Règlement du budget 2014 (Procédure accélérée - Nouvelle lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Ce projet de loi de règlement nous revient en nouvelle lecture car la majorité sénatoriale l'a rejeté en première lecture, option courante depuis 2013... Avant cette date, il faut remonter à la loi de règlement du budget de 1998 pour retrouver un rejet d'un tel texte - ce qui ne fait pas sens. En effet, ses quatre premiers articles constatent l'exécution du budget pour 2014, ainsi que le prévoyait la Lolf et la loi organique du 17 décembre 2012. L'article liminaire présente le déficit nominal vérifié par l'Insee, et le déficit structurel dont le calcul a été validé par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). L'article premier présente le montant des dépenses, des recettes et du solde, l'article 2 les modalités de financement de l'État avec les recettes et charges de trésorerie, l'article 3 les comptes de l'État tels qu'ils ont été certifiés par la Cour des comptes.
Les articles suivants procèdent à des régularisations classiques postérieures à la clôture. Les articles 4, 5 et 6 procèdent à des ajustements mineurs sur chaque programme, sur les budgets annexes et les comptes spéciaux. Il s'agit seulement d'opérations de régulation comptable.
Sur l'exécution du budget 2014, nous avons eu des débats nourris, et pouvons en avoir encore. Mais ce texte reste un constat factuel : il n'y a pas de raisons de le rejeter. Je vous propose ainsi, à nouveau, de ne pas laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale et de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - Vous nous tentez, monsieur le ministre ! Mais nous ne vous suivrons pas. Certes, la loi de règlement est une photocopie de l'exécution budgétaire pour 2014. Mais que révèle-t-elle ? Les moindres recettes fiscales... mais aussi les résultats de la politique économique du Gouvernement, que nous ne sommes pas tenus d'approuver. Pour la première fois depuis 2009, le déficit budgétaire est reparti à la hausse, note la Cour des comptes... L'endettement croît également, il dépasse cette année 2 000 milliards d'euros. Maîtrise des dépenses, sans doute, mais au prix de certains artifices budgétaires, je songe au programme des investissements d'avenir. Pour toutes ces raisons, la commission des finances a décidé de proposer le rejet de ce texte.
M. Yvon Collin . - Après l'échec de la CMP, nous réexaminons le projet de loi de règlement du budget et des comptes de l'année 2014 dans les mêmes termes. Nous regrettons le peu de temps passé sur ces questions relatives à la réalité du budget, en commission comme en séance. Car ce serait l'occasion de mesurer l'écart à la prévision et de réfléchir sur ces erreurs.
L'année 2014 a été la troisième consécutive de croissance ; l'effort de redressement des finances publiques a été poursuivi, en dépit de la hausse de la dette publique, qui a dépassé les 2 000 milliards d'euros. Le rapporteur général l'a montré : la hausse d'un demi-point des taux d'intérêt aurait un effet majeur à court et moyen terme. Réduire la dette est un enjeu de souveraineté, puisqu'elle est détenue majoritairement par des créanciers étrangers. Si nous voulons conserver une signature crédible, il nous faut agir.
L'an passé, l'effort de réduction du déficit a reposé sur la hausse de la pression fiscale et trop peu sur la baisse des dépenses, qui s'établissent à présent à 57,7 % du PIB. Prenons le cas grec comme une mise en garde ! Il faut rendre notre politique fiscale plus efficiente et moins confiscatoire.
En 2014, les collectivités territoriales ont supporté une part importante des efforts. La dotation globale de fonctionnement a été réduite et l'objectif de réduction des dépenses locales révisé à la hausse.
État, collectivités territoriales, sécurité sociale, toutes les administrations publiques sont à présent mobilisées pour le redressement des finances publiques, dans une conjoncture européenne et mondiale incertaine. Le Gouvernement doit faire preuve de la plus grande vigilance. En partenaires attentifs, nous soutenons votre action. Les membres de notre groupe, à une exception près, voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)
M. Vincent Delahaye . - En matière budgétaire, on passe trop de temps sur le virtuel, trop peu sur le réel - l'exécution.
La loi de règlement serait, à vous entendre, un texte d'exécution, une photographie, bref une formalité. Alors cessons de la soumettre au Parlement ! Je crois au contraire que c'est un texte politique.
Une hausse massive de la fiscalité, pas de baisse de la dépense publique, pas de croissance, un chômage record, voilà vos choix et leurs résultats ! On associe trop souvent dans le même discours le déficit structurel du déficit conjoncturel. Il est facile de prétendre qu'en l'absence de croissance, le déficit conjoncturel grossit. Nous ne pouvons vous suivre sur ce terrain, non plus que sur la gestion budgétaire : la Cour des comptes certifie certes les comptes publics, ce qui est une spécificité française, mais elle formule d'année en année des réserves majeures. Dans le privé, autant de réserves feraient tout simplement obstacle à la certification ! Nous avons de gros progrès à faire...
L'année 2014 reste une année record en termes de dépenses publiques et d'endettement. Sans compter que nous avons le cinquième déficit de l'histoire de France ! Dire que les efforts des Français payent, c'est faire preuve d'un certain culot...
Notre groupe ne votera pas ce texte, et je suis surpris que d'autres ne fassent pas de même. En première lecture, le groupe RDSE et le groupe écologiste s'alarmaient du « caractère préoccupant de l'état des finances publiques ». M. Gattolin disait « contester les moyens actuellement mis en oeuvre pour y répondre »...
D'autres pays ont pris des mesures d'austérité. La France s'y est opposée. Mais si elle ne veut pas y être acculée, il lui faudra faire preuve de rigueur. C'est la seule méthode qui vaille, s'agissant des deniers publics. Le taux d'inflation proche de zéro, les taux d'intérêt au plus bas nous y aideront. Le prix du pétrole est à cinquante dollars au lieu de cent il y a peu...
Or la masse salariale de l'État continue à évoluer plus vite que l'inflation et les opérateurs de l'État ont recruté 6 000 ETP... Est-cela, la rigueur ?
Maîtriser la dépense publique ne suffit pas, il faut la diminuer, ce qui suppose des réformes de fond. Mais celles-ci, délaissés depuis 2012, ne seront pas entreprises en 2015... Il faut changer de politique et ce n'est qu'à cette condition que nous pourrions voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du centre et de la droite).
M. Jean Bizet. - Très bien !
M. Maurice Vincent . - Le deuxième débat sur la loi de règlement 2014 et l'orientation des finances publiques sera relativement formel... Je ne bornerai à une simple mise en perspective.
Notre endettement n'a cessé de croitre, de 58 % en 2002 à 89 % en 2012. Certes, la crise de 2008 a justifié une politique contra-cyclique. Mais nous avons connu dans cette période des années de croissance forte hélas gâchée par une mauvaise gestion et des redressements fiscaux...
M. Philippe Dallier. - Sous le Gouvernement Jospin !
La poursuite de la réduction du déficit est toutefois un résultat à apprécier à sa juste valeur. La trajectoire est restée orientée dans le bons sens, y compris en 2014. C'est important pour la confiance.
Le PIA est un programme pluriannuel, qui fait l'objet d'un consensus transpartisan mis en place sur la base du rapport Juppé-Rocard. Les projets qu'il porte sont d'intérêt général, essentiels à l'avenir de notre pays. Leur gestion en 2014 a été rigoureuse, sachant concilier réduction du déficit et préparation des investissements d'avenir.
La crise grecque aurait pu dégénérer : cela a été évité, grâce à l'action du président de la République ; le climat économique reste favorable. La trajectoire de réduction du déficit est maintenue et de nombreuses mesures sont prévues pour réduire le chômage et relancer la croissance. Les priorités sont maintenues : sécurité intérieure, défense, enseignement, recherche. Derrières les oppositions de façade, je crois que ces choix font consensus.
M. Antoine Lefèvre. - Il y a une opposition, tout de même !
M. Maurice Vincent. - Rétablir l'équilibre budgétaire, renforcer notre économie et préserver notre modèle social, voilà les orientations du Gouvernement : notre groupe les soutient et votera cette loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Yvon Collin applaudit également)
M. André Gattolin . - Ni l'Assemblée nationale ni le Sénat n'avaient déposé d'amendement sur ce texte en première lecture, signe que l'intérêt de ce débat n'est pas évident... Le ministre n'en a pas moins rappelé sa disponibilité totale... J'en profiterai donc !
Sur les nouveaux indicateurs de richesse d'abord. Une proposition de loi écologiste a été adoptée qui vise à assortir la présentation des textes financiers de nouveaux indicateurs de richesse. France Stratégie et le CESE en proposent dix. C'est un premier jalon. Qu'en ferez-vous, monsieur le ministre ? Lesquels seront utilisés à l'automne prochain ?
Les crédits et les emplois de la mission écologie diminuent inexorablement. Les fréquents changements de périmètre brouillent les comparaisons annuelles, ce qui est préjudiciable à notre travail de contrôle.
Le ministre rappelle que les crédits de la mission ne sont pas les seuls à financer ce domaine. Oui, il y a le crédit impôt transition énergétique, ainsi que le nouveau Fonds consacré à la transition énergétique ou la contribution au service public de l'électricité. Nous sommes pour les politiques transversales ; je n'en déplore pas moins la baisse des crédits du ministère.
L'effort doit aussi être porté sur les énergies renouvelables. Le compte transition énergétique n'est pas encore doté, quant à la CSPE, elle ne saurait être considérée comme une contribution d'équilibre pour les énergies renouvelables, quand 4 milliards vont à ces énergies pendant que des dizaines de milliards subventionnent le nucléaire, malgré la faillite industrielle actuelle. Le CICE est intéressant, mais ses 890 millions prévus pour 2015 ne pèsent guère, face au montant trois fois supérieur du crédit d'impôt du développement durable en 2010. De plus, les mécanismes existants continuent à subventionner massivement les énergies fossiles et le nucléaire, à hauteur de 20 milliards d'euros selon certains. A quelques semaines de la COP21, il serait temps de clarifier les choses.
Le groupe écologiste réitèrera néanmoins son vote favorable à un texte qui se borne à valider les constats faits par la Cour des comptes.
M. Éric Bocquet . - Les choix qui président à la mise en oeuvre des politiques publiques n'ont pas fait la preuve de leur pertinence. Le déficit n'a pas baissé et l'effet macroéconomique des politiques d'austérité empêche tout redressement durable.
Cette nouvelle lecture du projet de loi de règlement est l'occasion de dresser un bilan. Vous direz sans doute encore, monsieur le ministre, que notre propos s'apparente à un discours de politique générale, pour ne pas avoir à répondre sur le fond...
Hausse de la dette publique, baisse du produit de l'impôt sur les sociétés, explosion du nombre de demandes d'emploi... Cela porte à s'interroger sur les choix du Gouvernement, l'abaissement des charges par exemple, sans compter que les dépenses ne sont toujours pas évaluées. Quant à l'ISF, l'année 2014 fut un nouvel excellent millésime pour les plus fortunés, dont le patrimoine s'est accru de 20 % en un an... 320 milliards d'euros, c'est l'équivalent de la dette grecque ! Les pauvres sont plus pauvres, les riches plus riches ; le taux de pauvreté s'établit à 14 %. Qui peut s'en satisfaire ?
Notre économie bénéficie pourtant de taux bas, d'une inflation faible, de matières premières bon marché, d'une parité euro-dollar favorable. Hélas, malgré ces clignotants verts, la zone euro a poursuivi ses politiques d'austérité ; de vastes plans ont été lancés en ce sens pour rassurer les investisseurs, sans résultat. La rigueur reste le principal frein à la croissance, en 2015 comme en 2014.
Quant aux allègements de cotisations octroyés aux entreprises, ils tardent à produire leurs effets. Le consommateur paie la facture par la hausse de la TVA et des impôts directs. Nos importations en souffriront également, pour plus d'un point de PIB.
Un mot sur la situation des collectivités territoriales : réduction des services, hausse des tarifs... L'AMF a mesuré une chute de 12,4 % de l'investissement communal ; il sera de 25 % dans deux ans. Le rapport Dallier-Guené-Mézard a montré que la baisse de 11 milliards des dotations de l'État provoquera une baisse de 30 % de l'investissement local.
Nous ne pouvons voter ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen)
M. Francis Delattre . - L'examen du projet de loi de règlement n'est pas un moment banal. C'est un moment de vérité. Le texte est technique, mais il traduit aussi une politique budgétaire et financière. Personne ne conteste les conclusions de la Cour des comptes, mais des choix politiques accablants.
Ainsi le déficit de l'État, passé de 74,9 milliards en 2013 à 85,6 milliards en 2014, ne cesse d'augmenter. La dette publique se rapproche des 100 % du PIB. La réduction du déficit, amorcée en 2010, est interrompue en 2014...
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Non !
M. Francis Delattre. - Le ralentissement, modeste, des dépenses publiques est imputable aux efforts des collectivités territoriales et à la limitation de la charge de la dette.
La réduction du déficit affiché tient aussi à la débudgétisation de dépenses, celles du PIA... Les dépenses de personnel, elles, repartent à la hausse. Plus grave, notre économie est en panne, alors que nous sommes dans une conjoncture favorable. Le matraquage fiscal produit à retardement des effets désastreux. L'optimisme excessif du gouvernement s'est soldé par une moins-value de 10 milliards d'euros sur les recettes.
Surtout, plus de 200 000 nouveaux chômeurs ont été enregistrés l'an passé. Sans réforme de fond, le marché du travail restera inaccessible aux jeunes demandeurs. Le CICE a soutenu les marges des entreprises, mais reste insuffisant pour relancer la machine économique. Le retour sur la déductibilité des intérêts d'emprunt a été particulièrement malvenu. Je rappelle que 80 % des financements de nos entreprises sont bancaires...
La synthèse de la Cour des comptes relève que la situation des finances publiques reste plus déséquilibrée dans notre pays que chez nos voisins : un déficit de 4 % du PIB contre 2,4 % en moyenne en zone euro. Reste un endettement supérieur de 20 points à celui de l'Allemagne, alors que nous étions au même niveau en 2010. Voilà qui dit assez le peu de crédibilité de notre gestion.
Notre groupe ne votera pas ce texte, qui reflète une réalité : votre échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit aussi)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Permettez-moi de revenir sur les erreurs commises par certains.
Monsieur Delahaye, nous sommes très rigoureux sur les opérateurs. Nous avons décidé de nombreuses fusions et nous proposerons en loi de finances initiale le plafonnement de certaines taxes qui leur sont affectées, afin de mieux maîtriser leurs dépenses. Je vous renvoie au compte rendu de la séance de questions orales de ce matin.
Monsieur Gattolin, vous trouverez en annexe du prochain projet de loi de finances de nouveaux indicateurs, dont ceux proposés par le Conseil économique, social et environnemental et France Stratégie. En ce qui concerne les enjeux écologiques, vous avez oublié d'évoquer la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ; le Fonds de transition énergétique sera opérationnel dans quelques jours, dès la promulgation de la loi, sauf surprise venue du Conseil constitutionnel. Un système d'avances de la CDC financera les premiers projets.
Monsieur Delattre, 2014 ne marque pas la fin de la réduction du déficit : celui-ci était en 2011 de 5,8 %, en 2012 de 4,8 %, en 2013 de 4,1 % et il a été en 2014 de 4% : il continue de diminuer, peut-être pas suffisamment, mais la tendance est nette et l'effort se poursuivra. En 2015, nous tablons sur 3,8 % du PIB. Rien n'indique que cet objectif ne pourra être atteint. Nous n'avons certes pas les résultats des prévisions de recettes d'impôt sur le revenu ; ceux de la TVA et de l'impôt sur les sociétés sont toutefois prometteurs.
Vous entendez laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale, soit. Nous nous retrouverons en octobre pour la loi de finances initiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article liminaire n'est pas adopté, non plus que les articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7.
Mme la présidente. - Si tous les articles étaient supprimés, il n'y aurait pas lieu de voter sur l'ensemble. Or un scrutin public est de droit. Il va donc être procédé à un scrutin public sur l'article 8.
L'article 8 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°237 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 136 |
Contre | 206 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Le projet de loi n'est pas adopté.
Prochaine séance demain, mercredi 22 juillet 2015, à 14 h 30.
La séance est levée à 22 h 35.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques