Méthodes de travail du Sénat (Proposition de résolution)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace.
Discussion générale
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois . - Cette proposition de résolution, présentée par le président du Sénat, est comparable, par son ampleur -20 articles modifiés-, à la modification du Règlement résultant de la révision constitutionnelle de 2008. Si nous savons écouter ce qui se dit à l'extérieur, ce texte résulte de travaux conduits au sein du Sénat. Naguère, M. Bernard Frimat et moi-même avions tenté de faire évoluer les choses, mais le temps n'était pas venu. Ces derniers mois, un groupe de travail a associé notamment les questeurs et les présidents de groupe et de commission, et dont les rapporteurs étaient MM. Richard et Karoutchi, qu'il faut saluer. (Applaudissements) Parallèlement, un autre groupe a travaillé sur la gouvernance du Sénat.
Ce ne sont pas des mesurettes qui nous sont proposées. Il s'agit d'abord de faciliter l'exercice par les sénateurs de leurs missions. L'obligation de participer effectivement aux travaux du Sénat s'impose naturellement ; mais il y a un problème d'agenda... L'objectif, c'est que les commissions permanentes soient seules à siéger en cas de réunions législatives -par principe, car les commissions peuvent difficilement recevoir le ministre le mercredi matin, au moment du Conseil des ministres, ou même les commissaires européens lorsque la commission des affaires européennes le souhaite.
Il n'a pas paru à la commission des lois que le tableau d'activité des sénateurs relevait du Règlement. En revanche, des pénalités financières sont prévues, sur l'indemnité de fonction, sur l'IRFM, en cas d'absence à plus de 50 % des réunions de commissions, votes solennels et questions d'actualité au Gouvernement en un trimestre. Je proposerai un régime plus léger pour nos collègues d'outre-mer, et en cas de longue maladie et de congé maternité. (Mme Éliane Assassi approuve)
C'était demandé depuis longtemps, la séance et les commissions seront rendues plus complémentaires. La séance publique sera plus concentrée, grâce à des temps de parole plus limités -sans aller jusqu'au temps législatif programmé qu'a mis en place l'Assemblée nationale.
Une séance de questions d'actualité au Gouvernement sera organisé chaque semaine -il serait bon de pouvoir répliquer aux ministres.
Quant à la gouvernance, tous les groupes, qui sont constitutionnellement reconnus, devront avoir une association de gestion et un commissaire aux comptes.
Des sanctions sont prévues en cas de conflit d'intérêts et de manquement aux obligations déontologiques.
Je m'arrête après dix minutes, comme c'est prévu pour les rapporteurs... (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Corinne Bouchoux . - Nous avons collectivement pris conscience que si le Sénat ne se réformait pas, il serait mis en difficulté, voire condamné.
Saluons le travail accompli. Les Français attendent plus de transparence financière sur l'utilisation de l'IRFM et des moyens des groupes. Quant au tableau d'activités, s'il ne relève pas du Règlement, il répond aussi à une demande. Les dispositions proposées sont nécessaires ; elles ne seront pas suffisantes si leur application ne donne pas une autre image du Sénat. Car la forme n'est rien sans le fond.
Jamais le Sénat n'a autant travaillé, autant siégé, et pourtant jamais son image n'a été aussi fragilisée. Cruel paradoxe... Les spécialistes le reconnaissent : le Sénat est depuis longtemps un facteur d'amélioration qualitative de la loi, moins soumis aux jeux partisans, un lieu de défense des libertés et de réflexion collective, souvent progressiste. Par quel mystère, cette qualité, cette expertise ne sont-elles plus comprises ?
Les lois sont votées en nombre mais nos concitoyens n'en voient pas assez les effets sur leur quotidien. Certains disent qu'il y en a trop. Comment travailler mieux tout en respectant les voix dissonantes et minoritaires ? Comment enrayer l'inflation des amendements quand leur présentation devient un moyen d'exister ? Comment éviter de montrer un hémicycle vide, quand nous sommes en réunion ailleurs ?
Nous partageons l'objectif des travaux menés. Mais il faut aussi entendre que les Français reprochent au Sénat le faste de ses locaux -qu'ils sont nombreux à vouloir visiter, pourtant, et qu'ils admirent. Une autre question se pose, celle de la composition sociologique de notre assemblée. Pour la plupart, nous sommes issus de milieux professionnels voisins et globalement favorisés. Les femmes, qui n'étaient pas quatre au Sénat en 1979, sont désormais 25 % ; c'est encore insuffisant, allons vers un Sénat mixte comme notre société est mixte. Dans les critiques de notre assemblée, il y a aussi la critique de ce que nous sommes...
Modifier les usages vers plus de transparence et de rigueur est indispensable. Est-ce suffisant ? Pour les écologistes, nous sommes au bout d'une logique institutionnelle. Il faudrait aussi reconnaître le rôle des invisibles du Sénat.
Puissions-nous amorcer une grande réforme du Sénat. Cela peut paraître anodin à certains, mais depuis deux jours, celles qui le souhaitent peuvent disposer d'une carte de sénatrice, et non de sénateur. Il y a parfois des détails importants dans la République. (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur de nombreux bancs à gauche)