions pris plusieurs autres mesures pour les agriculteurs qui traversent une grave crise.
Si ces mesures, vitales pour le monde agricole, n'ont pas été votées en loi de finances, le Gouvernement en a repris une partie en loi de finances rectificative, preuve que le Sénat l'a inspiré !
Nous avons également supprimé la taxe sur les farines ; et cherché à limiter la perte de compétitivité de la place financière de Paris en restreignant le champ de la taxe sur les transactions financières (TTF), sur quoi l'Assemblée nationale ne nous a pas suivis.
Concernant les collectivités territoriales, le Sénat a supprimé le transfert aux régions de la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), alors que de nombreux départements sont dans le rouge ; nous l'avons remplacé par une dotation de compensation des seules compétences transférées.
Nous étions favorables à une refonte de la DGF, mais nous ne pouvions avancer sur la base proposée par le Gouvernement ; là encore, les députés nous ont donné tort, de même que sur le plan très haut débit. Il faudra bien, pourtant, aider les communes à réaliser les travaux nécessaires.
Nous déplorons que nos mesures les plus substantielles, notamment celles d'économies de dépenses, n'aient pas trouvé d'écho à l'Assemblée nationale. L'occasion de redonner de l'oxygène à nos entreprises a été manquée. Pendant ce temps, le nombre de chômeurs progresse, 42 000 de plus en octobre...
Le groupe Les Républicains votera cette question préalable et je félicite le rapporteur général pour la qualité de son travail et sa ténacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°9, présentée par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat,
Considérant que le projet de loi de finances pour 2016, établi sur des hypothèses macro-économiques favorables, ne prévoit aucune marge de sécurité au regard des incertitudes qui entourent la prévision de croissance pour 2016 ;
Considérant qu'il prévoit une réduction de notre déficit structurel inférieure aux recommandations du Conseil de l'Union européenne et des efforts d'économies non documentés et sans effet pérenne sur le niveau de la dépense de l'état et de ses opérateurs ;
Considérant qu'il comprend une hausse sensible des effectifs de l'État, qui n'est due qu'en faible partie au renforcement de la sécurité intérieure et extérieure de notre pays, et traduit ainsi une incapacité à arbitrer entre les missions de l'État ;
Considérant qu'il ne fait porter aucun effort réel sur le temps de travail et la masse salariale de la fonction publique pour contenir le dynamisme de la dépense publique ;
Considérant que la nouvelle diminution des dotations aux collectivités territoriales prévue au projet de loi de finances portera atteinte au niveau d'investissement public et à la croissance en 2016 ;
Considérant que le projet de loi de finances pour 2016 ne comprend aucune mesure fiscale de nature à remédier à l'accroissement de la fiscalité ayant pesé en particulier sur les ménages et les familles depuis 2012 et créé, selon les termes mêmes du Premier ministre, une forme de rupture entre les Français et l'impôt ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Je reviendrai simplement sur la masse salariale, qui représente 40 % du budget de l'État. Avant même les annonces du 16 novembre, le projet de loi de finances créait plus de 8 000 postes... Et 13 000 désormais. Fort bien, les missions de sécurité sont prioritaires ; mais ces créations doivent être gagées, or vous ne nous avez pas présenté d'économies en regard.
M. Richard Yung. - Nous sommes déçus par cette issue. Si la question préalable revient à dire qu'il y a deux approches de la politique économique, nous le savions déjà ! À droite, l'on propose 100 milliards, 50 milliards d'économies - M. Sarkozy demande désormais 30 milliards - mais en se gardant bien de préciser la marche à suivre.
Sur les prévisions macroéconomiques, nous avons créé le Haut Conseil des finances publiques précisément pour éviter les batailles de chiffres : il a jugé l'hypothèse de croissance...
M. Vincent Delahaye. - « Atteignable ».
M. Richard Yung. - ...raisonnable. Le débat est clos.
Vos critiques sur l'évolution du solde structurel sont malvenues : notre trajectoire est en avance par rapport à ce qui figure en loi de programmation ! L'effort structurel sera de 0,5 % en 2016, ce qui correspond au pacte de stabilité. Les effectifs de la fonction publique d'État baissent de 1 500 ETP ; vos critiques sont là aussi hors de propos.
La question préalable souligne encore la hausse de la pression fiscale depuis 2012 - date choisie au hasard - mais elle est passée, voyez-vous, de 43 % en 2009, à 46 % en 2010, puis à 46,6 % en 2011 et 49,9 % en 2012...
M. Jacques Chiron. - Atelier mémoire !
M. Richard Yung. - Voilà qui suffit à vous répondre : nous voterons contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - La question préalable vous interdira d'éclaircir le flou de vos positions de première lecture : c'est dommage. Mettons-nous d'accord sur le constat plutôt que de nous jeter des chiffres au visage. De par ma formation initiale, je sais que l'on ne peut pas faire dire ce que l'on veut aux chiffres.
Un exemple : M. Delahaye feint d'oublier que la prime pour l'emploi a été supprimée, ce qui le conduit à asséner un jugement inexact : l'écart est tout de même de 2 milliards d'euros... Quoi qu'il en soit, l'heure n'est plus aux débats de fond, mais à la responsabilité. Avis défavorable à la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Vincent Capo-Canellas. - Nous avons eu une discussion approfondie et utile. Le groupe UDI-UC estime toutefois que le prolonger n'apporterait pas d'éléments nouveaux.
Le Gouvernement soutient que la dette sera quasiment stabilisée : sans doute, mais à quel niveau ? Il conviendrait de faire preuve de plus de volontarisme. Au regard des critères européens, le correctif demeure insuffisant et mal calibré puisque les efforts pèsent surtout sur la classe moyenne. Les chiffres du chômage ne plaident pas en faveur des mesures proposées. Enfin, il faudra bien étudier en détail les effectifs de la fonction publique et le temps de travail, sans quoi nous n'arriverons pas à endiguer la progression de la masse salariale.
Le groupe UDI-UC votera cette question préalable.
M. Philippe Dallier. - Je regrette les conditions d'examen de ces lois financières. Comment aurions-nous fait si nous avions dû examiner 300 amendements en nouvelle lecture ? Revoyons l'organisation de nos travaux budgétaires.
Les mesures nouvelles déposées indifféremment en projet de loi de finances ou en projet de loi de finances rectificative n'ont pas favorisé la cohérence des débats - sur le FPIC entre autres - sans compter qu'elles ne semblent pas parfaitement conformes à la règle de l'entonnoir.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous verrons cela devant le Conseil constitutionnel.
M. Philippe Dallier. - Bref, vingt jours calendaires pour examiner le budget, c'est très court. C'est trop court. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
M. le président. - Le scrutin public ordinaire est de droit.
Voici le résultat du scrutin n°117 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 189 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - En conséquence, le projet de loi de finances pour 2016 n'est pas adopté.
Commission spéciale chargée du contrôle des comptes (Nominations)
M. le président. - Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne.
La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame Mme Marie-France Beaufils, MM. Vincent Capo-Canellas, Pierre Charon, Éric Doligé, Charles Guené, Bernard Lalande, Gérard Miquel, Jean-Vincent Placé, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Michel Vaspart, membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne.
Mission d'information sur l'islam en France (Nominations)
M. le président. - Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte.
La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame MM. Pascal Allizard, Michel Amiel, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, Philippe Bonnecarrère, Bernard Cazeau, Mmes Jacky Deromedi, Chantal Deseyne, Josette Durrieu, Corinne Féret, Colette Giudicelli, Nathalie Goulet, MM. François Grosdidier, Jacques Grosperrin, Roger Karoutchi, Mme Fabienne Keller, MM. Rachel Mazuir, Christian Namy, Cédric Perrin, David Rachline, André Reichardt, Gilbert Roger, René Vandierendonck, Mme Evelyne Yonnet, membres de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte.
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Deux mois après l'ouverture de la session budgétaire, il est vain de se lancer à nouveau dans une bataille sur le fond et sur les chiffres.
Un commentaire simplement sur le temps consacré au débat budgétaire. Contrairement à ce que laisse entendre M. Dallier, je pense que nous ne gagnerions guère à le prolonger. Je le trouve pour ma part trop long ! Le texte du projet de loi est rédigé en août, doit passer en Conseil d'État, avant d'être soumis au Conseil des ministres avant que commence la phase parlementaire... De sorte que, entre l'élaboration du texte par le Gouvernement et le vote par la représentation nationale, il s'écoule plusieurs mois au cours desquels la situation du pays a changé - engagements militaires extérieurs, conditions de la sécurité intérieure, par exemple. L'inflation réelle a pu connaître une inflexion. Sans parler du décalage entre la modification des règles fiscales et leur concrétisation qui intervient seulement un an plus tard. C'est d'ailleurs pourquoi je défends le prélèvement à la source. Bref, nous gagnerions plutôt à raccourcir le processus budgétaire.
Je veux remercier la présidente de la commission des finances, les présidents de séance, les sénatrices et sénateurs qui se sont appliqués à enrichir les débats dans l'esprit constructif qui est celui du Sénat. Dois-je vous encourager de nouveau à ne pas laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; exclamations amusées à droite)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - La CMP, réunie le 14 décembre, n'est pas parvenue à un accord. Ce projet de loi de finances rectificative entérine une dégradation du solde budgétaire, une hausse de la dette publique et une augmentation des dépenses de l'État. Le schéma de fin de gestion pour 2015 appelle à rendre plus transparentes les règles de mise en réserve des crédits - qui représentent pas moins de 8 % désormais.
Ce collectif comporte de nombreuses mesures introduites par des amendements, parlementaires ou gouvernementaux, qui n'ont pas tous pu être examinés dans des conditions correctes...
Le texte est passé de 44 à 110 articles à l'Assemblée nationale. Le Sénat a ensuite adopté 64 articles conformes, en a modifié 34, supprimé 11 et ajouté 24. L'Assemblée nationale en a adopté conformes 44, modifié 12 ; elle a rétabli sa rédaction sur 10 articles et a supprimé 4 articles introduits par le Sénat.
J'ai cru, un instant, en écoutant le ministre, que le Gouvernement allait réviser son hypothèse d'inflation. Évidemment, non. Peut-être aurions-nous procédé différemment s'il l'avait fait.
L'Assemblée nationale nous a suivis sur l'extension de la Tascom, la fiscalité du diesel, la TVA sur la presse en ligne, ou le reporting pays par pays. Elle a introduit de nouvelles dispositions relatives par exemple aux dons aux familles de victimes du terrorisme.
Nos regrets concernent essentiellement la fiscalité énergétique aux articles 3, 11 et 11 ter. Le comité consultatif sur le crédit impôt recherche a été supprimé, c'est dommage, de même que nos précisions sur la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Plus regrettable, le Gouvernement a ouvert de nouveaux sujets en deuxième lecture, en méconnaissance de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ainsi à l'article 21, elle a modifié les règles du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales ou communales (FPIC), aux dépens de nombreuses collectivités territoriales franciliennes... et sans aucun rapport avec le contenu de l'article 21.
Je veux saluer l'esprit globalement constructif de nos collègues de l'Assemblée nationale ; la rapporteure générale elle-même a reconnu qu'une nouvelle lecture ne modifierait pas substantiellement les équilibres. D'où cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Canevet . - Le groupe UDI-UC s'est demandé en lisant le projet de loi de finances rectificative s'il n'était pas plus important que le projet de loi de finances... Nous avons regretté d'emblée le peu de temps qui nous a été alloué pour l'examiner ; cela doit nous inciter à réfléchir au plus haut niveau à la procédure budgétaire.
Nous ne partageons pas l'optimisme du Gouvernement. La croissance, estimée à 0,7 % au premier trimestre, est devenue atone, ce qui fait planer une menace sérieuse sur les hypothèses macroéconomiques. La situation économique du pays entraîne des positions contestataires de nos concitoyens dans les urnes... La solution n'est pas dans l'accroissement du déficit public par des allègements de charges aux entreprises sans contrepartie. Cela ne ferait qu'accroître le fardeau transmis aux générations suivantes. Il faut financer les réductions de charges, pour assurer le retour à l'équilibre des finances publiques. Notre pays a enregistré 42 000 chômeurs de plus en octobre, voilà qui rend impératif un sursaut.
L'impôt sur le revenu augmente, Vincent Delahaye l'a dit, d'autant plus que le nombre de foyers imposables se réduit. L'an dernier, 47,5 % et cela ira en diminuant. Selon nous, tout le monde doit payer l'impôt sur le revenu, même pour un très faible montant...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Comme le voulait Joseph Caillaux.
M. Michel Canevet. - L'impôt est un acte citoyen par lequel chacun prend conscience que les services publics ne sont pas gratuits...
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Michel Canevet. - La charge de l'impôt sur le revenu, toujours plus lourde, est concentrée sur un nombre de foyers toujours plus étroit.
Le projet de loi de finance rectificative comporte d'autres dispositions manquant de clarté, sur la fiscalité des carburants ou encore sur le FPIC. Les modifications votées à l'Assemblée nationale ont plus compliqué le mécanisme qu'autre chose.
Faisons confiance aux entrepreneurs, cessons de les stigmatiser. Le groupe UDI-UC votera cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; Mme Annick Duchêne et M. Alain Gournac applaudissent également).
M. Claude Raynal . - Le dépôt d'une question préalable ne nous étonne guère, la majorité sénatoriale ayant exprimé ses désaccords sur le solde budgétaire ou la fiscalité énergétique. Il n'y a pas lieu de réexaminer le collectif point par point...
Les dispositifs drainant l'épargne des particuliers vers les PME de l'économie solidaire et sociale - ISF PME et Madelin - sont renforcés, c'est heureux. Nous nous réjouissons aussi de l'éligibilité au FCTVA des investissements des collectivités territoriales dans le cadre du plan THD. Ce sont 50 milliards d'euros qui seront ainsi fléchés vers nos territoires.
Ce collectif confirme le respect des engagements du Gouvernement sur la trajectoire des finances publiques. Le déficit sera bien de 3,8 % en 2015 et les baisses d'impôts pour les ménages les plus modestes seront poursuivies. Pour la première fois depuis 2009, le taux de prélèvement obligatoire a diminué en France.
M. Didier Guillaume. - Eh oui !
M. Claude Raynal. - Le développement de la fiscalité écologique se poursuit. Le prix à la tonne de carbone, prévu pour 2017, nous rapproche de l'objectif de 56 euros par tonne en 2020.
La contribution au service public de l'électricité (CSPE) mettra à contribution les énergies carbonées pour financer la transition énergétique. La création d'un CAS dédié permettra d'assurer un contrôle démocratique renforcé de cette politique.
Je regrette la suppression par le Sénat en première lecture des dispositions faisant converger la fiscalité du diesel, de l'essence et du GPL dès 2017 ; en la matière, il faut envoyer des signaux forts pour encourager la transition énergétique.
En outre, nous saluons les mesures votées à la suite des attentats du 13 novembre 2015 : la défiscalisation des dons aux victimes et à leurs proches, aux militaires, policiers et gendarmes blessés, et le fonds de 4 milliards pour le spectacle.
Les cinquante départements les plus en difficulté seront soulagés par le fonds de soutien de 50 millions qui leur est consacré d'autant que le Gouvernement s'est engagé à trouver une solution pérenne pour les allocations individuelles de solidarité.
Le groupe socialiste votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Didier Guillaume. - C'est très clair.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous seriez bien embêtés si elle n'était pas adoptée !
M. André Gattolin . - Ce collectif ne manque pas de surprendre, tant son impact sur le solde de l'année en cours est faible. La première partie de ce collectif est d'une extrême légèreté, un petit nécessaire de circonstance, un baise-en-ville pour l'année 2015. La seconde, par contraste, est obèse comme une hotte de Noël, pleine de petits cadeaux - pas toujours désirables - dans les souliers des parlementaires. (Sourires)
Comme les enfants, j'ai ouvert les cadeaux qui me paraissaient les plus tentants. Enfin, une fiscalité écologique ! Cependant, la réforme de la CSPE laisse à désirer en ce qu'elle n'est pas ciblée sur le soutien aux énergies renouvelables parmi lesquelles est préféré le photovoltaïque - une filière exclusivement chinoise depuis des années. L'avenir nous dira si cette CSPE servira aussi à endiguer l'explosion désastreuse des coûts du nucléaire, de l'EPR en particulier. Le maintien de l'avantage au gazole pour la flotte automobile, le refus obstiné du kilométrage vélo et, pourquoi pas trottinette, montre qu'une partie du Gouvernement absente à la COP21 reste arcboutée.
Derniers regrets, l'Assemblée nationale a supprimé le reporting pays par pays et la régularisation de la situation fiscale de la presse en ligne. Au total, ce texte nous revient moins bon qu'en première lecture.
Puissé-je enfin obtenir le document consolidé sur l'effort de l'État pour l'écologie que je réclame depuis longtemps !
M. Jean-Claude Requier . - Après un marathon avec quelque 400 amendements à examiner en première lecture, les conditions d'examen de ce projet de loi de finances rectificative sont tout autant expéditives en nouvelle lecture.
La baisse de 1,1 milliard du déficit de l'État par rapport aux prévisions est le résultat de la saine politique économique du Gouvernement - même si des facteurs exogènes ont joué leur rôle, à commencer par la faiblesse des taux d'intérêt.
Après des tergiversations sur l'opportunité d'examiner la deuxième partie de ce texte, le Sénat a finalement rendu un texte après que le groupe RDSE, pôle de stabilité de cette assemblée, a pris ses responsabilités.
Nous regrettons la disparition des mesures que nous avions proposées sur le FNGRA à l'article 2 ou sur la fiscalité des carburants. En revanche, l'Assemblée nationale a repris nos mesures sur l'ISF-PME. C'est heureux. Le groupe RDSE votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-François Husson . - Le bilan est mitigé. L'Assemblée nationale a bien fait de supprimer l'aide à la presse en ligne, peu constitutionnelle, de reprendre nos propositions sur l'assiette de la Tascom et nos mesures en faveur de l'agriculture. Oui, le Sénat inspire le Gouvernement. (M. Christian Eckert s'esclaffe)
En revanche, notre vision de la fiscalité écologique ne s'est pas imposée. Certes, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 30 ter qui rendait la TVA déductible pour l'achat de véhicules d'entreprise à essence, comme elle l'est déjà pour les véhicules diesel. Nous aurions ainsi encouragé l'achat de véhicules étrangers pour ne pas avoir donné à nos constructeurs le temps d'adapter leurs chaînes de production.
En revanche, l'Assemblée nationale a refusé de rétablir la déduction d'un centime par litre de la TICPE sur tous les types d'essence, de moduler la TSPE en contrepartie de la hausse de la contribution climat-énergie ou de supprimer la modulation des tarifs des carburants en 2017, ce qui eût pourtant été plus conforme au principe d'annualité budgétaire. Toutes ces mesures auraient permis au président de la République de tenir sa promesse de pause fiscale.
Non, les chefs d'entreprise ne sont pas spoliateurs, ces dogmes sont d'un autre âge. Ce collectif illustre, encore une fois, la politique de pompier pyromane que mène le Gouvernement. Un exemple, la taxe foncière sur un terrain de 1 000 mètres carrés était de quelques centaines d'euros, elle aurait pu atteindre 5 000 euros et même 10 000 euros en 2017.
Le Gouvernement s'emploie enfin à éteindre le feu en modifiant le logiciel. Il était temps ! Nous avons obtenu satisfaction sur quelques points seulement à l'Assemblée nationale, à cause d'une poignée de frondeurs. Dès lors, le groupe Les Républicains votera la question préalable. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat,
Considérant que le projet de loi de finances rectificative pour 2015 entérine une nouvelle dégradation du solde budgétaire et une nouvelle augmentation de la part de la dette publique dans la richesse nationale ;
Considérant qu'il traduit un dérapage des dépenses de l'État dont les effets sont seulement limités par un prélèvement sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture et par des économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ainsi que sur la charge de la dette ;
Considérant que l'ampleur inédite du schéma de fin de gestion en 2015 témoigne de l'incapacité du Gouvernement à respecter les priorités qu'il a lui-même fixées en loi de finances initiale et d'un manque de transparence sur les objectifs de la mise en réserve de crédits ;
Considérant qu'il comporte une réforme d'ampleur de la fiscalité énergétique, qui aurait dû trouver sa place en loi de finances initiale, et qui contribuera à alourdir la fiscalité pesant sur les entreprises et les ménages dans les années à venir ;
Considérant enfin qu'il comprend de nombreuses mesures introduites par voie d'amendement du Gouvernement dans des conditions n'ayant pas permis leur examen approfondi ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Nous n'avons obtenu un compte rendu des travaux que l'Assemblée nationale a effectués hier soir sur ce collectif que bien après midi. Nous n'avons donc pas pu en étudier sérieusement les dispositions. Ne serait-ce que pour cette raison, les conditions ne sont pas réunies pour une seconde lecture fructueuse.
M. Richard Yung. - Avec tout l'enthousiasme dont je suis capable après trois semaines de débats (Sourires), je veux d'abord répondre à M. Husson. Non le Gouvernement ne voit pas en les chefs d'entreprise des spoliateurs : il s'emploie depuis des années à restaurer leur compétitivité !
Le solde budgétaire passe de 4,1 à 3,8 % du PIB, soit un gain de 0,3 % du PIB. C'est la première fois et ce chiffre est validé par le Haut Conseil des finances publiques, notre juge de paix. Quant à la dépense publique, elle se réduit de 6,3 milliards d'euros par rapport à l'exécution de 2014.
Le groupe socialiste et républicain votera contre la question préalable.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Et le Gouvernement est farouchement contre !
M. Vincent Capo-Canellas. - Le groupe UDI-UC votera, lui, farouchement pour la motion. La procédure budgétaire est longue et lourde, ce qui amène le Gouvernement à introduire dans le collectif des dispositions qui n'ont pu trouver place dans la loi de finances initiale. L'Assemblée nationale a quand même repris tels quels 44 de nos 69 articles et 11 partiellement, preuve que le bicamérisme fonctionne. Je suis heureux que les députés aient accepté l'article 16 terdecies allégeant la fiscalité sur le transport aérien.
Cependant, le compte n'y est pas. En particulier, les économies ne sont que de constatation.
Le scrutin public est de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°118 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 136 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - En conséquence, le Sénat a rejeté le projet de loi de finances rectificative pour 2015.
La séance suspendue à 17 h 05, reprend à 17 h 20.
Convention fiscale avec l'Allemagne (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - L'accord franco-allemand du 31 mars 2015 résulte des travaux de plusieurs années sur les travailleurs transfrontaliers et les retraités touchant une pension d'origine allemande. Par les sujets traités, il s'inscrit dans nos relations étroites.
Il assure le maintien du régime des 40 000 travailleurs frontaliers qui resteront imposés en France. L'Allemagne renonce à supprimer cette règle particulière mais percevra une compensation annuelle représentative d'un partage de l'impôt français.
De même, l'Allemagne a accepté de ne plus imposer les 70 000 retraités résidant en France et percevant une pension d'origine allemande, comme c'est le cas depuis 2005 ; ces retraités s'étaient vu soumis à une fiscalité plus lourde, sans parler des années de rattrapage. Là encore, une compensation financière sera versée en contrepartie.
La convention date de 1959 ; comme d'autres, elle doit être révisée et pour intégrer, entre autres, le projet BEPS de lutte contre l'érosion fiscale.
J'invite le Sénat à adopter ce texte conforme pour une application dès le 1er janvier 2016.
M. Albéric de Montgolfier, en remplacement de M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances . - La raison de cet avenant se situe surtout dans les difficultés de 70 000 résidents en France percevant une pension allemande. Après la décision du 6 mars 2002 du tribunal constitutionnel de Karlsruhe, ces retraités ont commencé de recevoir des fiches d'imposition allemandes en 2009. C'est toujours désagréable ! Ce texte leur évitera une double imposition : l'Allemagne bénéficie pour l'heure d'une compensation financière en contrepartie d'une imposition exclusive des pensions en France, calculée sur une base estimée à 16 millions d'euros en 2013, mais qui atteindra 30 millions en 2020.
Deuxième point, la consolidation du statut fiscal des travailleurs frontaliers : 41 450 Français travaillent en Allemagne, 4 220 Allemands en France.
Le régime des transfrontaliers, contesté par l'Allemagne, est finalement conforté, en contrepartie d'une compensation égale à 44 % de l'impôt sur le revenu perçu en France ; le premier versement sera de 22 millions d'euros.
D'autres dispositions fiscales évoluent, comme la fiscalisation des plus-values perçues en France par des résidents allemands. Ces plus-values n'étant imposées qu'à hauteur de 5 % en Allemagne, l'avenant pose le principe d'une imposition in situ, conformément aux nouvelles normes de l'OCDE introduites également dans la convention France-Luxembourg. Le projet BEPS vise justement à éviter l'exploitation de clauses favorables qui subsistent dans certaines législations. Pourquoi ne pas préciser que les fiducies sont aussi concernées - comme dans l'accord avec le Luxembourg ?
L'article 9 pose le principe d'une imposition des dividendes dans le pays de résidence, sans préjudice de la possibilité d'un prélèvement à la source, limité à 15 % mais cette limite ne s'appliquera désormais plus aux dividendes versés à partir de revenus ou de gains tirés de biens immobiliers par des véhicules d'investissement immobilier qui distribuent la plus grande partie de leurs revenus annuellement.
La commission des finances, presque unanime, a donné un avis favorable à la ratification de cette convention. (Applaudissements)
M. Claude Kern . - Nous avons appris il y a quelques jours que la France n'était plus le premier partenaire commercial de l'Allemagne. Pourtant, l'Allemagne n'est pas pour nous un partenaire comme un autre, des milliers de nos concitoyens travaillent outre-Rhin. Cette convention leur facilitera la vie, ainsi qu'aux retraités - près de 120 000 personnes en tout.
On compte quelque 42 000 personnes résidant en France et travaillant en Allemagne - contre 4 000 Allemands travaillant en France. Contrairement à la règle de l'OCDE, elles sont imposées en France, et ce principe demeure, contre une compensation justifiée par l'usage qu'elles font chaque jour des services publics allemands.
Contrairement à la règle de l'OCDE, les retraités résidant en France et percevant une pension allemande - ils sont environ 70 000 - sont aujourd'hui imposés en Allemagne ; cette incongruité prendra fin.
Cette convention est un témoignage de l'amitié franco-allemande. Elle contribuera à la prévention de l'exil fiscal, via les nouvelles règles sur l'imposition des plus-values et dividendes. Il est dommage seulement que la convergence fiscale entre nos deux pays soit au point mort. En 2011, le président de la République avait pourtant initié une réflexion utile, que nous serions bien inspirés de prolonger.
Le groupe UDI-UC votera cette ratification. (Applaudissements au centre)
M. Richard Yung . - En 2005, l'Allemagne a décidé d'imposer les pensions versées à des résidents français. Il a fallu dix ans pour régler ce problème, qui laissait désemparées les personnes concernées. Les sénateurs des Français de l'étranger ont relayé leurs préoccupations, et je salue l'implication du Gouvernement sur ce dossier.
La négociation sur la compensation a été difficile, elle sera finalement de 20 à 30 milliards d'euros par an. La fin de la retenue à la source évitera des démarches lourdes auprès du fisc allemand, véritable labyrinthe, et les résidents français n'auront plus à solliciter de crédit d'impôt auprès du fisc français.
Le groupe socialiste et républicain votera cet accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. André Gattolin . - Inscrite dans le marbre du traité de l'Élysée de 1963, l'amitié franco-allemande n'a cessé de se renforcer ; elle est sans équivalent en Europe. L'agenda franco-allemand 2020, adopté en 2010, en témoigne encore. Sa dernière démonstration a été la réaction immédiate de la Chancelière et du Gouvernement allemand à la suite des attentats du 13 novembre.
La présente convention fiscale est équilibrée, et sécurise la situation fiscale de nos ressortissants. Ainsi, les retraites ne seront plus imposées que dans leur pays de résidence - la décision allemande de 2005 avait créé un véritable casse-tête.
En Europe, le moteur franco-allemand conserve tout son rôle d'impulsion et d'entraînement. Je souhaite ainsi que notre voisin soutienne notre demande d'évolution de la fiscalité des services culturels en ligne. Dans la passe difficile que traverse l'Europe, la coopération et la solidarité sont plus que jamais indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Requier . - Par cet avenant, la France a réussi à maintenir le régime des transfrontaliers imposés en France, en contrepartie d'une compensation financière. La situation des retraités résidant en France et percevant une pension allemande est aussi réglée - on ne pouvait se satisfaire de l'expédient du crédit d'impôt.
Enfin, un accord a été trouvé sur les doubles impositions, l'exit tax pour prévenir l'exil fiscal, et les règles spécifiques aux sociétés immobilières, expertes en optimisation.
Cette coopération volontariste est un exemple à suivre pour l'Europe. Le groupe RDSE votera la ratification.
M. André Reichardt . - La convention de 1959 a été modifiée trois fois, en 1969, 1989 et 2001. Voici la quatrième, signée le 31 mars 2015, à Berlin, qui sécurise la situation fiscale des salariés transfrontaliers et surtout des 50 000 à 70 000 « retraités d'Allemagne », dont 30 000 vivent en Alsace.
Après 2017, ces retraités ne paieront plus d'impôts qu'en France ; en contrepartie, une compensation sera versée à l'Allemagne. Ils faisaient face depuis quelques années à un imbroglio juridique et administratif insensé. À la suite de l'arrêt de 2002 de la Cour de Karlsruhe, l'Allemagne a décidé en 2005 d'imposer ces pensions, mais les retraités n'ont reçu leur avis d'imposition qu'en 2009... Et n'y ont rien compris.
Il est dommage que ce texte vienne si tard. En 2016, les retraités devront encore déclarer leurs revenus au fisc allemand... Sans parler des arriérés et pénalités réclamés au titre des années antérieures à 2009. Le problème ne sera réglé qu'en 2017.
Les élus alsaciens se sont préoccupés du problème dès 2010 ; une task force créée en 2013 assiste les retraités à répondre aux demandes de l'administration allemande, à laquelle ils ne comprennent rien... d'autant qu'elles sont rédigées en allemand, langue que ne parlent pas forcément des retraités résidant désormais à Carcassonne ou à Pau - - j'en ai eu au téléphone ! De surcroît, le siège de cette administration se trouve au Nord de l'Allemagne... Pour s'y déplacer, bonjour !
Nous comptons sur l'État français pour informer les personnes concernées que les règles changent. À l'échelle locale, une coopération des administrations fiscales serait utile, et pourquoi pas un pôle franco-allemand. Que de difficultés pour faire remonter les problèmes ! Les centres d'impôts sont dépassés par les questions internationales et il n'existe aucune information fiscale dans la langue du voisin...
Je veux enfin redire toute l'importance des liens entre la France et l'Allemagne. À mon tour, j'invite à soutenir ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Claudine Lepage . - Cet avenant sécurise la situation fiscale des salariés résidant en France et travaillant en Allemagne, ainsi que les titulaires de pensions allemandes résidant en France. Je suis plusieurs dossiers depuis que l'Allemagne a modifié sa réglementation en 2005, et que 70 000 retraités se voient ainsi imposer une fiscalité plus lourde, n'ayant pas droit aux mêmes abattements qu'en France. L'examen rapide de ce texte par le Parlement permettra de le mettre en application dès 2016.
Le fisc allemand n'ayant commencé à appliquer la nouvelle règle qu'à partir de 2009-2010, il en résulte des arriérés importants, qui illustrent un manque de communication entre les services et les contribuables concernés.
Je souhaite que le dialogue se poursuive, par exemple, sur la double imposition des pensions alimentaires. Enfin, j'évoquerai la situation dramatique de plusieurs dizaines de salariés d'un sous-traitant français d'Airbus à qui le fisc allemand réclame une centaine de milliers d'euros chacun...
Intervention sur l'ensemble
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Monsieur le rapporteur général, les participations dans les trust et fiducies sont bien visées, selon notre interprétation de la convention, qui vise les cessions d'actifs, parts et droits sur les biens immobiliers.
Il était temps que les discussions aboutissent. Mosellan, je connais bien la question des travailleurs et retraités frontaliers ; je crois avoir modestement contribué à régler le problème...
Comme régulariser le passé ? Notons qu'il n'y a pas de double imposition : l'impôt payé dans un pays est déduit de l'impôt dû dans l'autre, mais cela exige des démarches administratives... L'accord ne s'appliquera qu'à partir de l'imposition en 2017 des revenus de 2016, le problème est réel.
L'idéal serait une convergence fiscale européenne, qui n'est sans doute ni pour demain, ni pour après-demain. Pour autant, l'administration, les associations de frontaliers et les élus accompagnent les personnes concernées.
Les conventions de ce type visent en général, selon leur intitulé, à éviter la double imposition. Mais il faut aussi éviter la non-imposition... Je plaide pour un changement d'intitulé...
Des conventions plus conformes aux standards en cours d'élaboration devront être établies. Comptez sur l'énergie du Gouvernement. Nous donnerons le maximum de publicité à cette convention, pour que chacun puisse en bénéficier.
Le projet de loi est adopté définitivement.
(Applaudissements)
Convention fiscale France-Luxembourg (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - L'avenant du 5 septembre 2014 à la convention fiscale franco-luxembourgeoise met fin à une situation dans laquelle des investisseurs immobiliers intervenant en France depuis le Luxembourg pouvaient réaliser des plus-values sans être aucunement imposés. C'était inacceptable, et c'est ce type d'optimisation que les nouvelles normes internationales visent à empêcher.
Une lacune subsistait, en effet, depuis l'avenant de 2006 ; les sociétés « à prépondérance immobilière » pouvaient encore être doublement exonérées. Le Luxembourg a finalement accepté de la combler par l'avenant signé le 5 septembre 2014.
Un coup d'arrêt sera ainsi mis à des montages conduisant à une non-imposition. Reste que la convention fiscale avec le Luxembourg, qui date de 1958, doit être largement révisée. Un ensemble de mécanisme anti-abus devra être mis en place, conformément au standard BEPS de l'OCDE.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances . - Nous examinons le quatrième avenant à la Convention de 1958. En principe, les plus-values de source française font l'objet d'un prélèvement au tiers. Mais les plus-values réalisées en France par les sociétés immobilières luxembourgeoises sont totalement exonérées. La France a ainsi perdu 40 millions dans l'affaire dite de l'Imprimerie nationale... Les schémas d'optimisation fiscale tirant parti de cette lacune se sont multipliés.
Le principe d'imposition dans le pays de situation de l'immeuble est désormais étendu aux sociétés immobilières. Une entrée en vigueur n'est certes pas possible dès le 1er janvier 2016, mais l'administration fiscale pourra agir par voie contentieuse.
Ces dernières années, plusieurs clauses ont été introduites dans nos conventions fiscales prévoyant que les plus-values réalisées par les véhicules d'investissement immobilier peuvent être prélevés à la source. Il n'en va pas de même ici : le prélèvement à la source est limité à 5 % ou 15 % selon la part que la société luxembourgeoise détient dans la société française. Concrètement, un véhicule détenu à 25 % par une société luxembourgeoise sera taxé à 5 % en France, et exonéré au Luxembourg...
En attendant une révision d'ensemble de la convention fiscale, pourquoi n'avoir pas traité de l'ensemble du chapitre immobilier dans cet avenant ?
Sous cette réserve majeure, la commission des finances appelle à ratifier cet avenant, un pas en avant. (Applaudissements)
M. Richard Yung . - Cet avenant, étonnamment court, n'en est pas moins important. Il mette un terme au développement de schémas d'optimisation par l'intermédiaire des sociétés immobilières au Luxembourg. Une véritable industrie avait fleuri. On peut d'ailleurs se demander si d'autres lacunes ne subsistent pas...
Cet accord a ainsi le mérite de tenir compte des nouvelles règles de l'OCDE. Il témoigne d'un changement de cap du Luxembourg, qui tourne progressivement le dos à l'optimisation fiscale. La France, depuis l'avenant de 2009, obtient du Luxembourg nombre d'informations fiscales, en attendant le Fatca. Le Luxembourg a encore levé son veto à la directive sur la fiscalité de l'épargne. Il a renoncé comme la Suisse au secret bancaire à partir du 1er janvier 2017, chose inimaginable il y a encore quelques années. La pression internationale et le Luxleaks n'y sont sans doute pas étrangers...
Nous attendons cependant encore l'avis du Luxembourg sur la liste européenne des pays non coopératifs et sur l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés...
Malgré ces tempéraments, nous ne bouderons pas notre plaisir et voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. André Gattolin . - On déplore souvent l'inflation législative, oubliant que près de la moitié des lois votées autorisent la ratification de conventions internationales examinées à la va-vite malgré leur incidence sur le droit interne. Heureusement que le Sénat travaille sérieusement : contrairement à l'Assemblée nationale, il a refusé la farce andorrane et adresse systématiquement les conventions fiscales à sa commission des finances...
Mme Nathalie Goulet. - Nous pourrions partager !
M. André Gattolin. - Le Luxembourg, au premier rang mondial du PIB par habitant est un pays puissant, du fait du travail de ses habitants sans doute, mais aussi de ses règles fiscales... Cet avenant est une petite avancée qui n'entrave cependant pas la créativité fiscale des Luxembourgeois ! N'oublions pas que « Luxembourg » signifie « petite forteresse », un fortin imprenable, et que la devise du pays est « Nous voulons rester ce que nous sommes ! »
M. Jean-Claude Requier . - L'harmonisation fiscale est un volet important de la construction européenne. Cet avenant met fin à des interprétations contradictoires dont il résulte que des plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés et personnes luxembourgeoises échappent à la retenue à la source de 30 %, prévue par le droit français. Le manque à gagner est important pour l'État : 40 millions d'euros, par exemple, sur les bâtiments de l'Imprimerie nationale.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Quand la vente a-t-elle eu lieu ?
Mme Michèle André, présidente de la commission. - C'était il y a bien longtemps.
M. Jean-Claude Requier. - Le Luxembourg - dont l'actuel président de la Commission européenne a été longtemps Premier ministre - éclaboussé par le scandale Lux leaks a accepté de modifier la convention, ce dont nous nous félicitons.
Le groupe RDSE votera ce projet de loi.
Mme Nathalie Goulet . - Jean Arthuis rappelait que le Luxembourg se faisait fort de donner des leçons de gestion des finances publiques aux États membres de l'Union le matin, pour leur faire les poches l'après-midi au moyen de l'optimisation fiscale.
Cet avenant met fin à un mécanisme de double exonération. C'est plutôt cocasse quand la plupart des conventions que nous examinons concernent plutôt les doubles impositions. Cette double exonération, née d'interprétations contradictoires de la convention entre nos deux pays a stimulé les schémas d'optimisation. Depuis la signature d'accords en 2014, le Grand-Duché évolue. Nous regrettons que l'avenant ne prenne toutefois pas en compte la situation des sociétés immobilières cotées et des sociétés de placement à prédominance immobilière à capital variable.
Il faudra revenir sur toutes nos conventions, monsieur le ministre. Un débat global sur le sujet comme nous en avons eu il y a un an environ serait utile, pour faire le point. Si nous voulons lutter contre l'évasion fiscale, qui facilite le financement du terrorisme, nous devons remettre un certain nombre de conventions sur le métier... (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Nous auditionnons régulièrement des experts du sujet, comme Pascal Saint-Amans. En juillet dernier, la commission des finances a organisé une table ronde sur la diplomatie fiscale. Au Sénat en effet, c'est à elle plutôt qu'à la commission des affaires étrangères que sont renvoyées les conventions internationales lorsqu'elles ont une nature fiscale.
Ancienne rapporteure moi-même de certains projets de loi autorisant la ratification de conventions, je sais que le système est bien rôdé. Merci à tous les sénateurs qui ont enrichi la discussion cet après-midi. Et bonnes fêtes à tous.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - On ne peut régler toutes les difficultés en même temps. Mieux valait adopter ce projet de loi rapidement pour boucher un trou dans la raquette, quitte à y revenir plus tard...
M. Alain Gournac. - Bien sûr.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Lors de la visite du président de la République au Luxembourg en mars dernier, mon homologue luxembourgeois et moi avons posé des jalons pour des négociations fructueuses. Le chantier est phénoménal. L'histoire et les pratiques donnent lieu à des règles particulières. Ainsi du statut des travailleurs transfrontaliers de Lorraine qui travaillent au Luxembourg : ils sont taxés là où ils travaillent. Nous avons mis le système en extinction mais il perdure pour ceux qui en bénéficiaient. De même, des régimes différenciés existent selon les pays sur la CSG ou les allocations au titre de la dépendance. Cela dit, pour conclure l'année sur une note d'optimisme - pondéré - nous avons plus progressé ces deux dernières années que durant la dernière décennie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Explication de vote
M. André Reichardt . - Le quatrième avenant met opportunément un terme au mécanisme de double exonération des sociétés partiellement luxembourgeoises ou implantées dans le Grand-Duché. Je me félicite qu'un accord ait été trouvé avec un État souvent critiqué pour son manque de coopération.
Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi.
Mme Michèle André, présidente de la commission. - Divine surprise !
Le projet de loi est adopté définitivement.
Prochaine séance, demain, jeudi 17 décembre à 10 h 30.
La séance est levée à 18 h 45.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du jeudi 17 décembre 2015
Séance publique
À 10 h 30 et, éventuellement, à 14 h 30
Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente M. Hervé Marseille, vice-président M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac et M. Bruno Gilles
1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part (n° 692, 2014-2015).
Rapport de M. Jeanny Lorgeoux, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 235, 2015-2016).
Texte de la commission (n° 236, 2015-2016).
2. Deux conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :
- Projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (n° 210, 2014-2015).
Rapport de M. Claude Malhuret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 237, 2015-2016).
Texte de la commission (n° 238, 2015-2016).
- Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République des Philippines, d'autre part (n° 551, 2014-2015).
Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 239, 2015-2016).
Texte de la commission (n° 241, 2015-2016).
3. Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre global de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République socialiste du Viêt Nam, d'autre part (n° 414, 2014-2015).
Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, (n° 239, 2015-2016).
Texte de la commission (n° 240, 2015-2016).
4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public.
Rapport de MM. Hugues Portelli, sénateur et Luc Belot, député, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 188, 2015-2016).
Texte de la commission (n° 189, 2015-2016).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 117 sur la motion n° 9, présentée par M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour 2016
Résultat du scrutin
Nombre de votants :344
Suffrages exprimés :344
Pour :189
Contre :155
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 143
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe socialiste et républicain (110)
Contre : 110
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 42
Groupe communiste républicain et citoyen (19)
Contre : 19
Groupe du RDSE (17)
Pour : 1 - M. Gilbert Barbier
Contre : 16
Groupe écologiste (10)
Contre : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier
Scrutin n° 118 sur la motion n° 1, présentée par M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour 2015
Résultat du scrutin
Nombre de votants :324
Suffrages exprimés :324
Pour :188
Contre :136
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 143
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe socialiste et républicain (110)
Contre : 110
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 42
Groupe communiste républicain et citoyen (19)
N'ont pas pris part au vote : 19 - M. Patrick Abate, Mmes Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Éric Bocquet, Jean-Pierre Bosino, Mmes Laurence Cohen, Cécile Cukierman, Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Christian Favier, Thierry Foucaud, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Pierre Laurent, Michel Le Scouarnec, Mme Christine Prunaud, MM. Paul Vergès, Dominique Watrin
Groupe du RDSE (17)
Contre : 16
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gilbert Barbier
Groupe écologiste (10)
Contre : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier