Croissance, activité et égalité des chances économiques (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3

Mme Évelyne Didier .  - J'ai eu le plaisir d'entendre M. le ministre sur les ondes ce matin faire des annonces sur un plan de travaux de 3,2 milliards d'euros et un gel des tarifs des autoroutes pour 2015. La représentation nationale aimerait bien en savoir plus !

Mme Nicole Bricq.  - C'est une question d'actualité, posez-la cet après-midi !

Mme Annie David.  - C'est en lien direct avec le texte !

M. le président.  - Poursuivez, je vous prie !

Mme Évelyne Didier.  - Comment ce gel des tarifs sera-t-il compensé ? On sait que les contrats ont été bien verrouillés... S'agit-il d'un report à la hausse en 2016 ou d'un complément de travaux de 500 millions d'euros ?

Mme Nicole Bricq.  - Et les emplois !

Mme Évelyne Didier.  - On évoque 10 000, puis 15 000 emplois. Je suis curieuse de savoir comment vous calculez, monsieur le ministre ? Ajoutez-vous à cette somme des petits CDD de quelques mois ?

M. le président.  - Le ministre vous répondra en temps et en heure.

Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Annie David.  - Nous demandons la suppression de cet article qui tire les conséquences du précédant libéralisant les liaisons d'autocar. Voici le seul moyen qu'a trouvé le gouvernement pour que les Français qui ne peuvent plus se payer le train puissent se déplacer. C'est en contradiction totale avec la transition énergétique défendue par Mme Royal... qui nécessite de lourds investissements dans le rail, délaissé parce que ces investissements étaient jugés trop importants. D'où la dégradation continue du service aux usagers, le niveau élevé des prix et des conditions de travail qui se détériorent. Vous n'avez pas, semble-t-il, la volonté politique de redresser cette situation.

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur de la commission spéciale.  - Par cohérence, avis défavorable. Comme vous l'avez dit, c'est un article de coordination.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1632, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Au début du I de l'article L. 1112-2, sont insérés les mots : « Pour les services de transport ne relevant pas des services de transport librement organisés prévus par les articles L. 3111-17 et suivants, » ;

...° Au début du I de l'article L. 1112-2-1, sont insérés les mots : « Pour les services de transport ne relevant pas des services de transport librement organisés prévus par les articles L. 3111-17 et suivants, » ;

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Je veux m'associer, au nom du gouvernement, à l'hommage rendu à Yves Coquelle, à l'homme et à l'élu.

L'amendement n°1632 précise que les services de transport librement organisés seront intégrés dans les schémas directeurs d'accessibilité et agendas d'accessibilité programmée avec une adaptation.

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Cela demande des éclaircissements. Nous en avons discuté en commission. Est-ce un recul pour l'accessibilité aux personnes handicapées ?

M. Emmanuel Macron, ministre.  - En aucun cas. Les nouvelles lignes que nous créons ne sont pas intégrées actuellement aux schémas et agendas. Avec cet amendement, elles le seront, à terme. Nous leur laissons le temps de s'adapter. Ce n'est pas un recul, bien au contraire !

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Sagesse.

M. Jean Desessard.  - Ai-je bien compris ? On affirme un principe mais on repousse son application plus tard ?

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Non, l'accessibilité n'est pas repoussée ; au contraire, nous la planifions. Jusque-là, les schémas ne couvraient que les lignes publiques, pas les lignes privées. C'est un engagement politique que nous prenons, et qui est largement partagé.

L'amendement n°1632 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1398, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Évelyne Didier.  - Amendement de cohérence avec la position de fond que nous défendons depuis le début du débat.

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Avis défavorable, par cohérence.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Idem.

L'amendement n°1398 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1399, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Alinéas 6 à 14

Supprimer ces alinéas.

M. Michel Le Scouarnec.  - L'actuel article L. 3421-2 du code des transports fixe des conditions précises à la desserte intérieure des lignes internationales et permet aux collectivités de s'y opposer, si elles ne sont pas remplies. Le présent article est bien plus qu'une simple coordination, car il banalise le cabotage routier par autocar et la concurrence qu'il implique. En cela, il va plus loin que les articles premier et 2.

Demain une liaison Madrid-Londres, assurée par une entreprise étrangère, pourra librement s'arrêter en France sur son parcours ou une ligne Bruxelles-Rome, par exemple, puisque tous les chemins y mènent...

On ne sait rien du droit social qui sera appliqué aux salariés : sera-t-il belge, allemand, espagnol, italien ou autre ? L'incertitude est grande, d'autant que l'article renvoie à un décret en Conseil d'État. Supprimons-le.

L'amendement n°1399, repoussé par la commission et le gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1680, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.

Alinéa 15

Remplacer les références :

5° et 6°

par les références :

5° ou 6°

L'amendement rédactionnel n°1680, accepté par le gouvernement, est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 3 BIS A

M. Jérôme Bignon .  - Sénateur de la Somme et de la Picardie et, bientôt, de la grande région Somme-Picardie, je ne peux pas ne pas m'exprimer sur le canal Seine-Nord, que certains n'hésitent pas à qualifier de chantier du siècle. La durée du chantier s'étirera de 2017 à 2023 avec la création de 10 000 emplois directs et indirects et 50 000 emplois vers 2050. M. Vidalies l'a dit à l'Assemblée nationale, le chantier, qui pourrait durer six ans, aura un effet de relance et structurant sur des territoires en souffrance. M. Vasselle et Mme Cayeux ne me contrediront pas, puisque, dans l'Oise, le Noyonnais et le Compiégnois, comme dans la Somme, en Picardie et dans le Nord-Pas-de-Calais, le projet fait l'objet d'un large consensus transpartisan. Dans la perspective de la fusion de nos régions, il présente l'intérêt de rassembler nos populations et nos territoires.

Tenons notre objectif. Pour cela, la société de projet comme il en existe une pour le Grand Paris, doit voir le jour dans les meilleurs délais. Le gouvernement demande à l'article 3 bis A une habilitation à procéder par ordonnance, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. Cela donne une assise solide à la maîtrise d'ouvrage, aux financeurs l'État, évidemment, l'Europe, mais aussi les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie. C'est très important, car les collectivités territoriales ne veulent pas se contenter de payer. Elles veulent aussi participer. Il y a urgence : il faut pouvoir commencer en 2017. La société, doit être créée, l'établissement public en ordre de marche, rapidement. Je voterai cet article.

L'amendement n°188 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°428, présenté par M. Desessard, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé.

Supprimer cet article.

M. Jean Desessard.  - Les arguments en faveur du projet de canal Seine-Nord sont bien connus. Les arguments contraires le sont tout autant. Ils suscitent bien des questions : coût environnemental, financier... Le débat doit avoir lieu au Parlement. D'où notre refus de l'ordonnance.

L'amendement n°779 n'est pas défendu.

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Avis défavorable : les collectivités territoriales seront associées à la société de projet, qui aura la maîtrise d'ouvrage et pourra demander des financements à la Commission européenne.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Même avis. Ce projet est un élément de compétitivité de nos territoires, de nos grands ports et de création d'emplois sur des territoires qui souffrent particulièrement. Pour cela, cet article a toute sa place dans ce projet de loi. L'ordonnance se justifie par la technicité du sujet : créer la société de projet, structure dédiée, sur le modèle de la société du Grand Paris, en charge de la construction du canal qui débutera en 2017. Sa création a été recommandée par les deux rapports parlementaires qui se sont penchés sur le sujet et annoncée à l'automne dernier par le Premier ministre.

M. Michel Bouvard.  - Le ministre a tout dit : on ne peut plus différer le lancement de ce projet, qui a fait l'objet de tous les rapports et études possibles. Il y va de la crédibilité de la signature de la France en Europe. Depuis des années, des crédits communautaires dédiés aux grandes infrastructures ne sont pas consommés. Les pays de l'Est, eux, auront bientôt bouclé leurs dossiers et nous risquons de laisser passer notre tour... L'ancienne commissaire aux transports, Ana Palacio, le disait : notre déficit en infrastructures coûte 0,7 point de croissance chaque année dans l'Union. C'est la différence entre une croissance atone, et une croissance créatrice d'emplois...

N'oublions pas de traiter la connexion entre les plateformes portuaires, les réseaux fluvial et ferroviaire, sans quoi le canal profitera surtout à l'hinterland belge et allemand, ce qui explique la réserve du maire du Havre.

M. Jérôme Bignon.  - J'appuie les propos de M. Bouvard. Le maire du Havre, Édouard Philippe, a cru bon de faire part de ses doutes dans Les Echos. Mme Canayer, adjointe au maire du Havre, n'est pas contre le projet. Elle demande justement la connexion du canal à notre façade portuaire et la réalisation de la transversale entre Le Havre et Châlons-en-Champagne, chère à Benoist Apparu. Elle coûterait 250 millions d'euros, contre 4 milliards d'euros pour le canal Seine-Nord. Il me semble que ce n'est pas insoluble.

M. Jean Desessard.  - Je veux apporter un contrepoint. Fort bien, un grand canal, mais il semble que ce soit un chaînon isolé puisqu'il n'y a de connexion ni au nord ni au sud. De grands ports pourraient jouer le rôle qu'on dévolue au canal.

Ce genre de grands travaux ne crée pas forcément de l'emploi sur place ; il est, surtout, réalisé par des entreprises multinationales avec, parfois, des travailleurs détachés...

Quant aux fonds européens, ils pourraient être utilisés ailleurs.

M. Jean-Claude Requier.  - Le groupe RDSE est pour l'équipement de notre pays, où tout ne se passe pas qu'à Paris ! Il est donc pour le projet de canal Seine-Nord. Bien qu'il n'aime guère les ordonnances, il votera contre cet amendement. Il faut lancer le chantier.

Mme Nicole Bricq.  - Après le canal Seine-Nord, nous parlerons de Charles-de-Gaulle Express... L'interrogation de M. Desessard sur les travailleurs détachés peut être levée avec la carte d'identité des entreprises du bâtiment, qui contribuera à lutter contre le travail clandestin.

Plus important, je me réjouis qu'on lance enfin ce grand chantier que Nicolas Sarkozy refusait d'intégrer dans le programme d'investissements d'avenir au grand dam de M. Marini. Avançons !

L'amendement n°428 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

Le gouvernement présente un rapport, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, qui présente les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet la création d'un établissement public, associant notamment des représentants de l'État, d'établissements publics de l'État et de collectivités territoriales participant au financement du projet, aux fins de réalisation d'une infrastructure fluviale reliant les bassins de la Seine et de l'Oise au réseau européen à grand gabarit et de développement économique en lien avec cette infrastructure.

Mme Annie David.  - Après en avoir débattu au sein de notre groupe, nous avons décidé de demander un bilan, plutôt que la suppression de l'article, pour ne pas nous opposer à un projet qui sera utile aux territoires chers à M. Bignon. D'accord, pour une fois, pour l'ordonnance, pourvu que le ministre revienne devant nous dans trois mois, pour combler le manque d'informations précises sur les conséquences de ce projet. Ce sera l'occasion de discuter, en particulier, de la qualité de l'emploi créé.

L'amendement n°1034 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1686, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.

Supprimer les mots :

société de projet

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - La demande de bilan est contraire au principe même de l'habilitation à légiférer par ordonnance, que la commission a accepté. Avis défavorable.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Merci de votre ouverture. Demander un nouveau rapport après le rapport Pauvros n'est pas de bonne méthode. La société de projet aura justement pour objet de résoudre les problèmes techniques. Il est difficile de savoir dès maintenant s'il faut moderniser les canaux Freycinet ou les remplacer.

Des clauses de rendez-vous existent avec la représentation nationale. Oui, nous devons être vigilants sur l'emploi local. Mieux vaut cette discipline collective transparente, un retour devant les parlementaires à chaque étape, qu'un rapport. Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié.

Avis favorable à l'amendement n°1686.

Mme Annie David.  - Je prends acte des engagements du ministre. Peut-être pourrait-il participer à un débat au Sénat dans trois ou six mois lors d'une semaine de contrôle ? Compte tenu de l'ampleur du projet, tous les représentants qu'ils soient du sud, du centre ou du nord sont concernés. À cette condition, je retirerai mon amendement.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Je viendrai volontiers devant le Sénat et plusieurs fois pour rendre compte et prendre en compte vos avis.

L'amendement n°7 rectifié est retiré.

L'amendement n°1686 est adopté.

M. Gilbert Barbier.  - Je voterai cet article mais non sans une pointe de jalousie. Et le canal Rhin-Rhône qui a été abandonné en 1987 alors que la phase d'études était presque achevée ?

M. André Reichardt et Mme Élisabeth Lamure.  - Très bien !

M. Thierry Foucaud.  - Élu de Seine-Maritime, je veux intervenir sur le projet de canal Seine-Nord. Rouen est le premier port céréalier de France ; la Seine, historiquement, est un axe industriel. Nous avons besoin d'une connexion avec le canal, sans quoi nous serons isolés, dans un véritable cul-de-sac.

En outre, je regrette que la création de plateformes soit repoussée aux calendes grecques. Les terrains, auparavant dévolus à des établissements industriels, qui ont cédé la place à des friches, existent pourtant au Havre ou à Rouen, mais ils ne sont pas achetés et donc pas aménagés. Peut-être le ministre fera-t-il référence au CPER...

Les usines chimiques et pétrochimiques, qui prospéraient naguère dans le bassin de la Seine, de même que les industries automobiles, ayant disparu, il faudrait les dépolluer. Hélas, rien n'a été fait.

Allons tous dans le même sens sur le fluvial, la route mais aussi le ferroviaire - car Rouen est une importante gare de triage, ne l'oublions pas !

M. Patrick Abate.  - Pour répondre à M. Barbier, le canal Rhin-Rhône posait d'immenses difficultés environnementales. On a donc privilégié l'option Saône-Moselle puis on a parlé du Rhin-Rhône-Saône-Moselle, le fameux Y, dont on sait bien qu'il ne se fera jamais...

Le canal Saône-Moselle conforterait l'effort de l'État pour développer l'intermodalité et favoriser la prise en charge du flux de poids lourds venus du Nord.

M. Jean Desessard.  - En termes d'aménagement du territoire, il y a peut-être d'autres chantiers majeurs à réaliser.

On oublie en outre la question de l'emprise sur les terres agricoles, elles ont une valeur inestimable. Les écologistes sont toujours réticents, direz-vous. Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer des grands travaux inutiles, il suffit de lire les rapports de la Cour des comptes ! On multiplie les infrastructures redondantes au prétexte de créer de l'emploi, et quelques années plus tard on s'aperçoit de l'ardoise...

M. François Patriat.  - Faire de grands travaux pour créer de l'emploi à court terme n'est pas suffisant. Y a-t-il des chargeurs le long du canal Rhin-Rhône ? On a construit au sud de Dijon un échangeur rail-route à la demande de la CCI et des acteurs économiques ; on l'a fermé un an après parce que presque personne n'y chargeait... Il y a des projets dont on mesure mal l'efficacité à terme.

L'article 3 bis A est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°1036, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 3 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code des transports est ainsi modifié :

1° L'article L. 4311-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-4. - Les investissements effectués par l'Agence des voies navigables pour la modernisation ou le développement des voies d'eau sont réalisés dans le cadre de dispositifs financiers publics, excluant le recours aux contrats de concession ou de partenariat public-privé. » ;

2° Le 8° de l'article L. 4311-2 est abrogé.

Mme Cécile Cukierman.  - Notre amendement vise à limiter les recours aux contrats de concession ou de partenariat public-privé. Ces contrats sont un échec. Ne reproduisons pas cette erreur. Outre l'endettement, cette externalisation conduit à une perte de savoir-faire des opérateurs publics.

De plus, les entreprises qui remportent les contrats n'ont pas toujours les compétences et Voies navigables de France doit ensuite réparer les dégâts. Laissons à VNF la charge de l'entretien, de la maintenance, de la sécurité, sinon nous siphonnerons le service public de la voie d'eau...

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Il est excessif d'exclure a priori les partenariats public-privé pour le transport fluvial. Le droit existant prévoit déjà que les filiales de VNF doivent être à capitaux en majorité publics. Défavorable.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°1036 n'est pas adopté.

ARTICLE 3 BIS

Mme Laurence Cohen .  - Le CDG Express est un projet pharaonique : 1,9 milliard d'euros, gabegie incompréhensible alors que le RER B existe déjà. Pourquoi ne pas l'améliorer ? Faut-il répondre aux besoins du plus grand nombre ou offrir à quelques-uns un transport sur mesure ? Visiblement vous préférez les projets vitrines... Mieux vaudrait l'amélioration des conditions de transport de centaines de milliers de Franciliens. De plus, à l'heure où le gouvernement entend développer les liaisons par autocar, pourquoi ne pas proposer aux riches hommes d'affaires de le prendre pour rejoindre Paris ?

Enfin, sur la forme, nous sommes opposés au recours aux ordonnances. Et nous ne connaissons pas le montage financier du projet. Comment être certain que l'État et les collectivités territoriales ne seront pas sollicités ?

Mme Évelyne Didier .  - Les ordonnances ne sont pas amendables. Cet article dépossède à nouveau le Parlement de ses prérogatives. Les usagers, les élus, les organisations syndicales ont aussi leur mot à dire.

M. Philippe Dominati .  - Je ne suis pas loin de partager l'avis qui vient d'être exprimé.

En commission spéciale, ce débat très technique n'a pu être véritablement abordé. (M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale, le nie) Voilà vingt ans que ce sujet est sur la table. Mais en Île-de-France, si l'État se trompe sur les infrastructures de transport, ce sont les entreprises et les particuliers qui paient in fine. Le projet a vu le jour en 1995, j'y suis favorable comme beaucoup d'élus franciliens. M. Gayssot a rendu son arbitrage en 2000, choisissant la voie ferrée. Puis est venu le débat public.

Le Parlement s'est prononcé en 2006, mais le projet est resté lettre morte. Le projet porté par Vinci a été abandonné en 2011. Aujourd'hui, on nous dit que l'État ne mettra pas un sou... Et entre-temps, le coût a triplé : 1,8 milliard. Qui va payer ? ADP ? SNCF Réseau ? Les partenaires privés ont reculé, c'est l'usager qui risque de payer. Le Parlement est-il prêt à assumer le déficit ? Je souhaite, pour ma part, que les Franciliens ne soient pas pénalisés, et n'aient pas à payer quand l'État, sans vouloir mettre un euro à la corbeille, veut tout diriger. Voter cette ordonnance sans garantie, c'est mettre la poussière sous le tapis comme l'État le fait depuis vingt ans. (MM. Jean Desessard et Gérard Longuet applaudissent)

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cet article autorise la réalisation en urgence pour des motifs hypothétiques - jeux Olympiques, exposition universelle - du CDG Express, un projet inutile, coûteux et socialement injuste. Il serait plus opportun de financer la rénovation des infrastructures existantes.

Les élus franciliens discutent depuis longtemps de ce projet qui est loin de faire l'unanimité. Il n'est pas sûr d'ailleurs que les Franciliens l'approuveraient s'ils étaient consultés, surtout au regard du coût exorbitant qu'ils seront peut-être appelés à financer. Ce projet ne résoudra pas les difficultés quotidiennes de transport.

M. le président.  - Amendement identique n°429, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

M. Jean Desessard.  - Même amendement. Cette question aurait mérité un débat et non une ordonnance. Sur le fond, cette réalisation de prestige, justifiée par des motifs hypothétiques - JO, exposition universelle - est coûteuse. Elle renforce la fracture territoriale qui, mes chers collègues, existe aussi en Île-de-France. Les plus modestes continuent à s'entasser dans le RER. Le tracé menace la seule zone industrielle de Paris, Cap 18, avec 200 emplois détruits à la clef. Tant pour des raisons de forme que de fond, les écologistes sont contre ce projet précipité et discutable.

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Avis défavorable à la suppression de l'article. On discute depuis longtemps de ce projet. Pour qu'il puisse voir le jour, on ne peut plus perdre de temps.

Les échanges ont été nourris en commission spéciale, monsieur Dominati. Toutefois, j'interroge M. le ministre sur la constitution de la filiale entre ADP et SNCF Réseau et sur le financement du projet. Le gouvernement a transmis à la Commission européenne un rapport à ce sujet en décembre dernier. Nous ne pourrons avoir un débat serein si nous n'avons pas toutes les informations.

Mme Annie David.  - Et l'autocar que vous défendiez hier ?

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Pour relancer la croissance, il faut arrêter de procrastiner. Avançons. Le projet n'est pas exclusif d'autres solutions : autocar, contournements et prolongements des lignes... Personne ne prétend régler le problème des transports quotidiens en Île-de-France avec le CDG Express.

Le projet justifie un traitement particulier car l'ouverture de la ligne peut être réalisée sans argent public. Une société commune ADP-SNCF Réseau sera chargée de porter le projet. L'administration, sous l'autorité du ministre, n'est pas l'ennemi de classe du Parlement, elle travaille pour l'intérêt général. Des agents travaillent dans cette société de projet qui aura pour mission de monter un plan d'affaires crédible, avec une tarification adaptée - on évoque pour l'instant 23 à 25 euros. Aux entreprises et hommes d'affaires de décider, l'offre de mobilité doit être variée, déclinée pour chaque clientèle.

Le projet a été déposé à la BEI pour être éligible au titre du plan Juncker et bénéficier de taux d'intérêts réduits, ce qui permettrait de moduler les tarifs.

Tous les paramètres ne sont pas encore définis. Mais, comme pour le canal Seine-Nord, nous rendrons compte dans la transparence de la situation devant le Parlement. Je confirme qu'il n'y aura pas d'argent public et que le projet doit être mis en résonance avec le financement public du Grand Paris.

M. Roger Karoutchi.  - Je suis lassé d'entendre les mêmes discours depuis vingt ans sans que rien ne bouge jamais. Tant que vous ne donnerez pas à un acteur unique la gestion des transports publics, on tournera en rond. Il y a dix ans déjà on opposait le CDG Express à la rénovation de la ligne B Nord. Le CDG Express est nécessaire, non à cause d'une hypothétique exposition universelle, mais parce que l'Île-de-France perd son attractivité face à Londres, à Barcelone, à Berlin. Nous avons besoin d'un bon réseau de transports pour faire revenir les investisseurs. (M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale, approuve) L'État sans cesse fait des promesses mais ne fait rien. Pour le Grand Paris Express, il nous autorise à lever des taxes... (Applaudissements à droite) ... mais il ne met pas la main au portefeuille.

Je suis inquiet. Est-ce à la SNCF de porter ce projet ? On sait combien elle est endettée... À ADP ? Elle ne cherche qu'une chose, à se faire oublier, jusqu'au nom de son président. Mieux vaut que la SNCF fasse son job : investir enfin sur le réseau francilien, qu'elle néglige depuis vingt ans pour construire le TGV !

Mme Nicole Bricq.  - Ce n'est pas nouveau !

Mme Éliane Giraud.  - Qu'avez-vous fait quand vous étiez au gouvernement ?

M. Roger Karoutchi.  - Qu'on passe par une ordonnance, je veux bien, mais qu'on porte enfin le premier coup de pioche. (Applaudissements à droite)

Mme Christine Prunaud.  - La demande d'habilitation à légiférer par ordonnance est imprécise. Et nous ne voulons pas voir le Stif dépossédé de ses compétences. Le CDG Express bénéficiera aux plus riches. Qu'est devenue la promesse républicaine d'égalité ? Nous devrions garantir à tous la possibilité de voyager dans de bonnes conditions.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale.  - Le compte rendu de la réunion de la commission spéciale montre, monsieur Dominati, que le débat a été fourni. À cause d'un problème sur la ligne B du RER, j'étais aussi un peu en retard...

Nicolas Sarkozy avait voulu prendre la question des transports franciliens à bras-le-corps ; la nouvelle majorité a poursuivi le travail. Le Grand Paris Express avance, une échéance est fixée à 2024.

Ce matin, à cause d'un incident voyageur, la ligne B était bondée. J'ai attendu le deuxième train... Un voyageur qui arrive de Roissy avec ses bagages doit pouvoir se rendre rapidement à Paris dans de bonnes conditions. CDG, longtemps fustigé pour sa qualité de service, a fait des efforts, mais son accessibilité reste son talon d'Achille.

M. de Romanet, président d'ADP, a boosté le dossier et indiqué qu'ADP s'engagerait dans le CDG Express. Le projet est lancé depuis longtemps. Je comprends les inquiétudes de M. Dominati, mais on avance. La piste Vinci a été abandonnée, heureusement, mais le projet ADP-SNCF Réseau à 50 %-50 % est en train de se monter. Le budget est estimé à 1,7 milliard. Son taux de rentabilité est estimé à 8 %. Il n'y aura pas de financement public mais le gouvernement porte une demande de soutien à la BEI de 400 millions d'euros. Une partie des travaux bénéficiera à l'amélioration de la ligne RER B et de la ligne 4.

Cette question concerne non seulement les Parisiens, mais aussi les voyageurs internationaux ou les provinciaux qui passent par Paris.

M. Jacques Mézard.  - Il n'est pas anormal que le représentant du département le plus enclavé de France s'exprime sur le CDG Express. Il faut faire ce projet. C'est une question d'intérêt national. Paris est une ville-monde, il lui faut un aéroport digne d'elle. Gouverner, c'est choisir, dégager des priorités. Le recours à l'ordonnance vise à favoriser le lancement du projet. Nous sommes ici majoritairement favorables à ce projet, alors, monsieur le ministre, faites-le.

Toutefois, la croissance ne concerne pas que les zones fortement peuplées. Je regrette qu'on m'objecte sans cesse le manque d'argent lorsque je demande quelques milliers d'euros pour une liaison aérienne par jour entre la préfecture la plus enclavée de France et Paris... Monsieur le ministre, la croissance, ce n'est pas seulement pour les territoires qui ont déjà tout !

Mme Nicole Bricq.  - La réalisation du CDG Express est une nécessité objective pour l'attractivité du pays. L'enjeu est national. Il ne s'agit pas d'un investissement pour les riches. Les hommes d'affaires atterrissent au Bourget, non à Roissy, où se croisent des ingénieurs, des cadres qui voyagent, non en classe d'affaires, mais en classe économique. Un voyageur qui vient d'Asie a le droit d'accéder à Paris en moins de deux heures !

Visiblement, M. Karoutchi est déjà en campagne électorale... (M. Roger Karoutchi proteste). Les rapports entre la région capitale et l'État ont toujours été délicats, que le gouvernement soit de droite ou de gauche. La compétence transport a été transférée seulement en 2006, contre 2001 ailleurs. Il a fallu faire un état des lieux, le CFL s'en est mêlé, notre ancien collègue Fourcade a mené de longs travaux d'investigation. L'État ne met pas un euro ? Plus d?un milliard est prévu dans le contrat de plan 2015-2020 pour la modernisation du réseau...

Pour conclure, je dis comme M. Mézard : avançons !

Mme Laurence Cohen.  - Je note vos contradictions. Vous faites fi des efforts du Stif pour améliorer le réseau. Quel mépris des élus ! Lorsqu'on monte des projets sans concertation avec les acteurs, on ne peut commettre que des impairs.

On sort 1,9 milliard du chapeau quand on demande sans cesse des économies aux écoles, aux hôpitaux au prétexte que les budgets sont contraints.

On nous demande de signer un chèque en blanc en ignorant quels seront les liens établis entre le CDG Express avec le réseau existant. On fait fi de la démocratie, de la concertation et des problèmes quotidiens de transport en Île-de-France. M. Capo-Canellas n'est pas le seul à connaître la galère dans le RER. Arrêtons d'opposer les gens, M. Dominati a raison.

M. Bruno Sido.  - Voici l'axe Dominati-Cohen ! C'est UM-PC...

Mme Laurence Cohen.  - Oui, il arrive que nous nous rejoignions et je ne vois pas pourquoi je ne le dirais pas. Je ne passe pas mon temps à opposer les gens, moi ! Le CRC maintient son opposition à cet article, sur la forme comme sur le fond.

M. Philippe Dominati.  - Je n'ai pas eu de réponses à mes questions. La méthode choisie est hasardeuse. Que tout le monde le sache : il n'y aura pas de liaison directe entre les deux grands aéroports parisiens. L'État ne mettra pas un sou, dites-vous. Cela signifie que SNCF Réseau, qui va si bien, et ADP financeront le projet ; dont acte.

Lors du projet de loi sur le Grand Paris, M. Pozzo di Borgo avait défendu un amendement, que j'avais soutenu, pour dire à l'État qu'il fallait une liaison directe Roissy-Paris-Orly.

Le gouvernement ne s'est pas engagé à ne pas inventer une taxe qui pèsera sur les entreprises et les Franciliens, comme il l'a fait pour le Grand Paris.

Bref, je ne crois pas à cette ordonnance et je m'abstiendrai sur cet amendement.

Les amendements identiques nos8 et 429 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°1037, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 2111-3 du code des transports est abrogé.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les sénateurs CRC ne sont pas les seuls à s'inquiéter de ce projet ; d'autres élus et les associations le font également. Comment ne pas voir que le CDG Express est destiné à relier des pôles d'affaires ? J'entends bien, les touristes emprunteront également la liaison. Mais, tout de même, le progrès ne vaut pas seulement pour quelques-uns.

Le procès fait à la SNCF est indécent, alors qu'on lui a imposé le cadre libéral européen. J'ai l'impression qu'on veut la mettre en berne. Nous, nous sommes pour la modernisation du réseau existant - et non pas, comme s'empresseront de le dire certains, hostiles à toute modernisation.

M. le président.  - Amendement n°1685, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.

Remplacer les mots :

Roissy-Charles-de-Gaulle

par les mots :

Paris-Charles-de-Gaulle

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Avis défavorable à l'amendement n°1037 qui va plus loin que l'amendement de suppression de l'article, puisqu'il supprime même l'article du code des transports qui sert de base à ce projet de loi de loi.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Nous faisons pleine confiance à ADP et SNCF Réseau. La preuve, nous avons reconduit leurs présidents ! Avis défavorable à l'amendement n°1037, favorable à l'amendement n°1685.

M. Patrick Abate.  - On nous demande un chèque en blanc : cet article 3 bis autorise le gouvernement à modifier un article du code des transports sans indiquer dans quel sens. Tout sera décidé par le gouvernement sans que nous en sachions rien, sans que les collectivités territoriales soient associées. Cette volonté centralisatrice est contraire à la loi NOTRe.

L'État décidera donc sans payer - cela est écrit clairement. Qui versera l'éventuelle compensation pour mission de service public ? Les collectivités territoriales, à qui on retire des crédits ? Encore une fois, tout cela est trop flou.

M. Roger Karoutchi.  - L'État ne mettra pas la main à la poche, ce débat est clos.

Quant à l'amendement n°1037, je ne le comprends pas. Ce n'est déjà plus le Stif qui réalise les infrastructures. L'entité réalisatrice, c'est désormais la Société du Grand Paris.

L'amendement n°1037 n'est pas adopté.

L'amendement n°1685 est adopté

M. Michel Le Scouarnec.  - Comme l'ont dit mes collègues, le projet de CDG Express est pharaonique : près de 2 milliards d'euros ! Le Breton que je suis peine à comprendre toute la subtilité des débats parisiens mais je vois bien pourquoi l'État doit d'abord investir dans l'amélioration de la ligne RER B, fréquentée par les classes modestes et moyennes. Beaucoup de travailleurs arrivent tôt sur leur lieu de travail, nettoient les bureaux, gardent les enfants. Ils doivent ensuite perdre deux heures entassés dans le train. Imaginez la galère ! Que veut la population ? Vous l'êtes-vous demandé ?

Les habitants de la Porte de la Chapelle veulent l'enfouissement de la ligne CDG Express, qui est menacé malgré le vote unanime du conseil d'arrondissement. Déjà, ils subissent de multiples nuisances routières. N'en rajoutons pas, ces quartiers populaires souffrent déjà.

Mme Catherine Procaccia.  - Les salariés de Roissy emprunteront aussi cette liaison, elle ne sera pas fréquentée par les seuls hommes d'affaires, qui, d'ailleurs, ne sont pas précisément des adeptes des transports en commun. (« Très bien » à droite)

M. Michel Bouvard.  - Je voterai cet article sans état d'âme. Une liaison rapide pour la première plateforme aéroportuaire continentale est indispensable. Nous avions besoin de SNCF Réseau pour la partie ferroviaire qu'ADP ne maîtrise pas.

Pas de subvention publique ? C'est l'occasion de candidater au plan Juncker, le dossier est prêt depuis des années ! Pour avoir fait partie de la dernière équipe à avoir réussi à faire attribuer des jeux Olympiques à la France, je peux vous dire que l'existence d'une telle liaison est indispensable au succès de Paris. On ne nous pardonnerait pas d'avoir procrastiné !

M. Roger Karoutchi.  - Encore « procrastiner » ? Qu'est-ce que ce vocabulaire dont la mode a été lancée par le ministre ?

M. Emmanuel Macron, ministre.  - C'est gramscien ! (Sourires)

M. Francis Delattre.  - C'est un vieux projet. Maintenant qu'il est en tête de gondole pour bénéficier du plan Juncker, il se précise. Une ordonnance ? Pourquoi pas si cela permet d'avancer. Foin de formalisme ! Représentant du nord de Paris, je soutiens ce projet.

Mme Nicole Bricq.  - On vote ! On vote !

M. Francis Delattre.  - Je peux m'exprimer ?

Sur ce point, je me sens en plein accord avec le ministre.

L'article 3 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°287, présenté par MM. Carle, L. Hervé et Pellevat.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Compte tenu du service rendu aux usagers, il peut être institué, à titre exceptionnel et temporaire, dans les mêmes conditions que pour un ouvrage d'art, une redevance pour l'usage de la route express nouvelle entre Machilly et le contournement de Thonon-les-Bains.

L'institution de cette redevance satisfait aux dispositions des articles L. 153-2 à L. 153-5 du code de la voirie routière.

M. Jean-Claude Carle.  - Cet amendement s'inscrit pleinement dans l'objet de ce projet de loi : la croissance et la relance de grands chantiers. Il s'agit de la route express reliant Machilly au contournement de Thonon-les-Bains.

L'État s'étant désengagé de ce projet, laissons les collectivités territoriales prendre, comme elles le souhaitent, la maîtrise d'ouvrage. Le département et les 52 communes concernées se sont engagés à financer ce projet mais nous souhaitons pouvoir instaurer un péage comme on l'a fait pour le contournement ouest de Lyon. (Applaudissements à droite)

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement, bien qu'il soit très local mais lié au regrettable abandon de l'écotaxe.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Le processus enclenché par la décision qu'a prise le département le 27 janvier 2014 suit son cours. Une nouvelle étape sera franchie en avril : le préfet lancera les consultations. Dès lors que la décision ministérielle est prise, l'amendement est satisfait et peut être retiré.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l'auras ».

Mme Éliane Giraud.  - Nous avons discuté de ce projet de contournement dans le contrat de plan État-région. La région Rhône-Alpes le porte aussi, chacun a fait un pas en avant. Je m'en réjouis.

M. Jean-Claude Carle.  - Je maintiens mon amendement.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Ceinture et bretelles !

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°287 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°126 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 198
Contre 136

Le Sénat a adopté et l'amendement n°287 devient un article additionnel.

L'article 3 ter demeure supprimé.

ARTICLE 3 QUATER A (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°1039 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai d'un an suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les conséquences pour les usagers du développement du transport par autocar en termes de sécurité, de confort et de fiabilité.

Mme Évelyne Didier.  - Il faut un rapport pour vérifier que la libéralisation des liaisons par autocar bénéficie bien aux voyageurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Avis défavorable : c'est une demande de rapport.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°1039 rectifié n'est pas adopté et l'article 3 quater A  demeure supprimé.

ARTICLE 3 QUATER B

Mme Évelyne Didier .  - J'interviens en lieu et place de M. Vergès, vous vous doutez que j'évoquerai La Réunion.

À quelques mois de la COP21, il faudrait développer le ferroviaire dans l'outre-mer. À La Réunion, le chemin de fer, construit à la fin du XIXe siècle, était une prouesse technique. Lors des Trente Glorieuses, les élus de droite l'ont jugé pas assez moderne et l'ont remplacé par une route rapide au pied des falaises bordant l'océan. On y brave la houle, les effondrements sont nombreux. Conséquence : la thrombose routière, la dépendance au pétrole...

Dans ce contexte, notre collègue Vergès a défendu un projet tram-train, soutenu par le candidat François Hollande et par Ségolène Royal... Malheureusement, la spécificité ultramarine n'a pas été prise en compte. La Réunion a besoin d'un concours de l'État d'autant qu'il n'y existe pas de TIPP.

M. Michel Vergoz .  - Je ne peux pas rester silencieux si l'on parle de La Réunion. Le projet tram-train est un serpent de mer. L'abandon du chemin de fer a constitué une erreur historique, c'est un fait. J'étais encore dans mon berceau.

M. Roger Karoutchi.  - Vraiment ?

M. Michel Vergoz.  - La Réunion est en coma circulatoire, cela est également vrai. En revanche, je ne laisserai pas dire que le projet tram-train a été abandonné par l'État. Relisez la décision du tribunal d'appel de Bordeaux de 2010 ou l'année suivante : il fallait 80 millions d'euros par an sur trente ans pour le réaliser. Dans ces conditions, comment a-t-on pu mettre ce projet sur les rails, si j'ose dire ?

M. le président.  - Amendement n°360 rectifié, présenté par MM. Vaspart, Commeinhes, Calvet et Charon, Mme Deseyne, M. Doligé, Mmes Deromedi et Duchêne et MM. Mouiller, Laménie, Pierre, Revet, de Nicolaÿ, César, Gremillet et Vasselle.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l'évolution de l'offre ferroviaire et sur les moyens de remédier à l'érosion du trafic, tant en matière d'investissement que de politique tarifaire, de taux de remplissage des liaisons, d'information du public et d'adaptation de l'offre de service public aux besoins des usagers.

M. Michel Vaspart.  - La commission spéciale a supprimé, à juste titre, les trop nombreuses demandes de rapport. Il nous en faut quand même un sur le développement des lignes autocar pour vérifier qu'elles sont complémentaires au train. C'est indispensable, sans quoi notre réseau se réduira encore. Nous n'avons déjà plus la « toile d'araignée » dont on parlait hier.

M. le président.  - Amendement identique n°1038 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Annie David.  - Nous voulons un rapport pour vérifier les actes. Hier, la SNCF annonçait vouloir diminuer les lignes intercités... (MmeLaurence Cohen et Éliane Assassi brandissent des cartes) à cause de la charge de sa dette. L'Allemagne, si souvent citée en exemple, a refinancé la dette de la Deutsche Bahn.

M. le président.  - Amendement n°1040, présenté par M. Vergès et les membres du groupe CRC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - L'article L. 1613  -  1 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« À compter de 2016, cette somme est majorée de 100 millions d'euros, destinés à l'exercice de la compétence d'autorité organisatrice de transport des régions d'outre-mer.

« Ce montant est révisé chaque année par référence à l'évolution de la formation brute de capital fixe du secteur marchand, prévu en annexe de la loi de finances de l'année. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Cécile Cukierman.  - Le code général des collectivités territoriales a confié aux régions la compétence ferroviaire, mais celles d'outre-mer n'ont pas bénéficié des concours financiers de l'État puisqu'il n'y avait pas d'infrastructures ferroviaires. En métropole, il faut le rappeler, le réseau a été financé par l'État. Dans les outre-mer, la voiture particulière prend de plus en plus de place. Quelque 25 000 véhicules sont importés chaque année à La Réunion venant engorger un réseau routier déjà saturé.

Si l'on ne met pas rapidement en place une alternative au tout automobile, les conséquences seront lourdes : augmentation du principal poste d'importation qu'est le carburant, augmentation des émissions de gaz à effet de serre, coma circulatoire.

Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos360 rectifié et 1038 rectifié, ce sont des demandes de rapport. L'amendement n°1040 soulève une vraie question ; en revanche, le débat sur la DGF doit avoir lieu en loi de finances. Je rappelle que cette dotation, ce que nous regrettons tous, diminuera de 11 milliards les trois prochaines années (On renchérit à droite)

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Inutile de revenir sur les apports de la loi ferroviaire entrée en vigueur le 1er janvier de cette année.

Cette loi institue un haut comité du système ferroviaire qui sera justement saisi des points que vous évoquez. Les amendements nos 360 et 1038 rectifié sont donc satisfaits. Rien dans l'amendement n°1040 n'indique que le surplus de DGF réclamé servira à la réalisation d'infrastructures ferroviaires. La refonte de la DGF a été opérée alors que La Réunion n'avait pas de système ferroviaire. Il n'y a pas eu non plus de transfert de compétences depuis. Cette approche n'est pas la bonne. Les accords de Matignon II de 2010 ont prévu de nouveaux projets - une nouvelle route du littoral et le développement d'un réseau régional public de transports en commun - que le gouvernement soutiendra. Il existe trois projets de bus à haut niveau de service à La Réunion. L'État tiendra ses engagements. Avis défavorable à l'amendement n°1040.

M. Charles Revet.  - Je ne parlerai pas du tram-train, même s'il aurait été judicieux de l'évoquer... Nos rapporteurs ont fait un excellent travail, ainsi que le président de la commission spéciale...

M. Roger Karoutchi.  - Prenez le compliment, on ne connaît jamais la suite !

M. Charles Revet.  - Mais certains rapports sont utiles. Pourquoi ai-je cosigné l'amendement Vaspart ? La dégradation avérée de notre système ferroviaire n'est pas normale, alors qu'il accompagnerait parfaitement notre économie. Ce réseau qui avait tant d'atouts perd des parts de marché au profit d'autres modes de transport. Nous devons comprendre pourquoi.

M. Joël Guerriau.  - Le groupe UDI-UC suivra la position de la commission spéciale. La population de La Réunion passera de 850 000 habitants à un million, dans les quinze prochaines années, ce qui risque d'aggraver l'engorgement routier. Le problème est général à l'outre-mer, où l'on immatricule plus de véhicules que ces territoires peuvent en absorber. Néanmoins, il est faux de prétendre que La Réunion manque de recettes pour développer le ferroviaire. Il y a d'autres moyens que l'impôt pour agir : l'octroi de mer a rapporté 398 millions d'euros l'an dernier.

Mme Christine Prunaud.  - Notre groupe partage le souhait de M. Vaspart de repenser le rôle du ferroviaire dans notre pays, même si notre analyse politique diffère.

En Bretagne, dans les Côtes-d'Armor en particulier, nous avons des associations actives de défense des voies ferrées.

Notre région souffre d'une relative faiblesse de la production industrielle, largement dédiée à la transformation des produits agricoles, au détriment d'un développement plus harmonieux, d'une palette plus étendue d'activités.

La crise avicole des dernières années, après celle du lait, a comme chacun le sait, mis en difficulté de nombreuses entreprises. Nous sommes attachés à la présence d'un fort service public du transport ferroviaire, pour les personnes comme pour les biens et marchandises, dans l'ensemble des régions du pays, fussent-elles excentrées.

C'est pourquoi nous sommes inquiets de la situation financière de la SNCF. La séparation de la SNCF et de RFF, il y a quelques années, après la réforme Fillon, a entraîné une dette importante, plus de 40 milliards d'euros.

Il nous faut veiller à l'équilibre financier de la SNCF, qui pâtit de ce fardeau.

Mme Annie David.  - Le rapport était prévu par la loi sur le ferroviaire, dites-vous. Nous l'attendons toujours... Quand paraîtra-t-il, au juste ?

M. Jean Desessard.  - Faut-il un rapport sur le rapport, en somme ?

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale.  - Nous avons examiné vingt amendements. Il en reste plus de 1 400... Sans doute pourrions-nous accélérer la discussion lorsque les interventions sont convergentes ?

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale.  - Ce n'est pas le moment de faire un bilan de la réforme ferroviaire, qui a suscité, ici même, de longs et riches débats.

M. le président.  - Je donne la parole à M. Vaspart qui a entendu l'appel du président de la commission spéciale.

M. Michel Vaspart.  - Je l'ai entendu... Et j'entends depuis deux jours ! Je retire l'amendement n°360 rectifié tout en soulignant le problème crucial de la perte des voies ferrées en Bretagne, où nous avons un très dense réseau secondaire, et ailleurs. J'étais au ministère des transports hier. Les clefs de répartition ont changé. La part de financement des collectivités territoriales passe de 8 % à 25 %. Comment ferons-nous avec la baisse programmée des dotations de l'État, de 11 milliards d'euros au total, alors que le montant de certains projets avoisine 25 millions d'euros ?

Les amendements nos360 rectifié et 1038 rectifié sont retirés.

L'amendement n°1040 n'est pas adopté.

M. Emmanuel Macron, ministre.  - La loi sur le système ferroviaire est entrée en vigueur le 1er janvier. Le haut comité, qui comprend toutes les parties prenantes, dont des parlementaires, est en cours de formation. Dès qu'il sera constitué, il sera saisi par le gouvernement du rapport que vous proposez avant l'été.

L'article 3 quater B demeure supprimé, ainsi que l'article 3 quater.

La séance est suspendue à 12 h 50.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.