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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

Questions orales

Incertitudes liées au projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement

Mme Corinne Imbert

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Financement des établissements de santé isolés

M. Franck Montaugé

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Prise en charge des malades atteints du syndrome d'Arnold-Chiari et de syringomyélie

Mme Françoise Cartron

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Délivrance d'un duplicata du permis de conduire aux Français de l'étranger

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Encadrement des droits TV de football et équité sportive

Mme Sylvie Robert

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports

Possibilité d'effectuer un service civique auprès des bailleurs sociaux

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports

Devenir de la profession des guides-conférenciers

Mme Gisèle Jourda

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports

Ligne TER entre Charleville-Mézières et Givet

M. Marc Laménie

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Autoroute A31 bis

M. Daniel Reiner

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Prévention des inondations

M. Pierre-Yves Collombat

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Écobuage

M. Mathieu Darnaud

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Révision des valeurs locatives

M. Christian Favier

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Méthanisation agricole

M. Yannick Botrel

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Situation des éleveurs français

M. Daniel Chasseing

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Mobilité des lycéens de montagne

M. Cyril Pellevat

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Refus de visas

M. Richard Yung

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Chrétiens d'Orient

M. Gilbert Roger

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification

SDF dans les centres-villes

M. Jean-Patrick Courtois

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification

Développement de l'apprentissage

M. Bruno Sido

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification

Collège de Kerhallet de Brest

M. Michel Canevet

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification

Accueil de nouveaux sénateurs

Croissance, activité et égalité des chances économiques (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. Bruno Retailleau

M. François Zocchetto

Mme Nicole Bricq

M. Jean Desessard

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Claude Requier

Scrutin public solennel

Intervention du gouvernement

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Engagement de la procédure accélérée

Débat sur l'avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence

Mme Michelle Demessine, au nom du groupe CRC

M. Jean-Marie Bockel

M. Jacques Gautier

M. Roland Courteau

M. Joël Labbé

M. Jean-Pierre Bosino

Mme Françoise Laborde

Mme Catherine Procaccia

M. Franck Montaugé

M. Serge Dassault

M. Claude Raynal

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Commissions (Candidatures)

Risques inhérents à l'exploitation de l'huître triploïde (Question orale avec débat)

M. Joël Labbé, auteur de la question

M. Daniel Laurent

Mme Odette Herviaux

Mme Marie-Christine Blandin

M. Michel Le Scouarnec

M. Gilbert Barbier

Mme Annick Billon

Mme Agnès Canayer

M. Yannick Vaugrenard

M. François Commeinhes

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

M. Joël Labbé

Commissions (Nominations)

Conférence des présidents

Mme Valérie Létard

Lutte contre les réseaux djihadistes

Mme Nathalie Goulet, au nom du groupe UDI-UC

M. André Reichardt

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Esther Benbassa

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Esnol

M. Stéphane Ravier

Mme Nathalie Goulet

M. Cédric Perrin

Mme Bariza Khiari

M. Jean-Yves Leconte

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Ordre du jour du mercredi 13 mai 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 12 mai 2015

100e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Tasca.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom d'un sénateur pour siéger comme membre suppléant au sein du Conseil national de la mer et des littoraux.

Conformément à l'article 9 du Règlement du Sénat, la commission des lois a été saisie. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.

Incertitudes liées au projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement

Mme Corinne Imbert .  - Mme la ministre, ma question porte sur les incertitudes et les conséquences liées au projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement. La notion de limite d'âge - à savoir 60 ans - dans les structures pour adultes handicapés est assez floue. D'une part, la loi du 11 février 2005 confirme leurs droits et leur statut quel que soit leur âge, ce qui favorise leur maintien dans les établissements pour personnes handicapées adultes, bien qu'il existe de fortes pressions de la part des familles. D'autre part, ce même texte limite le rôle de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la maison départementale des personnes handicapées à 60 ans, puisque les textes concernant les personnes handicapées de plus de 60 ans en établissements pour handicapés, ne parlent plus de la notion d'orientation mais de statuer sur l'accompagnement. Faut-il voir une limite d'âge de fait dans le rôle des établissements pour adultes, qui ne devraient plus accueillir à partir de 60 ans ?

En Charente-Maritime, le schéma départemental en faveur des personnes adultes handicapées pour 2013-2017 traite de ce problème et ce, dans un contexte financier très contraint. Le département a souhaité structurer la fluidité des parcours de vie. Autrement dit, organiser l'accueil des personnes handicapées vieillissantes dans des structures pour personnes âgées, avec un projet adapté, sous des formes multiples, afin de permettre l'accueil des plus jeunes, notamment maintenus en établissements pour enfants et adolescents handicapés au titre de l'amendement « Creton », en établissements pour adultes, sur les places ainsi libérées.

Comment le projet de loi traite-t-il de la situation des personnes handicapées vieillissantes ou de l'organisation du décloisonnement entre les deux secteurs de prise en charge, à savoir des personnes âgées et des personnes handicapées ? Est-il prévu de fixer une limite d'âge aux structures du handicap pour préserver leur projet initial ? Comment ne pas traiter cette question en équité pour des personnes handicapées vieillissantes qui n'ont pas travaillé au cours de leur vie et qui sont donc hébergées en foyer occupationnel, en foyer d'accueil médicalisé, alors que cette limite d'âge et de prise en charge est clairement fixée pour des travailleurs handicapés qui ont atteint l'âge de la retraite et qui ne sont alors plus accueillis en établissements et services d'aide par le travail, ni même en foyer d'hébergement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Le projet d'adaptation de la société au vieillissement sera voté avant la fin de l'année, pour une pleine entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Je veux rendre à nouveau hommage au travail sénatorial.

Nous avons accéléré en mars 2015 la publication par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux des recommandations relatives à leur intervention auprès des personnes âgées vieillissantes. Le projet de loi privilégie la complémentarité, apporte des garanties concernant les maisons départementales d'accueil des personnes handicapées. L'article 30 bis du texte prévoit la remise d'un rapport dans les six mois de sa promulgation sur l'impact des limites d'âge.

J'ai enfin souhaité que les mesures d'anticipation de la loi prises cette année à hauteur de 83 millions sur la Casa, aient un impact positif sur le secteur du handicap. Je pense à l'abondement du fonds de compensation du handicap ou à la revalorisation des salaires des aides à domicile.

Mme Corinne Imbert.  - Merci pour votre réponse. La limite d'âge est un vrai problème en Charente-Maritime. Nous travaillons à des réorganisations avec les établissements, à moyens constants, pour fluidifier le parcours. Il faudra à un moment clarifier définitivement les choses.

Financement des établissements de santé isolés

M. Franck Montaugé .  - Ma question porte sur les modalités dérogatoires de financement pour les établissements de santé isolés géographiquement et situés dans des zones à faible densité de population, introduites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

La circulaire du 29 décembre 2014 relative à la campagne tarifaire 2014 des établissements de santé et la loi précitée précisent et corrigent les modalités de financement des établissements de santé reconnus comme géographiquement isolés. Un décret d'application précisant les critères d'isolement géographique, la procédure de sélection des établissements éligibles et les modalités de financement est en cours d'examen par le Conseil d'État. Les directions générales des agences régionales de santé ont été consultées sur les critères d'éligibilité et la liste des établissements potentiellement concernés.

Dans quelle mesure certains établissements, notamment celui d'Auch, pourraient-ils bénéficier de financements complémentaires ? Il y va de l'accès équitable aux soins de l'ensemble de la population. Dans les territoires faiblement dotés, la qualité de l'offre de soins ne doit pas dépendre uniquement des volumes d'activité.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Les établissements que vous évoquez ont en effet un niveau d'activité insuffisant pour équilibrer leur budget de fonctionnement mais ils sont indispensables. Les critères d'éligibilité à un financement complémentaire ont été fixés par le décret du 17 février 2015 ; l'établissement d'Auch ne les remplit pas tous. Mme la ministre de la santé reste toutefois vigilante au rôle qu'il joue, comme d'autres du même type, pour une offre de soins accessible à tous et de proximité. L'ARS a été saisie.

M. Franck Montaugé.  - Merci. Veillons à ne pas concentrer l'offre de soins dans les seules métropoles.

Prise en charge des malades atteints du syndrome d'Arnold-Chiari et de syringomyélie

Mme Françoise Cartron .  - La malformation de « Chiari » est une maladie rare, orpheline, qui consiste en un déplacement vers le bas de la portion caudale du cervelet. La syringomyélie est aussi une maladie rare et orpheline creusant des cavités dans la moelle épinière ; elle est très douloureuse et très handicapante. Ces deux maladies sont souvent associées.

Dans les types les plus graves, les symptômes sont particulièrement handicapants, jusqu'à la paralysie complète et parfois la mort subite. Outre la prescription de palliatifs à la douleur, il est très courant que les malades subissent plusieurs craniectomies sans que leur état ne s'améliore pour autant. Ces réponses, si elles peuvent soulager temporairement, ne permettent pas de stopper l'évolution de la maladie.

Or l'Espagne autorise, depuis de nombreuses années, un acte chirurgical, la section du filum terminal en extradural. Il existe même un institut spécialisé dans cette pathologie à Barcelone. L'opération est moins onéreuse, moins invasive et plus efficace. Je ne suis pas spécialiste, mais cette technique semble permettre un soulagement définitif et stoppe automatiquement l'évolution de la maladie ; elle permet aux malades, dans la plupart des cas, de recouvrer une activité normale quelques semaines ou quelques mois après l'opération.

Or cette intervention n'est pas automatiquement remboursée par les caisses d'assurance maladie françaises - c'est le cas dans certains départements mais pas dans d'autres. Le gouvernement envisage-t-il une prise en charge complète par la sécurité sociale partout sur le territoire ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Une proportion importante de cas de malformation de type 1 conduit à une paralysie complète. Les actes chirurgicaux effectués en Espagne restent controversés, la littérature médicale ne permet pas de conclure définitivement sur l'efficacité de ces traitements.

La France dispose toutefois d'un centre de référence à Bicêtre. Les recherches qui y sont conduites pourraient, si elles étaient concluantes, se voir validées par la Haute Autorité de santé (HAS) et remboursées par l'assurance maladie.

Mme Françoise Cartron.  - Je me félicite que les spécialistes se penchent sur le sujet. Les différences de remboursement subsistent. J'espère que nous trouverons une solution rapidement.

Délivrance d'un duplicata du permis de conduire aux Français de l'étranger 

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Elle porte sur les difficultés rencontrées par les Français de l'étranger pour obtenir un duplicata de leur permis de conduire français, en cas de vol ou de perte. Le ministre n'a pas répondu à la question écrite que je lui avais posée en février 2014... Le Sénat a voté un amendement donnant aux consulats des compétences proches de celles des préfectures en matière de délivrance de duplicata de permis de conduire - j'espère que l'Assemblée nationale le conservera. Le décret en cours de préparation reprend-il tous les termes de la résolution votée en mars 2015 par l'AFE ? Il était demandé au gouvernement, outre de permettre aux postes consulaires de délivrer des duplicatas de permis de conduire en cas de vol ou de perte et des permis de conduire internationaux, de simplifier la procédure de rétablissement des droits à conduire pour les Français qui ont été titulaires d'un permis de conduire français et qui reviennent en France, ou encore de négocier avec nos partenaires européens pour que la réussite à l'examen du code de la route soit reconnue en Europe.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'intérieur.

Un amendement parlementaire a en effet été adopté sur ce point dans le cadre de la loi sur la croissance et l'activité. Sa conformité avec la directive européenne du 20 décembre 2006 n'est toutefois pas certaine. Cette directive subordonne en effet la possibilité pour un conducteur de solliciter un permis de conduire auprès d'un État â la condition qu'il ait fixé sa résidence normale sur le territoire de cet État. Le gouvernement présentera prochainement au Conseil d'État un projet de décret modifiant l'article région 225-2 du code de la route et permettant notamment aux titulaires d'un permis de conduire français qui y sont autorisés par la réglementation européenne de demander le renouvellement de leur titre auprès du poste consulaire dont ils dépendent. Il proposera en conséquence un amendement pour fiabiliser le dispositif juridique.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Il eût été bon que le ministre réponde plus rapidement à ma question écrite.

La réponse n'est pas totalement satisfaisante. L'AFE a fait des propositions importantes. Même s'ils n'ont pas leur résidence en France, de nombreux expatriés y reviennent régulièrement. Il faut leur permettre de vivre normalement à l'étranger.

Encadrement des droits TV de football et équité sportive

Mme Sylvie Robert .  - Après les succès de 1998 et 2000, les clubs français de football de l'élite ont attiré un grand nombre de joueurs internationaux.

Depuis quelques années, la situation de nos clubs est plus contrastée. Leurs marges de manoeuvre budgétaires baissent, ce qui influe sur leurs résultats sportifs. Si la formation interne s'est développée, nos clubs ont perdu en compétitivité.

Cette situation s'explique en partie par leur décrochage en matière de droits de retransmission télévisée. Ces droits se montent à 607 millions, 748 pour 2016-2020, quand ils atteignent 7 milliards pour la Premier League anglaise... Les écarts sont abyssaux. Le dernier de la Premier League perçoit davantage que le premier de notre championnat.

Une réflexion est à conduire avec l'UEFA, dans le cadre du fair-play financier, pour harmoniser les règles relatives aux droits de retransmission, sans porter atteinte à la libre concurrence. Qu'en pense le gouvernement ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports .  - Vous n'avez pas cité 1993 et la victoire de l'OM en Ligue des champions...

M. Jean-Claude Gaudin.  - Oubli pardonné !

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - La situation est préoccupante, elle pose le problème de la compétitivité de nos clubs, qui ne partent pas sur la même ligne de départ que certains de leurs homologues étrangers.

La solution ne peut être réglementaire. Si la Commission européenne est intervenue dans ces matières, c'est essentiellement pour s'assurer de la portée concurrentielle des transactions. Limiter la marge de manoeuvre des titulaires des droits en matière de fixation des prix serait considéré comme une entrave à la concurrence en aval, la retransmission des compétitions étant un élément important de la concurrence entre radiodiffuseurs. C'est par le jeu de cette concurrence, notamment avec l'arrivée de beIN Sport, que la Ligue 1 a pu multiplier par six ses droits de diffusion depuis 1998. Vous l'avez dit, la solution réside dans une discussion avec l'UEFA.

En ligue 1, la première condition de l'augmentation des droits de retransmission est l'amélioration de l'attractivité des clubs. Dans la loi de finances 2015, le gouvernement a substitué une TVA à taux réduit à la taxe sur les spectacles ; la loi sur la croissance et l'activité lève en outre certaines contraintes relatives à l'affichage publicitaire dans les enceintes sportives. Les mesures générales en faveur des entreprises bénéficient aussi aux clubs.

J'ai saisi le président Platini des inégalités des droits-télé et des inégalités fiscales existantes. Des coefficients de péréquation pourraient être envisagés.

Mme Sylvie Robert.  - Merci. Je reste attentive à l'évolution du dossier.

Possibilité d'effectuer un service civique auprès des bailleurs sociaux

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Ma question porte sur la possibilité d'élargir le service civique aux bailleurs sociaux.

Créé en 2010, le service civique est un engagement volontaire, pour les jeunes Français âgés de 16 à 25 ans, qui vise à renforcer la cohésion nationale et la citoyenneté. Depuis 2010, 81 000 jeunes de 16 à 25 ans ont participé à une mission, pour 80 % des cas dans le secteur associatif.

La loi de programmation des finances publiques 2012-2017 prévoit un objectif de montée en charge du dispositif, qui s'est traduit par un budget de 170 millions d'euros pour 2015 - il devrait atteindre 221 millions d'euros à l'horizon 2017.

La Cour des comptes préconisait, en février 2014, de trouver des missions nouvelles, sans créer un risque de substitution à l'emploi. Parmi les neuf domaines d'intervention reconnus prioritaires par la Nation pour l'accomplissement d'une mission d'intérêt général, la solidarité répond aux missions que pourraient mener des jeunes au sein des organismes HLM, dont les objectifs sont le droit au logement et la mixité sociale.

Cela renforcerait l'intégration citoyenne des jeunes dans la vie municipale en les encourageant à s'impliquer pour leur quartier et la prise de conscience de leur environnement, souvent dégradé de façon répétée au sein du parc social.

Elles seraient en outre un facteur d'insertion sociale, puisque, selon une étude de l'Agence du service civique, 75 % des volontaires travaillent ou étudient après la fin de leur engagement.

Lors de sa conférence de presse du 5 février 2015, le président de la République a annoncé, d'une part, la création d'un service civique universel et, d'autre part, que l'Agence du service civique acceptera la demande de mission de tout jeune à partir du 1er juin 2015.

Madame la ministre, comptez-vous élargir les missions de service civique aux bailleurs sociaux et, si oui, comment ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports .  - Le président de la République a fait du service civique une priorité. Chaque jeune qui en fait la demande pourra en bénéficier.

Ils étaient 35 000 en 2014. Ils seront 70 000 fin 2015, grâce à la mobilisation de Patrick Kanner. 73 millions d'euros viennent abonder le budget qui est dévolu au service civique dès 2015.

Tous les partenaires publics et les trois fonctions publiques sont sollicités. Les bailleurs sociaux, Spic et OPH peuvent déjà accueillir des jeunes, à l'image des OPH de Valence ou de Brive. Des thématiques nouvelles pourront être portées : « savoir habiter », former les habitants aux gestes en faveur de l'environnement, diffuser des messages de prévention...

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Merci. Il est important d'ouvrir les jeunes à ces thématiques nouvelles - bien vivre, écocitoyenneté, accès aux droits -. Je verrai comment Côte d'Azur Habitat pourra prochainement accueillir les jeunes de mon département.

Devenir de la profession des guides-conférenciers

Mme Gisèle Jourda .  - Ma question porte sur le devenir de la profession des guides-conférenciers, éléments moteurs du tourisme dans l'Aude. La réglementation des métiers du guidage a été réformée par le décret du 1er août 2011 ; les quatre professions réglementées de guide-interprète régional, guide-interprète national, guide-conférencier des villes et pays d'art et d'histoire et conférencier national ont été remplacées par une unique profession réglementée : celle de guide-conférencier. La formation universitaire pour y accéder dispense des enseignements divers mais surtout une approche technique du métier qui en garantit la spécificité et la qualité ; elle aboutit à la délivrance d'une carte professionnelle qui seule permet l'exercice du métier.

La loi du 20 décembre 2014 a remplacé certains régimes d'autorisation préalable par des régimes déclaratifs, ce qui permettra à toute personne désirant conduire des visites guidées de le faire sans diplôme, soit sans garantie ni contrôle des compétences. N'importe qui pourra faire visiter la Cité de Carcassonne, classée au patrimoine de l'humanité... La loi simplifie aussi les dispositifs de droits de parole pour les guides étrangers, sans réciprocité ni contrôle. C'est un contresens au moment où nous espérons voir classés les châteaux cathares au patrimoine mondial. L'effet d'aubaine aura des conséquences dommageables pour la profession, soumise déjà à une grande précarité, et a fortiori pour les acteurs touristiques locaux qui s'en trouveront affaiblis. L'ouverture à la concurrence menace la profession.

Quelles sont les intentions exactes du gouvernement ? Que contiendra l'ordonnance, notamment en termes de contrôle et de sanctions ?

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports .  - La création d'un statut unique s'est accompagnée de la délivrance d'une carte professionnelle. L'annonce que l'ordonnance prévoyait la suppression de celle-ci et un régime déclaratif a suscité de nombreuses réactions, je le sais. Les guides, craignant la déqualification de leur métier, ont alerté la ministre de la culture et les parlementaires, légitimement conscients des enjeux du développement touristique. Un comité de pilotage interministériel a été mis en place en octobre 2014. La ministre y a plaidé pour une réforme concertée avec les professionnels concernés et rappelé l'urgence de dispositions spécifiques pour les tour-opérateurs étrangers hors Union européenne et Espace économique européen.

Les organisations professionnelles ont été reçues à plusieurs reprises. La carte professionnelle sera conservée ; le décret listant les qualifications requises sera simplement actualisé pour y inclure notamment les établissements d'enseignement supérieur agréés par le ministère de la culture ; la dématérialisation de la procédure administrative d'autorisation est prévue à l'horizon 2016. La création d'un registre national en ligne est envisagée pour valoriser la profession.

Un groupe de travail sur les métiers du guidage et de la médiation sera mis en place prochainement.

Mme Gisèle Jourda.  - J'ai bien noté la volonté de concertation. Nous serons vigilants, car les entrepreneurs que sont les guides font le maillage de notre territoire et sont partie à notre identité culturelle.

Ligne TER entre Charleville-Mézières et Givet

M. Marc Laménie .  - Ma question porte sur les conditions de transport des voyageurs de la ligne SNCF de TER entre Charleville-Mézières et Givet.

Cette ligne, longue de 64 kilomètres, accueille 800 000 voyageurs par an. Les conditions de transport s'y sont dégradées puisqu'en trente ans la durée du trajet est passée de cinquante-deux minutes à une heure et dix minutes. Cette dégradation est due à un déficit d'entretien qui rend la double voie difficilement praticable à certains endroits et provoque des ralentissements, pour des raisons de sécurité, à 10 et 30 km/h.

Les travaux de maintenance effectués par RFF ces dernières années n'ont pas permis de combler le retard et sont insuffisants pour garantir la pérennité de la ligne, dont le coût total de remise en état est évalué entre 130 et 150 millions d'euros, compte tenu du grand nombre d'ouvrages d'art et de tunnels qu'elle comporte.

Or cet axe ferroviaire de la vallée de la Meuse est de première importance dans le schéma des transports ardennais et constitue un outil d'aménagement du territoire, tant sur le plan économique que touristique, avec le projet de réouverture vers la Belgique de la section Givet-Dinant.

Quelles mesures peuvent être prises, à court et moyen terme, pour conforter l'existence de ce transport public, le deuxième plus fréquenté de Champagne-Ardenne ? Cette voie ferrée est indispensable pour l'avenir des Ardennes, compte tenu de la participation financière de l'État et des collectivités territoriales consentie depuis 2007 dans le cadre du contrat de développement économique. La poursuite des travaux d'investissement doit être une priorité.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - 55 millions d'euros ont été alloués pour réaliser des travaux de modernisation entre 2008 et 2013, permettant la réfection de 13 km de voies et l'intervention sur plusieurs ouvrages, dont des ponts sur la Meuse. De plus, SNCF Réseau consacre 4,5 millions chaque année à la maintenance de cette ligne.

Certaines parties de voies restent très dégradées, d'où les limitations temporaires de vitesse. D'autres travaux restent nécessaires. Les contrats de plan État-région (CPER) 2015-2020 sont justement en cours de finalisation. Jean-Paul Bachy, président de la région, a souhaité faire de cette ligne une priorité ; elle a été placée au coeur des discussions du CPER.

Une première phase de travaux a été actée ; ils permettront de lever les limitations temporaires de vitesse et d'améliorer les temps de parcours actuels. L'action de l'État sur ce bassin de vie s'inscrit pleinement dans la volonté du gouvernement de maintenir l'activité sur tous les territoires.

M. Marc Laménie.  - Merci. Vous avez parlé à juste titre de bassin de vie. La vallée de la Meuse a aussi une forte dimension historique et environnementale. Les trois voies de communication sont liées, le rail, la route, le fleuve. Je prends note de l'engagement du gouvernement. Outre le volet financier, prenons en compte le volet humain en améliorant la sécurité.

Autoroute A31 bis

M. Daniel Reiner .  - Ma question porte sur le dossier de l'autoroute A31 bis, déterminant pour le développement de la Lorraine.

Le 6 mars 2015, lors de sa visite d'État au Luxembourg, le président de la République a déclaré : « Il faut relancer l'A31 bis ». Cette déclaration fait suite à la saisine, par le gouvernement, de la Commission nationale du débat public - celui-ci a été lancé en Lorraine. Cette étape était réclamée, depuis de nombreuses années, par l'ensemble des forces vives de Lorraine, pour lesquelles l'A31 bis est un dossier prioritaire.

La situation actuelle n'est plus tenable. L'A31 accueille aujourd'hui jusqu'à 100 000 véhicules par jour, dont 8 000 à 12 000 poids lourds, ce qui en fait un des axes routiers les plus chargés de France. Ce trafic résulte de la densité des échanges dans le sillon lorrain, notamment entre Metz et Nancy, de flux de transit particulièrement importants entre la mer du Nord et la Méditerranée et d'une augmentation croissante des migrations transfrontalières - plus de 80 000 Lorrains travaillent au Luxembourg aujourd'hui. Ils seront 100 000 en 2025. Le projet A31 bis consiste en la réalisation de barreaux autoroutiers neufs et en l'élargissement d'A31. Dans son rapport de juin 2013, la commission « Mobilité 21 » pointait l'urgence de la situation.

M. Masseret, président de région, a souhaité que soit expérimentée une écotaxe en Lorraine. Les poids lourds en transit empruntent l'A31 pour éviter l'Allemagne et l'écotaxe qui y est en vigueur. Avec cette taxe, la vie de milliers de Lorrains serait rendue plus facile.

Alors que s'engage le débat public, quelles sont les intentions du gouvernement sur les modalités et le calendrier de réalisation d'une A31 bis ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - L'A31 est victime de congestion. Le projet A31 bis a été classé prioritaire par la commission « Mobilité 21 ». La Commission nationale du débat public a été saisie en novembre 2014. Les aménagements envisagés portent sur un élargissement à deux fois trois voies des infrastructures existantes ainsi qu'une remise à niveau environnementale et la construction de deux nouveaux tronçons autoroutiers à deux fois deux voies, la liaison A30-A31 nord à l'ouest de Thionville et la liaison Toul-Dieulouard.

J'étudierai avec attention le bilan qui sera fait du débat public. Je vous confirme l'intérêt du gouvernement pour l'A31 bis et le développement économique du sillon lorrain.

Quant à l'introduction d'une écotaxe poids lourds régionale, le débat se poursuit avec les collectivités territoriales. La porte n'est pas fermée.

M. Daniel Reiner.  - Je note avec satisfaction que le gouvernement est mobilisé sur ce dossier majeur pour la région Lorraine. Le projet de 1999 avait été abandonné car il prévoyait une seconde autoroute dans la vallée, parallèle à la première, ce qui n'avait pas de sens.

Reste que les aménagements prévus auront un coût. La mise en place d'une écotaxe serait utile.

Prévention des inondations

M. Pierre-Yves Collombat .  - La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles comporte des dispositions importantes, dont la création d'une taxe, assise sur le foncier, permettant de financer la politique de prévention des inondations. Depuis cette date, les inondations n'ont pas manqué, dans le Var en 2014 ou en Savoie cette année.

L'urgence de la mise en place effective d'une politique active de prévention de l'inondation n'est plus à démontrer. Aussi suis-je surpris de constater que les décrets d'application prévus par la loi Maptam, notamment ceux nécessaires à l'instauration de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, sont encore en gestation. Ce retard dû, semble-t-il, à une mésentente entre les ministères de l'intérieur et des finances, est fâcheux. Quelles sont les raisons de ce retard ? Quand lesdits décrets seront-ils publiés ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - La loi Maptam a mis en place une taxe sur les milieux aquatiques et en décrit les modalités. Celles-ci ont été inscrites dans l'article 1530 bis du CGI. Il apparaît que celui-ci est suffisant et qu'aucun nouveau texte n'est nécessaire. Les communes et les EPCI à fiscalité propre qui ont choisi d'assumer cette compétence peuvent déjà l'instaurer. Le décret « digues » a obtenu un avis favorable du Conseil d'État le 24 mars dernier ; celui relatif aux préfets coordonnateurs de bassin a été publié le 30 juillet 2014 ; celui relatif aux établissements publics de gestion des eaux sera soumis bientôt au Conseil d'État après saisine de la Commission nationale d'évaluation des normes.

M. Pierre-Yves Collombat.  - On prévoit toujours des décrets... Je me félicite que le texte soit d'application immédiate. Merci pour cette bonne nouvelle.

Écobuage

M. Mathieu Darnaud .  - Ma question porte sur la restriction de l'usage de l'écobuage dans les zones rurales.

La fin de la saison hivernale est marquée par la reprise d'activités d'entretien des espaces naturels et des jardins. Nombreuses sont celles qui produisent des déchets verts, souvent éliminés par brûlage, en totale infraction avec la réglementation.

Dans le département de l'Ardèche, l'espace forestier couvre plus de 45 % de la surface du territoire. Or l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2014 interdit toute forme d'écobuage à une distance de 200 mètres des étendues forestières. Pour les collectivités rurales, le transport des déchets verts par les ouvriers communaux, la mise à disposition de véhicules adaptés et les frais de carburants représentent des charges importantes, d'autant plus difficiles à assumer depuis que l'État baisse drastiquement les dotations.

Ces charges pourraient être considérablement allégées et le travail des agents communaux facilité si, tout comme les agriculteurs, forestiers et particuliers soumis à l'obligation légale de débroussaillement, les services techniques communaux de ces petites communes étaient autorisés à brûler les déchets verts sur place.

Le gouvernement entend-il assouplir la réglementation et faciliter ainsi la vie des collectivités rurales ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Les brûlages à l'air libre de végétaux sont interdits car, outre le risque d'incendie, ils sont très polluants et dégagent particules et dioxines.

Le compostage de proximité, en jardin ou dans des plateformes de compostage est la solution la plus adaptée en milieu rural pour éliminer les déchets verts. La loi de transition énergétique favorise le développement du tri à la source des biodéchets, ce qui contribuera au développement des possibilités de compostage et à celui de l'économie circulaire.

Dans le cadre des plans régionaux, un guide à destination des collectivités pourra être rédigé. Les ministères concernés soutiendront les démarches volontaires.

M. Mathieu Darnaud.  - Les plateformes de compostage sont difficiles à mettre en oeuvre, de même que le tri des biodéchets. À l'heure où l'on parle de réduire les émissions de carbone, on impose de parcourir 30 ou 40 kilomètres pour transporter ces déchets jusqu'à la déchetterie. Simplifions la réglementation. L'écobuage représente une solution et devrait être autorisé.

Révision des valeurs locatives

M. Christian Favier .  - L'arrêté publié au Journal officiel le 26 décembre 2014 a désigné le département du Val-de-Marne pour expérimenter la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux d'habitation.

Je regrette que le conseil général n'ait à aucun moment été saisi de ce projet. L'État ne saurait pourtant conduire seul le travail à effectuer, sans risquer de n'avoir qu'une vision parcellaire des bases d'imposition des territoires. Les conséquences de la révision des valeurs locatives pour les contribuables et les collectivités locales ne doivent pas être évaluées sous le seul angle comptable. Il faut aussi intégrer les paramètres socioéconomiques et humains propres à chaque territoire.

Cette révision des potentiels financiers et fiscaux des collectivités territoriales aura des effets sur la répartition des dotations de l'État et les instruments de péréquation. On ne peut donc faire l'économie d'une importante concertation sur les modalités et la mise en oeuvre de cette expérimentation. Ce qui s'est passé lors de la réforme des bases d'imposition des locaux professionnels est la parfaite illustration de ce qu'il ne faut pas faire.

Quels dispositifs d'information et de concertation seront mis en place avec les élus locaux des communes et des départements concernés ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Dans mon courrier du 18 février dernier, je vous ai indiqué que, conformément à l'article 74 de la loi de finances de 2013, le gouvernement avait lancé une expérimentation dans cinq départements, dont le Val-de-Marne et Paris. Une première réunion de concertation a eu lieu avec les commissions des finances des deux assemblées et les associations d'élus locaux. C'est un travail de bénédictin qui n'en est qu'à ses débuts. Il y aura un rapport de la DGFiP sur la base duquel le gouvernement présentera au Parlement un bilan des simulations, en amont de la discussion de la loi de finances pour 2016. Au vu également des enseignements tirés de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, de nouvelles discussions pourront s'engager pour déterminer selon quelles modalités une révision des valeurs locatives des locaux d'habitation pourrait être effectivement mise en oeuvre.

Je répète que nous n'en sommes qu'au début d'un processus et qu'il y aura bien un travail collectif avec les élus concernés. Si nécessaire, le travail expérimental sera prolongé d'un an, afin d'affiner les modalités de calcul et de respecter, en définitive, la stabilité globale des prélèvements. Le processus itératif et collaboratif ne fait que commencer.

M. Christian Favier.  - Je ne suis évidemment pas hostile à une révision des valeurs locatives, pour laquelle on a plutôt pris du retard. Mais le sujet est très sensible et peut avoir des conséquences très lourdes, s'agissant de plus d'un impôt souvent injuste puisqu'il ne prend pas en compte les ressources des familles. D'où l'importance de la concertation.

Méthanisation agricole

M. Yannick Botrel .  - La loi prévoit, depuis le début de 2015, une exonération de sept années de taxe foncière sur les propriétés bâties et de contribution foncière des entreprises pour les équipements agricoles dédiés à la méthanisation. Par cette disposition, le législateur a souhaité favoriser le déploiement d'unités de méthanisation agricole. Le vote de ce dispositif n'a d'ailleurs pas suscité de débat particulier. La méthanisation permet une diversification des sources d'énergie, tout en ouvrant des compléments de revenu aux agriculteurs. Elle facilite également le développement d'une filière industrielle de construction de méthaniseurs.

En ouvrant ces exonérations aux seules unités achevées après le 1er janvier 2015, le législateur a omis le fait que 98 unités étaient déjà en service. Si les choses devaient demeurer en l'état, cela aboutirait, d'une certaine manière, à une rupture d'égalité entre les producteurs.

Il est possible de rendre les 98 exploitations existant avant le 1er janvier 2015 éligibles à ces exonérations à partir de cette date et pour la durée restant à courir jusqu'au septième anniversaire de l'unité concernée.

Répondant à une question orale du député Paul Molac, le gouvernement a dit craindre un effet d'aubaine. Pourtant, la dépense fiscale engendrée n'est pas considérable et peut parfaitement être prévue. Cet argument ne vaut donc pas. Comment le gouvernement pense-t-il corriger cette inégalité ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Les unités pionnières de méthanisation agricole jouent un rôle important, de référents ou de modèles pour les nouvelles installations. La question de l'égalité entre les producteurs est posée en matière fiscale et aussi pour ce qui concerne les conditions de rachat de l'électricité par EDF et revoir la CSPE.

Le gouvernement entend bien dialoguer. Ma porte est ouverte pour étudier ensemble la question du différentiel de traitement que vous dénoncez.

M. Yannick Botrel.  - La situation actuelle crée une discrimination à l'encontre des unités pionnières. Vos propos apportent une nuance à la position du gouvernement. Je note avec satisfaction que le débat n'est pas clos.

Situation des éleveurs français

M. Daniel Chasseing .  - La situation des éleveurs est difficile. À l'heure où les quotas laitiers disparaissent, différents problèmes apparaissent, qui remettent en cause l'avenir de la profession. Ainsi la bonification des prêts ne pourra plus être prolongée au-delà de la durée de cinq ans du plan entreprise. Désormais, la revalorisation des droits de paiement uniques est problématique, ainsi que le transfert de droits au paiement de base. Comment seront mises en place les aides couplées ? Qu'est-ce qu'un « nouvel agriculteur » ? Seulement celui qui s'installe ou aussi bien celui qui diversifie sa production ? L'arrêt total de la prise en compte des génisses est très préjudiciable. Avec la suppression de la limite d'âge de 65 ans, les éleveurs ne sont plus incités à partir et ne vont plus libérer de terres. Ne peut-on adapter les mesures compensatoires au défrichement limitées à 3 000 euros par hectare ? Les conditions de reboisement sont parfois inadaptées. Comment s'y retrouver dans les nouveaux critères de la PAC ?

L'installation des jeunes, c'est un problème foncier mais aussi de valorisation du revenu agricole.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Les modalités de la nouvelle PAC peuvent être consultées sur le site pac2015.gouv.fr. Les prêts bonifiés ont été maintenus, à la demande des organisations agricoles, malgré des paramètres moins intéressants. Le gouvernement a tenu à ce que les transferts de droits au point de base soient ouverts aux transferts entre fermiers, malgré les réticences de la Commission européenne. Toutes les règles sur les aides couplées et le verdissement sont désormais connues et consultables sur le site pac2015.gouv.fr. Les diffuser clairement est un des objectifs des comités d'appui que Stéphane Le Foll a demandé à chaque préfet de mettre en place. L'indemnité compensatoire au handicap naturel atteindra un milliard d'euros en 2017.

Bref, la France a globalement obtenu satisfaction face à la Commission européenne. Le seul point sur lequel elle n'y est pas parvenue est la limite d'âge de 65 ans mais c'est un point mineur dont l'impact restera limité.

La reconquête d'espaces agricoles enfrichés n'entre pas dans le champ de la compensation : des boisements de moins de 30 ans sont exemptés d'autorisation de défrichement et donc de compensation. La loi d'avenir a également dispensé d'autorisation les défrichements réalisés dans des communes de montagne à très fort taux de boisement.

M. Daniel Chasseing.  - Merci pour cette réponse très complète. Je regrette que la bonification des prêts soit limitée à cinq ans. De plus, 3 000 euros d'aide à l'hectare pour le défrichement c'est trop peu.

Mobilité des lycéens de montagne

M. Cyril Pellevat .  - Le lycée « Frison-Roche » à Chamonix fait partie des quatre établissements de l'académie de Grenoble proposant à des lycéennes et des lycéens, ayant déjà un bon niveau sportif, une formation pour mener un double projet d'orientation professionnelle autour des métiers de la montagne. Or la règlementation sur les transports scolaires ne permet pas une mobilité rapide des élèves et des coordonnateurs sur des sites appropriés et manque de souplesse.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Le gouvernement souhaite encourager les sorties scolaires, qui font partie de la mission éducative de l'école républicaine.

La circulaire du 3 août 2011 prévoit que le transport des élèves doit être assuré par un conducteur professionnel. Il n'appartient pas, statutairement, aux enseignants d'utiliser leur véhicule personnel, sauf lorsque l'intérêt du service le justifie, après ordre de mission, et en cas d'urgence. Les élèves en biqualification en zone de montagne ont un emploi du temps établi à l'avance, prévisible. Aussi, l'établissement doit faire appel à des conducteurs professionnels. L'Éducation nationale doit veiller aussi à la sécurité des élèves.

M. Cyril Pellevat.  - Je suis déçu. Les établissements attendent plus de souplesse.

Refus de visas

M. Richard Yung .  - Ma question porte sur le refus de visa d'entrée en France dont le nombre s'élève à 3 millions, dont 10 % sont rejetés. Une commission de recours contre le refus de visa siège à Nantes. Mais nous ne connaissons pas les chiffres de son activité. Cette commission suit-elle toujours les avis consulaires ? Dans quelle mesure le gouvernement suit-il ses avis ? J'ai écrit deux fois au ministre des affaires étrangères, le 17 juillet 2014 puis à nouveau en décembre, sans réponse...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Les étrangers qui se voient refuser un visa peuvent présenter un recours contentieux. La commission de recours a été créée en 2000. Elle dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer, à défaut le recours est réputé avoir reçu un avis défavorable. Elle joue un rôle de filtre avant la saisine du juge.

En 2014, 19 864 recours ont été déposés, contre 5 000 en 2010. Cette progression est liée à la hausse des demandes de visas et à la meilleure formation délivrée par les consulats sur les voies de recours. En 2014, la commission a émis 280 décisions favorables aux demandeurs.

M. Richard Yung.  - Trois millions de demandes, 300 000 rejets, 19 000 recours, 280 décisions finalement favorables... Tout cela ne sert pas à grand-chose et crée un faux espoir aux déboutés. Je reprendrai cette discussion avec le ministre de l'intérieur.

Je croyais que le silence de l'administration valait accord...

Chrétiens d'Orient

M. Gilbert Roger .  - Je veux attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la plainte pour crime contre l'humanité qu'a déposée, le 10 septembre 2014, la coordination Chrétiens d'Orient en danger à l'encontre de Daech et que le procureur de la Cour pénale internationale a décidé d'instruire.

Au moins 90 chrétiens de rite assyrien sont aux mains de Daech, depuis la fin février 2015, à la suite de l'enlèvement par le groupe djihadiste, des habitants de deux villages du nord-est de la Syrie, dans une zone contrôlée par des forces kurdes. La France doit agir et s'engager davantage dans la lutte contre les exactions commises à l'encontre des chrétiens d'Orient et les diverses minorités en raison de leur religion et contre les musulmans sunnites qui ne partagent pas leurs croyances.

Pouvez-vous m'indiquer les initiatives que compte prendre le gouvernement pour protéger les chrétiens d'Orient ? Le gouvernement est-il disposé à soutenir la plainte du Chredo pour génocide et crime contre l'humanité contre Daech devant la Cour pénale internationale ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  - La France condamne fermement les exactions contre tous les civils, en particulier ceux qui visent les chrétiens d'Orient, avec qui nous avons des liens historiques forts. Nous favorisons leur accueil au titre de l'asile.

À l'initiative de la France, le Conseil de sécurité s'est réuni le 27 avril. La France accueillera prochainement une conférence internationale sur les victimes de tels crimes. Nous encourageons les États à adhérer à la convention de Rome. Le Conseil de sécurité doit saisir la Cour pénale internationale, c'est un impératif. Une soixantaine d'États l'ont fait, mais le veto russe et chinois y fait obstacle.

SDF dans les centres-villes

M. Jean-Patrick Courtois .  - Selon une étude de l'Insee parue en novembre 2014, le nombre de sans domicile fixe a augmenté de 44 % au cours des onze dernières années. Leur concentration est de plus en plus importante dans les centres-villes. On observe fréquemment des rassemblements de quatre ou cinq personnes qui, pour atténuer la difficulté de leurs conditions de vie, ont souvent pour animaux de compagnie plusieurs chiens.

Ces rassemblements ne constituent pas eux-mêmes un délit, car toute personne dispose du droit de circuler librement, mais ils peuvent être une source de perturbation de l'ordre public. Il ne s'agit pas de remettre en cause ce droit, mais de souligner que ces rassemblements génèrent un climat d'inquiétude et posent un réel problème de salubrité publique : excréments d'animaux sur la voie publique, conditions d'hygiène plus que sommaires.

En tant que maire, je suis souvent sollicité par les administrés pour apporter une solution à ce problème. Comment dissuader ces rassemblements, sans pour autant porter atteinte à la liberté de circuler dans les centres-villes ? Il s'agit avant tout de trouver des solutions pouvant apaiser l'inquiétude des citoyens, sans stigmatiser ces personnes qui souffrent déjà suffisamment.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  - Ce sujet appelle des réponses mesurées, adaptées au contexte local. Il faut concilier deux libertés fondamentales, c'est vrai.

L'article 313-12-1 du code pénal sanctionne le fait de solliciter la remise de fonds, valeurs, ou biens en réunion et de façon agressive. Cette disposition autorise les services de police à effectuer des contrôles. Le maire peut aussi prendre les mesures de police nécessaires pour faire respecter l'ordre public - elles doivent rester proportionnées. La préfecture de police de Paris a mis en place une brigade d'assistance aux sans-abri... Cela existe aussi ailleurs.

Reste que lutter contre l'augmentation des rassemblements de SDF passe par une réponse globale et une réflexion locale sur le vivre ensemble.

M. Jean-Patrick Courtois.  - Certes. Nous avons des problèmes humains importants, qui laissent les forces de police désarmées le jour. Les SDF sont parfois alcoolisés, la situation peut dégénérer. Je crains qu'un jour, les habitants ne fassent justice eux-mêmes.

Développement de l'apprentissage

M. Bruno Sido .  - Ma question porte sur la place de l'Éducation nationale au sein du système de formation d'apprentissage. Elle fait suite au diagnostic et aux propositions de réformes établis le 19 décembre 2014 par le conseil d'analyse économique. Le constat est préoccupant pour les formations de niveau V - comme le certificat d'aptitude professionnelle (CAP). En effet, de 2004 à 2010, la progression de 24 % du nombre d'apprentis s'explique par l'essor de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur mais le nombre d'entrée en apprentissage des élèves de niveau CAP diminue de 6 %. L'apprentissage peine à être perçu comme une orientation positive. Il s'agit là d'un vrai défi que la formation des enseignants doit permettre de relever. De fait, ce sont souvent des collégiens en difficulté qui sont orientés par défaut vers l'apprentissage. Sans doute les enseignants pourraient-ils être davantage formés à identifier les talents autres qu'académiques. Mettons-nous à la place d'un apprenti en CAP qui débute sa formation et s'aperçoit de la place prépondérante conservée aux matières académiques...

L'apprentissage de niveau V est encore trop scolaire et trop éloigné des besoins des entreprises et ce, pour deux raisons : l'insuffisante association des entreprises à la définition même des programmes et l'excessive lourdeur des procédures pour ouvrir une nouvelle formation. Quelles mesures concrètes la ministre envisage-t-elle de prendre pour réduire le taux d'abandon en CAP et mieux répondre aux forts besoins du tissu économique ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  -

L'apprentissage souffre d'un manque d'attractivité, auquel la ministre souhaite remédier. Des journées portes ouvertes, des journées découvertes du monde professionnel et des parcours mixtes amélioreront leur visibilité.

Le gouvernement veut, plus largement, rapprocher l'éducation et le monde du travail, afin de favoriser l'insertion rapide des jeunes. Une expérimentation avec huit branches professionnelles a été lancée. Des mesures concrètes de lutte contre le décrochage sont de plus mises en oeuvre par le ciblage des décrocheurs.

M. Bruno Sido.  - Le nombre d'apprentis a baissé de 8 % en 2013, de 3 % en 2014, et de 15 % depuis début 2015. Le président de la République a fixé un objectif ambitieux de 500 000 apprentis et une priorité forte, sachant que 70 % des apprentis trouvent un emploi dans les six mois suivant leur cursus, alors que 25 % de nos jeunes sont au chômage...

Voilà une belle question politique. Rassemblons enfin entreprises et Éducation nationale pour aider ces jeunes plein de qualités.

Collège de Kerhallet de Brest

M. Michel Canevet .  - Ma question porte sur la situation du collège Kerhallet de Brest, non retenu dans le classement en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+) en dépit d'importantes difficultés. Le 17 décembre 2014, la carte relative à la nouvelle répartition académique de l'éducation prioritaire a retenu seulement 102 établissements au titre du REP+, dont un seul établissement en Bretagne, dans la région de Rennes, contre dix-sept dans la seule ville de Marseille.

Cette décision a suscité l'incompréhension de l'ensemble du personnel du collège de Kerhallet à Brest ainsi que des élus locaux. Il est implanté dans un quartier retenu au titre des quartiers prioritaires. L'établissement compte 412 inscrits, risquant de connaître un nombre accru d'élèves par classe, et accueille cette année 16 nationalités. Il semblerait que les critères retenus pour classer les établissements en REP+ n'ont pas été bien pris en compte pour ce qui concerne le collège de Kerhallet. Ainsi, le taux d'élèves boursiers y est de 65,8 %, et les résultats au diplôme national du brevet sont les plus faibles du département.

Depuis de nombreuses années en zone sensible, cet établissement a fait la preuve d'une forte mobilisation des enseignants et des personnels de l'établissement. Sa situation peut-elle être réévaluée ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  - L'académie reste attentive aux besoins des élèves du collège de Kerhallet : 40 heures lui ont été attribuées en sus de la dotation globale. Sa dotation en heures d'accueil éducatif est trois fois supérieure à la moyenne du département. Ses fonds sociaux également. Bref, malgré un classement en REP et non en REP+, ses moyens ont été revalorisés, ce qui en fait l'un des mieux dotés du département.

M. Michel Canevet.  - Ces moyens supplémentaires sont justifiés par la situation particulière de cet établissement. Ce qui m'étonne, c'est la déconnexion des politiques éducatives et de la politique de la ville. Votre réponse me déçoit par conséquent.

La séance est suspendue à 11 h 55.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Tasca.

La séance reprend à 14 h 30.

Accueil de nouveaux sénateurs

M. le président.  - Avant d'aborder l'ordre du jour et de donner la parole aux orateurs, je veux souhaiter la bienvenue à nos deux nouveaux sénateurs de la Polynésie française, Mme LanaTetuanui et M. Nuihau Laurey. Je leur souhaite un excellent mandat. (Applaudissements)

Croissance, activité et égalité des chances économiques (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Explications de vote

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Pour commencer, je veux saluer ceux qui ont accompli un énorme travail. Quelque 135 heures au banc des commissions, c'est bien long ! Je veux rendre hommage au président de la commission spéciale, M. Capo-Canellas (Applaudissements) et aux trois rapporteurs, Mme Catherine Deroche (Applaudissements), Mme Dominique Estrosi Sassone (Applaudissements), ainsi que M. François Pillet (Applaudissements). Pour donner la mesure de leurs talents, neuf rapporteurs travaillaient sur le texte à l'Assemblée nationale. Le rapport est de un sur trois. C'est dire que le Sénat est efficace. (Exclamations) Le débat a été riche sur ce texte qui illustre la méthode du gouvernement, celle des petits pas, même des pas de côté et en arrière... (Protestations à gauche)

Nous avons amélioré un texte venu affadi de l'Assemblée nationale (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs) en faisant valoir nos convictions...

M. Alain Néri.  - Respectez les nôtres !

M. Bruno Retailleau.  - ... en écartant les postures politiciennes (Même mouvement)...

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous connaissez la matière...

M. Bruno Retailleau.  - ... car nous travaillons dans l'intérêt supérieur de la France. (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations sur les bancs socialistes) Postures politiciennes avec par exemple, le gage aux frondeurs, sans doute, qu'est la réforme de l'inspection du travail...

M. Didier Guillaume.  - Bravo pour le respect des convictions !

M. Bruno Retailleau.  - ... que nous avons écartée, ainsi que d'autres mesures contre-productives, en nous efforçant de trouver, pour l'aménagement du territoire, pour les professions réglementées, comme pour les tribunaux de commerce, un juste point d'équilibre.

Ce texte comporte de bonnes mesures : la libéralisation du transport par autocar, le financement interentreprises, l'instauration d'une carte d'identité numérique valable pour toutes les administrations ou encore la réduction de la fracture numérique qui est notre obsession - et c'est bien naturel car nous représentons les territoires.

Au-delà, nous avons voulu muscler ce texte en en faisant un accélérateur de croissance. Il fallait, pour cela, redonner à la France ce qui lui manque le plus : la souplesse et la simplification.

La souplesse dans notre droit du travail, avec les accords de maintien dans l'emploi (AME) défensifs, mais aussi offensifs, qui autorisent à déroger aux 35 heures, le contrat de mission, ou le plafonnement des indemnités de licenciement. Cela est nécessaire. En France, il faut en moyenne six ans à l'emploi pour s'ajuster aux variations de l'activité, contre cinq trimestres en Allemagne, six mois en Grande-Bretagne et en Italie : quel écart abyssal !

Mme Catherine Tasca.  - Vous avez été dix ans au pouvoir ! (On renchérit sur les bancs socialistes)

M. Bruno Retailleau.  - La simplification, avec la révision du compte de prévention de la pénibilité ou le doublement des seuils sociaux de 10 à 20 salariés, et de 50 à 100. Oui, il fallait agir.

Désormais, monsieur le ministre, vous avez le choix entre deux chemins ; celui de l'audace et nous, sénatrices et sénateurs de bonne volonté, tendrons la main, en CMP, pour vous y accompagner ; celui de la prudence que vous commande un état d'esprit politicien...

M. Jean-Louis Carrère.  - Oh ! Pas vous...

M. Bruno Retailleau.  - ... ou une oreille trop attentive aux frondeurs. (On proteste à nouveau sur les bancs socialistes) Préférerez-vous préparer le congrès de Poitiers ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Alors, c'est ça les Républicains ? De la caricature politicienne !

M. le président.  - Il faut conclure...

M. Didier Guillaume.  - Est-ce bien utile ?

M. Bruno Retailleau.  - Pour finir, citons de Gaulle : parfois la réforme paie ! Et la France en a besoin ! (Vifs applaudissements sur les bancs UMP ainsi que sur la plupart des bancs UDI-UC ; huées à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - ça n'a pas payé en 2012 !

M. François Zocchetto .  - Un mot sur la forme, d'abord. S'il faut féliciter notre Haute Assemblée pour le travail accompli, qui a amélioré sensiblement le texte en faisant honneur au bicamérisme et en démontrant, s'il était besoin, son utilité, force est de constater que ce texte, comme la loi Alur, est beaucoup trop long ; il aborde trop de thématiques. La loi gagnerait en efficacité et en lisibilité si les textes étaient plus courts. Cela faciliterait aussi la navette. Je ne comprends pas très bien pourquoi le président de la République critiquait la semaine dernière « la lenteur des débats parlementaires ». Si le gouvernement, qui en est le premier responsable, était plus clair, nous n'aurions pas à examiner des lois aussi complexes. Le Sénat réforme ses méthodes de travail, l'exécutif peut en faire de même.

Monsieur le ministre, vous avez identifié trois maux : la défiance, le corporatisme et la complexité. Si la confiance est difficile à retrouver, c'est que le retour de la croissance ne cesse de se faire attendre. Face à ce constat, le gouvernement n'a pas su, selon nous, proposer des réformes visionnaires, structurelles. Dans ce texte, nous n'avons pas vu de réforme de la fiscalité, pas plus que celle du marché du travail.

M. Alain Néri.  - Achetez-vous des lunettes !

M. François Zocchetto.  - Ce ne sont pourtant ni les notaires, ni les huissiers, ni les commissaires-priseurs, ni les chauffeurs de taxi qui étouffent la croissance, mais les 57 points de PIB consacrés à la dépense publique.

Nous avons ouvert à la concurrence les lignes TER à partir de 2019, confirmé le doublement de la baisse du plafond de l'ISF-PME, renforcé le caractère spécifique des professions juridiques réglementées, créé un code de l'accès au droit et de l'exercice du droit, simplifié le compte de pénibilité en supprimant la fiche individuelle et en limitant le nombre de facteurs pris en compte pour l'évaluer, assoupli les 35 heures, lissé les seuils sociaux, trouvé l'équilibre sur le travail dominical entre les zones commerciales et les zones touristiques, et les autres, ainsi que sur la concurrence entre le petit commerce et les grandes surfaces.

Le Sénat a clos ces débats sur l'adoption d'un amendement gouvernemental qui accorde 2,5 milliards d'euros aux entreprises qui investissent entre avril 2015 et avril 2016. C'est une véritable victoire pour le groupe UDI-UC et pour l'ensemble de la majorité sénatoriale puisque cet amendement s'inscrit dans la filiation de celui que nous avions proposé pendant le débat budgétaire de l'automne dernier. C'est surtout une bonne nouvelle pour nos entreprises, en dépit du temps perdu par le gouvernement pour nous entendre.

D'un texte idéologique, nous sommes ainsi parvenus à un texte équilibré qui ne fait plus des experts-comptables et autres professions réglementées les boucs émissaires de notre atonie économique.

Le groupe UDI-UC le votera en espérant que vous défendrez les acquis du Sénat. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Bricq .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous avons connu des temps forts, du surplace, des mouvements d'humeur. Oui c'était long, c'est pourquoi il fallait aller vite, et si cela l'a été, c'est parce que les gouvernements précédents n'ont rien fait. (Protestations à droite ; applaudissements sur les bancs socialistes)

Hier, nous nous sommes congratulés pour ce travail où chacun a témoigné du respect à l'autre, nous avons salué la prestation du ministre. La majorité de la commission spéciale, en lien avec la majorité sénatoriale a choisi, plutôt que la confrontation, la réécriture qui valait parfois suppression.

Chaque fois que les socialistes ont eu à défendre leur vision de l'entreprise, ils l'ont fait : une société est une communauté d'intérêt où les salariés doivent être traités comme partie prenante. Monsieur Retailleau, nous n'avons pas aimé la manière dont vous avez qualifié le droit d'information des salariés de « toxique ». (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Il y eut des temps forts : je citerai en particulier la matinée passée sur la couverture numérique des zones blanches, pour contraindre les opérateurs à s'engager auprès des collectivités territoriales - et je salue la réactivité du ministre qui a aussitôt convoqué les opérateurs - le mécanisme de surinvestissement des entreprises ou encore le prêt interentreprises.

Il y a eu des temps plats, du surplace : le refus de la spécialisation des tribunaux de commerce. La commission spéciale a peiné à contenir sa majorité ; parfois, elle lui a prêté la main. J'ai compté dix cas. (Mouvements sur quelques bancs au centre et à droite, ainsi que sur les bancs de la commission spéciale) Étonnant que ceux qui réclament, hors de cet hémicycle, plus de 100 milliards d'économies, aient augmenté ici la dépense publique de plusieurs centaines de millions d'euros... (Protestations à droite)

M. Didier Guillaume.  - Excellent !

Quand il faut passer de la théorie aux travaux pratiques...

Mme Nicole Bricq.  - Enfin, les marqueurs politiques. On retiendra la réforme du compte pénibilité...

M. Francis Delattre.  - Mais pas votre discours !

Mme Nicole Bricq.  - Mauvais coup porté au dialogue social. Si nous avons pu aboutir sur la justice prud'homale, la droite sénatoriale s'est montrée franchement conservatrice sur les professions du droit. (Protestations à droite)

L'heure est venue des choix...

M. le président.  - Et de la conclusion...

Mme Nicole Bricq.  - Heureusement, les mesures qui droitisent le texte ne survivront pas à la navette ! La réforme passera. (Brouhaha à droite ; applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard .  - En quinze jours de débat, le Sénat a terminé l'examen de l'un des plus longs textes qu'il ait eu à étudier. Dans sa philosophie générale, ce projet de loi vise à déverrouiller la croissance. Je doute que les mesures de dérégulation telles que la simplification du droit environnemental, l'ouverture du transport par autocar ou les atteintes au cadre éthique des professions réglementées aient un réel potentiel de croissance. Pourquoi qualifier d'obstacle les 35 heures et le droit au loisir ? Le texte libéral, vous l'avez contrebalancé par des mesures sociales parvenant à un équilibre social-libéral. Mais qu'adviendra-t-il en cas de changement de majorité ? (« Ah ! » à droite)

L'équilibre disparaîtra au profit de règles uniquement libérales ! La droite sénatoriale a déjà ouvert des brèches. Un autre gouvernement les creusera. (Exclamations à droite)

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Jean Desessard.  - Un exemple : à la libéralisation du transport par autocar, elle a ajouté celle des TER. Et pourquoi pas trois jours de carence de la fonction publique ? (Exclamations à droite)

M. Joël Guerriau.  - Très bien !

M. Jean Desessard.  - Nous regrettons l'amendement Cigéo sur le site de stockage des déchets nucléaires, adopté à 5 heures du matin juste avant la suspension de nos travaux pendant deux semaines, avancé de peur que la séance soit levée avant son vote, à l'aube, en catimini...

Malgré quelques avancées, nous regrettons la philosophie du texte : déréguler pour créer de la croissance. Une prochaine majorité en tirera profit : de la dérégulation, toujours plus de dérégulation au nom d'une hypothétique croissance. Aussi les écologistes ne voteront-ils pas ce texte ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC ; on fait mine de regretter cette position à droite)

Mme Éliane Assassi .  - (Murmures au centre et à droite) À l'heure où le Sénat se réforme, il n'est pas anodin d'observer que ce texte, véritable monstre juridique, qui représente au moins quinze projets de loi, n'a pas fait l'objet d'un véritable débat. On sait dans quelles conditions le ministre a dû dégainer brusquement et brutalement le 49-3 à l'Assemblée nationale. Comment admettre que ce texte soit adopté sans nouvelle lecture par les députés ?

Monsieur le ministre, je vous sais inquiet. Vous voulez aller vite, trop vite : faire passer la dérégulation à tout-va, quand les diverses élections, en particulier un certain 6 mai 2012, ont sonné le refus du libéralisme pratiqué à outrance des années Sarkozy.

On nous refait le coup des autoroutes avec les aéroports. Comment s'étonner que l'ombre du Qatar plane déjà sur nos aéroports ? (Exclamations à droite) Même le logement n'a pas trouvé grâce à vos yeux : vous poussez le logement intermédiaire contre le logement social que Mme Duflot voulait développer. (M. Roger Karoutchi s'exclame)

Jamais dans ce texte, il n'est question des salariés. Démantèlement de l'inspection du travail, de la justice prud'homale, travail dominical... Autant de régressions !

La droite sénatoriale, avec constance, vous a soutenu tout au long de ce débat. (On se récrie à droite) Une exception notable : les professions du droit.

Destruction du compte pénibilité, nouvelle dérogation aux 35 heures avec les AME défensifs et offensifs, création d'une commission pour récrire un code du travail simplifié - M. Gattaz a dû bien dormir la nuit de l'adoption de ces amendements ! (Protestations à droite)

Monsieur le ministre, les heureux acquis sociaux, du Conseil national de la Résistance, conquis de haute lutte pour les salariés, ont fait long feu à vos yeux. Il est à craindre que cela n'ouvre la boîte de Pandore, que d'autres digues céderont... La gauche, nous le montrerons, en continuant à présenter des propositions alternatives, a d'autres valeurs : l'égalité et la fraternité. Nous voterons contre ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Claude Requier .  - Après trois semaines de débat, le Sénat a adopté pas moins de 280 amendements. Le groupe RDSE a apporté sa contribution à ce texte ambitieux, en séance comme en commission. Trop ambitieux peut-être par son côté hors norme. Après ce marathon législatif, il en ressort meilleur que celui adopté à l'Assemblée nationale dans les conditions que l'on sait.

Finalement, dans le Macron, si tout n'est pas bon, tout n'est pas mauvais non plus. (Hilarité générale ; le ministre apprécie) Mesures de simplification pour la construction de logements sociaux, développement du logement participatif, suppression de la rémunération au succès des actes accessoires pour les experts-comptables pour éviter les dérives à l'anglo-saxonne, proximité conservée dans les tribunaux de commerce, au sein des formations spécialisées avec la présence du président du tribunal de commerce local, le groupe RDSE a oeuvré en faveur du rééquilibrage de cet ensemble, en faveur d'une meilleure représentation des territoires.

Oui, le Sénat est utile. Et quelque chose me dit, monsieur le ministre, que vous y êtes sensible, pour ne pas dire convaincu.

Cependant, nous regrettons la remise en cause du réseau ferroviaire secondaire aux dépens des territoires ruraux, la réduction des délais dans la justice prud'homale qui pourrait aboutir à une justice au rabais, la suppression de la fiche individuelle du compte pénibilité et, surtout, la réforme des professions réglementées. Le Sénat a le devoir de revenir sur cette vision technocratique et parisienne. Monsieur le ministre, vous avez montré de l'intérêt pour la ruralité lors de la matinée à travailler sur le numérique. Venez donc dans nos territoires ruraux, dans le Lot, savourer la bécasse, (Exclamations) dans le Gers, et même en Corrèze, en train ou en...

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.  - autocar ! (Sourires)

M. Jean-Claude Requier.  - Eh oui, puisque vous aimez ce moyen de transport !

Au total, le groupe RDSE a une appréciation nuancée de ce texte. La majorité d'entre nous fera donc le choix de l'abstention, dans la liberté et l'esprit de responsabilité qui est le nôtre ! (Applaudissements sur les bancs RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs socialistes)

Scrutin public solennel

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

Ce scrutin aura lieu en salle des Conférences, conformément aux dispositions du chapitre 15 bis de l'Instruction générale du Bureau.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure.

La séance, suspendue à 15 h 20, reprend à 15 h 45.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°179 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 229
Pour l'adoption 185
Contre    44

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Je vous remercie, monsieur le ministre ; vous vous êtes parfaitement adapté au style et au caractère constructif des débats de la Haute Assemblée. Je remercie aussi M. Capo-Canellas, président de la commission spéciale, parfait chef d'équipe, ainsi que nos trois rapporteurs, Mme Deroche, Mme Estrosi Sassone et M. Pillet, qui ont su construire à ce texte les arcboutants nécessaires. (Applaudissements et bravos au centre et à droite et plusieurs bancs à gauche)

Intervention du gouvernement

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - Le Sénat a voté un texte qui n'est ni celui du gouvernement, ni celui de l'Assemblée nationale. On peut faire beaucoup de reproches à ce projet de loi. Non, ce n'est pas une réforme fiscale, il y a eu le pacte de responsabilité ; non, ce n'est pas une réforme des retraites, il y en a eu une. D'autres réformes viendront. Ne tombons pas dans le bovarysme parlementaire, le texte était déjà long, il ne pouvait tout traiter. On lui reproche d'intervenir trop tard... Je ne pouvais faire plus vite... (Sourires)

On lui reproche aussi d'être trop long. Il vaudrait quinze textes à lui tout seul... Je crois que cette odyssée en valait la peine, qui a permis de voir les sujets abordés autrement. Certains l'ont qualifié de libéral. Il a certes une autre couleur en sortant qu'en arrivant... Mais la démarche a été de parcourir tous les secteurs de l'économie de manière cohérente.

Trop souvent dans notre pays nous avons reculé devant les réformes, laissé s'installer des dysfonctionnements ou des réglementations faites pour, et parfois par ceux qui en vivaient, pour ensuite recourir à la dépense publique pour les corriger. Nous avons préféré une autre approche, revisiter un grand nombre de règles, de droits installés, d'habitudes, essayer de repenser les équilibres, redonner des droits à ceux qui n'en avaient pas. Il faut accepter que dans certains secteurs de notre économie et de notre société, la règle, les normes accumulées ne protègent pas, sinon certains, et élèvent des barrières. Pour autant, je ne considère toute règle comme inutile, certaines ont une vertu sociale ; les supprimer fait passer au-delà des limites...

Nous avons réfléchi secteur par secteur, cherchant à faire le tri, à éviter d'être les otages des habitudes administratives ou politiques, des intérêts en présence, parfois même des ministères qui les portent. En un mot regarder autrement les choses. Nulle part la réforme ne doit être systématique ; pas plus de secteur où il serait interdit de réformer. Je considère qu'il est possible d'aller plus loin, sur les professions réglementées, sur le permis de conduire, sur les transports, pourvu qu'on se demande à chaque fois jusqu'où il est possible d'aller pour créer de l'activité et protéger les plus faibles. C'est dans cet esprit que ce texte a été construit et discuté.

Nous avons eu des points de désaccords. Vous êtes allés plus loin parfois. Pourtant il s'agit de trouver le bon équilibre. Si je devais le comparer à un tissu, je dirais que ce texte n'est pas le velours rouge où nous sommes assis, mais de la moire : chacun y perçoit la couleur qu'il veut... Une chose est sûre, le tissu n'est pas terne...

Le texte qui sortira de la CMP ou de la suite de la discussion parlementaire ne sera pas celui du Sénat, mais il est clair que le texte final devra prendre en compte les débats de la Haute Assemblée. (Applaudissements et marques de satisfaction au centre et à droite) Vous avez su vous faire le porte-voix des territoires, par exemple sur les zones blanches.

Sur certains points, j'ai été clair, le Gouvernement reviendra. L'agenda des réformes n'est pas clos. Avec François Rebsamen, nous réunirons les partenaires sociaux pour faire le bilan de la loi de sécurisation de l'emploi, proposer des avancées sociales dans un esprit d'équilibre - pour une meilleure représentation des salariés dans les conseils d'administration des entreprises ou une plus grande flexibilité avec les accords de maintien de l'emploi défensifs. Le président de la République et le Premier ministre tiendront une conférence économique sur les PME début juin. La réforme ne s'arrête pas avec ce texte.

Nos débats ont été faits de respect et d'écoute. Après quatre semaines de compagnonnage, je remercie la présidence, le président de la commission spéciale, les rapporteurs, dont je salue le dévouement et les réponses toujours précises, les représentants des groupes. Je sais le temps passé et l'énergie dépensée, parfois jusqu'au petit matin. Le débat n'est possible qu'entre hommes et femmes de bonne volonté. C'est l'esprit que j'ai trouvé ici. Que le Sénat en soit remercié. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Tasca.

La séance reprend à 16 h 15.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, déposée sur le Bureau du Sénat le 7 mai 2015.

Débat sur l'avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence, à la demande du groupe CRC.

Mme Michelle Demessine, au nom du groupe CRC .  - Je ne peux pas entamer ce débat sans évoquer le dramatique accident de l'avion militaire A400M à Séville. Dans l'attente des résultats de l'enquête, j'espère que cet accident ne fragilisera pas Airbus ni ne remettra en cause la construction de cet appareil performant. Je soutiens la décision du ministre de poursuivre les vols prioritaires en opération et de reprendre les vols d'essai.

L'avenir de la filière est en train de se jouer. Elle connaît une restructuration discrète, loin des médias. Le casse du siècle de la part d'Airbus, comme titrait un journal, avec le rapprochement des activités des lanceurs d'Airbus Group et de Safran, orchestré par l'État, qui aura un impact aux niveaux national et européen.

La France est le seul pays ayant la maîtrise d'ensemble des technologies spatiales. La filière emploie 12 000 personnes, un tiers des effectifs européens. Cela a été possible grâce à la maîtrise publique de l'accès à l'espace. Cette stratégie a aussi permis de placer l'Europe au premier rang mondial. Aucune industrie spatiale dans le monde n'est indépendante des financements publics et aucun ne le sera avant longtemps.

Cette réussite repose sur une architecture subtile : l'Agence spatiale européenne, l'ESA, est en charge du programme Ariane ; le CNES agit comme maitre d'ouvrage en matière de recherche-développement et assiste l'ESA pour les lanceurs en service et en développement. Ces deux agences s'appuient sur des industriels, dont Airbus Group et Safran. Arianespace, société française, est l'opérateur de systèmes de lancement et est chargée de la commercialisation de la famille de lanceurs Ariane et Vega ainsi que du lancement de Soyouz.

Or cet équilibre est remis en cause. Arguant de la concurrence de SpaceX, le gouvernement souhaite une co-entreprise entre Safran et Airbus Group, ce qui risque de remettre en cause le rôle du Cnes et d'Arianespace, pourtant garants de la politique industrielle et des grands programmes de recherches. L'arrivée de SpaceX est une opportunité pour le lobbying des industriels qui ont convaincu l'État de la nécessité d'un changement de gouvernance, faisant glisser la maîtrise d'oeuvre et le pilotage, la programmation et la commercialisation vers le privé - tout en revendiquant le maintien des aides publiques. Les industriels vont bénéficier d'un budget prévisionnel sur dix ans de 8 milliards pour les programmes Ariane 6, VEGA-C et le soutien à l'exploitation d'Ariane 5 ECA - sans assurer de vrai suivi technique ni supporter les risques. Rien de bien nouveau...

Les salariés sont inquiets face à ce projet qui laisse tous les pouvoirs aux industriels et fait peser des menaces sur la capacité de la puissance publique à contrôler les programmes spatiaux et sur la souveraineté nationale, voire européenne. Tous les choix technologiques sont encore en débat, certains déterminants pour la pérennité d'établissements en France, en Allemagne ou en Italie.

Alors que le secteur « Défense et espace » d'Airbus a déjà annoncé une restructuration drastique et la suppression de 10 % des effectifs, le projet Airbus-Safran avance dans le plus grand secret, sans perspectives claires. Ce n'est pas acceptable. Au-delà, c'est toute l'organisation de l'industrie spatiale européenne qui en jeu.

La maitrise acquise par des décennies d'investissement public ne peut être laissée au privé. Trop de questions restent sans réponse. Qui contrôlera les fonds publics ? Qui assumera les risques industriels ? Comment le Cnes pourra-t-il conserver son rôle s'il n'est plus maitre d'oeuvre des programmes spatiaux ? Les actions d'Arianespace détenues par le Cnes seront-elles vendues ? Quid de l'indépendance de l'opérateur des lancements par rapport à ses clients satellites ? Pourquoi la facture a-t-elle augmenté de 800 millions d'euros depuis la réunion ministérielle de décembre 2014 ?

Ce qui se joue, c'est l'avenir des lanceurs civils militaires. Il s'agit aussi de la force de dissuasion française... cette restructuration ne peut avoir lieu sans débat public au niveau national et européen. J'invite le Gouvernement à sortir de l'opacité. L'enjeu de souveraineté est majeur. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Marie Bockel .  - A l'heure où la morosité économique est de mise, félicitons-nous du succès de la filière aérospatiale, filière d'excellence qui employait en 2013 177 000 personnes et réalisait 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires ; elle consacre 15 % de son chiffre d'affaires à la recherche et développement, contribue positivement à notre balance commerciale, comme en témoigne les exportations de notre excellent Rafale. La France a la chance de disposer d'entreprises présentes dans tous les segments de la filière. J'ai assumé avec l'agglomération mulhousienne la présidence de la Communauté des Villes Ariane en 2013, j'ai pu mesurer à quel point cette industrie de pointe irriguait l'activité de nos territoires.

Soyons fiers de la réussite de cette filière. Mais nous devons aussi être lucides face au développement de la concurrence internationale.

Historiquement, le succès de la filière est fondé sur le soutien de la puissance publique, notamment via le mécanisme des avances remboursables. Or certains s'interrogent sur un possible désengagement de l'État qui aurait des conséquences dramatiques.

D'où nos inquiétudes à l'heure des restrictions budgétaires et nos réserves sur les cessions d'actifs. Est-il raisonnable de brader ainsi les joyaux de la couronne ?

Les entreprises peinent aussi à recruter du personnel qualifié. La formation doit être améliorée. Quid du projet de centre de formation ?

La filière doit être soutenue. N'oublions pas que les pays émergents et les États-Unis subventionnent massivement leur filière aéronautique, comme l'atteste l'exemple du Boeing 777X. Les investissements d'avenir sont un instrument pour soutenir la compétitivité de notre industrie.

Alors que les commandes publiques diminuent, le succès passera aussi par l'export. Jusqu'où faut-il aller toutefois dans le transfert de valeur ajoutée ? Sujet délicat.

L'innovation n'est pas moins importante. Les enjeux environnementaux ouvrent des perspectives de mutations technologiques, au-delà même du projet d'avion électrique.

La France ne peut agir seule. L'industrie doit être européenne, comme dans le cas du développement d'Ariane 6 pour concurrencer SpaceX. Nous devons renouer avec une politique industrielle audacieuse.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le soutien des sénateurs centristes dans cette voie. (Applaudissements au centre)

M. Jacques Gautier .  - Je me félicite de ce débat, une heureuse initiative du groupe CRC. L'avenir de cette filière est crucial et ne peut être délaissé même si les budgets baissent. Nous avons grandi au rythme de la conquête spatiale, véritable épopée. L'Agence spatiale européenne fête ses 50 ans. Les États membres de l'Union européenne financent la moitié des dépenses. Notre industrie gagne des parts de marché, forte d'une recherche exceptionnelle et d'un savoir-faire reconnu.

La concurrence s'accroît. Les États-Unis reviennent en force sur le plan commercial, avec des offres aux prix concurrentiels, à l'image de SpaceX.

Nous devons défendre notre modèle dual. La défense est un aiguillon pour la recherche civile. Pas de fusée sans missile balistique ! Le chiffre d'affaires de la filière est de 57,7 milliards, dont un tiers dans le secteur militaire. Il représente 33,1 milliards d'euros d'exportations, et un carnet de commandes rempli pour six ans. Voilà un Made in France qui fonctionne ! Nous devons poursuivre avec l'avion du futur, par exemple. Le succès du Rafale montre que nous pouvons rester leaders.

Airbus et Safran ont annoncé la création d'Airbus Launchers pour concurrencer SpaceX. Mais il faut veiller à préserver les prérogatives du Cnes, pivot de la dimension nationale de l'espace. Il faut également réfléchir à la place d'Arianespace, et tenir compte du rôle indispensable de l'innovation. La défense joue un rôle crucial, nous devons défendre son budget. Il nous appartient d'investir dans l'intelligence pour préparer le futur.

M. Roland Courteau .  - En 2013, j'ai remis un rapport au nom de l'OPECST sur l'industrie aéronautique, intitulé Préserver notre avenir.

M. Bruno Sido.  - Très bon rapport !

M. Roland Courteau.  - Cette filière est confrontée à de nouveaux défis. Il faut nous attendre à de fortes ruptures technologiques, comme en matière de moteurs par exemple. Nous devons préparer dès maintenant les changements de demain.

Nous devons préserver les crédits de l'Onera. Face à une concurrence croissante, les soutiens institutionnels sont essentiels pour préparer l'avenir. Pourtant ils sont en baisse depuis 2010 tandis que la Chine et les États-Unis les augmentent. L'Allemagne poursuit ses investissements et réclame la modification de la gouvernance d'Airbus.

N'est-il pas temps de réclamer de nouveaux arbitrages au sein de la production de la chaîne de valeur d'Airbus ? Les crédits du Foncep et le Conseil d'orientation pour la recherche aéronautique (Corac) doivent être préservés. Les programmes de ces divers organismes ciblent les objectifs de la recherche aéronautique sur des thématiques qui assurent la continuité dans les ruptures technologiques de l'aviation de 2040.

Je manque de temps pour évoquer la nécessité d'anticiper le développement du marché des drones et des biokérosènes.

La formation a une importance capitale dans un secteur soumis à la poussée continue des innovations. J'insiste sur les besoins spécifiques du secteur et la nécessité d'anticiper le choix de la numérisation dans la navigation aérienne.

Je ne m'attarderai pas sur l'évolution des normes de navigation. La France et l'Europe ont l'impérieux devoir de préserver notre avance dans un secteur d'avenir. Quelles perspectives de collaboration entre Hydro-Québec, qui va s'installer à Lacq, et Airbus pour le nouvel avion électrique qui doit s'implanter près de l'aéroport de Pau ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Joël Labbé .  - Merci au groupe CRC d'avoir provoqué ce débat. La France et l'Europe ont un tissu industriel aéronautique et spatial très développé sur l'ensemble de la filière. Dans le domaine spatial, Arianespace a remporté 60 % des contrats en 2013 ; la concurrence américaine et chinoise nous a conduits en décembre à lancer Ariane 6. C'est en relevant le défi technique que nous resterons leaders. Il est peu probable qu'il soit rentable à brève échéance de remettre en service des lanceurs ayant déjà volé.

Il faut aussi limiter le volume des débris spatiaux, sous peine de ne plus disposer d'un accès sûr à l'espace.

Parmi les innovations en gestation, le retour des dirigeables, jadis abandonnés au profit de l'avion. L'usage de l'hélium, ininflammable, doit faire oublier les incendies qui restent dans les mémoires. Ainsi peuvent être transportés par les airs de très lourdes charges, avec moins de défaillances du moteur que dans un avion et les nouveaux dirigeables peuvent se poser partout. Prudence cependant, car les réserves d'hélium s'épuisent. Certains industriels développent les modèles hybrides. C'est ainsi que le Stratobus du groupe Thales, est un ballon dirigeable à propulsion électrique capable de rester en vol stationnaire dans la stratosphère, à plus de 20 kilomètres d'altitude. Le ballon, dont la mise sur le marché est prévue en 2022, pourrait servir aussi bien à l'observation militaire de la mer au large de la Somalie qu'à diffuser la 4G. Un transport aérien durable suppose de réduire les émissions de gaz à effet de serre et le bruit perçu.

Mme Demessine s'est émue de la libéralisation du secteur. La sécurité et la souveraineté nationale et européenne sont en effet en jeu. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Bosino .  - Toutes les interventions précédentes ont démontré le caractère crucial de la filière aéronautique et spatiale. Les plans de développement industriel annoncés par M. Montebourg ont été revus à la baisse. On annonce la vente d'un milliard d'euros d'actifs dans les industries aéronautiques et spatiales. C'est dégager des recettes de court terme pour satisfaire Bruxelles et les marchés.

La dictature du bas coût touche aussi la filière spatiale, avec les lanceurs de satellite. En juin 2014, les industriels ont proposé au président de la République une refonte de la filière. En décembre, notre pays a confié à Airbus et Safran la maîtrise du secteur alors même que le projet d'association sera financé sur fonds publics à hauteur de 800 millions d'euros sur dix ans. Un tel sujet mérite un débat public.

Les syndicats eux-mêmes sont tenus dans l'ignorance des décisions. Les modalités de restructuration soulèvent de graves inquiétudes. Les syndicalistes, instruits par la fusion de Safran, SPS et SME, savent que ce type de projet nuit à l'emploi. Pourquoi remplacer le pilotage public de l'Agence spatiale européenne et du Cnes par celui d'un groupe privé, animé par une logique commerciale et financière ?

Faites le choix de la démocratie, notre pays ne peut qu'y gagner. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Françoise Laborde .  - Avant toute chose, je veux rendre hommage aux 150 victimes du crash aérien du 24 mars, le jour initialement prévu pour ce débat.

L'aéronautique et l'espace occupent de nombreuses entreprises grandes et petites, et emploient plus de 3 000 personnes en Ariège. Quelques remarques sur l'aéronautique civile. La concurrence des compagnies à bas coût et des compagnies des pays du Golfe qui reçoivent des subventions déguisées de leurs gouvernements.

Le 5 février, monsieur le ministre, vous avez affirmé au Sénat, lors du débat sur la transparence dans le transport aérien, que les autorités françaises n'accorderaient plus de droits de trafic à ces compagnies. Le 13 mars, lors d'un conseil des ministres des transports de l'Union européenne, les représentants de l'Allemagne et de la France ont demandé la mise en place d'une « stratégie commune », proposant de soumettre toute ouverture de droit de trafic au contrôle de ces entreprises. Nous nous interrogeons cependant : la politique plus conciliante des États-Unis favorise le trafic, et ces compagnies achètent de nombreux appareils. Attention à ne pas faire perdre des parts de marché à nos constructeurs.

Le secteur spatial connaît également une reconfiguration avec l'arrivée de lanceurs à faible coût : les États-Unis avec SpaceX, la Chine avec le lanceur Longue Marche, mais aussi l'Inde et la Russie. D'où le nouveau projet Ariane 6 lancé par l'Agence spatiale européenne fin 2014. Comment le gouvernement compte-t-il encourager la coopération entre Thales, Safran et Airbus ?

Le nouvel avion électrique, développé en Charente, traversera la Manche en juin. Mais le gouvernement et le Commissariat général à l'investissement s'apprêtent, dit-on, à faire le tri entre les programmes de recherche. Pouvez-vous nous éclairer, monsieur le ministre ? La course à l'innovation ne connaît pas de pause, la France doit donc investir massivement, sous l'impulsion d'un État stratège. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

Mme Catherine Procaccia .  - Que d'évolutions depuis que M. Sido et moi-même avons remis en 2012 notre rapport sur l'espace ! À l'époque, on hésitait entre la modernisation d'Ariane 5 et le lancement d'Ariane 6. Le coût était estimé à 120 millions par an. Nous doutions que l'Europe, en crise, puisse courir deux lièvres à la fois, ce qui fut confirmé depuis. Ariane 6 doit se rapprocher des low cost pour faire face à la concurrence. Je regrette que, longtemps, on ait regardé de haut ces lanceurs dits bas de gamme. L'avenir des lanceurs du Cnes et de l'ESA doit être rapidement clarifié.

Le carnet de commandes de notre bonne vieille Ariane 5 sera-t-il rempli jusqu'en 2020 malgré le dumping américain ?

Quant aux satellites, on nous disait il y a trente mois que ceux à propulsion électrique n'avaient qu'un avenir lointain. En fait, ils représenteront un quart des satellites en 2020 : la réalité des coûts s'est imposée ! J'espère que nos industriels s'y préparent, et j'aimerais avoir des précisions sur l'aide publique annoncée par M. Macron.

Notre avenir suppose aussi que l'Europe développe ses propres services spatiaux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Franck Montaugé .  - Je parlerai de la contribution des territoires ruraux. Dans le Gers, quinze PME du secteur aéronautique, fournisseurs d'Airbus, emploient 1 600 salariés. Preuve que la dynamique d'Airbus à Touloise sert toute la région ! Le coût de l'immobilier d'entreprise est bien inférieur en milieu rural, la qualité de vie meilleure, le turnover moindre.

Comment aider ces entreprises à se développer dans les territoires ruraux et tirer parti de la croissance du secteur ? Il faut les aider à se rapprocher pour atteindre la taille critique d'ETI. Ainsi, elles fiabiliseront leur production et accèderont plus facilement aux financements. Au passage, ne sommes-nous pas en train de prendre du retard dans le domaine du 3D printing qui va constituer une révolution technologique ?

C'est dans les moments favorables du cycle économique que l'avenir se prépare. L'État stratège doit aussi faciliter l'accès au crédit bancaire des PME et des ETI sous-traitantes localisées en milieu rural. Le financement de leur bas de bilan est problématique dans la perspective des programmes 320 et 350 qui seront à honorer dans les années à venir.

Pensons aussi aux jeunes. La formation doit être adaptée aux nouvelles techniques, l'apprentissage développé.

Les territoires ruraux ne sont pas des lieux de low cost, mais de best cost, un dirigeant d'Airbus le dit. Il ne s'agit pas pour nous de jouer l'industrie contre l'agriculture, mais l'une avec l'autre. Donnons-nous les outils pour penser l'aménagement des territoires ruraux. Il n'y a pas de fatalité à ce qu'ils vivent sous perfusion des métropoles ! (Applaudissements à gauche)

M. Serge Dassault .  - Le débat est d'actualité. Le président de la République l'a dit : dans le secteur aéronautique et spatial, la France a une tradition d'excellence. Il compte 348 entreprises, dont environ 300 équipementiers et sous-traitants, en majorité des PME, reconnus pour leur savoir-faire. Citions quelques champions : Thales, Eurocopter et, bien sûr, Dassault Aviation.

Le carnet de commandes d'Airbus atteint des records. La filière représente 50 milliards de chiffre d'affaires en 2014, ce qui en fait le premier contributeur à notre balance commerciale. Elle compte sur les investissements d'avenir pour préparer l'avion et le satellite de demain.

Le succès de la filière repose sur des hommes et des femmes qualifiés, maintenons aussi les formations d'excellence dans nos écoles d'ingénieurs - Polytechnique, Supelec, Arts et Métiers, et par le développement de l'apprentissage.

La filière doit rester mobilisée sur le domaine de l'espace. Face à la concurrence, une joint venture sera créée pour développer Ariane 6.

Ces efforts doivent bien évidement être poursuivis, sinon notre industrie aéronautique et spatiale s'exposera au risque de son déclassement, mais il faut surtout renforcer simultanément la compétitivité de nos entreprises. Afin de soutenir la compétitivité de notre industrie, il faut continuer à investir - la recherche représente 14 % du chiffre d'affaires des entreprises privées du secteur - et mettre en place une fiscalité plus incitative sur le modèle du crédit d'impôt recherche. Baisser les impôts permet de préparer l'avenir, pas seulement d'enrichir les actionnaires, mes chers amis !

L'usine du futur se prépare dès aujourd'hui, en réduisant les temps et les coûts de développement et de fabrication, en anticipant à l'avance toutes les contraintes industrielles. Le numérique est l'instrument même de cette mutation, dès la conception, avec des maquettes numériques déjà utilisées chez Boeing et Airbus, jusqu'à la relation client pour accompagner les objets connectés et les nouvelles procédures d'enregistrement, en passant par la maintenance.

Nos succès à l'exportation dépendent de l'appui du gouvernement. Dans ce domaine, les industriels français peuvent compter sur le soutien permanent du président de la République, des ministres Le Drian et Fabius, qui accomplissent un remarquable travail.

M. Roland Courteau.  - C'est bien de le souligner !

M. Serge Dassault.  - En la matière, une préférence communautaire est indispensable.

Mes chers collègues, je vous invite au salon du Bourget qui aura lieu du 15 au 21 juin. Peut-être nous y retrouverons-nous pour déjeuner ? (Sourires ; applaudissements à droite)

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

M. Claude Raynal .  - En Midi-Pyrénées, plus de 100 000 emplois dépendent de la filière aéronautique. Cette formidable réussite est le fruit d'un dialogue permanent depuis près de quarante ans au sein du Gifas entre l'ensemble des entreprises de la filière et l'État stratège. Avec le Plan d'investissement d'avenir 1, celui-ci a su apporter les bons outils, au bon moment.

Une possible réduction du soutien politique à la filière inquiète l'industrie aéronautique comme les élus de Midi-Pyrénées. À l'heure où l'État fédéral américain accorde plus de 8 milliards de dollars d'avantages fiscaux au projet 777x, il reste plus que jamais vital pour nos industries qu'un pilotage politique solide de l'ensemble de la filière soit poursuivi.

Deux sujets pour illustrer mon propos.

Tout d'abord, l'engagement du PIA 2. La filière, encore une fois collectivement, a défini, face à la montée des compétiteurs, deux priorités absolues : un démonstrateur appelé Sefa, pour Systèmes embarqués et fonctions avancées, qui vise à développer des systèmes innovants pour les cockpits des futurs aéronefs, et une plateforme technologique appelée Usine aéronautique du futur. Engageons ces crédits prévus sans tarder et encourageons Airbus à lancer de nouveaux projets, tout en préservant la capacité actuelle des bureaux d'étude.

Deuxième sujet, plus délicat, le gouvernement se mobilise pour défendre Air France et l'accompagne dans la reconquête de sa compétitivité face aux compagnies du Golfe. L'exonération de taxe d'aviation civile pour les passagers en transit constitue un premier pas. La commissaire européenne se lance dans une réflexion sur les moyens d'assurer une concurrence loyale au niveau international. Air France n'a capté qu'une faible partie de la hausse de 14 % du trafic aérien en 2014. Pour la protéger, il est tentant de restreindre l'accès aux compagnies aériennes extra-européennes. Prenons garde, cela pourrait se retourner contre nos constructeurs.

Face à la concurrence, il faut soutenir Airbus Industrie pour éviter les délocalisations. Seul un État stratège peut assurer l'équilibre général. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Merci au groupe CRC de son initiative. Je ne dériverai pas vers la question de la concurrence en général, mais m'en tiendrai aux questions industrielles, qui concernent notre filière aéronautique et spatiale, atout majeur pour notre pays.

Avec 38 milliards d'euros de chiffre d'affaires, en forte croissance, l'industrie aéronautique fait preuve d'un dynamisme remarquable. Représentant 180 000 emplois directs hautement qualifiés, et autant d'emplois indirects, elle a embauché plus de 100 000 personnes entre 2006 et 2013, dont 20 % de jeunes - souvent en contrats d'apprentissage et de professionnalisation, qui concernent 5 000 jeunes.

Un grand groupe a déploré l'existence de 2 000 offres d'emplois de techniciens non pourvues ; c'est pourquoi nous aborderons la question de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences  (GPEC) lors de la réunion du Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) qui aura lieu le 22 mai avec Emmanuel Macron.

Les créations d'emploi devraient continuer, car la hausse du trafic devrait se poursuivre. L'achat de 30 000 appareils bénéficiera très majoritairement au duopole Airbus-Boeing. Servir le marché mondial est une chance pour la France.

La France peut être fière d'être le seul pays, avec les États-Unis, à disposer sur son territoire d'une filière aéronautique complète, associant grands groupes (Airbus, Thalès et Safran) et PME. Cette industrie reste essentiellement technologique, obstacle aux délocalisations.

Certains transferts technologiques s'inscrivent cependant dans une stratégie gagnant-gagnant, comme l'illustre la coopération entre Airbus et la Chine, avec l'installation d'une chaine d'assemblage d'A320 à Tianjin en 2008. Désormais, 70 % des avions vendus en Chine sont des Airbus ! Airbus a livré 133 avions à la Chine en Chine, sur un total mondial de 626.

La réussite de la filière aéronautique et spatiale s'explique par un soutien de l'État qui ne s'est jamais démenti depuis les années soixante. Au contraire des États-Unis, le marché institutionnel et national ne suffit pas. La moitié des contrats sont passés avec des sociétés privées. Des programmes d'avenir ont été lancés : les avions A350 et A320neo, les hélicoptères X4 et X6, le moteur LEAP-X, la gamme Falcon - qui jouent le rôle de locomotives.

Dans le domaine de l'espace, les exportations sont indispensables. Or de nouveaux acteurs et de nouveaux modèles économiques sont apparus sur le marché mondial. Des acteurs tels que SpaceX et Google, issus du numérique et qui disposent de réserves financières, tant en capital qu'en trésorerie, sans commune mesure avec les entreprises traditionnelles du secteur, bénéficient aussi du soutien de la Nasa. Il nous faut réagir...

M. Roland Courteau.  - Oui.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Nous devons rester à la pointe de l'innovation. Nos satellites à projection électrique, développés grâce au PIA, ont déjà du succès. Nous avons remporté des marchés très compétitifs, par exemple aux Émirats arabes unis.

La fusée Ariane doit elle aussi être rendue plus compétitive. Ariane 5 est un lanceur d'une fiabilité inégalée, mais d'une grande complexité technologique. D'où l'enjeu de simplification et de flexibilisation. La nouvelle configuration permettra de réduire les coûts sans menacer l'acquis industriel en France, en Allemagne, ou en Italie.

La joint venture Airbus Safran Launchers (ASL) facilitera les synergies. Pour Ariane 6, la clarification du rôle respectif des agences et des entreprises donnera plus de réactivité et de transparence dans les financements de chacun. Cette évolution des relations entre acteurs de la filière est une décision de l'ensemble des États membres de l'agence spatiale européenne, qui ont adopté une résolution en ce sens en décembre 2014.

Les États, qui investissent 4 milliards d'euros dans les nouveaux lanceurs, ne se désengagent pas ! Les agences ne renoncent pas non plus à la maîtrise d'ouvrage et au contrôle. En outre, le paiement se fera à la livraison, et non plus au développement. Le rôle d'Arianespace pour la commercialisation d'Ariane n'est pas non plus remis en cause.

SpaceX bénéficie certes d'aides massives du gouvernement américain. Mais la société a aussi su innover pour réduire les coûts. Les lanceurs réutilisables n'ont pas fait leurs preuves. La question reste ouverte, cependant, pour le premier étage ; des études sont en cours.

C'est également le cas sur les nouveaux usages des dirigeables. Qui font l'objet d'un projet dans le cadre de la nouvelle France industrielle. Ce plan est conduit par le pôle de compétitivité Pégase en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le premier vise à transporter des charges supérieures à 60 tonnes, le second pour des missions stratosphériques en complément des satellites.

Si l'hélium, utilisé pour pressuriser les étages des lanceurs, est un gaz rare, il ne se pose pas de problème d'approvisionnement. Il est un gaz connexe de l'extraction du gaz naturel. Au Qatar, une usine en produit 40 tonnes par jour, un lanceur en consomme 145 kg.

La recherche représente 10 % du PIB du secteur. Le point de rentabilité financière de certains programmes peut intervenir seulement vingt à vingt-cinq ans après. Cette spécificité impose un soutien spécifique de l'État. Washington vient d'accorder la plus large exemption fiscale de l'histoire des États-Unis à Boeing. Les pratiques sont les mêmes en Chine, en Inde et en Russie, mais aussi, à un moindre degré, au Canada et au Brésil, pays émergents dans le domaine des avions de plus de cent places.

Le modèle français repose sur des aides sectorielles, décidées au sein du Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile), que je préside. Le Cospace (Comité de concertation État-industrie pour le spatial), associant institutionnels et entreprises, a été créé en 2013 par Mme Fioraso, sur la recommandation de Mme Procaccia et de M. Sido. L'État a investi 2,9 milliards d'euros dans le secteur depuis 2010 pour lancer l'A350 et l'hélicoptère X6, appareils qui feront notre industrie de demain. Au passage, l'installation d'Hydro-Québec à Pau est vécue par les industriels comme un partenariat.

L'ESA et la DGA financent également le secteur aérospatial à hauteur de 2 milliards d'euros. L'effort n'a pas faibli, malgré notre situation budgétaire, il s'exprime également à travers le CIR ou les pôles de compétitivité.

Merci à M. Dassault de ses félicitations que je transmettrai à MM. Fabius et Le Drian, ainsi que de son invitation au salon du Bourget. Pour conclure, la France et l'Europe entendent bien conserver leur place de tout premier plan dans les secteurs aéronautique et spatial. (Applaudissements)

Le débat est clos.

Commissions (Candidatures)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que le groupe UDI-UC a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger à la commission des finances et à la commission des lois.

Ces candidatures ont été publiées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Risques inhérents à l'exploitation de l'huître triploïde (Question orale avec débat)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat n°10 de M. Joël Labbé à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les risques inhérents à l'exploitation de l'huître triploïde.

M. Joël Labbé, auteur de la question .  - Au nom du groupe écologiste, j'ai estimé que la crise ostréicole et les mutations technologiques intervenues depuis vingt ans méritaient un débat qui, par bien des aspects, est sensible.

La France est de loin le premier producteur européen et le quatrième producteur ostréicole mondial. Après un premier débat nocturne, qui avait duré plus d'une heure, sur un amendement que j'avais déposé, pour étiqueter les huîtres en fonction de leur origine, qu'elles soient naturelles, nées en mer ou triploïdes, j'avais annoncé que nous remettrions le couvert. Nous y voici.

L'huître, être vivant mystérieux et fermé, est un mets d'exception, apprécié par les hommes depuis des millénaires. (Marques d'approbation) Dans les mers chaudes, elle produit même ces perles de nacre que les Grecs nommaient les larmes d'Aphrodite. (On apprécie)

Au fil des siècles, la culture de l'huître n'a cessé de s'améliorer, grâce au savoir-faire de générations d'ostréiculteurs...

M. Roland Courteau.  - C'est vrai.

M. Joël Labbé.  - ... qui ont inventé l'élevage sur table, en poches, ou à plat sur l'estran, ou en eau profonde. Coquillage filtreur, microphage et omnivore, elle pompe l'eau de mer afin d'en capter les particules nécessaires à son alimentation et l'oxygène pour sa respiration. Se nourrissant d'algues et d'organismes microscopiques, mais aussi de divers débris, elle est une véritable sentinelle de la biodiversité.

La période de reproduction s'étend de juin à septembre, durant laquelle elle est laiteuse. Aussi les consommateurs avertis privilégient-ils les mois en « r ». Il lui faut trois ans de soins réguliers par les paysans de la mer que sont les ostréiculteurs pour être consommable.

Elle a souffert de nombreuses épizooties : comme celle de 1920-1921 qui a décimé la population d'huîtres plates, ou celle de 1972 qui a décimé les huîtres creuses dites portugaises, remplacées depuis par les huîtres dites japonaises, répondant au nom scientifique de Crassostrea gigas.

Comme la plupart des êtres vivants, dont l'espèce humaine, l'huître est naturellement diploïde, possédant dix paires de chromosomes. Depuis le début des années 2000, l'Ifremer a lancé la recherche sur l'huître triploïde qui possède dix lots de trois chromosomes. Cette innovation a nécessité le rachat d'un brevet américain, dit « Rutgers », en 2004, puis le dépôt d'un nouveau brevet en nom propre en 2008.

Au-delà de la différence chromosomique qui les caractérise, les huîtres triploïdes sont exclusivement élevées dans des écloseries. L'Ifremer a même mis au point l'huître tétraploïde avec dix lots de quatre chromosomes, pour produire des huîtres triploïdes, grâce à des croisements avec des huîtres diploïdes pour obtenir des huîtres triploïdes stériles et non laiteuses.

Il y avait de quoi séduire la filière : « l'huître des quatre saisons » se produit en deux ans au lieu de trois, puisqu'elle ne perd pas d'énergie à se reproduire, et peut être consommée toute l'année, y compris pendant la saison touristique. Elle envahit donc les étals, les professionnels y voyant un moyen d'augmenter leurs débouchés, de lisser les coûts, par l'étalement des ventes sur l'année. Croissance et compétitivité étaient au rendez-vous, avec ce pur produit de la recherche biotechnologique et de l'innovation.

L'heure est au désenchantement. Depuis 2008, la surmortalité du naissain et des huîtres creuses juvéniles affecte l'ensemble des bassins français, imputable au développement du variant de l'herpès virus de l'huître, appelé OsHV-1. Cette hécatombe a coïncidé avec l'introduction de l'huître triploïde.

Les huîtres adultes sont également victimes d'un vibrio aestuarianus - bactérie au nom savant de scénario catastrophique, la mortalité culminant précisément pendant la période estivale, où devait se vendre « l'huître des quatre saisons ». Résultat, dans mon département, le Morbihan, 40 entreprises ont mis la clé sous la porte depuis 2008 et, paradoxe, la surproduction menace, car les ostréiculteurs cherchent à compenser la mortalité par une culture accrue. Il en résulte une chute des cours dramatique, avec un engorgement des stocks d'huîtres de gros calibre, difficilement commercialisables.

Les producteurs deviennent de plus en plus dépendants des écloseries, illustration de la dérive que nous dénonçons, de privatisation du vivant. La profession paie un lourd tribut à cette révolution technologique.

Si l'huître triploïde n'est pas un OGM (organisme génétiquement modifié), elle est un organisme vivant modifié (OVM). Dès 2012, Jean-Patrick Le Duc, délégué aux relations internationales du Muséum d'histoire naturelle, déclarait dans un entretien au Point : "Aujourd'hui, les OVM ne sont pas assez évalués ni encadrés alors que l'on n'a aucun recul. Les cas des huîtres triploïdes ou du saumon transgénique sont emblématiques : on les a introduits massivement au risque de déséquilibrer complètement les écosystèmes, sans appliquer le principe de précaution....l'huître triploïde constitue un danger pour la biodiversité et l'hécatombe ostréicole qui sévit depuis 2008 pose la question de la fragilité de ces organismes modifiés." Tout est dit, ou presque....

Face à l'inquiétude de la profession, l'État a désigné en 2009 un groupe d'experts pour examiner l'impact écologique de l'huître triploïde. Dans son rapport, M. Chevassus-au-Louis relativisait le risque, mais appelait à la « biovigilance ».

Qu'en est-il aujourd'hui ? Les conditions de sécurité sont-elles optimum ? Un contrôle efficace et rigoureux est-il réalisé à chaque rouage de la filière ? Un reportage récemment diffusé sur France 5 révèle que les antibiotiques sont encore utilisés par les écloseries, sans que les ostréiculteurs eux-mêmes en soient informés.

Le silence des pouvoirs publics et l'omnipotence de l'Ifremer font obstacle à la transparence. Une transparence à laquelle les consommateurs ont droit. Pourtant, aucune traçabilité n'est prévue à l'heure actuelle. Un projet de décret sur l'étiquetage était promis en 2012, il n'a jamais vu le jour.

J'attends impatiemment les explications de M. le ministre ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. Daniel Laurent .  - Le bassin de Charente-Maritime et celui de Marennes-Oléron, connaissent une forte mortalité depuis 2008. Mme Des Esgaulx, sénatrice de Gironde, qui veille particulièrement à la situation du bassin d'Arcachon, s'associe à mes propos.

Notre conseil général s'est beaucoup investi pour soutenir la filière en exonérant les professionnels de la redevance d'occupation temporaire du domaine public portuaire.

La plupart des ostréiculteurs achètent et vendent des huîtres triploïdes, dont il est important de rappeler qu'elles ne sont pas des organismes génétiquement modifiés, puisque leur patrimoine génétique n'est pas affecté.

Le Comité national de la conchyliculture a décidé début 2015 de relancer la réflexion collective sur l'étiquetage des huîtres en fonction de leur nature. Les sept comités régionaux de la conchyliculture ont été sollicités. Pour l'heure, aucune position n'est arrêtée par l'interprofession.

Si aucun consensus ne se dégage sur l'orientation de la filière, il en existe un sur l'étiquetage des huîtres captées en mer. Qu'en pensez-vous monsieur le ministre ? (Applaudissements à droite)

Mme Odette Herviaux .  - La France est au premier rang des pays producteurs d'huîtres en Europe, le quatrième au niveau mondial. Cependant, la baisse de 17 % du nombre de producteurs atteste de la fragilité de la filière.

Pour ma part, j'ai toujours défendu une production écoresponsable. Évitons les postures manichéennes, comme a su le faire M. Labbé dans son discours introductif, en rappelant quelques vérités scientifiques.

La triploïdie empêche la reproduction en milieu naturel. La biovigilance, recommandée par Bernard Chevassus-au-Louis dans son rapport, suffit donc. De plus, les quelques centaines de reproducteurs mis à disposition des écloseries par l'Ifremer sont bien peu par rapport au stock de reproducteurs diploïdes présent dans les bassins de production.

Les études du réseau biovigilance réalisées en 2012 pour mesurer le niveau de ploïdie des naissains d'huître creuse captés dans les pertuis charentais, le bassin d'Arcachon et la baie de Bourgneuf, ne montrent pas de contamination des huîtres polyploïdes. Cela devrait rassurer les plus sceptiques.

Si le bon sens commande de consommer les seuls produits de saison, pourquoi empêcher les Français qui ne veulent pas d'huîtres laiteuses d'aller vers l'huître triploïde ? Faudrait-il, aux dépens des producteurs, s'en remettre aux importations ? Les importations d'huîtres ont déjà cru de 168 % entre 2008 et 2010...

Il est bon de rappeler que l'Ifremer n'avait pas en charge la politique des écloseries, ni celle du contrôle sanitaire et encore moins le pouvoir de contrôler les politiques de vente de naissains, même si le rapport d'expertise judiciaire d'avril 2014 de Jean-Dominique Puyt signale des « défauts de surveillance, de prophylaxie sanitaire et d'informations apportées à la profession ostréicole ». L'évaluation de l'Ifremer par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur en août 2009 a également mis en lumière un défaut de travaux dans le domaine de l'épidémiologie, notamment en ce qui concerne les infections virales herpétiques.

Il faut tirer la sonnette d'alarme, comme je le fais depuis des années dans les débats budgétaires, sur le manque de moyens alloués pour la surveillance et la recherche, y compris en matière de connaissance des milieux marins et de prévention des risques. L'ostréiculture reste très vulnérable face à l'introduction de nouveaux pathogènes.

Encourageons également la filière et la production de qualité : je crois aux messages positifs, plutôt qu'à la stigmatisation qui déstabiliserait le secteur. Structurons une offre hautement qualitative au sein du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche.

Croyons en l'avenir de l'ostréiculture ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Le groupe écologiste se concentrera sur les choix de l'Ifremer face à la crise ostréicole. Les pressions de rentabilité qui pèsent sur toute la recherche publique ne doivent pas la pousser à agir en oubliant le principe de responsabilité.

L'Ifremer, créé en 1984 sous la forme d'un Epic, sous la tutelle des trois ministères, de la recherche, de la pêche et de l'environnement, dépend du programme 187, mais aussi d'autres ressources, publiques et privées, notamment commerciales.

Au début des années 2000, l'Ifremer fait le choix, face à la surmortalité des huîtres, de développer l'huître triploïde en achetant, en 2004, un brevet américain, conjointement avec l'écloserie privée Grainocéan International, avec laquelle il établit un partenariat commercial pour la diffusion d'huîtres triploïdes. Ces huîtres, avec ce brevet de 1991 qui tombe bientôt dans le domaine public, sont développées à partir de « chocs thermiques et chimiques » qui sont à l'ostréiculture ce que les électrochocs sont à la psychiatrie...

L'Ifremer a pris le risque de porter atteinte à la biodiversité, selon les propres termes du brevet, français et européen cette fois, déposé en 2008 pour l'huître tétraploïde. On n'arrête pas le progrès !

Selon le rapport d'expertise judiciaire rendu en 2014, aux termes de quatre années d'une procédure engagée devant le tribunal administratif de Rennes, les fautes suivantes ont été signalées qui peuvent indiquer la responsabilité de l'Ifremer : l'absence d'approche médicale et de diagnostic de l'infection herpétique avant 2008 ; le défaut de surveillance ; de conseils de prophylaxie sanitaire ; d'informations apportées à la profession ostréicole sur les risques ; l'absence de proposition de mesures préventives et de contrôle sanitaire de l'herpès virus du naissain de triploïdes dans les écloseries.

Difficile équation entre principe de précaution et innovation !

Chers collègues, nous qui aimons tous les produits de la mer, ne pouvons-nous nous passer de consommer de l'huître triploïde, comme d'oeufs cubiques, parce qu'ils seraient plus simples à ranger dans le frigo ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et sourires)

M. Joël Labbé.  - Très bien !

M. Michel Le Scouarnec .  - Ce débat est très important pour le littoral, merci à M. Labbé, qui est du Morbihan comme moi, d'en avoir pris l'initiative et de nous avoir donné, au passage, une belle leçon de sciences naturelles. (Sourires)

Avec près de 8 200 hectares de concessions, la Bretagne représente 41 % des surfaces conchylicoles et 37 % des surfaces exploitées. La Bretagne-sud totalise 61 % des surfaces avec 388 entreprises, principalement dans le Morbihan. C'est dire l'importance de ce secteur d'activité pour notre département : 4 000 personnes y sont employées dans ce secteur dont 2 000 emplois à temps plein. La crise nous touche durement.

La stérilité de l'huître triploïde ne conduira-t-elle pas à terme les producteurs à être dépendants des écloseries ? Les infections bactériennes touchent aussi bien les huîtres triploïdes que les diploïdes. L'Inra a alerté. Si les huîtres tétraploïdes s'échappent des écloseries, le risque de contamination est très réel.

Quand les risques sont de plus en plus palpables, quels moyens de contrôle ? Les fonds alloués à l'Inao diminuent...

L'information aux consommateurs manque mais l'huître triploïde n'est pas considérée comme un nouveau produit. Les études de l'Ifremer ne sont pas publiques. Pour que les ostréiculteurs sortent la tête de l'eau, l'étiquetage est indispensable. Celui-ci en Europe n'est pas obligatoire car la Commission européenne considère que des huîtres peuvent exister à l'état naturel, en quantité très faible. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ? Écoutons nos anciens : consommons ces mollusques les mois en « r ». Longtemps, j'ai pensé que toutes les huîtres étaient aussi bonnes avec une tartine de pain noir beurrée et un verre de blanc frais. J'ignorais le problème... Il faut rester vigilant pour ne pas les noyer. La filière attend. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Gilbert Barbier .  - Pour l'heure, nous n'avons aucune certitude sur les risques sanitaires ou environnementaux inhérents à l'exploitation de l'huître triploïde. À l'OPECST de se saisir de la question.

Puisque le débat a été inscrit à l'ordre du jour, le groupe RDSE y participera. L'ostréiculture a bénéficié des progrès biotechnologiques avec l'huître tétraploïde : une huître produite en deux ans, consommable toute l'année. D'où son succès : elle représente 30 à 40 % des huîtres consommées en France. Cependant, depuis deux ans, des anti-huître triploïde se mobilisent avec derrière eux des associations qui refusent les biotechnologies. L'huître triploïde n'est pas un OGM mais un OVM ; je constate que l'auteur de la question le reconnaît. L'Afssa a estimé en 2001 que la triploïdie ne paraissait pas constituer en elle-même un facteur de risque sanitaire au regard de l'existence de ce phénomène à l'état naturel. Aucun incident lié à la consommation de l'huître triploïde n'a été rapporté.

Néanmoins, la vigilance s'impose, en particulier sur la dissémination. Les écloseries sont-elles bien sécurisées ?

Pour les ostréiculteurs traditionnalistes, la domestication de l'espèce est en cause dans la mortalité ; mais rien n'est prouvé à ce jour. On a connu des épizooties dans les années 1920 puis dans les années 1970...

Enfin, l'étiquetage. Je partage le souci de transparence en général. Le règlement européen ne l'impose pas mais l'autorise sur le fondement du volontariat.

Le groupe RDSE soutient l'innovation tout en rappelant la nécessité du contrôle et de la surveillance par les pouvoirs publics, ainsi que d'une information protectrice des consommateurs comme des producteurs.

Mme Annick Billon .  - Ce questionnement sur l'huître triploïde a déjà surgi lors de l'examen d'un amendement de notre collègue Labbé. Petit rappel des problèmes de la filière ostréicole. L'ostréiculture, répartie en sept basins, produit 80 000 tonnes d'huîtres, réalise 345 millions d'euros de chiffre d'affaires ; la conchyliculture emploie 18 000 personnes et 3 000 chefs d'exploitation et conjoints.

La Vendée, dont je suis élue, représente 10 % de la production et accueille les écloseries les plus importantes, dont le leader national. Les causes de la mortalité des huîtres depuis 2008 apparaissent multifactorielles. Les professionnels sont légitimement inquiets, cette mortalité touchant tous les stades de la production.

Près de 80 % des producteurs font appel à des écloseries. Cependant, certains procèdent à un captage dans le milieu naturel puis à l'élevage dans le même milieu ; chez d'autres, quelle que soit l'origine du captage, le naissain est envoyé en pré-grossissement dans un autre bassin, en France ou à l'étranger, puis revient et change encore de bassin jusqu'au moment de la vente, l'appellation étant celle du dernier bassin.

S'agissant des diploïdes, l'Ifremer travaille au renforcement de leur résistance. Les craintes de la filière dite traditionnelle sur l'usage d'antibactériens peuvent être levées sur le fondement de la réglementation actuelle, du contrôle et de la certification.

Les huîtres triploïdes, elles, soulèvent des craintes légitimes, mais qui ne sont jusqu'à présent confirmées par aucune étude. Ce ne sont pas des OGM, mais des OVM. En s'appuyant sur la loi Consommation de 2014 et à la demande des ostréiculteurs, il a été demandé d'imposer un étiquetage différenciant les huîtres issues de captage et d'élevage naturel, de celles issues d'écloseries et surtout les triploïdes. Mais celles-ci n'étant pas classées OGM, la demande n'est pas recevable. Le CNC n'est pas favorable à un étiquetage obligatoire. Il n'est pas interdit aux producteurs d'indiquer l'origine ou le lieu de production. Porter mention d'une huître diploïde ou triploïde n'inciterait pas les consommateurs à consommer ! De plus, des huîtres triploïdes existent, dans des quantités même infimes, dans des bassins d'huîtres diploïdes car la nature en produit quelquefois. Les contrôles seraient donc difficiles.

Le brevet américain dont l'Ifremer avait un monopole d'exploitation en Europe est tombé dans le domaine public le 15 janvier. Un autre brevet a été déposé en 2007. Or l'Ifremer souhaiterait cesser son activité de production de géniteurs pour se consacrer à la recherche ; il est disposé à vendre le brevet - ce qui pose problème. Qui assurera cette prestation ? Quelles seraient les conséquences d'une cession du brevet à un acteur privé ? Certains suggèrent de s'inspirer de la réglementation sur les ICPE. Toujours est-il qu'il importe de fixer un cadre réglementaire précis. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

Mme Agnès Canayer .  - En Normandie on pratique la pêche depuis toujours. L'ostréiculture s'y est développée, atteignant sur 1 100 hectares une production de 7 200 tonnes pour la campagne 2010-2011 sur les 84 000 tonnes produites en France, employant 2 000 personnes dans 250 entreprises. Les producteurs se sont engagés dans une démarche de qualité, sanctionnée par la dénomination « Huîtres de Normandie » et par le label « Gourmandie », sur la base d'un cahier des charges rigoureux. Un organisme de défense et de gestion préfigure l'IGP en cours d'instruction.

Les ostréiculteurs sont aujourd'hui fragilisés par la surmortalité des huîtres. Malgré le soutien de l'État, les producteurs d'Isigny sont en grande difficulté. La priorité est à la sauvegarde de la production et des exploitations.

L'Ifremer a développé l'huître triploïde pour renforcer la résistance des huîtres. Il entend aujourd'hui transférer le brevet à la profession ou le rendre au domaine public, considérant que la profession doit être organisatrice - celle-ci a la même position.

La profession est consciente du besoin d'information des consommateurs et s'interroge sur l'impact qu'aurait un étiquetage. En avril, les ostréiculteurs normands se sont prononcés contre l'étiquetage obligatoire, même si certains vantaient les atouts d'une demande proactive. La profession connaît les enjeux. Faisons-lui confiance. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yannick Vaugrenard .  - La production d'huîtres atteignait en moyenne 130 000 à 140 000 tonnes sur la période 1996-2007, puis elle a chuté en 2008 à 80 000 tonnes à cause de virus et de bactéries. En 2012, la production est remontée au-dessus de 100 000 tonnes.

Mais l'embellie est trompeuse, les ostréiculteurs sont dans une situation difficile avec des stocks à zéro et des problèmes de trésorerie et d'investissement. L'État ne les a pas oubliés - exonération de la redevance domaniale et fonds d'allègement des charges.

L'huître triploïde mise au point par l'Ifremer représente 30 % des ventes ; stérile, elle n'est pas laiteuse et croît en deux ans au lieu de trois.

Selon l'Ifremer, sa résistance serait supérieure à celle de l'huître diploïde. Mais elle a ses détracteurs, même si l'Afssa a estimé qu'il n'y avait pas de risque sanitaire.

Selon le Comité national de la conchyliculture, l'absence d'étiquetage est normale car il ne s'agit pas d'OGM. L'association des ostréiculteurs traditionnels défend quant à elle l'huître née en mer. Sans doute faut-il préférer l'incitation à l'obligation. La même association accuse l'Ifremer d'avoir découvert le virus en 1991 et de n'avoir rien fait pour l'arrêter ; le tribunal administratif de Rennes a été saisi. Pourriez-vous nous détailler les missions de l'Ifremer, monsieur le ministre, afin de dissiper cette polémique ?

Les recherches montrent que le surcroît de mortalités dépend de multiples facteurs, et non du seul virus mis en cause : usage de produits chimiques, élévation de la température des eaux, concentration des jeunes huîtres dans les parcs... Monsieur le ministre, je compte sur vous pour nous apporter tous les éclaircissements propres à rassurer les consommateurs.

M. François Commeinhes .  - L'huître triploïde est stérile ; elle présente l'avantage de ne jamais être laiteuse, tandis qu'elle croît plus vite.

La réglementation dépend du Comité national de la conchyliculture. Les obligations d'étiquetage sont définies par le règlement européen de 1997. Bruxelles, estimant que les huîtres triploïdes existent à l'état naturel, considère que l'étiquetage est possible uniquement sur la base du volontariat. Si les risques de contamination semblent limités, les techniques utilisées dans les écloseries pourraient faire l'objet d'un agrément. La biovigilance y gagnerait.

Un schéma de gestion collective de la production d'huîtres polyploïdes pourrait être mis en place, avec un programme de suivi des méthodes d'obtention ; à court terme, un programme d'organisation des stocks en élevage d'huîtres tétraploïdes en lien avec le CNC ; un programme de transfert à l'organisation interprofessionnelle des missions actuellement remplies par l'Ifremer pour l'hébergement, la production et la fourniture d'huîtres tétraploïdes.

Enfin, s'agissant de l'étiquetage, la demande d'une plus grande transparence sur les méthodes de production est une fausse bonne idée. Les professionnels français estiment qu'il faut conserver les deux systèmes, le captage naturel lorsqu'il est disponible et l'approvisionnement par écloserie, et que la mention de la triploïdie ferait fuir le consommateur. De nombreux fruits et légumes sont triploïdes sans étiquetage spécifique - la clémentine par exemple. Si un étiquetage devait être décidé, je plaiderais pour les mentions : « huîtres issues de captage naturel » pour des huîtres qui seront forcément diploïdes ; et « huîtres issues d'écloserie » pour des huîtres qui pourront être diploïdes ou triploïdes. Il faudra raison garder ! (Applaudissements à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Je remercie M. Labbé qui a pris l'initiative de ce débat important pour la filière conchylicole française, au premier rang européen avec une production de 80 000 tonnes, 2 500 entreprises, un chiffre d'affaires de 400 millions d'euros. Si les huîtres diploïdes ont deux paires de chromosomes, les huîtres triploïdes sont issues du croisement entre ces dernières et les huîtres tétraploïdes produites selon des procédés brevetés. Il ne s'agit pas d'OGM car leur patrimoine génétique n'est pas affecté. Il existe d'ailleurs d'autres organismes triploïdes parmi les céréales, les cultures maraîchères et fruitières, et la polyploïdie est même naturelle chez les fruits rouges sauvages.

Les huîtres que nous consommons sont issues de deux sources : le captage naturel et les écloseries. La production d'huîtres triploïdes représente 30 % du total.

Le gouvernement est attaché à travailler de concert avec la profession. Les productions d'huîtres diploïdes et triploïdes ont été jusqu'à présent complémentaires. Un même producteur élève les deux. L'Ifremer a répondu aux demandes des ostréiculteurs désireux de disposer d'une huître toute l'année, avec un rythme de naissance plus rapide. Le maintien des différents modes de production peut contribuer à renforcer la capacité de résilience du secteur en cas de crise. Cela a été le cas à partir de 2008. La production d'huîtres triploïdes a fait l'objet d'une évaluation indépendante et est soumise à un suivi régulier.

L'avis du Comité d'éthique et de précaution pour la recherche commun à l'Inra et à l'Ifremer, en 2004, a été suivi au travers de mesures de précaution qui figurent dans les conventions entre l'Ifremer et les écloseries. Des expertises scientifiques ont été menées en 1998 et 2008 sur la production d'huîtres tétraploïdes. Elles ont conclu que le risque environnemental était faible. Un réseau de biovigilance a cependant été mis en place. Les études ont toujours montré l'absence de colonisation de l'huître triploïde par reproduction dans le milieu naturel. Pour que toute la transparence soit faite, il serait intéressant que le Parlement se saisisse du sujet, via l'OPECST dont le statut garantit l'indépendance de l'expertise.

M. Gilbert Barbier.  - Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Le programme de recherche ambitieux Score témoigne de l'engagement du gouvernement pour lutter contre la surmortalité et améliorer la résistance des huîtres. Le ministère finance une convention aquacole avec l'Ifremer dont une partie est consacrée aux mortalités.

L'Ifremer envisage de céder son brevet à la profession. Le contrat d'objectifs État-Ifremer 2014-2017 prévoit le transfert de l'activité de production des tétraploïdes. Il sera préparé et accompagné. Il n'est pas question de laisser cette technologie aux mains d'opérateurs privés sans encadrement réglementaire. Mon ministère y travaille avec pour échéance début 2016. La mise au point de ce cadre répond aussi aux recommandations du comité d'éthique de l'Ifremer. Nous nous inspirerons du régime des installations classées pour l'environnement.

En même temps, le consommateur exige plus de transparence. Le débat se focalise sur l'ostréiculture, alors que d'autres espèces animales ou végétales sont aussi polyploïdes. Encourager les producteurs à indiquer l'origine du naissain est une bonne idée. Il faudra aussi développer la traçabilité des élevages.

L'État a consacré 150 millions d'euros depuis 2008 à soutenir la filière. Les régions sont associées pour une gestion au plus proche du territoire. Il faut aujourd'hui mobiliser les professionnels sur un projet de filière dans une logique de partenariat avec l'État et les collectivités territoriales. J'ai réuni les comités régionaux et le comité national. Je leur ferai part des conclusions de notre débat. (Applaudissements à gauche)

M. Joël Labbé .  - Ce débat n'est pas abouti, mais semble lancé. L'omerta a cessé. Loin de nous l'idée de stigmatiser la profession, nous devons travailler avec elle. Celle-ci réunit des acteurs divers : l'Ifremer, les ostréiculteurs traditionnels, les écloseries, le comité national. Beaucoup d'ostréiculteurs utilisent à la fois des naissains naturels et des naissains d'écloserie.

Le consommateur exige plus de transparence. Il est important qu'il sache que l'huître est un produit saisonnier ; s'il n'en consomme pas en été, il consommera autre chose... L'impératif de la croissance à tout prix ne justifie pas tout, les dégâts collatéraux sont déjà là.

Les huîtres triploïdes sont plus fragiles. Pourraient-elles favoriser le développement de la bactérie ? La question est très complexe, disent les scientifiques. Je n'aurai donc pas de réponse toute faite. La vérité est qu'on n'a pas procédé à une évaluation suffisante de l'impact sur le milieu à moyen et long terme. On ne prend plus le temps de mener de telles études, il faut avancer, paraît-il...

Élu, je suis impatient car interpellé. Je nous donne rendez-vous le 10 juin pour un colloque, au Sénat, qui réunira les ostréiculteurs traditionnels qui demandent l'étiquetage, le Conseil national de la conchyliculture, l'Ifremer, les écloseurs, les scientifiques, les consommateurs. Ensemble, nous réfléchirons à une clarification. Tout le monde y gagnera, à commencer par la profession. Je me réjouis aussi à l'idée que l'OPECST se saisisse de cette question. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)

Commissions (Nominations)

Mme la présidente.  - Je rappelle au Sénat que le groupe UDI-UC a présenté des candidatures pour la commission des finances et pour la commission des lois.

Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. Nuihau Laurey, membre de la commission des finances et Mme Lana Tetuanui, membre de la commission des lois.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Conférence des présidents

M. le président.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des Présidents qui s'est réunie ce soir.

Cette semaine est une semaine sénatoriale de contrôle.

MERCREDI 13 MAI 2015

À 14 h 30 :

- Proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat.

La semaine du 18 mai est une semaine sénatoriale.

LUNDI 18 MAI 2015

À 14 h 30, le soir et la nuit :

- Suite du projet de loi relatif à la réforme de l'asile.

MARDI 19 MAI 2015

De 14 h 30 à 18 h 30 :

Ordre du jour réservé au groupe CRC :

- Proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur l'utilisation et la commercialisation d'armes de quatrième catégorie, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations.

- Débat sur le rétablissement de l'allocation équivalent retraite.

À 18 h 30, le soir et la nuit :

- Suite du projet de loi relatif à la réforme de l'asile.

MERCREDI 20 MAI 2015

À 14 h 30 et le soir :

- Proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du conseil national d'évaluation des normes.

- Proposition de loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.

- Suite du projet de loi relatif à la réforme de l'asile.

JEUDI 21 MAI 2015

De 9 h 30 à 13 h 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

- Proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales.

- Proposition de loi relative au parrainage civil.

À 15 heures :

- Questions d'actualité au Gouvernement.

À 16 h 15 et le soir :

- Proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police (dans le cadre de l'espace réservé au groupe UDI-UC).

- Projet de loi ratifiant l'ordonnance du 19 décembre 2014 relative à l'élection des conseillers métropolitains de Lyon.

- Suite du projet de loi relatif à la réforme de l'asile.

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 22 MAI 2015

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à la réforme de l'asile.

Les semaines des 25 mai et 1er juin sont réservées par priorité au gouvernement.

MARDI 26 MAI 2015

À 9 h 30 :

- Questions orales.

À 14 h 30 :

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile.

De 15 h 15 à 15 h 45 :

- Vote par scrutin public sur ce projet de loi.

À 15 h 45 :

- Proclamation du résultat du scrutin public sur ce projet de loi.

À 16 heures et le soir :

- Deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

MERCREDI 27 MAI 2015, À 14 h 30 et le soir

JEUDI 28 MAI 2015, À 10 h 30, à 16 heures, après les questions cribles thématiques sur la réforme du collège, et le soir

VENDREDI 29 MAI 2015, À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir

ÉVENTUELLEMENT, LUNDI 1er JUIN 2015, à 16 heures et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

MARDI 2 JUIN 2015

À 14 h 30 :

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

De 15 h 15 à 15 h 45 :

- Vote par scrutin public sur ce projet de loi.

À 15 h 45 :

- Proclamation du résultat du scrutin public sur ce projet de loi.

À 16 heures et le soir :

- Projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

- Projet de loi relatif au renseignement et proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

MERCREDI 3 JUIN 2015

À 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi relatif au renseignement et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

JEUDI 4 JUIN 2015

À 10 h 30, à 16 h 15, après les questions d'actualité au gouvernement, et le soir :

- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres France-États-Unis d'Amérique relatif au renforcement de la coopération en matière d'enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme.

- Suite du projet de loi relatif au renseignement et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

La semaine du 8 juin est une semaine sénatoriale de contrôle.

MARDI 9 JUIN 2015

À 9 h 30 :

- Questions orales.

À 14 h 30 :

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi relatif au renseignement et sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

De 15 h 15 à 15 h 45 :

- Vote par scrutin public sur le projet de loi relatif au renseignement.

À 15 h 45 :

- Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi relatif au renseignement et scrutin public ordinaire en salle des séances sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

À 16 heures :

- Débat sur le thème : « les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte ».

À 17 h 30 :

- Débat sur le thème : « l'avenir de l'industrie ferroviaire française ».

MERCREDI 10 JUIN 2015

À 14 h 30 :

- Débat sur le thème : « l'avancée des négociations du traité transatlantique ».

À 16 heures :

- Question orale avec débat sur le bilan de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en oeuvre du gel de la réglementation en ce qui concerne les entreprises.

À 17 h 40 :

- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi portant transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles.

JEUDI 11 JUIN 2015

À 11 heures :

- Débat sur le bilan annuel de l'application des lois.

De 15 heures à 15 h 45 :

- Questions cribles thématiques.

La semaine du 15 juin est une semaine sénatoriale.

MARDI 16 JUIN 2015

À 14 h 30 et le soir :

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015.

- Proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

En outre, de 14 h 30 à 15 heures :

- Scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de M. Jean-René Lecerf.

MERCREDI 17 JUIN 2015

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir :

- Suite de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

JEUDI 18 JUIN 2015

De 9 h 30 à 13 h 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

- Proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l'étranger.

- Proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale.

À 15 heures :

- Questions d'actualité au Gouvernement.

De 16 h 15 à 20 h 15 :

Ordre du jour réservé au groupe RDSE :

- Débat sur le thème : « Comment donner à la justice administrative les moyens de statuer dans des délais plus rapides ? ».

- Proposition de loi organique visant à supprimer les alinéas 8 à 10 de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2014.

Je consulte le Sénat sur ces propositions.

Mme Valérie Létard .  - L'organisation des débats sur la réforme de l'asile pose question. Le sujet est majeur et d'actualité ; il appelle des débats moins décousus et qui marquent mieux l'intérêt du Sénat. Je ne peux pas ne pas formuler une telle remarque ! (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Jean-Yves Leconte.  - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très juste.

M. le président.  - Le sujet a été longuement évoqué en conférence des présidents. C'est l'ordre du jour qui nous a été proposé par le gouvernement.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Lutte contre les réseaux djihadistes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, à la demande des groupes UDI-UC et UMP.

Mme Nathalie Goulet, au nom du groupe UDI-UC .  - Le terrorisme est l'affaire de tous et de chacun. Les affaires Merah et Nemouche, mes différents séjours dans cet Orient compliqué que je connais bien, et finalement le livre de David Thomson, m'ont convaincue de demander la création d'une commission d'enquête - ce que tout sénateur peut faire. J'avais alors une idée précise du travail à créer et des objectifs à atteindre : améliorer la connaissance du phénomène djihadiste.

Aujourd'hui, je dois dire ma déception. Le document que nous présentons ressemble plus à un rapport de la commission des lois qu'à un rapport de commission d'enquête. Je me sens comme une femme qui accouche de sa sixième fille alors qu'elle attendait un garçon : on est déçu et puis on donne quand même son affection.

Certes, les auditions de Farhad Khosrokhavar et Mourad Benchellali nous ont sortis d'une certaine torpeur ; mais la plupart sont restées purement institutionnelles et, malgré l'insistance de Mme Assassi, nous n'avons pas pu nous rendre dans les banlieues.

De plus, l'actualité a siphonné nos travaux : de la loi du 13 novembre à l'après-Charlie, le gouvernement a - fort légitimement - dégonflé nos travaux en rendant publics certains éléments du débat.

Le rapport est frappé d'une carence importante, qui explique ma déception : nous n'avons pas entendu une seule famille de djihadiste. Nous avons manqué l'occasion d'évoquer le problème de l'islam en France, ou de l'islam de France, ou des islams de France. Loin de moi l'idée de faire des amalgames ; mais ceux qui partent se battre en Syrie n'y vont pas au nom de Bouddha. Comment avancer sans partenaire institutionnel crédible ? Le Conseil français du culte musulman reste pris dans ses problèmes de représentativité ; nous n'avons pas pu rencontrer d'imam. Comment organiser l'islam de France ? Faut-il d'ailleurs un islam de France ? Le débat n'a pas eu lieu, c'est dommage.

Nos collègues américains et britanniques ont trouvé des solutions ; le Home Office a recruté plusieurs responsables religieux. Certes, le communautarisme n'est pas dans notre tradition mais nous sommes prompts aux états généraux, et les bonnes volontés, comme celle de Mourad Benchellali, ne manquent pas dans la société civile.

Nous avons rencontré l'aumônier national musulman des prisons. Les aumôniers y sont déjà nombreux ; pourquoi ne pas multiplier les ministres du culte musulman ? Lui-même nous a alertés sur l'opacité des flux financiers liés à la commercialisation de produits halal. Une partie de cet argent pourrait servir à rémunérer les aumôniers, ce que la loi de 1905 interdit à l'État de faire.

Sur la déradicalisation et la prévention aussi, nous avons manqué l'occasion d'ouvrir le débat - ce qui ne revient pas à le trancher. Il faudra bien ouvrir le débat sur les statistiques ethniques, comme nous avons été plusieurs à le demander, y compris dans un rapport de lutte contre les discriminations publié par Esther Benbassa et Jean-René Lecerf.

Les commissions d'enquête, comme leur nom l'indique, enquêtent. « Je préfère me brûler les doigts en allumant une flamme que de rester dans le noir à maudire l'obscurité », disait le président Sadate. Je crains que nous ne soyons restés dans l'ombre. Quoiqu'il ressemble plus à un rapport de la commission des lois qu'à un rapport d'enquête, puisse celui-ci faire avancer la réflexion. (Applaudissements sur les bancs de l'UDI-UC)

M. André Reichardt .  - Le terrorisme est une menace invisible qui peut frapper n'importe quand, n'importe où, par des individus sans contrôle. Le phénomène n'a pas de frontières : Danemark, États-Unis, Grande-Bretagne, Australie, Afrique... Et les réseaux sont eux-mêmes disséminés sur la planète ; sans parler des individus isolés, radicalisés sur internet, y compris au fin fond de la Normandie.

En France, la réponse à la menace se trouve partagée entre les ministres de l'intérieur, de la justice, de l'Éducation nationale. Un gros travail de coordination est nécessaire. Les réponses doivent être transversales, au plan national comme à l'échelle européenne. Il faut aussi prendre en compte les difficultés de nos partenaires : lors de la récente rencontre internationale sur l'antiterrorisme, les représentants africains se plaignaient principalement du mauvais fonctionnement de leurs lignes téléphoniques.

Nous avons pris du retard. En France, le plan anti-djihad ne date que du printemps 2014

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est vrai !

M. André Reichardt.  - Je veux rendre hommage à Nathalie Goulet, qui a demandé la création d'une commission d'enquête dès le deuxième trimestre 2014.

Six mois de travail ont abouti à 110 propositions autour de six grands axes. Premier volet : prévenir la radicalisation. Plus encore que les mosquées ou les prisons, internet est devenu le principal lieu de radicalisation. Le djihad médiatique joue un rôle moteur et le contournement des blocages existants demeure trop facile. Quant aux raisons de la radicalisation, elles sont multiples et ne se réduisent pas aux facteurs sociétaux qu'invoquent certains, comme l'humiliation supposée des musulmans.

De la formation des acteurs de la lutte antiterroriste à l'accompagnement des familles et au renforcement du Conseil national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR), les réponses sont nombreuses. Pour promouvoir des contre-discours et l'enseignement du fait religieux, l'Éducation nationale a également un rôle éminent à jouer.

La commission d'enquête n'a finalement pas souhaité aborder la question de la représentation de l'islam de France. C'est pourtant de cette religion que se réclament les terroristes, Mme Goulet l'a dit. Une réforme du Conseil français du culte musulman s'impose, de même qu'une introduction de statistiques ethniques et une augmentation du nombre d'aumôniers musulmans en prison. Sénateur d'Alsace, je vois que le régime concordataire favorise le dialogue interreligieux. N'ayons pas peur des statistiques ethniques.

Sur le contrôle aux frontières, qui sont en Europe des passoires, il est impératif de renforcer le système Schengen. Nous proposons aussi l'actualisation de la loi Informatique et libertés de 1978.

Engageons plus largement une réflexion de fond sur notre arsenal législatif. La loi du 9 septembre 1986 avait déjà doté la puissance publique de pouvoirs dérogatoires du droit commun ; une nouvelle réflexion de fond s'impose. La loi sur le renseignement actuellement à l'Assemblée nationale sera un véhicule utile, mais non suffisant, pour amorcer une stratégie de guerre totale contre le terrorisme.

Les 110 propositions de la commission d'enquête sont une base de travail. Le gouvernement aura ensuite un rôle à jouer pour les traduire en actes. Nous sommes au pied du mur ; longtemps sous-estimé, le terrorisme n'est pas près de disparaître. L'urgence est déclarée. Répondons-y vite, de façon efficace et dans la durée. (Applaudissements au centre et sur quelques autres bancs)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Dois-je vous demander de me pardonner d'être trop simple ? Je défends les rapports que je vote et réciproquement. (Mmes Joëlle Garriaud-Maylam et Bariza Khiari approuvent) Je récuse néanmoins toute autosatisfaction. Le sujet est trop grave pour cela. Il est grave, terrible et nous concerne tous.

La commission d'enquête aurait évidemment pu mener plus d'auditions ; son rapport aurait pu être plus volumineux. Mais je suis frappé de l'intérêt qu'il suscite -  nous en sommes déjà à la cinquième réimpression. Nous avons essayé d'embrasser tout le sujet, mais ne pouvions parler de tout. J'aurais voulu, moi aussi, approfondir la loi de 1978.

L'important, c'est de n'avoir pas fait d'impasses. Sur la prévention d'abord : nous voulons que le Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) soit pleinement opérationnel. Sur la déradicalisation ensuite. Un contre-discours, ce n'est pas simple à développer. Il s'agit de milliers de personnes, parties, en partance ou sur le point de revenir de Syrie et d'Irak.

Alors que celui-ci n'avait pas encore été entendu par les services de l'État, nous avons auditionné le maire de Lunel, ville touchée par le phénomène, il nous a convaincus de la nécessité de développer les référents en mairie, travaillant en lien avec les préfectures.

Sur les services de renseignement, nous avons fait des propositions sur lesquelles nous reviendrons.

Sur le djihad médiatique, nous voulons renforcer les prérogatives de l'Office central de lutte contre la criminalité, le rôle de la plateforme Pharos, faire en sorte que les contenus illicites puissent être signalés en un clic, lutter contre les cyberparadis. Nous faisons aussi des propositions pour modifier la loi de 1978. Sur le financement, nous demandons le renforcement des moyens de Tracfin, qui ne dédie que 15 personnes à ce phénomène, nombre dérisoire au regard des immenses ressources financières des terroristes.

Nous demandons une évaluation des mécanismes d'éloignement du territoire ; abordons le PNR, les gardes-frontières européens, le traité franco-turc toujours pas ratifié, le problème carcéral - nous préconisons des unités de 10 à 15 personnes avec encellulement individuel. (M. André Reichardt approuve) Je ne peux, faute de temps, développer davantage.

Ces propositions ont un coût, c'est vrai. Mais le coût de l'inaction serait plus élevé encore, et pas seulement en argent. Car la menace est réelle, et croissante. Le nombre de départs vers la Syrie a plus que doublé en un an ; c'est un fait.

Si ces 110 propositions peuvent être utiles, alors nous n'aurons pas travaillé pour rien. Elles sont concrètes, et permettent d'avancer de manière pragmatique. Elles ont été votées ensemble ; opposons cette unité à l'horreur du terrorisme. (Applaudissements)

Mme Esther Benbassa .  - Je veux d'abord remercier Nathalie Goulet, qui a demandé la création de cette commission d'enquête bien avant les événements de janvier. Je remercie aussi André Reichardt, Jean-Pierre Sueur et tous nos collègues qui se sont impliqués dans les travaux de la commission d'enquête.

N'aurions-nous pas dû faire preuve de plus d'audace ? Approfondir certaines questions ? Le rapport est une sorte de vade-mecum sur la répression...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et la prévention !

Mme Esther Benbassa.  - ... qui aurait pu être rédigé par la commission des lois. Ne pourrions-nous dépasser l'horizon des mesures envisagées par le gouvernement dans le projet de loi Renseignement ?

La liste des personnes auditionnées ne comprend qu'un seul universitaire, et un chercheur associé à un think tank britannique. Aucun expert reconnu du Proche-Orient, les analyses géopolitiques présentées n'ont guère plus de consistance que celles trouvées sur internet... L'on aurait pu citer les documents publiés par Der Spiegel sur la stratégie de Haji Bakr, cerveau de Daech en Irak.

Pour l'État policier islamo-stalinien, qui n'obéit à aucun motif religieux dans ses méthodes, l'islam n'est qu'une façade. Pas de visite de mosquée, aucun imam auditionné, aucun travailleur social, aucun agent des polices de proximité... Aucun déplacement dans les quartiers. (Mme Nathalie Goulet le déplore aussi) C'est dommage. Les travaux de la psycho-anthropologue Dounia Bouzar, spécialiste autoproclamée de déradicalisation, ne méritent peut-être pas le crédit qu'on leur fait. D'autres expertises de vrais spécialistes, anthropologues, sociologues, auraient été utiles.

Rien n'est dit sur les difficultés rencontrées par les populations de quartiers populaires, de discrimination et contrôles au faciès. Tout cela au motif que le président Larcher préparait un rapport sur le sujet.

« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », disait Rabelais. Moins technique et plus réflexif, ce rapport eût été plus utile. Espérons du moins qu'il en sera fait usage à bon escient. (Applaudissements au centre)

Mme Éliane Assassi .  - Lorsque le groupe UDI-UC a proposé la création de cette commission d'enquête, nos collègues étaient préoccupés comme nous tous par les départs de jeunes djihadistes vers la Syrie. Après les attentats de janvier, les services spécialisés ont confirmé l'ampleur du phénomène et l'urgence d'y porter remède.

La barre des 100 morts français, partis combattre en Syrie ou en Irak, a été franchie. La garde des Sceaux, lors d'un colloque international réunissant des magistrats et des acteurs de la lutte antiterroriste, a révélé que 125 procédures judiciaires sont en cours. Quelque 166 personnes ont été mises en examen dans ce cadre, et 113 d'entre elles placées en détention provisoire. Rien qu'au début de l'année, 39 enquêtes préliminaires ont été ouvertes et elles ont donné lieu à 19 informations judiciaires et à 35 mises en examen. Ces chiffres sont à mettre en relation avec les 1 462 individus qui seraient suivis par nos services de renseignement pour leur implication, à des degrés divers, dans les filières de combat de l'islam radical. Le phénomène progresse rapidement. 47 % des six mille Européens qui ont rejoint Daech sont des Français.

Ce rapport a le grand mérite de faire une bonne analyse de la situation. Il combat ce faisant les idées reçues. Les profils sont variés ; la figure du jeune de cité relève du cliché. 35 % sont des femmes - c'est beaucoup et inquiétant -, 25 % sont mineurs. Les causes du malaise restent difficiles à appréhender ; c'est une faiblesse du rapport.

Nous avons décidé de voter ce rapport car nous partageons le constat et l'essentiel des propositions : améliorer la prévention, adapter les réponses pénales et carcérales, renforcer les moyens des services. Nous restons en revanche partagés sur le contrôle des frontières.

Le débat de ce soir vise à remettre les choses dans leur contexte : comment le projet de loi Terrorisme compte-t-il atteindre ses objectifs dès lors que les terroristes sont parmi nous, au sein de la société ? Le volet préventif reste insuffisant pour lutter contre le fléau qu'est l'islam radical.

Je salue tous nos collègues qui, dans le respect de chacun, ont participé à l'élaboration de ce rapport. (Applaudissements)

M. Philippe Esnol .  - La commission d'enquête voulait comprendre ce qui poussait un nombre croissant de Français à rejoindre les groupes djihadistes au Moyen-Orient. Près de 1 500 de nos compatriotes sont concernés. Les attentats de janvier ont hélas confirmé la pertinence de notre réflexion, et déjà conduit à prendre des mesures, après l'interdiction administrative de sortie du territoire créée par la loi du 13 novembre 2014. Un projet de loi sur le renseignement sera bientôt en discussion au Sénat.

Nos 110 propositions, jugées parfois techniques, ont pour objet de combler certaines lacunes. Une importante partie a été accordée à la prévention, la détection et à la déradicalisation. En la matière, nous sommes en retard sur nos voisins. Il faut d'abord aider les familles confrontées à la radicalisation d'un proche. La plateforme du Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) doit désormais fonctionner 24 heures sur 24. La commission d'enquête a aussi proposé des formations obligatoires à la détection de la radicalisation pour les acteurs de terrain.

L'école a un rôle crucial pour développer le sens critique des futurs citoyens. Un enseignement laïc de la religion serait opportun, pour ne pas laisser celle-ci à la sphère privée. Il faut aussi enseigner inlassablement les vertus de la laïcité, dont les défenseurs se sont parfois sentis bien seuls : ancien maire de Conflans-Sainte-Honorine, j'en sais quelque chose, pour avoir défendu Baby Loup et proposé de l'accueillir sur le territoire de la commune.

Nous devons bien sûr accélérer la coordination des services, nous allier aux acteurs de l'internet, tarir les sources de financement du terrorisme, améliorer la coopération internationale. Mais nous devons également travailler en profondeur. Une partie de la jeunesse rejette notre modèle de société : en janvier dernier, certains ne se sont pas sentis Charlie. Ce projet, fondé sur la liberté, l'égalité et la fraternité, il faut le faire vivre.

La lutte contre le terrorisme restera vaine si l'on ne prend pas la peine de renforcer la cohésion de la Nation française, un consentement, un désir, clairement exprimé, de vouloir une vie commune, comme l'exprimait Ernest Renan. (Applaudissements)

M. Stéphane Ravier .  - Le rapport de la commission d'enquête témoigne de notre aveuglement dramatique, qui nous conduit à nous soumettre aux injonctions islamistes. Malgré la thèse du loup solitaire, le rapport rappelle qu'internet n'est qu'un facteur déclencheur, et que la radicalisation s'opère dans un cercle de proches, dans un réseau de sociabilité local, qui se retrouve bien souvent sur les lieux de culte. Le rapport souligne aussi le risque du retour des djihadistes, qui dissimulent volontairement leurs intentions, selon la pratique de la taqiya. Le rapport décrit, enfin, l'insuffisance des moyens dévolus aux services de renseignement et aux forces de sécurité pour lutter contre les réseaux djihadistes.

Vos propositions, en revanche, laissent pantois. Prévenir les départs et favoriser la réinsertion de ceux qui sont revenus ? Auraient-ils donc droit à ce qui est dénié à la plupart des Français ?

Favoriser l'intégration républicaine de l'islam de France ? En quoi est-ce à nous de le faire ? Et vous vous félicitez du partenariat de l'administration pénitentiaire avec l'Institut du monde arabe (IMA) qui renverse littéralement la logique d'assimilation.

Nos ennemis, s'ils ont la nationalité française, qu'ils en soient déchus ; s'ils sont étrangers, expulsons-les ; s'ils partent faire le djihad, qu'ils n'en reviennent pas !

M. le président.  - Concluez !

M. Stéphane Ravier.  - C'est à force de refuser de telles solutions, si évidentes aux yeux de nos compatriotes, que nos dirigeants se perdent et nous perdent avec eux. (Protestations sur de nombreux bancs)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les bancs UDI-UC) Je suis quelqu'un de simple : quand je ne suis pas contente, je le dis, et lorsque j'ai des observations à faire, je les fais.

Le problème du terrorisme ne se règlera pas en un jour. Je reviendrai sur la question financière. Selon le président Lambert, le gouvernement peut décider d'une mission budgétaire pour suivre les flux financiers liés au terrorisme : ce serait important.

Je fais la guerre aux ambassadeurs thématiques qui ne servent à rien, vous le savez. En revanche, un ambassadeur dédié à ce dossier serait utile, à l'instar de ce qui existe aux États-Unis.

Le Congrès des États-Unis compte trois délégations dédiées à la sécurité. Inspirons-nous en !

Il faut moins de 500 euros pour acheter une kalachnikov sur internet. Le crowdfunding doit être mieux surveillé : une déclaration préalable auprès du ministère de l'économie et des finances pourrait être envisagée. Le financement des billets d'avion mérite aussi l'attention. Quant au trafic d'armes, il finance les criminels. Soyons prudents lorsque nous livrons des armes à l'opposition syrienne ou à l'armée libanaise : elles peuvent toujours tomber dans de mauvaises mains.

Le même constat vaut pour le trafic d'oeuvres d'art. L'Unesco y travaille. Le contrôle aux frontières doit être renforcé. Les États-Unis et le Japon sont particulièrement concernés.

Le maniement de fonds pose aussi problème. M. Sapin a pris des décisions, par exemple sur les retraits en espèces. Pouvez-vous nous en dire plus ?

L'assèchement des financements importe autant que la répression. J'espère que vous nous fournirez un calendrier - le sujet rejoint celui de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. (Applaudissements au centre, sur les bancs écologistes et plusieurs bancs UMP)

M. Cédric Perrin .  - Lors de la création de la commission d'enquête, en octobre 2014, il était difficile d'imaginer qu'un événement tragique viendrait, quelques mois plus tard, secouer la France et que notre pays entrerait en guerre contre le terrorisme, le fondamentalisme religieux et l'extrémisme, pour défendre notre démocratie contre la menace qui pèse sur nos libertés.

Dès juin 2014 pourtant, deux sénateurs sonnaient l'alarme. Je salue leur intuition et le travail accompli.

Depuis dix ans, six lois ont étoffé le cadre pénal ou donné aux forces de police et de sécurité des moyens renforcés contre le terrorisme - sans parler des réformes du renseignement. Cela ne semble pas suffire. Souhaitons que nos propositions soient appliquées avec fermeté. Les leçons de janvier sont déjà oubliées par des organisations bien-pensantes... Certaines dispositions sont de bon sens mais toujours pas mises en oeuvre. Un fichier des personnes condamnées pour faits de terrorisme (proposition n° 110) aurait une utilité incontestable, sur le modèle du fichier des délinquants sexuels, de même qu'une meilleure coordination entre maires et préfectures (proposition n° 4) ou la possibilité pour les services de renseignement d'avoir accès aux fichiers de police et de justice (proposition n° 29). Le renforcement des contrôles aux frontières de l'espace Schengen (proposition n° 58) est un minimum. Le rapport rappelle aussi (proposition n° 73) l'urgence d'adopter « le plus rapidement possible » la directive PNR. Je regrette le temps perdu depuis 2012, depuis l'affaire Merah et le drame qui avait frappé l'école juive à Toulouse et les militaires à Montauban, et même depuis le 11 septembre 2001 - à l'époque, M. Hollande refusait tout débat...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - C'est lamentable !

M. Cédric Perrin.  - La proposition n° 9 a retenu particulièrement mon attention : un enseignement laïc du fait religieux à l'école. Il n'y a pas d'un côté des religieux énonçant des règles, de l'autre des laïcs énonçant des droits et libertés. Un tel enseignement serait conforme à une vision équilibrée de la laïcité.

N'oublions pas que la France a des racines chrétiennes. Au nom de l'intégrisme laïc, certains voudraient tout effacer, mais une société qui abandonne ses valeurs est une société en perdition.

Nos propositions sont entre les mains du gouvernement, des collectivités territoriales, des associations. Nous devons aussi légiférer vite et sans faiblesse. En janvier, la société civile nous a ordonné d'agir. Faisons preuve de courage politique, comme nous y invite le rapport du président Gérard Larcher sur l'engagement républicain, afin de rendre espoir aux Français. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Bariza Khiari .  - Les travaux approfondis de la commission d'enquête m'ont fait évoluer. Je partais d'une idée simple, celle d'un lien direct entre discriminations, stigmatisation, ghettoïsation et radicalisation. Elle s'est vite heurtée à des limites.

Foyers de civilisation et de mémoire, la Syrie et l'Irak sont encore des lieux vivants dans le coeur des Arabes, musulmans ou non. La destruction de Bagdad, qui fut pendant des siècles le centre politique, économique et culturel du monde médiéval, a été pour eux tous un choc. Le fait que 50 % du contingent de combattants djihadistes européens viennent de France doit nous interroger sur le sentiment d'humiliation des musulmans de notre pays, sur le regard porté sur eux, sur les discriminations massives, qui sont autant de morts sociales, sur la stigmatisation, les discours délétères et les préjugés répandus à longueur d'antenne et relayés par une partie des responsables politiques, à tel point que le journal Le Monde a proposé à ses lecteurs de suivre l'actualité pendant une semaine en se plaçant dans la peau d'un musulman. Islamophobes et intégristes se nourrissent les uns des autres.

Le rapport de la commission d'enquête a suscité des discussions stimulantes. J'ai proposé des amendements, mentionnés dans l'avant-propos du rapport publié, qui n'ont pas tous été retenus. Connaissant personnellement les faiblesses de la représentation des musulmans de France, je souscris à l'idée d'une réorganisation du CFCM, mais cette question n'avait pas à être liée à celle du djihadisme. J'exprime aussi mes réserves sur les statistiques ethniques, telles qu'elles ont été pratiquées à Béziers, comme si le fichage, en d?autres temps, d'une autre communauté, n'avait pas servi de leçon. (Mme Esther Benbassa s'exclame)

Pour faire France ensemble, il importe de rendre leur dignité aux musulmans, en rappelant qu'ils sont dans le monde les premières victimes du terrorisme. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Yves Leconte .  - Nos certitudes, en effet, ont été ébranlées par les travaux de la commission d'enquête. Mme la présidente Goulet, pourquoi n'avoir pas fait part plus tôt de vos déceptions ? Le travail de la commission eût pu en être amélioré. (Mme Nathalie Goulet s'exclame)

Les départs pour le djihad ne s'expliquent pas seulement par un défaut d'intégration. Comment expliquer alors qu'ils soient si nombreux au Maroc, en Tunisie, par exemple ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est vrai.

M. Jean-Yves Leconte.  - Comment expliquer, aussi, que tant de jeunes se convertissent ? Le problème est lié à la fragilité des sociétés, ainsi qu'à une mauvaise connaissance de la religion.

La laïcité ne fait pas obstacle à ce que la religion soit connue, pour ne pas être manipulée.

Nous avons mesuré l'importance de la coopération européenne, de Schengen aux visas. Elle doit encore être renforcée.

Nous avons enfin constaté qu'internet oblige nos sociétés à se doter de nouveaux outils contre la menace terroriste. Internet n'est pas le problème, c'est la solution, car c'est aussi un formidable moyen d'échanger ou de faire société. Ne soyons pas à contre-courant de la société.

Quelqu'un qui avait vécu un attentat au Kenya m'a dit : « le terrorisme est une menace pour la démocratie car face à lui, à la peur qu'il suscite, on perd toute rationalité ».

M. le président.  - Concluez.

M. Jean-Yves Leconte.  - La liberté et la responsabilité de chaque citoyen vont de pair, pour assurer la sécurité de tous. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Merci au Sénat d'alimenter ainsi la réflexion et l'action du gouvernement, qui s'appuie sur les travaux parlementaires pour lutter contre le terrorisme.

La France est confrontée à une menace très élevée, compte tenu de son engagement international, résolu et déterminé, contre le terrorisme, notamment au Mali et en République centrafricaine. Si nous sommes visés, c'est aussi parce que les valeurs de la France sont haïssables pour les terroristes : la liberté d'expression allant jusqu'à l'impertinence, la laïcité, qui est avant tout la liberté de croire ou de ne pas croire, dans le respect des croyances d'autrui, - incompatible avec tout sectarisme religieux, lequel conduit à la haine comme en témoigne la répétition d'attentats antisémites - mais aussi, plus généralement, l'État de droit, la liberté, le respect et la tolérance.

Après les attentats de janvier, des arrestations témoignent encore du niveau élevé de cette menace. Ne l'instrumentalisons pas à des fins politiques. Les mêmes qui nous ont reproché de communiquer à l'excès après l'attentat manqué de Villejuif nous auraient reproché de dissimuler si nous n'avions donné aucune information. Face au terrorisme, il faut maîtriser sa communication, choisir ses mots, protéger sans faire peur ni réduire les libertés. C'est par le respect du droit que nous serons plus forts que les terroristes.

La dissémination des groupes terroristes, en Irak, en Syrie, dans la bande sahélo-saharienne, la décomposition de l'État libyen, rendent la menace protéiforme et plus difficilement maîtrisable. Dans nos propres pays, il existe un terrorisme en libre accès : des jeunes Français s'engagent dans des activités criminelles en Irak et en Syrie. Ils sont aujourd'hui 1 600 à 1 700 ; 400 Français sont présents sur les théâtres d'opérations et d'exactions terroristes, en Irak et en Syrie, 300 en sont revenus, 300 prétendent rejoindre ces groupes, 285 se sont perdus quelque part en Europe.

Le phénomène a de multiples causes : propagande sur internet, qui touche des jeunes qui n'ont jamais fréquenté de mosquées ; porosité entre petite délinquance et terrorisme, phénomène nouveau, illustré par le parcours d'Amedy Coulibaly, qui accélère l'embrigadement et rend la violence, pour ainsi dire, plus capillaire. Il y a aussi la radicalisation en prison : des connexions se sont nouées entre les terroristes des années 1990 et ceux d'aujourd'hui par voie de recrutement ou d'organisation d'évasions.

Vos propositions, pour 70 %, sont déjà mises en oeuvre. Des moyens supplémentaires sont alloués aux services de police et de renseignement. Nous aurions perdu deux ans, prétend M. Reichardt. Sans faire de polémique, ce n'est pas ce gouvernement qui a supprimé 15 000 postes dans la police ou affaibli le renseignement territorial ! Nous avons créé la DGSI, dotée de 432 nouveaux postes et de 12 millions d'euros supplémentaires, créé 500 postes de plus par an dans la police et la gendarmerie. Au lendemain des attentats de janvier, nous avons décidé de créer 1 500 postes supplémentaires, dont 500 à la DGSI, 500 dans le renseignement territorial, renforcé la plateforme de signalement sur internet Pharos, créé 120 postes à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), alloué 233 millions d'euros au ministère de l'intérieur pour la numérisation des forces et la modernisation des infrastructures informatiques.

La loi du 13 novembre 2014 comprend des mesures puissantes. Je n'ai, sur internet, aucune naïveté. Pourquoi accepter sur internet ce que nous n'accepterions pas dans la rue, des appels à la haine, à la violence contre les juifs ou les musulmans ? Nous avons décidé de bloquer les sites qui appellent ou provoquent au terrorisme : internet est un espace public comme un autre, soumis aux principes républicains, au respect de l'altérité. La République sans le respect de l'autre, cela n'existe pas ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

On ne combattra pas le terrorisme sans ferme détermination à faire respecter le droit.

C'est dans le même esprit que nous empêchons les apprentis terroristes de quitter le territoire national. Certains voulaient les laisser aller à la mort : beau discours d'un pays ayant aboli la peine de mort ! Nos engagements internationaux nous interdisent en outre d'empêcher nos ressortissants de revenir.

De retour de pays où l'on terrorise, crucifie, décapite et martyrise, de quelles violences seraient-ils capables une fois revenus ? Soixante personnes ont subi une telle interdiction administrative ; cinquante autres dossiers sont en cours d'instruction.

Nous avons créé une nouvelle infraction pénale d'entreprise terroriste individuelle et facilité les perquisitions à distance.

Le projet de loi sur le renseignement, voté à l'Assemblée nationale, et sur lequel je me suis exprimé cet après-midi devant vos commissions des lois et des affaires étrangères, n'instaure pas une surveillance de masse. C'est un texte ciblé qui ne concerne que la lutte antiterroriste. Les techniques de renseignement qu'il autorise seront contrôlées par une autorité administrative indépendante, soumise au contrôle juridictionnel du Conseil d'État et à la vigilance de la délégation parlementaire au renseignement.

Nous agissons aussi au plan européen. Vous appelez à l'adoption de la directive PNR ; vous auriez aussi pu agir dans ce sens depuis 2003...

Je suis favorable aux contrôles coordonnés et systématiques aux frontières de l'espace Schengen. C'est une solution pragmatique ; il n'est pas même besoin de modifier le code Schengen pour cela.

Nous mobilisons les moyens de l'Union européenne pour sensibiliser les grands opérateurs de l'internet. Je me suis rendu dans la Silicon Valley pour leur faire accepter un code de bonne conduite ; une charte a été signée le 20 avril dernier. Nous pourrons également compter sur leur aide dans la diffusion d'un contre-discours sur internet.

Vous proposez de refondre l'islam de France. Le projet de loi engage une action destinée à mettre en place une instance de dialogue avec la religion musulmane afin de traiter de sujets aussi différents que la construction de mosquées ou la formation d'aumôniers musulmans parlant français, diplômés de l'université française et partageant les valeurs de la République. Ce qui nous rassemble en République en effet est plus fort que ce nous divise. L'État n'a certes pas à s'occuper de la formation des imams, mais doit s'assurer que les aumôniers qu'il recrute pour ses établissements pénitentiaires sont correctement formés.

La laïcité est une valeur inclusive et ne doit pas être dévoyée ; elle ne saurait être tournée contre une religion. Certains propos tenus sur les repas dans les écoles ne sont pas conformes à cette conception de la laïcité.

Mme Bariza Khiari.  - Bien sûr.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Un mot sur la prévention enfin. Celle-ci est loin d'être oubliée. Tout ne relève certes pas de la loi. La plateforme de signalement a reçu des milliers d'appels. Tous les services de l'État, en matière de santé mentale, d'addictions, de décrochage scolaire, d'accès à l'emploi sont ensuite mobilisés.

Des équipes pluridisciplinaires sont mises à la disposition des préfets. Vous ne pouvez donc pas dire que nous ne faisons rien en matière de prévention.

Le gouvernement reste résolu à lutter contre le terrorisme dans le respect le plus strict des principes républicains, du Parlement, et dans l'écoute des propositions de tous les groupes, dans un esprit de rassemblement contre ceux qui veulent saper nos principes.

Le 11 janvier a été le rassemblement républicain spontané d'un peuple attaché à ses valeurs, soucieux de demeurer debout, fidèle à son essence. On ne peut accepter les critiques, totalement infondées, qui ont été émises récemment, de ce grand moment de l'histoire de notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 13 mai 2015, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 13 mai 2015

Séance publique

À 14 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Hervé Marseille, vice-président

Secrétaires : M. Christian Cambon - M. Jackie Pierre

- Proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace (n° 380, 2014-2015).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois (n° 427, 2014-2015).

Texte de la commission (n° 428, 2014-2015).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°179 sur l'ensemble du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :229

Pour :185

Contre :44

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (144)

Pour : 139

Contre : 3 - Mme Natacha Bouchart, MM. Alain Chatillon, Bernard Saugey

Abstention : 1 - M. Jean-Jacques Hyest.

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe socialiste et apparentés (110)

Contre : 7 - MM. Henri Cabanel, Jérôme Durain, Jean-Pierre Godefroy, Gaëtan Gorce, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Yannick Vaugrenard, Maurice Vincent

Abstentions : 100

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Gisèle Jourda, MM. Georges Labazée, Simon Sutour

Groupe UDI-UC (43)

Pour : 43

Groupe CRC (19)

Contre : 19

Groupe RDSE (13)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 2 - MM. Yvon Collin, Pierre-Yves Collombat

Abstentions : 10

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (9)

Pour : 2 - MM. Philippe Adnot, Alex Türk

Contre : 3 - MM. Jean-Noël Guérini, David Rachline, Stéphane Ravier

Abstentions : 4