Modernisation du système de santé (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Discussion générale
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). - Joyeux anniversaire, monsieur le Président ! (Applaudissements)
M. le président. - Merci !
Mme Marisol Touraine, ministre. - Le présent projet de loi est un texte pour l'égalité, pour tous les Français et leurs enfants. C'est un texte contre le fatalisme et le déclinisme ambiants, portés par la crise que nous traversons.
Notre système a été fondé sur des valeurs d'égalité et de solidarité. Et pourtant, certains de nos compatriotes renoncent à se soigner ou bénéficient d'une moins bonne information sur leur santé en raison de leur position sociale. Oui, dans notre pays, un cadre vit sept ans de plus qu'un ouvrier, c'est la réalité.
Il suffit d'aller au terme de la ligne B du RER pour perdre trois ans d'expérience de vie. Pire, ces inégalités s'accroissent. En 2002, les familles ouvrières comptaient quatre fois plus d'enfants obèses que les familles de cadres ; aujourd'hui, ils sont dix fois plus nombreux...
Moderniser, adapter notre système est devenu nécessaire pour remédier à ces inégalités. Le pacte territoire-santé permettra de franchir le cap de 800 maisons de santé, de 400 médecins accompagnés pour leur installation dans les zones sous-dotées.
Des financements spécifiques seront accordés aux hôpitaux locaux en remplacement du « tout T2A » (tarification à l'activité) qui les pénalisait. Relèvement des plafonds de la CMU-C, encadrement des dépassements d'honoraires, correspondent à des nécessités.
En trois ans, les premiers résultats de notre action sont visibles, ce qui nous incite à poursuivre nos efforts de modernisation. Nous continuerons à innover dans l'organisation des soins, aujourd'hui trop centrée sur l'hôpital, insuffisamment sur les besoins des patients.
Nous devons innover, faire preuve d'inventivité et d'audace. Nous devons faire bouger les lignes, nous confronter aux conservatismes et aux immobilismes, affronter les acteurs qui ont intérêt à ce que rien ne change.
Premier pilier de ce texte : la prévention, qui n'a pas aujourd'hui la place qui devrait lui revenir. Il faut agir tôt, là où se créent les inégalités : parcours éducatif en santé de la maternelle au lycée, paquet de cigarettes neutre, interdiction de fumer en voiture en présence d'un mineur, création d'un délit d'incitation à la consommation excessive d'alcool, meilleur dépistage des infections sexuellement transmissibles, étiquetage nutritionnel clair des aliments, ouverture de salles de consommation à moindres risques pour les toxicomanes les plus marginalisés, amélioration des dépistages et renforcement de la prévention des risques, y compris en prison.
C'est une politique de prévention cohérente, innovante et efficace, qui marque une étape historique pour la santé des Français.
Deuxième pilier : nous mettons en place une médecine de proximité, pour faire tomber les barrières, qui limitent l'accès aux soins, qu'elles soient géographiques, financières ou administratives. Généralisation du tiers payant, numéro d'appel national unique pour joindre un médecin de garde, rétablissement du service public hospitalier et création de groupements hospitaliers de territoire...
Nous faisons du médecin généraliste le centre de gravité de notre système de soins jusque-là centré sur l'hôpital. Nous sommes ainsi à l'opposé de l'épouvantail, brandi depuis des mois, de l'étatisation du système !
Troisième volet : le renforcement de la transparence et des droits des patients. Les associations d'usagers seront désormais présentes dans toutes les agences sanitaires nationales ; l'action de groupe sera rendue possible en santé ; droit à l'oubli pour d'anciens malades du cancer ; mise à disposition des données - anonymisées - de l'assurance-maladie, pour les chercheurs, start-up et lanceurs d'alerte...
Toutes les conventions d'expertise, les avantages en nature et leurs montants seront rendus publics. Chaque agence sanitaire sera en outre dotée d'un déontologue qui publiera son rapport.
Ce projet de loi a évolué au cours de la concertation que j'ai conduite, et il continuera à évoluer. Mais je défendrai ses principes et sa cohérence jusqu'au bout.
Vous avez largement pris part aux concertations de terrains. Plus de 200 débats ont eu lieu dans les régions. Nous les poursuivrons ici-même. À l'Assemblée nationale, nous avons répondu à l'inquiétude des médecins libéraux sur le rôle de la médecine de ville et la généralisation du tiers payant. Les délais de paiement seront brefs.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Cela ne les a pas rassurés !
Mme Marisol Touraine, ministre. - Interdiction du Bisphénol A, le renforcement de l'accès à l'IVG et la suppression du délai de réflexion sont autant d'avancées obtenues avec les députés.
Votre majorité sénatoriale est revenue en commission sur le tiers payant, le paquet de tabac neutre, le délai de réflexion en matière IVG, le consentement présumé au don d'organes, les actions de groupe, l'ouverture des données de santé, le rétablissement du service public hospitalier... Autant dire que ce texte a été privé de sa colonne vertébrale ! Son corps s'est affaissé, il n'a plus guère de rapport avec notre engagement à réduire les inégalités.
Parce que j'ai à coeur de répondre aux besoins de nos concitoyens, je vous proposerai des amendements destinés à rétablir les dispositions originelles.
J'ai conscience de la faible probabilité que vous reveniez en arrière ; je suis respectueuse du Sénat, mais attachée au débat parlementaire, et j'entends lui donner sa chance.
Ce projet de loi améliorera la protection des Français. Il y aura un avant et un après. Je serai déterminée à faire en sorte que notre système reste l'un des meilleurs du monde et je demeure à votre écoute tout au long des débats.
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, du RDSE et écologiste).
M. Alain Milon, co-rapporteur de la commission des affaires sociales . - Le projet de loi arrive enfin au Sénat après une phase préparatoire, de nombreuses modifications du Gouvernement sur son propre texte et de multiples ajouts à l'Assemblée nationale (150 articles !). Y sont juxtaposées des dispositions d'importance variable sur un très grand nombre de sujets, ce qui ne facilitera pas la bonne tenue des débats. La commission a modifié le fond de nombreux articles, mais en a adopté la moitié.
C'est le premier grand texte en matière de santé depuis la loi HPST de 2009, qui a fait profondément évoluer l'organisation de notre système avec les ARS notamment dont plus personne ne conteste l'existence.
Ce texte ne remet pas en cause la loi HPST, mais lui apporte des modifications. Nous soutenons certaines d'entre elles, que nous défendions déjà en 2009, telles celles relatives à la place du médecin généraliste.
D'autres sont inacceptables. Vous avez dit avoir consulté largement. Organiser des réunions est une chose, entendre ce qu'y déclarent les acteurs est une autre ! Il eût été préférable de tenir compte des avis émis alors...
La création du service territorial de santé au public (STSP) est une sorte d'hyper-administration qui place l'essentiel des décisions dans les mains des directeurs généraux des ARS. L'Assemblée nationale l'a refondu en communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). La commission lui a substitué des pôles de santé renforcés qui tiennent compte des initiatives des professionnels sur le terrain car rien ne pourra se faire sans eux.
Compte tenu des remontées, les groupements hospitaliers de territoire (GHT) devront être portés par les équipes soignantes. Les élus ne devront pas y assister en simples spectateurs mais devront participer activement à la définition de leur stratégie.
D'autres modifications importantes ont été introduites : le tiers payant obligatoire, si complexe à mettre en oeuvre, n'a pas sa place dans ce texte ; la commission des affaires sociales a adopté deux amendements de Mmes Archimbaud et Cohen prévoyant le renouvellement automatique de la CMU pour les bénéficiaires de l'AAH et de l'Aspa. Sa généralisation, en toute hypothèse, est inopportune et la commission des affaires sociales l'a supprimée.
On ne saurait engager une réforme du système de santé sans s'attaquer à l'architecture même de la sécurité sociale, financeur principal du système. Elle pourrait financer la totalité des soins sous réserve d'être réformée.
Le texte, foisonnant, contient encore bien d'autres aspects. Mmes Deroche et Doineau y reviendront.
La commission des affaires sociales refusant que le législateur se paye de mots, a supprimé les dispositions déclaratoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UDI-UC et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Mme Catherine Deroche, co-rapporteur de la commission des affaires sociales . - En matière de prévention, la commission des affaires sociales a adopté nombre de dispositions votées à l'Assemblée nationale : sur la consommation d'alcool par les jeunes, sur leur information en matière de santé, sur l'étiquetage alimentaire, par exemple. En revanche, la création d'un délit pénal d'incitation à la maigreur excessive n'est pas opportune, le rapport de Mme Patricia Schillinger l'a montré : nous avons donc supprimé l'article.
Le projet de loi comporte vingt articles consacrés à la lutte contre le tabagisme. Nous partageons l'objectif : quarante ans après la loi Veil, le combat demeure d'actualité. En 2003, l'augmentation de 40 % du prix du tabac a fait chuter la consommation de 30 %. Aucun ministre de la santé n'a depuis obtenu de pouvoir répéter cette opération. Au 1er janvier 2015, rappelons-le, aucune augmentation n'est intervenue. C'est pourquoi nous soutenons la disposition, adoptée par l'Assemblée nationale, de cosignature par le ministre de la santé de l'homologation des prix du tabac, tout en étant vigilants sur le marché parallèle.
Nous avons tous en tête ce chiffre d'un quart des achats de tabac hors du réseau des buralistes, d'après la dernière étude réalisée pour le compte des industriels. L'administration des douanes confirme cet ordre de grandeur tout en estimant à 20 % et non à 5 % la part des achats transfrontaliers légaux. Cela change assez fortement la donne sur les priorités. Notre premier combat est l'harmonisation fiscale au niveau européen, alors que nos voisins mènent clairement une politique non coopérative.
Il faudra également repenser la place et le rôle des buralistes, notamment en zone rurale, qui ne peut reposer sur une augmentation de la part de la vente du tabac dans leurs activités.
Un large consensus s'est dessiné en commission sur les avertissements figurant sur les paquets de cigarettes, refusés par certains de nos voisins. Là encore, une harmonisation serait opportune en Europe.
Sur l'ouverture des données de santé, un bon équilibre semble avoir été trouvé. Nous nous sommes bornés à adopter des amendements de nature technique.
Sur la démocratie sanitaire, l'accord s'est révélé large. Sur le droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer, nous regrettons que l'accord trouvé en juillet ne soit pas allé assez loin. Nous en reparlerons. (Applaudissements sur les bancs à droite, au centre et sur le banc de la commission)
Mme Élisabeth Doineau, co-rapporteur de la commission des affaires sociales . - J'aborderai les dispositions relatives à la santé au travail, à l'environnement et à la politique générale de santé.
Alain Milon l'a montré : ce texte foisonne de dispositions à caractère déclaratif ou de nature réglementaire. La commission s'est donc efforcée d'opérer un certain tri... Nous n'avons pas contesté le bien-fondé de ces mesures, mais nous avons simplement cherché à conserver à la loi son caractère général. Nous ne cessons de déplorer la multiplication de lois bavardes, le président du Sénat s'est exprimé là-dessus fortement dans la presse récemment encore.
La commission des affaires sociales a donc supprimé les dispositions réglementaires, peu normatives, ou se bornant à demander le dépôt d'un rapport. Tel l'article premier, qui n'a pas nécessairement à énumérer tous les aspects de la politique de santé.
L'article 4 traite des liens entre santé et environnement : c'est un sujet majeur, auquel deux articles seulement du texte initial étaient consacrés qui répondaient aux enjeux soulevés par les missions sénatoriales sur l'amiante et sur la pollution de l'air. En effet, le Sénat a joué depuis longtemps un rôle d'aiguillon dans ce domaine, alertant régulièrement le Gouvernement sur les dangers que présentent pour la santé humaine les atteintes portées à l'environnement.
Les députés ont souhaité confier des nouvelles missions à l'Anses et renforcé la prévention des nuisances sonores, entre autres mesures. La santé au travail apparait comme le parent pauvre de ce texte. Notre commission a adopté la plupart des articles relatifs à la formation des professionnels de santé. Mais le texte ne va pas assez loin pour renforcer l'attractivité de cette filière.
Ce texte contient enfin un nombre inhabituel d'habilitations à légiférer par voie d'ordonnances. Or toutes ne se justifient pas, telles celles sur l'organisation des maisons de santé, l'encadrement des transfusions sanguines, la réglementation de certaines professions ou la recherche en droit biomédical.
La commission des affaires sociales a souhaité recentrer le texte sur les dispositions lisibles et sources de progrès pour nos concitoyens. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ne s'est saisie que de dix-sept articles ajoutés au cours du débat à l'Assemblée nationale concernant les aspects de santé et d'environnement, un seul, hélas, sur les déserts médicaux...
Surveillance de la qualité de l'air, protection contre l'exposition à l'amiante et au plomb, valeurs de référence pour l'exposition au radon, encadrement de l'utilisation des brumisateurs dans l'espace public, interdiction du Bisphénol A dans les jouets. Toutes ces mesures ont reçu un accord de principe de la commission.
Quant aux cabines de bronzage, nous proposons d'aller plus loin, en les interdisant purement et simplement. Le doute n'est plus permis : une exposition avant 35 ans augmente de 59 % le risque de cancer : le nombre de mélanomes a triplé entre 1985 et 2005 : il faut envoyer un message fort, ainsi que l'Académie de médecine l'a suggéré. L'Australie et le Brésil ont déjà franchi le pas.
Il faudra aussi aller plus loin sur la question des déserts médicaux, comme l'avait proposé M. Maurey dans son rapport de 2013. Si le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé - près de 200 000 - les inégalités entre territoires restent considérables : de 1 à 4 pour les généralistes, de 1 à 8 pour les spécialistes, de 1 à 3 pour les chirurgiens-dentistes... On compte 167 médecins pour 100 000 habitants dans l'Eure, contre 678 à Paris. Il y a des déserts médicaux dans tous les départements. Même la région Ile-de-France a vu le nombre de ses médecins baisser de 6 % entre 2007 et 2015. À cela s'ajoute le choc démographique. Le nombre de généralistes va baisser encore d'ici 2020. Au total trois millions de Français vivent dans un désert médical. Les spécialités de rhumatologie, de dermatologie, de chirurgie générale et d'ORL sont en souffrance.
Les dispositifs mis en place par les gouvernements successifs n'ont pas produit les effets escomptés. Nous proposons le renforcement de la professionnalisation des études de médecine ; de rendre obligatoire une immersion précoce en milieu professionnel, comme l'ont fait le Canada ou l'Estonie, alors que 25 % des diplômés de médecine choisissent de ne pas s'inscrire au tableau de l'Ordre des médecins. Nous fusionnons pour cela le stage facultatif prévu par le Pacte et celui prévu par l'arrêté du 8 avril 2013. Il faudra surmonter l'opposition de certaines universités. Plus les étudiants pratiquent la médecine générale, plus ils l'aiment.
Nous proposons aussi d'élargir aux médecins la règle du conventionnement sélectif - une entrée pour un départ en zone surdotée - qui a fait la preuve de son efficacité chez les infirmiers libéraux ou les kinésithérapeutes pour rééquilibrer l'offre de soins selon les territoires. Voilà qui complète utilement les mesures incitatives.
Nous présenterons un nombre limité d'amendements, de mesures courageuses destinées à protéger la population de nos territoires, à faire primer l'intérêt général. C'est le rôle du Sénat. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Bas, en remplacement de M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Je vous prie d'excuser notre rapporteur pour avis, M. Reichardt, en déplacement.
Le dialogue avec la commission des affaires sociales a été excellent. Ce texte est un texte fourre-tout...
M. Yves Daudigny. - Non !
M. Philippe Bas, en remplacement de M. André Reichardt, rapporteur pour avis. - ...voire obèse ! Naguère on appelait ce genre de texte une loi portant diverses dispositions d'ordre social... Le titre a changé mais pas la réalité, malheureusement... Je ne m'étendrai pas sur la généralisation du tiers payant, qui présente plus d'inconvénients que d'avantages.
La commission des lois s'est intéressée aux sujets traitants des droits des personnes.
Le don d'organes, tout d'abord. Le compromis atteint avec la commission des affaires sociales entre le respect de la volonté de l'individu et le devoir de solidarité envers les malades est bon. Soyons attentifs à ne pas brutaliser les familles dont le travail de deuil est si difficile à faire. Les infirmiers référents font un travail de grande qualité, qu'il faut se garder de perturber. Jamais un service hospitalier ne pratiquera un prélèvement d'organe sans accompagnement de la famille.
L'action de groupe en matière de santé déroge au principe fondamental du droit selon lequel nul ne plaide par procureur. Des dispositions trop générales ne peuvent tenir compte des effets, toujours particuliers sur tel ou tel, d'un aléa thérapeutique, d'une erreur, voire d'une fraude. Là aussi, nous sommes parvenus avec la commission des affaires sociales à un bon compromis.
En ce qui concerne la communication des données médicales, nous devons trouver le juste équilibre entre les exigences de la santé publique et la protection de la vie privée.
Avec l'hospitalisation sous contrainte, le consentement libre et éclairé aux soins trouve ses limites par la nécessité de protéger la société comme l'individu contre lui-même. Notre rédaction commune de l'article 13 quater, qui prévoit un meilleur encadrement des mesures de contention, paraît pertinente.
Nous proposons aussi, comme le recommande le contrôleur général des lieux de privation de liberté, de faire rentrer dans le droit commun l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris, en lui étendant les mesures de contrôles applicables à tous les établissements psychiatriques. C'est une position de principe qui ne met pas en cause la qualité du travail des professionnels qui y exercent.
La commission des lois vous recommande d'adopter les articles dont elle s'est saisie, tels qu'ils ont été modifiés par la commission des affaires sociales à son initiative. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Françoise Laborde, co-rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Nous avons souhaité aborder la santé des femmes sans nous en tenir aux dispositions concernant spécifiquement ce sujet - la contraception d'urgence et les compétences des sages-femmes en matière d'IVG médicamenteuse, de vaccination et de prescription de substituts nicotiniques aux femmes enceintes et à leur entourage. Notre rapport, avec ses vingt-huit recommandations, s'appuie sur deux constats : il est nécessaire de privilégier une approche de la santé qui prenne mieux en compte les enjeux spécifiques aux femmes ; les acquis en matière de santé sexuelle et reproductive doivent être consolidés.
Selon la Fédération française de cardiologie, la prise en charge d'un infarctus est plus tardive pour les femmes que pour les hommes ; les risques liés aux maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité pour les femmes - ils tuent huit fois plus que le cancer du sein - restent insuffisamment connus. Nous recommandons par conséquent de sensibiliser davantage les professionnels de santé et de mieux informer les femmes et leur entourage. Une association américaine a d'ailleurs lancé une campagne sur ce sujet avec le partenariat de certaines marques de luxe... À quand une grande campagne nationale publique ?
Des progrès peuvent encore être accomplis en matière de prévention du cancer du col de l'utérus : une de nos recommandations en tire les conséquences en matière de dépistage.
Autre risque majeur, l'augmentation du tabagisme féminin, responsable d'une hausse de la mortalité par cancer du poumon. Une prévention précoce est d'autant plus indispensable qu'une femme sur six fumait encore quotidiennement, en 2010, au cours du troisième trimestre de sa grossesse. Nous souhaitons rétablir le suivi expérimental des femmes enceintes consommant régulièrement du tabac, qu'a supprimé la commission des affaires sociales.
En ce qui concerne les violences et plus particulièrement les violences sexuelles, le repérage des victimes par les professionnels de santé peut encore être amélioré, notamment par une meilleure sensibilisation aux aspects juridiques de leur intervention. Nous souhaitons aussi que les associations qui accompagnent les femmes en situation de précarité continuent à être soutenues financièrement.
L'exposition à des substances nocives au cours des périodes prénatale et périnatale et pendant l'adolescence ayant des conséquences tout au long de la vie, nous préconisons le renforcement de l'information des femmes enceintes, des parents et de tous les professionnels en contact avec de jeunes enfants sur la toxicité de certains produits.
Comme aux États-Unis, nous préconisons d'adopter une législation plus contraignante pour lutter contre les stéréotypes masculins et féminins dans les recherches biomédicales et l'exercice de la médecine.
Nous entendons également réintégrer dans le code de la santé publique, à l'article premier, l'objectif de l'égalité entre les hommes et les femmes, les conséquences en étant déclinées jusque dans les essais cliniques et thérapeutiques. L'égalité femmes-hommes passe aussi par la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicains et du groupe du RDSE)
Mme Annick Billon, co-rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Il faut le marteler : en France, 6,7 % des jeunes femmes de 12 à 17 ans ont déjà eu recours une fois à une IVG. Cette situation n'est pas supportable. Il faut renforcer la sensibilisation des jeunes. Les trois séances d'éducation à la sexualité par an dans le secondaire doivent être réellement organisées. Il faut aussi favoriser l'accès des jeunes à une consultation conçue pour eux - ils pourraient se voir proposer un rendez-vous avec l'envoi de leur carte Vitale.
Nous soutenons l'article 3 bis inséré par l'Assemblée, ainsi que la disposition miroir de l'article 31, qui renforcent l'information des femmes sur les méthodes contraceptives.
Aucune disposition ne protège les femmes engagées dans une procréation médicalement assistée (PMA) ; or 23 000 enfants naissent chaque année dans le cadre d'une PMA ; nous préconisons un régime d'autorisation d'absence analogue à celui qui est prévu pour les donneuses d'ovocytes.
Notre rapport retrace également les obstacles non négligeables, essentiellement d'ordre pratique, qui fragilisent en France l'accès à l'IVG et sont à l'origine de disparités sensibles entre les territoires : fermeture de plus de 130 établissements de santé pratiquant des IVG depuis dix ans, manque croissant de moyens et de personnels formés, délais d'attente trop longs. Nous préconisons la mise en place, dans chaque hôpital public, d'un centre pratiquant des IVG. Il faut garantir aux professionnels les moyens nécessaires, dans le respect de la clause de conscience.
Nous regrettons que la commission des affaires sociales ait supprimé plusieurs mesures introduites par l'Assemblée nationale, comme l'extension aux centres de santé de la pratique des IVG instrumentales, l'élaboration d'un plan d'accès à l'IVG par chaque agence régionale de santé ou la suppression du délai de réflexion d'une semaine entre les deux consultations. Pour limiter les délais d'attente, la première demande d'IVG devrait pouvoir être recueillie par un autre professionnel qu'un médecin.
Enfin, l'extension aux sages-femmes de la compétence pour pratiquer des IVG médicamenteuses ne doit pas en faire une option par défaut.
Nous soutenons, cela dit, les dispositions qui consacrent le rôle des sages-femmes parmi les professionnels de santé. Il ne tient qu'à vous, chers collègues, de faire progresser ici la cause des femmes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Mme Catherine Génisson . - Ce projet de loi a pour objet de moderniser notre système de santé pour le rendre plus juste et mieux adapté à la réalité. La France peut s'enorgueillir d'un système de santé parmi les meilleurs du monde, qui innove et la place au troisième rang mondial pour les brevets de recherche biomédicale. Mais son organisation est trop cloisonnée, crispée, hospitalo-centrée, marquée par des inégalités sociales et territoriales. L'espérance de vie d'un ouvrier à 60 ans est inférieure de sept ans à celle d'un cadre.
La prévention, premier pilier du texte, est le socle de notre système : prévention contre les cancers, les pratiques addictives, l'alcoolisme et le tabagisme, les problèmes de nutrition.
Deuxième pilier, le citoyen acteur de sa santé, avec le médecin traitant comme premier correspondant. Le projet de loi donne toute sa place aux soins primaires. La généralisation du tiers payant est une mesure de justice, l'argent ne doit pas être un obstacle à la santé. Nous défendrons le rétablissement de l'article 18.
Les GHT doivent être soutenus, les médecins et la communauté soignante doivent y prendre toute leur place. Les relations entre médecine hospitalière et médecine libérale sont approfondies autour de la notion de parcours de soins ; la lettre de liaison obligatoire à la sortie de l'hôpital est une bonne chose.
Troisième pilier, la démocratie sanitaire. Nous soutenons la modernisation de l'open data, la création d'une action de groupe en matière de santé et le droit à l'oubli.
Toutefois, nous n'avons pas voté le texte réécrit par la commission des affaires sociales qui, malgré un travail de qualité, a supprimé les dispositions en faveur de l'égalité, détricoté le texte, ignorant, par idéologie, les sujets relatifs à l'égalité femmes-hommes, le handicap ou l'environnement.
Par idéologie, la commission des affaires sociales n'a pas voulu supprimer le délai de réflexion d'accès à l'IVG, sous prétexte qu'il s'agissait d'un sujet éthique. Le débat éthique, Simone Veil, l'a mené, avec le soutien de la gauche ! (Applaudissements à gauche) Il ne s'agit ici que de rendre le dispositif plus efficace.
Madame la ministre, nous connaissons votre engagement et votre force de conviction, le groupe socialiste sera à vos côtés pour défendre un texte soutenu par la majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
Mme Aline Archimbaud . - Le groupe écologiste a été très déçu du sort réservé au texte en commission des affaires sociales. Certes, celle-ci a voté le renouvellement automatique de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé pour les titulaires de l'Aspa ou de l'AAH, et a adopté une position ouverte sur les salles de shoot. Mais sous couvert de simplification, elle a modifié en profondeur le sens de ce texte. La lutte contre les inégalités hommes/femmes, le renforcement de la prévention, la santé environnementale sont pourtant des objectifs fondamentaux.
Nous déplorons la disparition du concept d'exposome, les reculs énormes en matière de prévention, les attaques en règle contre l'IVG, la suppression purement idéologique de la généralisation du tiers payant, alors même qu'un groupe de travail réfléchit avec les professionnels à des mesures d'adaptation technique.
Les écologistes ont fait le choix du débat parlementaire et déposé 200 amendements.
Plus de 80 % des dépenses de remboursement d'assurance maladie concernent des maladies chroniques, dont l'apparition ou l'aggravation sont liées au mode de vie ou à la pollution. Si les politiques de santé ne s'adaptent pas rapidement, le pire est à craindre. Le surcoût sur 20 ans équivaut à quatre fois la dette de l'assurance maladie.
Nous proposons de renforcer la prévention, de combattre les inégalités sociales, de généraliser le tiers payant, le droit à l'oubli, de parler de santé environnementale et de lutte contre les perturbateurs endocriniens, les particules fines, les pesticides ; de soutenir la médecine scolaire, la promotion du sport, d'intensifier la lutte contre les conflits d'intérêt et pour la transparence de la fixation des prix des médicaments.
D'autres groupes ont déposé des amendements qui vont dans notre sens. Nous espérons que le débat ne sera pas l'objet de positions partisanes ou idéologiques. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Laurence Cohen . - En considérant la santé comme un bien de consommation, on a affaibli notre système de santé publique. Ce texte, hélas, ne répond pas aux enjeux actuels.
Je commencerai cependant par les mesures maintenues par la commission et qui nous paraissent aller dans le bon sens : prévention, accès à la contraception d'urgence, lutte contre l'alcoolisation massive des jeunes ou le tabagisme. Elles porteront leurs fruits si les moyens suivent. Nous nous félicitons aussi qu'un consensus politique ait été trouvé, du moins en commission, sur les salles de consommation à moindre risque ou sur les centres de santé, dont le rôle est sous-estimé. Nous regrettons, en revanche, la suppression systématique des rapports, alors que l'article 40 de la Constitution limite déjà fortement l'initiative parlementaire. Nous déplorons aussi que la commission ait refusé de généraliser le tiers payant. Mais la seule mesure qui réduirait vraiment les renoncements aux soins est le remboursement à 100 % par la sécurité sociale pour les lunettes et des prothèses par exemple.
La commission des affaires sociales s'est réfugiée derrière la loi bioéthique pour maintenir le délai de réflexion pour une IVG. Pourtant voilà quarante ans qu'elle existe grâce à la lutte des femmes et au courage de Mme Veil !
Madame la ministre, pourquoi ne pas être revenue sur la loi HPST qui a causé tant de dommages à notre système ? Vous la combattiez naguère. Pourquoi privilégier sa logique financière sur la logique médicale à travers le pouvoir des ARS et des directeurs d'hôpitaux ? Après les mégapoles, voici les méga-hôpitaux des GHT. Où est la volonté de réduire les inégalités territoriales ? La démocratie sanitaire ? La proximité ?
La situation des hôpitaux ne cesse de se dégrader. Nous proposons de supprimer la T2A, les franchises, le forfait hospitalier, les exonérations de cotisations sociales. Une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises dégagerait 41 milliards pour la branche maladie, 26 pour les retraites, 16 pour la famille.
Le carcan financier ne doit pas être la seule boussole du Gouvernement. Nous entendons construire une vraie politique de santé, ambitieuse, qui réponde aux besoins de tous sur tous les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Gilbert Barbier . - Mme Neuville a déclaré, lors d'un débat tenu dans cet hémicycle à l'initiative de notre groupe, que le Gouvernement comptait sur l'Assemblée nationale et le Sénat pour améliorer ce projet de loi. Nous y sommes ! Toutefois ce texte ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. La procédure accélérée n'est pas satisfaisante pour un tel texte. La commission des affaires sociales a dû travailler dans la précipitation en juillet. De même en séance, nous voilà aux 35 heures, soit 30 amendements à l'heure... Les professionnels de santé ont tous déploré le manque de concertation et d'écoute. Votre absence au congrès de la CSMF ce week-end est regrettable.
Avec la généralisation du tiers payant, votre hobby horse, vous espérez vous mettre l'opinion publique dans la poche. La gratuité des soins, quelle aubaine, quelle conquête sociale ! Pourtant les Français ne réclament pas tant le tiers payant généralisé que d'avoir accès aux avancées de la médecine. Vous mettez à bas la médecine générale, pourtant à la base de notre organisation depuis un siècle, système fondé sur la liberté et la confiance. Attenter à la liberté des uns, c'est faire disparaître celle des autres. Le carcan que vous proposez aboutira à une médecine étatisée, vouée à l'échec comme l'ont montré les expériences à l'étranger. Votre obstination sur le sujet occultera les quelques avancées intéressantes du texte, notamment en matière de prévention, même s'il serait bienvenu de distinguer objectifs et priorités.
Rien sur l'hospitalisation publique. Une refonte de la loi de 1970 est pourtant urgente. Rien sur le numerus clausus, ou sur la CCAM, échecs patents.
Mieux prévenir, mieux soigner, tel devrait être notre objectif ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. David Rachline . - Si le système de santé français fait notre fierté, c'est par les hommes et les femmes qui y travaillent plus que par son organisation et son financement. Comme tout bon projet de loi socialiste, celui-ci comporte des mesures idéologiques, qui étatisent notre système sanitaire ou participent à la perte de repères normaux de notre jeunesse. (Protestations sur les bancs socialistes) Heureusement, les soixante-huitards sont sur le déclin. (Même mouvement) ... manifestement, ils se sont reconnus !
Il conviendrait plutôt de responsabiliser les patients, car la santé a un coût. La générosité pour tous, avec l'argent de l'État conduit au gaspillage.
Mme Catherine Génisson. - Ce n'est pas l'argent de l'État !
M. David Rachline. - La généralisation du tiers payant n'est pas souhaitable. Les mêmes qui rechignent à avancer les frais détiennent souvent le dernier portable à la mode, quand ce n'est pas une BMW ! (Même mouvement)
Mme Claudine Lepage. - Caricatural !
M. David Rachline. - Vous ne cessez d'infantiliser les Français.
Nous appelons enfin à mettre en place un délai de carence d'un an pour les étrangers, et à limiter l'Aide médicale de l'État (AME) aux cas d'urgence vitale. Réclamons plutôt aux étrangers, comme au roi d'Arabie Saoudite si soucieux de masculiniser nos plages, les sommes qu'ils nous doivent. (Vives protestations sur les bancs socialistes)
Mme Corinne Imbert . - Je veux adresser un message d'amitié à M. Savary, victime d'un accident, dont le travail a été indispensable, tant en commission que pour notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Ce projet de loi, lui aussi, est convalescent : la majorité sénatoriale a soigné ce grand corps malade... Comme à l'accoutumée, ce texte est un fourre-tout, qui étatise et bureaucratise notre système de santé.
Les dispositions initiales et le mépris affiché par le ministère ont suscité un tollé.
Sur la prévention, certaines dispositions nous conviennent. Mais les nouvelles missions dévolues à l'école sont de pur affichage. De même de l'interdiction de la publicité sur l'alcool, que l'amendement de M. César à la loi Macron ne remettait pas en cause.
En incitant à manger « vert » plutôt que « rouge », on éviterait l'obésité ? Nous n'y croyons pas.
Quant aux mannequins, il est bon qu'ils bénéficient régulièrement du regard expert des médecins du travail ; imposer l'IMC comme unique critère sera inefficace !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Très bien !
Mme Corinne Imbert. - Le paquet de cigarettes neutre ne ferait qu'encourager le marché noir et asphyxier les buralistes, qui restent parmi les rares commerces de nos territoires. Pourquoi surtransposer encore le droit européen ? Travaillons plutôt à l'harmonisation des tarifs au sein de l'Union.
La commission des affaires sociales a souhaité maintenir l'expérimentation des salles de shoot ; nous proposerons de mieux informer les maires et resterons vigilants.
Nous avons constaté non sans surprise que des mesures avaient été introduites ici pour faciliter l'IVG. Nous ne contestons pas toujours leur teneur mais elles ont leur place dans une loi de bioéthique.
Avec ce projet de loi, les ARS deviennent des monstres bureaucratiques entravant la liberté des médecins. (On le conteste sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Le public et le privé sont complémentaires, et l'on doit reconnaître que ce dernier joue aussi un rôle de service public !
Mme Catherine Génisson. - C'est fait !
Mme Corinne Imbert. - Quant aux centres de santé, bienvenus, souvenons-nous toujours que ce ne sont pas les dispositifs qui soignent mais les professionnels de santé...
L'accès aux soins doit être structuré, les mesures introduites en commission sont judicieuses. Supprimer la permanence des soins ambulatoires comme l'ont fait certaines ARS va à l'encontre de l'objectif poursuivi ; préservons la médecine libérale, refusons l'instauration d'un système de praticiens « commis d'office ».
Injonction a déjà été faite aux responsables de créer des GHT avant même le vote de la loi et l'élaboration d'un projet commun. Vous anticipez, madame la ministre ! En toute hypothèse, ces projets doivent être partagés, et non imposés par les ARS.
Un développement trop rapide de la pharmacie numérique pourrait encourager la mise sur le marché de faux médicaments, business plus lucratif que le trafic de drogues.
La généralisation du tiers payant est déraisonnable. C'est par la télémédecine et les nouveaux moyens technologiques plutôt, que nous irons vers l'équité. Étatiser la médecine obligera à relever le numerus clausus. Nous sommes pour une complémentarité entre médecine hospitalière et libérale. Vous remettez en cause la liberté d'installation des médecins et la liberté de choix des patients. Jeu dangereux qui promet une médecine à deux vitesses !
« Existe-t-il pour l'homme un bien plus précieux que la santé ? » demandait Socrate. Madame la ministre, ne désespérez pas les professionnels de santé et souvenez-vous de l'adage bien connu des étudiants en médecine : « Avant tout, ne pas nuire ! ». Madame la ministre, ne nuisez pas à notre système de santé ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Gérard Roche . - Ce projet de loi est le fruit d'un travail de co-législation, à chaque étape de la procédure, et nous abordons cette discussion dans un esprit constructif.
Développement de la prévention, amélioration de l'accès aux soins et du parcours de soins, ces orientations sont louables, mais émaillées de dispositions qui n'ont rien à faire ici. Les députés ont fait quadrupler le volume du texte... Il fallait donc un juge de paix, c'est notre commission des affaires sociales.
Le projet de loi est désormais plus équilibré, la commission ayant préservé bien des apports de l'Assemblée nationale. En matière de prévention, de nombreux sujets sont abordés : tabagisme, anorexie, obésité, cabines de bronzage... Les addictologues ont convaincu certains des parlementaires réticents de l'utilité des salles de shoot.
Mme Catherine Procaccia. - Pas tous !
M. Gérard Roche. - Attention toutefois à ne pas sur-transposer les directives européennes, que ce soit sur les paquets neutres ou le bisphénol A.
Lettres de gestion, dossier médical personnalisé, réinscription du service public hospitalier dans la loi, tout cela va dans le bon sens.
La réorganisation territoriale des services de soins, indispensable, doit se faire en collaboration avec les élus et les praticiens. Or les GHT commencent déjà à se constituer, avant le vote de la loi !
Quant à la généralisation du tiers payant, nous y sommes favorables pour les plus modestes - et sans doute pourrions-nous élargir le champ des bénéficiaires - mais on ne saurait banaliser les actes médicaux. Ne favorisez pas la bobologie qui plombe l'activité médicale !
La question de l'accès aux soins est bien plus importante et plusieurs mesures sont ici fort encourageantes. Sur la délégation d'actes, il faudra aller plus loin.
Quant aux déserts médicaux, la commission a ouvert des pistes, certains de nos collègues sont favorables à des solutions plus contraignantes. N'oublions pas que le généraliste est la porte d'accès au parcours de soins ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yves Daudigny . - Ce projet de loi s'inscrit dans un contexte de transformations majeures de notre système de santé. Madame la ministre, vous étiez récemment à l'inauguration d'un des pôles de l'Institut de recherche en génétique « Imagine » ; l'excellence de notre recherche médicale ne se dément pas. Le Gouvernement y prend sa part, puisqu'il finance plusieurs projets de grande ampleur par le biais du deuxième programme d'investissements d'avenir.
Il est de la responsabilité de l'État d'assurer l'accès de tous à la santé. La consolidation des comptes sociaux en est la condition ; elle est en bonne voie. Souvenez-vous : en 2009, lors de l'adoption de la loi HPST, combien les perspectives étaient sombres...
Ce projet de loi entend répondre à l'impératif catégorique de justice sociale. Si l'état de santé en France est globalement bon, les disparités sont fortes entre les territoires et les catégories sociales. Le refus de la généralisation du tiers payant est un déni de réalité.
Ce projet de loi fait de la prévention le socle de notre politique de santé, structure le parcours de soins, réorganise la gouvernance de notre système, introduit l'action de groupe en matière de santé et le droit à l'oubli ; toutes choses que les Français attendent. La commission a d'ailleurs voté une centaine d'articles sans modification ou presque. Que de caricatures, pourtant, sur les salles de consommation à moindre risque et le délai de réflexion pour l'IVG ! Certains, il est vrai, réclamaient naguère le rétablissement de la pénalisation de l'auto-avortement...
M. Alain Milon, co-rapporteur. - Ce n'étaient pas les mêmes !
M. Yves Daudigny. - Le projet de loi du Gouvernement mérite d'être soutenu dans sa globalité. Nous vous suivrons, madame la ministre, pour la justice et la république sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je n'entrerai pas en cet instant dans le détail de la discussion. Les 75 heures de débat prévues - mon décompte n'est pas le vôtre, monsieur Barbier - nous en laisseront tout le loisir.
Merci à Mme Génisson, à M. Daudigny, ainsi qu'à Mme Archimbaud, qui ont souligné le caractère structurant de bien des mesures. Soutenir, monsieur Bas, que la généralisation du tiers payant, le paquet neutre, la suppression du délai de réflexion pour l'IVG, l'action de groupe n'ont pas de caractère normatif est un peu osé ! Pour ma part, j'assume tout à fait la différence de nos approches. Il ne suffit pas de dire à la tribune que l'on est favorable à la prévention, encore faut-il s'en donner les moyens.
Je le dis avec force : je crois en la responsabilité de chacun. Mais où est la responsabilité d'un gamin de 12 ans qui commence à fumer pour faire comme ses copains de collège et devient dépendant ? Où est la responsabilité de ceux qui n'ont accès qu'à des informations incompréhensibles sur les paquets alimentaires ? La puissance publique doit faire en sorte que chacun puisse s'informer.
La page de la loi HPST est tournée - sauf à remettre en cause, comme le fait la commission, la notion de service public hospitalier ou les communautés professionnelles territoriales.
Le président de la République nous a assigné ce matin, à Chalon-sur-Saône, des objectifs encore plus ambitieux pour ce qui est des maisons de santé, de l'installation des médecins et de la formation des correspondants du Samu : c'est que notre politique porte ses fruits plus tôt que prévu.
Les uns parlent d'étatisation, les autres réclament que l'on impose aux médecins leur lieu d'installation : je laisse à l'opposition ses contradictions. Les GHT, madame Cohen, sauveront les hôpitaux de proximité, en les articulant avec de plus grands. C'est ainsi que nous ferons prévaloir le projet médical sur la logique financière.
Ne pas nuire, madame Imbert ? Je vous citerai Nietzsche : « la plus perfide façon de nuire à une cause est de la défendre intentionnellement avec de mauvaises raisons ». (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain)
La discussion générale est close.
Rappel au Règlement
Mme Éliane Assassi . - Je déplore le déséquilibre de cette discussion générale : les groupes politiques ont eu droit à une heure, les rapporteurs à une heure et quart. J'y reviendrai en Conférence des présidents.
M. le président. - Cela avait été adopté lors de la précédente Conférence des présidents.
Mme Éliane Assassi. - Pas pour ce qui concerne les rapporteurs.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Élisabeth Doineau, co-rapporteur . - J'aurais manié, à cet article, les ciseaux de la censure ? La commission a voulu faire preuve de sobriété législative, écartant les dispositions redondantes ou sans portée. Il s'agit ici de définir de manière synthétique les finalités de notre politique de santé et ses principes généraux de mise en oeuvre et d'évaluation. Nous donnerons un avis défavorable aux amendements revenant de façon importante sur notre rédaction.
M. François Commeinhes . - Cet article premier pose le principe de la responsabilité de l'État dans la conduite de notre politique de santé. Or le texte de l'Assemblée nationale reposait sur une contradiction : étatisation d'un côté, montée en puissance des complémentaires de l'autre... Je salue le bon sens de la commission, mais le chemin est encore long et je vous soumettrai plusieurs amendements. Un État qui prend des décisions pour des intérêts particuliers et non pour l'intérêt général, qui sait mieux que les patients et les médecins ce qui est bon pour eux-mêmes, voilà votre philosophie, madame la ministre, mais nos concitoyens sont attachés à la liberté ! Un débat digne de ce nom s'impose.
Mme Aline Archimbaud . - Cet article a été heureusement complété à l'Assemblée nationale. Hélas, notre commission des affaires sociales a opté brutalement pour un texte nouveau, « non négociable », qui écarte les questions de l'environnement, de l'égalité homme-femme, de la prévention, du sport... Il ne s'agit pas de redondances, mais de principes fondamentaux !
M. Jacques Cornano . - Hasard de calendrier, ce texte est examiné alors que Monsanto vient d'être condamné pour la toxicité d'un de ses pesticides.
Ce projet de loi ne comporte pas de volet sur l'outre-mer, ce que je regrette. Or le président de la République entendait lutter contre les déserts médicaux, accélérer la mise en oeuvre du plan santé outre-mer, remettre à plat le financement des établissements et répondre à leurs besoins en équipement... Les Guadeloupéens méritent une couverture sanitaire digne de ce nom. Or, désormais, les patients sont emmenés en hélicoptère à Pointe-à-Pitre...
Fin août, la tempête Erika a fait trente-sept morts dans les Caraïbes. Et c'est sans parler de la pollution au gaz issu de la putréfaction des algues - l'exposition récurrente a augmenté sensiblement le nombre de consultations - et les maladies tropicales comme la dengue et le chikungunya.
M. le président. - Amendement n°686, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Annie David. - En commission des affaires sociales nos amendements ont été rejetés sans discussion.
Cet article premier est la colonne vertébrale du projet de loi. Tel que récrit par la commission des affaires sociales, il rompt avec notre conception du système de santé public, poursuivant la logique de la loi HPST de privatisation de la santé. On fait croire que le problème essentiel du système de santé serait lié à ses dépenses abyssales. Pour nous, il faut partir des besoins des patients, et mettre la démocratie au coeur du système ! Alors que la santé est la deuxième préoccupation principale des Français, nous refusons de définir les objectifs de notre système sanitaire en ces termes financiers et réducteurs.
Mme Élisabeth Doineau, co-rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Le Gouvernement entend à cet article fixer un cadre, affirmer le rôle majeur de la prévention, préciser les rôles respectifs des acteurs et détailler les modalités d'évaluation de notre politique de santé.
Cet article est fondamental. Le supprimer est donc impensable pour le Gouvernement : avis défavorable.
M. Alain Milon, co-rapporteur. - La commission des affaires sociales a modifié la rédaction de cet article par nécessité et non par plaisir. En outre, rien ne vous empêchait de défendre votre position en commission.
Mme Laurence Cohen. - Ainsi réécrit par la commission des affaires sociales, l'article change les orientations données au texte... Or tous nos amendements de repli, toutes nos propositions sur l'égalité hommes-femmes, sur la place des personnes handicapées et des ayants-droit ont été repoussés en commission. Nous maintenons donc cet amendement.
Mme Aline Archimbaud. - Je partage les critiques du groupe communiste, républicain et citoyen, tout en m'opposant à leur amendement : par précaution, ne sachant pas ce que la suite de la discussion donnera, conservons un article premier fixant des orientations. Ainsi nous pourrons l'amender.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Notre amendement à venir restaure la rédaction issue de l'Assemblée nationale...
Mme Élisabeth Doineau, co-rapporteur. - Nos visions des orientations générales du texte diffèrent, sans doute. Je respecte tous les amendements ici déposés, mais j'y demeurerai défavorable, ainsi qu'il en a été convenu avec les co-rapporteurs.
L'amendement n°686 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°456 rectifié, présenté par Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et républicain.
Rédiger ainsi cet article :
A. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
I. - Le livre IV de la première partie est ainsi modifié :
1° À la fin de l'intitulé du chapitre Ier du titre Ier, le mot : « publique » est supprimé ;
2° L'article L. 1411-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-1. - La Nation définit sa politique de santé afin de garantir le droit à la protection de la santé de chacun.
« La politique de santé relève de la responsabilité de l'État.
« Elle tend à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé, l'amélioration de l'état de santé de la population, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et l'égalité entre les femmes et les hommes et à garantir la meilleure sécurité sanitaire possible et l'accès effectif de la population à la prévention et aux soins. Elle est conduite dans le cadre d'une stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. La stratégie nationale de santé détermine, de manière pluriannuelle, des domaines d'action prioritaires et des objectifs d'amélioration de la santé et de la protection sociale contre la maladie. Un volet de la stratégie nationale de santé détermine les priorités de la politique de santé de l'enfant.
« La politique de santé comprend :
« 1° La surveillance et l'observation de l'état de santé de la population et l'identification de ses principaux déterminants, notamment ceux liés à l'éducation et aux conditions de vie et de travail. L'identification de ces déterminants s'appuie sur le concept d'exposome, entendu comme l'intégration de l'ensemble des expositions pour la vie entière. L'analyse des risques pour la santé de la population prend en compte l'ensemble de l'exposome, c'est-à-dire l'ensemble des facteurs non génétiques qui peuvent influencer la santé humaine ;
« 2° La promotion de la santé dans tous les milieux de vie, notamment dans les établissements d'enseignement et sur le lieu de travail, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et la réduction des risques pour la santé liés à l'alimentation, à des facteurs d'environnement et aux conditions de vie susceptibles de l'altérer ;
« 3° La prévention collective et individuelle, tout au long de la vie, des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d'autonomie, notamment par la définition d'un parcours éducatif de santé de l'enfant, par l'éducation pour la santé et par le développement de la pratique régulière d'activités physiques et sportives à tous les âges ;
« 4° L'animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile mentionnée à l'article L. 2111-1 ;
« 5° L'organisation des parcours de santé. Ces parcours visent, par la coordination des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, en lien avec les usagers et les collectivités territoriales, à garantir la continuité, l'accessibilité, la qualité, la sécurité et l'efficience de la prise en charge de la population ;
« 6° La prise en charge collective et solidaire des conséquences financières et sociales de la maladie, de l'accident et du handicap par le système de protection sociale ;
« 7° La préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires ;
« 8° La production, l'utilisation et la diffusion des connaissances utiles à son élaboration et à sa mise en oeuvre ;
« 9° La promotion des activités de formation, de recherche et d'innovation dans le domaine de la santé ;
« 10° L'adéquation entre la formation initiale des professionnels de santé et leurs exercices ultérieurs en responsabilité propre ;
« 11° L'information de la population et sa participation, directe ou par l'intermédiaire d'associations, aux débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires et aux processus d'élaboration et de mise en oeuvre de la politique de santé.
« La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes en situation de handicap et de leurs aidants familiaux. Elle tend à assurer l'accès effectif de la population à la prévention et aux soins et concourt à l'objectif d'équité territoriale. À cet effet, elle tient compte des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières.
« Préalablement à son adoption ou à sa révision, le Gouvernement procède à une consultation publique sur les objectifs et les priorités du projet de stratégie nationale de santé.
« Tout projet de réforme portant sur la politique de santé, à l'exclusion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de finances, envisagé par le Gouvernement fait l'objet d'une concertation préalable avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, l'Union nationale des professionnels de santé et l'organisation représentative des associations des usagers agréées conformément à l'article L. 1114-1 du présent code. La composition et le fonctionnement de l'organisation représentative des associations des usagers agréées sont déterminés par décret en Conseil d'État.
« La stratégie nationale de santé fait l'objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, d'un suivi annuel et d'une évaluation pluriannuelle, dont les résultats sont rendus publics. » ;
3° L'article L. 1411-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-1-1. - Les actions de promotion de la santé reposent sur la concertation et la coordination de l'ensemble des politiques publiques pour favoriser à la fois le développement des compétences individuelles et la création d'environnements physiques, sociaux et économiques favorables à la santé. Des actions tendant à rendre les publics-cibles acteurs de leur propre santé sont favorisées. Elles visent, dans une démarche de responsabilisation, à permettre l'appropriation des outils de prévention et d'éducation à la santé. » ;
4° L'article L. 1411-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-2. - Les organismes gestionnaires des régimes d'assurance maladie concourent à la mise en oeuvre de la politique de santé et des plans et programmes de santé qui en résultent, dans le cadre de leurs compétences et dans le respect des conventions les liant à l'État.
« Ils poursuivent les objectifs, définis par l'État et déclinés par les agences régionales de santé, visant à garantir la continuité, la coordination et la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu'une répartition territoriale homogène de l'offre de services de prévention et de soins. » ;
5° Après le mot : « lors », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 1411-3 est ainsi rédigée : « de l'élaboration de la stratégie nationale de santé. » ;
6° L'article L. 1411-4 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° De contribuer à l'élaboration, au suivi annuel et à l'évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé ; »
b) Après le 3° , il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° De contribuer à l'élaboration d'une politique de santé de l'enfant globale et concertée. » ;
7° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par un article L. 1411-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-9. - Les services de santé mentionnés à l'article L. 1411-8 contribuent, chacun dans le cadre des missions qui lui sont imparties, à la politique de santé définie à l'article L. 1411-1. » ;
8° Au premier alinéa du 1° de l'article L. 1431-2, les mots : « publique définie en application des articles L. 1411-1-1 et L. 1411-2 » sont remplacés par les mots : « définie en application des articles L. 1411-1 et L1411-1-1 ».
II. - L'article L. 2111-1 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Des actions de prévention et d'information sur les risques pour la santé liés à des facteurs d'environnement, sur la base du concept d'exposome. »
B. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
I. - Les troisième et quatrième alinéas du I de l'article L. 111-2-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« En partenariat avec les organisations représentatives des professionnels de santé et les associations agréées en application de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique, les organismes gestionnaires des régimes d'assurance maladie concourent, dans les conditions prévues à l'article L. 1411-2 du même code, à la mise en oeuvre de la politique nationale de santé définie par l'État. »
II. - Après le mot : « des », la fin du treizième alinéa de l'article L. 161-37 est ainsi rédigée : « domaines d'action prioritaires et des objectifs de la stratégie nationale de santé mentionnée à l'article L. 1411-1-1 du code de la santé publique. »
III. - Au premier alinéa de l'article L. 182-2, les mots : « publique et » sont remplacés par les mots : « et des plans et programmes de santé qui en résultent ainsi que ».
Mme Evelyne Yonnet. - Cet amendement rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale.
Le concept d'exposome, notamment, est fondamental. La rédaction de la commission des affaires sociales n'est pas de clarification, mais d'élagage...
Le concept de prévention partagée est également clé pour rendre notre politique efficace.
M. le président. - Amendement n°857, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la fin de l'intitulé du chapitre Ier du titre Ier, le mot : « publique » est supprimé ;
2° L'article L. 1411-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-1. - La Nation définit sa politique de santé afin de garantir le droit à la protection de la santé de chacun.
« La politique de santé relève de la responsabilité de l'État.
« Elle tend à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé, l'amélioration de l'état de santé de la population, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et l'égalité entre les femmes et les hommes et à garantir la meilleure sécurité sanitaire possible et l'accès effectif de la population à la prévention et aux soins. Elle est conduite dans le cadre d'une stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. La stratégie nationale de santé détermine, de manière pluriannuelle, des domaines d'action prioritaires et des objectifs d'amélioration de la santé et de la protection sociale contre la maladie. Un volet de la stratégie nationale de santé détermine les priorités de la politique de santé de l'enfant.
« La politique de santé comprend :
« 1° La surveillance et l'observation de l'état de santé de la population et l'identification de ses principaux déterminants, notamment ceux liés à l'éducation et aux conditions de vie et de travail. L'identification de ces risques s'appuie sur le concept d'exposome, entendu comme l'intégration de l'ensemble des expositions pour la vie entière. L'analyse des risques pour la santé de la population prend en compte l'ensemble de l'exposome, c'est-à-dire l'ensemble des facteurs non génétiques qui peuvent influencer la santé humaine ;
« 2° La promotion de la santé dans tous les milieux de vie, notamment dans les établissements d'enseignement et sur le lieu de travail, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et la réduction des risques pour la santé liés à des facteurs d'environnement et aux conditions de vie susceptibles de l'altérer ;
« 3° La prévention collective et individuelle des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d'autonomie, notamment par la définition d'un parcours éducatif de santé de l'enfant, par l'éducation pour la santé tout au long de la vie et par le développement de la pratique régulière d'activités physiques et sportives à tous les âges ;
« 4° L'animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile mentionnée à l'article L. 2111-1 ;
« 5° L'organisation des parcours de santé. Ces parcours visent, par la coordination des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, en lien avec les usagers, à garantir la continuité, l'accessibilité, la qualité, la sécurité et l'efficience de la prise en charge de la population ;
« 6° La prise en charge collective et solidaire des conséquences financières et sociales de la maladie, de l'accident et du handicap par le système de protection sociale ;
« 7° La préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires ;
« 8° La production, l'utilisation et la diffusion des connaissances utiles à son élaboration et à sa mise en oeuvre ;
« 9° La promotion des activités de formation, de recherche et d'innovation dans le domaine de la santé ;
« 10° L'adéquation entre la formation initiale des professionnels de santé et leurs exercices ultérieurs en responsabilité propre ;
« 11° L'information de la population et sa participation, directe ou par l'intermédiaire d'associations, aux débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires et aux processus d'élaboration et de mise en oeuvre de la politique de santé.
« La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes en situation de handicap et de leurs aidants familiaux. Elle tend à assurer l'accès effectif de la population à la prévention et aux soins et concourt à l'objectif d'équité territoriale. À cet effet, elle tient compte des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières.
« Préalablement à l'adoption ou à la révision de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement procède à une consultation publique, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État. Cette consultation porte sur les objectifs et les priorités du projet de stratégie nationale de santé.
« Tout projet de réforme portant sur la politique de santé, à l'exclusion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de finances, envisagé par le Gouvernement fait l'objet d'une concertation préalable avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, l'Union nationale des professionnels de santé et l'organisation représentative des associations des usagers agréées conformément à l'article L. 1114-1. La composition et le fonctionnement de l'organisation représentative des associations des usagers agréées sont déterminés par décret en Conseil d'État.
« La stratégie nationale de santé fait l'objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, d'un suivi annuel et d'une évaluation pluriannuelle, dont les résultats sont rendus publics. » ;
3° L'article L. 1411-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-1-1. - Les actions de promotion de la santé reposent sur la concertation et la coordination de l'ensemble des politiques publiques pour favoriser à la fois le développement des compétences individuelles et la création d'environnements physiques, sociaux et économiques favorables à la santé. » ;
4° L'article L. 1411-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-2. - Les organismes gestionnaires des régimes d'assurance maladie concourent à la mise en oeuvre de la politique de santé et des plans et programmes de santé qui en résultent, dans le cadre de leurs compétences et dans le respect des conventions les liant à l'État. » Ils poursuivent les objectifs, définis par l'État et déclinés par les agences régionales de santé, visant à garantir la continuité, la coordination et la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu'une répartition territoriale homogène de l'offre de services de prévention et de soins. » ;
5° Après le mot : « lors », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 1411-3 est ainsi rédigée : « de l'élaboration de la stratégie nationale de santé. » ;
6° L'article L. 1411-4 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° De contribuer à l'élaboration, au suivi annuel et à l'évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé ; »
b) Après le 3° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° De contribuer à l'élaboration d'une politique de santé de l'enfant globale et concertée. » ;
7° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par un article L. 1411-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-9. - Les services de santé mentionnés à l'article L. 1411-8 contribuent, chacun dans le cadre des missions qui lui sont imparties, à la politique de santé définie à l'article L. 1411-1. » ;
8° Au premier alinéa du 1° de l'article L. 1431-2, les mots : « publique définie en application des articles L. 1411-1-1 et L. 1411-2 » sont remplacés par les mots : « définie en application de l'article L. 1411-1 ».
II. - L'article L. 2111-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Des actions de prévention et d'information sur les risques pour la santé liés à des facteurs d'environnement, sur la base du concept d'exposome. »
III. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les troisième et quatrième alinéas du I de l'article L. 111-2-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« En partenariat avec les organisations représentatives des professionnels de santé et les associations agréées en application de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique, les organismes gestionnaires des régimes d'assurance maladie concourent à la mise en oeuvre de la politique nationale de santé définie par l'État, dans les conditions prévues à l'article L. 1411-2 du même code. » ;
2° Après le mot : « des », la fin du treizième alinéa de l'article L. 161-37 est ainsi rédigée : « domaines d'action prioritaires et des objectifs de la stratégie nationale de santé mentionnée à l'article L. 1411-1 du code de la santé publique. » ;
3° Au premier alinéa de l'article L. 182-2, les mots : « publique et » sont remplacés par les mots : « et des plans et programmes de santé qui en résultent ainsi que ».
Mme Aline Archimbaud. - Cet amendement est analogue.
Mme Élisabeth Doineau. - Élagage ? Peut-être, mais nous avons tenté de conserver l'essentiel, qui était caché par des dispositions trop touffues...
Mme Marisol Touraine, ministre. - Les amendements rétablissent en effet des précisions utiles. Avis favorable à l'amendement n°456 rectifié ; retrait de l'amendement n°857, moins complet, à son profit ?
L'amendement n°857 est retiré.
À la demande de la commission des affaires sociales, l'amendement n°456 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°239 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l'adoption | 136 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°77 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Karoutchi et Mayet, Mme Hummel, M. Houel, Mme Mélot, MM. Calvet et Charon et Mme Deromedi.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1411-1. - Pour mettre en oeuvre la politique de santé et assurer l'équilibre de l'offre de soins dans les territoires, la Nation s'appuie sur les établissements de santé publics et privés ainsi que sur les professionnels de santé libéraux.
M. François Commeinhes. - Il convient de réécrire cet alinéa de façon plus ouverte pour rappeler l'association de tous les acteurs à la mise en oeuvre de la politique de santé de la Nation. Il s'agit de renforcer la cohésion de notre système de santé, de favoriser l'efficacité de la réponse aux besoins de l'ensemble de la population, tout en garantissant la liberté de choix, caractéristique première de notre organisation.
Mme Élisabeth Doineau, co-rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Même avis.
L'amendement n°77 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°687, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 4
Supprimer les mots :
au meilleur coût
M. Dominique Watrin. - Contrairement à ce qu'affirme la mention que nous proposons supprimer de cet alinéa, la politique de santé ne vise pas à assurer prioritairement l'amélioration de la santé de chacun « au meilleur coût ». Certes, l'argent public doit être bien utilisé, mais l'expression « meilleur coût » peut justifier la fermeture de services de proximité.
Au groupe CRC, nous avons toujours refusé que s'impose, en matière de protection sociale, la logique comptable, au détriment des principes d'égalité et de solidarité que nous défendons.
M. le président. - Amendement identique n°908, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Mme Aline Archimbaud. - C'est le même. Mieux gérer l'argent public, oui, mais promouvoir la recherche du « meilleur coût » est ambigu. Nous discutons d'un projet de loi de santé publique, avec la bienveillance à l'égard des personnes que cela suppose. Ne culpabilisons pas les patients !
Mme Élisabeth Doineau, co-rapporteur. - Le meilleur coût n'est pas le moindre coût... Cette expression, suggérée par des professeurs de médecine, n'est nullement culpabilisante.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Avis favorable. Nous sommes, au Gouvernement, très soucieux de la bonne utilisation des deniers publics et j'y suis, personnellement, très attentive.
Entre 2011 et 2013, le déficit de la sécurité sociale est passé de 21 milliards d'euros à 13 milliards, nous n'avons donc aucune leçon de bonne gestion à recevoir. Mais il reste que l'objectif principal du système de santé est de répondre aux besoins de la population.
À la demande de la commission, les amendements identiques n°687 et 908 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°240 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 155 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - La commission devant se réunir pour examiner des amendements, je vous propose de suspendre la séance. (Assentiment)