Hommage à Hubert Haenel
(Mmes et MM. les sénatrices et sénateurs et Mme la ministre se lèvent)
M. le président. - Hubert Haenel nous a quittés le 10 août dernier, à l'âge de 73 ans.
J'ai tenu à lui rendre hommage, en présence de nombreux de nos collègues et anciens collègues, aux côtés de Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, et de Philippe Richert, président du conseil régional d'Alsace, lors de ses obsèques qui ont été célébrées le 14 août dans ce village de Lapoutroie qui lui était si cher et dont il fut le maire de 1977 à 2001.
Je souhaitais que cette cérémonie émouvante, au milieu des siens et près de cette forêt qu'il aimait arpenter, trouve aujourd'hui un écho dans notre hémicycle où Hubert Haenel représenta le département du Haut-Rhin durant vingt-quatre années, de 1986 à 2010.
Le Sénat de la République a perdu l'une de ses figures les plus marquantes de ces dernières décennies.
La France elle-même a perdu l'un de ses grands juristes, membre du Conseil constitutionnel, un élu local et national d'exception et, plus encore, un homme de coeur et de convictions aux passions multiples. Hubert Haenel a accompli un parcours hors du commun. Sa vie, ou plutôt ses vies, furent exceptionnellement riches.
Durant le quart de siècle qu'il passa au Sénat, c'est la qualité humaine et la personnalité attachante de notre ami qui ont marqué tous ceux, encore nombreux dans cet hémicycle, qui l'ont côtoyé. La simplicité de son abord, la chaleur qu'il mettait dans les rapports humains accompagnaient une intelligence hors norme. Il avait ainsi créé avec chacun de nous des relations amicales de travail et de confiance.
Hubert Haenel avait une inébranlable ambition pour notre institution. Il saisit - je puis en témoigner - toutes les occasions qui se présentèrent pour renforcer le rôle et l'influence du Sénat. Il souhaitait en particulier donner toute la place qui doit revenir aux parlements nationaux dans la construction européenne. En tant que président de la délégation puis de la commission sénatoriale des affaires européennes - fonctions qu'il occupa avec enthousiasme de 1999 à 2010 -, le gaulliste Hubert Haenel défendit inlassablement ses convictions européennes et sa certitude que l'avenir de l'Europe passait notamment par une meilleure association des parlementaires nationaux aux évolutions communautaires.
Grâce à lui, le Sénat français fut toujours en première ligne, et souvent à l'avant-garde, du suivi et du contrôle des initiatives européennes par les parlements nationaux. À travers Hubert Haenel qui incarnait un gaullisme moderne et européen, la France et l'Europe perdent l'un de leurs grands serviteurs et l'Europe l'un de ses grands militants.
Mais les convictions européennes d'Hubert Haenel ne l'empêchèrent pas de développer, dans ses activités sénatoriales, ses passions multiples dans de nombreux autres domaines que je n'évoquerai que d'un mot : les questions de défense auxquelles le colonel de réserve de la gendarmerie Hubert Haenel consacra cinq ouvrages qui font encore aujourd'hui autorité ; la défense du monde rural dont il était issu, qui le conduisit à consacrer de nombreux travaux aux questions d'aménagement du territoire ; les transports ferroviaires dont il était devenu le spécialiste et un expert reconnu ; sans parler, bien sûr, du monde de la justice dont il était un professionnel écouté, et de sa région d'Alsace à laquelle il était, chacun le sait, si profondément attaché.
Je n'ai cité ici que quelques-uns des multiples domaines dans lesquels la voix d'Hubert Haenel était écoutée. Mais ce serait réduire gravement la richesse de sa pensée que de ne pas citer la dimension spirituelle dans laquelle elle s'inscrivait.
Chrétien de forte conviction, fin connaisseur de l'Église catholique romaine et du droit canonique, celui qui fut président du groupe sénatorial France-Saint-Siège attachait une importance majeure aux questions religieuses auxquelles il consacra des écrits d'une grande hauteur de vue.
Hubert Haenel était un humaniste, un homme de coeur et un ami fidèle. C'est au nom du Sénat tout entier, que je présente aujourd'hui dans notre hémicycle, aux membres de sa famille et à ses proches, nos pensées et nos condoléances.
Son fils Martin a rappelé, lors de ses obsèques, ces phrases de l'Hymne pour le futur (dont l'auteur est inconnu) qu'Hubert Haenel aimait à citer : « Quand je mourrai, je veux qu'on sache que je ne suis pas mort. Je serai à chacun tout entier, présent. À chacun des amis, des aimés, des enfants, ce que je n'aurai pu faire de mon vivant, je parviendrai enfin à le réaliser : être tout à chacun sans m'isoler de l'autre. (...) Adieu ? Non. Au revoir ?... Disons : à maintenant. »
(Mmes et MM. les sénatrices et sénateurs et Mme la ministre observent quelques instants de recueillement)