SÉANCE
du jeudi 15 octobre 2015
9e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jean-Pierre Leleux.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que cette séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
Les auteurs de questions du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe UDI-UC disposent chacun de deux minutes, y compris la réplique.
Ceux des groupes CRC, RDSE et écologiste disposent, quant à eux, de deux minutes et demie, y compris la réplique, au titre de l'équité.
La durée des réponses des membres du Gouvernement ne doit pas excéder le temps maximal imparti à l'auteur de la question, même si M. le Premier ministre bénéficie d'une « horloge spéciale »...
Police et justice
M. Cyril Pellevat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ils sont venus, très nombreux, devant votre ministère, vous les avez vus et entendus. Madame la garde des sceaux, réagissez maintenant : on n'avait pas connu une manifestation policière d'une telle ampleur depuis quatorze ans. Salaires, temps de travail, manque de moyens, les revendications matérielles pourraient être nombreuses et justifiées. Cependant, ce n'est pas à ces sujets qu'ils vous ont interpellée mais sur votre politique pénale laxiste : suppression des peines planchers, réductions de peines systématiques : « à peine interpellé, tout de suite relâché » déplorent les policiers, qui constatent, médusés, que les délinquants ne craignent plus ni la police ni la justice. Vous incarnez, madame la ministre, cette politique (Vives protestations à gauche ; approbation à droite). Quelque 80 000 peines par an ne sont pas exécutées : Quand allez-vous réagir ? Le dialogue police-justice doit être rétabli, pour le bien de nos concitoyens et de notre République. Allez-vous enfin mettre en place une politique pénale qui ait pour priorité la sécurité des Français par l'exécution rapide des peines prononcées ? (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Les circonstances dramatiques qui ont déclenché cette réaction appellent de la dignité et du sérieux.
Manifestement, vous éprouvez quelque difficulté à prendre de la hauteur. (Applaudissements à gauche ; Protestations à droite) Quand d'autres ont jeté les magistrats en pâture à l'opinion publique et supprimé des postes de policiers, nous veillons à ce que les conditions de travail des forces de sécurité et des magistrats français permettent d'assurer la sécurité des Français.
Plusieurs voix à droite. - C'est faux ! Démission !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Nous veillons à améliorer les informations dont disposent les juges chargés de l'application des peines, en gardant à l'esprit qu'ils sont également responsables de la protection des libertés individuelles et publiques. C'est dans la relation de confiance, établie sur le terrain, au quotidien, entre justice et police que nous progresserons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes CRC et écologiste ; M. François Grosdidier s'exclame)
M. Cyril Pellevat. - Rien ne sert de revenir au passé. (Protestations à gauche) Votre réponse était prévisible, c'est toujours la même...Commencez par assurer la sécurité des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Situation d'Air France (I)
Mme Mireille Jouve . - Ma question porte sur l'avenir d'Air France et le rôle de l'État actionnaire à hauteur de 17,6 %.
Le Gouvernement a son mot à dire sur l'organisation du trafic aérien, le montant des taxes aéroportuaires et la stratégie de l'État face à la concurrence des compagnies agressives.
Air France contribue en effet à plus de la moitié des taxes aéroportuaires. Roissy et Orly sont les plateformes les plus coûteuses d'Europe ! L'aéroport d'Amsterdam-Schiphol a baissé ses taxes de 7,7 % en 2015 ; Aéroports de Paris (ADP), dont l'État est actionnaire à 50 %, les a augmentées de 2,4 %. Air France souhaitait qu'elles soient gelées cette année mais le contrat de régulation entre ADP et l'État prévoit une hausse de 1,25 % entre 2017 et 2020.
Certes, ces taxes servent à financer de nombreux investissements, mais ne faudrait-il pas lier leur montant à la situation des compagnies ? Celles du Golfe, dont la concurrence est de plus en plus sensible, sont gavées de subventions publiques : près de 35 milliards d'euros de d'aides directes et indirectes ces dix dernières années !
Un rapport parlementaire récent l'a suggéré : il faut moduler les taxes et rééquilibrer la situation si déséquilibrée en faveur d'Air France dans la concurrence mondiale. L'État le peut-il ? Le souhaite-t-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - L'émergence des compagnies low cost, la concurrence de celles du Golfe et un déficit de compétitivité expliquent les pertes de parts de marché d'Air France : 44,4 % en 2014 contre 53 % en 2003.
L'État promeut une concurrence loyale. En 2013, des décisions de justice ont visé des compagnies low cost, dont Ryanair. Dans son principe, celui-ci n'est pas condamnable et le Gouvernement a soutenu la création de Transavia.
En février 2015, la France avec le soutien de l'Allemagne, a pris l'initiative de négociations entre la Commission européenne et les compagnies du Golfe. Sur les charges spécifiques, le Gouvernement a suivi le rapport Le Roux en baissant la taxe sur les passages en correspondance, soit une économie de 90 millions d'euros pour 2015-2017. Air France bénéficie en outre du CICE : 65 millions d'euros en 2014.
L'État régulateur reste aux côtés d'Air France, de ses salariés, et promeut une concurrence loyale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Dérèglement climatique et géopolitique
Mme Leila Aïchi . - Hier s'est tenu, sur une initiative sénatoriale, qui a germé il y a trois ans, le sommet international des ministres de la défense sur « la défense et le climat ». Le monde entier était réuni à Paris pour traiter de ce sujet qui m'est cher depuis longtemps. Ce fut une première ! J'adresse mes remerciements sincères à Jean-Yves Le Drian, à vous-même, monsieur le ministre des affaires étrangères, qui avez ouvert les débats, amicaux à Nicolas Hulot pour avoir sensibilisé les hautes sphères (Exclamations à droite), et ma reconnaissance à la hiérarchie militaire et au général de Villiers.
Le lien entre les conflits et le dérèglement climatique est reconnu, avéré, indiscutable : manque de nourriture, d'eau, de terres, sécheresse, autant de facteurs qui sont la source de nombreux conflits, présents et à venir. Sans parler des millions de réfugiés climatiques !
Hier, le ministre de la défense a reconnu que le Livre blanc de la défense avait sous-estimé ces aspects. Dont acte. Comment le Gouvernement compte-t-il intégrer concrètement les conclusions du sommet du Paris dans la COP 21 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - Après tous vos remerciements, je vous remercie à mon tour, madame la sénatrice. (Exclamations à droite) Oui, cette idée avait germée au Sénat, sur votre initiative. Le Gouvernement l'a reprise. Quand on pense au climat, il faut aussi penser à la sécurité. L'accès à l'eau et aux terres, comme à d'autres ressources naturelles, renouvelables ou non, crée des conflits, aggravés par les mouvements migratoires.
Au plan national, il appartient aux différents ministres de la défense d'appliquer les conclusions de cette réunion. Ils en ont la capacité, c'est ce que l'on appelle la défense verte. Elle sera, soyez en sûre, au coeur de la COP 21. Il nous faut aussi une vision de long terme : c'est l'objet de l'agenda pour l'action que nous proposerons le 5 décembre au Bourget. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste, RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)
Mme Leila Aïchi. - Cette question est transpartisane, et je tiens à remercier également Éliane Giraud du groupe socialiste et républicain et Cédric Perrin du groupe Les Républicains, car les questions liées à la santé et l'environnement sont l'affaire de tous : citoyens, administrations, institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, ainsi que sur de nombreux bancs à gauche, au centre et à droite)
Situation d'Air France (II)
M. Pierre Laurent . - Monsieur le Premier ministre, un plan de 2 900 suppressions de postes est annoncé chez Air France et vous prétendez n'avoir qu'un seul cap : le dialogue social ! Où est-il, alors qu'on voit des syndicalistes arrêtés au petit matin, devant leur famille, au motif allégué qu'ils pourraient se soustraire à la justice, alors qu'ils sont poursuivis sur la seule base d'images télévisuelles, sans que leur culpabilité ne soit établie. (On s'indigne à droite)
Êtes-vous prêt aujourd'hui, pour apaiser la tension, à appeler à la levée de poursuites disproportionnées, au risque sinon de transformer le procès du 2 décembre et la menace de prison qui plane sur la tête de ces salariés en un outrage ressenti par des milliers de syndicalistes et de salariés inquiets pour leur emploi, comme a pu le constater le président de la République à Saint-Nazaire?
Allez-vous enfin, dans cet esprit, encourager une négociation tripartite, entre la direction, les syndicats et l'État, en mettant toutes les options sur la table ?
Que pense l'État actionnaire du triplement du ratio d'endettement de la compagnie entre 2011 et 2013 après le rachat de KLM ? Combien de revenus financiers les banques créancières d'Air France, BNP-Paribas et la Société générale notamment, ont-elles tiré de cette flambée de la dette ?
Allez-vous continuer de verser le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) à Air France ? Cela a représenté 109 millions d'euros en 2013 et en 2014.
Pourquoi votre Gouvernement a levé le moratoire qui bloquait la cession de lignes aériennes long courrier aux compagnies du Golfe, qui s'apprêtent à racheter une partie des cinq lignes long courrier que le plan d'Air France prévoit de fermer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Les violences qui ont eu lieu à Air France sont inacceptables et doivent être condamnées. (On approuve vivement sur les bancs du groupe Les Républicains) Rien, absolument rien, ne justifie ces actes graves.
La justice est indépendante, et vous le rappelez parfois vous-mêmes. Pas de faux débat ! Ce n'est pas le Gouvernement qui décide des interpellations ni de leurs modalités. Il ne peut pas y avoir d'impunité.
Songez aussi à l'impact de ces images dans le monde entier ! Pensez aux hommes qui ont souffert ces humiliations, ces outrages, et que j'ai rencontrés. Parmi eux, des dirigeants mais aussi des vigiles.
Le désarroi est réel. Cependant, on avancera, non par la violence, mais par le dialogue. Chacun doit fournir des efforts au sein de l'entreprise. Le blocage est venu des pilotes. Le plan de repli qui prévoit la suppression de 2 900 postes n'est pas une fatalité. À chacun d'assumer les responsabilités et de regarder la situation d'Air France avec lucidité. Le dialogue doit continuer, nous avons besoin d'une grande compagnie qui porte le drapeau français. Le dialogue social, qui vous est si cher, c'est d'abord de ne pas refuser de serrer la main tendue... (Brouhaha à droite)
M. Roger Karoutchi. - Excellent !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - ...c'est de toujours accepter de de se parler, pour avancer ensemble, en assumant chacun sa part de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, ainsi que sur la plupart des bancs au centre et à droite)
M. Pierre Laurent. - Dans le peu de temps imparti, je n'ajouterai que ceci : vous pouvez compter sur nous, monsieur le Premier ministre, pour que le plan de suppression de 2 900 postes ne soit pas une fatalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Catherine Tasca. - Très bien !
Manifestations de policiers
Mme Annie Guillemot . - Il y a un an, monsieur le ministre de l'intérieur, vous appeliez policiers et gendarmes à la vigilance face aux attentats terroristes. Puis, des attentats ont eu lieu et le plan Vigipirate a été déployé. Je veux saluer le dévouement remarquable de nos forces de sécurité, qui ne comptent plus leurs heures et sacrifient leur vie personnelle pour notre sécurité. Le 11 janvier, les Français ont applaudi le travail exemplaire accompli par ces femmes et ces hommes.
Surtout, nous sommes enfin passés du discours aux actes. Chacun se souvient en effet de l'état d'affaiblissement dans lequel nos forces se trouvaient en 2012, avec plus de 6 500 postes supprimés dans la gendarmerie nationale, 7 000 dans la police nationale, entre 2007 et 2012.
Le Gouvernement a accompli un effort indispensable en augmentant effectifs et moyens de nos forces de sécurité. Cette année encore, le budget de nos forces sera en augmentation. (Exclamations à droite)
M. Alain Gournac. - La question ?
Mme Annie Guillemot. - Cependant le malaise est bien présent après le drame du 5 octobre. Quelles initiatives le Gouvernement, au-delà de cet effort, compte-t-il prendre pour nos forces de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Vous avez parfaitement mesuré les contraintes qui pèsent sur les forces. (Exclamations à droite) En ce moment même, un policier lutte, dans sa chambre d'hôpital, entouré de ses proches et de ses collègues, pour sa vie : ayons, malgré le bruit et le vacarme, une pensée pour lui et sa famille. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe socialiste et républicain et RDSE)
Nous avons parfaitement conscience que beaucoup de policiers et gendarmes se trouvent durement exposés. 13 000 emplois avaient été supprimés avant 2012. Nous en avons créé 500 par an ; nous en créons en outre 1 400 supplémentaires, principalement dans les services de renseignement. Depuis la crise migratoire, nous avons augmenté de 900 postes ; des forces supplémentaires seront encore mobilisées.
Nous travaillons aussi à la simplification de la procédure pénale. Par respect pour la charge qui leur incombe, nous leur donnerons les moyens de remplir leur mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
L'écologie est-elle une priorité gouvernementale ?
Mme Chantal Jouanno . - Nous sommes d'accord avec le président de la République - une fois n'est pas coutume - lorsqu'il annonce devant les Nations Unies que la COP 21 sera la dernière étape cruciale pour lutter contre le dérèglement climatique et prôné une solidarité internationale exceptionnelle.
Mais quelle surprise de constater que le budget du ministère de l'écologie a encore baissé en 2016, de même que l'aide publique au développement de près de 117 millions d'euros !
Depuis 2012, 2 300 postes ont été supprimés au ministère de l'environnement, surtout dans les territoires ; la baisse des crédits a été de 1,75 milliard d'euros...
Certes, la ministre prétend qu'elle fera plus avec moins... Mais les faits sont têtus. Assumez-vous que l'écologie n'est plus une priorité du Gouvernement, en cette année de COP 21 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Oui le budget de fonctionnement du ministère est en baisse. Mais, la droite de l'Assemblée nationale, le mardi et le mercredi, réclame des économies et le jeudi au Sénat demande plus de dépenses... Avec vos 150 milliards d'économies, il faudra bien un jour que vous sortiez de l'ambiguïté. (Mouvements divers à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
L'écologie est une priorité. L'effort sur le fonctionnement ne remet pas cause notre action : le crédit d'impôt pour la transition énergétique passe à 1,4 milliard - contre 0,6 milliard auparavant ; la TVA à taux réduit est maintenue ; l'enveloppe de l'éco-prêt écologique est augmentée. Un fonds aide les collectivités territoriales dans les territoires à énergie positive. Et la contribution du service public de l'électricité passe de 4,1 à 4,8 milliards d'euros, sept fois la baisse des dépenses de fonctionnement.
Le Gouvernement assume les efforts de réduction des dépenses et la politique qu'il mène en faveur de l'écologie.
Mme Chantal Jouanno. - Donc vous assumez que le ministère de l'écologie n'est pas prioritaire. Merci de mettre fin à l'hypocrisie. En 2010, sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy, que vous caricaturez si souvent, le crédit d'impôt était 45 % supérieur à ce qu'il est aujourd'hui et le plafond de dépenses, supérieur de 3 milliards...
Vérité budgétaire
Mme Pascale Gruny . - La présentation du budget a suscité beaucoup d'attente car les enjeux sont cruciaux. Mais les attentes ont bien vite laissé la place au doute...
Monsieur le ministre des comptes publics, où est le discours de vérité que vous vous vantez de tenir quand la rapporteure générale de l'Assemblée nationale se demande où seront effectuées 3,45 milliards d'économies ? Où est la vérité, où est le courage quand vous prétendez faire des économies en réduisant les dotations des collectivités territoriales, méthode inacceptable qui revient à transférer la fiscalité nationale sur la fiscalité locale ? Où est la vérité, quand vos discours favorables aux entreprises sont contredits par les faits ?
Les Français en ont assez, ils attendent du concret et du courage. Quand mettrez-vous vos actes en accord avec vos paroles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - Le budget 2016 est solide et sérieux. Solide parce que fondé sur des hypothèses qui se vérifient. La vérité est que cette année nous aurons 1 % de croissance et 3,8 % de déficit. Vous disiez l'an dernier que ces prévisions étaient mensongères. Pour l'année prochaine, nous faisons l'hypothèse de 1,5 % de croissance et 3,3 % de déficit. Et elle se vérifiera.
Nous tiendrons pareillement nos objectifs en termes de baisse des impôts pour les ménages et de charges pour les entreprises. Douze millions de foyers verront leur impôt baisser.
M. François Grosdidier. - Vous transférez l'impôt sur les collectivités territoriales !
M. Michel Sapin, ministre. - Et nous finançons nos priorités. Je suis très impatient d'avoir ce débat avec vous au Sénat. Vous refusez nos économies, mais vous en demandez pour 150 milliards d'euros. Dites-nous où vous les ferez ! C'est cela, le courage politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Pascale Gruny. - Nous ne condamnons pas les économies. Le problème, c'est que vous les faites toujours sur le dos des mêmes : nos communes, nos départements et la classe moyenne ! (Applaudissements au centre et à droite)
Compte personnel d'activité
Mme Sylvie Robert . - « Ce sera la grande réforme sociale du quinquennat », a annoncé le président de la République à propos du compte personnel d'activité (CPA). Ce ne sera ni un gadget ni une mesure technique de plus, mais une véritable avancée sociale. Il renforcera l'accessibilité et la lisibilité des droits. (Mouvements divers à droite)
Combien de nos compatriotes ignorent les prestations, les formations auxquelles ils ont droit, dans un monde où les transformations sont toujours plus nombreuses et plus rapides ? Foin de mots, il fallait des actes.
Le CPA sécurisera ainsi les parcours et les transitions professionnelles ; il sera ainsi un outil de liberté et de responsabilité dont chacun a besoin.
M. Philippe Dallier. - On n'y comprend rien !
M. le président. - Votre question !
Mme Sylvie Robert. - C'est un instrument de justice sociale. (Brouhaha à droite) Pensez à ces jeunes qui quittent chaque année le système scolaire. Ils ont droit à une seconde chance pour se former. (Marques d'impatience à droite)
La Conférence sociale de la semaine prochaine concrétisera-t-elle les dispositifs ? Quelle sont les prochaines étapes ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Vous l'avez dit, les parcours professionnels sont faits de ruptures, de reconversions, de mutations ; on passe désormais d'un emploi à un autre, on n'entre plus dans une entreprise à 16 ans pour en sortir à 60 ans. Le compte personnel d'activité permettra de mieux se projeter, d'anticiper, de gérer ses évolutions de carrière.
Les entreprises ont besoin, elles aussi, de faire évoluer les compétences et les emplois, notamment dans la perspective de la transition énergétique.
Le compte personnel d'activité est une ambition partagée depuis longtemps par de nombreux partenaires sociaux. Ce sera, lundi, le sujet de la première table ronde, que j'animerai, de la Conférence sociale. Comment comprendre que la CGT ne soit pas présente alors que nous passons aux actes ? (« Bonne question » à droite)
Vous pouvez compter sur ma détermination pour que le compte personnel d'activité soit une réussite collective. Je présenterai un projet de loi, fondé sur la concertation et les travaux de la Conférence sociale, au premier semestre de l'année 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Aéroport Notre-Dame-des Landes
M. Joël Guerriau . - Notre-Dame-des-Landes est devenu une enclave de non-droit. Samedi, les opposants ont pris possession d'une nouvelle maison sur le site. L'autorité de la République est bafouée au quotidien. En réponse à M. Retailleau qui demandait au président de la République de clarifier la situation, celui-ci, pourtant garant de l'intégrité du territoire, a déclaré à Saint-Nazaire qu'il faudrait faire cesser ces occupations « à un moment donné ou à un autre »...
M. Alain Gournac. - Ce sera à un autre ! (Rires à droite)
M. Joël Guerriau. - ... ce qui signifie que l'État est impuissant. Cette situation encourage les vols, le racket, les exactions. Le Gouvernement est incapable de faire respecter la loi.
Le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes date de 1963. Il est soutenu par les deux régions, sept départements, tous les acteurs économiques et sociaux et le Gouvernement lui-même. La justice s'est prononcée. Monsieur le Premier ministre, qu'attendez-vous pour faire appliquer la loi et garantir aux entreprises l'accès au chantier ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Le tribunal administratif de Nantes a rejeté en juillet tous les recours déposés contre les arrêtés préfectoraux qui autorisent le lancement des travaux de l'aéroport. Ce projet, déclaré d'utilité publique en 2008, soutenu par toutes les collectivités territoriales, peut donc reprendre. Il est bon pour l'économie de cette région, pour la protection de l'environnement, l'actuel aéroport étant au contact des trois zones Natura 2000, et pour la protection des populations qui sont survolées aujourd'hui par les avions.
La décision du tribunal est d'application immédiate. Le projet va se poursuivre normalement. Dans un souci d'exemplarité écologique, les concertations se poursuivent.
Je l'ai dit devant les élus, la France est un État de droit. Le Gouvernement ne peut accepter qu'une minorité radicalisée et ultraviolente fasse obstacle à l'intérêt général. Il ne cèdera pas. L'agression fin août d'une patrouille de gendarmerie qui apportait son concours à un huissier est inacceptable, comme les vols de marchandises.
Une procédure de référé a été lancée dans le cas de l'occupation de la maison que vous évoquez et l'ordonnance d'expulsion sera exécutée dès qu'elle aura été prononcée.
M. Gérard Longuet. - Mme Taubira s'en assurera !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Il n'était pas utile de polémiquer sur les propos du président de la République. Nous ferons respecter la loi. Nous soutenons le projet, qui se fera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Situation financière des collectivités territoriales
M. Rémy Pointereau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le 13 octobre dernier, la Cour des comptes a publié un rapport en forme de cri d'alarme devant la baisse des dotations des collectivités territoriales - relayant les alertes nombreuses de l'Association des maires de France, je le dis en présence de son président, François Baroin.
La chute de l'investissement local se poursuit en 2015 et pourrait atteindre 25 % ou 30 % en 2017, avec des conséquences sur le BTP, sans parler du coût des normes de 1,5 milliard, de celui de la réforme des rythmes scolaires et de la revalorisation de 4 % de la grille des agents de catégorie C sans compensation aucune.
Les élus sont désespérés, les collectivités sont asphyxiées. Allez-vous leur porter secours et non vous défausser sur elles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Nous avons agi. Le coût des normes passe de 700 millions d'euros par an à 13 millions cette année. Les dotations baissent mais elles représentent seulement 1,5 % des recettes des collectivités territoriales. Nous aidons les collectivités les plus en difficulté. Nous mettons en place un fonds de soutien à l'investissement local d'un milliard d'euros pour financer les grandes priorités locales. La dotation d'équipement des territoires ruraux a augmenté. Nous proposons aussi un élargissement de FCTVA. Le Gouvernement compense en outre au mieux les charges nouvelles.
Autant de mesures de justice et de solidarité. Tout cela est à comparer avec les annonces de votre formation politique... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Rémy Pointereau. - Ce sont surtout des annonces pour les prochaines élections régionales ! Ce que nous demandons, c'est un gel de la réduction des dotations et un moratoire sur les normes. (Applaudissements au centre et à droite)
Formation en alternance
M. Maurice Antiste . - Les jeunes rencontrent, dans tous les territoires mais surtout en outre-mer, des difficultés pour accéder à des stages ou à l'apprentissage. Celui-ci a reculé de 3,2 %. En outre-mer, le tissu économique est fait de très petites entreprises, peu outillées pour accueillir des jeunes. Des initiatives locales se sont développées comme la fondation Agir ensemble pour la formation et l'emploi en Martinique.
Le Cese a fait des propositions pour impliquer davantage les universités et développer les troisièmes cycles.
Les familles sont plongées dans le doute et l'angoisse du chômage de leurs enfants. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour inciter les entreprises à accueillir des jeunes ? L'accès aux stages et aux formations en alternance est en grande souffrance en France.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - J'entends vos inquiétudes et partage votre conviction sur l'utilité de l'apprentissage, voie d'excellence. Il est utile aux entreprises qui forment aux compétences dont elles ont besoin et aux jeunes - 70 % des apprentis trouvent un emploi à l'issue de leur formation, et beaucoup dans l'artisanat sont les chefs d'entreprises de demain. Nous avons dégagé 200 millions d'euros supplémentaires pour les CFA en 2015 ; l'aide « jeunes apprentis » pour les TPE est opérationnelle depuis le 1er juin. Sur les derniers mois, Le nombre d'entrées en apprentissage n'a jamais été aussi haut depuis quatre ans.
Ces mesures sont particulièrement adaptées à l'outre-mer. En Martinique, j'ai constaté les difficultés et le manque d'informations des chefs d'entreprises. Nous nous appuyons sur des jeunes en service civique pour faire la promotion des dispositifs en vigueur auprès des chefs d'entreprises. En outre, la Martinique compte 2 100 jeunes en emploi d'avenir et 385 jeunes bénéficient de la garantie jeune.
En 2016, nous comptons développer le parrainage des jeunes diplômés des quartiers populaires. Une plateforme mettra en contact jeunes apprentis et entreprises demanderesses. Vous pouvez compter sur ma mobilisation.
Ruralité
M. Daniel Chasseing . - Le fossé entre la France des villes et des campagnes se creuse.
La crise agricole - lait et viande sont vendus en dessous de leur prix de production - conduit les agriculteurs au découragement. La baisse de 30 % des dotations aux petites communes les empêche d'attirer des jeunes, tout comme la disparition des services publics. La fracture numérique est loin d'être refermée, les déserts médicaux toujours présents et les règles administratives pour la construction plus tatillonnes que jamais.
Comment attirer les actifs, les familles et les touristes dans ces conditions ? Nos territoires se désertifient. L'État va-t-il enfin renforcer les centres-bourgs ? Installer des guichets uniques en zone rurale ? À quand une politique fiscale incitative ? Des zones franches et des exonérations de charges pour les TPE et PME ? Une simplification des normes, notamment agricoles, et une simplification de la PAC pour aider les petites exploitations familiales ?
Il est tard, mais si vous avez une volonté, il peut encore y avoir un chemin. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité . - Le Gouvernement est, comme vous, attaché à défendre la ruralité, qui est un atout pour l'aménagement du territoire.
Les Assises de la ruralité ont proposé plusieurs mesures, que vous semblez ignorer et que nous mettons en oeuvre : partenariat avec La Poste pour des maisons de service public - mille seront installées fin 2016 ; développement des maisons pluridisciplinaires de santé et incitations à l'installation des jeunes médecins. Nous luttons aussi contre les inégalités numériques avec le plan très haut débit. Nous voulons aussi simplifier les zones de revitalisation rurales, rendues plus justes et plus efficaces avec les seuls critères de densité de population et de revenu par habitant.
Le Gouvernement partage vos préoccupations sur la ruralité. Les territoires ruraux sont partie intégrante de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 16 h 20.