Débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, à la demande du groupe Les Républicains.
M. François Baroin, auteur de la demande . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Dans le contexte tragique que nous connaissons, le sujet de ce soir peut paraître décalé. Néanmoins, la présidence a voulu montrer que la Haute Assemblée poursuivait son travail avec détermination. Il fait d'ailleurs peu de doute que nous évoquerons bientôt le rôle des collectivités territoriales dans le cadre du « pacte de sécurité » évoqué par le président de la République - ce qui n'est pas si loin du débat de ce soir.
Nous parlons de la réforme de la dotation globale de fonctionnement. La décision du Gouvernement de diminuer de 30 % d'ici 2017 les dotations aux collectivités territoriales aura fait chuter l'investissement public d'autant sur la même période. Alors que la consommation connaît des hauts et des bas, que l'investissement privé reste faible sans compter l'impact des événements dramatiques de cette semaine, que l'État n'investit que 11 à 12 milliards sur un total de 60 milliards d'investissements publics, il est dangereux de mettre en péril l'investissement local, qui représente 70 % du total, dont 60 % pour le bloc communal. On estime qu'une baisse de 30 % de l'investissement sur trois ans représente une perte de croissance de 0,7 % du PIB. Voilà qui permet de prendre la mesure du désastre qui se déroule sous nos yeux. Nous appelons l'État à corriger la trajectoire.
L'annonce du « pacte de sécurité » justifiera que soit évalué en la matière l'accompagnement des politiques publiques portées par les collectivités territoriales.
Les services publics locaux sont en péril. Les collectivités territoriales doivent, malgré elles, augmenter les impôts ; nombre d'élus n'ont pu être fidèles à leurs engagements. Or 53 à 64 % des foyers fiscaux ne sont pas assujettis aux impôts locaux ; ce sont toujours les mêmes que l'on taxe, les classes moyennes, trop riches pour être pauvres et trop pauvres pour être riches... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Ce sont des éléments objectifs qui sont sur la place publique. Même Bercy, même la Cour des comptes pointent la responsabilité de l'État dans l'effondrement de l'investissement public. Les associations d'élus reconnaissent la nécessité de revoir les règles de la DGF, d'en redéfinir le périmètre et les mécanismes de péréquation, mais nous n'avons jamais compris pourquoi le Gouvernement s'était obstiné, nuitamment, par voie d'un amendement en loi de finances, alors que se déploient les schémas départementaux de coopération intercommunale. Le président Larcher, en lien avec le rapporteur général, a dû mandater des représentants du Sénat pour mener un contrôle sur pièces et sur place à Bercy afin d'obtenir les simulations que l'on refusait de nous transmettre.
M. Jean-Claude Lenoir. - Très bien !
M. François Baroin. - Pourquoi continuer à vouloir discuter les principes dès lors que les modalités ne seront applicables qu'en 2017 et que les simulations d'aujourd'hui vont exploser en plein vol à cause du mouvement de coopération intercommunal ? Ce sera peine perdue... et beaucoup de temps perdu. Le Premier ministre a entendu notre message et reporté l'application à 2017. Nous ne disposions même pas d'ailleurs de simulations à n+1 !
Encore un effort, monsieur le Premier ministre ! Discutons des principes et des modalités dans un même texte, au printemps, après la finalisation de la nouvelle carte intercommunale ! Il y a une fenêtre de tir entre mars et juin pour débattre en responsabilité.
Nous vous alertons solennellement sur les risques d'asphyxie des collectivités territoriales et de remise en cause dans le projet de loi de finances 2016 du principe constitutionnel de leur libre administration. Nous prenons date, et rendez-vous. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marie-France Beaufils . - Il y a des moments où le temps est en suspens, où les controverses doivent s'effacer derrière l'indicible et l'inacceptable. Ce soir, nous devions parler de la réforme de la DGF, à quelques heures de l'ouverture du Congrès des maires. Mais ce qui s'est passé le 13 novembre, au stade de France que nous avons choisi de construire dans une banlieue meurtrie, à Paris dans un quartier où se côtoient jeunesse étudiante et entreprenante et populations étrangères, ces événements changent la donne.
Nous devons modifier nos habitudes de pensée. Vient un moment où le discours sur l'excès prétendu des dépenses publiques et la nécessité de tenir les engagements pris auprès de Bruxelles se heurte à la réalité : comment le tenir quand, un jour de grève des médecins libéraux, le personnel hospitalier, y compris ceux qui étaient en congé, est venu en masse aider les équipes à soigner les victimes ? Il faut saluer à sa juste valeur l'engagement des pompiers de Paris, des forces de sécurité.
Baisser la dépense publique, alors que le pays renforce ses opérations extérieures et la sécurité sur son territoire ? Pour résoudre les maux dont notre société est frappée, mobilisons nos moyens, et pas seulement ceux de la police républicaine, reconnaissons le rôle majeur des agents du service public de l'éducation et de la culture, des associations qui ont tant besoin de soutien...
Les terroristes de vendredi ont, pour la plupart, vécu dans une commune déshéritée de la communauté bruxelloise, Molenbeek-Saint-Jean, qui accueille à l'avant-dernière place dans le classement des communes belges pour la richesse par habitant - terreau fertile pour le développement d'idées dangereuses. La France n'est pas à l'abri. Des territoires urbains et ruraux y sont frappés par la désindustrialisation, le dépérissement, la ségrégation géographique et sociale. Les activités productives ont fait place à des activités de service, les salariés sont déclassés ; il est des villages qui comptent plus d'ouvriers que de paysans.
La DGF, qui représente moins de deux points de PIB, est devenue complexe, opaque. Réforme de 1993, enveloppe normée en 2005, gel à la fin des années 2000, contribution à la réduction des dépenses publiques désormais... La DGF a beaucoup perdu de sa capacité financière. L'impôt direct national reste le moyen de lutte contre les inégalités le plus efficace.
La DGF doit permettre aux collectivités territoriales de disposer des moyens de servir leurs habitants. À Saint-Pierre-des-Corps, la part de la DGF dans les recettes communales est passée de 12 à 9 %, celle des impôts locaux de 25 à 40 %... La baisse de 11 milliards d'euros des dotations nous fera perdre 0,55 point de PIB selon l'OFCE ; elle aura un effet récessif majeur.
La décentralisation, déjà mise à mal par les transferts de compétences non compensés, est en passe de devenir un vain mot. Il est grand temps que la DGF redevienne cet outil dont les élus locaux font usage pour retisser le lien social, consolider le vivre ensemble et ce qui fait société, répondre aux besoins du quotidien. La France a la chance de compter un demi-million d'élus locaux, anonymes et bénévoles pour la plupart d'entre eux. Aidons-les à accomplir leur mission. Et revenons sur la transformation des départements en super bureaux d'aide sociale, sans moyens.
Oui, la DGF doit être remise sur ses pieds, mais nous avons aussi besoin d'une réforme des finances locales, besoin d'argent pour répondre à la détresse sociale, pour mener une politique de la ville audacieuse, besoin de moyens pour donner sens à la France, vis-à-vis de tous ceux qui se sentent abandonnés. Il n'y a pas de territoires perdus de la République.
La mise en place d'une dotation de base doit être saluée. Mais le Gouvernement ne tient pas compte de la diversité des territoires. Quand l'enveloppe globale baisse, la réforme sera particulièrement difficile à mener. Pour la réussir, pour réduire les inégalités entre territoires, il faut trouver des ressources, taxer la richesse financière accumulée sans lien avec la production ! Il faut se donner le temps de retravailler la réforme, comme le souhaite le Comité des finances locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Claude Raynal . - Le groupe Les Républicains a souhaité maintenir ce débat malgré le report du Congrès des maires. Le débat aurait pu avoir lieu en loi de finances, mais il est ouvert ce soir. Profitons-en pour partager quelques constats et tracer quelques perspectives.
Le groupe socialiste l'a dit l'an dernier : il aurait aimé que le rythme de la baisse des dotations soit revu, mais il comprend que la France doit tenir ses engagements ; et les collectivités territoriales ne sont mises à contribution qu'en proportion de leur part dans les dépenses publiques.
Certaines collectivités pourront faire face, d'autres non. La question de la répartition des dotations n'en est que plus urgente. Les premières conclusions de Mme Pires Beaune et de notre regretté collègue Jean Germain ont fait consensus ; la DGF est devenue illisible et inéquitable, elle ne correspond plus à la réalité des charges et aux modes de gestion locaux. Il faut donc féliciter le Gouvernement d'avoir inscrit sa réforme à son agenda.
Mais il en est de la réforme de la DGF comme de celle des bases locatives : unanimement souhaitée et unanimement décriée dès sa présentation...
M. François Marc. - Hélas !
M. Claude Raynal. - Malgré les précautions du Gouvernement, notamment sur le lissage des évolutions, les simulations ont fait apparaître quelques dysfonctionnements plus ou moins graves. Ainsi, à cause du blocage à la baisse de la dotation à 37,5 euros par habitant, des communes très riches se seraient vu rembourser de l'argent ; la dotation nationale de péréquation aurait été supprimée brutalement en un an... Quant à la dotation de centralité, elle ne tenait pas compte des centralités secondaires au sein même des EPCI.
Fort sagement, le Premier ministre a retardé la réforme d'un an. C'est l'occasion d'en revoir quelques attendus. Quand l'enveloppe globale diminue, ne faut-il pas créer une DGF fortement péréquatrice ? Pourquoi ne pas y intégrer le FPIC ? Selon les collectivités territoriales, la DGF peut être une ressource primordiale ou insignifiante. Est également en jeu l'idée que chaque maire se fait de l'État, son sentiment d'être soutenu et abandonné.
À tous les maires et présidents d'EPCI nous devons la lisibilité, l'équité et la rapidité. Je défendrai donc l'adoption de l'article 58 du projet de loi de finances ; j'invite mes collègues à sortir de la posture facile du rejet. N'est-ce pas le rôle du Sénat, représentant des collectivités territoriales, que de s'emparer du sujet ? On ne parlerait plus, alors, de ce haut conseil des territoires dont nous ne voulons pas...
M. Jacques Mézard. - Heureuse nouvelle !
M. Claude Raynal. - Dommage que le groupe Les Républicains ait refusé de participer à l'élaboration du rapport Pires Beaune. (Protestations à droite)
M. Albéric de Montgolfier. - Nous n'avions pas été invités !
M. Claude Raynal. - Avançons, travaillons, prenons une part déterminante à cette réforme tant attendue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Ronan Dantec . - Le 13 janvier, nous entamions le débat sur la loi NOTRe. J'ai déploré que ce débat ait illustré la méfiance réciproque des territoires, que nous n'ayons pas avancé sur l'autonomie financière, la péréquation, les bases fiscales des collectivités.
Chacun le sait, les collectivités territoriales sont partout au côté de l'État le socle de l'action publique. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, l'Assemblée nationale a voté une nouvelle baisse de la DGF. Les écologistes s'y opposent fermement : l'action publique territoriale de proximité est plus nécessaire que jamais, quand le sentiment d'exclusion et d'abandon s'exacerbe. La recherche d'économies est bénéfique quand elle aboutit à une rationalisation de l'utilisation de l'argent public ; quand elle conduit à réduire le service public, elle n'est pas acceptable.
L'Observatoire des finances publiques a confirmé nos craintes. Et en octobre 2015, la Cour des comptes s'est inquiétée de la baisse des investissements publics locaux, coup dur pour notre économie : moins d'écoles, de centres sociaux, d'équipements culturels, d'investissements dans les énergies propres, moins d'activité donc moins de recettes fiscales... C'est un cercle vicieux. J'insiste sur les effets désastreux de cette baisse dans le secteur culturel : les petites structures sont très vite mises à mal.
Mais la majorité sénatoriale n'est pas exempte de contradictions : elle s'érige en défenseure des budgets communaux tout en annonçant, dans une surenchère permanente, qui 100, qui 150 milliards d'euros de coupes budgétaires qui auront les mêmes conséquences... Je crains le pire pour les années qui viennent...
Quelques pistes méritent d'être explorées. La répartition de la cotisation foncière des entreprises (CFE) devra être rendue plus équitable. Les communes et EPCI ne sont pas des territoires autonomes, ils font partie de la République ; ils doivent, aux aussi, relever les défis communs. Pourquoi ne pas indexer les dotations sur la construction de logements sociaux, par exemple ?
Avec des dotations en baisse, les collectivités territoriales n'auront pas les moyens d'investir pour la transition énergétique. Cette question devra être approfondie : des budgets annexes seront-ils possibles, par exemple ? Les plus décroissants, décidément, ne sont pas les écolos... Puisqu'il faut trouver des ressources nouvelles, pourquoi ne pas créer une DGF additionnelle climat, alimentée par exemple par la contribution carbone et le produit tiré des permis d'émission de gaz à effet de serre ? Pourquoi ne pas favoriser les territoires qui s'engagent le plus dans la transition énergétique ?
Une véritable réforme de la DGF est nécessaire, qui soit lisible et solidaire ; dans les discours, tout le monde est pour, mais le clivage riches-pauvres réapparaît rapidement... Nous manquons d'une bonne articulation entre les dynamiques territoriales.
La dépense publique n'est pas mauvaise, c'est un socle pour une société en état de marche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jacques Mézard . - Monsieur le ministre, c'est votre méthode et non votre objectif que nous contestons. La DGF est illisible, sédimentée à force de bureaucratie ; il est urgent d'en revoir les règles. Les distorsions entre communes voisines ou entre départements de la même strate se sont accumulées, aggravées, vécues finalement comme injustes, contraires au principe d'égalité des territoires. La responsabilité est celle des gouvernements successifs.
Toute réforme fiscale suscite, d'un côté un silence de contentement, de l'autre des cris d'orfraie... Mais la réduction drastique des dotations ne facilite pas la tâche. Comme MM. Guené, Dallier et moi l'avons montré dans notre rapport pour la Délégation aux collectivités territoriales, d'ici 2017, beaucoup de collectivités seront en grave difficulté, devront tailler dans leurs investissements et relever leurs impôts... Je ne conteste pas le principe d'une baisse des dotations d'État mais elle doit se faire en fonction de la richesse des collectivités. C'est le bon sens. On ne peut tondre un oeuf, dit l'adage...
Pour réussir, la réforme doit faire l'objet d'une vraie concertation avec le Parlement. Le Parlement, ai-je dit, car les associations d'élus, pour pertinentes que soient leurs remarques, ont des intérêts contradictoires. Vous êtes passée en force... sans pourtant connaître la nouvelle carte intercommunale. C'est incohérent, surréaliste ! Les simulations, qu'il a fallu vous arracher, donnaient des résultats inexplicables. De grâce, prenez le temps de la concertation, cela changera ; recherchez le consensus - cela changera... Et donnez-nous une vraie étude d'impact.
La DGF est devenue une rente justifiée par l'histoire, dont la sédimentation s'est bétonnée. La dotation forfaitaire doit certes être revue pour tenir compte davantage des charges de centralité et de celles des communes rurales, mais il faut le faire progressivement, sauf à courir à l'échec. Vous voulez, à raison, resserrer l'éligibilité à la DSU et à la DSR, en simplifier l'architecture. Vous voulez créer une DGF des EPCI distincte de celle des communes - objectif louable mais réalisation problématique... Quant à la création d'une DGF locale calculée à l'échelle du territoire intercommunal et intégrant des garanties, c'est un mécanisme aux conséquences potentiellement catastrophiques. Jouer à l'apprenti sorcier est dangereux...
Vous voulez en réalité l'évaporation des communes et celle des départements ; il n'est pas sain de construire des mécaniques financières sur le fondement d'une organisation territoriale incertaine. Suspendez l'examen des principes aujourd'hui prévu dans le cadre de la loi de finances et bâtissons ensemble une réforme globale des dotations de l'État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur de nombreux bancs au centre et à droite)
M. Charles Guené . - La réforme de la DGF est un challenge de choix pour les praticiens des finances locales. J'étais, dans un premier temps, très intéressé, par votre initiative, avant de découvrir votre projet.
Chacun reconnaît que la DGF doit être réformée, car elle est devenue illisible, injuste et insoutenable. L'importance de la dette et la nécessité de rendre notre économie plus compétitive ont d'abord freiné, puis gelé la DGF, avant d'amener à la ponctionner. La mondialisation concentre les richesses sur certains territoires, de plus en plus réduits.
Nous n'en avons pas tiré toutes les conséquences, en dépit de la réforme de la taxe professionnelle. La loi organique de 2012 a rappelé que la réduction des déficits concerne aussi les collectivités territoriales.
Les métropoles s'affinent et bousculent notre centralisme séculaire. Votre réforme, madame la ministre, n'est pas à la hauteur de ces bouleversements.
Elle répond sans doute à d'autres buts que ceux qui sont affichés. Comme elle correspond à la recherche d'économies, la copie est mauvaise.
La réforme de la DGF mérite mieux qu'un jeu de bonneteau ; il faut penser ensemble réforme fiscale et péréquation, pour aboutir à un système partagé, adapté à la réalité des charges. Le consensus est nécessaire.
Cette réforme, en outre, n'est pas à la hauteur des exigences d'une démocratie moderne. Il a fallu toute l'insistance du président Larcher pour obtenir les premières simulations ! Profitons des mois qui viennent pour réfléchir ensemble, en refondant toutes les ressources des collectivités territoriales. Ce sera le sens de notre réécriture de l'article 58 du projet de loi de finances.
En tout état de cause, la méthode est navrante. Mettons fin à la défiance entre le Gouvernement et les collectivités territoriales. Notre pays accuse, à cet égard, un retard considérable. Le Parlement doit être correctement informé. À cette condition, le Sénat est prêt à travailler avec le Gouvernement à cette réforme, pour apporter les réponses attendues par nos concitoyens et leurs territoires. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Vincent Capo-Canellas . - (Applaudissements au centre) Je me limiterai à quelques observations.
Tout d'abord, il me semble, madame la ministre, que nos principes ne sont pas si éloignés. (Exclamations amusées au centre et à droite) Mais vous avez choisi d'opérer le malade au pire moment, alors que l'enveloppe globale des dotations baisse !
On ne peut non plus traiter de la DGF en l'isolant des autres ressources des collectivités territoriales, sans tenir compte des compétences des collectivités. Une vision d'ensemble, en un mot, est nécessaire, sinon l'échec de la réforme est assuré.
Mais alors même que la carte des intercommunalités n'était pas connue, vous changez les règles.
L'idée d'une DGF plus équitable, articulée autour d'un socle, est bonne, mais à force de correctifs pour charges de centralité ou de ruralité, on perd le cap...
Il est à craindre aussi que les communes moyennes ne soient les grandes perdantes.
Cinq années après la réforme de la taxe professionnelle, ses effets demeurent incertains.
Pour faire passer cette réforme, vous dites que les uns en profiteront et que les autres n'en souffriront pas : miroir aux alouettes ! Et puis, jouer au savant fou en modifiant toutes les règles en même temps est dangereux.
Territorialiser la DGF risque de porter atteinte aux communes. Vous choisissez l'intercommunalité palliative et non l'intercommunalité stratégique. Pourtant on ne peut faire l'économie de la question : quelle place pour les communes dans les territoires de demain ? Il faut jouer la carte des communes nouvelles, avec une intercommunalité stratégique.
Je ne parlerai pas du Grand Paris, type même d'intercommunalité palliative, mais l'absence d'évaluations financières n'est pas de bon augure.
Pour ces raisons, le Sénat souhaite un texte spécifique, pour remettre le système à plat. J'espère que le Gouvernement saisira cette occasion de rétablir la confiance entre l'État et les collectivités territoriales. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yannick Botrel . - Ce débat n'est pas le premier sur ce sujet... Que le groupe Les Républicains ait voulu y revenir à quelques jours de l'examen du projet de loi de finances surprend... La mission conjointe de Jean Germain et Christine Pires Beaune a réalisé un travail important - occasion pour moi de saluer la mémoire de notre regretté collègue, dont l'expertise nous manquera.
Il est dommage que la majorité sénatoriale n'ait pas souhaité participer à cette mission, comme cela lui a été proposé. Chacun en convient : la DGF, injuste et complexe, ne donne pas satisfaction. Sa définition dans l'encyclopédie des collectivités locales s'étale sur 42 pages ! Une ressource si importante pour la vie de nos collectivités ne peut être à ce point complexe et illisible.
La réforme est attendue et ne pourra être reportée indéfiniment, d'autant que les dotations sont en baisse.
Très vite les petites communes, comme celles des Côtes-d'Armor, seront asphyxiées : Lannion pourrait avoir perdu la moitié de sa DGF d'ici 2017... Je pourrais citer bien d ?autres exemples, hors de Bretagne. La réforme doit obéir à un impératif de justice.
Les inégalités de traitement entre territoires sont flagrantes. La réforme, autour d'un socle universel, modulée en fonction des charges de centralité ou de ruralité, est attendue. Chaque commune, quelle que soit sa situation, doit être en mesure d'offrir à ses concitoyens un niveau satisfaisant de services publics.
Profitons du temps supplémentaire dont nous disposons d'ici à 2017 pour réaliser des simulations. Saisissons aussi l'occasion d'adapter la DGF en fonction de l'effort fiscal demandé, dans un souci d'équité.
Le débat placera chacun devant ses responsabilités. L'abandon de la réforme serait lourd de conséquences. Je n'ose l'envisager... (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Pierre-Yves Collombat . - La réforme de la DGF, dont chacun sait qu'elle souffre d'un manque de lisibilité et d'équité, pose deux problèmes : l'évolution de son montant et sa répartition. Mais réformer est toujours risqué, surtout quand l'objectif affiché est de prendre aux riches pour donner aux pauvres...
Tel a été le but de la création de la DSU en 1991 et de la DSR en 1992, à l'initiative de Jean-Pierre Sueur, correctifs modestes d'un système inéquitable.
Mais voilà que les collectivités territoriales sont sommées de participer à l'équilibre maastrichtien. Pour faire oublier que chacun serait touché, le Gouvernement nous annonce que nous serons ponctionnés si équitablement que seuls les grincheux pourront protester... On cherche à amadouer les petites communes par des mesures purement symboliques, comme la suppression de la strate fondée sur la population, selon laquelle l'habitant d'une petite commune de moins de 100 habitants « valait » moitié moins que celui d'une grande ville de plus de 500 000. Cela n'a compensé pour aucune commune la baisse des dotations... On nous annonce aussi une dotation tenant compte des charges de centralité et de ruralité. Mais en espèces sonnantes et trébuchantes, la réforme pondérera les communes de plus de 1 400 habitants et de nombreux anciens chefs-lieux de cantons - effet collatéral du redécoupage des cantons. Au lieu de justice, on aurait le chaos.
Finalement, la réforme a été reportée d'un an, le Premier ministre ayant reconnu que l'on manquait de simulations et qu'il fallait attendre la nouvelle carte de l'intercommunalité. On le savait déjà...
Toutefois retarder la réforme ne rend pas le système actuel plus juste. Le problème n'est pas technique mais politique. Cessons les faux-semblants !
Tant qu'au nom de l'austérité maastrichtienne, on reprendra d'une main ce que l'on donne de l'autre, le problème continuera de se poser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs au centre)
M. Philippe Dallier . - Depuis que je suis maire, je souhaite une réforme de la DGF !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Moi aussi !
M. Philippe Dallier. - À l'époque, j'avais constaté qu'une commune proche et aux caractéristiques similaire touchait 20 % de plus que la mienne... Je pris ma plus belle plume, espérant montrer qu'il s'agissait d'une erreur à corriger. Le ministre de l'intérieur m'a expliqué que c'était le legs de l'histoire, mais qu'il y aurait la péréquation...
Le fonds de solidarité de la région Île-de-France ? Ma commune était contributrice, bien que bénéficiant de la DSU, au 567e rang national. En 2010, on a créé le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), sans simulation. Je pensais en bénéficier et voilà que ma commune y contribue quatre fois plus qu'elle perçoit de DSU...
J'attendais le grand soir. Ce fut le désespoir... Votre réforme ne s'attaque pas à la question des ressources globales des collectivités territoriales.
Un mot sur la méthode. Vous reproduisez la même erreur qu'en 2010 lorsque nous avons revu la taxe professionnelle, sans connaître les conséquences, sans simulation. Toutefois, aujourd'hui, la baisse des dotations est un facteur aggravant d'incertitudes. Les maires n'osent plus investir, c'est tout à fait compréhensible. Que leur reste-t-il pour ce faire : l'emprunt ? Comment espérer que l'on vous donne une carte blanche ? Chacun doit savoir ce qu'il gagnera ou perdra.
D'après les premières simulations, ma commune y gagnerait, et pourtant je ne voterai pas cette réforme.
Comme le disait Jean Arthuis, on n'achète pas un lapin dans un sac. Prenons le temps de la réflexion et des simulations, et le Sénat vous soutiendra.
Sur la DSU, autant je suis favorable à une décristallisation autant je regrette que l'on parte de l'année n-1. Certaines communes ont beaucoup construit entre-temps. Ne les pénalisons pas. Je déposerai un amendement en ce sens et j'espère, madame la ministre, que vous donnerez un avis de sagesse, sinon favorable. (Applaudissements à droite ; M. René Vandierendonck applaudit aussi)
M. Philippe Bonnecarrère . - Nous débattons de la DGF, mais nos pensées sont ailleurs...
Une réforme réussie suppose un cap affiché et clair. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Les collectivités territoriales agissent en fonction de leur enveloppe budgétaire globale. Toutefois, elles manquent de visibilité sur les conséquences financières du développement de l'intercommunalité, de la réforme du FPIC, de la hausse constante des charges transférées.
J'appelle à une réflexion associant Gouvernement et Parlement. L'article 72-2 de la Constitution, rappelé par François Baroin, doit être respecté.
N'attribuons pas à la DGF tous les maux. Celle-ci est le fruit de transferts successifs. Les écarts de DGF entre collectivités territoriales sont moindres qu'on ne le dit : pour 82 % d'entre elles, ces écarts n'excèdent pas 35 %. Son caractère péréquateur est donc largement sous-estimé.
Je regrette les coups de rabot : l'intégration du FCTVA dans l'enveloppe normée pénalise l'investissement.
Beaucoup de communes commencent à se trouver confrontées à des difficultés financières.
Où est passé le coefficient de mutualisation ? Ce serait une prime à la bonne gestion. On sait que la mutualisation est source d'économies. Comme M. Raynal, l'UDI-UC en appelle à une réflexion partagée entre le Gouvernement et le Parlement. Nous sommes disponibles pour y participer. (Applaudissements au centre et à droite ; MM. Ronan Dantec et René Vandierendonck applaudissent aussi)
M. Georges Patient . - La DGF, conçue avant tout pour les collectivités territoriales de l'hexagone, est inadaptée aux collectivités territoriales d'outre-mer, pourtant parmi les plus pauvres de France, et à leurs spécificités, prouvées par les articles 73, 74, 76 et 77 de la Constitution : leurs charges sont plus élevées, alors que leurs recettes fiscales sont moindres. Pour que la DGF joue le rôle de stabilisateur des budgets et de compensateur des charges, elle doit être revue, et la péréquation augmentée.
Après avoir lu le rapport Pires Beaune, j'attendais des avancées significatives. Malheureusement, l'article 58 maintient le statu quo et ignore les difficultés spécifiques de l'outre-mer.
Les collectivités territoriales de Guyane subissent toujours un prélèvement inique de 27 millions d'euros sur leurs recettes au titre de l'octroi de mer. Lasses de ne point obtenir de solution, en dépit de leurs demandes réitérées de longue date, elles ont déposé un recours devant le tribunal administratif.
La population des collectivités territoriales d'outre-mer est sous-estimée. Le coefficient de majoration est sous-estimé car l'Insee refuse de réaliser un recensement complet, à cause de la dangerosité pour ses agents, dans certaines communes où résident des orpailleurs clandestins.
La dotation de ruralité, censée remplacer la dotation superficiaire, même si son plafond est relevé à quatre fois la dotation de base, voit sa portée limitée par « le tunnel », en dépit des assurances données aux communes qui rencontrent d'énormes difficultés à satisfaire les besoins primaires de leur population, en eau potable ou en électricité par exemple.
Comment aussi apprécier les charges de centralité quand il faut plusieurs heures pour se rendre dans le chef-lieu ?
L'écart ne cesse de se creuser entre la métropole et l'outre-mer. En effet, la hausse de la péréquation nationale entre 2014 et 2015 s'est élevée à 517 millions d'euros et seuls 25 millions d'euros ont été consacrés à l'outre-mer, correspondant à leur poids démographique majoré de 33 %. C'est insuffisant pour neutraliser l'effort à la contribution au redressement des finances publiques des communes des DOM.
Si la contribution passe de 1,84 % à 0,04 % des recettes réelles de fonctionnement pour les communes éligibles à la DSU cible, si elle est annulée pour les communes éligibles à la DSR cible qui gagnent même 20 millions d'euros, en revanche l'effort est maintenu à 1,22 pour les DOM. La hausse de la péréquation a été calculée seulement pour l'effort des communes de l'hexagone éligibles à la DSR cible et à la DSU cible.
D'où notre insistance pour revoir la majoration des populations dans le calcul de la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement des collectivités d'outre-mer (Dacom). Je plaide aussi pour la création d'une dotation spéciale pour financer la création des collectivités territoriales uniques de Guyane et de Martinique.
Enfin, alors que la réforme est reportée à 2017, j'espère que les collectivités territoriales d'outre-mer seront associées étroitement à la réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que sur plusieurs bancs au centre)
Mme Caroline Cayeux . - Le Gouvernement espérait, sous prétexte de justice, revoir, en six mois, les règles de fonctionnement de la DGF, produit d'une longue histoire, dont l'enveloppe est de plus de 33 milliards d'euros. Je m'exprime en tant que représentante d'une ville de 50 000 habitants et en ma qualité de présidente de Villes de France - qui rassemble les villes infra-métropolitaines de plus de 15 000 habitants et leurs EPCI.
Une majorité de la population urbaine y vit et est oubliée de la réforme. Quel est votre cap ? Sous la pression des élus, le Premier ministre a modifié le calendrier. Le Gouvernement n'aurait-il pas confondu vitesse et précipitation, à propos de ces 33 milliards d'euros qui ne constituent pas des subventions ? Comment ignorer l'impact de la refonte de la carte intercommunale ?
L'article 58 du projet de loi de finances s'en tient aux principes. Nous nous prononcerions en aveugles, dans l'attente d'un rapport de l'administration, attendu pour le 30 juin ? Et la fonction de contrôle du Parlement ?
Le Gouvernement semble ignorer que la dotation forfaitaire conserve un fort rôle péréquateur. Désormais, il veut la même DGF pour tous. Beau principe révolutionnaire ! C'est comme si, pour supprimer les effets de seuil, on appliquait à tous un même taux d'impôt sur le revenu !
L'origine des différences de DGF n'est pas toujours injustifiée ; Pensez au poids de certaines charges comme celles de centralité ou de tourisme ! Ne nous faites pas croire que la dotation de centralité résoudra tous les problèmes, elle est réservée aux communes de plus de 500 habitants. Avec vos orientations égalitaristes, vous allez, en faisant table rase du passé, introduire en fait plus d'inégalité.
Les inégalités entre collectivités demeurent bien plus importantes au niveau des écarts de fiscalité qu'au niveau de la DGF. Le potentiel fiscal des villes de 15 000 à 100 000 habitants varie de 1 à 3 quand la dotation forfaitaire s'échelonne de 1 à 1,5. L'effort fiscal y est en moyenne proche de 2, quand à la campagne il est inférieur à 1. Oui, les inégalités existent, et les plus criantes sont celles qui touchent les contribuables locaux et dont vous ne tenez pas compte.
Une réforme de cette ampleur doit être menée sereinement, dans le cadre d'un projet de loi spécifique. (Applaudissements à droite)
M. Jacques Genest . - La diversité de nos interventions est à l'image de celle de nos communes, dont 32 000 comptent moins de 2 000 habitants. Dans les campagnes, avec la suppression programmée des départements, la commune est devenue le seul échelon de proximité. La DGF n'y est qu'une juste contribution de l'État, pour éviter la désertification.
La DGF est-elle équitable ? Assurément non. Compréhensible ? Non plus, seuls quelques spécialistes y voient clair. Mais réformer avant de connaître la carte intercommunale eût été irréaliste.
Le scénario nous est devenu familier : le Gouvernement fait des annonces, les élus protestent, l'ouvrage est remis sur le métier... Profitons-en pour établir quelques points.
Sur la part « bourg-centre » de la DSR, d'abord. Le redécoupage cantonal pénalise d'anciens chefs-lieux qui continuent pourtant d'apporter à leurs habitants les mêmes services. Idem pour les communes diluées dans un ensemble intercommunal plus vaste. Enfin, il faudra prendre en compte l'entretien de la voirie, les servitudes liées à la géographie...
Les préfets ont eu consigne de fragiliser les petites communes.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Non !
M. Jacques Genest. - Si ! Ne leur donnez pas le coup de grâce ! La France oubliée est exaspérée. Que vous ont fait les communes, madame la ministre ?
Le temps que vous vous êtes donné ne sera pas perdu, s'il sert à réorienter la réforme pour donner aux petites communes les moyens d'exploiter leurs richesses ! (Applaudissements à droite)
M. Benoît Huré . - Ce débat s'inscrit dans le contexte du nécessaire redressement des finances publiques. Les ressources des territoires, outre les dotations, dépendent de l'activité économique...
J'ai quelques doutes sur la péréquation horizontale, que l'on trouvera toujours de bons arguments pour contester. Quant à la DGF, on ne la réformera pas en se contentant de prendre aux uns pour donner aux autres.
Les départements voient leurs compétences s'accroître, de moins en moins compensées par l'État : double peine. Au total l'État doit 15,3 milliards aux départements, au titre des allocations diverses qu'il a mises à leur charge. L'État doit au département des Ardennes quelque 60 millions pour le financement des allocations individuelles de solidarité alors que la DGF baisse de 5,5 millions. Pas moins de 42 départements ne pourront équilibrer leur budget 2016. C'est la solidarité entre les citoyens, l'héritage du Conseil national de la Résistance qui sont en jeu, ainsi que la crédibilité de nos institutions.
Une réforme est urgente, mais sans précipitation. (Applaudissements à droite)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - Un mot sur la baisse des dotations. Le plan d'économies de 50 milliards sur trois ans touche l'État pour 18 milliards, le secteur social pour 21 milliards et les collectivités locales pour 11 milliards soit 20 % de l'ensemble, ce qui est conforme à leur poids dans la dépense publique : 243 milliards sur 1 250.
En moyenne, cela représente une baisse d'1,6 % de la DGF. Les recettes fiscales des collectivités territoriales, elles, ont progressé de 2,4 % en 2014, grâce notamment à la revalorisation des bases. L'effort, pour les communes de moins de 500 habitants, est de 8 euros par habitant, pour celles de plus de 100 000 habitants, de 55 euros par habitant.
Les dotations des 10 000 communes rurales et des 250 communes urbaines les plus pauvres ne baissent pas. Le nombre de communes du réseau d'alerte reste stable, aux alentours de 1 800 ; 25 communes ont demandé une subvention exceptionnelle pour difficultés, contre 23 en 2014.
L'investissement public est en baisse, nul ne le conteste. C'est pourquoi, en 2015, le Gouvernement a relevé de 0,9 point le seuil du FCTVA, rehaussé de 200 millions la dotation d'équipement des territoires ruraux à 800 millions, créé un fonds pour les maires bâtisseurs à hauteur de 2 000 euros par permis de construire... Beaucoup de maires ignorent qu'ils peuvent obtenir le remboursement anticipé de la TVA acquittée pour des investissements, mais aussi, à partir de 2016, pour les dépenses d'entretien des bâtiments publics et de la voirie. Le fonds annoncé d'un milliard d'euros a pris corps. Enfin, l'amortissement des investissements sera allégé.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique . - Nous sommes partis de principes simples : supprimer les écarts injustifiés, substituer aux parts figées des critères objectifs, concentrer la DGF sur les communes en difficulté - comment admettre que 34 000 communes sur 36 000 bénéficient de la DSR ? - tenir compte des charges des villes et bourgs, renforcer la lisibilité de l'ensemble.
On a crié à la précipitation. Non ! Après les élections sénatoriales de 2014, nous avons laissé du temps aux groupes de la nouvelle majorité pour désigner leur représentant au groupe de travail. Une fin de non-recevoir nous a finalement été opposée, mais nous avons perdu deux mois et demi.
Le 16 juillet a été présenté devant le CFL un projet de réforme, avec trois scenarii assortis de simulations - que le comité a repoussés. Nous avons choisi l'un des scenarii, pour application dès cette année ; je pensais qu'il serait plus facile, ainsi, de choisir le nouveau périmètre des intercommunalités. Beaucoup en ont jugé autrement, c'est pourquoi le Premier ministre a reporté la réforme d'un an. Je m'engage à faire réaliser des simulations doubles si nécessaire.
Le 14 octobre, nous avons transmis les mêmes simulations avec 109 millions d'euros de plus pour tenir la promesse du Gouvernement sur la métropole d'Aix-Marseille. Il vous a fallu deux heures pour les trouver, monsieur Mézard...
Le 30 octobre, les documents ont été transmis aux assemblées, puis, en novembre, une autre simulation.
L'article 58 du projet de loi de finances n'est donc pas improvisé ni le fait d'un amendement déposé nuitamment à l'Assemblée nationale. Une réunion nationale des territoires a été organisée le 16 juillet - un seul président d'association était présent, hélas. Les simulations sont dues à la DGCL, non à Bercy, je le précise.
Un membre éminent du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale le reconnaissait devant nous : il n'est pas question de revenir sur la baisse des dotations.
M. Pierre-Yves Collombat. - Et voilà ! Vous faites la même politique !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Nous ne pouvons laisser une telle dette à nos enfants et petits-enfants.
M. Pierre-Yves Collombat. - De grâce !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Les taux d'intérêt pourraient remonter, veillons-y car il y va de la souveraineté nationale...
M. Pierre-Yves Collombat. - Allons donc !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Mais nous essayons d'être plus justes. Nous disposons à présent de tous les éléments pour réfléchir. La DGF est péréquatrice, c'est vrai, mais les différences de potentiel fiscal doivent être prises en compte.
Oui, madame Beaufils, l'hyper-richesse et l'hyper-pauvreté se côtoient en Île-de-France ; le problème est éminemment politique, les données sont sur la table.
Vous avez raison de parler de DGF négative, monsieur Raynal. Ce que vous dites sur la fin de l'État est un peu dur à entendre, mais vous avez raison de dire que l'action publique est une.
M. Dantec était attendu sur la COP21 et l'exigence de solidarité. Oui, les collectivités territoriales doivent avoir des marges de manoeuvre pour investir dans la transition énergétique - c'est l'objet du nouveau fonds.
M. Mézard a parlé de « pâte feuilletée ». Les simulations ont été mises à votre disposition - sous forme numérique, car c'est un énorme pavé !
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est illisible...
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Je viendrai le lire avec vous ! (Sourires)
M. Guené a critiqué notre méthode, mais apprécié la reconnaissance des métropoles. Faut-il aller vers une DGF de l'intercommunalité ? Vers une assemblée intercommunale élue au suffrage universel direct ? Sur ces points, nous nous sommes heurtés à une fin de non-recevoir.
M. Capo-Canellas revient sur la strate 9. Peut-être sont-ce les strates qui rendent nos simulations difficiles à lire mais il fallait bien en passer par là. Les intercommunalités ne sont pas « palliatives », elles sont faites pour avancer.
Monsieur Botrel, nous avons essayé un coefficient en fonction de l'effort fiscal par revenu moyen. Cela aurait favorisé des communes riches, nous en avons nous-mêmes été surpris.
La ruralité comporte des charges, monsieur Collombat, c'est vrai. Après beaucoup d'hésitations, nous avons choisi le ratio nombre d'habitant par superficie, qui donne des résultats satisfaisants. Je précise que, dès l'origine, nous avons évité que les anciens bourgs-centres soient pénalisés. Dans toutes les strates, il y a des gagnants et des perdants.
M. Dallier attend depuis vingt ans. Moi aussi. On ne peut se satisfaire de voir durer de telles injustices. Sur le FPIC, on n'a pas monté une marche aussi haute que voulu, pour éviter des effets indésirables. Les effets de seuil de la DSU et de la DSR ont été neutralisés. Il fallait aussi intégrer une partie des dépenses de fonctionnement, qu'il ne faut pas condamner trop vite : il faut bien entretenir les équipements !
Un « article 40 », monsieur Bonnecarrère ? Ce serait compliqué... Mais les décisions doivent être précédées d'études d'impact. Quant au coefficient de mutualisation, avec le coefficient d'intégration fiscale, on arrive à peu près à l'équilibre.
Monsieur Patient, les collectivités d'outre-mer sont mises à contribution, sauf Mayotte et celles qui relèvent de l'article 74 de la Constitution : cela nous a semblé juste.
La hausse proposée de 17 millions d'euros pour la DGF et de 10 millions d'euros pour le FPIC a été rejetée, je ne suis pas sûre que l'idée était bonne... C'est de recettes de fonctionnement que l'outre-mer a besoin : d'où, par exemple, l'augmentation de la DETR.
S'agissant de la DGF, l'injustice est criante car elle varie du simple au triple entre l'outre-mer et la métropole.
Oui, madame Cayeux, il est difficile de faire une telle réforme en un an mais plus on prend le temps plus on a de mal. Tous nos choix ne sont peut-être pas les meilleurs ; nous sommes prêts à revoir nos simulations. Mais renoncer à réformer serait terrible. Si l'on veut sauver les communes, il faut développer les intercommunalités.
M. Pierre-Yves Collombat. - Et imposer autoritairement le regroupement des villages ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Il n'y a pas d'obligation. La loi fixe le cadre. Il y a l'idéal et il y a le réel. Beaucoup d'intercommunalités de 5 000 habitants ne bougeront pas.
L'AMRF a protesté vivement lorsque nous avons annoncé le report de la réforme car c'était la première fois que la ruralité était prise en compte, monsieur Genest.
Les départements portent de plus en plus la charge de la solidarité. Comme vous, monsieur Huré, je crois qu'il faut ouvrir le débat sur le RSA. Ce Gouvernement est le premier à avoir reconnu que l'État n'a pas compensé. Nous avons apporté une partie de la compensation, relevé le plafond des DMTO, mais cela ne suffira pas. Entre dix et treize départements feront l'objet d'une aide spécifique dans le collectif de fin d'année.
Un débat a été ouvert sur le sujet. Qui doit porter le RSA ? L'APA ? La PCH ? Est-il normal que ces allocations soient financées par l'impôt local ? Nous avons trois mois pour répondre sur le RSA. Le débat concerne la vie de nos concitoyens, je souhaite qu'ils y prennent leur part.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 18 novembre 2015, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit quarante.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques