Saint-Barthélemy (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi organique, modifiée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy, à la demande du groupe Les Républicains.
La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen en commission prévue par l'article 47 ter du Règlement du Sénat. Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.
La commission des lois, saisie au fond, s'est réunie le mercredi 14 octobre 2015 pour l'examen des articles et l'établissement du texte. Le rapport a été publié le même jour.
Interventions sur l'ensemble
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Pau-Langevin, en déplacement aux Antilles.
Nous examinons ce texte portant diverses dispositions relatives à Saint-Barthélemy selon la nouvelle procédure d'examen en commission. Huit ans après la loi organique du 21 février 2007 érigeant Saint-Barthélemy en collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie, des adaptations étaient nécessaires. Le Gouvernement se réjouit de cette proposition de loi qui adapte le droit actuel aux réalités locales, répond aux attentes des élus et de la population. Sans entrer dans son détail, soulignons qu'elle clarifie le fonctionnement institutionnel de la collectivité, l'information du conseil territorial, la saisine du Conseil économique, social, culturel et environnemental ou encore la composition de la commission consultative d'évaluation des charges. La délivrance de cartes et titres de navigation pour les navires de plaisance à usage personnel était une mesure d'actualisation attendue. Le président de la collectivité territoriale pourra aussi être habilité à intenter des actions en justice.
L'Assemblée nationale a introduit des nouveautés que nous approuvons : l'État devra être plus réactif pour approuver ou refuser l'habilitation des propositions ou projets d'actes de la collectivité.
En revanche, le Gouvernement regrette les dispositions relatives à la caisse de sécurité sociale. La loi d'actualisation du droit des outre-mer crée à Saint-Barthélemy une antenne locale au plus près des besoins des usagers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - Merci à M. Magras de son initiative. Je salue le travail du rapporteur de l'Assemblée nationale, Daniel Gibbes. Le travail du Sénat a été respecté : neuf articles ont été adoptés dans les mêmes termes, trois sont demeurés supprimés et trois ont subi des modifications uniquement rédactionnelles. Seuls les deux articles 4 ter et 4 quater diffèrent de la version sénatoriale, sans que cette différence ne fasse obstacle à un vote conforme au Sénat.
L'article 4 ter modifie l'article L.O. 6251-3 du code général des collectivités territoriales autorisant l'État - Gouvernement puis, éventuellement, Parlement - à approuver ou non les propositions ou projets d'actes de la collectivité dans un domaine relevant de la compétence de l'État. Or, souvent, le Gouvernement n'approuve pas ou ne refuse pas l'approbation dans le délai de deux mois prévu par la loi organique. Le Sénat avait proposé que le Parlement, uniquement lorsqu'étaient en cause des matières législatives, pût approuver lui-même ces actes plutôt que d'attendre le décret d'approbation ; la ministre avait approuvé cette formule en séance publique ; l'Assemblée nationale a préféré que la collectivité puisse saisir le Conseil d'État en référé pour qu'il se prononce dans un délai de 48 heures et enjoigne au Gouvernement, éventuellement sous astreinte, de prendre le décret requis.
Tout en sachant que notre mécanisme a reçu le soutien du Gouvernement et n'est pas inconstitutionnel, nous pouvons nous rallier à la formule des députés en espérant qu'elle soit utilisée rarement.
L'article 4 quater crée une « caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy », revendication portée dès l'origine par notre collègue Michel Magras. Le 8 mai 2015, le président de la République a répondu à cette demande lors de sa visite sur l'île. L'Assemblée nationale a alors autorisé la collectivité à participer à l'exercice des compétences de l'État sur ce sujet. Une innovation sur laquelle la décision du Conseil constitutionnel nous éclairera utilement.
En tout état de cause, l'article 7 de la loi d'actualisation du droit des outre-mer définitivement adoptée le 1er octobre 2015 a autorisé la mise en place de cette caisse à Saint-Barthélemy. Je propose de conserver en l'état l'article 4 quater, déjà satisfait en pratique, afin que ce texte puisse entrer rapidement en vigueur.
Ce texte, première réforme d'une collectivité issue d'une initiative parlementaire, prouve tout l'intérêt du bicamérisme. Je vous invite à l'adopter huit ans après la loi de 2007. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier . - Partons pour un second voyage virtuel dans ce paradis des Antilles qu'est Saint-Barthélemy, entré dans l'histoire de France à la moitié du XVIIe siècle, découverte par Christophe Colomb en 1493 lors de son second voyage, qui l'a nommée ainsi pour rendre hommage à son frère Bartolomé. Rattachée, en tant que commune, au département de la Guadeloupe en 1946, l'île doit au milliardaire Rockefeller qui y acheta une grande propriété en 1957 sa transformation en destination touristique haut de gamme et son surnom de Saint-Barth'. Ce territoire, devenu en 1963 troisième arrondissement de la Guadeloupe, conjointement avec Saint-Martin, a accédé au statut de collectivité d'outre-mer en 2007. Son évolution en fait le symbole réussi d'une évolution statutaire progressive.
Nous nous félicitons de la suppression conforme de l'article sur les compétences en matière de police et sécurité, suppression respectueuse des principes d'unité et d'indivisibilité du territoire, d'une part, et de libre administration des collectivités territoriales, d'autre part.
De la préservation de l'environnement à la régulation du parc automobile, en passant par l'exercice du droit de préemption par la collectivité, l'élargissement du pouvoir de sanction administrative pour l'ensemble des compétences exercées par la collectivité, le texte préserve la voie déjà tracée d'un développement touristique maîtrisé et respectueux.
Ainsi, il dote d'outils nécessaires et adaptés aux réalités locales cette île - mais nous savons avec le président Mézard que les îles peuvent être aussi de l'intérieur et avec notre collègue Alain Bertrand qu'elles sont souvent « hyperrurales ».
En cas d'inaction du Gouvernement, l'Assemblée nationale a opté pour une sanction juridictionnelle : c'est une solution sage, le temps nous dira si elle est efficace. La navette a été rapide.
Bref, vive l'initiative parlementaire et le bicamérisme ! Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements)
M. Joël Guerriau . - Je remercie M. Magras, président de notre délégation à l'outre-mer, de sa constance et de sa volonté de bâtir un texte équilibré. L'Assemblée nationale ne l'a pas dénaturé : la collectivité accède à une autonomie maîtrisée, respectueuse des prérogatives de l'État dans le cadre de l'article 74 de la Constitution.
On a dit les modifications introduites par les députés. S'agissant de la caisse de prévoyance sociale, synthèse entre le refus de la collectivité de se voir transférer l'intégralité de la compétence de sécurité sociale et la nécessité de répondre aux besoins de nos concitoyens. Il est impératif, pour le groupe UDI-UC, que les Français aient accès aux mêmes services et aux mêmes droits où qu'ils soient.
Espérons que l'examen de droit par le Conseil constitutionnel se déroule au mieux et rende justice à ce texte de qualité, examiné selon la nouvelle procédure en commission, qui prouve son efficacité et son opportunité. (Applaudissements)
Mme Éliane Assassi . - Ce texte, fait rare, est le résultat d'un véritable travail parlementaire effectué dans la transparence avec les acteurs locaux. De fait, il reprend de nombreuses dispositions du conseil territorial de Saint-Barthélemy.
Sur le fond, il est logique d'ajuster le statut de cette collectivité dans son processus d'autonomisation, huit ans après la loi de 2007. Cela dit, nous refusions la création d'un régime spécifique empiétant sur les compétences de l'État aux articles 4 ter et 4 quater. Les députés ont trouvé un mécanisme satisfaisant de référé devant le Conseil d'État auquel nous nous rallions.
Si la création d'une caisse de prévoyance sociale ne relève pas d'une loi organique, on peut accepter que les habitants de Saint-Barthélemy la veulent. Et même si cela procède d'une logique que je n'approuve pas : les habitants, qui connaissent le plein emploi, se plaignent de verser plus qu'ils ne reçoivent. Une expérimentation limitée à trois ans permettrait de vérifier le bien-fondé de la formule retenue.
Une caisse locale, et non autonome, offrirait une bien meilleure solution heureusement inscrite dans la loi d'actualisation du droit des outre-mer adoptée le 1er octobre 2015. Celle-ci constitue aussi une garantie contre certains risques de dérives.
Le groupe CRC votera ce texte. L'adaptation aux réalités locales est indispensable. (Applaudissements)
M. Michel Delebarre . - Membre de la commission des lois, je n'ai guère envie de développer après les autres orateurs les mêmes points, sinon pour répéter que j'approuve les propos qui ont été tenus.
Merci au président de la République d'avoir débloqué le projet de création d'une caisse locale de sécurité sociale lors de sa visite de mai 2015, au Gouvernement d'avoir fait le nécessaire pour le mettre au jour, bravo au rapporteur Magras de sa détermination sans faille à adapter le statut de la collectivité de Saint-Barthélemy.
Désormais, tout est mis en oeuvre pour que la gestion de la collectivité de Saint-Barthélemy soit facilitée. Que le Gouvernement fasse preuve de vigilance sur l'égalité des droits des assurés sociaux de l'île.
Marcel Pagnol disait : « si l'on jugeait les choses sur les apparences, personne n'aurait jamais voulu manger un oursin ». (Sourires)
Eh bien, souhaitons que ce texte ôte les derniers oursins des pieds de la collectivité. Et que nous soyons plus nombreux à mieux connaître cette île ! (Rires et applaudissements)
M. André Gattolin . - Ce texte se justifie par la très grande spécificité de Saint-Barthélemy. Les mesures d'adaptation du droit de préemption renforceront la protection des espaces naturels et de la biodiversité et limiteront la croissance du parc automobile dans une île qui compte déjà plus de voitures que d'habitants.
En revanche, moi qui connais bien cette île pour m'y rendre souvent, sans y être invité (Sourires), je continue de m'opposer à l'article 4 quater. Le Sénat l'avait refusé en première lecture. Certains veulent voir en lui la concrétisation d'une promesse du président de la République. Que veulent-ils en réalité ? Fixer un taux de cotisation plus bas - le coût de la vie est plus élevé à Saint-Barthélemy - les habitants sont déjà exonérés d'impôt sur le revenu, sur les sociétés, sur les successions et sur la fortune.
Or les cotisations sociales relèvent d'une logique de mutualisation et de solidarité. La mesure profitera toujours plus aux grands entrepreneurs du tourisme de luxe et de bâtiment, qu'à leurs salariés. Si l'État garde un pouvoir de contrôle, celui-ci est limité à trois ans. On invoque les futures promesses lors de la prochaine campagne électorale...
Pour cette raison, le groupe écologiste ne pourra pas voter cette proposition de loi.
M. Michel Magras . - Je me réjouis du consensus autour de ce texte de juste compromis à l'issue de la navette. Monsieur Gattolin, permettez-moi d'y insister en regrettant que vous persistiez à le penser, mais Saint-Barthélemy n'a jamais eu pour idée de s'affranchir de la solidarité nationale en demandant la création d'une caisse locale. Elle souhaite seulement une gestion de proximité.
Je serai très attentif à l'avis du Conseil constitutionnel sur ce texte et surtout l'article 4 ter qui augure d'un usage, que j'aimerais régulier, du principe de spécialité législative et d'adaptation du droit à l'outre-mer.
Je le dis à présent en tant que président de la délégation sénatoriale : celui-ci peut être actualisé, y compris ses aspects statutaires.
J'ajoute enfin, que Saint-Barthélemy se réjouit que vous soyez toujours plus nombreux à vouloir la découvrir, elle qui est ambassadrice des valeurs françaises. Vous y serez bien reçus !
Vote sur la proposition de loi organique
La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°26 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l'adoption | 332 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi organique.
La séance est suspendue à 12 h 30.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.