Débat sur l'industrie ferroviaire
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir de l'industrie ferroviaire française, à la demande de la commission du développement durable.
Orateurs inscrits
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable . - Pourquoi la commission du développement durable a-t-elle demandé ce débat ? Parce que, malgré des nouvelles alarmantes, le Gouvernement ne prend pas les mesures d'urgence qui s'imposent. Notre industrie ferroviaire est reconnue : elle est au troisième rang mondial, au premier européen pour l'ingénierie. Son excellence est reconnue à l'étranger où nous avons emporté de nombreux appels d'offres tandis que la demande intérieure demeurait soutenue. Bref, elle roulait toute seule. (Sourires) Les temps ont changé, nous assistons à un mouvement de concentration sans précédent. Les deux grands opérateurs chinois ont fusionné pour créer un groupe de 24 milliards d'euros, à la taille cinq fois supérieure à celle d'Alstom Transport.
La concurrence est plus vive que jamais alors que la demande intérieure décline, en raison de la réduction des dotations aux collectivités territoriales.
Sur les 1 000 trains prévus par le contrat-cadre de 2009, commandés à Alstom, seuls 258 ont été effectivement commandés. Sur les 860 trains commandés à Bombardier 159 seulement ont été achetés. Et les signaux en provenance de Bercy sont sombres. Les résultats du troisième appel à projet sur les transports collectifs en site propre ont été annoncés en 2014 avec un an de retard. Bientôt le service en pâtira. De même, la construction de locomotives a cessé en France depuis 2013.
C'est 10 000 ou 15 000 emplois industriels qui sont menacés, sans parler de la perte de compétence associée.
Nos ingénieurs privilégieront d'autres secteurs et nous perdons notre savoir-faire. Les sénateurs d'Alsace sont inquiets face au risque de fermeture de Reichshoffen La situation est critique. Le Gouvernement appelle à un retour de l'État stratège, mais nous ne le voyons guère venir.
Les opportunités ne manquent pas pour redonner vigueur à notre industrie ferroviaire : l'engagement de la France dans la transition énergétique, la COP 21, le chantier du Grand Paris, la modernisation du réseau ferré historique, le remplacement des trains d'équilibre du territoire et du matériel du réseau parisien. Comment pourrions-nous préserver notre vitrine technologique et nos exportations si notre marché intérieur s'écroulait ? Le projet du TGV du futur contribuera à soutenir la filière. Je salue l'engagement du Gouvernement de s'engager sur le marché mondial de la grande vitesse.
Il faudra travailler à l'optimisation des coûts et à l'interopérabilité : il ne sert à rien de fabriquer de beaux bijoux que personne ne peut ou ne veut acheter. On ne sauvera pas non plus notre industrie avec de beaux projets à forte visibilité mais qui ne concernent que 10 % du marché.
L'État doit accompagner nos entreprises à l'export en veillant à la réciprocité dans l'ouverture des marchés. Des potentialités existent, manque une planification claire d'un État devenu stratège. Rien de pire, pour l'industrie lourde, que le stop and go. Une réflexion s'impose sur les normes du matériel : faut-il travailler au train du futur ou se concentrer sur le matériel roulant des trains d'équilibre du territoire ? La survie de notre industrie est une affaire de mois. Si je sonne le tocsin aujourd'hui, c'est pour ne pas avoir à sonner le glas demain. (Applaudissements)
M. David Rachline . - Regardons la réalité en face : notre réseau qui fait la fierté de la France, envié à l'étranger, est obsolète. Si nous ne voulons pas que tout un pan de notre industrie s'effondre, il faut revenir à l'État stratège de Pompidou qui a engagé la belle aventure du TGV.
Les besoins ont changé, il nous faut un train plus économe en énergie. Le chiffre d'affaires du secteur est amené à progresser de 2,7 % par an sur les cinq prochaines années ; mais pour démontrer notre capacité à l'export, commençons par faire ce qu'il faut chez nous. L'appui de l'État est indispensable, pour une cartographie précise et pensée, plutôt que des annonces au gré des élections. Le fret a diminué de 30 % entre 2003 et 2023, alors qu'il progressait en Allemagne, pourquoi ?
Il faut dépenser mieux, pas forcément plus. Votre Bruxelles interdit à l'État de soutenir le secteur ; sollicitons la Caisse des dépôts et consignations. Le Gouvernement relance le TGV du futur après avoir annoncé la fermeture de lignes TET. Où est la vision ? La cohérence ?
Merci, madame le Président.
Mme la présidente. - « Présidente » !
M. David Rachline. - On fait cela maintenant ?
Mme la présidente. Le féminin existe depuis longtemps dans la langue française.
M. Jean-François Longeot . - Madame la Présidente,...
Mme la présidente. - Merci :
M. Jean-François Longeot. - ...je veux réagir sur le rapport rendu par le député Duron le 26 mai sur les trains d'équilibre du territoire. Ses conclusions préconisent l'abandon de certaines lignes dans la perspective d'une réduction de la participation de l'État dans le volet ferroviaire des contrats de projet État-région. Dans le même temps, le projet de loi Macron libéralise les liaisons en autocar entre les grandes villes, apportant ainsi une nouvelle justification à l'abandon du rail.
Comment comprendre cette orientation après les objectifs de report modal fixés dans la loi pour la transition énergétique ? Encore une fois, les territoires ruraux seront les plus touchés. Comme le disait Rémy Pointereau, il est facile de tuer une ligne d'équilibre du territoire : il suffit pour en détourner les voyageurs de mettre le plus mauvais matériel, de faire des cadencements éloignés et de choisir des horaires inadaptés.
L'État ne participe au ferroviaire qu'à hauteur de 32 %, contre 90 % en Suède et 50 % en Allemagne. N'est-il pas temps qu'il reprenne les 36,6 milliards de la dette de RFF ?
C'est la seule manière d'éviter une désertification des villes moyennes et des territoires ruraux, avec les conséquences que l'on sait sur l'emploi et l'activité d'Alstom - 10 000 à 15 000 postes sont en jeu, principalement en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes et en Franche-Comté. Au-delà du démantèlement du service public, les sites de La Rochelle, Belfort et Reichshoffen seraient sinistrés dès la fin de 2017.
Valenciennes, spécialisé dans le tram-train, s'inquiète. Mme Létard s'interroge : comment l'industrie ferroviaire peut-elle s'inscrire dans la révolution du 4.0 que M. Macron appelait de ses voeux le 18 mars dernier ?
Le Gouvernement compte-t-il mener enfin une politique active de soutien à l'industrie ferroviaire ? À défaut, un pan entier d'un de nos fleurons va s'effondrer.
M. François Aubey . - Historiquement, les acteurs du ferroviaire français ont toujours été en pointe, de la conception des voies à l'organisation des services. Nous avons été pionniers sur le TGV. Cependant, nous sommes désormais au troisième rang mondial, derrière l'Allemagne et la Chine.
Alors que la demande internationale augmente, la demande intérieure recule de 16 %. De plus, les équipementiers s'organisent face aux trois grands que sont Siemens, Bombardier et Alstom. Pour preuve, la fusions des chinois CNS et CSR grâce au soutien de l'État chinois, nouveau leader mondial dont les coûts de production sont 20 à 30 % inférieurs aux nôtres, et le rachat par Hitachi du constructeur italien. À cela, il faut ajouter le protectionnisme des marchés émergents.
Le ferroviaire représente 21 000 emplois directs et 84 000 emplois indirects. Près de 15 000 emplois directs pourraient disparaître dès 2018, autant dire demain. À Belfort, le ministre Macron a annoncé un appel d'offres pour le TGV du futur. Le TER du futur, qui représente 5 milliards d'euros sur quinze ans, sera bientôt relancé, après l'annulation des deux premiers appels d'offres. Quant aux trains d'équilibre du territoire, le rapport Duron préconise un remplacement du matériel roulant et, à partir d'une comparaison européenne, une expérimentation de l'externalisation de la maintenance.
On ne le répètera jamais assez : l'État doit être pilote et stratège, contribuer à la formation d'une filière européenne pour aboutir à un « Airbus du ferroviaire ». L'innovation, encouragée par la nécessité de réaliser des économies d'énergie, doit nous guider. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Joël Labbé . - Madame la présidente, notre pays dispose d'une filière complète du ferroviaire ; elle est l'activité la plus structurante pour notre société, avec des métiers variés, hautement qualifiés et des entreprises de toute taille. Elle est vecteur d'aménagement du territoire et de réduction de la fracture sociale. Elle est aussi un moyen de transport décarboné : les transports représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre, dont 92 % pour la route.
Entre 2002 et 2013, Siemens, Bombardier et Alstom ont vu leurs parts de marché se réduire de 53 à 24 %, celle des deux constructeurs chinois, elle, est passée de 3 % à 32 %. Notre industrie doit-elle s'adapter aux nouveaux marchés ? Naturellement, et il faut une coopération européenne du rail au train car les pays émergents veulent du clé en main. Cependant, l'export ne suffit pas. La commande publique a un rôle à jouer ; des contrats d'1,2 milliard d'euros ont été signés en 2007 ; depuis, plus rien... Notre TGV a une durée de vie de trente ans, contre quinze ans pour le TGV japonais. Nous, écologistes, préférons bien sûr un matériel durable mais il faut être conscient que cette activité a un caractère cyclique, qui exige une véritable stratégie nationale.
Ces vingt dernières années, on a étendu la route aux dépens du rail à partir de priorités clairement définies. Les autorités publiques doivent changer les règles du jeu pour privilégier le train et les autres transports à faible empreinte écologique contre la route.
Mme Évelyne Didier . - Les politiques menées depuis de très nombreuses années ont plombé notre industrie ferroviaire. 10 000 emplois sur 30 000 seraient menacés, faute de stratégie et de commande publique, bref d'une vraie politique ferroviaire. Les entreprises espèrent beaucoup du Grand Paris pendant que le marché intérieur est grevé par la dette de RFF. Et le Gouvernement d'encourager l'export...
Les régions ont pris leurs responsabilités sur les TER mais la baisse des dotations se fait sentir. La Cour des comptes a sonné le glas du TGV dans son rapport. Nous attendons des précisions sur l'annonce faite par le ministre Macron sur le TGV du futur. Le fret a été sacrifié depuis dix ans. Et que dire du sort fait aux TET dans le rapport Duron ?
La privatisation d'Alstom autorise l'État à se comporter désormais en un actionnaire comme les autres. Oui à un Airbus du rail. Dès 2011, mon collègue député Alain Bocquet demandait également des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics pour privilégier les offres nationales, la création d'un fonds d'investissement - pourvu que la BPI et la Caisse des dépôts n'agissent pas comme des actionnaires libéraux. J'y ajouterai, car je suis adepte de l'économie circulaire, la formation d'une filière de démantèlement et de recyclage du matériel roulant. Sans cela, nous courons à la catastrophe.
Sans être élue alsacienne, je suis attachée au site de Reichshoffen. Faisons comme l'Allemagne si souvent citée en exemple : elle démontre son attachement à la défense de ses propres intérêts ! (Applaudissements sur les bancs CRC, écologistes et sur quelques bancs socialistes)
M. Gilbert Barbier . - Comme M. Macron, en visite en Franche Comté le 28 mai dernier, le groupe RDSE veut écrire une nouvelle page de l'histoire du rail. Quelque 10 à 15 000 emplois sont menacés à court terme dans ce secteur qui est pourtant d'avenir, tant est forte la demande internationale et criant le besoin de renouvellement du matériel roulant en France.
La régression de la demande publique, la concurrence des compagnies aériennes low cost, qui ont indirectement bénéficié du sous-investissement dans le rail, l'ouverture des liaisons par autocar et, surtout, l'absence de stratégie claire du Gouvernement qui s'est illustré par l'abandon de l'écotaxe menacent notre industrie. Il en résultera une perte de savoir-faire et, donc, d'emplois.
Alors qu'un géant chinois se forme et qu'Hitachi rachète les Italiens, il y a urgence à agir. L'appel d'offres qui serait lancé fin juin pour le TGV du futur coïncide-t-elle avec la priorité donnée par le Gouvernement aux trains du quotidien ? L'État prendra-t-il des participations au capital d'Alstom ? Nous avons grand besoin d'éclaircissements. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. Jean Bizet . - Merci de cette heureuse initiative prise par la commission du développement durable. L'actualité européenne est brûlante avec l'adoption par le Conseil « Transports » du quatrième paquet ferroviaire, après-demain.
La libéralisation a-t-elle tenu ses promesses ? Pas autant que nous l'espérions.
Pas tout à fait, en raison des spécificités techniques qui ont empêché une baisse du prix pour les voyageurs. Il faudra donc veiller à ce volet, dans le prochain paquet.
Le projet de règlement contenu dans le quatrième paquet harmonise les quelque 400 normes en moyenne par État membre que l'on dénombre aujourd'hui, et renforce le rôle de l'agence ferroviaire européenne. L'autorisation d'utilisation du matériel roulant dans l'État membre coûte 10 % du prix de revient industriel... Supposons un fabricant de locomotive souhaitant proposer sa dernière motrice à un opérateur dont l'activité couvre la Pologne, l'Allemagne et la France : il devra suivre trois procédures distinctes et déposer trois dossiers dissemblables. Le coût total des certifications n'atteindra peut-être pas 30 % du prix de revient industriel, mais la combinaison des délais et les vérifications diverses demandées accroîtront forcément le prix de vente. L'unification des spécificités nationales en matière de certification est donc un enjeu, de même que celle de la signalisation, en faveur du système paneuropéen dénommé ERTMS, au lieu des vingt systèmes qui coexistent actuellement et commandent l'équipement des locomotives. Thalys utilise à lui seul sept dispositifs embarqués pour seulement deux étapes : Paris et Bruxelles.
Alors que le Conseil « Transports » se réunit demain, je souhaite vivement l'adoption du volet technique.
C'est le préalable à une libéralisation réussie du rail que je ne suis pas le seul à appeler de mes voeux. (Applaudissements à droite)
M. Michel Raison . - Débat important : 280 entreprises, plus de 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 2,5 milliards pour la France et 1,5 milliards pour l'export, 21 000 emplois et un secteur d'excellence, aux côtés de l'aéronautique, du tourisme, de l'agriculture, autres fleurons dont notre pays peut s'enorgueillir.
Malheureusement, si la demande progresse très fortement à l'étranger, elle se réduit de 16 % en France. L'entreprise bien franc-comtoise Alstom, qui emploie 550 salariés à Belfort, se plaint du manque de visibilité.
Après la création des Intercités par la SNCF en 2006, et des TET par le Gouvernement en 2010, le ministre a bien fait de commander un rapport à M. Duron. Attention à ne pas se tromper sur la lecture. Ferme-t-on toutes les entreprises qui enregistrent des mauvais résultats deux ans de suite ? La SNCF souffre d'un problème de productivité, c'est certain, et la concurrence l'obligera à s'améliorer. Faut-il fermer des arrêts lorsqu'on change le matériel roulant ?
Le Coradia V-200 d'Alstom, petit frère du TGV roule à 200 km/heure : pourquoi ne pas l'utiliser ? C'est beaucoup mieux que l'autocar ! L'Arbalète, que j'eus la chance d'emprunter enfant, et qui reliait Paris à Bâle, devait être modernisée. La ligne Paris-Belfort sera-t-elle maintenue ? Sera-t-elle équipée en Coradia Liner V-160 ? J'aimerais en être sûr, mais Jean-Marie le Guen, qui vous remplaçait au banc du Gouvernement, répondit à une question à ce sujet, en évoquant un Régiolis pouvant rouler entre 100 et 120 km/h seulement.
On dépense plus de 4 milliards d'euros par an pour les aides diverses et variées à l'emploi dans notre pays, dont tous les rapports contestent l'efficacité en matière de lutte contre le chômage. Sans contester l'utilité des emplois aidés, mettons quelques milliards de plus dans le ferroviaire, pour l'aménagement du territoire, pour l'exportation, pour l'emploi et l'on aurait tout juste ! (Applaudissements à droite)
M. Daniel Gremillet. - Vous parlez d'or !
M. Jean Bizet. - Très juste !
M. Martial Bourquin . - Les orateurs précédents l'ont dit, le ferroviaire est un fleuron de notre industrie, au troisième rang mondial. Il est menacé à cause de la libéralisation du transport de voyageurs en 2019. Belfort, mais aussi le cluster du Nord ont besoin d'un choc d'investissement multisectoriel. (On approuve sur les bancs socialistes). L'annonce du TGV du futur donnera une bouffée d'oxygène, sans suffire.
Le rapport Duron-Filleul, dont je salue la richesse, ouvre des perspectives pour les TER. Les vieux matériels roulants impactent directement la fréquentation. On l'a remplacé en Franche Comté et l'on a vu immédiatement les résultats.
Je suis un parlementaire heureux, je vais voir arriver le train Régiolis, merveille technologique, en Franche-Comté. Mais 218 rames ont été effectivement commandées sur les 1 000 prévues en 2010. Il est urgent d'honorer ces commandes. Les appels d'offres ne doivent plus être si longs. Le rapport Duron-Filleul propose justement des modifications institutionnelles, afin que l'État prenne toute sa place comme autorité organisatrice.
En tant que rapporteur de la mission commune d'information sur la commande publique, je préconise de nouvelles délégations de service public, plus précises, plus efficaces, à condition qu'elles mettent en oeuvre de nouvelles stratégies industrielles et commerciales.
Le fret est le parent pauvre de la filière. Il a baissé de 31 % de 2003 à 2013 en France, mais seulement de 6,4 % sur la même période en Italie. Au Royaume-Uni, il a augmenté de 15 %, et de 40 % en Allemagne. Il y a bien eu là une politique d'investissement dans les infrastructures, fruit d'une véritable volonté politique. En France, où est-elle ?
Nous accueillons la conférence Climat dans quelques semaines. Affichons des actes forts, promouvons le report modal. Agissons pour une filière, des emplois, l'environnement, pour une nouvelle croissance, durable et équilibrée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Duranton . - Dans une société toujours plus soucieuse de son empreinte écologique, la mobilité est une question centrale. Je salue ainsi l'initiative de la commission et de son président Hervé Maurey, Sénateur de l'Eure. Le chiffre d'affaires de la filière a augmenté de 60 % à 75 % dans le monde, selon les métiers, mais l'optimisme n'est guère de mise en France.
Faute de nouvelles commandes, 10 000 des 30 000 emplois du secteur sont menacés. Il est devenu urgent, monsieur le ministre, non pas d'attendre, mais d'agir. Les craintes de la filière n'aideront pas à inverser la courbe du chômage, arlésienne du Gouvernement...
M. Rebsamen a précisé que le chiffre de 10 000 emplois ne prenait pas en compte les appels d'offres lancés par la RATP ou la société du Grand Paris. C'est le retour de Paris et le désert français. L'angélisme de M. Rebsamen nous fait reculer. Les profits de la filière deviendront nuls en 2019. L'un des 34 plans de renouveau industriel d'Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, portait pourtant sur le développement du TGV du futur.
La nouvelle France industrielle ambitionne à présent une optimisation des coûts, plutôt qu'une performance technique sans cesse accrue : le nouveau train doit être moins cher à produire et exploiter, plutôt que de représenter une vitrine de la technologie made in France. L'Ademe a été invitée à s'associer aux efforts d'Alstom pour réduire sa consommation d'énergie. Quelles mesures ont été prises, monsieur le ministre ? Quelles sont les actions concrètes entreprises ? La SNCF a également annoncé un appel d'offres européen : préservera-t-elle le made in France ?
Le calendrier initial du TGV du futur a été enterré, qui prévoyait un prototype en 2017, pour une première mise en circulation en 2018, alors que vous avez annoncé en mars un report à « l'horizon 2019 » : des mots, toujours des mots !
Conquérir le marché mondial de la très grande vitesse, oui, mais celui-ci se joue, désormais, sur des considérations davantage géopolitiques que techniques et économiques : concentrons-nous donc plutôt sur le marché national. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Je remercie la commission du développement durable pour cette initiative.
Notre filière ferroviaire, avec 80 000 emplois et plus de 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, dont le quart à l'export, est la troisième mondiale et exporte plus qu'elle n'importe. Elle a fortement bénéficié, depuis de nombreuses années, du renouveau ferroviaire en France. Le caractère cyclique de la demande interne lui a permis de se structurer pour se développer à l'international.
En 2011, le rapport de la commission d'enquête sur l'industrie ferroviaire française, présidée par Alain Bocquet, encourageait les coopérations industrielles. C'est pourquoi le Gouvernement a créé l'organisme Fer de France dès 2012 pour aider la filière à l'exportation, et lui donner plus de visibilité.
D'aucuns s'interrogent sur les plans de charge à venir. À cet égard, je veux calmer l'ardeur des critiques. L'émergence d'un nouveau modèle ne peut prendre moins de cinq ans. L'État agit. Il investit, avec les collectivités territoriales, 32,5 milliards d'euros, pour construire les nouvelles lignes du Grand Paris Express, mais également moderniser et prolonger les réseaux existants en Ile-de-France, de tramways, de métro, ou de RER : autant d'opportunités pour la filière ferroviaire française.
Les marchés seront lancés au plus vite. L'un, de 2 milliards d'euros, a été attribué à Alstom récemment, pour des rames de métro pneu pour le réseau du Grand Paris. Il pérennise 2 000 emplois dans le groupe Alstom, apporte immédiatement une charge d'étude importante pour le site de Valenciennes et une charge de production à partir de 2019.
Le rapport Duron souligne les besoins de renouvellement des rames de TET. 510 millions d'euros ont été consacrés pour les rames Coradia Liner, qui devaient être livrées en 2015. L'entreprise a reporté cette échéance à fin 2016 pour des raisons strictement techniques.
Le matériel dépasse les trente-cinq ans, dit le rapport. Il y a trois ans, il avait trente-deux ans en moyenne : rien n'a été fait alors...
M. Jean-Jacques Filleul. - Très bien !
M. Martial Bourquin. - Il fallait le dire !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - J'indiquerai prochainement un calendrier de renouvellement compatible avec les capacités financières de l'État.
Je partage l'approche de Louis Nègre et d'autres orateurs privilégiant l'achat sur étagère dans le cadre des contrats-cadres existants.
M. Martial Bourquin. - Très bien !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Je tiens à rappeler que 99 projets de transports ont été retenus au terme du troisième appel à projets de transports collectifs publics, correspondant à 450 millions d'euros de subventions, qui vont soutenir 5.2 milliards d'euros d'investissements, dont 2,6 milliards concernent l'industrie ferroviaire.
Le défi de la rénovation est en passe d'être relevé, SNCF Réseau s'y est engagé. Elle doit mener à cette fin des partenariats à long terme avec des industriels. Le Gouvernement s'engage, pour sa part, en soutenant l'innovation : 80 millions d'euros sont destinés à l'institut de recherche Railenium. La mise en place de l'entreprise commune européenne Shift2Rail, que la France a largement soutenue au Conseil européen, amplifiera la recherche et le développement ferroviaires.
J'ai sensibilisé la Commission européenne à la nécessité que ce projet se concrétise dans les délais prévus. Avec le ministre allemand des transports, Alexander Dobrindt, nous avons demandé que ce dossier soit inscrit au Conseil des transports qui se tient le 11 juin à Luxembourg.
Le modèle de la grande vitesse doit évoluer. Tel est l'objectif du plan industriel « TGV du futur » qui fait partie du programme d'investissement d'avenir arrêté par le Gouvernement en 2014 et sera lancé en 2015. Pour répondre à la fois aux besoins français et conquérir de nouveaux marchés à l'export. Interopérabilité, optimisation des coûts et des capacités sont les maîtres mots. Ce plan mobilise Alstom, qui rassemble autour de lui un ensemble de PME et d'ETI. Le Gouvernement a rendu un avis favorable à une participation jusqu'à hauteur de 127,5 millions d'euros dans une entreprise commune avec Alstom.
L'État a lancé un premier appel à projets « Initiative PME ferroviaire », qui a retenu dans un premier temps sept projets subventionnés jusqu'à 200 000 euros, dont celui de la société Ixtrem qui développe un système de détection de défauts qui améliorera la maintenance des matériels, ou celui de la société Luceor qui développe des solutions de communications informatiques intégrées à l'attention d'exploitants ferroviaires. Un nouvel appel à projets sera lancé d'ici la fin de l'année.
La vitrine que constituent ces investissements aidera nos entreprises à exporter. Ces deux dernières années, les entreprises ferroviaires ont reçu le tiers de la réserve gérée par le ministère de l'économie pour les pays émergents, soit 1,5 milliard de prêt au total. Un seul prêt de 350 millions d'euros au Maroc, pour la livraison de 14 rames à grande vitesse, a généré 120 000 heures de travail sur les sites d'Alstom. Rail Export, avec le concours de la BPI, apporte des solutions pragmatiques et opérationnelles à l'export pour nos entreprises.
Le Gouvernement s'engage en outre sur les volets techniques et réglementaires du quatrième paquet ferroviaire, qui ouvrira de nouvelles opportunités à nos constructeurs. Une nouvelle réunion du Conseil transports aura lieu le 18 juin ; le trilogue, qui était encalminé, aura, je l'espère, progressé d'ici là.
L'industrie ferroviaire est un atout majeur à valoriser. Nous oeuvrons pour construire avec elle le ferroviaire de demain. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Le débat est clos.