Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Sécurité
M. Louis Nègre . - Monsieur le Premier ministre, le terrorisme islamiste a frappé la France, son mode de vie, son goût pour la liberté, sa jeunesse. Parmi les assassins du Bataclan, Samy Amimour, Français et ancien chauffeur de la RATP, mis en examen en 2012 à la suite d'un départ raté pour le Yémen et qui s'était vu retirer ses papiers. Comment a-t-il pu les récupérer ? Se soustraire au contrôle strict auquel il était soumis ? Se rendre en Syrie et en revenir ? Comment de tels dysfonctionnements des services ont-ils été possibles ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Toutes les questions sont légitimes, surtout de la part de la représentation nationale et des familles des victimes. J'assistais ce matin aux obsèques du fils d'amis, tué sur une terrasse de café. L'émotion, l'incompréhension, la colère dominent.
Aujourd'hui, le Gouvernement a un but : en finir avec Daech, en Syrie, en Irak - je salue le vote plus que large du Parlement pour la poursuite de nos frappes aériennes. La traque se poursuit en France, des opérations de police ont lieu dans d'autres pays d'Europe. La coopération européenne doit se concrétiser au prochain Conseil justice et affaires intérieures : PNR, contrôle des frontières, lutte contre le trafic d'armes. Dans le même temps, le président de la République s'efforce de réunir une coalition internationale et de renforcer les moyens de la lutte contre les terroristes.
Vous n'entendrez de moi aucun mot pour mettre en cause les forces de l'ordre ni les services du renseignement, dont la tâche est extrêmement difficile. Près de 1 800 Français et résidents en France sont prêts à nous frapper. Toutes vos questions trouveront réponse, mais avant d'évoquer des failles, des erreurs - je vous trouve bien catégorique ! -attendons de savoir.
Pour l'instant, la tâche de l'État est de rendre coup pour coup, d'écraser Daech et de mettre hors d'état de nuire les terroristes. Mais je n'ai cessé de dire depuis janvier que le risque était là. J'appelle au sang-froid, à la vigilance et à l'unité dans cette guerre, que nous gagnerons ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et sur quelques bancs RDSE et UDI-UC)
M. Louis Nègre. - Sur la lutte contre Daech, nous sommes d'accord. Mais la représentation nationale est en droit de demander comment un tel individu est passé entre les mailles du filet, tout en se moquant sur internet des contrôles « passoires ». (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Si de nouveaux évènements se produisent, que dirons-nous aux parents ? Nous n'attendons pas une nouvelle Constitution, mais des actes et des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Coalition internationale contre Daech
M. Guillaume Arnell . - Ma question s'adresse au Premier ministre. Il y a deux jours, alors que le président de la République se trouvait à la Maison blanche, l'armée turque a abattu un avion russe - évènement sans précédent. La France mène une action diplomatique pour bâtir une coalition : le président de la République a rencontré David Cameron, Barack Obama, Angela Merkel et Matteo Renzi et il verra ce soir Vladimir Poutine - nous nous en félicitons car la Russie est incontournable. Tous ceux qui ont pour ennemi Daech doivent être associés, y compris le régime syrien, l'Iran et la Turquie.
Où en est la constitution de cette coalition ? Avez-vous pris contact avec la Turquie ? Y a-t-il un risque que la coalition en gestation soit affaiblie par les tensions entre la Turquie et la Russie ? Les divergences pourront-elles être surmontées pour détruire l'État islamique ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire . - La France lutte contre Daech. Elle n'est pas seule. À Versailles, le président de la République avait appelé de ses voeux une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. C'est chose faite : la résolution 2249 qui appelle à intensifier la lutte contre Daech et les groupes affiliés à Al-Qaïda a été adoptée à l'unanimité vendredi dernier.
La France a aussi invoqué la clause d'assistance mutuelle de l'article 42-7 du traité sur l'Union européenne. M. Cameron présente aujourd'hui devant la Chambre des communes une stratégie de lutte contre le terrorisme, prévoyant des frappes britanniques en Syrie. Nous espérons qu'elle sera adoptée. Le président de la République a rencontré Barack Obama, Vladimir Poutine, Angela Merkel ; dimanche, il verra Ban Ki-moon mais aussi le président chinois.
L'issue de la guerre en Syrie passe par une transition politique rapide afin de permettre la réunion des forces syriennes hostiles à Daech. Il est temps d'accélérer le processus de Vienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Guillaume Arnell. - Merci, mais vous n'avez pas répondu sur la Turquie. Sans ce partenaire, la coalition demeurera fragile.
Garantie jeunes
Mme Aline Archimbaud . - La France est en deuil. En cette période difficile, nous devons renforcer la cohésion nationale en mettant en oeuvre la fraternité. Or d'après l'étude de 2012, quelque 15 % de jeunes ne sont ni en formation ni en étude ni en emploi. Un million d'entre eux sont en très grande pauvreté.
La garantie jeune s'adresse à ces jeunes très isolés, dans les zones rurales comme urbaines. Elle repose sur une logique donnant-donnant : durant un an le jeune, qui reçoit une aide du montant du RSA, s'engage à suivre strictement le programme tracé par une mission locale. Il bénéficie d'un accompagnement intensif. Objectif : lui rendre confiance en soi, le rendre autonome, capable d'initiative. Les effets sont très positifs. Quelles mesures prendrez-vous, madame la ministre, pour faire connaître le dispositif à l'ensemble des acteurs associatifs et sociaux ? Quelles mesures pour sensibiliser les entreprises, afin qu'elles accueillent des jeunes pour des mises en situation professionnelle ? Au mois de septembre 2015, 28 000 jeunes, sur 72 territoires, étaient concernés. Respecterez-vous l'engagement du président de la République de porter ce chiffre à 100 000 en 2017 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Vous l'avez dit, la croissance démographique est un défi pour notre économie : pour 700 000 départs en retraite, on compte chaque année 850 000 entrées sur le marché du travail. Nous faisons face à un chômage massif des jeunes peu ou pas qualifiés. C'est pourquoi, à côté de la relance de l'apprentissage et des emplois jeunes, nous avons créé la garantie jeune. Concrètement, 28 000 jeunes en bénéficient aujourd'hui ; ils seront 45 000 à la fin de l'année et 60 000 de plus l'année prochaine, sur tous les territoires volontaires - un appel à candidature a été lancé via les préfectures. La France entière sera couverte fin 2017, avec un objectif de 100 000 entrants par an. Je travaille avec Patrick Kanner, mais aussi avec les collectivités locales et les entreprises. Il s'agit de notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Aline Archimbaud. - Merci de tenir ces objectifs ; c'est une exigence majeure.
Radicalisation de la jeunesse
M. Christian Favier . - Le président de la République l'a dit, nous devons à nos enfants plus qu'un monde libéré du terrorisme. Passons aux actes. Depuis 2012, des engagements ont été pris, il est temps qu'ils soient tenus. Délivrons-nous du pacte de stabilité...
M. Philippe Dallier. - Oh !
M. Christian Favier. - ...en plus du pacte de sécurité, passons à un pacte de solidarité. Il est urgent de développer la citoyenneté, l'esprit critique, l'engagement dans une République laïque et fraternelle. Que comptez-vous faire, monsieur le Premier ministre, pour que notre jeunesse renoue avec l'espoir d'une vie meilleure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Ce que vous dites est juste, de manière générale : redonner un avenir à la jeunesse pour, l'écologie, l'emploi, la culture, les loisirs, répondre à sa demande d'engagement. C'est elle qui a été visée par les terroristes, son mode de vie, sa liberté !
Mais j'ai en tête un jeune qui a reçu une balle dans le bras et qui a vu son ami mourir à côté de lui à une terrasse de restaurant. Il m'a dit : « Surtout ne faites pas d'amalgames, nous n'en faisons pas ». On ne peut trouver la moindre excuse à ce qui s'est passé. Un jeune en difficulté, d'origine étrangère ou de confession musulmane, est-il voué à sa radicaliser ? Non ! J'en ai assez de ceux qui recherchent toujours des explications culturelles ou sociologiques à ce qui s'est passé. (Applaudissements des bancs du groupe républicain et socialiste aux bancs du groupe les Républicains) Il appartiendra à l'islam de France de se lever et de dire que le terrorisme, le salafisme doivent être combattus par les armes et par les mots. (Même mouvement) Priorité à la jeunesse oui, mais priorité à une République remise debout partout ! (Même mouvement)
M. Christian Favier. - J'espère que vous ne vous adressiez pas à nous, car il est clair à nos yeux qu'il faut combattre le terrorisme jusqu'au bout. Et ma question ne concernait pas les seuls quartiers populaires. Notre jeunesse mérite une politique ambitieuse. Elle a besoin d'être mobilisée, non seulement pour combattre le terrorisme mais pour construire son avenir... et pouvoir défendre les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste citoyen et républicain ; Mme Esther Benbassa et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent aussi)
Services de sécurité
M. Michel Boutant . - Les tragédies du 13 et du 18 novembre soulèvent des questions légitimes sur l'efficacité et le bon format de nos services de sécurité. Hélas, on a entendu des commentaires mal informés ou malveillants ces derniers jours. Permettez au membre de la délégation parlementaire au renseignement que je suis, au membre de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement que je suis également, de saluer l?action exemplaire de nos agents dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, au centre et sur plusieurs bancs à droite)
Depuis la déclaration de l'état d'urgence, les services ont procédé à 1 600 perquisitions administratives, 165 interpellations et à la saisie de 230 armes. Comment seront réparties les 5 000 créations de postes annoncées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Le renseignement est évidemment crucial dans la lutte contre le terrorisme. Tirant les enseignements des événements de Toulouse et Montauban, nous avons créé la DGSI et rétabli le renseignement territorial pour capter les « signaux faibles ». Après les attentats de janvier, nous avons décidé de créer 2 680 postes sur la période 2015 à 2017 dans les forces de sécurité, 400 postes dans la justice, la Défense ou encore dans les douanes. Nous avons besoin de hackers, de spécialistes des nouvelles technologies de la communication, des réseaux sociaux, et pas seulement de policiers. Ces créations de postes se sont accompagnées, pour les équipements, de 425 millions de crédits supplémentaires. Après le 13 novembre, nous avons décidé de créer 8 500 postes supplémentaires sur 2016 et 2017, pour la police, la gendarmerie, la justice, les douanes.
5 000 postes sur deux ans pour la police et la gendarmerie, 2 500 postes pour la justice, ce qui porte à 6 100 le nombre de postes supplémentaires depuis 2012. La consolidation du pôle anti-terroriste de Paris est pour nous une priorité.
Le Parlement sera saisi cette semaine des amendements qui traduisent concrètement les engagements du Gouvernement pour renforcer la sécurité.
Tous les quinze jours se tiendra une réunion à Matignon avec les présidents des assemblées, des commissions compétentes et des groupes. Tous les quinze jours aussi, en alternance, le ministre de l'intérieur recevra à Beauvau avec les responsables des partis spécialistes des questions de sécurité. Comme vous le voyez, le Gouvernement associe pleinement le Parlement et la délégation parlementaire au renseignement, que préside avec efficacité et discrétion le président Raffarin. Nous devons faire front ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe du RDSE et du groupe écologiste)
Intervention terrestre en Syrie
M. Jean-Marc Gabouty . - L'Occident n'a peut-être pas tiré toutes les leçons des interventions calamiteuses en Irak et en Libye : il semble qu'il ait l'obsession de vouloir remplacer les dictatures, au mieux par le chaos, au pire par des régimes religieux... Celui de Bachar el-Assad a l'avantage d'être laïque et de protéger des minorités qui nous sont chères. On peut s'interroger sur l'ambiguïté des objectifs de certains pays, et le mot est faible, Turquie, Arabie saoudite, Qatar.
Nous savons que la victoire sur Daech nécessite une intervention au sol. Sur qui pouvons-nous compter pour cela ? Pas seulement sur un ensemble hétéroclite de groupes rebelles dont certains sont proches d'Al-Qaida. Sur les Kurdes, qui combattent courageusement mais dont les ambitions territoriales sont limitées ? Sur l'armée syrienne, affaiblie mais soutenue par l'Iran et la Russie ? Quelles forces armées pour intervenir au sol et reconquérir le territoire occupé par Daech ? Quel périmètre pour la réconciliation civile en Syrie que M. Fabius évoquait hier dans cet hémicycle ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - La donne a changé depuis les attentats du 13 novembre dernier. Le lendemain, les Russes ont reconnu que leur avion tombé dans le Sinaï avait été abattu par Daech. Nous coopérons depuis avec les Américains bien plus étroitement. Laissons le président de la République en parler avec Vladimir Poutine ce soir. Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l'unanimité une résolution.
Nous n'avons jamais frappé le régime syrien, nous frappons Daech en Irak et en Syrie. Nous devons rassembler une coalition, sans réanimer les fractures entre chiites et sunnites ; ce serait une erreur de se fonder sur un axe chiite Moscou-Bagdad-Téhéran, et s'allier avec le Hezbollah mérite réflexion...
Sur le sol, en Irak, il y a des troupes irakiennes, des milices chiites, de valeureux combattants kurdes qui ont repris deux villes récemment. Nous obtenons des résultats. Il faut que tous les pays disent bien que l'objectif, c'est d'écraser Daech. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Marc Gabouty. - Merci de votre réponse. Il faut une cohérence entre stratégie militaire et solution politique. De toute façon, on ne réconcilie que des pays qui s'affrontent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
Pacte de stabilité
M. Alain Chatillon . - Le président de la République a affirmé que le pacte de sécurité ne pouvait être sacrifié au pacte de stabilité. Où est le risque, dès lors que les dépenses supplémentaires de sécurité ne se montent qu'à 600 millions d'euros par an, soit 0,06 % du PIB, et 0,15 % des charges de l'État ?
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - Le président de la République l'a dit, le Premier ministre répété, il nous faut des moyens supplémentaires pour lutter contre le terrorisme, à l'intérieur et à l'extérieur : déjà un milliard d'euros de plus depuis janvier, entièrement compensés par des économies.
La responsabilité politique de lutter contre le terrorisme n'est pas antinomique avec la responsabilité budgétaire. Nos objectifs budgétaires seront maintenus, nous réparerons ainsi les dégâts que vous nous avez laissés... (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Alain Chatillon. - La dette de l'État se monte à 2 000 milliards d'euros. Nous perdons chaque seconde 2 350 euros. Que l'État lève les contraintes qu'il impose à ceux qui créent, agriculteurs, artisans, notaires, médecins ! (Applaudissements à droite)
M. Didier Guillaume. - Que ne l'avez-vous fait, vous-mêmes !
M. Alain Chatillon. - Et qu'il s'impose la même obligation que celle qu'il impose aux collectivités territoriales : un budget en équilibre ! (Applaudissements à droite)
Lutte contre le financement du terrorisme
Mme Michèle André . - Après les terribles évènements du 13 novembre dernier, nous devons tout faire pour protéger nos concitoyens au-delà de l'état d'urgence. La commission des finances a adopté à midi à l'unanimité les amendements du Gouvernement sur la mission Sécurité. L'un des plus sûrs moyens de lutter contre le terrorisme est de tarir ses sources de financement. Daech, entre pillages, vols d'antiquité et trafic de pétrole engrangerait 3 milliards de dollars par an.
La coopération internationale est indispensable mais chaque pays doit prendre ses responsabilités. Déjà des mesures ont été prises : abaissement à 1 000 euros du plafond de paiement en liquide, signalement à Tracfin des retraits et dépôts supérieurs à 1 000 euros. La cellule anti-blanchiment est au coeur du combat. Cependant, les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, il importe aussi de surveiller les mouvements de fonds de plus faible ampleur. Que compte faire le Gouvernement dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - L'un de nos services de renseignement les moins connus est Tracfin, qui a été mis en place il y a une vingtaine d'années pour détecter les mouvements de fonds contraires à la probité et à l'honnêteté dans tous les domaines. Nous lui avons demandé de mettre son expertise au service de la lutte contre le financement du terrorisme et de détecter non seulement les flux massifs, mais aussi les signaux faibles. Ceux qui achètent dans les pays riches des antiquités doivent se demander d'où elles viennent... Nous avons baissé de 3 000 à 1 000 euros le maximum payable en cash. Nous allons réglementer les cartes prépayées, qu'utilisent les terroristes. Nous continuerons à renforcer les moyens à la disposition de ce grand service, utile à la République, qu'est Tracfin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Obligation de déclaration domiciliaire
M. Claude Kern . - Les heures tragiques que nous traversons nécessitent un front commun contre la barbarie.
La déclaration de domicile est obligatoire dans la plupart des pays d'Europe, quoi que tombée en désuétude en France, sinon en Alsace-Moselle. Bien des maires insistent sur son utilité.
Certes, elle pose un problème de compatibilité avec le principe constitutionnel de la liberté d'aller et venir et la loi de 1978. Sans basculer dans le tout sécuritaire, ne faut-il pas avancer et engager une réforme constitutionnelle pour rendre cette mesure possible et la création d'un fichier domiciliaire ? (Quelques applaudissements à droite)
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification . - La députée Virginie Duby-Muller avait déposé une proposition de loi en ce sens. Les personnes arrivant dans une commune n'ont pas l'obligation de se déclarer à la mairie, mais sont appelés à le faire spontanément. Le décret du 31 décembre 1947 qui la rendait obligatoire pour les étrangers a été abrogé en 2006. La règle est en vigueur en Alsace-Moselle mais aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect. Un fichier domiciliaire reposant sur des données personnelles sans que sa finalité soit précise serait censuré par le Conseil constitutionnel. Je vous propose de poursuivre la réflexion.
M. Claude Kern. - Je ne comprends pas cette position figée depuis quelques années. Dans le cadre de l'état d'urgence, quelle absence de vision, quel manque de courage politique... Vous annoncez une réforme constitutionnelle dont personne n'a besoin et refusez, au détriment de la sécurité de nos concitoyens, de faire évoluer le droit. (Protestations à gauche et applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
Sécurité des Français de l'étranger
Mme Jacky Deromedi . - Les Français ont été touchés dans leur chair. Le conflit est planétaire et tous ceux qui vivent hors de France deviennent des cibles, l'attentat de Bamako nous le rappelle. Ils se sentent abandonnés, avec la fermeture de treize ambassades entre 2013 et 2015, de douze autres d'ici 2017. En cas d'événement tragique, ils seront seuls et en première ligne. N'est-il pas temps de reconsidérer cette politique ? (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification . - Oui, la sécurité des Français de l'étranger est un sujet d'importance. Beaucoup d'entre eux ont manifesté leur peine après les attentats. Le Gouvernement est mobilisé pour assurer leur sécurité, le risque étant variable selon les pays. La réaction du ministère des affaires étrangères a été rapide : dès le 13 novembre, les implantations françaises à l'étranger ont été mises en état de vigilance maximale ; centres culturels et écoles ont été fermés - les établissements scolaires de Tunisie et de Bruxelles le sont encore.
Nous suivons attentivement l'état du risque. La sécurité est l'affaire de tous. L'inscription au registre ou sur Ariane est indispensable pour que l'on puisse opérer efficacement en cas de crise.
Mme Jacky Deromedi. - Les Français de l'étranger ont droit, eux aussi, à la sécurité. Un moratoire sur les fermetures d'ambassade s'impose. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Violences faites aux femmes
M. Roland Courteau . - Harcèlement, mariages forcés, violences conjugales, combien de femmes tombent-elles encore sous les coups de leur conjoint ou compagnon ? Combien d'enfants sont témoins ou victimes de cette violence ? Trop longtemps, on a fait silence sur ce phénomène. On aurait pu penser aussi que les préjugés sexistes s'effacent en ce XXIe siècle. Certes, le voile commence à se déchirer. Il y a eu la loi du 4 avril 2006, les réformes de 2010, 2012, 2014.
Après le 25 novembre déclaré par le Sénat Journée contre les violences faites aux femmes, quelles sont vos priorités pour 2016 contre ce mal d'un autre âge ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe écologiste)
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - Je salue votre engagement de longue date, en particulier dans les écoles de votre département. Il faut parler de ces violences et les condamner. Nous avons lancé une campagne pour mieux faire connaître le 3919, numéro d'urgence.
Il faut le dire avec force : la culpabilité ne doit pas peser sur les femmes, mais sur leurs agresseurs. Le comportement d'une femme, son habillement ne justifie jamais le viol ou l'agression, que ce soit dans l'espace public ou dans l'espace privé.
Concrètement, il existe désormais 300 lieux d'accueil, 241 permanents sociaux travaillent dans les commissariats et gendarmeries pour recevoir les victimes. Nous avons besoin de tous pour faire changer d'échelle la lutte contre ces violences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Zone de sécurité Sud
M. François Commeinhes . - Le vendredi 13 novembre, je recevais un courrier du ministre de l'intérieur opposant un refus à ma demande de création d'une nouvelle zone de défense et de sécurité Sud, sur le périmètre de la nouvelle région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. L'équité territoriale, les préoccupations des élus, tout concourt. Une région aussi vaste que le Benelux doit avoir un commandement sécuritaire spécifique. La réforme territoriale élargit les périmètres, l'État doit prendre ses responsabilités et redéfinir la carte des zones de défense et de sécurité.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification . - Je vous prie d'excuser M. Cazeneuve, retenu aux funérailles de victimes des attentats de Paris.
Vous souhaitez une zone de défense et de sécurité recouvrant la nouvelle région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Les sept zones de France métropolitaine ne sont pas des structures opérationnelles, elles sont un échelon de mutualisation des moyens pour soutenir les préfets de départements dans la gestion locale des crises.
La question de leur adéquation avec les nouvelles régions se pose cependant. La solution que vous proposez n'a pas été retenue : elle était déconseillée par les différents rapports et études car elle aurait entraîné une démutualisation ; surtout, il fallait maintenir, pour des raisons opérationnelles, la cohérence dans la lutte contre les feux de forêt sur l'arc méditerranéen.
M. François Commeinhes. - J'ai déposé une proposition de loi en septembre : le débat doit avoir lieu.
Carte des intercommunalités
M. Philippe Adnot . - Certains préfets, comme dans mon département, ne respectent pas la loi, proposent des intercommunalités de 100 km de long regroupant les deux tiers de la population d'un département, sans continuité urbaine, sans tenir aucun compte de l'avis de la CDCI. Les remettrez-vous au pas, madame la ministre Lebranchu ?
Vous avez dit hier que les communes connaitraient les conséquences de la réforme de la DGF avant de se prononcer sur la carte intercommunale. La réforme de la DGF a été reportée d'un an ; que ne reportez-vous d'autant les schémas départementaux ! (Applaudissements à droite)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique . - Si la réforme de la DGF a été reportée, c'est dans l'attente de connaître la nouvelle carte intercommunale. Avec votre raisonnement, nous en serions encore au même point en l'an 3000... Les élus, c'est vrai, doivent avoir au préalable une idée fiable des conséquences de la réforme de la DGF, grâce à des simulations.
Vous le savez, 50 % des communes d'une nouvelle intercommunalité doivent donner leur accord, parmi lesquelles la commune centre si elle réunit plus d'un tiers de la population totale. Cela provoque quelques difficultés, des tensions dans votre département, les cas sont rares ; mais c'est la loi. Je ne peux faire plus que la rappeler. La concertation doit se poursuivre avec les élus, dont dépendent les schémas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Adnot. - Je ne dis pas que les réformes doivent être perpétuellement reportées, mais celle de la DGF doit être connue avant que l'on puisse décider en connaissance de cause du périmètre des intercommunalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La séance, suspendue à 16 h 10, reprendra à 21 h 30.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.