Adaptation de la société au vieillissement (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement.
Discussion générale
M. Georges Labazée, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Nous sommes fiers avec Gérard Roche d'être parvenus à un accord avec les députés le 2 décembre. Ce texte de compromis doit aussi beaucoup à la rapporteure de l'Assemblée nationale Joëlle Huillier. Les conclusions de la CMP reprennent de nombreux apports du Sénat.
La deuxième lecture avait déjà permis de rapprocher les points de vue sur la conférence des financeurs et les conseils départementaux de la conférence et de l'autonomie (CDCA).
Concernant la première, seules pourront en être membres les personnes physiques ou morales qui contribuent effectivement au financement ; ainsi les acteurs privés ne pourront pas se désintéresser des actions de prévention de la perte d'autonomie tout en continuant à siéger.
Quant à la composition de la CDCA, elle comprendra tous les acteurs de l'autonomie au niveau local, y compris les organisations syndicales et les associations de retraités, comme le souhaitait M. Watrin.
Le Haut Conseil sera celui de la famille, de l'enfance et de l'âge, comme le voulait l'Assemblée nationale ; néanmoins sa formation spécialisée sur l'âge a pour mission de se rapprocher du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur toutes les questions relatives à la politique de l'autonomie.
Ce rapprochement est bienvenu : l'autonomie ne fait pas encore l'objet d'une cinquième branche de la sécurité sociale, mais sa spécificité est reconnue, tout comme la nécessité de traiter ensemble les sujets du handicap et du vieillissement. La formation mènera également une réflexion sur l'assurance et la prévoyance pour anticiper la dépendance, conformément à l'amendement de M. Cardoux adopté au Sénat.
Les établissements ont été différenciés entre résidences-autonomie, copropriétés avec services et résidence services. Conformément au texte du Sénat, toutes les résidences pourront bénéficier du forfait autonomie, y compris celles qui perçoivent le forfait de soins courants.
À l'article 22, la CMP a préféré la rédaction de l'Assemblée nationale, plus large, pour définir les personnes de confiance.
En revanche, le seuil de 32 500 euros sur les assurances vie a été supprimé pour sécuriser les actions récursoires des départements sur leurs aides à l'hébergement des personnes âgées.
Cette loi, attendue, s'appliquera dès janvier.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Gérard Roche, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Mettez un texte sénatorial équilibré, ajoutez-y une Assemblée nationale ouverte au dialogue ainsi qu'un Gouvernement à l'écoute, et vous aurez les ingrédients d'une CMP réussie.
M. Labazée et moi avons travaillé dans une entente parfaite. Merci à la rapporteure de l'Assemblée nationale et à la ministre pour nos échanges fructueux. Finalement, 28 % de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) sera affecté aux conférences des financeurs pour des actions de prévention. De même le fléchage du produit de la Casa pour la réforme de l'APA, même s'il est maintenu à 55,9 % en 2016 et 70,5 % les deux années suivantes pour rassurer les présidents de départements, a été assoupli.
Enfin est créé au sein du budget de la CNSA une section pour le soutien à l'investissement, dotée de 100 millions d'euros par an jusqu'en 2018. Après quoi il faudra trouver une ressource dédiée.
La refondation de l'aide à domicile a été centrale : la CMP a prévu un régime d'autorisation unique qui entrera en vigueur dès la promulgation de la loi. Les services d'aide à domicile, parce qu'ils exercent une mission d'intérêt général, ne sauraient relever du secteur marchand. Le Sénat s'est rallié à une mise en oeuvre rapide, pour éviter l'afflux de demandes d'agrément dans l'intervalle, phénomène déjà à l'oeuvre.
Une tarification nationale aurait pu avoir des effets non désirés : le Sénat a donc accepté le principe de tarifs nationaux non opposables, le texte prévoyant la définition d'une méthode pour les élaborer.
Avec Georges Labazée, nous sommes prêts à assurer le service après-vente de cette loi, auprès des élus locaux notamment. À plus long terme, il faudra régler la question du reste à charge dans les Ehpad. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie . - Je salue le travail remarquable de MM. Labazée et Roche qui se sont investis pour faire aboutir ce texte. Binôme réjouissant tant sur le plan humain que politique. Merci aussi au président Milon, et à tous ceux qui ont participé à nos échanges.
Ce texte marque une étape fondamentale dans la prise en charge collective de la perte d'autonomie ; 700 millions d'euros supplémentaires seront affectés à cette politique, c'est un effort conséquent. Le Parlement a transformé le congé de soutien familial en congé de proche aidant et a créé le droit au répit. Ce sont là des avancées bienvenues pour mieux accompagner les aidants - y compris en sensibilisant à ce problème le monde de l'entreprise - et prendre aussi soin d'eux ! Les structures d'hébergement temporaire obtiennent une reconnaissance juridique.
Je salue aussi la diversification de l'offre à destination des personnes âgées : les résidences-services sont une solution intermédiaire pour ceux dont l'état ne justifie pas une prise en charge en Ehpad. Les pratiques contractuelles entre gestionnaires et résidents ont été sécurisées.
MM. René Vanlerenberghe et Dominique Watrin avaient travaillé sur l'aide à domicile et les services médico-sociaux. Leur travail a nourri la refondation du secteur. Le Gouvernement a renforcé la transparence et l'égalité de traitement, tout en laissant aux départements leur rôle pilote.
Grace à la bonne intelligence entre le Sénat et l'Assemblée nationale, un accord a pu être trouvé. Un Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) sera créé. J'ai entendu vos réticences, apaisées par la formation spécifique, qui a vocation à devenir une référence pour la prospective.
Le régime d'autorisation renové entrera en vigueur dès le 1er janvier 2016. Je prends acte aussi de votre souhait de répartition des crédits : le forfait autonomie sera réparti entre toutes les résidences services, sans exclure celles éligibles au forfait soins courants. Le Gouvernement voulait éviter le saupoudrage des crédits ; vous voulez, vous, que toutes les résidences s'investissent dans la prévention de la dépendance.
Le Gouvernement a aussi entendu votre volonté de faciliter, pour les départements, le recours en récupération de l'aide sociale sur l'hébergement, sur les contrats d'assurance-vie dès le premier euro sur les primes versées après 70 ans.
De nombreux textes d'application de ce projet de loi, actuellement soumis aux instances compétentes, seront pris dans les premiers mois de 2016, sinon dès le 1er janvier. L'enjeu sera maintenant d'informer les citoyens sur leurs nouveaux droits : je pense, en particulier, à la revalorisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), au droit au répit des aidants et à l'aide à l'adaptation des logements.
Avec cette belle et grande loi sociale, nous construisons une société plus juste, portant un nouveau regard sur la vieillesse. Je vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)
M. Jean Desessard . - Un an et demi après le dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, nous examinons enfin les conclusions de la CMP. Les longs mois de discussion ont été constructifs. L'Assemblée nationale et le Sénat ont apporté leur touche pour aider notre société à anticiper le vieillissement massif de notre population. Du fait de l'arrivée à la retraite des baby-boomers et de l'accroissement de l'espérance de vie, les 60 ans et plus formeront 31 % de notre population en 2035. Ce texte représente un pas pour une société plus juste et inclusive.
L'APA est relevée. Une allocation de 500 euros par an est créée pour financer l'accueil temporaire des personnes âgées dans un établissement et soulager les proches aidants.
Au cours de la navette, les désaccords entre l'Assemblée nationale et le Sénat se sont aplanis. Ainsi, nous nous félicitons que le Haut Conseil ne se réduise pas aux personnes âgées, notre société a besoin de transversalité et de décloisonnement.
Comme au Japon, il est temps qu'une personne qui donne son temps pour aider une personne âgée puisse bénéficier de tickets « Motsi » (monnaie temps solidarité intergénérationnelle), crédit qu'elle pourra utiliser à son tour lorsqu'elle deviendra dépendante. Celui qui conduira une vieille personne trouvera aussi un chauffeur pour l'accompagner dans ses déplacements quand il ne pourra plus conduire.
Les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Gilbert Barbier . - Nous sommes parvenus à un texte consensuel grâce à la navette parlementaire, preuve de son utilité dans une période où le Gouvernement a de plus en plus recours à la procédure accélérée. Quelque 25 articles ont été adoptés dans la rédaction du Sénat, preuve, là aussi, de l'utilité du bicamérisme.
En 2060, un tiers des Français auront plus de 60 ans. Face à ce défi de taille, ce texte paraît une réforme a minima, loin de la création du cinquième risque annoncée par le président de la République.
De même, quand le coût de la dépendance sera de 35 millions en 2060, contre 22 milliards d'euros aujourd'hui, les financements seront insuffisants. D'autant que les départements sont déjà asphyxiés par la hausse des dépenses sociales.
Pour autant, ce projet de loi est un bon compromis. Je me félicite du maintien du fléchage de la Casa et de la stabilisation de la contribution de l'État aux départements, ainsi que de la création d'une section dédiée à l'investissement dans le budget de la CNSA.
Il était temps d'aider les aidants, qui donnent tant pour accompagner leurs proches. Ils souffrent souvent de troubles du sommeil, de dépression, de maladies cardio-vasculaires ; certains d'entre eux meurent avant le proche qu'ils soutiennent. Pour eux, le droit au répit est créé.
Le groupe RDSE salue le lancement d'une réflexion sur l'assurance et la prévoyance en matière de dépendance. Nous voterons ce texte.
M. Alain Milon . - Nous examinons trop de textes en procédure accélérée, alors que la navette parlementaire favorise le consensus, comme on le voit ici. Le projet de loi santé, que nous examinerons ensuite, le démontre en creux. Je salue le travail de nos rapporteurs. L'Assemblée nationale a repris nombre de nos rédactions in extenso.
Le texte ne suscitait pas de controverses. Il contient de nombreuses mesures utiles, même si, mises bout à bout, elles ne forment pas une réponse suffisante aux besoins actuels et à venir. Le groupe Les Républicains a cherché à améliorer le texte, soutenant ainsi, à l'article 32 bis, le régime unique d'autorisation pour les services à la personne. Le rapport de MM. Vanlerenberghe et Watrin, comme la Cour des Comptes, avaient préconisé cette solution. Les entreprises privées d'aide à domicile ont obtenu des assurances. Et le texte réaffirme le rôle du département pour organiser l'offre sur son territoire.
Le groupe Les Républicains votera le texte de la CMP. (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain à ceux du groupe Les Républicains)
M. Dominique Watrin . - Le groupe CRC a cherché tout au long de la navette à améliorer ce texte, présenté le 3 juin 2014 en Conseil des ministres. Il a présenté de nombreux amendements. Ainsi, les syndicats et les associations de retraités siégeront-ils au Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge. Dommage qu'il en aille différemment pour les conférences des financeurs, dont les retraités, via la Casa, sont pourtant les premiers contributeurs.
Je salue la création du régime unique d'autorisation pour les services d'aide à domicile. Je regrette toutefois que l'étude nationale sur les coûts et les prestations ne soit toujours pas publiée. Souhaitons que les deux assemblées poursuivent ensemble un travail sur le sujet. Avancer au 1er janvier 2016 la date d'entrée en vigueur de l'autorisation évitera aux départements de subir un effet inflationniste.
En dépit de ces aspects positifs, le groupe CRC ne votera pas ce texte qui n'apporte pas une réponse à la hauteur des enjeux : 700 millions, c'est peu quand il faudrait 10 milliards... Le financement de la solidarité doit reposer sur toute la société. Nous avons proposé, en vain, de taxer les dividendes ou de doubler la Casa.
Le texte de la CMP envoie un mauvais signal en confiant au Haut Conseil une mission de réflexion sur l'assurance et la prévoyance sur le risque de dépendance. Jusque-là le Gouvernement et la gauche étaient restés fermes sur ce sujet.
De même, l'augmentation de 8 euros mensuels pour les personnels soignants, qui sont à 98 % des femmes, est très insuffisante. Faites le calcul, cela donne à peine un quignon de pain par jour. En moyenne, ces personnes vivent avec 832 euros par mois.
Le groupe CRC s'abstiendra.
Mme Stéphanie Riocreux . - Même si le groupe Les Républicains s'est abstenu en CMP, la majorité de la commission des affaires sociales s'est prononcée en faveur de ses conclusions, texte d'équilibre et de compromis, qui comporte des mesures très concrètes en faveur des personnes dépendantes et des aidants.
Je salue le travail de nos rapporteurs et l'action du Gouvernement qui a su mener la concertation nécessaire. Le groupe socialiste considère que ce texte annoncé depuis longtemps est ambitieux - 700 millions d'euros de plus ! - et responsable, car aucune hausse de fiscalité n'est prévue. C'est une étape importante.
La population française vieillit avec l'allongement de la durée de vie et l'arrivée à la retraite des baby-boomers. En 2060, un tiers de la population aura plus de 60 ans, et la France comptera plus de 100 000 centenaires... Nos modes de vie ont changé, nos structures d'accueil et l'organisation du travail en entreprises n'y sont plus adaptées. Quelque 16 % des salariés en France aident un proche dépendant et doivent réaménager leur temps de travail.
Des initiatives viennent explorer ce continent de la perte d'autonomie. Ce texte les encouragera avec un Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, transversal, intégrant la problématique de l'âge dans tous les aspects de la vie quotidienne, du transport aux logements - seuls 6 % de ces derniers sont adaptés à la perte d'autonomie.
Adapter la société au vieillissement, valoriser et refonder le secteur de l'aide à domicile dont le rôle est fondamental. Un second souffle est en outre donné à l'APA avec sa revalorisation et le fléchage du produit de la Casa.
Le statut de proche aidant est reconnu avec la création d'un droit au répit indispensable pour des personnes atteintes d'épuisement physique et psychique.
Enfin, ce texte renforce la prévention de la dépendance. Le basculement dans l'APA est trop souvent tardif, occasionné par un événement brusque. Le système Monalisa facilitera le repérage de la perte d'autonomie.
Les convergences entre les deux assemblées ont été nombreuses, du forfait autonomie au maintien de l'aide à l'investissement. Après ce texte, beaucoup restera à faire. Le groupe socialiste sera aux côtés du Gouvernement pour approfondir cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Élisabeth Doineau . - À mon tour de saluer le travail de MM. Roche et Labazée, nous leur devons le succès de la CMP qui conserve de nombreux apports du Sénat. Essayons de travailler désormais dans cet esprit de dialogue, les contre-exemples sont encore trop nombreux.
Seuls 35 articles restaient en navette. Point important, le financement. Depuis le début, le Sénat a défendu un fléchage précis de la Casa ; le texte de la CMP est acceptable : 28 % du produit à la prévention de la perte d'autonomie et 55,9 %, puis 70,5 ¨% à la réforme de l'APA. Les conseils départementaux auront ainsi davantage de latitude. Mais on sait que les besoins, 21 milliards de dépenses publiques en 2011 pour la prise en charge de l'autonomie, vont augmenter.
Si l'Assemblée nationale nous a entendus sur le financement, nous avons fait une concession sur le Haut Conseil, qui sera aussi de la famille et de l'enfance ; cependant, sa formation sur l'âge travaillera globalement sur la question de l'autonomie, et échangera avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées - c'est essentiel, puisque de nombreux conseils départementaux ont déjà adopté leur schéma de l'autonomie.
Si nombre de sujets restent à traiter, notamment celui du reste à charge, ce texte marque une étape vers une société plus fraternelle. Le groupe UDI-UC le votera. (Applaudissements au centre)
La discussion générale est close.
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - Le Sénat examinant le texte de la CMP après l'Assemblée nationale, il se prononcera par un seul vote sur l'ensemble du texte, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
ARTICLE 45 (Pour coordination)
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les projets de création, de transformation et d'extension des centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés à l'article L. 348-1.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Cet amendement opère une coordination avec la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.
M. Gérard Roche, co-rapporteur. - Avis favorable, même si nous aurions aimé examiner cet amendement avant la deuxième lecture...
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Et moi donc !
À la demande de la commission, les conclusions de la CMP, modifiées, sont mises aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°115 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l'adoption | 324 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Je me réjouis que ce texte sur lequel le Sénat a tant travaillé soit adopté pour le bénéfice des plus vulnérables. Désormais, nous pourrons parler de la loi en l'invoquant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Nicole Bricq. - Bonne ministre !