Croissance, activité et égalité des chances économiques (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la suite du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 3 QUINQUIES
Mme Fabienne Keller . - Chers collègues néo-zélandais, vous êtes aussi à Paris pour la COP21. C'est cette préoccupation pour le changement climatique qui me conduit à prendre la parole. Les voyageurs d'autocars connaissent le car où ils voyagent et la gare où ils attendent. En termes « techno », c'est l'intermodalité, le chaînage des différents moyens de transports, qui assure le bon déroulement du voyage. Cet article 3 quinquies, inséré par la commission spéciale, vise justement à articuler les nouvelles gares routières avec les ferroviaires.
M. André Reichardt. - Très bien !
Mme Fabienne Keller. - C'est le concept de « grande gare » - non pas grandes par la taille, mais qui regroupent une multiplicité de services, jusqu'au vélo. Les intercommunalités qui le souhaitent pourront se voir déléguer cette compétence dans la région. (Applaudissements à droite)
Mme la présidente. - Amendement n°393 rectifié, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Supprimer cet article.
Mme Nicole Bricq. - L'engagement de Mme Keller sur ce sujet est connu. Mais cet article prévoit que les régions « ou » les métropoles ou intercommunalités sont compétentes pour l'aménagement des gares routières. Mme le rapporteur y était d'abord favorable, pour de bons motifs, car ce n'est pas cohérent avec la loi Maptam qui fait des régions les chefs de file en la matière. L'organisation des compétences des collectivités territoriales ne relève pas de ce projet de loi, mais plutôt du projet de loi NOTRe.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Nous avons eu un débat en commission, et c'est le propre du débat que de faire évoluer les positions. Mme Keller nous a convaincus. Avis défavorable à cet amendement.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. - Avis favorable, pour une raison d'opportunité, car la loi NOTRe, est en cours d'examen, et par cohérence avec la compétence des régions qui sont Autorités organisatrices de transport (AOT). Il est logique qu'elles aient également autorité sur les gares.
M. André Reichardt. - Je voterai contre l'amendement, car cet article clarifie la gouvernance des gares routières, sur laquelle le projet de loi initial était muet. Il faut assurer l'interconnexion avec les autres modes de transport. Mme Bricq a mal lu : ce n'est pas « ou », mais « et ».
Mme Nicole Bricq. - C'est encore pire !
M. André Reichardt. - La rédaction me paraît tout à fait claire.
M. Roger Karoutchi. - La réponse du ministre ne me convainc pas. Dans le débat sur la métropole du Grand Paris, on nous a dit que l'on pourrait bien déléguer la compétence à des autorités organisatrices de second rang (AO2)... Laissons la porte ouverte au dialogue entre collectivités.
M. Claude Kern. - Cet article répond à un besoin urgent, et aux nécessités de la proximité.
Mme Fabienne Keller. - L'exposé des motifs de l'amendement est bien court. Des lignes routières vont être ouvertes très rapidement après la promulgation de la loi. Si on ne désigne pas de responsable, les gares seront construites en périphérie, les voyageurs seront mal accueillis... Il faut prévoir une bonne articulation.
L'amendement n°393 n'est pas adopté.
L'article 3 quinquies est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°719 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Karoutchi et Cambon, Mme Duchêne et MM. Charon et Houel.
Après l'article 3 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au neuvième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, l'année : « 2024 » est remplacée par l'année : « 2020 »
M. Philippe Dominati. - Le gouvernement entend favoriser la mobilité et l'activité. Or les élus d'Île-de-France sont excédés par les dysfonctionnements qui persistent dans cette région. Avec Pierre Charon, nous avions déposé une proposition de loi sur le sujet. Mais le débat a été vicié, car une bonne moitié de nos propositions sont tombées sous le coup de l'article 40... Nous ne pouvons donc pas vous présenter notre proposition dans sa globalité.
Nous voulons introduire une dose de concurrence et donner le pouvoir à ceux qui paient : les régions, les départements, les entreprises - ces dernières payent 50 % du coût. Pour la Société du Grand Paris (SGP), l'État devrait apporter au capital 4 milliards sur 35 milliards d'euros, il n'a encore donné qu'un euro... Malheureusement, notre solution radicale ne pourra pas être examinée intégralement. Je rappelle qu'une filiale de la RATP possède 70 lignes de bus à Londres. Les Londoniens ont bien de la chance ! Pourquoi ne pas introduire plus rapidement de la concurrence en Île-de-France ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Une partie de votre proposition de loi, dont cet amendement est issu, s'est en effet heurtée à l'article 40. Puisque nous ne pouvons l'aborder dans son ensemble, je vous suggère de retirer cet amendement...
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - Le délai a été fixé, après modification de l'ordonnance du 16 janvier 1959, par la loi de 2009, à la suite de négociations avec la Commission européenne. Le réseau de transport parisien, complexe, est en rapide évolution. Nous avons besoin de temps. Avancer de quatre ans l'ouverture à la concurrence empêcherait de la mener à bien. Trop de précipitation serait in fine contre-productif.
M. Roger Karoutchi. - Que le gouvernement soit de gauche ou de droite, il nous fait toujours la même réponse : le transport francilien, c'est trop explosif... Que le suivant s'en charge donc ! En Île-de-France, une multitude de sociétés de transports se côtoient, à laquelle on va encore en ajouter une nouvelle... Il n'y en a qu'une à Londres ! On a mis seize ans à créer une station de métro à Montrouge ! La concurrence constante entre la RATP et la SNCF coûte cher.
Pourquoi ne pas créer une entreprise publique unifiée, sans toucher, bien sûr, au statut du personnel ? On ne cesse de reporter l'ouverture à la concurrence et, chaque fois, les entreprises publiques se disent : « On est tranquille pour cinq ans » et elles ne font rien. Nous ne sommes pas davantage prêts à l'ouverture à la concurrence que nous l'étions il y a dix ans. Rien ne bouge, tout le monde est mécontent, et comme il faut bien payer, on augmente le versement transport...
Avec cet amendement d'appel, nous leur disons : préparez-vous ! On ne peut pas continuer ainsi, c'est dramatique pour l'Île-de-France. (Applaudissements au centre et à droite) Il faut une gestion unifiée publique !
Mme Laurence Cohen. - Quel brio ! Mais M. Karoutchi dit tout et son contraire. (Exclamations sur les bancs UMP)
M. Roger Karoutchi. - Allons !
M. Didier Guillaume. - Vous êtes démasqué !
Mme Laurence Cohen. - L'amendement anticipe l'ouverture à la concurrence, il ne parle pas d'un grand service public à gestion unifiée. Le service public, nous le défendons aussi. En revanche, nous ne croyons pas que l'ouverture à la concurrence soit une panacée. Mieux vaudrait mettre tous les acteurs autour de la table et conforter les entreprises publiques. Laissons le Stif gérer les choses.
M. Roger Karoutchi. - Vous n'y croyez pas vous-même !
Mme Laurence Cohen. - Je dis ce que je pense ! Je n'ai pas l'habitude de voler au secours de ce gouvernement (Sourires) mais il est archi-faux de dire qu'il n'a pas mis un euro dans les transports franciliens. Contrairement aux quinquennats précédents, il y a eu des investissements. (Applaudissements à gauche)
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. - Je salue la constance de MM. Dominati et Karoutchi. Le transport dans la région capitale est un sujet d'intérêt national. Qu'il y ait des problèmes, j'en ai encore eu l'illustration ce matin.
Sur les RER A et B, il y a deux opérateurs, la SNCF et la RATP. Ils font des efforts, ont un poste de contrôle commun... Mais il faudra un jour une gestion plus unifiée.
En outre, l'État et la région n'ont pas assez investi, même si le présent gouvernement poursuit les efforts du précédent.
Je crains cependant que le remède proposé par cet amendement soit pire que le mal, car les collectivités territoriales n'auront pas les moyens d'entrer au capital. C'est un amendement d'appel, si j'ai bien compris...
M. Philippe Dominati. - Comme l'a dit Mme le rapporteur, il est difficile d'examiner cet amendement séparément du reste du projet de loi. Mais refuser de toucher à la région capitale où se concentre un tiers de l'activité économique du pays, dans un projet de loi qui prétend relancer la croissance, c'est pour le moins paradoxal...
L'amendement n°719 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°720 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Karoutchi et Cambon, Mme Duchêne et MM. Charon et Houel.
Après l'article 3 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
D'ici 2025, l'État se désengagera progressivement du capital de la Régie autonome des transports parisiens, de la Société nationale des chemins de fer français en Île-de-France et de la Société du Grand Paris avec un droit d'option en faveur des collectivités territoriales. Le syndicat des Transports d'Île-de-France est supprimé à compter du 1er janvier 2025.
M. Philippe Dominati. - Le but n'est pas d'ouvrir la concurrence au privé, mais de donner aux collectivités qui paient, le pouvoir via une société d'économie mixte. Les collectivités territoriales y seraient majoritaires, l'État minoritaire pendant dix ans. Par la suite, éventuellement, on pourrait ouvrir 49 % du capital, financer les investissements du Grand Paris, par exemple.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Même demande de retrait, pour les mêmes raisons que précédemment.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Techniquement, je ne suis pas sûr que l'on puisse parler de capital à propos de sociétés telles que la SNCF et la RATP. Surtout, c'est un amendement atomique, qui mériterait au moins une étude d'impact. De très grands chantiers sont engagés, une telle réorganisation mérite à tout le moins réflexion.
M. Roger Karoutchi. - C'est ridicule : ou on applique complètement l'article 40, ou on ne l'applique pas. (M. Jean Desessard approuve) Cet amendement n'a pas de sens sans celui qui l'accompagnait, et qui, lui, a été retoqué...
Le système actuel est fou. Je ne suis pas pour une privatisation des sociétés de transport franciliennes, madame Cohen. Mais, elles sont aujourd'hui financées par les entreprises et les collectivités, tout en restant pour ainsi dire sous tutelle de l'État. Or, Manuel Valls l'a dit, l'État ne mettra pas un euro dans le Grand Paris Express. Le financement passe par l'augmentation de la TSE et du versement transport... C'est irréel ! L'État veut garder la main sur un système qu'il ne finance plus, sur lequel il n'a plus de maîtrise. Nous allons dans le mur !
Nous avons tous intérêt à ce que les transports franciliens fonctionnent avec des moyens financiers suffisants. Aujourd'hui, en multipliant les entreprises et les intervenants, on organise le désordre ! (Applaudissements au centre et à droite)
L'amendement n°720 rectifié est retiré.
Mme Nicole Bricq. - Fin de la séquence électorale...
Mme la présidente. - Amendement n°1428 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC.
Après l'article 3 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris est ainsi modifiée :
1° À l'antépénultième alinéa du II de l'article 2, les mots : « d'un réseau de communication électronique à très haut débit » sont remplacés par les mots : « de réseaux de communications électroniques à très haut débit » ;
2° L'article 7 est ainsi modifié :
a) Après le VI, il est inséré un paragraphe VI bis ainsi rédigé :
« VI bis. L'établissement public « Société du Grand Paris » peut, dans les infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris ou dans les infrastructures de transport public réalisées sous sa maîtrise d'ouvrage, établir, gérer, exploiter ou faire exploiter des réseaux de communications électroniques à très haut débit mentionnés au II de l'article 2 de la présente loi ou un ou plusieurs ensembles de ces réseaux et fournir au public tous services de communications électroniques au sens du 6° de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques.
« Dans le respect du principe d'égalité et des règles de la concurrence sur le marché des communications électroniques, l'établissement public « Société du Grand Paris » ne peut exercer l'activité d'opérateur de communications électroniques au sens du 15° de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques que par l'intermédiaire d'une structure spécifique soumise à l'ensemble des droits et obligations régissant cette activité. » ;
b) Le VII est complété par le mot : « bis ».
M. Claude Kern. - Cet amendement élargit le champ des missions de la Société du Grand Paris en matière d'infrastructure de réseau dans le numérique. Les usagers sont de plus en plus demandeurs.
La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris précise que « les infrastructures du réseau du Grand Paris intègrent des dispositifs destinés à permettre le déploiement d'un réseau de communication électronique à très haut débit ».
La SGP ne saurait se contenter de consentir des droits de passage aux opérateurs. Elle doit être maître d'ouvrage.
Mme la présidente. - Amendement identique n°1655, présenté par le Gouvernement.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - Défendu.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Avis favorable.
M. Jean-Claude Requier. - Qu'est-ce que l'énergie, mentionnée dans l'objet de l'amendement, vient faire là ? Il n'en est pas question dans le dispositif.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - L'amendement a été rectifié.
M. Jean-Claude Requier. - Merci. À la campagne, les trains ont souvent un peu de retard... (Rires)
Mme Laurence Cohen. - Je ne vois pas bien l'intérêt de cet amendement. M. le ministre peut-il m'éclairer ?
M. Emmanuel Macron, ministre. - Merci à M. Mandon de m'avoir suppléé avec talent. Comme l'a dit M. Kern, la loi du 3 juin 2010 précise en son article 2 que « les infrastructures du réseau du Grand Paris intègrent des dispositifs destinés à permettre le déploiement d'un réseau de communication électronique à très haut débit ». La création de plusieurs réseaux, par exemple filaire et hertzien, apparaissant opportune, il convient de prévoir explicitement cette pluralité dans la loi.
La conception et la réalisation de dispositifs techniques destinés à cet usage sont des activités annexes à la mission principale de la Société du Grand Paris : elle peut les conduire dans le cadre des textes actuels. La Société du Grand Paris peut donc déployer de la fibre optique ou des installations nécessaires à la transmission d'ondes hertziennes ou Wi-Fi, tant que ces différents éléments ne sont pas activés, c'est-à-dire ne sont pas complétés par les appareils et dispositifs leur permettant de faire effectivement circuler des communications électroniques. Or, au-delà de la réalisation de ces infrastructures numériques, l'implication de la Société du Grand Paris dans la mise en oeuvre des services associés et donc l'activation de ces réseaux numériques apparaît essentielle pour lui assurer une bonne maîtrise du projet numérique global qu'elle doit mettre en oeuvre.
Les amendements identiques nos1428 rectifié bis et 1655 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
ARTICLE 4
Mme Annie David . - Monsieur le ministre, ce quatrième article de votre projet de loi fleuve - si j'ose dire, s'agissant d'autocars - ne nous convient pas. Non par dogmatisme ou désir d'obstruction, comme voudrait le faire croire Mme Bricq, mais parce que nous défendons nos valeurs. Encore une fois, vous recourez aux ordonnances, au mépris du Parlement. Et sur le fond, cet article s'inscrit dans la continuité de l'article 2 qui libéralise le transport par autocar. Les gares routières vont devenir un élément structurant de nos territoires, mais leur avenir est bien flou, alors que l'échéance s'approche. Le risque de désorganisation est réel, sachant que seule la moitié des préfectures disposent d'une gare routière. Dans beaucoup d'entre elles, il n'y a ni quai, ni guichet, ni toilettes... Bref, un service minimum. Comment comptez-vous accueillir les voyageurs ? Comment seront financés les aménagements nécessaires ? Trop de questions restent en suspens. Vous préférez régler tout ceci par ordonnances ; c'est, pour nous, inacceptable.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur . - Tous les acteurs reconnaissent que le cadre juridique actuel - une ordonnance de 1945 - est obsolète. Les entreprises de transport ont grand peine à identifier les collectivités territoriales responsables des gares routières - quand elles existent...
Faute de cadre juridique fixé en amont, les gares risquent de se créer de façon désorganisée, sans cohérence.
Mme Fabienne Keller. - Absolument.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Le gouvernement souhaite procéder par ordonnances - alors qu'un flou absolu règne encore. Mes interrogations sont restées sans réponse quand je me suis tournée vers les services du gouvernement. Le recensement des gares routières, recommandé par l'Autorité de la concurrence, n'a pas encore été initié... Vu les dates d'entrée en vigueur prévues, il faut pourtant agir vite.
C'est parce qu'il y a urgence que nous avons accepté cet article 4, qui dessaisit le Parlement. Peut-être M. le ministre peut-il nous dire, en exclusivité, les orientations qu'il compte prendre en ce domaine ?
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Patrick Abate. - Tout a été dit... Précipitation, recours aux ordonnances, flou artistique peu rassurant, volonté dogmatique d'imposer la libéralisation. Il y a de la privatisation dans l'air... Comme si le marché pouvait régler les difficultés !
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Bien qu'étant très circonspecte sur cet article, avis défavorable à la suppression : le statu quo ne saurait nous satisfaire.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Le cadre de régulation actuel est insuffisant, mais les gares routières existent. Nous avons voulu travailler à une meilleure organisation du réseau des gares, parce que la question est décisive. Le dispositif n'étant pas prêt, nous proposons logiquement de procéder par ordonnances. Elles devront bien entendu être ratifiées. Le travail a été lancé, je regrette que l'on vous ait donné l'impression du contraire. Une vingtaine de réunions ont été programmées avec les principaux acteurs ; cinq se sont déjà tenues depuis l'examen du texte à l'Assemblée nationale. Un chargé de mission a été désigné. Vous voyez que le gouvernement n'est pas à l'arrêt.
Il y aura bien un cadre régulé : ce ne sera pas la libéralisation à tout crin, l'anarchie. Pleine transparence sera faite sur ces ordonnances, qui sont indispensables. L'article 2 ayant été voté, il serait paradoxal d'interdire au gouvernement de prévoir une régulation. La logique voudrait que vous retiriez cet amendement !
M. Michel Le Scouarnec. - Encore une petite couche, sur ce sujet important. Dans le Morbihan, le projet initié il y a plus de cinq ans n'a toujours pas abouti. La question des gares routières est centrale avec le développement de l'intermodalité. Le texte donne de nouvelles compétences à l'Arafer en la matière. Comment accepter que des prérogatives aussi fondamentales que l'accessibilité aux personnes en situation de handicap ne relèvent pas directement de l'État ? Tout cela prépare une privatisation future...
M. Jean Desessard. - Je ne voterai pas cet amendement de suppression, mais, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu aux questions posées par la rapporteure. Il y a eu cinq réunions, dites-vous. Très bien, mais qu'en est-il sorti ? Envisage-t-on de doter ces gares d'un certain nombre de services, un gardiennage vélo, par exemple ?
En 1989, je défendais, dans une association d'usagers des transports, le tramway. À l'époque, on nous répondait que le car était préférable car plus souple. Sauf que le tramway structure la ville.
Le débat est le même ici : les gares participent à la structuration de la ville, à son embellissement. Dites-nous, monsieur le ministre, le contenu des réunions plutôt que leur fréquence ! (Sourires)
M. Patrick Abate. - Sur la forme, l'analyse du ministre est limpide. Mais ce sujet mérite un débat de fond. Nous ne sommes pas dans une posture de rejet dogmatique.
Nous sommes pour toutes les mobilités, y compris par autocar, mais nous craignons que cette mobilité de troisième classe ne nuise au rail... Une telle réforme mérite une réflexion d'ensemble sur l'aménagement et le maillage du territoire. Tout cela est trop précipité.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. - Le Parlement n'apprécie guère les ordonnances : c'est comme les médecins, moins on en voit, mieux on se porte - mais il faut parfois en passer par là... En revanche, monsieur le ministre, comment associer le Parlement aux groupes de travail que vous avez évoqués ?
M. Emmanuel Macron, ministre. - Les réunions que j'ai évoquées visent, avec les acteurs du secteur, à identifier les besoins, recenser les gares existantes et établir une cartographie. L'élagage de l'article 4 par la commission spéciale rend moins transparentes les intentions du gouvernement : l'alinéa 2 détaillait les perspectives qu'il avait retenues.
Les schémas d'intermodalité sont un élément important de cohérence. Si vous voulez en savoir plus, je vous renvoie à l'alinéa 2 de l'article 4 tel qu'issu de l'Assemblée nationale. Si vous souhaitez collectivement le préciser dans le texte, je ne m'y oppose pas, au contraire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - L'alinéa 2 de l'article 4 était très général, incantatoire - pour ne pas dire du blabla... Inscrire les gares dans un schéma, je ne sais pas ce que cela veut dire... Et à aucun moment, il n'est dit de quelle collectivité dépendront les gares routières. C'est le flou artistique.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'amendement n°523 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°430, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Modifier les règles applicables en matière de création, d'aménagement et d'exploitation des gares routières de voyageurs par les personnes publiques et privées, en privilégiant l'intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l'intermodalité, définir les principes applicables pour satisfaire le besoin en stationnement sécurisé des vélos dans et aux abords de ces gares et en matière d'accès à ces gares par les entreprises de transport public routier de personnes, définir les règles applicables au transport de vélo dans les autocars, modifier les règles applicables en matière de police dans ces gares pour garantir l'accès à celles-ci par l'ensemble des usagers, notamment les personnes handicapées et à mobilité réduite ainsi que les cyclistes, et des opérateurs, de façon à assurer leur participation effective au développement et au bon fonctionnement du transport routier de personnes et à favoriser l'intermodalité, notamment avec les modes de déplacement non polluants ;
M. Jean Desessard. - Cet amendement rétablit l'alinéa, introduit à l'Assemblée nationale et supprimé par la commission spéciale du Sénat, prévoyant la création, l'aménagement et l'exploitation des gares routières en prenant en compte le besoin en stationnement sécurisé des vélos, l'intermodalité, le transport des vélos par autocar et l'accès des personnes à mobilité réduite.
Les gares routières seront des hubs, il faut prendre en compte toutes ces thématiques dans les ordonnances.
Mme la présidente. - Amendement n°1041, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et privées
M. Patrick Abate. - L'ordonnance de 1945 régissant les gares routières est obsolète. La règle, ce sont des gares publiques. Au fil des ans, les gestionnaires se sont diversifiés, l'intermodalité s'est développée. Les gares sont un élément du service public des transports, elles doivent rester dans le giron public. Seul l'État peut garantir l'égalité sur tout le territoire. La réponse n'appartient pas aux marchés.
Mme la présidente. - Amendement n°860 rectifié bis, présenté par Mmes Keller et Lamure, MM. Nègre, Bizet, Reichardt, Kennel et Husson, Mmes Troendlé, Deromedi et Cayeux, MM. Longuet, Grand, Legendre, Bignon, Buffet, Laufoaulu, Forissier, Vaspart, Falco, Revet, Doligé et Vogel, Mme Primas, M. P. Leroy, Mme Gruny, M. Laménie, Mme Duchêne, MM. de Nicolaÿ, Pintat, Savin, Chaize, B. Fournier et G. Bailly, Mme Mélot, M. Milon, Mme Micouleau et MM. Danesi, Gilles, Lefèvre, Mandelli, Trillard, Mayet, Houel, Calvet, Mouiller, Cardoux, Commeinhes, Charon, Gremillet, Raison, Houpert, Perrin, Dufaut et Malhuret.
Alinéa 2
Après les mots :
publiques et privées,
insérer les mots :
dans l'objectif de les rapprocher avec les gares ferroviaires pour favoriser le développement de pôles urbains, régionaux, nationaux et internationaux intermodaux et d'accès équitable aux infrastructures de transport,
Mme Fabienne Keller. - Les liaisons par bus de plus de 200 kilomètres vont se créer très rapidement après la promulgation de la loi. Elles vont s'appuyer sur les gares routières existantes, souvent en périphérie, médiocrement reliées aux autres modes de transport.
Même si les gares ont structurellement un problème de portage de projets, il est important que les gares routières s'inscrivent dans la chaîne de transport en s'articulant avec les grandes gares ferroviaires. Sans quoi les voyageurs débarqueront sur des quais peu avenants, loin de tout et mal sécurisés. Bien chaîner les transports, c'est créer une offre globale, entre transports souples, individuels et collectifs.
J'ai fait une vingtaine d'auditions sur la question des gares, il y a cinq, six ans. Depuis, les choses n'ont pas beaucoup bougé. C'est toujours le problème du tuyau de poêle... Il est temps de prendre ce sujet à bras-le-corps. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme la présidente. - Amendement n°1538, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Après le mot :
privées,
insérer les mots :
notamment par leur intégration dans les schémas régionaux de l'intermodalité,
M. Emmanuel Macron, ministre. - Cet amendement réintroduit le principe d'une intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l'intermodalité, créés par la loi Maptam. Il n'est pas prescriptif pour les maires et sans effet sur les gares privées.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - L'amendement n°430 rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale. En commission spéciale, nous sommes revenus à une rédaction proche du texte initial du gouvernement, dans un souci de clarté. Avis défavorable.
Avis défavorable à l'amendement n°1041 : il ne paraît pas choquant que certaines gares routières soient gérées par des personnes privées puisqu'il s'agit de services libres et non conventionnés.
Avis favorable à l'amendement n°860 rectifié bis, dans un souci de promotion de l'intermodalité.
Sur l'amendement du gouvernement, je ne comprends pas comment on intègre des objets physiques, les gares routières, dans des schémas immatériels. Maladresse rédactionnelle ? (Sourires)
M. Emmanuel Macron, ministre. - Sagesse sur l'amendement n°430.
Avis défavorable à l'amendement n°1041, contraire à l'objectif même du gouvernement. L'amendement n°1538 me semble préférable à celui de Mme Keller. En tout état de cause, nous partageons le même objectif. Je suis à votre disposition pour en améliorer la rédaction si vous le jugez nécessaire... Elle avait passé les fourches caudines des services législatifs de l'Assemblée nationale !
L'amendement n°430 n'est pas adopté.
M. Patrick Abate. - On ne peut pas d'un côté prétendre développer le transport par autocar pour la jeunesse et de l'autre se satisfaire d'une absence de conventionnement. Il faut que les gares routières soient sous responsabilité publique.
L'amendement n°1041 n'est pas adopté.
M. René-Paul Savary. - Je soutiens l'amendement de Mme Keller, car il répond aux problèmes que l'on rencontre sur le terrain. C'est une question de bon sens. À Reims, la gare de tramway a été construite à 200 mètres de la gare TGV - mais 200 mètres en pente, ce qui change un peu la donne... On ne peut faire entrer les cars en ville, il faut donc assurer l'interconnexion avec le tram. Avec la loi NOTRe, les grandes régions auront la compétence transport. On décidera à Strasbourg ce qui se passera aux portes de Reims... Et les bus scolaires, doivent-ils rentrer dans les villes ? C'est une situation compliquée, l'amendement de Mme Keller a le mérite de rentrer dans le vif du sujet.
M. Jacques Bigot. - Je comprends mal pourquoi on oppose l'amendement de Mme Keller - auquel je suis favorable - et celui du gouvernement.
Nombre de gares TGV sont en-dehors des pôles urbains, avec un rapatriement par TER. Les transports routiers dont nous parlons sont sur longue ou moyenne distance ; ils pourront déposer les voyageurs à proximité de ces gares reliées par TER au centre-ville. Je voterai les deux amendements.
L'amendement n°860 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°1538 n'est pas adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
ARTICLE 4 BIS (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°431, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les tarifs des abonnements des péages autoroutiers peuvent être différenciés afin de favoriser les véhicules les plus sobres et les moins polluants, ainsi que ceux identifiés comme étant utilisés de manière régulière en covoiturage ou par au moins trois personnes. Cette différenciation est mise en oeuvre sans justifier de modifications du rythme précis d'inflation des tarifs et sans augmentation de la durée des concessions autoroutières. Les modalités de cette transformation et les conditions d'éligibilité à celle-ci sont précisées par décret en Conseil d'État.
M. Jean Desessard. - Cet amendement rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale, supprimée par la commission spéciale, qui vise à favoriser la différenciation des tarifs des péages en faveur des véhicules propres ou utilisés en covoiturage. Une mesure similaire existe déjà dans la loi de transition énergétique, c'est vrai, elle a d'ailleurs été votée à l'initiative des écologistes... Cependant, cet amendement est complémentaire, car il vise les abonnements et son application ne dépend pas du renouvellement de la concession.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Avis défavorable. La commission spéciale a recherché la cohérence entre les textes de loi.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Sagesse.
M. Jean-Pierre Bosino. - Le groupe CRC ne peut pas soutenir cet amendement. L'objectif de M. Desessard est louable, mais le dispositif proposé est une véritable usine à gaz, qui introduit de plus une injustice : les véhicules propres sont les plus récents ; les Français les plus modestes, qui ne peuvent changer de véhicule, seraient pénalisés.
Nous plaidons plutôt pour une baisse généralisée du tarif des péages, beaucoup trop élevés, et pour un retour des concessions d'autoroutes dans le giron public.
M. René-Paul Savary. - Je ne soutiendrai pas non plus cet amendement, qui va à l'encontre des pratiques. Le télépéage permet de passer le péage sans s'arrêter - c'est meilleur pour la planète ! Mieux vaudrait inciter les sociétés autoroutières à développer des plateformes de covoiturage.
Mme Catherine Deroche, co-rapporteur de la commission spéciale. - Très bien.
L'amendement n°431 n'est pas adopté.
L'article 4 bis demeure supprimé.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°1353, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Après l'article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2015 un rapport examinant les conditions de mise en oeuvre d'une nationalisation des sociétés d'autoroutes.
Mme Laurence Cohen. - Les autoroutes françaises sont aujourd'hui largement exploitées par des concessionnaires privés. Elles ont été cédées à un tarif bien plus bas que leur prix réel. Cette privatisation, voulue par MM. Breton et Perben, ampute l'Afitf de 1 à 2 milliards d'euros de ressources par an - sans compensation. La perte de maîtrise publique est dramatique. Le groupe de travail voulu par M. Valls n'offre pas de pistes pour le retour des autoroutes dans le giron public. Relisez plutôt le rapport du Sénat de 2008 sur le sujet ! Il faut créer les conditions d'une renationalisation des sociétés d'autoroutes.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Défavorable, comme à toutes les demandes de rapport.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Avis défavorable, mais je profite de l'occasion pour évoquer l'accord conclu ce jour avec les sociétés d'autoroutes. Les différents scénarios - renationalisation, renégociation des concessions - ont été étudiés. La Cour des comptes a en effet pointé une rentabilité de certaines concessions supérieure à ce qui avait été envisagé. Mais la renationalisation, avec l'indemnisation, coûterait entre 40 et 45 milliards d'euros. Sans parler de la remise en cause de la parole de l'État. Quant à la résiliation, elle conduit à la renationalisation : les sociétés actuelles ne se représenteraient pas, et nous aurions à négocier avec des sociétés plus exotiques, chinoises ou canadiennes, probablement pour aboutir aux mêmes règles... Ce scénario ne nous est pas apparu souhaitable. Nous avons donc opté pour une meilleure régulation et une renégociation des contrats, à la lumière des travaux parlementaires.
Le rôle de l'Arafer sera renforcé en matière de régulation des contrats de concession - conditions tarifaires, passation des marchés... Le plan de relance était nécessaire - mais l'État n'a pas vérifié si les travaux menés ne l'auraient pas été de toute façon. L'Arafer veillera à l'avenir à un équilibre plus sûr des contrats.
Une clause de partage des profits est prévue, si ceux-ci dépassent de plus de 30 % ce qui était envisagé au moment de la privatisation. Les sociétés concessionnaires verseront une contribution volontaire d'un milliard d'euros à l'Afitf et 200 millions au fonds infrastructure de la Caisse des dépôts et consignations.
En contrepartie, le gouvernement s'est engagé à maintenir la stabilité du cadre fiscal spécifique des concessions. Le gel tarifaire des péages pour 2015 a été acté. Des tarifs ciblés favoriseront la voiture hybride, le covoiturage, les autocars.
Enfin, en contrepartie d'un allongement de deux ans des contrats, l'accord acte également le plan de relance autoroutier de 3,2 milliards dans le cadre européen (Mme Nicole Bricq s'en félicite) Les travaux commenceront l'été prochain, 80 % d'entre eux seront réalisés dans les trois prochaines années. Cela bénéficiera au secteur des travaux publics, en crise. Une clause prévoit, pour la première fois, que 75 % des projets iront aux PME-TPE non captives de ces sociétés. D'où mon avis défavorable à l'amendement n°1353.
M. Roger Karoutchi. - Ces annonces sont bienvenues. Cependant, le milliard versé par les sociétés d'autoroutes à l'Afitf s'ajoute-t-il aux 3,2 milliards du plan de relance ? Le gel des tarifs sera-t-il reconductible en 2016 ?
Mme Évelyne Didier. - J'avais la même question sur le milliard... Tout ce qui est demandé en plus aux sociétés est compensé, tant ces contrats sont bien ficelés. Comment le gel des péages le sera-t-il ? Déjà, les concessions sont allongées de deux ans - les plus belles années puisque les dettes sont remboursées. La clause pour les PME ? Dans ce milieu, on se tient par la barbichette : ou on est dans un système libéral, ou on est dans un capitalisme monopoliste d'État. Nous verrons bien les suites de cette affaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Je me réjouis que nous connaissions enfin le contenu de cet accord, qui était devenu une véritable Arlésienne.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je me félicite que cet accord ait été signé. Nous le savions, le dossier était délicat. Des portes de sortie ont été trouvées : un plan de relance de 3,2 milliards d'euros très attendu par le secteur des travaux publics, les compensations pour l'Afitf et le respect de la promesse que nous avions faite sur le gel des péages.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Le milliard s'ajoute au plan de relance, monsieur Karoutchi. Le gel tarifaire ne s'applique qu'à 2015 ; les sociétés d'autoroutes ont accepté, de plus, que la compensation de la redevance domaniale de 0,5 % soit reportée à 2016.
Deuxième élément : les 3,2 milliards d'euros du plan de relance. Vous avez raison, madame Didier : plus on approche du terme des concessions, plus celles-ci sont rentables, puisque les investissements ont été amortis. Il en est tenu compte dans l'effort demandé. Les deux ans d'allongement de la concession ne constituent pas un cadeau : ils sont la contrepartie du plan de relance.
Enfin, le milliard pour l'Afitf et les 200 millions pour le fonds infrastructure de la Cour des comptes sont, en revanche, un gain net obtenu par le gouvernement.
Oui, madame Didier, il y a un manque de transparence dans les marchés. D'où l'article 5 pour empêcher les comportements que vous avez évoqués.
M. Jean Desessard. - Merci beaucoup monsieur le ministre, je voterai toutefois l'amendement n°1353. Il demeure trop de questions.
Mme Éliane Assassi. - De flou !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. - Nous vous donnons acte de vos annonces, monsieur le ministre ; nous vérifierons la réalité de l'accord au sein des commissions compétentes. Revenons au débat et, regardant l'horloge, je rappelle à tous que plus nous serons brefs, mieux cela ira.
À la demande du groupe CRC, l'amendement n°1353 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°127 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 30 |
Contre | 308 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ARTICLE 5
Mme Évelyne Didier . - Depuis toujours, le groupe CRC demande une renationalisation des autoroutes. Seul l'État peut garantir l'intérêt général et l'égalité sur le territoire. Dire que des entreprises chargées de mission de service public peuvent s'y substituer est, pour nous, une faute morale et politique.
Nous aurions pu tomber d'accord sur la dénonciation des concessions proposée par M. Chanteguet, 152 députés socialistes avaient d'ailleurs signé la lettre adressée au Premier ministre. Le gouvernement a choisi une autre voie, d'où les articles premier, 5 et 6 de ce texte. Nous vérifierons votre volonté de mieux contrôler le secteur car nous avons des propositions. On parle de 15 000 emplois créés. Pour combien de détruits ? Comment est calculé ce chiffre ? Je suis curieuse.
L'Arafer est créé à l'article premier. Ses pouvoirs sont étendus mais ses moyens cruellement limités face aux armées de conseillers et d'avocats des sociétés d'autoroutes.
L'article 5 régule le secteur. Soit, mais la négociation se déroule lors du contrôle des parlementaires. On vient d'en avoir la preuve avec les annonces du ministre. Quant à l'article 6, il crée en quelque sorte des concessions perpétuelles.
Mme Éliane Assassi . - Respectueuse du travail parlementaire, j'observe que les préconisations du groupe sénatorial qui s'est beaucoup réuni ont été enterrées pour nous présenter ce miraculeux article 5. Tout cela demeure bien flou. Le plan de relance autoroutier annoncé aurait mérité une séance de travail approfondi en commission.
Outre mon amendement de suppression, nous avons, en élus responsables, déposé d'autres amendements pour démontrer les insuffisances de votre dispositif.
M. Jean-François Longeot . - L'extension des pouvoirs de l'Araf au secteur routier et autoroutier est indispensable, face à la concurrence des modes de transport terrestre. La nouvelle agence devra avoir accès à toutes les données pour exercer pleinement son rôle de régulateur.
Je me réjouis que l'Arafer soit consultée sur les contrats de concession et leur allongement, comme du contrôle renforcé sur les marchés. Toutes ces mesures étaient attendues.
M. Pierre Médevielle . - Rien ne sert de se lamenter sur le passé. Pour faire partie du groupe de travail, je crois que la reprise des négociations était nécessaire pour avancer.
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°1354 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et MM. Vergès et Watrin.
Supprimer cet article.
Mme Annie David. - Défendu.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Par cohérence, avis défavorable.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Idem.
L'amendement n°1354 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1357, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par un membre de phrase ainsi rédigé :
ainsi que des clauses des conventions limitant l'ampleur de la modulation des tarifs
Mme Évelyne Didier. - Mettons fin aux pratiques de modulations tarifaires. Cofiroute a accepté l'interdiction du foisonnement pour 2011-2014 à condition d'une contrepartie de pas moins de 234 millions d'euros. Le foisonnement n'est pas tout à fait derrière nous, à voir un récent contrat de prolongation de concession. Comment l'État peut-il tolérer cette pratique interdite ? D'après la Cour des comptes, les distorsions tarifaires se poursuivent. On lui en a communiqué le nombre mais pas le montant.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Vous avez satisfaction : l'Arafer contrôlera le bon fonctionnement du régime des tarifs de péage. Avis défavorable.
M. Emmanuel Macron, ministre. - L'amendement n°1358, qui vise le même objet, me semble plus complet. Je vous suggère de vous y rallier.
S'agissant des négociations avec les sociétés d'autoroutes, je rappelle que le gouvernement y a associé de manière inédite les parlementaires. En revanche, il n'avait pas à demander mandat au Parlement : négocier est du ressort de l'exécutif. J'ai évoqué l'accord parce que certaines de ses dispositions miroitent avec le texte.
L'amendement n°1357 est retiré.
M. Jean Desessard. - On est pragmatique au CRC !
M. le président. - Amendement n°1356, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle vérifie notamment le respect des dispositions du décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers.
M. Patrick Abate. - L'Arafer doit veiller au bon fonctionnement des tarifs de péages autoroutiers et se prononcer sur le respect des dispositions du décret n° 95-81. Ce qui n'est pas toujours le cas actuellement.
Dans son rapport pour 2013, la Cour des comptes émet de vives critiques sur l'aubaine dont ont bénéficié des sociétés d'autoroutes, avec un régime tarifaire qui pouvait convenir quand l'État était majoritaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Renvoyer à un décret n'est pas conforme à la hiérarchie des normes. Avis défavorable.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Retrait au profit de l'amendement n°1358.
L'amendement n°1356 est retiré.
L'amendement n°766 n'est pas défendu.
L'amendement n°571 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°526 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°678, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières établit annuellement une synthèse des comptes des concessionnaires. Cette synthèse est publique et transmise au Parlement.
M. Jean-Jacques Filleul. - Notre groupe de travail recommandait chaudement un plan de relance autoroutier. Ce sera chose faite. Il avait défini trois axes que nos amendements reprennent, celui-ci concernant la lutte contre l'opacité entourant les comptes des concessionnaires et l'évolution des transports terrestres.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Inutile d'entrer dans de tels détails, le texte donne clairement à l'Arafer un rôle d'étude et d'expertise. Avis défavorable.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Avis très favorable. Cet amendement conforte la démarche du gouvernement.
Mme Évelyne Didier. - Je m'associerai à cet amendement, c'est la moindre des choses pour avoir participé au groupe de travail. Que le gouvernement le soutienne est logique ; je suis étonnée que la volonté de la transparence ne soit pas partagée sur tous les bancs.
Mme Laurence Cohen. - Grâce à la transparence, nous parviendrons peut-être enfin à connaître les prix des péages pour comprendre les bénéfices des sociétés d'autoroutes. Selon le rapport Chanteguet, les actionnaires des sociétés d'autoroutes auraient empoché 15 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 3,5 milliards d'euros en déductions d'impôt. Il faut connaître de tels chiffres pour prendre de bonnes décisions.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Je n'ai pas eu accès au rapport du groupe de travail au motif qu'il n'était pas public. Après vous avoir écoutés, sagesse. (On s'en réjouit sur de nombreux bancs)
L'amendement n°678 est adopté.
M. le président. - Amendement n°679, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières assure un suivi annuel des taux de rentabilité interne de chaque concession.
M. Jean-Jacques Filleul. - L'amendement précédent visait la transparence envers le Parlement ; celui-ci, la transparence envers l'Arafer, en confiant à cette agence une mission de suivi des taux de rentabilité interne des concessions.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - L'avis de la commission reste défavorable : inutile d'entrer dans ce niveau de détail.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Favorable.
Mme Nicole Bricq. - J'aimerais que le rapporteur nous entende. Quand nous avons auditionné M. Lasserre, je l'ai interrogé sur la polémique assez violente qui a opposé l'Autorité de la concurrence aux sociétés d'autoroutes sur leur rentabilité. Il est apparu qu'il n'y avait pas concordance dans les modes de calcul. En confiant ce travail à l'Arafer, on aura une vision objective dont le Parlement aussi bénéficiera.
Mme Évelyne Didier. - Je vais dans le même sens. La rentabilité des sociétés d'autoroutes est le noeud du problème : les uns considèrent leurs profits comme raisonnables, d'autres comme excessifs. Elle a justifié la constitution de notre groupe de travail. Le taux de rentabilité interne ne suffira pas, il faut aussi tenir compte des hypothèses sur lesquelles se fonde le calcul. On a mis longtemps à comprendre ce qu'on nous racontait, et je ne suis pas sûre que nous ayons nous-mêmes tout compris.
L'amendement n°679 est adopté.
M. le président. - Amendement n°1539, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 8
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-8-2. - Les revenus additionnels des tarifs de péages résultant des modifications mentionnées à l'article L. 122-8 couvrent, outre les dépenses de toute nature mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 122-4, l'amortissement des capitaux investis par le délégataire ainsi qu'une rémunération raisonnable et conforme aux conditions du marché, tels qu'ils peuvent être évalués avant la conclusion de l'avenant.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Il s'agit de rétablir la disposition prévoyant l'orientation vers les coûts des contrats de plan autoroutiers, qui vise spécifiquement la conclusion de ceux-ci et s'ajoute à l'obligation générale fixée à l'article L. 122-4 du code de la voirie routière. Elle garantira, sous le contrôle de l'Arafer, que les contrats de plan qui prévoient des hausses de péages additionnelles en contrepartie d'investissements complémentaires, dans leur économie propre, respecteront un principe de rémunération raisonnable.
La fourchette est bien comprise entre 40 et 55 milliards pour une rupture des contrats ; elle peut être ramenée à 20 milliards si on la consolide dans la dette publique et en répercute une partie sur les péages.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - La commission spéciale avait supprimé la mention que vous voulez rétablir. Vous êtes satisfait par l'article L. 122-4 du code de la voirie routière. En pratique, comment apprécier ce qui est « raisonnable » ? Avis défavorable.
L'amendement n°1539 est adopté.
M. le président. - Amendement n°1358 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Alinéa 9
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 122-8-3. - L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières peut, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé de la voirie routière ou du ministre chargé de l'économie, examiner les conditions de mise en oeuvre des dispositions prévues dans la convention de délégation, le cahier des charges annexé et les autres documents contractuels. »
M. Jean-Pierre Bosino. - On parle beaucoup de transparence, encore faut-il s'en donner les moyens. Cet amendement rétablit l'alinéa qui prévoyait que l'Arafer peut, soit d'office, soit à la demande du ministre, examiner les conditions de mise en oeuvre des dispositions prévues dans la convention de délégation.
C'est nécessaire pour un contrôle en toute transparence. Il semble que celui de la Direction générale des infrastructures ait perdu de son effectivité, vu la faiblesse de ses moyens matériels et humains. Selon le rapport Chanteguet, les rapports d'expertise demandés par les ministères ont été gardés secrets... Un seul fonctionnaire à temps partiel examine les augmentations tarifaires ! Bel effet de la RGPP et autres MAP !
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Le gouvernement s'est dit favorable à l'amendement n°1358, cet avis vaut-il aussi pour sa version rectifiée, tout à fait différente de la version initiale ?
M. Emmanuel Macron, ministre. - La version rectifiée est en effet plus large. Le verbe « pouvoir » est à éviter en légistique, mieux vaut l'indicatif. Le gouvernement est favorable à la rédaction initiale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. - Juridiquement, il y a des limites à la notion de rectification. En l'espèce, c'est un tout autre amendement, qui n'a pas du tout le même sens. Que cela ne se reproduise pas, car cela perturbe nos débats.
M. le président. - Votre remarque sera prise en compte par la direction de la séance.
Mme Évelyne Didier. - Il y a eu une erreur au moment de l'enregistrement de l'amendement. Nous sommes prêts à revenir au texte initial : si j'ai une chance de voir un de nos amendements adopté.
M. Bruno Retailleau. - Rappel au Règlement. Une rectification ne doit pas inverser le sens d'un amendement. Notre excellente collègue le reconnaît elle-même. Un retrait serait bienvenu.
Mme Évelyne Didier. - L'objet n'a pas changé ; l'erreur n'est pas de notre fait. Nous maintenons l'amendement.
M. Jean Desessard. - Je propose un sous-amendement, qui consiste à revenir à la rédaction initiale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. - Félicitations à M. Desessard pour son habileté réglementaire. Mais c'est de nouveau une rectification abusive, en sens inverse. Est-ce recevable ? Je soumets la question à la sagacité de la présidence...
M. le président. - Madame Didier, acceptez-vous de revenir à votre rédaction initiale ?
Mme Évelyne Didier. - Oui.
M. le président. - En ce cas il tombe du fait de l'adoption de l'amendement n°1539.
L'amendement n°1358 n'a plus d'objet.
Mme Éliane Assassi. - Tout ça pour ça !
M. le président. - Amendement n°1540, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
sous réserve de l'article L. 122-10-1
II. - Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 122-10-1. - Les marchés de travaux, fournitures ou services régis par l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, lorsqu'ils sont passés par un concessionnaire d'autoroute pour les besoins de la concession, sont également régis par les articles L. 122-11, L. 122-13-1, L. 122-16 et L. 122-17.
M. Emmanuel Macron, ministre. - Il faut prévoir que l'Arafer continuera à examiner les marchés des sociétés concessionnaires publiques et que celles-ci sont soumises à l'obligation législative de créer une commission interne d'examen de leurs marchés.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. - Sagesse.
L'amendement n°1540 est adopté.
M. le président. - Monsieur le président de la commission spéciale, j'ai cru comprendre que vous souhaitiez reprendre la séance dès 21 heures ?
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. - La décision vous appartient, monsieur le président. Je souhaite surtout que nous avancions aussi vite que possible.
Un mot encore : je sais quelles sont les contraintes auxquelles est soumise la direction de la séance, submergée par des flots d'amendements...
M. le président. - Y a-t-il des objections à ce que nous reprenions dès 21 heures ?
Mme Éliane Assassi. - Oui, dans la mesure où nous n'avons pas été prévenus plus tôt.
M. Jean-Claude Requier. - Il n'est pas possible de nous prévenir ainsi au dernier moment !
Mme Nicole Bricq. - Exactement.
M. le président. - Dans ce cas, je mets aux voix.
Je constate que le Sénat est disposé à reprendre la séance dès 21 heures.
La séance est suspendue à 19 h 32.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 21 h 5.