Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.
Réforme du collège (I)
Mme Danielle Michel . - Christian Jacob a réclamé hier un débat sur la réforme du collège à l'Assemblée nationale, et dénoncé un « mépris du Parlement ». Mais qui méprise qui ? Le Parlement a voté la loi de refondation de l'école en 2013, largement débattue ici après une large concertation. Considère-t-on ce travail comme inexistant ? La réforme du collège poursuit les objectifs fixés alors par le législateur ; c'est une nouvelle étape de la refondation pour cette école plus juste et plus efficace que nous voulons.
Pas un jour ne passe sans que M. Sarkozy demande l'abrogation d'une loi ou d'un décret : après le mariage pour tous, le collège pour tous... Beau programme... Un mépris du Parlement ? Au cours des dix années où la droite a gouverné, elle a supprimé trois heures d'enseignement en primaire, supprimé 80 000 postes dans l'éducation nationale, supprimé la formation pratique des professeurs des écoles, supprimé l'aide personnalisé aux élèves... (Exclamations à droite) Vous parlez de nivellement par le bas, de destruction du génie français. Un peu de retenue siérait... Les récentes propositions de M. Le Maire ne feront qu'aggraver les inégalités, les mécanismes de reproduction sociale auxquels vous vous attaquez. Vous prônez l'excellence pour tous. Pouvez-vous rappeler les mesures que vous prenez en soutien de cet objectif ? (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je vous remercie de votre question. (Rires et exclamations à droite). La France a besoin de redressement dans tous les domaines après dix ans où la droite a été aux responsabilités, après la suppression de 80 000 postes dans l'éducation nationale et de la formation des enseignants, tandis que le niveau des élèves ne cessait de se dégrader. Depuis 2012, nous avons engagé une la refondation de l'école de façon pragmatique et chronologique, rétabli la préscolarisation des enfants avant 3 ans, la formation des maîtres...
M. Alain Néri. - La droite avait étouffé l'école !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - ...créé des postes. Le temps est venu de la réforme du collège dont le principe a été adopté par le Parlement. Nous entendons permettre aux collégiens de mieux apprendre par la rénovation des pratiques, par l'autonomie renforcée des établissements et des équipes pédagogiques, par une meilleure adaptation aux besoins des élèves qui ne sont pas les mêmes partout. Nous mettons le paquet, pardonnez-moi l'expression, sur le français ou les mathématiques quand il y a des lacunes.
M. Roger Karoutchi. - Joli !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Enfin, nous modernisons les apprentissages en insistant sur le numérique, les langues étrangères et l'expression à l'oral afin que les emplois à haute valeur ajoutée de demain trouvent preneurs. Je vous remercie de votre soutien ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
Réforme du collège (II)
M. Jean-Marie Bockel . - Madame la ministre, votre réforme du collège suscite une vive opposition. Et pour cause... Outre son contenu, la méthode employée s'apparente à une provocation (M. Alain Fouché renchérit) Le décret a été publié hier sans consultation du Parlement ni consultation de la communauté éducative, au lendemain d'une journée de mobilisation des enseignants. Le Gouvernement a manqué au processus démocratique. (Exclamations sur les bancs socialistes) La loi de refondation de l'école ne prévoyait pas ce décret. Nous avons été dupés !
M. Alain Bertrand. - Il faut réformer !
M. Jean-Marie Bockel. - Pourquoi refusez-vous un débat devant le Parlement ? Vous connaissez pourtant le rôle de notre commission de la culture, présidée par Mme Morin-Desailly.
L'école française ne va pas bien, il faut la réformer. Mais pas ainsi ! Vous tournez le dos à l'excellence républicaine.
M. Didier Guillaume. - C'est l'inverse !
M. Jean-Marie Bockel. - Celle-ci ne fait pas la part belle à l'élitisme, ou alors c'est l'élitisme républicain cher à Jean-Pierre Chevènement... Vous sacrifiez les classes bilangues et européennes, affaiblissez l'enseignement de l'histoire, portez un coup à l'enseignement du latin et du grec. L'introduction d'enseignements pratiques interdisciplinaires est incompréhensible. Tout cela ne convainc pas, vous aggravez les problèmes du collège. Quelles garanties, pour reprendre votre expression, apporterez-vous dans les textes d'application pour répondre au mécontentement général, pas seulement ici, et apaiser les inquiétudes ? Les Français sont inquiets. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Merci de cette question qui me permet de revenir sur quelques procès d'intention... L'égalité n'est pas l'excellence. Chaque enfant de France doit, un jour, pouvoir faire valoir sa réussite, son travail, ses mérites et ses efforts. Je m'élève contre le rétrécissement de l'élite que nous constatons depuis dix ans. La composition sociale des classes préparatoires ne cesse de se restreindre, 75 % des enfants d'ouvrier obtiennent le brevet contre 95 % pour les enfants de cadre. Voilà la réalité.
Comment s'attaquer au déterminisme social qui est la marque de fabrique de notre système éducatif ? Nous voulons que tous les collégiens à 16 ans maitrisent les fondamentaux. (Exclamations à droite) Nous voulons le collège unique mais refusons l'uniformité au profit de la personnalisation et de la pédagogie. Chacun doit pouvoir faire valoir son talent. C'est le sens de l'accompagnement individuel : trois heures par semaine y seront consacrées. (Mêmes mouvements) Grâce à la réforme, dans un collège de 500 élèves, 160 seront consacrés à des travaux en petits groupes, au lieu de 10 aujourd'hui. (Applaudissements à gauche)
Cette réforme sera dans l'intérêt autant des élèves en difficulté que de ceux qui réussissent. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
Réforme du collège (III)
M. Gérard Longuet . - Ma question s'adressait au Premier ministre car elle n'est pas technique mais politique : elle porte sur la conduite du changement dans ce pays, et le respect dû aux partenaires de ce changement. Nous sommes frustrés d'un véritable débat.
Les enfants n'appartiennent pas aux pédagogues ni aux théoriciens du CSE mais à leur famille ! (Applaudissements au centre et à droite) Votre décret est mal né. Il est prétentieux, abscons, grotesque, provocateur et péremptoire. Le collège unique, voulu par René Haby, qui appartenait à mon camp politique, a évolué. Il doit se diversifier parce que la France a changé. Le problème n'est plus administratif ! Les pédagogues n'ont rien proposé depuis quarante ans ! (Applaudissements à droite)
Dans votre réforme, rien sur l'apprentissage ni sur le rôle des collectivités territoriales. Vous l'avez bâclée. Au lendemain du 11 janvier, comme il a été fait sur le terrain de la défense, nous étions en droit d'attendre que vous fassiez, sur celui de l'éducation, confiance à la représentation nationale. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Distinguons la réforme du collège de celle des programmes, soumise de par la loi au Conseil supérieur des programmes, et qui fait aujourd'hui l'objet d'une large consultation auprès des 800 000 enseignants, pour aboutir en septembre. J'ai exprimé la volonté que les programmes soient précisés, rendus plus lisibles, plus progressifs, plus cohérents sur le temps de la scolarité.
La réforme du collège, elle, était prévue par la loi de refondation de l'école. Les débats ont duré au Parlement cinq mois. Je ne sais si vous y avez assisté... Elle prévoit plus d'indépendance pour les établissements, plus d'interdisciplinarité, un accompagnement personnalisé.
Quant à la place du monde professionnel et des collectivités territoriales... Je vous invite à lire le texte... Contrairement à ce que vous dîtes, nous encourageons les établissements à nouer des partenariats avec le monde professionnel, avec leur environnement, afin d'aider les élèves à trouver leur voie. Nous voulons un collège ouvert sur le monde. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)
Des quotas de migrants ?
M. Jean-Claude Requier . - Ma question ne s'adresse pas à la ministre de l'éducation nationale, (sourires) mais au ministre de l'intérieur.
La Méditerranée est devenue le théâtre de tragédies humaines : 1 700 migrants y ont perdu la vie depuis le début de l'année en essayant de rejoindre les côtes européennes. Il faut agir, la réponse ne peut être qu'européenne et coordonnée, ce ne peut être le seul problème de l'Italie, de l'Espagne ou de la Grèce.
Un génial technocrate de la Commission européenne a proposé la semaine dernière des quotas d'immigrés comme un autre, hier, sans doute mieux inspiré, les quotas laitiers (Sourires). Le droit d'asile, sur lequel le Sénat a travaillé cette semaine, est individuel. Il est contraire à la logique des quotas, le président de la République y est justement opposé.
Le Gouvernement s'est dit favorable à une répartition solidaire et équitable entre les États membres de l'Union. Qu'entendez-vous par là ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Question grave car le drame est humain. Il faut la traiter avec la plus grande rigueur. La première chose à faire est de lutter contre les filières de traite des êtres humains qui mettent des migrants de plus en plus vulnérables et de plus en plus nombreux sur les embarcations de plus en plus frêles, les condamnant à une mort certaine. La première chose à faire est d'aider les pays d'origine - 70% des migrants qui arrivent à Lampedusa ont transité par la bande saharo-sahélienne et relèvent de l'immigration irrégulière - à contrôler leurs frontières. Il faut aussi démanteler les filières d'immigration clandestine - 236 d'entre elles ont été démantelées en 2014, 30 % de plus à Calais.
Nous devons aussi sauver des vies, c'est un des objectifs de l'opération Frontex.
Enfin, le concept de quotas n'a pas de sens pour ceux qui répondent aux critères du droit d'asile comme à ceux qui, déboutés, doivent être reconduits à la frontière. Il faut être clair. Telle est la politique de la France qui a inspiré celle de l'Union. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Désamiantage
Mme Aline Archimbaud . - Selon la direction générale de la santé et l'INVS, l'amiante aura causé plus de 100 000 morts en 2050. La commission des affaires sociales a créé en février 2013 un comité de suivi qui a rendu en juillet 2014 des conclusions consensuelles, parmi lesquelles la mise en place d'une coordination interministérielle, des efforts de recherche et de formation. Nous alertions sur l'absence d'une stratégie nationale de désamiantage, pilotée par les pouvoirs publics et associant tous les partenaires.
Il faut créer une filière économique de désamiantage, qui serait en outre un gisement d'emplois. Je ne veux pas effrayer mais que nous affrontions le problème lucidement. Dix mois après la remise de ce rapport, monsieur le ministre, nous n'avons pas de nouvelles. Une feuille route serait en cours d'élaboration ; qu'en est-il ? ? Quand la stratégie nationale sera-t-elle mise en place ? (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - L'amiante provoque chaque année la mort de 1 700 personnes en France. Le Gouvernement est déterminé à limiter les expositions à ce polluant cancérigène interdit depuis 1997 mais qui est encore présent dans certains bâtiments.
La loi de finances 2015 a créé un prêt utilisable à hauteur de 2 milliards d'euros pour financer les travaux d'extraction de l'amiante dans les logements. Un plan d'action sur trois ans mobilisera la recherche sur les moyens de sécuriser l'extraction.
Le projet de loi de modernisation de la santé, que le Sénat examinera bientôt, prévoit de renforcer les pouvoirs des préfets pour faire cesser l'exposition, assurer une meilleure transmission de l'information, augmenter les sanctions contre les propriétaires qui refuseraient de répondre aux injonctions de travaux. Une feuille de route interministérielle est en cours de rédaction au ministère de la santé en lien avec ceux du développement durable, du travail et du logement. Elle renforcera l'information donnée au public et aidera les professionnels, diagnostiqueurs et artisans du BTP, à agir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Réforme du collège (IV)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Le jour même de la grève des enseignants contre la réforme du collège, vous signez, madame la ministre de l'Éducation nationale, le décret sur ladite réforme : c'est un passage en force. Oui, il faut une réforme du collège, à condition qu'elle serve à réduire les inégalités et à réparer le saccage causé par les gouvernements de droite. (Vives protestations à droite)
Mais votre réforme, madame la ministre, n'est pas exempte de critiques...
Plusieurs voix à droite. - Ah ! Quand même !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - ...car elle réduit les enseignements obligatoires. Oui à la pratique interdisciplinaire, si elle s'appuie sur des acquis disciplinaires solides ! Et que dire de l'autonomie accordée aux établissements ? De la baisse continue des dotations ? Quid du renforcement de la formation, initiale et continue, des enseignants, alors que la loi de refondation n'est même pas inscrite dans les missions des Espe (écoles supérieures du professorat et de l'éducation) ?
L'autonomie prônée est celle des établissements, plus que des enseignants, dans un contexte de baisse des dotations globales horaires et de mise en concurrence. Parce que tous les élèves n'entrent pas au même rythme dans les apprentissages, quand allez-vous accepter d'allonger la scolarité obligatoire et d'autoriser de véritables pré-recrutements, pour transformer et démocratiser l'école ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je vous sais attachée à l'école et je ne confonds pas les critiques venues de ceux qui ne cherchent qu'à perpétuer les inégalités scolaires... (Protestations à droite)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Caricature !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. - ... et les vôtres. Nous ne réduisons pas la part des enseignements disciplinaires. Leurs horaires ne baissent pas. Mais ce cloisonnement ne convient pas à tous les élèves. Ce sont bien les enseignants qui assureront les enseignements interdisciplinaires et le soutien personnalisé, afin que les élèves ne quittent plus le collège sans avoir compris ce qu'ils y apprennent.
Pour les mettre en oeuvre, pour mettre en place, aussi, la formation continue, il fallait signer le décret, afin d'assurer que cette réforme se fera, puis discuter ensuite avec tous les enseignants et leurs organisations de sa meilleure application. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Conférence sur le climat
M. Jean-Yves Roux . - La France présidera le 30 novembre prochain la 21e conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 21). Cette échéance est fondamentale : contenir le réchauffement sous deux degrés Celsius.
Quelque 195 pays seront impliqués, 47 000 participants sont attendus. C'est le plus grand évènement diplomatique jamais organisé. Le président de la République a eu le courage de s'engager et de présenter la candidature de la France. (Expressions amusées à droite)
Le couple franco-allemand a décidé de donner un coup d'accélérateur aux travaux préparatoires, mardi dernier à Berlin. Fin février, le président de la République a lancé « l'Appel de Manille », (Exclamations à droite) afin de sensibiliser gouvernants et citoyens sur l'urgence de lutter contre le dérèglement climatique, par une réponse globale portée par tous.
Aujourd'hui même se termine à Paris, au siège de l'Unesco, le forum mondial des entreprises partenaires de la COP 2. Le secteur privé a répondu à l'appel du secrétaire général de l'ONU, et prend un rôle plus actif dans le processus mondial de décarbonatation.
Toutes les forces doivent s'associer pour réussir la COP 21.
Quels moyens, monsieur le ministre, mettez-vous en oeuvre pour que la COP 21 soit un succès diplomatique ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - Merci pour votre question. Vous avez bien défini les enjeux de la COP 21. Il faut toujours se méfier des épithètes. Cependant, si nous parvenons à convaincre les 196 pays présents, ce sera vraiment un succès pour le monde et pour la France, hôte de la conférence.
Premier objectif : un accord universel, différencié, juridiquement contraignant et qui aille au-delà de 2030. Les négociations avancent, mais elles sont très difficiles, puisqu'il s'agit de mettre d'accord 196 pays.
Deuxième objectif : atteindre 90 %, voire plus, pour les contributions nationales des pays à réduction de la masse globale des émissions de gaz à effet de serre. Nous en sommes à 30 % ou 40 %.
Troisième objectif : les financements. Aucun pays n'est opposé par principe à un accord, je l'espère du moins, mais certains s'inquiètent sur son financement, à commencer par les plus pauvres. Pour aboutir à 100 milliards de dollars par an en 2020, il reste beaucoup de travail.
Enfin, il s'agit d'associer les parlementaires que vous êtes, les collectivités territoriales, les entreprises. Si nous remplissons tous ces objectifs, et je compte, à cet égard, sur chacune et chacun d'entre vous, la COP 21, on peut le dire, sera un succès. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Réforme du collège (V)
Mme Colette Mélot . - Des syndicats d'enseignants dits réformistes qui dénoncent la parution du décret...
M. David Assouline. - Encore ? (Exclamations à droite)
Mme Colette Mélot. - ...comme une provocation du Gouvernement, alors que les autres manifestent, voilà qui n'est pas banal.
En dépit de la multiplication des critiques, notamment d'intellectuels éminents, madame la ministre, et non de « pseudo-intellectuels », comme vous les avez dénommés, vous persévérez.
Votre but est le nivellement par le bas. (Protestations sur les bancs socialistes) Les parents des classes populaires ne vous demandent pas de saborder l'élitisme républicain, mais de donner à leurs enfants les moyens d'y parvenir. Au contraire, vous décimez les heures de français, supprimez le latin et le grec, les classes bilangues et les classes européennes... Est-ce ainsi que vous comptez restaurer l'égalité républicaine ? Votre credo, la réduction des inégalités, n'est qu'une vaste hypocrisie. Vous abandonnez les enfants des quartiers populaires et l'enseignement dans les zones urbaines sensibles. Allez-vous enfin entendre ceux qui, d'où qu'ils viennent, pensent un autre avenir pour la jeunesse et notre pays ? Allez-vous ouvrir un vrai dialogue, une véritable concertation ?
Monsieur le président. - Concluez.
Mme Colette Mélot. - Allez-vous renouer avec l'excellence pour le plus grand nombre ? (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Voici plusieurs semaines que j'entends parler de « nivellement par le bas ». Je vous donnerai ma propre définition.
Le nivellement par le bas, c'est quand les familles craignent de mettre leurs enfants dans un collège car ils ont peur qu'il ne puisse l'éduquer. Le nivellement par le bas, c'est quand on assiste depuis dix ans, les bras ballants, à la baisse du niveau de tous les élèves sans rien faire, sinon en l'aggravant avec la diminution des heures, la suppression de postes et de la formation des enseignants. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes, protestations à droite)
Le nivellement par le bas, c'est aussi quand les milieux modestes en viennent à intégrer spontanément et psychologiquement le caractère, selon eux, inéluctable de l'échec scolaire. C'est pourquoi nous cherchons à renforcer l'acquisition des fondamentaux...
M. Rémy Pointereau. - A l'école primaire, c'est là que ça se joue !
Mme Colette Mélot. - Eh oui !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Le travail, l'effort, le mérite, cela s'acquiert. (Exclamations à droite) C'est pourquoi nous développons l'interdisciplinarité, avec les enseignants, autour de projets... (Même mouvement)
M. Rémy Pointereau. - Ce n'est pas une bonne réforme !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Chaque enfant a un potentiel. Je crois à l'égalité des possibles... Chaque enfant doit avoir la faculté de l'exprimer. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
RSI
M. Alain Joyandet . - Le régime social des indépendants (RSI) connait de graves difficultés. Ce sont les Urssaf qui recueillent les cotisations, d'où les dysfonctionnements récurrents, soulignés par la Cour des comptes. Des rappels de cotisation surprenants, voire brutaux, sont parfois exigés.
Il est impératif que les cotisations soient estimées selon les revenus de l'année en cours, et non des années antérieures, compte tenu de leur variation. Vos mesures ont aggravé la situation : déplafonnement des cotisations, restauration d'une cotisation minimale forfaitaire, suppression de la déduction forfaitaire pour frais professionnels, fiscalisation accrue des dividendes, autant de mesures qui pèsent lourdement sur les indépendants. Le temps n'est-il pas venu de leur offrir le choix de rejoindre le régime général ? (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Le RSI, en effet, a connu de très grandes difficultés. Vous avez évoqué le rapport de la Cour des comptes : c'est à propos de la réforme de 2008 qu'elle a évoqué une catastrophe industrielle ! Rappels de cotisation indexés, impossibilité de joindre les agents du RSI, tout cela découle de votre réforme mal préparée. (Protestations à droite)
Depuis, grâce à la mobilisation des agents, les choses se sont améliorées. Le Gouvernement a aussi pris des mesures : 70 % des artisans ont vu leurs cotisations baisser, cette diminution atteignant 400 euros pour un revenu de 20 000 euros par an.
Le régime de la micro-entreprise sera un progrès. Pour aller plus loin, le Gouvernement a missionné deux députés Mme Sylviane Bulteau et M. Fabrice Verdier. En tout cas, rien ne peut justifier les appels irresponsables, qui desservent les artisans et indépendants concernés, à la désaffiliation de la sécurité sociale, celle-ci étant la garante de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Engagement du Gouvernement et des collectivités en faveur de la culture
Mme Maryvonne Blondin . - « La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité » disait le prix Nobel de littérature de 2010, Gao Xingjian. Le Premier ministre vient d'affirmer haut et fort la sanctuarisation du budget de la culture jusqu'à la fin du quinquennat, mesure tant attendue. Il faut dire que le budget de la culture a pris sa part de l'effort de redressement, par la baisse des crédits des grands opérateurs de l'État, tout en continuant à mettre l'accent sur la création, la production et la diffusion, ainsi que sur l'éducation artistique et culturelle, la démocratisation des pratiques culturelles. Il est vrai que soutien à la culture est dans l'ADN de la gauche. (Exclamations à droite)
L'article 27 de la déclaration universelle des droits de l'homme ne dit pas autre chose, qui érige les droits culturels en droits fondamentaux.
Après les coupes sombres opérées dans les budgets culturels de certaines collectivités, je me réjouis, madame la ministre, que vous ayez proposé des pactes de trois ans avec les territoires pour inscrire l'engagement de l'État dans la durée, mais aussi stabiliser les crédits des collectivités territoriales dans le secteur culturel. Hier, à Matignon, une trentaine d'élus, de gauche comme de droite, qui tous croient en la culture, ont signé ces pactes.
Madame la ministre, comment allez-vous pérenniser et généraliser ces politiques conjointes en faveur de la culture ? Comment allez-vous assurer les moyens de votre ministère ?
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - En 2012, des choix difficiles ont dû être faits pour redresser notre pays et la culture y a pris sa part sans que soient jamais remis en cause nos priorités : la création, l'éducation artistique et culturelle, le spectacle vivant...Je comprends les réactions du monde de la culture.
Aujourd'hui, nous franchissons une nouvelle étape qui n'est pas que budgétaire, avec d'abord une démarche partenariale avec les collectivités territoriales, où celles-ci, villes et agglomérations, et l'État s'engagent pour trois ans. Hier, trente-cinq villes ont signé un pacte par lequel l'État s'engage à maintenir ses financements. Nous en avons prévu une soixantaine.
Au-delà, cette offensive pour la culture implique aussi d'entendre ce qui remonte des territoires, d'où la réforme des conservatoires de musique, dont les pratiques pédagogiques doivent évoluer, et qui s'ouvriront à de nouvelles pratiques, ainsi qu'aux cours collectifs et aux adultes...
M. Alain Fouché. - Ce ne sera pas un mal.
Mme Fleur Pellerin, ministre. - L'offensive culturelle passe aussi par la pérennisation du régime des intermittents, consubstantiel à notre spécificité culturelle française, dans le projet de loi Rebsamen de modernisation du dialogue social ; offensive culturelle toujours, avec le prochain projet de loi sur la création, l'architecture et le patrimoine, reposant sur le triptyque liberté, protection et partage, qui devrait être adopté en conseil des ministres en juin.
Oui, le Gouvernement mène une offensive culturelle d'ensemble ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La séance est suspendue à 16 heures.
La séance reprend à 16 h 15.