Premiers secours (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.
Discussion générale
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville . - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Cazeneuve, ministre de l'Intérieur.
Tout le monde partage le but de cette proposition de loi : sauver des vies. D'autant plus que la vigilance sur la route se relâche à en croire les derniers chiffres. Le gouvernement veut toujours atteindre l'objectif de diviser par deux le nombre de morts sur la route en 2020.
Ce texte s'inscrit également dans la réforme du permis de conduire annoncée le 13 juin 2014, immédiatement après l'examen de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale. Un examen moins long et moins coûteux.
Depuis 2006, les élèves de troisième reçoivent une formation aux premiers secours sanctionnée par l'attestation « Prévention et secours civiques de niveau 1 ». En 2014, 33 % des élèves du collège ont reçu un tel enseignement contre 20 % en 2011.
Je me réjouis de l'évolution de ce texte en commission : plutôt que multiplier les épreuves et renchérir les coûts du permis de conduire, renforcer la connaissance des gestes à avoir en cas d'accident.
Le décret d'application de l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 a été pris : désormais, la sensibilisation aux gestes de premiers secours sera systématique. Le gouvernement n'en est pas resté là : dès la fin de cette année, l'épreuve théorique du permis de conduire - ce que l'on appelle communément « le code » - comprendra obligatoirement une question sur ce thème.
Le gouvernement soutient l'adoption de cette proposition de loi équilibrée et cohérente. Toutes les conditions sont réunies pour réussir son application.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois . - Le Sénat doit se prononcer en deuxième lecture sur cette proposition de loi examinée le 12 juin 2014 à l'Assemblée nationale.
En première lecture, le Sénat a conservé le principe d'une formation obligatoire mais supprimé l'épreuve supplémentaire souhaitée par les auteurs de la proposition de loi. Les députés ont souscrit à ce choix et n'ont apporté que des modifications mineures.
Ce texte part d'un constat partagé : seulement 46 % des Français connaissent les gestes de premiers secours. Pourtant, une sensibilisation est prévue pour tous les élèves du collège. En pratique, trop peu en bénéficient, malgré l'embellie notée par la ministre.
Nous n'avons pas voulu d'une épreuve spécifique qui aurait augmenté le prix du permis de conduire de 50 à 60 euros. Dois-je rappeler que le permis de conduire est indispensable pour postuler à de nombreux emplois ? Cette épreuve supplémentaire, qui allongerait encore les délais, serait impossible à organiser, tant pour les formateurs que pour les candidats en zone rurale.
L'appel d'offres lancé le 13 février 2015 modifie les questions de l'examen théorique. Je m'en réjouis mais j'insiste : il faut systématiquement une question sur la conduite à tenir en cas d'accident, faute de quoi les candidats ne s'investiront pas.
Les députés, je l'ai dit, ont peu modifié le texte. Ils ont eu raison de supprimer l'obligation de sensibilisation prévue par l'article 16 de la loi du 12 juin 2013, elle serait contradictoire avec ce texte plus fort.
En conclusion, je recommande l'adoption conforme de ce texte tout en demandant au gouvernement de s'engager à évaluer régulièrement la formation aux gestes de premiers secours. (Applaudissements)
M. François Zocchetto . - On a dénombré 3 250 morts sur la route en 2013, le chiffre le plus bas depuis 1948. Quand la moitié des victimes meurent dans la première minute après l'accident, nous pourrions faire mieux si les Français maîtrisaient les cinq gestes qui sauvent, répertoriés depuis 1967. Quelque 98 % des Français sont favorables à une telle formation obligatoire qui existe ailleurs.
Le groupe UDI-UC se réjouit que l'on ait écarté le principe d'une épreuve supplémentaire, qui aurait pénalisé les jeunes. Il soutiendra l'adoption de cette proposition de loi en ces temps où les chiffres de 2014 montrent une augmentation de la mortalité routière. (Applaudissements au centre et sur les bancs écologistes)
M. Roger Madec . - Chacun d'entre nous peut assister à un accident de la circulation. Combien d'entre nous savent quelle conduite tenir ? Seulement 46 % des Français, contre 80 % des Allemands et des Scandinaves. D'après la Croix-Rouge, 500 vies pourraient être sauvées si nous renforcions cet apprentissage.
Le secourisme, au-delà de la route, est un formidable moyen de développer l'entraide. Former plus de jeunes doit être une priorité. Pour nous, socialistes, l'éducation à la sécurité routière doit être régulière et se faire tout au long de la scolarité, et pourrait donner lieu à une formation spécifique lors de la journée citoyenne et à une sensibilisation au travail.
Je félicite M. Leleux pour sa ténacité, même si ses trois amendements ne me semblent pas nécessaires. Le gouvernement s'est engagé dans une réforme ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur le banc de la commission)
Mme Esther Benbassa . - L'exposé des motifs de cette proposition de loi est limpide : sauver plus de vies. Même si le nombre de morts diminue sur la route, il reste préoccupant.
Ce texte fait consensus : renforcer la formation aux premiers secours qui accuse du retard en France. L'enjeu est considérable : on compte 19 000 décès dans notre pays par an, surtout chez les enfants, dus aux accidents de la vie quotidienne. C'est la troisième cause de mortalité après le cancer et les maladies cardiovasculaires. On estime que 250 vies par an pourraient être sauvées sur la route.
La proposition de loi initiale soulevait de nombreuses questions : ne fallait-il pas appliquer le droit existant plutôt que de donner dans l'inflation législative ? Enfin, le décret d'application de l'article 16 de la loi du 12 juin 2013 a été publié.
Heureusement, le texte a évolué grâce à notre rapporteur. Nous le voterons. Toutefois, les sénateurs écologistes regrettent ce texte trop modeste. Nous défendons, nous, une formation à la sécurité routière tout au long de la vie. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur le banc de la commission)
M. Patrick Abate . - Alerte des secours, balisage de la zone accidentée, compression des hémorragies, ventilation et protection des personnes blessées sont autant de gestes de premiers secours grâce auxquels nous sauvons des vies.
Leur apprentissage, enjeu de santé publique, devrait être gratuit. Aussi nous approuvons la modification introduite par le Sénat : une formation obligatoire mais pas d'épreuve supplémentaire qui ferait obstacle à l'obtention du permis de conduire.
En revanche, il est problématique de voter ce texte, qui part d'une bonne intention, si le gouvernement ne recrute pas davantage de moniteurs pour surveiller les épreuves du permis de conduire ; le projet de loi Macron ne prend pas cette voie. Il convient que le gouvernement assume toute sa responsabilité en n'oubliant pas que l'essentiel du permis de conduire est bien d'apprendre à conduire.
M. Gilbert Barbier . - Décidément, le permis de conduire est l'objet de toutes les sollicitudes. Après ce texte viendra le projet de loi Macron.
Les chiffres de la mortalité routière sont en hausse pour la première fois en 2014, après des années de baisse. L'approche répressive a ses limites : malgré la multiplication des radars, la conduite sous psychotropes, ou sous l'emprise de l'alcool, continue de faire des ravages.
Ce texte a été déposé il y a trois ans. Tout vient à qui sait entendre... (Sourires) On aurait pu penser que les députés adopteraient ce texte conforme, ils ont cependant introduit un article additionnel toilettant l'article 16 de la loi du 12 juin 2003.
Pour le groupe RDSE, seul le volontarisme politique permettra d'améliorer la connaissance des gestes de premiers secours - sur lesquels, comme d'autres médecins, j'ai quelques réserves. Des gestes néanmoins importants quand les services d'urgence interviennent en moyenne dans les dix minutes suivant l'accident. Une formation à l'usage des défibrillateurs est déjà prévue lors de la Journée de défense.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Très bien.
M. Gilbert Barbier. - Que l'école assume sa vision d'éducation à la sécurité routière comme le prévoit l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation, là est l'essentiel. Et, nous souvenant de nos débats sur le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires, replaçons cette question dans une réflexion plus large sur le civisme et la citoyenneté. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs RDSE)
M. Jean-Pierre Leleux . - Délicat exercice que celui auquel je vais me livrer en tant qu'auteur de cette proposition de loi. La version qui nous revient de l'Assemblée nationale me semble trop peu ambitieuse, même si j'approuve la suppression de l'épreuve spécifique pour les gestes de premiers secours. Quoique la mortalité routière ait été divisée par quatre en quarante ans, le sujet reste d'actualité.
Depuis plus de trente ans, on réfléchit à une formation de tous les automobilistes sur la conduite à tenir en cas d'accident. La Suisse, l'Autriche, l'Allemagne et les pays scandinaves ont rendu obligatoire cette formation il y a longtemps. Or les députés ont récusé le principe d'une formation pratique. C'est elle qui manque dans ce texte : plutôt qu'une diapositive entre deux montrant la priorité à droite, nous devons faire en sorte que les candidats au permis de conduire mémorisent, automatisent ces gestes, en particulier de survie. Ce sera l'objet de nos modestes amendements.
J'ai entendu vos arguments. Oui, il existe déjà des formations : le PSC1 ou le secourisme lors de la journée citoyenne, entre autres. Mais sont-elles efficientes ? Quelque 700 000 personnes passent le permis de conduire tous les ans, nous avons besoin d'une formation de masse.
Deuxième argument, les gestes mal pratiqués pourraient être plus nocifs. Comprimer, ce n'est pas faire un garrot mais simplement mettre une pression sur la plaie hémorragique pour stopper le flux abondant. Ventiler, c'est dégager les voies respiratoires, première cause de décès. J'ai encore eu le témoignage d'un secouriste déplorant de n'avoir pas pu sauver une jeune fille de 20 ans, étouffée par son sang entre ses dents brisées - elle n'avait pas d'autre traumatisme grave ! Lisez le Secourisme pour les nuls.
Troisième objection, le coût. C'est vrai. Mais qu'est-ce que 25 euros contre une vie ?
M. Charles Revet. - Sans compter que les compagnies d'assurance y gagneraient !
M. Jean-Pierre Leleux. - Quatrième objection : l'allongement des délais. Je ne le crois pas : il s'agit de quelques heures de formation validées par un organisme agréé.
Voilà la démarche de progrès que nous vous proposons. L'occasion de la mettre en place ne se représentera pas de sitôt. Le Sénat se grandirait en la saisissant. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État . - Merci à tous les orateurs de leurs propos et à M. Leleux de son intervention poignante. Vous aurez l'occasion de reprendre la discussion lors de l'examen du projet de loi sur le permis de conduire.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre.
I. - Alinéa 2
Après le mot :
conduire
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
attestent d'une formation pratique aux gestes élémentaires de premiers secours en cas d'accident de la circulation.
II. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette formation pratique aux gestes de survie comprend, outre l'alerte des secours et la protection des lieux, ceux pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes.
Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre.
I. - Alinéa 2
Après le mot :
conduire
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
attestent d'une formation pratique aux gestes élémentaires de premiers secours en cas d'accident de la circulation.
II. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette formation pratique porte sur les gestes de survie.
M. Jean-Pierre Leleux. - Pour dépasser l'effet de panique quand on arrive sur les lieux d'un accident, il faut avoir mémorisé les gestes qui sauvent. De là l'importance d'une formation pratique de quelques heures aux gestes élémentaires de survie car j'ai bien compris les réticences sur les gestes de premiers secours. Par exemple, quand un blessé est couché sur le dos, il faut le mettre de côté en position latérale de sécurité et, éventuellement, dégager la langue.
M. Guy-Dominique Kennel. - Très bien.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Le premier amendement avait déjà été présenté en commission des lois. Il revient à instaurer une troisième épreuve.
Cela allongerait les délais et renchérirait le coût du permis de conduire. De plus, les gestes mentionnés ne sont pas anodins. Pour être efficaces, ils nécessitent une formation régulière, tous les ans ou tous les deux ans, et peuvent être contre-productifs.
M. Bruno Sido. - Il faut laisser les gens mourir alors ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Dans une société très judiciarisée comme la nôtre, monsieur Sido, il est possible qu'en cas de décès, la famille de la victime se retourne contre la personne qui n'a pas pu sauver la victime : cela pourrait être assimilé à la non-assistance à personne en danger... Je rappelle qu'il y a déjà eu un recours contre une personne qui, en pratiquant un massage cardiaque, a cassé une côte de la victime, entraînant une perforation de son poumon et son décès...
C'est dans le cadre de l'école que la formation aux premiers secours doit être réalisée.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Absolument.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Une formation intégrée aux épreuves actuelles du permis de conduire est la meilleure voie. Défavorable aux amendements nos1 rectifié et 2 rectifié.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. - Rendre obligatoire une formation à la ventilation cardiaque ou la compression requiert des formateurs spécialisés, dont la formation a un coût non négligeable. En revanche, le nouveau référentiel qui sera évalué lors du permis de conduire prévoit une formation aux gestes élémentaires : balisage, alerte, position de sécurité.
Mme Samia Ghali. - En situation de panique et d'urgence, quatre heures de formation suffiront-elles ? Bien des personnes qui voulaient sauver des vies ont pu aggraver la situation. (M. Bruno Sido s'exclame) La formation au permis de conduire est déjà assez onéreuse et longue.
M. Bruno Sido. - Les amendements de M. Leleux sont de bon sens. Dans tous les cas un témoin pourra être accusé de non-assistance à personne en danger. Il n'est jamais inutile de posséder une formation aux gestes de premiers secours. Pourquoi ne pas inviter les jeunes à accompagner les sapeurs-pompiers volontaires le week-end, pour se former ?
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Il y a un problème de responsabilité.
M. Bruno Sido. - Il y aura toujours un problème de responsabilité ! Ce n'est pas un argument. Peut-être ces jeunes auront-ils d'ailleurs envie de devenir ensuite eux-mêmes sapeur-pompier volontaire !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Nous le faisons en Alsace.
M. Jean-René Lecerf. - Pour suivre ce dossier depuis les années 1980, je constate qu'il existe une sorte de malédiction sur la formation théorique et pratique aux gestes de premiers secours. D'abord, on évoque l'incompétence du législateur - comme si, avec 500 vies en jeu chaque année, le sujet ne méritait pas que le législateur s'y penche !
La loi de 2003 était claire, pourtant aucun décret d'application n'a suivi.
La responsabilité de l'Éducation nationale ? On l'a évoquée s'agissant de la formation au fait religieux : si elle est aussi bien faite... Seulement 33 % des jeunes sont formés, - ce n'est pas brillant. De plus, se souvient-on toujours à 20 ou 25 ans de ce que l'on a appris en sixième, cinquième et quatrième ?
Le coût ? Mais que sont 25 euros face à une vie sauvée ? On n'hésite pas à mettre des amendes supérieures aux jeunes qui roulent à 31 ou 61 kilomètres/heure...
La judiciarisation de la société ? Faut-il alors renoncer à aider son prochain par crainte de poursuites ? Il est judicieux d'inviter les jeunes à suivre l'action des pompiers, dont les départements veillent à la formation.
Je soutiens les amendements de M. Leleux. Je suis le deuxième cosignataire de cette proposition de loi - sans ces mesures, je ne la voterai pas !
M. Patrick Abate. - Je remercie M. Leleux, qui met le doigt sur un problème fondamental du vivre ensemble. On apprend à lire, à écrire, à compter, pourquoi ne pas apprendre à sauver l'autre ? Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Un examen supplémentaire ne résoudra pas le problème. Il est question de citoyenneté, de civisme. La formation doit se poursuivre tout au long de la vie. Moi-même secouriste, je sais que les gestes de survie doivent être pratiqués et entretenus régulièrement. Si 25 euros ce n'est pas beaucoup pour un jeune, c'est encore moins pour un employeur dans le cadre de la formation continue. Il faut une approche globale.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - En utilisant la réserve parlementaire pour aider à l'installation des défibrillateurs dans l'Ain, j'ai constaté notre retard en matière de premiers secours. Mais on ne peut pas faire n'importe quoi. Cette formation doit être assurée par l'Éducation nationale à tous les âges. Certains craignent d'être attaqués en justice, mais ce qui serait attaquable serait de ne pas porter secours ! Faisons confiance aux jeunes. Plutôt que de charger les sapeurs-pompiers de la formation des jeunes le week-end, ce qui poserait des problèmes de responsabilité au moindre ongle retourné, mieux vaudrait encourager les jeunes à rejoindre les Jeunes sapeurs-pompiers, trop peu connus. (Mme Catherine Troendlé renchérit) Vos amendements, monsieur Leleux, sont porteurs de bonnes intentions mais nous ne les voterons pas. À l'Éducation nationale de faire son travail.
M. Jean-Pierre Leleux. - Mes amendements ne tombent pas du ciel. J'ai beaucoup auditionné, beaucoup réfléchi et je ne propose pas n'importe quoi. Les traumatismes des colonnes vertébrales brisées, c'est 2 % de 1 % des accidents de la route ! L'intervenant paniquera, dites-vous. Mais la formation pratique a justement pour but d'inculquer des réflexes simples : dégager les voies respiratoires, la langue, etc. Je ne comprends pas une telle crainte face à la judiciarisation. Faut-il alors laisser les blessés mourir ? C'est un engagement citoyen d'intervenir !
Pourquoi la France serait-elle la seule à ne pas pratiquer cette formation ? Je peux vous communiquer les lettres des consulats belge ou suisse, qui démontrent l'utilité de cette formation. Quatre heures de formation suffisent à inculquer les gestes élémentaires.
L'Éducation nationale fait très bien son travail...
M. Jean-Louis Carrère. - Ah ! Il est agréable de l'entendre dire sur les bancs de droite !
M. Jean-Pierre Leleux. - ... mais il faudra une génération pour former la population entière ! Avec mes amendements, nous formerons 700 000 personnes par an, contre 200 000 reçus actuellement au PSC1.
Je compte sur votre sagesse pour adopter cet amendement : de nombreux professionnels en seront heureux.
M. Jean-François Longeot. - Il ne faut pas nous culpabiliser. Pour que la formation aux premiers secours soit efficace, il faut qu'elle ait lieu tôt, dès l'école.
La formation lors du permis de conduire ne doit pas nous déresponsabiliser. Elle ne sera suffisante que si nous la mettons à jour tout au long de la vie. Qui ici d'ailleurs serait sûr de repasser aujourd'hui avec succès son code de la route ? (Sourires)
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. - L'Éducation nationale doit jouer son rôle. Seuls 30 % des collégiens ont été formés, le gouvernement s'engage à faire monter le dispositif en puissance. Cela prendra du temps car il faut former des formateurs, mais c'est le passage obligé de la citoyenneté. Pour ma part, j'ai suivi une telle formation en quatrième, et je m'en souviens parfaitement ! C'est une question d'engagement citoyen. Vos objectifs sont louables, monsieur Leleux, mais il s'agit de savoir ce que l'on peut faire. Le gouvernement est déterminé à augmenter le nombre de collégiens formés.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
M. Jean-Pierre Leleux. - Mon deuxième amendement est un amendement de repli visant à inscrire les gestes de survie dans la formation. Je crois beaucoup à la formation par l'Éducation nationale, mais il faudra plus de temps que vous le dites pour former une classe d'âge. Il faut persévérer dans cette voie, mais une formation pratique à 16-18 ans n'est pas inutile.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier et Gilles, Mme Lopez, MM. A. Marc, Karoutchi, Mandelli et Gournac, Mme Deromedi, M. Huré, Mme Micouleau et MM. Charon, Nègre, Bouchet, Delattre, Trillard et Pierre.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un comité de suivi est chargé d'évaluer son application et de s'assurer que cette dernière répond aux exigences définies. À cet effet, il demande un rapport au Gouvernement sur la mise en oeuvre des dispositions votées.
Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, désignés par les commissions des lois auxquelles ils appartiennent.
M. Jean-Pierre Leleux. - Compte tenu des difficultés rencontrées à appliquer la loi, - le décret d'application de la loi de 2003 n'a jamais été pris - je propose de créer un comité de suivi de la loi.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Ce mécanisme me paraît très lourd. La commission des lois a déjà pour mission de suivre l'application des lois ; je m'y attacherai, avec le président de la commission des lois. Avis défavorable.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
Il existe déjà des instances compétentes comme le Conseil supérieur de l'éducation routière, ou le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) dans lequel siègent déjà deux sénateurs.
Enfin, dans le projet de loi pour la croissance et l'activité, les députés ont décidé la création d'un comité d'apprentissage de la route, dans lequel siégeront également des parlementaires.
Ne multiplions pas les comités !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Madame la ministre, votre réponse ne nous satisfait pas totalement. J'ai suivi la position de la commission des lois, mais je suis sensible aux arguments de M. Leleux sur la nécessité de délivrer une formation opérationnelle, pratique. L'article premier n'interdit rien : il renvoie au décret, laissant au gouvernement un large champ de possibilités.
Le gouvernement peut-il s'engager à soumettre aux auteurs de la proposition de loi et à la rapporteure le projet de décret ?
M. Jean-Louis Carrère. - Un échange informel entre le gouvernement et la rapporteure est toujours de bonne méthode, mais demander au gouvernement de transmettre le texte du décret, c'est aller trop loin !
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État. - Les rôles du législateur et du gouvernement sont en effet distincts. Peut-être la commission des lois pourrait-elle auditionner le président du CNSR, et nous aurions alors un échange avec la rapporteure et les auteurs de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je suis sensible à vos arguments, et j'entends aussi ceux de M. Carrère. Mais nous avons une mission de contrôle. Pour avoir été déçu tant de fois, je préfère maintenir mon amendement.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°3 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
M. Jean-Pierre Leleux. - J'ai eu plaisir à suivre ce débat. Il s'en est fallu de peu que le troisième amendement soit voté... Mais notre rapporteure, comme l'Assemblée nationale, faisait pression pour un vote conforme...
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. - Absolument pas !
M. Jean-Pierre Leleux. - Je m'abstiendrai. Je note toutefois un petit progrès. La « sensibilisation » des candidats laisse la place à la formation. Mais quelle sera-t-elle ? Je regrette l'absence de dimension pratique de la formation. J'aurais aimé être plus convaincant...
La proposition de loi est définitivement adoptée.
La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 30.