Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Décision du Conseil constitutionnel
Questions prioritaires de constitutionnalité
Engagement de la procédure accélérée
Domiciliation des Français de l'étranger
M. Bernard Fournier, en remplacement de M. Robert del Picchia
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Maison de la justice et du droit d'Elbeuf
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité
Téléphonie mobile et zones blanches
Soutien aux bureaux de tabac de proximité
Avenir de la filière cidricole
M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
Interprètes afghans de l'armée française
Situation des accompagnants des élèves en situation de handicap
Formation de moniteurs de pêche
Ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon
Premiers secours (Deuxième lecture)
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État
Accueil et protection de l'enfance
Mme Colette Giudicelli, auteur de la proposition de loi
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État
Débat préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars 2015
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
M. Harlem Désir, secrétaire d'État
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
Ordre du jour du mercredi 11 mars 2015
SÉANCE
du mardi 10 mars 2015
72e séance de la session ordinaire 2014-2015
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
Secrétaire : M. Serge Larcher.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 5 mars 2015, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 6 mars 2015, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur, d'une part, la possibilité de verser une partie de l'astreinte prononcée par le juge administratif au budget de l'État et, d'autre part, la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés - seuil d'assujettissement.
Engagement de la procédure accélérée
M. le président. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de la proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales, déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 4 mars 2015.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.
Domiciliation des Français de l'étranger
M. Bernard Fournier, en remplacement de M. Robert del Picchia . - Je remplace M. del Picchia en mission au Maroc avec Laurent Fabius. La législation oblige, avec l'article R. 431-8 du code de justice administrative, les Français de l'étranger non représentés à élire domicile en Seine-Saint-Denis pour tout recours juridictionnel concernant leurs impôts devant le tribunal de Montreuil.
Or nos compatriotes n'ont, pour la plupart, pas les moyens de prendre un avocat et ne connaissent personne pour tenir lieu de mandataire auprès du tribunal administratif de Montreuil. Élire domicile en Seine-Saint-Denis se révèle presque impossible car, premièrement, les entreprises de ce département n'ont pas d'agrément pour faire de la domiciliation de particuliers ; deuxièmement, les associations qui font de la domiciliation pour les particuliers ne s'occupent pas des personnes sans domicile fixe résidant en France ; troisièmement, rares sont les Français de l'étranger qui connaissent un particulier dans ce département, à qui ils puissent demander un tel service, et qui accepte de le rendre.
Ne pouvant satisfaire à l'obligation imposée par l'article R. 431-8, nos compatriotes voient automatiquement leurs requêtes déclarées irrecevables. De fait, ils sont privés de toute possibilité d'ester en justice.
Dans votre réponse du 18 février 2014 à la question écrite n° 37 498 vous déclariez que : « l'obligation imposée par l'article R. 431-8 que l'élection de domicile se fasse nécessairement dans le ressort du tribunal administratif peut apparaître inutile et trop lourde pour les parties. Aussi le gouvernement étudie-t-il la possibilité de supprimer cette obligation ».
La question est d'autant plus d'actualité que les requêtes se multiplient depuis la décision de la Cour de justice de l'Union européenne déclarant contraires à la réglementation européenne les prélèvements sociaux sur les revenus mobiliers détenus en France par des Français de l'étranger.
Quand sera supprimée l'obligation ? La décision de la CJUE rend d'autant plus urgente cette suppression.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Votre question importante touche à l'accès au droit. Si nous reconnaissons des droits, il faut permettre leur effectivité, sans que la procédure y porte atteinte. L'article R. 431-8 n'a pas pour but de faire obstacle à l'accès à la justice mais de faciliter sa bonne administration, en prévoyant la représentation des justiciables qui peuvent élire domicile dans la juridiction administrative compétente, aussi bien chez un parent, un proche ou chez une personne morale comme une association. Je continue à penser que cette procédure peut être allégée.
Un décret en Conseil d'État est en cours d'examen. Il y a des délais car plusieurs procédures sont à modifier parallèlement.
M. Bernard Fournier. - Merci. Je regrette que les délais soient si longs mais je prends note qu'un décret est en préparation, qui, j'espère, sera bientôt publié.
Maison de la justice et du droit d'Elbeuf
M. Didier Marie . - Il est nécessaire de renforcer la présence de greffiers au sein de la maison de la justice et du droit d'Elbeuf.
Fréquentée par plus de 7 000 personnes, pour la plupart issues des zones d'intervention de la politique de la ville, la maison de la justice et du droit d'Elbeuf ne dispose pas du personnel nécessaire pour assumer le flux croissant des demandes.
Cette structure d'accueil et d'information centrale a été une des premières créées en France. Elle vise à offrir un égal accès à la justice des habitants, particulièrement ceux des quartiers en difficulté qui sont éloignés des juridictions de Rouen ou d'Évreux. Pour les mesures alternatives aux poursuites, elle joue un rôle essentiel. Je sais l'engagement bénévole des avocats, notaires et huissiers, ainsi que le travail des associations et des services judiciaires.
De 2006 à 2011, le public bénéficiait de la présence d'une greffière du lundi au vendredi midi. En septembre 2011, une greffière a été affectée à la maison de la justice et du droit un jour entier par semaine. Depuis octobre 2014, elle intervient trois jours par semaine mais elle ne peut répondre à toutes les sollicitations. C'est pourquoi nous souhaitons un poste de greffier à temps plein.
Je connais votre attachement à l'accès au droit et à la politique de la ville.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je connais aussi votre attachement à la proximité de la justice dans tous les quartiers. Les maisons de la justice et du droit, créées en 1998, jouent un rôle essentiel. Elles ont été quelque peu délaissées ces dernières années. Nous améliorons la situation peu à peu : six nouvelles maisons de la justice et du droit seront installées cette année. Trop souvent, on s'est appuyé sur les collectivités territoriales et du personnel vacataire alors que les greffiers assurent l'effectivité du droit. Il reste des progrès à faire à Elbeuf, même si j'ai porté à trois jours la présence du greffier. Sur le plan national, pour 137 maisons de la justice et du droit, il y a 109 greffiers dont seulement 79 à temps plein.
Je vous transmettrai, ainsi qu'à M. Bachelay, qui m'a interrogée comme vous à ce sujet, des informations sur les postes vacants remplacés par la commission paritaire, concernant le tribunal de grande instance de Rouen. Ne voulant pas abuser de mon temps de parole, je vous répondrai par écrit.
M. Didier Marie. - Merci. J'espère que le poste de greffier à temps plein sera affecté à Elbeuf !
Tribunal de Valence
M. Gilbert Bouchet . - Ma question porte sur la situation critique du tribunal de Valence dans la Drôme : il n'est plus en mesure de faire face au traitement des contentieux qui lui sont soumis.
La charge de travail des magistrats est de 1 033 affaires, soit 33 % de plus par rapport à la moyenne. Un des deux postes de juge d'application des peines n'est pas pourvu alors qu'entre en application la contrainte pénale. De plus, un établissement pénitentiaire de 466 places sera ouvert bientôt. Il manque aussi un juge pour enfants, en raison d'un congé parental.
Le nombre des affaires a augmenté de plus de 5 % en 2014 ; l'âge moyen du stock est de dix mois, la durée de traitement supérieure à deux mois.
Valence est pionnier pour l'expérimentation de la dématérialisation des procédures et la mise en place du futur réseau virtuel « Expert ». Les magistrats souhaitent disposer des moyens suffisants. Vous avez annoncé dernièrement le recrutement de 114 postes de magistrats en France. La juridiction de Valence en bénéficiera-t-elle?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Nous nous efforçons de réduire les charges qui pèsent sur les magistrats et de moderniser les procédures.
Nous menons une politique volontariste depuis notre arrivée. Pour combler les 1 400 départs à la retraite sur le quinquennat, il faut recruter plus de 300 magistrats par an, alors que seuls 144 ont été recrutés en 2010 - une moyenne sous la majorité précédente !
Nous avons procédé à 358 recrutements en 2013, 364 en 2014 et nous recruterons 480 magistrats en 2015 - une promotion exceptionnelle de 360 auditeurs de justice.
Malgré nos efforts, c'est seulement fin septembre, vu le temps de formation de trente et un mois des magistrats, que le solde de magistrats sera positif de 80 et que nous commencerons à combler les manques.
Le tribunal de grande instance de Valence, s'il pourrait connaître une situation meilleure, se situe dans la moyenne française : sur 35 magistrats localisés, manque un juge d'application des peines. Son rôle est central dans la réforme pénale, le poste sera pourvu lors de la prochaine affectation. Concernant les agents, 86 sont localisés, 84 sont en poste ; 2 postes de greffiers seront pourvus en septembre 2015.
Au tribunal d'instance, 3 postes d'adjoints administratifs sont vacants sur 15 agents, mais la commission administrative de juin 2014 a remplacé un agent qui a pris ses fonctions début mars. Comme pour les magistrats, nous verrons bientôt les effets de notre politique volontariste.
Enfin, un mot des congés maladie. En deçà de trois mois d'arrêt maladie, les informations ne remontent pas au ministère. C'est une difficulté. Il en va de même pour les arrêts maladie de longue durée. En deçà de trois ans, nous ne pouvons disposer du poste.
M. Gilbert Bouchet. - Votre réponse me laisse dubitatif, faute de précisions. Vous n'avez rien dit non plus sur les postes liés à la nouvelle prison.
PTZ et ruralité
M. Bernard Fournier . - L'ouverture du prêt à taux zéro (PTZ) pour l'achat de logements anciens à réhabiliter en milieu rural, prévue par la loi de finances pour 2015, est destinée à relancer l'activité par des travaux de réhabilitation et à préserver l'attractivité des territoires ruraux, en favorisant la revitalisation des centres-bourgs. Le renforcement du PTZ doit favoriser l'accession à la propriété, l'une des clés du succès pour la relance de l'activité économique dans le secteur du bâtiment. Le PTZ devient également l'outil privilégié pour favoriser l'accession sociale à la propriété. Dans le montage d'un prêt, le PTZ apporte une meilleure solvabilité aux ménages.
Environ 6 000 communes ont été sélectionnées pour leur caractère rural, leur niveau de services et d'équipements existants et leur potentiel de logements à réhabiliter pouvant être remis sur le marché. C'est, malheureusement, une proportion très faible des communes rurales : environ soixante par département. Dans la Loire, moins d'un tiers des communes rurales sont concernées. Beaucoup d'élus ne comprennent pas le critère de niveau de services et d'équipements existants. Aussi le choix des communes bénéficiant de ce PTZ reste-t-il très obscur, presque discriminant. Il est urgent de préciser les critères.
La délivrance de permis de construire dans les territoires ruraux étant largement encadrée et limitée, il est aussi nécessaire d'étendre le champ d'action du PTZ à toutes les communes rurales. L'objectif ne serait plus uniquement de relancer la construction mais de revitaliser toutes les communes rurales par la rénovation de logements anciens. Les communes rurales sont frappées par la baisse des dotations. En outre, elles seront mises en commun entre elles pour l'aménagement de leurs centres-bourgs. Les communes rurales méritent mieux.
Quelles sont les intentions du gouvernement ?
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité . - La loi de finances 2015 a étendu le PTZ aux logements anciens à réhabiliter. Cette mesure s'inscrit dans notre plan de relance de la construction et vise à aider les communes à rénover leurs centres. Il concerne les communes rurales disposant d'un potentiel de logements à rénover important et d'un certain nombre d'équipements, publics ou privés, défini par l'Insee. Nulle discrimination en la matière !
Une évaluation transparente sera menée avant d'envisager toute extension. Comme le dispositif est récent, nous manquons de recul. Les premiers PTZ ont permis de soutenir l'activité des artisans locaux.
Bientôt, en comité interministériel, nous présenterons de nouvelles mesures pour un aménagement du territoire équilibré et participant à leur développement économique. C'est le sens de l'appel à candidatures que nous avons lancé. Soyez convaincu que ma détermination en faveur de la ruralité est totale.
M. Bernard Fournier. - Merci pour cette réponse assez précise. Je comprends qu'il faille procéder à une évaluation avant d'envisager une nouvelle phase d'extension du PTZ.
Téléphonie mobile et zones blanches
M. Daniel Laurent . - La qualité de réception des réseaux de téléphonie mobile dans de nombreuses communes rurales est mauvaise, alors que ces dernières ne sont pas considérées en « zone blanche ». La définition réglementaire de la couverture de téléphonie mobile s'entend comme la possibilité de passer un appel téléphonique et de le maintenir durant une minute, à l'extérieur des bâtiments et en usage piéton. De même, n'est pas considérée comme « zone blanche » une commune où, devant la mairie, une liaison est possible avec un opérateur. Or, dans la pratique, il en va tout autrement. Les exemples ne manquent pas. Ainsi un plan départemental de sécurité prévoit que les élus soient informés mais ils sont injoignables sur leur portable, faute de réseau.
Je salue d'ailleurs l'excellent travail de Claude Belot, qui avait publié en 2005 son rapport sur le haut débit. La Charente-Maritime a fait le choix du très haut débit en fibre optique. Mais toutes les communes ne seront pas logées à la même enseigne, certaines seront équipées en 2016 d'autres en 2030 seulement !
Vous annoncerez demain une concertation entre les opérateurs et les collectivités territoriales pour un nouveau plan de couverture numérique.
Quels en seront le calendrier et les objectifs ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Je vous prie d'excuser Mme Lemaire, retenue ce matin.
Avec le plan France Très Haut Débit, le gouvernement a voulu engager le plus rapidement possible, le chantier structurant du numérique. Mais il faut aussi répondre aux besoins du moment en améliorant les réseaux existants et en assurant leur fiabilité.
Nous voulons résorber les zones blanches et couvrir les 170 communes sans couverture mobile. Ainsi les sept communes de Charente-Maritime en zone blanche ont été couvertes. Il faut aussi aller au-delà des centres-bourgs que visait le programme précédent. Enfin, les territoires ruraux doivent avoir accès à la 3G. Le programme qui devait permettre à 3 900 communes d'être couvertes fin 2013 n'a pas été atteint. Le gouvernement proposera un nouveau programme pour y remédier. Il n'hésitera pas à étendre par la loi les obligations des opérateurs et veillera, ce qui n'a pas toujours été le cas, au bon respect d'un cahier des charges qu'ils ont eux-mêmes accepté.
Votre question, au-delà de la Charente-Maritime, concerne tous les territoires, surtout ruraux. Le gouvernement s'engage, vous le voyez, à y répondre.
M. Daniel Laurent. - Les zones blanches existent toujours.... Je suis ravi si l'on contraint les opérateurs à tenir leurs engagements. Il est indispensable pour la ruralité que tous les territoires soient maillés de la même façon.
Soutien aux bureaux de tabac de proximité
M. Jean-Paul Fournier . - Les 26 000 débitants de tabac sont en difficulté. En 2013, chaque jour, plus de deux bureaux de tabac mettaient la clé sous la porte. En 2014, la cadence s'est accélérée avec un rythme de trois fermetures quotidiennes. Si rien n'est fait pour ce secteur d'activité, qui emploie plus de 120 000 personnes, c'est à un véritable sinistre que nous allons assister : un sinistre pour la profession, dont l'activité est souvent une histoire de famille ; un sinistre pour l'emploi, puisque les fermetures vont s'accompagner d'un grand nombre de licenciements ; un sinistre surtout pour la France, tant les bureaux de tabac sont des vecteurs de lien social dans les zones rurales et les quartiers urbains, notamment ceux les plus sensibles de notre territoire. En effet, plus que de simples revendeurs de tabac, les buralistes animent des lieux de vie appréciés par nos compatriotes. Ils varient leurs offres commerciales en proposant de la presse, des jeux à gratter, des services postaux, des timbres fiscaux, un relais colis, des friandises, tout en affinant continuellement leur rôle d'accueil et d'écoute auprès de la clientèle. À l'instar d'une boulangerie, d'une pharmacie ou d'une boucherie, les bureaux de tabac sont des éléments importants du tissu social d'un village ou d'un quartier.
Les raisons de l'accélération de la fermeture de ces commerces de proximité sont multiples. Si l'on peut se réjouir, dans un souci de santé publique, de la baisse du nombre de fumeurs et de leur consommation de tabac, la fragilisation de l'activité des bureaux de tabac est aussi due à de nombreuses mesures prises par le gouvernement, mais aussi par un manque de coordination avec nos partenaires européens. La décision de ne pas appliquer la hausse automatique du prix du tabac au 1er janvier a été un véritable soulagement pour la profession. Mais l'accalmie a été de courte durée.
Les motifs d'inquiétude sont nombreux avec la mise en place du paquet neutre, les prochaines hausses du prix, le renforcement de la contrebande et du marché parallèle ou l'absence d'harmonisation des taxes au niveau européen, sans parler des charges toujours plus lourdes qui pèsent sur les buralistes.
Aujourd'hui, pour les bureaux de tabac, l'heure est grave. La force des actions réalisées en novembre et en décembre 2014 démontre le désarroi de la profession. Sans une action coordonnée sur ce sujet, ce sont non seulement des entreprises commerciales qui vont fermer, mais aussi un peu de l'identité de notre pays qui va disparaître.
Quelles mesures le gouvernement prendra-t-il pour freiner, sur le long terme, la fermeture des bureaux de tabac et ainsi préserver ces commerces inhérents à une certaine qualité de vie à la française ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - L'action sur le prix du tabac par la fiscalité sur le paquet de cigarettes est un moyen de réduire le tabagisme. Toutefois, les écarts de prix par rapport à nos voisins favorisent les achats transfrontaliers et les modes d'approvisionnement alternatifs. Le gouvernement cherche une harmonisation fiscale avec ses partenaires. Au plan national, depuis la loi de finances pour 2014, c'est le Parlement qui fixe le niveau de charge fiscale, au lieu d'une règle de calcul complexe. En 2015, cette charge a été fixée au même niveau qu'en 2014. Je le souligne car on a entendu parler de cadeau fiscal et de pertes de recettes pour l'État. Vous annoncez des hausses à venir, mais c'est le Parlement qui décidera ! Nous sommes mobilisés pour lutter contre le marché parallèle. En 2013, 430 tonnes de tabac ont été saisies - un record ! Les chiffres de 2014 qui seront connus dans quelques jours seront du même ordre de grandeur. Pour renforcer l'action des douanes, j'ai pris une circulaire le 5 septembre 2014 réduisant de dix à quatre le nombre de cartouches achetées à l'étranger à partir desquelles l'acheteur doit justifier qu'il s'agit de sa consommation personnelle. L'achat sur internet est interdit depuis la dernière loi de finances et l'interdiction est assortie de sanctions dissuasives. C'est ce que souhaitent les buralistes que je rencontre très souvent, y compris dans des situations conflictuelles...
Nous sommes attentifs au réseau des buralistes. Nous avons mis en place à leur intention un contrat d'avenir, doté de 85 millions en 2014, et nous avons amélioré leurs conditions de rémunération.
Enfin, les buralistes ont su diversifier leur activité, avec les services de paiement, entre autres. Le gouvernement souhaite que la Française des Jeux continue de faire des buralistes son réseau privilégié de distribution. Je l'ai rappelé à la nouvelle présidente de la Française des Jeux.
M. Jean-Paul Fournier. - Les bureaux de tabac restent défavorisés par rapport à nos voisins. La généralisation du paquet neutre les mettra une fois de plus en difficulté.
Avenir de la filière cidricole
M. Yannick Botrel . - Ma question porte sur la situation actuelle de la filière de la pomme à cidre et sur le cadre légal qui l'entoure.
Dans cette perspective, cette filière tente de se structurer et deux organisations de producteurs ont été à ce jour reconnues.
Dans le cadre de l'organisation commune des marchés pour la filière des fruits et légumes, la filière bénéficie d'un accompagnement financier qui a largement contribué à améliorer ses performances par la mécanisation, le renouvellement du verger, la promotion des marques ou encore le développement de méthodes alternatives à l'utilisation de produits phytosanitaires.
Si ces avancées sont indéniables et sont unanimement saluées par les acteurs de la filière, beaucoup reste à faire pour la consolider et continuer à la dynamiser.
En effet, le cadre légal, notamment communautaire, ne permet pas une prise en compte du cidre comme un produit issu de la transformation des fruits et légumes, ce qui pénalise largement le développement de la filière. Cette situation semble dommageable, notamment dans un contexte économique difficile pour nos agriculteurs dans lequel la diversification des activités pourrait constituer une source de stabilisation des revenus de nos agriculteurs.
Quels moyens pourraient être mis en oeuvre pour contourner ces difficultés et épauler une filière dynamique génératrice de richesses et d'emplois dans nos territoires ?
M. Jean-Claude Gaudin, vice-président . - Je profite de la présence du ministre porte-parole du gouvernement pour dire que notre Haute Assemblée présente aux familles des victimes d'un terrible accident qui a coûté la vie à plusieurs sportifs, cette nuit, ses condoléances attristées.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Je m'associe, monsieur le président, à l'hommage du Sénat aux sportifs et à nos autres compatriotes décédés dans un accident.
La filière de la pomme à cidre a fait de nombreux efforts en faveur du cidre. Le cidre et le poiré ont été reconnus dans la loi d'avenir comme composantes de notre patrimoine.
Un arrêt du tribunal européen a mis en cause le financement par l'Organisation commune de marché (OCM) Fruits et légumes. La Commission européenne et la France sont d'accord, mais nous devons attendre la décision définitive de la Cour de justice.
Vu le lien entre les pommes et le cidre, cette boisson nous paraît bénéficier légitimement de l'OCM. En attendant les produits cidricoles peuvent bénéficier, avant transformation, de l'OCM pour les premiers investissements.
Les producteurs peuvent aussi mobiliser les financements du Feader au titre des industries agroalimentaires. Je rencontrerai le 2 avril les représentants de cette filière.
M. Yannick Botrel. - Merci pour cette réponse complète. Je constate votre expertise sur le sujet et votre connaissance des évolutions de la filière. Cette réponse est encourageante. J'aimerais savoir qui est à l'origine du recours.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Après vérification, c'est la conserverie qui a déposé le recours.
Interprètes afghans de l'armée française
M. Alain Marc . - Les quelque 700 interprètes afghans, qui ont travaillé pour l'armée française durant les douze ans de conflit en Afghanistan, sont menacés de mort par les talibans.
Ils ont participé indirectement à la traque de leurs militants et à des enquêtes sur des attentats ou encore aidé à former les militaires afghans. Ils sont considérés comme des traîtres par la population. La plupart d'entre eux n'ont donc qu'un désir : partir.
Ils ne trouvent pas d'emploi, du fait de leur collaboration avec les forces de coalition.
Alors que la situation en Afghanistan est toujours des plus instables, on peut s'interroger sur l'avenir de ces professionnels.
Environ 70 visas auraient été accordés, alors que nos alliés britanniques ont accueilli la totalité de leurs interprètes, soit plus de 600 personnes.
Que fera le gouvernement pour protéger les Afghans ayant couru des risques pour soutenir l'intervention des soldats français ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre de la défense. En 2012, plus de 260 personnels recrutés localement travaillaient pour l'armée française, depuis la cuisine jusqu'à l'interprétariat. Conformément au voeu du président de la République, notre armée s'est retirée progressivement. À chacun de ces agents a été proposée une prime de licenciement avantageuse, à certains, une indemnité forfaitaire de mobilité en Afghanistan, ou l'accueil en France. Une commission mixte présidée par notre ambassadeur à Kaboul a sélectionné les dossiers qui ont été validés par le cabinet du Premier ministre : 73 personnes, soit au total 180 personnes avec les familles, se sont vu attribuer une carte de résident de dix ans renouvelable. Ce statut juridique ouvre le droit à la libre circulation, y compris dans leur pays d'origine, aux aides et allocations. Cela garantit leur insertion dans la durée. Voilà la mesure d'humanité qu'a prise le gouvernement, elle est à la hauteur de l'engagement de ces personnes pour la France.
M. Alain Marc. - Pardonnez-moi mais quelle a été la procédure de sélection ? Seulement 70 personnes retenues contre 600 au Royaume-Uni... Je me fais du souci pour les agents restés en Afghanistan.
Antenne consulaire à Auckland
Mme Hélène Conway-Mouret . - Je me suis rendue en novembre 2014 en Nouvelle-Zélande. Malgré les vingt-quatre heures de vol, ce pays attire beaucoup nos compatriotes.
Au 1er décembre 2014, le nombre de Français y était de 4 430. Les services diplomatiques sur place estiment à 3 000 le nombre de Français non inscrits auxquels il est nécessaire d'ajouter 7 000 visas par an, ainsi que 50 000 touristes.
Le nombre d'inscrits est de 1 187 à Auckland, contre 803 à Wellington. La capitale économique a enregistré une hausse de 14 % d'inscrits par rapport à décembre 2013.
Ne serait-il pas possible de déployer une antenne consulaire à Auckland ? Elle est nécessaire pour nos compatriotes et pour les étrangers qui veulent venir en France ou visiter la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie. Cela créerait des recettes par la distribution des visas alors que nous croyons faire des économies en nous privant d'un poste à Auckland.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Notre ambassade de Wellington remplit toutes ses missions avec quatre consuls honoraires. Le consul honoraire d'Auckland délivre 400 passeports par an avec la valise Itinera. L'ouverture d'une antenne imposerait de doubler nos effectifs pour deux demandes de passeport par jour. Cela n'est pas justifié d'autant que les efforts de modernisation et de dématérialisation se poursuivent. La double comparution pour obtenir un passeport ne sera plus de mise.
Cependant, notre antenne de Wellington se saisira de la question de l'externalisation des visas et transmettra, après étude, ses conclusions.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je parlais bien de redéploiement, et non de création de postes. Mieux vaudrait que notre administration soit localisée où se passent les choses, dans la capitale économique. Une antenne à Auckland boosterait le tourisme, des populations asiatiques en particulier.
Situation des accompagnants des élèves en situation de handicap
Mme Nicole Bricq . - Dans mon département de Seine-et-Marne, j'ai été interpellée sur la situation des auxiliaires de vie scolaire (AVS), particulièrement de ceux qui accompagnent les élèves en situation de handicap : avec des contrats à durée déterminée ou des contrats uniques d'insertion et des revenus modestes, ils ont un statut précaire qui rejaillit sur l'accompagnement des enfants handicapés : 28 000 AVS sont concernés.
Devant ces difficultés, en août 2013, le Premier ministre avait annoncé une reconnaissance de ce métier. Ainsi, les assistants d'éducation qui exercent ces missions d'accompagnement des élèves en situation de handicap se verraient proposer un contrat à durée indéterminée au terme de leurs six ans d'exercice en contrat à durée déterminée. Le décret du 27 juin 2014 en est la traduction règlementaire.
Toutefois, si j'en crois les remontées du terrain, le passage vers un contrat stable se révèle difficile. En effet, une partie des employés de vie scolaire sont recrutés sur la base d'un Contrat unique d'insertion (CUI) et sont soumis, pour le renouvellement de leur contrat, aux conditions d'éligibilité évaluées par Pôle emploi. Ainsi n'entrent-ils pas dans le dispositif impulsé par le gouvernement.
Comment renforcer et simplifier le processus de professionnalisation des accompagnants des élèves en situation de handicap ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme la ministre de l'Éducation.
En décembre 2014, lors de la Conférence nationale du handicap, elle a rappelé son attachement à l'inclusion scolaire des enfants handicapés, principe posé dans la loi du 8 juillet 2013. Quelque 41 000 postes d'accompagnants ont été ainsi créés à la rentrée 2014 pour 260 000 élèves. Le gouvernement a souhaité revaloriser cette fonction essentielle.
En Seine-et-Marne, 309 accompagnants sont en poste ; parmi eux, la totalité de ceux ayant cumulé six ans en CDD ont obtenu un contrat à durée indéterminée en 2014 ; ils sont 72.
En outre, comme la dotation de rentrée a été intégralement consommée, il était légitime de recruter des AESH dans le cadre des contrats aidés, dont le régime est différent.
Le gouvernement continue de s'engager en faveur de la professionnalisation des AESH, il tiendra le plus grand compte des remontées de terrain pour parachever les mesures annoncées.
Mme Nicole Bricq. - Le ministre sait, comme ancien parlementaire, qu'il y a toujours un délai entre les annonces et l'application des mesures. Cela crée des attentes et des frustrations... Au vu des chiffres cités, il y a encore un delta à combler.
Espionnage économique
Mme Catherine Procaccia . - Une annexe de l'ambassade de la République populaire de Chine à Chevilly-Larue, dans le Val-de-Marne, aurait accueilli des activités illégales d'espionnage contre les intérêts économiques français.
Pour la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l'Île-de-France est la région la plus visée par ce type d'attaques ; elle en concentre près de 20 % et 144 cas d'ingérence y ont été mis au jour en 2013. Quel est le nombre d'attaques sur notre territoire et dans la région Île-de-France, plus particulièrement pour les années 2013 et 2014 ?
Les services de l'État dans le département du Val-de-Marne sont-ils suffisamment équipés pour déceler ce type d'espionnage et y faire face ? Est-il possible d'intervenir en cas d'urgence pour démanteler ou brouiller les antennes ? Quelles sanctions sont envisageables ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'Intérieur.
À ce jour, la destination exacte du centre de Chevilly-Larue n'est pas connue. Rien ne permet d'y voir un centre d'écoutes. Si cela était prouvé, le panel de sanctions serait pour le moins réduit : les locaux diplomatiques sont couverts par la Convention de Vienne du 18 avril 1961. Aucun élément ne permet aujourd'hui d'établir que le centre a participé à des opérations de captation de données à caractère économique.
L'Île-de-France, première région économique du pays, a concentré plus de 20 % des attaques en 2014, une progression peut-être liée à des raisons conjoncturelles. Une délégation interministérielle à l'intelligence économique a été créée. La DGSI est un acteur central de notre politique d'intelligence économique. Le déploiement de ses moyens sur l'ensemble des départements franciliens vise à prévenir toute intrusion.
Mme Catherine Procaccia. - Si de nombreux articles de presse ont signalé ce centre comme un centre d'espionnage, ce n'est pas neutre... Les locaux sont équipés d'une antenne de plus de cinq mètres de haut sans que la mairie en ait été informée, c'est tout de même gênant. Que dire aussi de l'espionnage par la NSA de Gemalto, l'entreprise qui fabrique des puces pour les passeports ?
Les cas d'espionnage existent, et nous ne faisons rien ! Ne sont-ils pas aussi une violation de la Convention de Vienne qui, en l'espèce, nous lie pieds et poings ?
Situation des maternités
Mme Corinne Imbert . - Ma question complètera notre débat de la semaine dernière sur les maternités en France.
Depuis 1998, deux décrets ont défini le maintien ou non d'une unité de maternité par rapport au nombre d'accouchements annuel. Si ce dernier est supérieur à 300, alors l'établissement reste ouvert. Par dérogation, certaines maternités ont la possibilité de rester ouvertes si elles n'atteignent pas le seuil, en raison notamment d'une distance suffisamment raisonnable entre le lieu de résidence des parents et la maternité. C'est le cas de treize établissements à ce jour.
La question du maintien des maternités devient plus délicate dès lors que l'établissement effectue un nombre d'accouchements légèrement supérieur au seuil. C'est le cas de l'unité située à Saint-Jean-d'Angély en Charente-Maritime, indirectement menacée de fermeture à court terme par la possible disparition de l'unité de chirurgie de nuit - un problème financier se poserait alors.
Malgré tout, la question essentielle de l'encadrement de la sécurité de la naissance est posée. La Cour des comptes a publié un rapport en décembre 2014 qui, s'il met en avant une couverture territoriale correcte, relève un mouvement national de restructuration inégalement traité et une réorganisation inaboutie. Autre difficulté, le manque de moyens des services de PMI, qui prennent de plus en plus souvent le relais pour les accouchements dits de niveau 1.
Avant que le projet de loi relatif à la santé ne vienne en discussion, le gouvernement peut-il envisager un moratoire des fermetures de maternités ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Lors du riche débat du 4 mars, la ministre Touraine a rappelé son attachement à une offre obstétricale de proximité qui satisfasse tant les critères de qualité que de sécurité. Pour les plus isolées, elle a créé une aide supplémentaire pour compenser les effets de la T2A. Chaque situation est étudiée au cas par cas par les ARS.
Je salue l'action des services de PMI, au côté desquels existe aujourd'hui un dispositif, géré par l'assurance maladie, d'accompagnement du retour à domicile ; les sages-femmes libérales sont sollicitées dans ce cadre.
Mme Corinne Imbert. - J'entends bien, mais le dispositif Prado n'est pas opérationnel sur tout le territoire. Les services de PMI seront de plus en plus sollicités si la durée de séjour en hôpital diminue. La question des maternités mobilise beaucoup les populations et les élus, vous le savez.
Centre de santé de Colombes
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Je suis signataire du pacte d'avenir pour les centres de santé lancé il y a un an.
La nouvelle majorité municipale de Colombes a commencé à démanteler le centre municipal de santé en supprimant les consultations des radiologues, dermatologues, rhumatologues, cardiologues, oto-rhino-laryngologistes et dentistes ; le centre de planning familial est aussi menacé.
Le centre prend en charge 6 000 patients, dont 4 000 Colombiens. La décision de la municipalité prive les habitants d'une offre de santé irremplaçable dans un territoire défavorisé et risque de conduire à l'engorgement des deux hôpitaux les plus proches, déjà touchés par les effets de la loi HPST - que le gouvernement n'a pas remis en cause.
Les négociations avec l'Uncam pour étudier avec les centres de santé de nouvelles sources de financement ont été interrompues ; il importe qu'elles reprennent. Mais le plus urgent est que le gouvernement intervienne auprès de la mairie de Colombes.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - En janvier 2013, la ministre Touraine a inauguré à Colombes le nouvel espace « santé jeunes ». Le centre de santé renforce l'accès aux soins des Colombiens, notamment les habitants du quartier du Petit-Colombes. Un partenariat s'est développé avec l'hôpital Louis-Mourier.
La décision de la nouvelle majorité est difficilement compréhensible : des personnes défavorisées n'auront plus accès aux spécialistes et la structure sera privée des ressources nécessaires à sa pérennité. Les CMS bénéficient d'une rémunération exceptionnelle au regard de la pluralité des praticiens qui y exercent.
La ministre a demandé à l'ARS de proposer une réunion de travail à l'équipe municipale. Elle est attentive, vous le voyez, à l'accès aux soins des habitants de Colombes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - L'argument financier avancé par la mairie ne tient pas : elle compte engager des généralistes pour des sommes équivalentes... Le débat se déroule dans la plus grande opacité, c'est inacceptable. Les CMS sont partie intégrante à l'offre de soins, mais leur mode de financement n'est plus tenable. L'État doit prendre ses responsabilités.
Formation de moniteurs de pêche
M. Yannick Vaugrenard . - Depuis quinze ans, les moniteurs de pêche suivent une formation d'un an. Cependant, depuis 2006, le flou prévaut en raison de la nécessité d'obtenir également le diplôme de la marine marchande « Capitaine 200 ». Ce diplôme est-il nécessaire aux éducateurs sportifs relevant du ministère des sports ? De plus, la Fédération française de pêche en mer offre la possibilité de passer le diplôme de « pêche de loisir » après quelques jours de formation seulement, alors que celle des moniteurs-guides de pêche en milieu maritime dure onze mois. Certains titulaires du diplôme « pêche de loisir » proposent les mêmes prestations que les guides-moniteurs de pêche. Cela crée une situation de concurrence particulièrement dommageable aux guides-moniteurs de pêche. Des réunions interministérielles avec les professionnels ont eu lieu il y a quelques semaines. Comment le gouvernement entend-il résoudre ces difficultés ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Les diplômes de moniteurs de pêche relèvent du ministère des sports. Pour la pêche de loisir en mer, il faut distinguer la formation à la pêche sportive jusqu'à un niveau de compétition, où la certification de guides-moniteurs de pêche est obligatoire, de la découverte de la pêche de loisir en mer.
Un travail interministériel est en cours pour clarifier les règles et alléger les procédures pour les professionnels qui pratiquent les deux activités, tout en évitant la concurrence déloyale.
M. Yannick Vaugrenard. - Le sujet est complexe. J'attends avec impatience les résultats du travail interministériel en cours qui, je l'espère, fera l'objet d'une circulaire afin de bien informer tous les professionnels.
Ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon
M. Jean-Jacques Lozach . - La ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon via Périgueux, Limoges, Guéret et Montluçon est classée « train d'équilibre du territoire » (TET). Cheminots, élus et usagers s'inquiètent de sa pérennité, en raison de l'insuffisance des investissements d'infrastructure pour moderniser ses nombreux kilomètres de voie unique.
Dès septembre 2005, les présidents de Réseau ferré de France et de la SNCF avaient remis les conclusions d'un audit sur l'état du réseau ferré national qui faisait état d'un « vieillissement du réseau au cours des vingt dernières années ». Un plan de régénération des infrastructures pour 2006-2010 avait été présenté ; en mai 2006, le ministre des transports avait annoncé le maintien des liaisons nationales et un plan d'action afin de moderniser, renouveler et sécuriser le réseau ferré. À la suite du Grenelle de l'environnement, l'effort engagé dans le cadre du plan de rénovation devait être renforcé ; il a été, notoirement et dramatiquement, insuffisant.
Au printemps 2008, le secrétaire d'État aux transports avait déclaré que la ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon via Limoges, Guéret et Montluçon, faisait l'objet d'aménagements inscrits aux contrats de projets État-région 2007-2013. Le ministre affirmait que cet axe ferroviaire très structurant était important pour l'aménagement du territoire.
Depuis décembre 2012, l'aller-retour quotidien entre Bordeaux et Lyon est interrompu en raison de travaux. Quand ces liaisons seront-elles rétablies ? Une rétrogradation en segmentations à vocation intra-régionale remettrait gravement en cause l'indispensable caractère national de cet axe. Pouvez-vous faire le point sur le financement de sa modernisation, ainsi que sur celui du matériel roulant ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Jusqu'en 2012, cette ligne TET assurait un aller-retour quotidien entre Bordeaux et Lyon. Depuis 2013, la desserte se limite à Limoges en raison d'indispensables travaux de pérennisation d'infrastructures : 50 kilomètres ont été rénovés, 30 tranchées rocheuses ont été sécurisées, 11 000 traverses ont été remplacées. Les travaux se poursuivent pour sécuriser les tunnels.
J'ai lancé en novembre 2014 une mission sur les TET et leur articulation avec les TGV et les TER. Présidée par M. Duron, elle remettra son rapport d'ici la fin mai ; ses conclusions seront présentées au Parlement. Je souhaite des décisions dès 2015, pour des changements visibles dès 2016.
M. Jean-Jacques Lozach. - Vous prendrez des décisions rapides, c'est bien. La population a grand besoin d'être rassurée, l'axe avait déjà été menacé en 2012. Il rejoint tout de même deux métropoles, quatre régions et représente la seule liaison transversale au nord du Massif central.
Sort du cargo Cosette
Mme Aline Archimbaud . - Alors que le cargo roulier Cosette devait se rendre en Haïti après le séisme, en janvier 2010, le navire a été bloqué à Fort-de-France, après une procédure intentée par deux créanciers américains du bateau. L'État, tout comme le grand port de Martinique, n'avaient alors eu d'autre choix que de garder le navire à quai, mais avaient cherché à faire récupérer le Cosette. En vain. En 2012, l'État a lancé une procédure de déchéance de propriété, obligatoire pour intervenir. Cette procédure n'a abouti que le 1er novembre 2014, à un moment où l'état de l'épave était devenu très inquiétant. Quelques jours plus tard, le préfet a pris la décision de faire couler le navire au large de la côte caraïbe, alors que le ministère annonçait, la veille encore, sa volonté de le convoyer jusqu'en métropole pour qu'il y soit déconstruit. L'expert maritime, mandaté par le grand port pour contrôler l'état de dépollution du navire, a affirmé qu'il n'y avait absolument plus rien de nocif sur le bateau.
Cependant, de nombreuses associations et des élus locaux s'inquiètent ; les marins-pêcheurs du Nord-Caraïbe, déjà très impactés par le drame du chlordécone, sont également très préoccupés et affirment que, là aussi, les conséquences négatives de cette décision pourraient apparaître à long terme.
Entendez-vous prescrire une enquête indépendante pour que la lumière soit faite sur le sujet ?
Pour éviter que ce genre de problème ne se répète, quelles décisions prendrez-vous pour développer les capacités de démantèlement en Martinique et en Guadeloupe et, plus généralement, de tous les véhicules et bâtiments hors d'usage ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Ségolène Royal. En 2010, un armateur peu scrupuleux s'est débarrassé du Cosette en Martinique. Les autorités françaises ont d'abord veillé à la subsistance de l'équipage. Une procédure de saisie-vente a été lancée mais a échoué. Diverses pistes ont ensuite été étudiées : la vente ; le démantèlement sur place, impossible ; un remorquage vers la métropole, que nous privilégiions, et une immersion au large. Cette solution de dernier recours, que nous avons dû prendre, ne saurait être généralisée. Le navire a été coulé à 2 700 mètres de profondeur, à 24 milles des côtes, après des procédures d'effarouchement des mammifères marins. Le Cosette ne transportait plus de déchets toxiques depuis 1988. Nous nous étions assurés de l'absence de produits polluants - carburant, huiles et batteries - et d'une cargaison à bord. L'expert indépendant mandaté par le grand port l'a certifié, son rapport est public.
Le gouvernement est, comme vous, soucieux de développer une filière de démantèlement aux Antilles françaises.
Mme Aline Archimbaud. - La création de cette filière dans ces territoires éloignés serait une bonne chose, tant pour la protection de l'environnement que pour l'emploi. Il faut anticiper, la question risque de se reposer.
M. le président. - Cette question m'a fait aussi penser au sort de la Calypso...
Refonte du code minier
M. Georges Patient . - En juillet 2012, le gouvernement avait lancé officiellement la réforme du code minier pour mettre le code en conformité avec l'ensemble des principes constitutionnels de la Charte de l'environnement. Un groupe de travail avait été mis en place pour élaborer cette réforme et procéder aux concertations nécessaires, notamment avec les associations environnementales, les industriels concernés et les collectivités territoriales. Faisant suite à ces travaux, un projet a été remis en décembre 2013 aux ministères en charge de l'industrie et de l'écologie, mais il a fait l'impasse sur les outre-mers. On a parlé d'un renvoi à une ordonnance mais, à ce jour, aucune information n'a été transmise. Or les outre-mers, eu égard à leur important potentiel minier, sont particulièrement concernés.
En Guyane, les interrogations sont nombreuses. Qu'en est-il de la Compagnie nationale des mines ? Du schéma départemental d'orientation minière, dont une mission commune d'information avait demandé la révision ? De manière générale, y a-t-il même une politique minière de l'État en Guyane ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Le rapport de Thierry Tuot comprenait plus de 400 articles et ne pouvait être traité rapidement. Un projet de loi a été rédigé, de façon à entrer en vigueur dès son vote, ce que n'aurait pas permis une recodification complète. Mme Royal est très attentive à la prise en compte de l'avis du public. Le gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance pour articuler les nouvelles dispositions avec le droit existant ; il est également prévu d'améliorer par ordonnance les procédures de prise en compte des spécificités ultramarines. Ce projet de loi sera déposé à l'automne 2015 au Parlement, il sera précédé d'une large concertation. Mme Royal sera particulièrement attentive aux observations des élus ultramarins et, singulièrement, des Guyanais.
M. Georges Patient. - Merci pour ces précisions. Les attentes sont d'autant plus fortes en Guyane que le potentiel minier est important : or, pétrole, métaux rares... Les retombées attendues de leur exploitation sont vitales pour un département dont la richesse est inférieure de moitié à la moyenne nationale. Le manque de volontarisme minier du gouvernement est patent : manque de moyens contre l'orpaillage clandestin, non-remplacement des sites aurifères illégaux par des sites légaux... Certains parlent même de mise sous cloche de la Guyane alors que les États voisins s'appuient sur leur potentiel minier pour soutenir leur développement.
Contournement est de Rouen
M. Thierry Foucaud . - Par un courrier du 7 janvier 2015 cosigné avec le secrétaire d'État chargé des transports, la ministre de l'écologie a informé le préfet de la région Haute-Normandie de l'accord du gouvernement pour la poursuite du projet de contournement est de Rouen, qui doit relier l'A28 à l'A13 et inclure un barreau de raccordement vers Rouen. Elle évoque, dans cette correspondance, un consensus unanime ou largement partagé autour de ce projet.
Il s'agit d'une contrevérité puisque, localement, il est largement contesté - une dizaine d'associations se sont prononcé contre ce projet. Des élus locaux de Seine-Maritime et de l'Eure de toutes sensibilités, de concert avec leurs administrés, expriment leur refus catégorique de voir aboutir ce projet et leur détermination à s'y opposer. Un collectif s'est constitué, qui regroupe une quinzaine de communes et 70 000 habitants directement concernés par le tracé de contournement et farouchement opposés à sa mise en oeuvre. Les motifs d'opposition sont divers et fondés.
Il paraît inconcevable de faire l'impasse sur les questions d'environnement, de sécurité des usagers, de santé, de cadre de vie, de modes de déplacement futurs. Ce projet est totalement contraire aux engagements du Grenelle de l'environnement en encourageant le développement du « tout camion ». Ce projet porte en outre atteinte à l'économie et à l'emploi, en menaçant de détruire une zone de 600 hectares et une zone d'activité économique où travaillent plusieurs centaines de salariés.
Le coût du nouveau tronçon qui doit s'étendre sur 41 km et faire l'objet d'une concession à péage est évalué à un milliard d'euros.
Cela signifie que l'État, et plus certainement les collectivités locales, devront débourser des millions chaque année, pour financer l'investissement mais aussi le fonctionnement. Aucun crédit n'est prévu pour ce projet ni dans le contrat de plan État-région, ni dans le contrat de projet interrégional, ni dans la programmation pluriannuelle d'investissement de la métropole Rouen-Normandie.
La concertation a été un simulacre - le mot est peut-être un peu fort - mais si beaucoup de choses ont été dites, rien n'a été entendu. J'ai demandé une audience à Mme la ministre, qui ne m'a pas répondu.
Envisagez-vous de renoncer à ce projet qui constitue un non-sens économique et écologique ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Un grand débat public tenu en 2005 a conclu à l'opportunité de ce projet de contournement est de Rouen. D'autres discussions ont suivi pour déterminer le meilleur tracé qui respecte les contraintes environnementales et remplisse les objectifs assignés à l'ouvrage.
La Commission nationale du débat public a été saisie en 2013 et recommandé une concertation avec le public qui a eu lieu en juin et juillet 2014 sous l'égide d'un garant indépendant. Contrairement à ce que vous affirmez, les enjeux de l'infrastructure ont été largement débattus. L'engorgement routier dans l'agglomération de Rouen, métropole de 500 000 habitants, est réel. Ce projet y remédie et ne vise pas le « tout camion », il favorisera le fret ferroviaire. Il s'agit aussi d'accompagner l'évolution du premier port céréalier d'Europe.
Toutefois, le gouvernement comprend les craintes liées à la traversée de certains secteurs. Il entend poursuivre la concertation, c'est un engagement fort. Des consignes très strictes ont été adressées au préfet de région. Rigueur, qualité et transparence devront caractériser les études préalables à la déclaration d'utilité publique. L'enquête publique prévue en 2016 sera l'occasion pour toutes les parties prenantes de s'exprimer.
Le financement du projet repose sur une concession accompagnée d'une subvention d'équilibre. Son montant sera décidé en fonction de l'appel d'offres. L'horizon dépasse celui des contrats de plan en cours de réalisation.
M. Thierry Foucaud. - Le tracé n'est plus le même que celui prévu en 2005 ! Nous ne sommes pas opposés au contournement, nous sommes hostiles à ce tracé. En outre, si les espèces naturelles sont menacées, l'Europe ne participera pas au financement au titre de Natura 2000.
Dans la commune dont j'ai été le maire, les documents publics font état d'un nombre de participants inférieur de 60 personnes à celui que nous avons fait constater par huissier... Je réitère ma demande d'audience à Mme la ministre. Inquiets pour leur activité, des responsables industriels ont demandé à rencontrer le préfet, qui dit qu'il s'efforcera d'en tenir compte - en déplaçant un pont... Ce projet n'est pas assez pensé. La population est déterminée à ne pas se laisser faire. Le trajet ne peut être imposé par la force.
La séance est suspendue à 11 h 55.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.
Premiers secours (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.
Discussion générale
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville . - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Cazeneuve, ministre de l'Intérieur.
Tout le monde partage le but de cette proposition de loi : sauver des vies. D'autant plus que la vigilance sur la route se relâche à en croire les derniers chiffres. Le gouvernement veut toujours atteindre l'objectif de diviser par deux le nombre de morts sur la route en 2020.
Ce texte s'inscrit également dans la réforme du permis de conduire annoncée le 13 juin 2014, immédiatement après l'examen de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale. Un examen moins long et moins coûteux.
Depuis 2006, les élèves de troisième reçoivent une formation aux premiers secours sanctionnée par l'attestation « Prévention et secours civiques de niveau 1 ». En 2014, 33 % des élèves du collège ont reçu un tel enseignement contre 20 % en 2011.
Je me réjouis de l'évolution de ce texte en commission : plutôt que multiplier les épreuves et renchérir les coûts du permis de conduire, renforcer la connaissance des gestes à avoir en cas d'accident.
Le décret d'application de l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 a été pris : désormais, la sensibilisation aux gestes de premiers secours sera systématique. Le gouvernement n'en est pas resté là : dès la fin de cette année, l'épreuve théorique du permis de conduire - ce que l'on appelle communément « le code » - comprendra obligatoirement une question sur ce thème.
Le gouvernement soutient l'adoption de cette proposition de loi équilibrée et cohérente. Toutes les conditions sont réunies pour réussir son application.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois . - Le Sénat doit se prononcer en deuxième lecture sur cette proposition de loi examinée le 12 juin 2014 à l'Assemblée nationale.
En première lecture, le Sénat a conservé le principe d'une formation obligatoire mais supprimé l'épreuve supplémentaire souhaitée par les auteurs de la proposition de loi. Les députés ont souscrit à ce choix et n'ont apporté que des modifications mineures.
Ce texte part d'un constat partagé : seulement 46 % des Français connaissent les gestes de premiers secours. Pourtant, une sensibilisation est prévue pour tous les élèves du collège. En pratique, trop peu en bénéficient, malgré l'embellie notée par la ministre.
Nous n'avons pas voulu d'une épreuve spécifique qui aurait augmenté le prix du permis de conduire de 50 à 60 euros. Dois-je rappeler que le permis de conduire est indispensable pour postuler à de nombreux emplois ? Cette épreuve supplémentaire, qui allongerait encore les délais, serait impossible à organiser, tant pour les formateurs que pour les candidats en zone rurale.
L'appel d'offres lancé le 13 février 2015 modifie les questions de l'examen théorique. Je m'en réjouis mais j'insiste : il faut systématiquement une question sur la conduite à tenir en cas d'accident, faute de quoi les candidats ne s'investiront pas.
Les députés, je l'ai dit, ont peu modifié le texte. Ils ont eu raison de supprimer l'obligation de sensibilisation prévue par l'article 16 de la loi du 12 juin 2013, elle serait contradictoire avec ce texte plus fort.
En conclusion, je recommande l'adoption conforme de ce texte tout en demandant au gouvernement de s'engager à évaluer régulièrement la formation aux gestes de premiers secours. (Applaudissements)
M. François Zocchetto . - On a dénombré 3 250 morts sur la route en 2013, le chiffre le plus bas depuis 1948. Quand la moitié des victimes meurent dans la première minute après l'accident, nous pourrions faire mieux si les Français maîtrisaient les cinq gestes qui sauvent, répertoriés depuis 1967. Quelque 98 % des Français sont favorables à une telle formation obligatoire qui existe ailleurs.
Le groupe UDI-UC se réjouit que l'on ait écarté le principe d'une épreuve supplémentaire, qui aurait pénalisé les jeunes. Il soutiendra l'adoption de cette proposition de loi en ces temps où les chiffres de 2014 montrent une augmentation de la mortalité routière. (Applaudissements au centre et sur les bancs écologistes)
M. Roger Madec . - Chacun d'entre nous peut assister à un accident de la circulation. Combien d'entre nous savent quelle conduite tenir ? Seulement 46 % des Français, contre 80 % des Allemands et des Scandinaves. D'après la Croix-Rouge, 500 vies pourraient être sauvées si nous renforcions cet apprentissage.
Le secourisme, au-delà de la route, est un formidable moyen de développer l'entraide. Former plus de jeunes doit être une priorité. Pour nous, socialistes, l'éducation à la sécurité routière doit être régulière et se faire tout au long de la scolarité, et pourrait donner lieu à une formation spécifique lors de la journée citoyenne et à une sensibilisation au travail.
Je félicite M. Leleux pour sa ténacité, même si ses trois amendements ne me semblent pas nécessaires. Le gouvernement s'est engagé dans une réforme ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur le banc de la commission)
Mme Esther Benbassa . - L'exposé des motifs de cette proposition de loi est limpide : sauver plus de vies. Même si le nombre de morts diminue sur la route, il reste préoccupant.
Ce texte fait consensus : renforcer la formation aux premiers secours qui accuse du retard en France. L'enjeu est considérable : on compte 19 000 décès dans notre pays par an, surtout chez les enfants, dus aux accidents de la vie quotidienne. C'est la troisième cause de mortalité après le cancer et les maladies cardiovasculaires. On estime que 250 vies par an pourraient être sauvées sur la route.
La proposition de loi initiale soulevait de nombreuses questions : ne fallait-il pas appliquer le droit existant plutôt que de donner dans l'inflation législative ? Enfin, le décret d'application de l'article 16 de la loi du 12 juin 2013 a été publié.
Heureusement, le texte a évolué grâce à notre rapporteur. Nous le voterons. Toutefois, les sénateurs écologistes regrettent ce texte trop modeste. Nous défendons, nous, une formation à la sécurité routière tout au long de la vie. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur le banc de la commission)
M. Patrick Abate . - Alerte des secours, balisage de la zone accidentée, compression des hémorragies, ventilation et protection des personnes blessées sont autant de gestes de premiers secours grâce auxquels nous sauvons des vies.
Leur apprentissage, enjeu de santé publique, devrait être gratuit. Aussi nous approuvons la modification introduite par le Sénat : une formation obligatoire mais pas d'épreuve supplémentaire qui ferait obstacle à l'obtention du permis de conduire.
En revanche, il est problématique de voter ce texte, qui part d'une bonne intention, si le gouvernement ne recrute pas davantage de moniteurs pour surveiller les épreuves du permis de conduire ; le projet de loi Macron ne prend pas cette voie. Il convient que le gouvernement assume toute sa responsabilité en n'oubliant pas que l'essentiel du permis de conduire est bien d'apprendre à conduire.
M. Gilbert Barbier . - Décidément, le permis de conduire est l'objet de toutes les sollicitudes. Après ce texte viendra le projet de loi Macron.
Les chiffres de la mortalité routière sont en hausse pour la première fois en 2014, après des années de baisse. L'approche répressive a ses limites : malgré la multiplication des radars, la conduite sous psychotropes, ou sous l'emprise de l'alcool, continue de faire des ravages.
Ce texte a été déposé il y a trois ans. Tout vient à qui sait entendre... (Sourires) On aurait pu penser que les députés adopteraient ce texte conforme, ils ont cependant introduit un article additionnel toilettant l'article 16 de la loi du 12 juin 2003.
Pour le groupe RDSE, seul le volontarisme politique permettra d'améliorer la connaissance des gestes de premiers secours - sur lesquels, comme d'autres médecins, j'ai quelques réserves. Des gestes néanmoins importants quand les services d'urgence interviennent en moyenne dans les dix minutes suivant l'accident. Une formation à l'usage des défibrillateurs est déjà prévue lors de la Journée de défense.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Très bien.
M. Gilbert Barbier. - Que l'école assume sa vision d'éducation à la sécurité routière comme le prévoit l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation, là est l'essentiel. Et, nous souvenant de nos débats sur le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires, replaçons cette question dans une réflexion plus large sur le civisme et la citoyenneté. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs RDSE)
M. Jean-Pierre Leleux . - Délicat exercice que celui auquel je vais me livrer en tant qu'auteur de cette proposition de loi. La version qui nous revient de l'Assemblée nationale me semble trop peu ambitieuse, même si j'approuve la suppression de l'épreuve spécifique pour les gestes de premiers secours. Quoique la mortalité routière ait été divisée par quatre en quarante ans, le sujet reste d'actualité.
Depuis plus de trente ans, on réfléchit à une formation de tous les automobilistes sur la conduite à tenir en cas d'accident. La Suisse, l'Autriche, l'Allemagne et les pays scandinaves ont rendu obligatoire cette formation il y a longtemps. Or les députés ont récusé le principe d'une formation pratique. C'est elle qui manque dans ce texte : plutôt qu'une diapositive entre deux montrant la priorité à droite, nous devons faire en sorte que les candidats au permis de conduire mémorisent, automatisent ces gestes, en particulier de survie. Ce sera l'objet de nos modestes amendements.
J'ai entendu vos arguments. Oui, il existe déjà des formations : le PSC1 ou le secourisme lors de la journée citoyenne, entre autres. Mais sont-elles efficientes ? Quelque 700 000 personnes passent le permis de conduire tous les ans, nous avons besoin d'une formation de masse.
Deuxième argument, les gestes mal pratiqués pourraient être plus nocifs. Comprimer, ce n'est pas faire un garrot mais simplement mettre une pression sur la plaie hémorragique pour stopper le flux abondant. Ventiler, c'est dégager les voies respiratoires, première cause de décès. J'ai encore eu le témoignage d'un secouriste déplorant de n'avoir pas pu sauver une jeune fille de 20 ans, étouffée par son sang entre ses dents brisées - elle n'avait pas d'autre traumatisme grave ! Lisez le Secourisme pour les nuls.
Troisième objection, le coût. C'est vrai. Mais qu'est-ce que 25 euros contre une vie ?
M. Charles Revet. - Sans compter que les compagnies d'assurance y gagneraient !
M. Jean-Pierre Leleux. - Quatrième objection : l'allongement des délais. Je ne le crois pas : il s'agit de quelques heures de formation validées par un organisme agréé.
Voilà la démarche de progrès que nous vous proposons. L'occasion de la mettre en place ne se représentera pas de sitôt. Le Sénat se grandirait en la saisissant. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État . - Merci à tous les orateurs de leurs propos et à M. Leleux de son intervention poignante. Vous aurez l'occasion de reprendre la discussion lors de l'examen du projet de loi sur le permis de conduire.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre.
I. - Alinéa 2
Après le mot :
conduire
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
attestent d'une formation pratique aux gestes élémentaires de premiers secours en cas d'accident de la circulation.
II. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette formation pratique aux gestes de survie comprend, outre l'alerte des secours et la protection des lieux, ceux pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes.
Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre.
I. - Alinéa 2
Après le mot :
conduire
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
attestent d'une formation pratique aux gestes élémentaires de premiers secours en cas d'accident de la circulation.
II. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette formation pratique porte sur les gestes de survie.
M. Jean-Pierre Leleux. - Pour dépasser l'effet de panique quand on arrive sur les lieux d'un accident, il faut avoir mémorisé les gestes qui sauvent. De là l'importance d'une formation pratique de quelques heures aux gestes élémentaires de survie car j'ai bien compris les réticences sur les gestes de premiers secours. Par exemple, quand un blessé est couché sur le dos, il faut le mettre de côté en position latérale de sécurité et, éventuellement, dégager la langue.
M. Guy-Dominique Kennel. - Très bien.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Le premier amendement avait déjà été présenté en commission des lois. Il revient à instaurer une troisième épreuve.
Cela allongerait les délais et renchérirait le coût du permis de conduire. De plus, les gestes mentionnés ne sont pas anodins. Pour être efficaces, ils nécessitent une formation régulière, tous les ans ou tous les deux ans, et peuvent être contre-productifs.
M. Bruno Sido. - Il faut laisser les gens mourir alors ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Dans une société très judiciarisée comme la nôtre, monsieur Sido, il est possible qu'en cas de décès, la famille de la victime se retourne contre la personne qui n'a pas pu sauver la victime : cela pourrait être assimilé à la non-assistance à personne en danger... Je rappelle qu'il y a déjà eu un recours contre une personne qui, en pratiquant un massage cardiaque, a cassé une côte de la victime, entraînant une perforation de son poumon et son décès...
C'est dans le cadre de l'école que la formation aux premiers secours doit être réalisée.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Absolument.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Une formation intégrée aux épreuves actuelles du permis de conduire est la meilleure voie. Défavorable aux amendements nos1 rectifié et 2 rectifié.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. - Rendre obligatoire une formation à la ventilation cardiaque ou la compression requiert des formateurs spécialisés, dont la formation a un coût non négligeable. En revanche, le nouveau référentiel qui sera évalué lors du permis de conduire prévoit une formation aux gestes élémentaires : balisage, alerte, position de sécurité.
Mme Samia Ghali. - En situation de panique et d'urgence, quatre heures de formation suffiront-elles ? Bien des personnes qui voulaient sauver des vies ont pu aggraver la situation. (M. Bruno Sido s'exclame) La formation au permis de conduire est déjà assez onéreuse et longue.
M. Bruno Sido. - Les amendements de M. Leleux sont de bon sens. Dans tous les cas un témoin pourra être accusé de non-assistance à personne en danger. Il n'est jamais inutile de posséder une formation aux gestes de premiers secours. Pourquoi ne pas inviter les jeunes à accompagner les sapeurs-pompiers volontaires le week-end, pour se former ?
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Il y a un problème de responsabilité.
M. Bruno Sido. - Il y aura toujours un problème de responsabilité ! Ce n'est pas un argument. Peut-être ces jeunes auront-ils d'ailleurs envie de devenir ensuite eux-mêmes sapeur-pompier volontaire !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Nous le faisons en Alsace.
M. Jean-René Lecerf. - Pour suivre ce dossier depuis les années 1980, je constate qu'il existe une sorte de malédiction sur la formation théorique et pratique aux gestes de premiers secours. D'abord, on évoque l'incompétence du législateur - comme si, avec 500 vies en jeu chaque année, le sujet ne méritait pas que le législateur s'y penche !
La loi de 2003 était claire, pourtant aucun décret d'application n'a suivi.
La responsabilité de l'Éducation nationale ? On l'a évoquée s'agissant de la formation au fait religieux : si elle est aussi bien faite... Seulement 33 % des jeunes sont formés, - ce n'est pas brillant. De plus, se souvient-on toujours à 20 ou 25 ans de ce que l'on a appris en sixième, cinquième et quatrième ?
Le coût ? Mais que sont 25 euros face à une vie sauvée ? On n'hésite pas à mettre des amendes supérieures aux jeunes qui roulent à 31 ou 61 kilomètres/heure...
La judiciarisation de la société ? Faut-il alors renoncer à aider son prochain par crainte de poursuites ? Il est judicieux d'inviter les jeunes à suivre l'action des pompiers, dont les départements veillent à la formation.
Je soutiens les amendements de M. Leleux. Je suis le deuxième cosignataire de cette proposition de loi - sans ces mesures, je ne la voterai pas !
M. Patrick Abate. - Je remercie M. Leleux, qui met le doigt sur un problème fondamental du vivre ensemble. On apprend à lire, à écrire, à compter, pourquoi ne pas apprendre à sauver l'autre ? Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Un examen supplémentaire ne résoudra pas le problème. Il est question de citoyenneté, de civisme. La formation doit se poursuivre tout au long de la vie. Moi-même secouriste, je sais que les gestes de survie doivent être pratiqués et entretenus régulièrement. Si 25 euros ce n'est pas beaucoup pour un jeune, c'est encore moins pour un employeur dans le cadre de la formation continue. Il faut une approche globale.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - En utilisant la réserve parlementaire pour aider à l'installation des défibrillateurs dans l'Ain, j'ai constaté notre retard en matière de premiers secours. Mais on ne peut pas faire n'importe quoi. Cette formation doit être assurée par l'Éducation nationale à tous les âges. Certains craignent d'être attaqués en justice, mais ce qui serait attaquable serait de ne pas porter secours ! Faisons confiance aux jeunes. Plutôt que de charger les sapeurs-pompiers de la formation des jeunes le week-end, ce qui poserait des problèmes de responsabilité au moindre ongle retourné, mieux vaudrait encourager les jeunes à rejoindre les Jeunes sapeurs-pompiers, trop peu connus. (Mme Catherine Troendlé renchérit) Vos amendements, monsieur Leleux, sont porteurs de bonnes intentions mais nous ne les voterons pas. À l'Éducation nationale de faire son travail.
M. Jean-Pierre Leleux. - Mes amendements ne tombent pas du ciel. J'ai beaucoup auditionné, beaucoup réfléchi et je ne propose pas n'importe quoi. Les traumatismes des colonnes vertébrales brisées, c'est 2 % de 1 % des accidents de la route ! L'intervenant paniquera, dites-vous. Mais la formation pratique a justement pour but d'inculquer des réflexes simples : dégager les voies respiratoires, la langue, etc. Je ne comprends pas une telle crainte face à la judiciarisation. Faut-il alors laisser les blessés mourir ? C'est un engagement citoyen d'intervenir !
Pourquoi la France serait-elle la seule à ne pas pratiquer cette formation ? Je peux vous communiquer les lettres des consulats belge ou suisse, qui démontrent l'utilité de cette formation. Quatre heures de formation suffisent à inculquer les gestes élémentaires.
L'Éducation nationale fait très bien son travail...
M. Jean-Louis Carrère. - Ah ! Il est agréable de l'entendre dire sur les bancs de droite !
M. Jean-Pierre Leleux. - ... mais il faudra une génération pour former la population entière ! Avec mes amendements, nous formerons 700 000 personnes par an, contre 200 000 reçus actuellement au PSC1.
Je compte sur votre sagesse pour adopter cet amendement : de nombreux professionnels en seront heureux.
M. Jean-François Longeot. - Il ne faut pas nous culpabiliser. Pour que la formation aux premiers secours soit efficace, il faut qu'elle ait lieu tôt, dès l'école.
La formation lors du permis de conduire ne doit pas nous déresponsabiliser. Elle ne sera suffisante que si nous la mettons à jour tout au long de la vie. Qui ici d'ailleurs serait sûr de repasser aujourd'hui avec succès son code de la route ? (Sourires)
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. - L'Éducation nationale doit jouer son rôle. Seuls 30 % des collégiens ont été formés, le gouvernement s'engage à faire monter le dispositif en puissance. Cela prendra du temps car il faut former des formateurs, mais c'est le passage obligé de la citoyenneté. Pour ma part, j'ai suivi une telle formation en quatrième, et je m'en souviens parfaitement ! C'est une question d'engagement citoyen. Vos objectifs sont louables, monsieur Leleux, mais il s'agit de savoir ce que l'on peut faire. Le gouvernement est déterminé à augmenter le nombre de collégiens formés.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
M. Jean-Pierre Leleux. - Mon deuxième amendement est un amendement de repli visant à inscrire les gestes de survie dans la formation. Je crois beaucoup à la formation par l'Éducation nationale, mais il faudra plus de temps que vous le dites pour former une classe d'âge. Il faut persévérer dans cette voie, mais une formation pratique à 16-18 ans n'est pas inutile.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un comité de suivi est chargé d'évaluer son application et de s'assurer que cette dernière répond aux exigences définies. À cet effet, il demande un rapport au Gouvernement sur la mise en oeuvre des dispositions votées.
Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, désignés par les commissions des lois auxquelles ils appartiennent.
M. Jean-Pierre Leleux. - Compte tenu des difficultés rencontrées à appliquer la loi, - le décret d'application de la loi de 2003 n'a jamais été pris - je propose de créer un comité de suivi de la loi.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Ce mécanisme me paraît très lourd. La commission des lois a déjà pour mission de suivre l'application des lois ; je m'y attacherai, avec le président de la commission des lois. Avis défavorable.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
Il existe déjà des instances compétentes comme le Conseil supérieur de l'éducation routière, ou le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) dans lequel siègent déjà deux sénateurs.
Enfin, dans le projet de loi pour la croissance et l'activité, les députés ont décidé la création d'un comité d'apprentissage de la route, dans lequel siégeront également des parlementaires.
Ne multiplions pas les comités !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Madame la ministre, votre réponse ne nous satisfait pas totalement. J'ai suivi la position de la commission des lois, mais je suis sensible aux arguments de M. Leleux sur la nécessité de délivrer une formation opérationnelle, pratique. L'article premier n'interdit rien : il renvoie au décret, laissant au gouvernement un large champ de possibilités.
Le gouvernement peut-il s'engager à soumettre aux auteurs de la proposition de loi et à la rapporteure le projet de décret ?
M. Jean-Louis Carrère. - Un échange informel entre le gouvernement et la rapporteure est toujours de bonne méthode, mais demander au gouvernement de transmettre le texte du décret, c'est aller trop loin !
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. - Les rôles du législateur et du gouvernement sont en effet distincts. Peut-être la commission des lois pourrait-elle auditionner le président du CNSR, et nous aurions alors un échange avec la rapporteure et les auteurs de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je suis sensible à vos arguments, et j'entends aussi ceux de M. Carrère. Mais nous avons une mission de contrôle. Pour avoir été déçu tant de fois, je préfère maintenir mon amendement.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°3 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
M. Jean-Pierre Leleux. - J'ai eu plaisir à suivre ce débat. Il s'en est fallu de peu que le troisième amendement soit voté... Mais notre rapporteure, comme l'Assemblée nationale, faisait pression pour un vote conforme...
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Absolument pas !
M. Jean-Pierre Leleux. - Je m'abstiendrai. Je note toutefois un petit progrès. La « sensibilisation » des candidats laisse la place à la formation. Mais quelle sera-t-elle ? Je regrette l'absence de dimension pratique de la formation. J'aurais aimé être plus convaincant...
La proposition de loi est définitivement adoptée.
La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 30.
Accueil et protection de l'enfance
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à modifier l'article 11 de la loi n°2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance.
Discussion générale
Mme Colette Giudicelli, auteur de la proposition de loi . - Des faits divers terribles nous rappellent que la maltraitance et les violences faites aux enfants se concluent souvent par leur décès. C'est une question de société, mais aussi de santé publique. Les conséquences de la maltraitance sont catastrophiques. Certes, tous les enfants victimes de violences ne deviennent pas des délinquants ni des parents maltraitants ; en revanche, les études confirment un lien avec des troubles majeurs plus tard et deux victimes de violence sexuelle sur cinq font une tentative de suicide à l'âge adulte...
De toutes les violences, les violences sur les enfants sont les plus cachées, mais on sait que chaque jour, deux enfants meurent sous les coups de leurs parents. On dénombre 700 000 à 800 000 dossiers de mauvais traitements, 98 000 cas connus d'enfants en danger - 100 000 selon les associations. La situation ne cesse de se dégrader : une hausse de 10 % en dix ans. Sont en danger les enfants dont la santé, la sécurité, l'éducation ou la moralité sont menacées. On estime que 19 000 enfants sont victimes de maltraitance, 85 % au sein de la famille proche ; 45 % ont moins de 6 ans.
Le signalement reste insuffisant, avec une sous-évaluation des chiffres réels de la maltraitance. Les études américaines et canadiennes font état d'un phénomène qui toucherait un enfant sur dix... Insuffisance des investigations médicales, carences dans la prévention et le repérage expliquent cette sous-évaluation. Merci au rapporteur de la commission des lois d'avoir enrichi la proposition de loi sur ce dernier point.
L'insuffisance du nombre de signalements effectués par les médecins - 5 % seulement - est dramatique. De ces 5 %, 1 % seulement provient de médecins libéraux. Pourquoi si peu de signalements ?
La création de l'Observatoire national de l'enfance en danger et la loi du 5 mars 2007 ont marqué des progrès importants. La loi de 2004 protège les médecins contre d'éventuelles sanctions disciplinaires du fait d'un signalement, mais cette protection est insuffisante - ils risquent quand même des poursuites civiles ou pénales. On comprend leurs réticences.
Difficulté du repérage, peur du signalement abusif sont des freins puissants. Nous peinons à prendre le problème à bras-le-corps, dit le Conseil de l'ordre, qui a désigné un conseiller ordinal référent dans chaque région. La Haute Autorité de santé (HAS) a mis à disposition des médecins des outils de repérage, mais est-ce suffisant ? Mme Taubira estimait, lors d'un colloque ici-même au Sénat, que nous devions améliorer à la fois le repérage et les outils.
La HAS a pointé le manque de formation des médecins et la crainte des conséquences d'un signalement abusif. On peut aussi mentionner le manque de connaissance des signes de maltraitance et la complexité des modalités de signalement. Il faut une information claire et l'assurance pour les médecins d'être eux-mêmes protégés. Au législateur de rassurer les médecins. Les poursuites pénales contre plus de 200 médecins ont créé un climat de défiance et de stress.
Dans douze pays européens dont la Suède, la Norvège, la Finlande ou encore l'Italie, les médecins ont obligation de signaler, et bénéficient en contrepartie d'une protection juridique forte. Mais cette obligation pose problème, car elle peut engager la responsabilité civile des médecins, et dissuader les victimes de consulter. Je préfère donc que l'on s'en tienne à une obligation déontologique. Le code de déontologie médicale, en son article 44, prévoit que le médecin doit signaler, sauf circonstances particulières que le médecin doit apprécier en conscience - c'est là une brèche dans le dispositif, qui mériterait peut-être d'être supprimée.
Comment mieux protéger les médecins ? La loi de 2004 n'a pas été efficace pour encourager les médecins à signaler, le médecin pouvant être poursuivi au civil ou au pénal pour dénonciation calomnieuse. Je propose - cela ne coûte pas le moindre euro - d'affirmer clairement leur irresponsabilité en cas de signalement répondant aux exigences de l'article 226-14 du code pénal. Merci à la commission des lois d'avoir étendu cette protection à l'ensemble des professionnels de santé.
L'information peut être transmise à la Cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (Crip) ou signalée au procureur de la République en cas de nécessité de protection immédiate ; la commission des lois a précisé que le signalement pourra être adressé à la Crip sans obligation de saisine du procureur.
Adressons un message clair aux médecins, protégeons ceux qui signalent pour protéger les enfants victimes de violence. N'oublions jamais ces chiffres insupportables : 700 à 800 enfants meurent chaque année de violences dans notre pays. Je compte sur vous pour dire : « Plus jamais ça » ! (Applaudissements)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois . - La maltraitance faite aux enfants est un très grave problème de société. En France, on dénombre 98 000 cas d'enfants en danger, 19 000 sont victimes de maltraitance et 79 000 se trouvent dans des situations à risque ; 44 % des enfants maltraités ont moins de 6 ans.
Seulement 5 % des signalements d'enfants en danger proviennent du secteur médical, sur ces 5 %, 4 % des signalements proviennent des médecins hospitaliers et 1 % des médecins libéraux.
La proposition de loi renforce le rôle des médecins dans la détection et la prise en charge des situations de maltraitance, en introduisant dans le code pénal une obligation pour les médecins de signaler ces situations tout en les protégeant contre l'engagement de leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire.
L'article 226-14 du code pénal dispose que les sanctions applicables à la violation du secret professionnel ne sont pas encourues par plusieurs catégories de personnes. Est expressément visé, le médecin qui porte à la connaissance du procureur de la République « les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ». Ce signalement suppose l'accord de la victime, sauf si celle-ci est mineure ou en incapacité physique ou psychique. Lors du débat sur la loi du 5 mars 2007 la commission des lois avait estimé que le médecin ne pouvait s'affranchir de l'accord de la victime.
Pourquoi le dispositif en vigueur est-il si peu utilisé ? La raison de l'absence de signalement est avant tout psychologique : les médecins redoutent le mécanisme broyeur de la justice, les conséquences du signalement sur la famille, sur le lien de confiance, sur leur clientèle. Elle teint aussi au manque de formation à la reconnaissance des situations de maltraitance comme des procédures de signalement.
Faut-il introduire l'obligation de saisir « sans délai » le procureur de la République, comme le propose la proposition de loi initiale ? Dans 90 % des cas, la maltraitance est très difficile à caractériser. Le médecin serait appelé à signaler le moindre fait, sauf à mettre en cause sa responsabilité - ce qui dissuaderait la victime de consulter et priverait le médecin de la possibilité de demander des avis ou des examens supplémentaires.
Ces réserves n'ont pas entamé l'enthousiasme de la commission des lois, qui a modifié la proposition de loi pour y répondre. Le droit existant protège déjà les médecins signalant les cas de maltraitance des sanctions disciplinaires ou pénales ; en l'absence de signalement, le médecin ne peut être poursuivi. Il lui revient seulement de rapporter les faits au procureur de la République, non de dénoncer les auteurs. Cependant, les dispositions de l'article 226-14 du code pénal ne sont peut-être pas très lisibles pour des non-juristes. La proposition de loi améliore la lisibilité du texte, cela rassurera les médecins. La commission des lois a préféré des notions juridiques, en se référant par exemple à la preuve d'absence de bonne foi. En cas de simples doutes, les médecins devraient pouvoir adresser leur signalement à la Crip, habilitée à effectuer des vérifications supplémentaires.
La commission des lois a étendu le champ de la protection juridique accordée aux médecins à l'ensemble des professions médicales. Elle a enfin instauré une obligation de formation des professionnels aux procédures de signalement des cas de maltraitance.
Aux pouvoirs publics d'améliorer l'information et la sensibilisation des médecins à ces questions. La HAS a déjà amélioré le formulaire de signalement. (Applaudissements à droite)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie . - Ce texte vise à renforcer encore les réponses collectives que nous pouvons apporter pour mieux protéger les enfants. La protection de l'enfance est souvent dans l'angle mort des politiques publiques, même si nous progressons.
La maltraitance est une triste réalité, sans doute plus répandue qu'on ne le pense : selon la revue The Lancet, 10 % des enfants seraient concernés dans les pays à hauts revenus comme la France. La maltraitance est protéiforme, elle touche toutes les catégories sociales, c'est à la fois un sujet de société et un problème de santé publique.
La maltraitance commence souvent très tôt ; or au début de sa vie, l'enfant voit très souvent un médecin. Pourtant, seuls 5 % des signalements émanent du corps médical ; c'est trop peu. D'après l'Ordre, aucun médecin n'a été sanctionné disciplinairement pour avoir procédé à un signalement, seuls ont été sanctionnés des médecins qui n'ont pas effectué de signalement.
Notre arsenal législatif est robuste. La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l'enfance - je salue Philippe Bas qui l'a défendue en tant que ministre - a introduit la notion d'information préoccupante et créé les Crip dans chaque département. Il est ainsi possible d'intervenir dès que le risque est identifié ; entre dénoncer ou se taire, il y a une troisième voie : partager l'information avec d'autres professionnels.
La HAS a communiqué le 17 novembre dernier ses recommandations aux médecins et fourni des outils utiles tels un modèle-type de signalement. Elle rappelle que la protection de l'enfance est un acte médical et une obligation déontologique : les sanctions pour non-assistance à personne en danger ou non-dénonciation de crime sont lourdes.
Les freins au signalement sont multiples. Le manque de formation ? Je vous invite à visionner le court-métrage sur le site Stop-violence-femmes.gouv.fr... D'autres freins peuvent être la méconnaissance des procédures légales, une représentation idéalisée de la famille - naturellement bonne et protectrice - le lien avec la patientèle, la crainte de poursuites. Il faut donc rassurer les médecins, rappeler les dispositions de la loi du 5 mars 2007, encourager les liens entre l'Ordre des médecins et les structures en charge de la protection de l'enfance. La présence d'un médecin au sein de la Crip est facilitatrice.
La proposition de loi Meunier-Dini, que vous connaissez bien, reviendra demain devant vous ; c'est une occasion à saisir. Je me réjouis que les positions convergent sur des questions aussi fondamentales que la protection de l'enfance. Je regrette toutefois que cette proposition de loi-ci n'ait pas été présentée sous forme d'amendement à la proposition de loi Meunier-Dini... Même en légistique, il vaut mieux deux assurances qu'une...
Le cloisonnement est trop présent entre les professions qui interviennent dans la protection de l'enfance, qui font chacune un travail remarquable. J'ai lancé une grande concertation sur le sujet, dont les conclusions seront rendues en mai.
Parler de maltraitance des enfants, je l'ai découvert, demeure un sujet subversif : il nous faut pousser des portes bien verrouillées, mais aussi symboliques, car alors la sphère publique entre dans la sphère privée. Un sujet subversif aussi parce que dogmes et idéologies s'affrontent : droit de l'enfant contre droit de la famille ; lien parental et placement, secret professionnel et partage de l'information. Subversif encore parce que nous interrogeons nos propres pratiques : si nous n'avons pas été des parents maltraitants, avons-nous toujours été des parents bien-traitants ? La bien-traitance, voilà l'ambition de mon ministère.
Nul doute que le Sénat saura être, comme souvent, la chambre de la sagesse et du consensus. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques Bigot . - Il est vrai que les violences intrafamiliales sont importantes, mais mesurons le chemin parcouru : c'est parce que les signalements ont progressé, que la médecine a fait des avancées, que ces faits sont rendus publics. Il y a dix ans, on ignorait le phénomène des bébés secoués...
Sans doute la commission des lois a-t-elle eu raison d'être prudente en renonçant à l'obligation de signalement, qui existe dans plusieurs autres pays ; peut-être faudra-t-il y venir un jour. C'est un argument pour le médecin face à la famille.
Autre sujet, la difficulté du constat : la maltraitance ne se remarque pas toujours, a fortiori quand elle est psychologique. L'enfant maltraité se sent mal aimé, il ne voudra pas s'en ouvrir au médecin.
Cette proposition de loi est équilibrée ; il est bienvenu de privilégier le signalement auprès de la Crip avant la saisine du procureur de la République. Il serait impensable de ne pas soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - Le sujet est grave. Les chiffres sont sidérants : 98 000 cas connus d'enfants en danger, 19 000 victimes de maltraitance, 79 000 dans des situations à risque, 44 % des enfants maltraités ont moins de six ans. Derrière ces chiffres, il y a la réalité crue de l'enfance en danger ou maltraitée.
Pour ces 98 000 enfants, chacun doit prendre ses responsabilités. La nôtre est d'améliorer les procédures de signalement pour que ces chiffres terrifiants baissent enfin. Or seuls 5 % des signalements proviennent du secteur médical et 1 % seulement des médecins libéraux.
En 2003, le Parlement considérait que le droit existant entravait le signalement par les médecins, et avait modifié l'article 226-14 du code pénal. Dix ans après, il faut revoir ces dispositions. Depuis 1997, 200 médecins environ ont fait l'objet de poursuites pénales ou de sanctions disciplinaires à l'initiative des auteurs présumés des violences, ce qui a créé un climat de stress et un malaise profond. La loi de 2004 n'a pas été suffisante pour protéger les victimes mineures et inciter les médecins à signaler les présomptions de maltraitance.
Le groupe écologiste prône l'instauration d'une véritable protection juridique pour le corps médical, comme le préconise le Conseil de l'Europe. Il se réjouit que l'immunité accordée aux médecins ait été étendue aux autres professions médicales par la commission des lois.
Ce texte libère les médecins du dilemme entre devoir moral de signaler, respect du secret médical et crainte des poursuites. Nous le voterons sans hésitation. (Applaudissements)
M. Patrick Abate . - Un quart des adultes dans le monde déclarent avoir subi des violences physiques dans leur enfance ; une femme sur cinq et un homme sur treize déclarent avoir subi des violences sexuelles dans leur enfance. Ces violences ont des conséquences très graves, en particulier des troubles comportementaux physiques ou psychiques. Ce problème concerne l'ensemble des pays, même si les pays connaissant des conflits armés ou une grande pauvreté sont les plus touchés. L'ensemble des milieux sociaux sont concernés : 10 % des enfants seraient victimes dans les pays dits à hauts revenus. Cela veut dire que dans une troupe de dix gamins qui se rendent à la cantine, un serait un enfant maltraité : c'est énorme...
Les médecins sont des acteurs essentiels dans l'accompagnement des enfants, or ils participent peu au signalement : manque de formation, réticence à mettre en cause la sphère familiale, méconnaissance des modalités de signalement sont autant de freins à l'action, sans oublier le risque de poursuite pénale. 200 médecins ont fait l'objet de telles poursuites depuis 1997 - ce n'est pas énorme, mais il faut s'en préoccuper.
Le repérage doit être le plus précoce possible. D'où cette proposition de loi qui va dans le bon sens. La commission des lois l'a modifiée en levant l'obligation de signalement, qui risquait d'être contreproductive ; elle l'a enrichie en prévoyant un signalement auprès de la Crip, solution plus souple et plus équilibrée donc plus efficace ; elle a élargi le signalement aux violences au sein des couples et prévu une formation aux modalités de signalement. Au-delà du texte, la formation des médecins devra être renforcée.
Je remercie l'auteur de la proposition de loi et le rapporteur de la commission des lois. Le consensus est bien le moins que le Sénat puisse apporter à un texte qui contribue à la protection de l'enfance. (Applaudissements)
M. Gilbert Barbier . - Ce texte renforce le rôle des médecins dans la protection de l'enfance. Face aux mauvais traitements et aux violences sur les mineurs que rapportent les médias, l'intention est louable. À chaque fois, l'on se demande : pourquoi cette famille n'a-t-elle pas été signalée ?
Combien d'adultes traînent en silence le boulet d'une maltraitance dans leur enfance ! La maltraitance est un phénomène massif qui peut occasionner des troubles majeurs à l'âge adulte : penchant pour la toxicomanie et les comportements violents, tentatives de suicide, désocialisation. Il n'y a qu'à lire les comptes rendus d'audience de cours d'assises pour s'en convaincre...
La loi de 2004 a instauré l'irresponsabilité pénale et civile pour les médecins. Est-ce suffisant ? Certainement pas pour les auteurs de cette proposition de loi, puisque seulement 5 % des signalements sont effectués par les médecins. Les raisons sont multiples : méconnaissance du mécanisme de signalement, craintes de poursuites, freins psychologiques.
Faut-il étendre à tous les médecins l'obligation faite aux médecins fonctionnaires aux termes de l'article 40 du code pénal ? À l'instar de la commission des lois, je ne le crois pas. Mieux vaut diversifier les voies - encourageons les médecins à s'adresser à la Crip - et renforcer la formation sur ce sujet extrêmement délicat. Les médecins hésitent souvent à saisir l'autorité judiciaire. J'ai exercé pendant plus de dix ans en chirurgie infantile et j'ai vu combien il fallait prendre de précautions en cas de soupçons de maltraitance. C'est encore plus délicat pour le généraliste isolé. N'imposons pas aux médecins de contraintes trop lourdes ! Le groupe RDSE votera le texte de la commission.
M. François Zocchetto . - La lutte contre la maltraitance infantile doit être une priorité nationale. N'étant pas médecin, j'ai été surpris de découvrir le peu de cas signalés par les praticiens : 5 % seulement. Cette situation s'explique d'abord par la peur du médecin devant d'éventuelles poursuites qui fait écho à la peur de la victime de parler.
Alors, comment libérer la parole ? L'obligation générale de signalement empêcherait de déceler les cas graves, elle fragiliserait les victimes mineures ou incapables car les auteurs des violences ne les présenteraient plus au médecin.
Le lien de confiance entre praticien et patient déliera mieux les langues. Confiance aussi pour les médecins, il est bon de réaffirmer leur irresponsabilité pénale.
La crainte des poursuites n'est pas le seul frein, il y a aussi le cas de conscience. Un signalement peut avoir des conséquences irrémédiables sur la vie d'une famille, sur une carrière professionnelle. Les médecins doivent être mieux formés à identifier les signes de maltraitance. Cet enseignement doit être délivré à l'université puisqu'il s'agit d'un devoir déontologique. Saisir la Crip sera plus aisé que saisir directement la justice. Enfin, le médecin ne doit pas rester seul ; la commission des lois a donc fort utilement étendu l'immunité pénale aux autres professions médicales.
Vous l'avez compris, le groupe UDI-UC votera le texte de la commission. (Applaudissements)
M. Christophe Béchu . - Je joins à ceux des autres orateurs mes remerciements à l'adresse de Mme Giudicelli et de M. Pillet. Les chiffres ont été cités : d'après une étude britannique, un enfant sur dix est victime de maltraitance, le silence est gardé dans deux tiers des cas. J'ai eu l'honneur de présider l'Observatoire national de l'enfance en danger. À sa tête, j'ai combattu pour que nous puissions objectiver le phénomène, disposer de chiffres.
L'enfance maltraitée met profondément mal à l'aise. Elle ne donne pas lieu à des inaugurations. Dans ce champ, contrairement à tous les autres, on ne montre pas : la règle est l'anonymat des enfants. Sentiment de malaise devant ce phénomène : comment peut-on toucher à des enfants ? Comment ceux qui devraient les aimer, les éduquer, en deviennent-ils des bourreaux ?
Des affaires retentissantes nous rappellent le mur du silence auquel se heurte encore la lutte contre la maltraitance des enfants. Alors, le groupe UMP votera évidemment cette proposition de loi.
Le 119 est trop peu utilisé ; la loi Bas, excellente, peut être améliorée. On protège les médecins pour les inciter au signalement. Et les instituteurs alors ? Et les autres lanceurs d'alerte ? Président de conseil général, j'ai été saisi par un responsable de l'action sociale qui me signalait un cas pour le compte d'une assistante sociale prête à parler mais refusant de s'engager par écrit...
Parler de la protection de l'enfance, c'est aussi parler des moyens. Elle est une dépense contrainte pour les départements, mais, faute de critères objectifs, elle fait trop souvent office de variable d'ajustement dans les budgets...
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - C'est vrai.
M. Christophe Béchu. - Enfin, puisque Mme Rossignol a qualifié le Sénat de chambre du consensus et de la sagesse, je rappelle que la proposition de loi que j'avais déposée avec Catherine Deroche a été votée par 330 voix sur 346 - tous les sénateurs moins quatre socialistes et les écologistes. Elle rendait les allocations familiales aux départements ayant la charge des enfants victimes de violences. Le gouvernement la rejetait en évoquant une grande loi. C'était il y a trois ans. Où en est-on ? (Applaudissements à droite)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État . - Attention de ne pas confondre protection de l'enfance et maltraitance. Des enfants peuvent être confiés à l'Aide sociale à l'enfance pour de tout autres raisons. C'est seulement dans 30 % des cas que la cause en est la maltraitance.
Une grande loi ? Je me méfie : il est parfois difficile de faire avancer les véhicules législatifs et de les faire sortir des gares de triage ; ce sont rarement des TGV. (Sourires) Je suis pragmatique et je préfère bâtir ce grand texte sur la base de la proposition de loi Meunier-Dini, dont l'examen débutera au Sénat. Nous travaillerons dans la concertation, tant avec les parlementaires qu'avec les élus départementaux car j'ai le sentiment que les départements qui défendaient autrefois leur compétence de protection de l'enfance sont désormais en attente d'un pilotage national.
Dans 55 % des cas, le juge attribue déjà les allocations familiales aux institutions. Je ne crois pas qu'il faille aller plus loin : cela irait à l'encontre de l'objectif recherché, faciliter dans bien des cas, le retour de l'enfant dans sa famille. Les juges usent de cette faculté qui leur est offerte de tenir compte aussi précisément que possible des particularités de chaque situation. Tous les enfants placés ne le sont pas pour cause de maltraitance et les allocations familiales servent à payer le loyer...
Un mot des mineurs étrangers isolés : le décret a été annulé par le Conseil d'État pour défaut de base légale, pas pour une raison de fond ; Il retrouvera bientôt une base légale.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.
Alinéa 4
Après le mot :
cellule
insérer les mots :
de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être,
et après le mot :
familles
insérer le signe :
,
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement de précision rédactionnelle a été rédigé en étroite collaboration avec les services de la ministre. Je me félicite de l'excellence de notre collaboration.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Favorable.
L'amendement n°1 est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 1er de la présente loi est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
II. - Après l'article 713-3 du code pénal, il est inséré un article 713-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 713-3-1. - Pour l'application de l'article 226-14 :
« - au 2°, les mots : « ou de la cellule mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles » sont supprimés ;
« - au dernier alinéa, les mots : « civile, » et les mots : « ou disciplinaire » sont supprimés. »
M. François Pillet, rapporteur. - Je rectifie cet amendement sur l'outre-mer pour tenir compte de l'adoption de l'amendement n°1.
Mme la présidente. - Ce sera l'amendement n°2 rectifié.
Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 1er de la présente loi est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
II. - Après l'article 713-3 du code pénal, il est inséré un article 713-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 713-3-1. - Pour l'application de l'article 226-14 :
« 1° Au 2°, les mots : « ou de la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être, mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, » sont supprimés ;
« 2° Au dernier alinéa, les mots : « civile, » et les mots : « ou disciplinaire » sont supprimés. »
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Excellent amendement.
M. Christophe Béchu. - Oui, madame la ministre, nous aurons de nouveau ce débat. On continue de verser l'allocation de rentrée à tous les parents !
En l'état actuel des textes, c'est tout ou rien : le juge ne peut pas moduler l'affectation des allocations familiales.
Enfin, n'oublions pas que nous n'avons des chiffres sur la maltraitance qu'au moment de l'entrée dans le placement. La loi du silence dure des mois, des années, si bien que des chiffres qui paraissent justes ne sont pas forcément conformes à la réalité.
Grâce à l'excellent travail de notre rapporteur, nous pouvons enfin mieux savoir et briser ce tabou.
L'amendement n°2 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
L'ensemble de la proposition de loi est adoptée.
Mme la présidente. - À l'unanimité ! (Applaudissements)
La séance est suspendue à 18 h 5.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 21 heures.
Échec en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Débat préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars 2015
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat préalable à la réunion du Conseil européen des 19 et 20 mars 2015 à la demande de la commission des affaires européennes.
Orateurs inscrits
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes . - Je remercie le Sénat et la commission des affaires européennes pour l'organisation de ce débat sur le prochain Conseil européen des 19 et 20 mars. Je tiendrai le plus grand compte de vos observations dans les négociations à venir ; et ce, dès la semaine prochaine lors du Conseil des affaires générales. Ce Conseil européen s'étendra sur deux jours en raison des nombreux sujets à l'ordre du jour, à commencer par l'Union de l'énergie. La France la souhaite, elle représente une nouvelle étape dans la construction européenne.
La première communication de la Commission du 25 février dernier concerne le cadre stratégique, autour de l'efficacité et de la sécurité énergétiques, la décarbonation de l'économie, du marché intérieur et de la politique de recherche et d'innovation. Ces cinq piliers cohérents assurent l'équilibre de l'accord auquel nous sommes parvenus sur le cadre énergie-climat pour 2030 d'octobre 2014.
Pour construire l'Europe de l'énergie il faut avancer sur toutes les dimensions de l'Union de l'énergie, et non pas comme certains le voudraient mettre seulement l'accent sur le marché intérieur ou la sécurité de l'approvisionnement énergétique. Restons vigilants sur le respect de cette approche globale, cohérente et intégrée et sur certains sujets de régulation comme les tarifs réglementés.
La deuxième communication de la Commission porte sur les interconnexions. L'objectif est d'atteindre 10 % d'interconnexions électriques pour les États où le niveau minimum d'intégration n'est pas atteint comme les pays baltes, l'Espagne et le Portugal.
Lors du sommet de Madrid, le président Juncker a montré l'importance qu'il attache à ce sujet et le soutien financier de la Commission, essentiel notamment pour les interconnexions entre l'Espagne et la France. Une nouvelle ligne souterraine a été inaugurée par le Premier ministre français et le président du Conseil espagnol. D'autres lignes passeront par la mer, au fond du golfe de Gascogne, ou franchiront les Pyrénées.
La troisième communication porte sur la COP21. La Commission insiste sur l'ambition sur le fond comme sur la forme.
Sur la diplomatie du climat la Commission souligne le besoin d'une intervention mobilisatrice des 28 États membres en 2015, en direction de tous les acteurs, États parties à la négociation, ONG, entreprises et collectivités.
Je me réjouis de l'accord intervenu au dernier Conseil environnement. L'Europe est exemplaire et en ordre de marche. Nous attendons des grands émetteurs, États-Unis et Chine en particulier, qu'ils s'engagent à leur tour.
L'Europe se mobilisera aux côtés de la France.
Deuxième grand sujet à l'ordre du jour du Conseil européen, le semestre européen et particulièrement la croissance et l'emploi, stimulés par l'investissement. Les États membres devront en tenir compte dans leurs programmes nationaux de réforme.
Le Conseil Ecofin à Bruxelles aujourd'hui a pris une décision sur la trajectoire budgétaire française : les États membres ont approuvé la trajectoire que la France s'était fixée à elle-même. Il s'agit de réduire le déficit sans nuire à la croissance et à l'emploi. C'est la ligne que nous avons constamment défendue.
La politique monétaire apporte sa contribution à la reprise, avec le lancement hier d'un programme de rachat de dettes. Le niveau de l'euro a baissé, comme le Premier ministre l'avait souhaité dans sa déclaration de politique générale c'est bon pour nos exportations.
Le pacte de responsabilité en France est entré en vigueur depuis le 1er janvier. Le CICE monte en puissance. De nouvelles marges sont données aux entreprises pour investir. Les indicateurs de croissance s'améliorent, l'emploi des jeunes aussi.
Deuxième décision de l'Ecofin d'aujourd'hui : il appuie le plan Juncker de 315 milliards d'euros proposés par la Commission européenne avant que s'ouvrent les négociations avec le Parlement européen. J'étais aujourd'hui même à Strasbourg. Nous devrions ainsi tenir l'échéance de juin 2015 pour soutenir des projets dès cet été.
La Banque européenne d'investissement s'est engagée sur ses fonds propres par anticipation. La France elle aussi s'engage pleinement. Une participation de 8 milliards d'euros est prévue via la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance au plan Juncker.
Des sujets internationaux urgents seront abordés, notamment la situation en Libye ainsi que sur les propositions du sommet de Riga concernant le partenariat oriental, et évidemment sur l'Ukraine. La situation dans l'est de ce pays, un peu plus d'un mois après l'accord de Minsk, sera abordée. Le cessez-le-feu tient dans l'ensemble. Le retrait des armes lourdes s'est engagé et des échanges de prisonniers ont eu lieu. Cette amélioration est néanmoins fragile et nous devons faire preuve d'une vigilance extrême. Nous devons renforcer la mobilisation européenne pour nous assurer du plein respect des accords de Minsk, et, par le dialogue politique, pour rétablir des relations normales entre la Russie et l'Ukraine ainsi qu'entre la Russie et l'Union européenne.
La France et l'Allemagne ont reçu le soutien des États membres. Telles sont les principales questions à l'ordre du jour de ce Conseil européen, face aux urgences présentes, tourné vers l'avenir avec cette Union de l'énergie, étape décisive dans l'histoire de la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Simon Sutour . - Depuis quelques mois, des signaux européens tangibles montrent que l'urgence n'est plus à l'austérité, mais enfin à la croissance et à l'investissement. Malgré ces signaux, la concrétisation des investissements nécessaires risque de se faire attendre. Le renforcement de l'UEM a été reporté à une date ultérieure et le volet social demeure le parent pauvre de cette nouvelle Commission européenne. Terrorisme, Ukraine, Grèce, de nombreux sujets d'actualité se sont invités dans les discussions européennes. Il faut appeler à plus d'audace nos dirigeants européens. La Banque centrale européenne ne s'y est pas trompée sur la Grèce, qui place les dirigeants politiques devant leurs responsabilités. Il faut définir une politique de sortie de crise. La consolidation budgétaire ne peut oublier ses conséquences sociales et économiques. Président du groupe d'amitié avec ce pays, je rappelle que la Grèce n'est pas un pays comme un autre : elle a adhéré à l'Union après la dictature des colonels, mouvement que la France a soutenu ; c'est dans ce pays qu'est née la démocratie. Dêmos : le peuple en grec. Ce pays est le berceau de notre civilisation.
Sur la communauté de l'énergie, nous ne pouvons plus nous permettre le luxe d'attendre. Les socialistes l'appellent de leurs voeux depuis Jacques Delors. Le cadre stratégique de 2009 avait une portée très limitée.
L'Union européenne se doit d'adopter d'ici la COP21 une feuille de route ambitieuse. Agissons sur les économies d'énergie, la fin de la dépendance aux hydrocarbures, une place importante pour le nucléaire, avec les garanties de sûreté nécessaire.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien.
M. Simon Sutour. - Il faut déclarer la guerre à la pauvreté énergétique, soutenir l'investissement dans les secteurs créateurs d'emplois comme les infrastructures et la recherche innovation. Le secteur énergétique souffre d'un sous-investissement chronique. Comment le plan d'investissement européen pourrait-il financer à la fois des projets publics et privés et la recherche et l'innovation pour conforter nos filières d'excellence ? Ne faudrait-il pas envisager un instrument d'investissement spécifique ?
L'Union européenne doit s'exprimer d'une seule voix à l'égard des pays tiers mais les États membres doivent conserver la responsabilité première de la sécurité de leurs approvisionnements.
Mais il faut développer la solidarité entre États membres.
Quant à la politique extérieure, je suis d'accord, monsieur le ministre, avec ce que vous avez déclaré sur la Libye, source importante de déstabilisation.
En Ukraine, la situation est loin d'être stabilisée. Le cessez-le-feu est à mettre au crédit du couple franco-allemand, mais il reste fragile. La situation peut rapidement basculer. Il est nécessaire de réajuster les sanctions. On peut regretter que la réunion de Riga n'ait pas mieux accompagné les efforts de Paris et de Berlin. Rien ne remplacera un dialogue apaisé et constructif avec le grand pays qu'est la Russie.
Monsieur le ministre, nous savons que vous faites au mieux. Nous comptons sur vous pour soutenir le combat de la France en faveur d'une Europe plus politique et, surtout, plus sociale. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme la présidente de la commission des finances, M. le président de la commission des affaires européennes et Mme Colette Mélot applaudissent aussi)
M. Michel Billout . - En Ukraine, les populations souffrent, aux portes de l'Union. Les relations avec la Russie ont un impact direct sur l'Union de l'énergie. Yalta a coupé l'Europe en deux, en fonction du rapport de force militaire de l'époque, au mépris de la volonté des peuples. Faut-il dessiner une nouvelle frontière est-ouest en Ukraine aujourd'hui ?
Le cessez-le-feu a bien du mal à être respecté. Si l'action diplomatique mérite d'être saluée, je m'interroge sur certaines conséquences des accords de Minsk, qui obligent l'Ukraine à modifier sa Constitution, intensifient la notion de décentralisation, posent la question de l'autorité politique nationale. Ils incarnent néanmoins une volonté de solution politique, qui a ma préférence par rapport à l'envoi de 3 000 soldats à la frontière russe par les États-Unis avec chars, véhicules de combat et hélicoptères. Et que penser de la volonté de Jean-Claude Juncker de créer une armée européenne ? Elle ne va pas, c'est le moins que l'on puisse dire, dans le sens d'un apaisement.
On est en droit d'attendre un peu plus de sérieux du président de la Commission. Sa déclaration tourne le dos aux coopérations renforcées qui mériteraient plus de volontarisme, face aux problèmes de chaine de commandement et de budget notamment... En outre l'armée incarne une nation et il n'y a pas de nation européenne. Monsieur le ministre, quelle est la position de la France face à ces déclarations de M. Juncker ?
En ce qui concerne la dépendance énergétique de l'Union vis à vis de la Russie, celle-ci est taxée de « fournisseur non fiable », utilisant son gaz comme une arme politique. Or la Russie a changé de politique, elle a renoncé à son projet de gazoduc contournant l'Ukraine et choisit de fournir ses clients aux frontières de l'Union.
Nous nous interrogeons sur les « nouveaux partenariats » que compte développer l'Union européenne. Il est prématuré de compter sur l'Iran, l'Irak, la Turquie, l'Azerbaïdjan ou le Turkménistan. En coopérant avec eux, l'Union européenne donne son feu vert aux violations des droits de l'homme commises dans ces pays et dénoncées par Amnesty International. Ne fermons pas les yeux sur les pratiques de ces pays.
Sur le marché intérieur de l'énergie, l'Union de l'énergie implique que les politiques nationales « non coordonnées » devront être remplacées par une réglementation « ambitieuse », qui remettra en cause le pouvoir des États en matière de tarification. L'accès à l'énergie doit pourtant être garanti à chaque citoyen européen. Tout ne doit pas être livré au marché.
Oui, l'énergie doit contribuer aux objectifs climatiques, elle ne doit en aucun cas être considérée comme une simple marchandise. (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Jean-Yves Leconte applaudit aussi)
M. Jean-Claude Requier . - La semaine dernière, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la transition énergétique et à la croissance verte. L'Union européenne de l'énergie est à l'ordre du jour du prochain Conseil européen. La Communauté européenne a été fondée sur une ambition énergétique, avec la Ceca et l'Euratom.
Les initiatives s'accélèrent depuis quelques années. Bien souvent, il s'est agi de déréguler les marchés. Il s'agit désormais de les faire converger, ce qui est un progrès.
Le RDSE, attaché à l'approfondissement de l'Europe, marque son intérêt pour une politique énergétique commune. Notre dépendance aux exportations de l'Opep et de la Russie constitue une faiblesse, l'Europe doit garantir ses approvisionnements et améliorer ses réseaux interconnectés.
L'Union a souscrit des engagements pour 2020 et 2030, déclinés par la France dans la loi sur la transition énergétique.
La politique énergétique européenne ne doit pas s'en tenir à la réduction des émissions de CO2, qu'elles émanent des vaches ou non... (Sourires) Elle doit se soucier de sécuriser son approvisionnement. La coordination ne va pas de soi vu la diversité des situations : la France dispose du nucléaire, la Pologne est totalement dépendante du gaz russe.
On ne peut que souhaiter le développement des énergies renouvelables. Le potentiel maritime de l'Europe est important. En raison de sa consommation à la hausse, l'Union européenne doit pouvoir compter sur un approvisionnement stable.
Je passe à nos relations avec la Russie, impliquée dans la crise ukrainienne. Je salue à cet égard la démarche franco-allemande qui a abouti à l'accord Minsk II.
Nous devons tout faire pour contenir les tensions avec la Russie, en menant une politique de voisinage raisonnable car elle ne renoncera pas à créer une sorte de cordon sanitaire par rapport à l'Otan, comme nous l'avons vu en Transnistrie et en Crimée. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Philippe Bonnecarrère . - Merci monsieur le ministre pour votre fidélité à ce débat qui met en perspective les évènements.
La Commission européenne et la BCE font preuve d'un activisme en faveur de la reprise économique. Il faut rendre hommage à la Commission Juncker à cet égard. La France est face à ses contradictions, compte tenu de sa difficulté à réformer. Dans quelles conditions aborde-t-elle ce Conseil ? Pour gagner du temps ou prendre sa part des efforts en faveur de la reprise économique ?
Notre pays fait face à un triple déficit budgétaire, commercial et sur le marché du travail, que l'on raisonne en taux de change ou en nombre d'heures de travail. Plusieurs délais successifs ont été accordés à notre pays.
Il serait opportun de faire preuve de pédagogie envers nos concitoyens sur le déficit structurel. Comment, monsieur le ministre, voyez-vous la correction pluriannuelle qui lui est demandée, de l'ordre de 30 milliards d'euros ? Je suis réservé sur les 50 milliards annoncés, dont 30 milliards sont destinés à financer une diminution des charges sociales...
Je ne reviens pas sur la première génération de réformes structurelles, pour ne pas être discourtois... Je suis attaché en revanche à la seconde génération, c'est-à-dire à la manière de trouver les 50 milliards d'euros d'économies annoncés. Nous avons de grandes interrogations sur la vertu du projet de loi Macron.
Pour être objectif, je vous apporte mon soutien sur la défense européenne. Entendre le président Juncker évoquer une défense européenne ne me choque pas. En revanche, il est peu convenable que la plupart des pays d'Europe vivent sous la protection de l'OTAN d'une part et d'autre part de la Grande-Bretagne et de notre pays. Il ne me choquerait pas que nos dépenses en faveur de notre défense, donc de la défense européenne, soient comptabilisées à part. Faudra-t-il aller vers une loi de finances rectificative ?
J'avais prévu aussi d'évoquer les différences de taux de croissance en Europe. Mon propos n'a d'autre but que de briser nos faux-semblants.
Sur l'Ukraine, notre groupe a un spécialiste, M. Pozzo di Borgo. Lors du prochain débat, il pourrait faire un point sur cette question. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
Mme Pascale Gruny . - Le prochain Conseil européen traitera de sujets variés et importants.
L'énergie est l'un des problèmes désormais stratégiques pour lesquels l'intégration européenne apporte une valeur ajoutée, alors que le contexte géopolitique est tendu, avec la Russie et au Moyen-Orient.
L'Europe importe 55 % de sa consommation pour une facture de 400 milliards d'euros. L'électricité et le gaz y sont plus chers qu'aux États-Unis. De très lourds investissements sont nécessaires : on les estime à 2 000 milliards d'euros d'ici 2025 pour moderniser, interconnecter et adapter notre réseau aux énergies renouvelables. Or l'Europe de l'énergie est loin d'être une réalité. Le cadre stratégique marque un pas en avant, mais ce n'est que le début d'un processus long et ardu. Le socle intersectoriel proposé représente une bonne base pour discuter.
Les interconnexions et l'intégration du marché intérieur devront entraîner de réelles économies mais il faudra jouer sur la complémentarité des mix énergétiques nationaux. L'énergie nucléaire est pour l'instant le parent pauvre de cette stratégie. C'est sur les entreprises que reposera l'essentiel de la charge de l'investissement. Leur environnement devra donc être favorable.
Dans le secteur du gaz, il faudra adresser des messages forts et cohérents aux partenaires et aux investisseurs. L'équilibre sera difficile à trouver entre coordination, gouvernance globale et liberté pour les États membres de conduire la politique la mieux adaptée à leurs besoins. Notre pays est bien placé avec ses 37 interconnexions sur six frontières.
Les étapes à franchir sont complexes et nombreuses, pour que l'Europe de l'énergie aboutisse au succès que nous souhaitons.
Les relations avec la Russie et la crise ukrainienne ont bien sûr une résonance énergétique très forte.
Les résultats des dernières élections en Grèce nous ont tous interpellés sur la question de la coordination budgétaire, mais, sur le semestre européen, je souligne que la situation française est inquiétante. La Commission considère que le CICE et le pacte de responsabilité n'auront pas d'effets réels sur la croissance, contrairement à leur objectif proclamé.
À politique inchangée, le déficit public français ne pourra pas passer sous la barre des 3 % en 2017. Or le ministre de l'Économie a annoncé, il y a quelques jours, qu'aucun effort supplémentaire d'économies n'était prévu.
Une liste de réformes macroéconomiques devra être présentée d'ici la fin du mois de mai, faute de quoi la France pourrait être mise en demeure. Les carences économiques de la France sont largement connues : son manque de compétitivité exige d'abaisser le coût du travail et de s'attaquer aux rigidités du marché du travail. Ne rien faire serait laisser aller notre pays à l'échec et, à terme, l'Europe car la France est la deuxième économie du continent. Il y va de notre responsabilité. Vous l'aurez compris monsieur le ministre, nos attentes sont fortes ! (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Le Conseil européen des 19 et 20 mars intervient après les accords de Minsk II. À titre personnel, je considère que de la résolution de la crise ukrainienne dépend l'avenir de l'Europe politique.
Présidente de la commission des finances, j'attire l'attention sur les lourdes conséquences de cette crise sur notre économie, en particulier pour nos agriculteurs, et les investissements dans les pays de l'Est.
Cette crise met en lumière la nécessité de construire une Europe de l'énergie interconnectée. Au-delà des principes, il faudra parler des financements : il est question d'investissements de 1 000 milliards sur cinq ans...
Cela m'amène à évoquer le dernier sujet à l'ordre du jour du Conseil européen : le semestre européen. La Grèce, l'Ukraine sont des défis historiques qui nous obligent à présenter une politique résolument tournée vers la croissance. Le 27 février dernier, la Commission européenne a repoussé de deux ans le délai de correction de nos déficits. Nos partenaires allemands considèrent cela justifié ; ce geste, disent-ils, est nécessaire pour rétablir la confiance des investisseurs. De même, dans ses recommandations au titre de la procédure de correction des déséquilibres macroéconomiques, la Commission européenne a fixé l'échéance au mois de mai. Ce mécanisme peut entraîner des sanctions. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les orientations de la Commission ?
Tout cela est bien complexe. Pour que l'Europe reste une amie, nous avons besoin d'éclaircissements. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Le débat préalable au Conseil européen est un rendez-vous auquel les sénateurs sont très attachés. Merci au président du Sénat de l'avoir programmé et au ministre de sa disponibilité pour cette discussion au lendemain de l'adoption du projet de loi pour la transition énergétique.
L'Europe importe 53 % de sa consommation en énergie, la plupart du gaz russe transite par l'Ukraine. C'est dire l'importance de l'Union de l'énergie, après la baisse du prix de l'énergie aux États-Unis qui a fait suite à la révolution du gaz de schiste. La France a une grande expérience en matière de nucléaire, élargissons nos objectifs décarbonés à cette énergie dans la perspective de la COP21.
Je veux insister sur le rôle moteur de la France et de l'Allemagne : ce sont les deux principaux producteurs et consommateurs d'énergies renouvelables, et d'énergie tout court. Leur coopération est primordiale, comme elle l'a été pour aboutir aux accords de Minsk II. Si cet accord demeure fragile, il n'y a pas d'autre solution que politique. Le Sénat qui a une grande expérience de la décentralisation, est prêt à la partager dans le cadre de l'OSCE ; c'est ce que le président du Sénat a rappelé récemment en Russie.
Autre sujet, le partenariat oriental. Soyons pragmatiques et privilégions une approche par projet, dans le cadre de la déclaration de Prague de 2009 et du respect des principes de conditionnalité et de différenciation - la politique de voisinage n'est pas la politique d'élargissement.
Enfin, ce Conseil européen concernera le semestre européen. Notre commission tiendra demain une réunion ouverte à tous avec le vice-président de la Commission Dombrovskis. À la France de respecter ses engagements - la lecture des recommandations de la Commission, que je vous conseille, est édifiante ; à tous de s'imposer une discipline commune, sans quoi la zone euro ne peut pas fonctionner.
Avec l'Allemagne, la France a proposé une solution pragmatique pour la Grèce. Nos contribuables sont concernés au plus près : nous avons contribué à hauteur de 70 milliards d'euros au redressement de ce pays. Solidarité, oui, respect des engagements aussi. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Merci de vos interventions sur l'Europe de l'énergie. La lutte contre la précarité énergétique, monsieur Sutour, relève bien de la politique de l'énergie, et non seulement de la politique sociale. Les tarifs réglementés participent aussi de la compétitivité de notre économie, M. Bizet l'a rappelé en parlant du nucléaire. La mobilisation du fonds européen d'investissement stratégique sera effectivement un élément déterminant de la réussite de l'Europe de l'énergie. M. Billout a eu raison d'insister sur la gouvernance et l'organisation du marché de l'énergie.
Concernant le semestre européen, la recommandation de la Commission européenne, adoptée aujourd'hui par le Conseil Ecofin, converge avec notre propre stratégie budgétaire. Nous en sommes conscients, notre situation impacte l'ensemble de la zone euro. Cependant, il faut tenir compte de la situation économique : le redémarrage de la croissance, et elle redémarre, contribuera à la consolidation budgétaire. La Commission a elle-même parlé de flexibilité, l'accord est aujourd'hui unanime pour dire qu'une politique de restriction budgétaire trop sévère a un effet de contraction sur l'activité.
La loi de finances pour 2015 repose sur une prévision de croissance de 1 %, qui correspond à celle de la Commission - d'autres organismes étant même plus optimistes -, elle est solide. En 2014, la croissance était de 0,4 %, le redémarrage est donc là. Le dialogue avec la Commission se poursuit : en juin, nous présenterons la manière dont nous atteindrons les 0,5 % d'effort structurel - après l'échéance de la présentation du programme de stabilité et du programme national de réformes en avril. Nous sommes déterminés à engager des réformes de structure : la loi NOTRe, la loi sur la carte des régions, la simplification des normes, le projet de loi sur l'activité et la croissance ; François Rebsamen présentera bientôt une loi sur le dialogue social.
Nous sommes aussi déterminés à réduire les prélèvements obligatoires tout en maintenant un haut niveau de solidarité et de services publics, auquel les Français sont très attachés. Nous pouvons avancer sans casser notre modèle social et républicain. L'Europe était à Paris, dans la rue, le 11 janvier pour dire qu'on ne céderait pas au terrorisme mais aussi pour défendre son modèle de société, le modèle de liberté et de solidarité qui est à l'origine du projet européen.
C'est vrai, le président de la Commission européenne a utilisé une expression audacieuse, celle d'armée européenne. Pour nous, il faut d'abord faire avancer la politique européenne de défense et de sécurité, renforcer nos capacités de défense commune et nos outils collectifs - cela a été évoqué lors du Conseil de décembre dernier. Nous voulons mutualiser davantage les dépenses d'Opex à travers le mécanisme Athena - qui sont supportées aujourd'hui par quelques États membres. Nous souhaitons que chaque pays européen consacre 2 % de son budget à la défense, dont 20 % à la recherche et à l'innovation.
Le sommet de Riga a confirmé la distinction entre politique de voisinage et politique d'élargissement.
S'agissant de l'Ukraine, les sanctions doivent conduire à une solution politique. Les sanctions sectorielles arrivent à échéance le 31 juillet prochain, elles pourront évoluer en fonction du respect des accords de Minsk. Des élections doivent avoir lieu à l'automne dans l'est du pays - c'est la condition d'une stabilité durable une fois que nous aurons obtenu le respect des accords de Minsk II. En parallèle, nous continuons de soutenir l'Ukraine à travers l'Europe et le FMI, pour moderniser son administration et lutter contre la corruption.
Hier, lors de la réunion du Conseil Ecofin, nous avons décidé de continuer à travailler avec le nouveau gouvernement grec sur les réformes envisagées. Les Grecs ont choisi le changement après des années d'austérité à l'effet récessif ; le nouveau Premier ministre respecte son engagement de campagne mais il a aussi la volonté de travailler dans le cadre de la zone euro - il me l'a confirmé. Nous continuons d'assister la Grèce en matière de réforme fiscale, de réforme administrative. C'est un devoir politique pour tous les États membres que d'aider ce pays à vivre son destin dans la communauté politique qu'est l'Europe. C'est la seule option sur laquelle nous travaillons.
Merci encore pour ce débat, pour votre soutien à l'Europe de l'énergie. La France se rendra au Conseil européen des 19 et 20 mars dans un esprit de détermination, de leadership et d'engagement. (Applaudissements)
Débat interactif et spontané
Mme Fabienne Keller . - Il y a quelques jours, la Commission européenne a accordé un nouveau délai, jusqu'en 2017, à la France pour réduire son déficit en dessous des 3 %. Elle a rappelé que 4 milliards d'euros d'économies structurelles supplémentaires seraient nécessaires. Comment ? La loi NOTRe ? On ne voit pas où sont les économies. Quant aux grandes régions, elles entraîneront des charges supplémentaires dans un premier temps, avant d'éventuelles économies, qui ne sont pas avérées. La simplification des normes ? Attendons de voir. Le projet de loi Macron ? Il ne s'appliquera pas en 2015...
Nous devons présenter des réformes d'ici mai. Comment crédibiliser ces engagements, sinon par un projet de loi de finances rectificatif ? Nos partenaires européens attendent que la France prenne enfin des décisions de fond et redonne espoir à l'ensemble de l'Europe.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Vous avez raison, la fusion des régions et la clarification des compétences auront des effets à terme.
Mme Fabienne Keller. - On n'en sait rien !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Nous souhaitions tous simplifier le millefeuille ; nous, nous l'avons fait. (Rires et marques d'ironie à droite)
M. René-Paul Savary. - Provocateur !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Le ministre des Finances travaille à documenter ces 4 milliards d'économies supplémentaires. Vous le savez, nous avons dû renforcer notre corps enseignant, engager un milliard d'euros de plus après les attentats de janvier pour lutter contre le terrorisme - le Premier ministre a demandé que ce soit par redéploiement. Nous tiendrons nos engagements tout en respectant nos priorités et sans affecter la croissance.
Notre lutte impitoyable contre la fraude et l'évasion fiscales, la Commission européenne l'a noté, a porté ses fruits : 2 milliards d'euros supplémentaires au budget de l'État en 2014 ; on prévoit la même somme pour 2015. Les leviers d'action existent.
M. Richard Yung . - La présidence lettonne avance une proposition qui nous cause quelques soucis. À peu de choses près, elle reprend une proposition du commissaire Michel Barnier, elle-même reprise de M. Vickers, qui n'avait pas été plus loin que la fin de la Commission Barroso. Cette proposition revient à classer les banques selon la taille de leur bilan, et non du niveau de leurs risques. Cela vise uniquement la France, puisque les grandes banques allemandes ont migré à Londres et que peu de pays ont des banques universelles comme les nôtres. J'espère que la France défendra ses banques et sa législation bancaire.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Ce projet de règlement est seulement en phase de discussion interne. La France continue de défendre son modèle de banque universelle. Avec la loi sur la séparation des activités bancaires, elle a répondu au problème posé. Il n'y a pas de raison d'aller plus loin : toutes les banques françaises ont franchi avec succès le stress test européen, preuve que notre législation assure la stabilité bancaire.
MM. Jacques Chiron et Richard Yung. - Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly . - Ma question porte sur la récente décision de la Cour de justice de l'Union de porter le taux de TVA sur le livre numérique au taux normal et non pas au taux réduit qui s'applique au livre papier et doit, donc, pour la France, s'appliquer à tous les livres, quel que soit leur support.
Certes, ce sujet n'est pas à l'ordre du jour du prochain Conseil européen mais l'enjeu est de taille : le taux de TVA réduit sur le livre numérique est indispensable pour favoriser la diffusion des oeuvres d'expression européenne et développer le marché unique numérique. L'Allemagne défend cette même position.
Je suis consternée par la décision de la Cour de justice européenne, qui va à contre-courant de la politique en faveur du développement du numérique. Il y a la question fiscale mais aussi celles de la régulation concurrentielle, de la protection des données personnelles et de la politique industrielle. Quelle stratégie le gouvernement entend-il suivre ? Il est incroyable que la seule mesure envisagée au niveau européen soit la révision de la directive de 2001 sur les droits d'auteur... Comptez-vous vous mobiliser, monsieur le ministre ? L'enjeu est crucial. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - La Cour de justice de l'Union a en effet jugé que l'application du taux réduit de TVA au livre numérique, que nous avons appliqué par parallélisme des formes, contrevenait à la directive TVA de 2006. Nous défendons le principe de la neutralité technologique pour les produits culturels et allons demander à la Commission de faire des propositions en ce sens. La voie naturelle serait de réviser la directive de 2006 - ce qui impose l'unanimité. Il serait absurde d'agir autrement quand l'Europe a décidé de faire du numérique un de ses grands chantiers d'avenir. Je vous rejoins totalement, nous mènerons ce combat avec l'Allemagne et d'autres pays.
Mme Nicole Duranton . - Le prochain Conseil européen abordera les relations de l'Union européenne avec la Russie et le partenariat oriental.
Tous les responsables européens, tous les parlementaires, les membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dont je suis, sont préoccupés par l'application des accords de Minsk II. Nous nous réjouissons du cessez-le-feu, mais ce qu'on appelle pudiquement le « conflit ukrainien » ne doit pas nous faire oublier la réalité : l'annexion de la Crimée est-elle considérer comme un fait irrévocable ? Les ministres des affaires étrangères de l'Union ont renoncé à la possibilité de nouvelles sanctions contre la Russie...
Nadia Savtchenko, membre comme moi de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, est détenue en Russie depuis juin 2014 et a commencé une grève de la faim. La justice russe ne la considère pas comme un otage et affirme avoir de sérieuses raisons de l'inculper. Qu'en pense le gouvernement ?
Les institutions européennes doivent adopter une politique diplomatique plus claire à l'égard de la Russie en insistant sur le fait que les accords d'association, tel celui signé avec la Moldavie, ne sont pas un préalable à l'adhésion ni ne concurrencent l'union euro-asiatique proposé par le Kremlin. (Mme Colette Mélot applaudit)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Nous ne reconnaissons pas l'annexion de la Crimée et défendons la souveraineté de l'Ukraine ; nous demandons la libération de Nadia Savtchenko.
Nous plaidons aussi l'apaisement. Les initiatives du président de la République et de la Chancelière ont été saluées et soutenues par tous les membres du Conseil européen. La seule issue à cette crise passera par la voie politique et diplomatique. Cela passe par la libération des otages, le respect de la frontière, le rétablissement des relations économiques normales, afin notamment - nous sommes intervenus en ce sens - que l'Ukraine ne soit pas privée de gaz.
Telle est notre feuille de route. Tel est le sens des initiatives franco-allemandes, soutenues par l'Union européenne. Il n'y a pas d'issue militaire à ce conflit. À chaque fois qu'il y a eu une escalade militaire, un désordre humanitaire est survenu et la situation a empiré pour l'Ukraine. Nos objectifs sont de ramener les Ukrainiens et les Russes à la table de négociation, de faire cesser le soutien aux séparatistes, de veiller au respect des accords de Minsk.
M. Simon Sutour. - Bis repetita placent.
M. Jean-Yves Leconte . - Sur l'Ukraine j'interroge, une fois n'est pas coutume, le président de la commission des affaires européennes... Je salue l'action franco-allemande pour faire en sorte qu'émerge une solution européenne. Personne n'est dupe de l'engagement russe. La situation à Marioupol sera un test. Cette guerre n'est pas une guerre civile. J'ai aussi une pensée pour Mme Savtchenko.
Ce qui s'est passé l'an dernier en Ukraine, c'est une révolution. Cela ne devrait faire peur ni en France ni en Russie. Des réformes sont en cours en Ukraine, la tâche est énorme ; la coopération interparlementaire est indispensable pour les faire réussir. Monsieur le président, je souhaiterais que nous accompagnions, avec nos collègues européens, nos collègues ukrainiens, pour faire advenir une vraie démocratie.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - J'ai été informé par le président Gérard Larcher qui était avec vous et d'autres collègues à Moscou. Cette voie de la coopération interparlementaire est à creuser. La piste de la « décentralisation approfondie » peut être travaillée dans ce cadre, dans le respect évidemment des frontières et de la souveraineté de l'Ukraine et aussi des accords de Minsk. Une certaine autonomie des provinces de l'est pourrait se concevoir. Soyons ouverts, donc, et réalistes.
Mme Colette Mélot . - Je reviens sur l'énergie. Avec un solde exportateur net de 65 TWh en 2014, la France est aux toutes premières places mondiales, elle est le premier exportateur européen. C'est en s'appuyant sur la sécurité de cette production que l'Europe, en particulier l'Allemagne, a pu développer les énergies renouvelables - qui sont extrêmement fluctuantes. La stabilité, le volume et la compétitivité de notre production électrique proviennent en grande partie du nucléaire. Or cette énergie est le parent pauvre de la stratégie présentée le 25 février dernier.
La France, avec d'autres États membres, a envoyé un courrier à la Commission européenne pour souligner le rôle important du nucléaire pour la sécurité d'approvisionnement et la compétitivité de l'économie, ainsi que son faible niveau d'émission ; elle a demandé que les mécanismes de financement de l'Union de l'énergie s'appliquent aux nouveaux projets de la filière nucléaire. Je me réjouis que la France tienne ce langage au niveau européen.
Mais la loi de transition énergétique prévoyait, avant son passage au Sénat, un calendrier de réduction de la part du nucléaire, et le plafonnement du parc nucléaire à son niveau actuel, à rebours de la vision européenne d'un marché européen de l'énergie efficacement interconnecté, respectueux des choix énergétiques de chaque État membre. Grâce au nucléaire, la France joue un rôle stabilisateur pour l'ensemble du marché électrique européen.
Monsieur le ministre, quelle est la stratégie en la matière du gouvernement et de la majorité, au niveau national et européen ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Vous faites référence à une lettre de Ségolène Royal à la Commission européenne, qui a fait valoir notre approche équilibrée et globale de la politique énergétique européenne et souligné l'apport du nucléaire : réduction de la dépendance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre, filière d'excellence créatrice d'emplois.
Nous défendons la part du nucléaire nécessaire, que le projet de loi de transition énergétique plafonne au niveau actuel. Le volume ne diminue donc pas. D'anciennes installations comme Fessenheim seront remplacées. Pour le reste, l'objectif est de 50 %, compte tenu de la montée en puissance des énergies renouvelables.
Nous demandons au niveau européen que l'on ne remette pas en cause le libre choix des États. Le Premier ministre aura des discussions demain en Pologne à ce sujet. J'aurai le plaisir de l'y accompagner. Je vous en rendrai compte au retour.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Je vous remercie pour votre disponibilité et pour la clarté de vos réponses, monsieur le ministre.
J'ai deux messages à vous transmettre. Le premier concerne le plan Juncker. Avec la baisse des dotations de l'État aux collectivités locales, tout ce qui concourra à injecter dans les territoires une quote-part des 315 milliards d'euros sera bénéfique ; le Sénat, représentant des collectivités territoriales, y sera très attentif et je souhaite que vous le soyez vous-même. À travers l'ARF et l'AMF, nous devons aider les élus locaux à mobiliser ces fonds. La conjoncture, avec le renouvellement des instances régionales, ne s'y prête guère, mais le Sénat y veillera.
Le deuxième concerne le semestre européen. Je voudrais partager votre optimisme, monsieur le ministre, mais j'avoue être inquiet. La France est placée avec la Croatie, la Hongrie, l'Italie et le Portugal parmi les pays en déficits excessifs. La Commission nous invite à réformer. Un projet de loi est devant nous que nous examinerons ici en avril. Lors d'une table ronde, M. Macron a eu l'honnêteté de reconnaître qu'il ne bouleversera pas l'économie française. Sachez que le Sénat n'adoptera pas une attitude négative sur le sujet mais je ne vois pas en quoi la mise sous tutelle de l'Autorité de la concurrence des professions réglementées apportera plus de compétitivité, non plus que le travail du dimanche. J'aimerais néanmoins partager votre optimisme. Il vous faudra trouver 4 milliards, plus les 3 milliards de la programmation militaire... Rendez-vous le 10 juin.
Le débat est clos.
Prochaine séance demain, mercredi 11 mars 2015, à 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 25.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mercredi 11 mars 2015
Séance publique
De 14 h 30 à 18 h 30
Présidence : M. Hervé Marseille, vice-président
Secrétaire : Mme Catherine Tasca
1. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement (n° 126, 2014-2015)
Rapport de Mme Claire-Lise Campion, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 238, 2014-2015)
Texte de la commission (n° 239, 2014-2015)
2. Proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l'Agence France locale (n° 536, 2013-2014)
Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 315, 2014-2015)
Texte de la commission (n° 316, 2014-2015)
3. Suite de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant (n° 799, 2013-2014)
Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 146, 2014-2015)
Texte de la commission (n° 147, 2014-2015)
Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 139, 2014-2015)