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Table des matières
Mme Éliane Assassi, au nom du groupe CRC
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports
Demande d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution
Questions d'actualité au Gouvernement
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Avenir de la filière nucléaire française
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Politique de l'énergie en Corse
Radicalisation dans les prisons
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Rémunération des dirigeants d'entreprise
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique
Engagement de procédure accélérée
Ordre du jour du mardi 10 mars 2015
SÉANCE
du jeudi 5 mars 2015
71e séance de la session ordinaire 2014-2015
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Secrétaires : M. Serge Larcher, M. Philippe Nachbar.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Débat sur le service civil
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème « Service civil : volontaire ou obligatoire ».
Mme Éliane Assassi, au nom du groupe CRC . - Le groupe CRC a voulu poser cette question, qui mérite un débat de société auquel les jeunes doivent être associés. Après la mobilisation de 4 millions de personnes contre la barbarie et l'intégrisme, le 11 janvier, il faut, au-delà de la condamnation des attentats, réfléchir aux causes, complexes, de ces événements et se demander : que faire ? Quand la liberté est attaquée, la laïcité remise en cause, c'est la République qui est touchée. Plutôt que de se lancer dans une surenchère, il importe donc de renforcer le sentiment d'appartenance à la République, par l'école d'abord, qui enseigne les valeurs de liberté et d'égalité. Cela suppose que le Gouvernement lui donne les moyens d'être une école émancipatrice, qui permette à chacun de trouver sa place dans la société, qui lutte contre l'ignorance. Or 140 000 jeunes sortent de l'école sans diplôme.
C'est un aveu de l'échec de l'école que de miser à ce point sur le service civil. Car il revient d'abord à l'école de favoriser le brassage social et la transmission des valeurs républicaines.
L'objectif du service civique est-il économique ? Moral ? Il devrait à la fois encourager le volontariat et favoriser le mélange des classes et milieux. Le peut-il ?
C'est après les émeutes de 2005 que le service civil fut créé. Et je tiens à rendre un hommage poignant à mon ami et camarade Claude Dilain qui a beaucoup fait après ces émeutes, à Clichy-sous-Bois, pour rassembler les jeunes et les moins jeunes autour des valeurs de la République. L'objectif de 50 000 jeunes volontaires en 2007 ne fut pas atteint. Le service civique s'y substituera en 2010, plus lisible, fondé toujours sur le volontariat et d'une durée de six à douze mois. L'indemnisation est fixe et faible, quel que soit le temps travaillé. L'objectif affiché était de 100 000 jeunes en 2015, il n'a lui non plus pas été atteint. Manque d'attractivité ? De moyens ? Incapacité pratique ? Sans solution, le service civique ne pourra pas se développer.
Le président de la République avait évoqué l'idée d'un service civique obligatoire de deux à trois mois, qui concernerait 150 000 jeunes dès l'été 2015 et 180 000 en 2017. Avec quels moyens ? On ne saurait renforcer la précarité des jeunes en leur imposant un travail non rémunéré. Depuis les attentats de janvier, il est question d'un service civique universel, d'un droit au service civique pour tous. Mais le débat semble rester ouvert. Il faudrait augmenter les budgets et vérifier que les structures professionnelles concernées sont capables d'accueillir les jeunes : à l'heure actuelle, seul un candidat sur quatre est retenu.
Le service civique peut être bénéfique, mais cela suppose que des points soient précisés ou rectifiés. Évitons aussi certains écueils. Le service civique ne peut résumer à lui seul une politique pour la jeunesse. Il ne saurait non plus être un moyen pour les collectivités territoriales de ne pas recruter. Il doit s'inscrire dans un ensemble de mesures favorisant l'autonomie responsable et solidaire de la jeunesse. Pour beaucoup, le service civique est une passerelle vers l'emploi, alors que les moins de 25 ans sont, je le rappelle, exclus du RSA.
Le budget de la mission « vie associative et jeunesse » est en baisse constante, le service civique en absorbe la plus grande partie. Or les jeunes sont les premières victimes de la crise. Gardons-nous des discours stigmatisants sur les jeunes des quartiers « en déshérence », « sans valeurs », potentiels « terroristes » ou « délinquants ». Il faut au contraire prendre en compte leurs attentes. À l'injonction de solidarité qui leur est faite doit répondre une solidarité de l'État à leur égard.
Nous en appelons à un service national vraiment nouveau, où les jeunes seraient accompagnés et aidés à définir leurs projets d'avenir. L'indemnité est aujourd'hui en-deçà du seuil de pauvreté... Il faudrait avant tout la revaloriser. Comment demander aux jeunes d'adhérer aux valeurs de la République si celle-ci, en contrepartie de leur engagement, ne leur assure même pas de quoi vivre dignement ?
Un rapport global sur le service civique actuel serait utile. Selon une étude de la Sofres, les jeunes sont en majorité satisfaits de leur expérience du service civique. Selon la Cour des comptes, six mois après leur service civique, 75 % des jeunes travaillent, sont en apprentissage ou étudient, contre 63 % avant. En revanche, l'objectif de mixité sociale n'est pas atteint. Trop peu de jeunes handicapés sont accueillis : 0,4 % seulement de l'effectif. Le service civique attire aussi beaucoup de diplômés qui peinent à trouver un emploi, et trop peu de jeunes sans formation.
Voilà pourquoi nous réclamons une politique globale pour la jeunesse. Le débat sur le caractère obligatoire du service civique prend alors tout son sens. L'obligation permettrait une véritable mixité sociale. Mais le service civique pourrait alors être perçu comme une sanction, évoquant les travaux d'intérêt général... Le sentiment républicain ne s'inculque pas par la contrainte.
Le service civique n'est pas la priorité des jeunes. Ne faudrait-il pas avant tout écouter les principaux intéressés ? (Applaudissements sur les bancs CRC ainsi que sur plusieurs bancs socialistes et écologistes)
M. Stéphane Ravier . - Ce qui manque à une partie de la jeunesse de France, c'est de se sentir française...
Mme Éliane Assassi, au nom du groupe CRC. - Oh la la !
M. Stéphane Ravier. - L'idéologie sans-frontiériste a produit une immigration inédite, venue de pays aux modes de vie très différents du nôtre. À cela s'ajoute le multiculturalisme...
Mme Éliane Assassi, au nom du groupe CRC. - C'est scandaleux ! Voilà le vrai visage du Front national !
M. Stéphane Ravier. - ...l'individualisme de mai 68...
Mme Éliane Assassi, au nom du groupe CRC. - Remontez au Front populaire !
M. Stéphane Ravier. - ...et surtout la haine de soi propagée par certains éditorialistes : on a laissé fleurir les discours hostiles à la France...
M. Jean-Louis Carrère. - Vous avez bientôt fini.
M. Stéphane Ravier. - Qui s'inscrira au service civique ? Certainement pas ceux qui sont en rupture avec la France. Dans les quartiers nord de Marseille, un ancien officier de la Légion étrangère, M. Salim Bouali, a créé une association exemplaire, « En action pour les nations ». Ces jeunes, en rejet de tout, sont cependant attirés par la symbolique de l'armée. C'est ce que nous proposons : un service national obligatoire de moins de trois mois, soumis à une discipline militaire et en uniforme, dans ce qu'on pourrait appeler la garde nationale...
M. Jacques-Bernard Magner. - Un stage au Front national ?
M. Stéphane Ravier. - Le certificat délivré à l'issue sera nécessaire pour bénéficier des aides sociales dont notre pays regorge et pour entrer dans la fonction publique.
M. Jacques-Bernard Magner. - C'est le retour de Pétain !
M. Stéphane Ravier. - Simone Weil -la philosophe, pas l'autre ! (Protestations sur plusieurs bancs)- appelait à « donner aux Français quelque chose à aimer ». D'abord, aimer la France !
M. Jacques-Bernard Magner. - Vous l'aimez bien mal, la France.
M. Loïc Hervé . - Les événements de janvier ont rouvert le débat sur le service civil ou civique, outil de mixité sociale qui permet à la jeunesse de s'engager pour des causes justes tout en préparant son insertion professionnelle. Un profond désir de rassemblement républicain s'est exprimé en janvier, mais aussi une perte de repères républicains à l'école. La jeunesse est pessimiste : 74 % des 18-24 ans estiment qu'ils auront moins de chance de réussir que leurs parents.
Le service civique peut apporter des solutions mais il a besoin d'un nouvel élan. En 2014, il n'y avait que 35 000 places sur 120 000 demandes. La jeunesse attend une réponse forte de ses représentants politiques.
Les centristes restent favorables au caractère obligatoire et universel du service civique, qui ne doit pas être seulement une roue de secours pour des jeunes décrocheurs. Il faut encourager le brassage social et culturel. Volontaire, le service civique manquerait sa cible : les jeunes qui ne se sentent pas appartenir à la Nation.
J'appartiens à la génération qui n'a pas connu le service national. J'ai, en revanche, intégré la réserve de la marine. Aurais-je la même chance aujourd'hui ? Il s'agit de combattre l'individualisme et 91 % des jeunes volontaires estiment avoir fait oeuvre utile. Le service civique est aussi un levier d'insertion professionnelle, au moment où le chômage explose. Il pourrait comprendre une initiation aux institutions françaises et européennes et à la vie politique, avec la rencontre d'élus. Le Sénat pourrait avoir un rôle à jouer.
Un statut de citoyen en service civique peut être envisagé, avec une validation des acquis de l'expérience et, pourquoi pas, des heures de conduite gratuites pour passer le permis.
Le budget nécessaire peut être dégagé par redéploiement. Investir dans la jeunesse est fondamental. Le président de la République a annoncé le renforcement des moyens du service civique mais aussi de nouveaux dispositifs. Où en est la réflexion du Gouvernement ? (Applaudissements au centre et sur quelques bancs socialistes)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Les événements de janvier révèlent un délitement du lien social, malgré les rassemblements immenses qui doivent être salués. Il faut agir vite ; quand l'histoire s'accélère, les décideurs doivent eux aussi passer la vitesse supérieure.
Que signifie « être français » en 2015 ? Telle est la question fondamentale. Pour y répondre, je citerai les magnifiques paroles de la chanson du groupe Tri Yann, La découverte ou l'ignorance...
Mme Françoise Gatel et M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - en remplaçant « Bretagne » par « France » :
« Si je perds cette conscience [d'être Français],
La France cesse d'être en moi. Si tous les Français la perdent, Elle cesse absolument d'être... La France n'a pas de papiers,
Elle n'existe que si à chaque génération
Des hommes se reconnaissent Français...
A cette heure, des enfants naissent en France...
Seront-ils Français ? Nul ne le sait.
A chacun, l'âge venu, la découverte... ou l'ignorance... »
La France n'a pas de papiers. Elle n'existe que si, à chaque génération, des hommes se reconnaissent français. Sur le chemin de crête du vivre ensemble, il ne faut pas grand-chose pour qu'un destin bascule. Quel lien entre la République et la jeunesse ? Comment transmettre les valeurs républicaines ?
Beaucoup de jeunes de la France périphérique qui, comme l'a dit justement Mme Assassi, ne se réduit pas aux banlieues, n'ont plus d'espoir. Le service national était un moyen de s'extraire du service militaire, de toucher du doigt l'universalité via la diversité. Aujourd'hui, la diversité est perçue comme menaçante, elle devient une diversité fermée, alors que certains ne se reconnaissent plus dans les valeurs de la République.
Quel service ? Civil, civique, national ? Obligatoire, facultatif ? Il faut avant tout combattre le communautarisme, resacraliser la Nation et renforcer le respect de ceux qui l'incarnent.
Le service civique actuel a en grande partie échoué. C'est un public averti et diplômé qui s'y engage... Un temps obligatoire est nécessaire. Chaque année, 33 000 jeunes ne se présentent pas à la Journée de la défense et de la citoyenneté, s'interdisant ainsi un plein accès à la citoyenneté puisqu'ils ne peuvent dès lors pas se présenter aux concours et examens d'État.
Selon le Livre blanc de 2013, cette Journée a pour objet premier de sensibiliser à l'esprit de défense. Je serais pour un schéma inclusif passant par un temps obligatoire de type militaire d'un mois, qui puisse être complété et prolongé, sur la base du volontariat, soit par un service civil, soit par un engagement de réserviste, soit par un service militaire adapté, dont l'extension en métropole a été annoncée par le président de la République. Il y faudra évidemment des moyens humains et financiers.
Je citerai, pour finir, un slam de Grand Corps malade :
« S'il y a bien une idée qui rassemble, une pensée qu'est pas toute neuve
C'est que quel que soit ton parcours, tu rencontres de belles épreuves
Y'a des rires, y'a des pleurs, y'a des bas, y'a des hauts
Y'a des soleils et des orages et je te parle pas que de météo
On vit dans un labyrinthe et y a des pièges à chaque virage
À nous de les esquiver et de pas calculer les mirages
Mais le destin est un farceur, on peut tomber à chaque instant
Pour l'affronter, faut du coeur et un mental de résistant ».
Du coeur et un mental de résistant, voilà ce que chaque jeune de France doit avoir à l'issue de ce service revisité que j'appelle de mes voeux. II y va de la réussite individuelle des femmes et des hommes qui font la France comme de la réussite collective du pays. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
Mme Danielle Michel . - La citoyenneté a besoin d'être renforcée, relégitimée, disait le Premier ministre au lendemain des attentats de janvier. Le sentiment d'appartenir à la République dérive de celui d'avoir les mêmes droits et devoirs que chacun. Or la ségrégation d'une partie de la jeunesse menace notre avenir. Sans combat contre l'inégalité, la citoyenneté resterait un vain mot.
Pas moins de 82 milliards d'euros ont été consacrés à la jeunesse de 2014. La grande cause nationale de l'an dernier fut l'engagement associatif. Le service civique séduit. Le président de la République a annoncé de nouveaux moyens pour que tous les candidats soient retenus. Le recrutement doit satisfaire à un impératif de mixité.
On a proposé un « été citoyen » qui répondrait au même besoin de brassage. Ce serait aussi un temps d'apprentissage professionnel et citoyen. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont engagé une réflexion sur l'engagement et le sentiment d'appartenance républicaine, nous ferons des propositions.
Depuis des décennies, la France néglige les creusets républicains. L'école, d'abord, qui connait des ratés : d'où la refondation entreprise par le Gouvernement. Il faut, plus largement, multiplier les lieux ouverts à toute la jeunesse.
L'objectif de mixité sociale n'est pas atteint par le service civique : moins d'un volontaire sur quatre a un niveau scolaire inférieur au baccalauréat. Le service civique serait pourtant très utile aux décrocheurs. Comment en faire un vrai outil de mixité ? Il faut d'abord préserver la qualité des missions et de l'encadrement des jeunes. Les tuteurs jouent un rôle essentiel, ainsi que les missions locales. Il faut aussi éviter les substitutions à l'emploi et développer au maximum les politiques incitatives pour rendre effective la mixité.
Quelles pistes doit-on attendre du prochain comité interministériel ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. André Gattolin . - Merci au groupe CRC d'avoir demandé ce débat sur ce sujet important.
Martin Hirsch écrivait récemment que le service civique n'avait qu'un défaut, mais rédhibitoire : il suscitait plus d'indifférence que de passion. Faisons-le mentir !
Depuis quelques semaines, les propositions fleurissent. Le caractère obligatoire ou facultatif du service civique a toujours été au coeur des débats depuis la suppression du service national en 1997. Il faut entendre ceux qui regrettent la conscription, outil d'alphabétisation, de formation, moyen de veille sanitaire et de brassage social. Mais nous n'avons pas aujourd'hui les moyens d'accueillir en hébergement encadré 700 000 jeunes par an. Bye bye donc, le service universel.
Quelle est la durée idéale du service civique ? Comment éviter qu'à la diversité des missions corresponde une sélection sociale et culturelle ? Que le service civique ne se substitue à des stages ou des emplois ?
Le président de la République a annoncé que tous les jeunes désirant accomplir un service civique pourraient désormais le faire, pour des missions d'intérêt général. Il y faudra des moyens car peu de candidats sont aujourd'hui retenus. Tous les ministères concernés devraient contribuer.
Le rapport Chérèque évoque l'apport de fonds privé. À nos yeux, cela risquerait d'altérer l'esprit du service civique. En revanche, nous pourrions renoncer à la réserve parlementaire pour permettre à plus de jeunes d'effectuer un service civique (M. Carrère s'émeut). Les collectivités territoriales bénéficieraient donc toujours de ces fonds et davantage de jeunes pourraient effectuer leur service civique. On pourrait ainsi financer leur hébergement et leur transport, et lutter contre les discriminations.
Le service civique repose sur de nombreux acteurs de terrain. Inspirons-nous notamment des propositions du collectif « Pas sans nous ». On se reconnaît mieux dans les valeurs de la République quand celles-ci nous reconnaissent. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Michel Billout . - Le président de la République a annoncé un élargissement du service civique en 2015, pour aboutir, après les attentats, à l'idée d'un service civique universel, qui pose beaucoup de questions, à commencer par celle de son utilité.
Il faut partir de la mise en oeuvre du service civique actuel. Si, selon une enquête de 2014, de nombreux jeunes estiment être devenus grâce à lui plus engagés et plus actifs, le constat est beaucoup plus nuancé pour les jeunes moins diplômés, en contradiction avec l'objectif initial de ce dispositif.
Le service civique peut déboucher sur un emploi au sein de la structure d'accueil, mais les associations avancent souvent qu'une durée minimale de six mois s'impose. Certains jeunes, selon le rapport de la Cour des comptes, ont une mauvaise perception, voire une déception par rapport au service civique, et particulièrement les moins formés d'entre eux. Certaines collectivités territoriales méconnaissent le service civique. La plupart d'entre elles se mobilisent peu.
L'ambition d'un service civique universel doit être améliorée. Il faut construire avec les jeunes un véritable parcours. L'objectif d'élargissement et la durée réduite mettent à mal cette conception nécessaire. Des problèmes de formation et d'accompagnement se posent. Un élargissement en nombre des jeunes en service civique ne peut s'imaginer sans répondre à la question des moyens humains et budgétaires. Faire du service civique un bénévolat serait se méprendre grandement sur le sens de celui-ci.
L'ouverture européenne est utile et souhaitée par les jeunes. Or elle est marginale aujourd'hui, et très inégale. Faute d'accompagnement structurel, les inégalités se creuseront davantage. Les collectivités territoriales peuvent ainsi développer leur coopération décentralisée et leurs jumelages.
Ne faisons pas du service civique l'unique réponse aux nombreux problèmes de la jeunesse. La nation doit garantir l'objectif du service civique, mais aussi l'insertion des jeunes dans la société. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Requier . - En 2010, Yvon Collin, auteur de la proposition de loi sur le service civique, et le Haut-Commissaire Martin Hirsch avaient rêvé de voir les jeunes du service civique défiler le 14 juillet sur les Champs-Élysées. Ce rêve est devenu réalité en 2013. Les jeunes ont défilé, avec leur béret bleu, sous le drapeau tricolore. (M. Jean-Louis Carrère applaudit)
Le terme « civil », qui n'avait de sens que comme alternatif à la conscription, doit s'effacer devant celui de « civique », bien plus adapté. Plus que la morale, c'est le civisme qu'il faut aujourd'hui renforcer.
M. Jean-Louis Carrère. - Bravo !
M. Jean-Claude Requier. - La conscription fut longtemps le creuset de la République : des jeunes de toutes classes se rencontraient et rencontraient la République, fondement de ce pacte social qui fait défaut aujourd'hui.
Lors de l'examen de la proposition de loi du RDSE, en 2010, nous étions nombreux à souhaiter la création d'un service civique obligatoire. Faute de majorité parlementaire, nous avions opté pour une phase de transition, le temps d'évaluer le dispositif avant de le rendre obligatoire et universel comme l'école de la République. Nous devons nous demander ce qui fonde le lien social, quand 1 200 jeunes partent « faire le djihad ».
Nos collègues Lozach et Magner incitaient justement, en novembre dernier, à clarifier les fonctions réparties du service civique et des mesures en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes. Quand seulement 21 % des volontaires en service civique ne disposent d'aucune qualification, les marges de progrès en termes de mixité sociale sont très importantes. Je m'inquiète aussi de l'utilisation parfois biaisée du dispositif par le milieu associatif pour des jeunes diplômés demandeurs d'emploi.
Rendre le service civique obligatoire l'élargirait à tous les jeunes, diplômés ou non. Il serait rémunéré. Mais il poserait problème aux jeunes travailleurs, étant donné le niveau actuel de l'indemnité. Pourquoi ne pas faire participer les plus anciens à la formation et à l'accueil des jeunes ? Si vieillesse pensait, si jeunesse savait...
N'oublions jamais cette vérité de Georges Bernanos dans Les grands cimetières sous la lune : « Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents ». (Applaudissements)
M. Philippe Mouiller . - Dans quelques jours, nous fêterons le cinquième anniversaire de la loi qui a institué le service civique. Déjà en 2005, il avait fallu la révolte des banlieues pour inscrire cette idée à l'ordre du jour. Je regrette la disparition du service militaire qui permettait de détecter des difficultés chez les jeunes et de leur inculquer des valeurs salutaires. J'aurais préféré qu'on y substituât un service de trois mois, dont auraient été dispensés les jeunes déjà au travail. La page est désormais tournée.
Le service civique qui a été mis en place avec la Journée du citoyen ne permet pas de détecter l'endoctrinement de certains jeunes. Le service civique a eu bien du mal à se mettre en place. Tous les candidats à la présidentielle de 2007 avaient fait des propositions, d'où est issue la loi de 2010.
Les propositions de François Chérèque, président de l'Agence nationale du service civique, ont été peu reprises. Il ne sera pas facile d'atteindre l'objectif de 140 000 à 170 000 jeunes par an, sauf à limiter la qualité du recrutement. Pourquoi ne pas plutôt remplir les objectifs de la loi de 2010 ? La Cour des comptes a montré les insuffisances du dispositif actuel. Les missions proposées doivent être de qualité et ne pas empiéter sur le marché du travail. Avons-nous les moyens suffisants ? Le service civique est une bonne chose. Aux côtés de la famille et de l'école, la Nation doit apprendre aux jeunes qu'ils n'ont pas que des droits mais aussi des devoirs envers elle.
Je ne pense pas que nous puissions rendre le service civique obligatoire mais nous pouvons le rendre plus attractif pour les jeunes. L'obtention de l'agrément devrait être facilitée, la valorisation des acquis de l'expérience renforcée. Bonne idée, donc, mais les moyens sont trop limités pour la finaliser. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jacques-Bernard Magner . - En 2006 a été créé un service civil volontaire, dont les caractéristiques ont été rappelées. Il n'a pas rencontré un très grand succès, convenons-en. D'où le service civique de 2010, qui présente un grand intérêt, pour transmettre le sens des valeurs républicaines, tisser le lien social, développer et acquérir des compétences. C'est une étape importante dans un engagement au service de la société.
Lors de sa conférence de presse du 5 février, le président de la République a annoncé sa volonté de rendre cette forme d'engagement universelle. À l'heure des réseaux sociaux, notre époque pâtit paradoxalement d'un manque d'attention à l'autre, alors que l'attention à autrui cimente la Nation. Pourquoi tant de jeunes ne se reconnaissent-ils plus dans les valeurs de la République ?
La préparation au service civique pourrait être proposée au collège, sur quatre ans, avec une étape finale de trois mois, entre 16 et 25 ans ; après quoi, tous les volontaires pourraient accéder au service civique et rémunéré, qui resterait donc fondé sur le volontariat.
Les jeunes volontaires sont fiers de leur engagement, dans notre société où la conscience des droits augmente alors que décroît à l'inverse le sens des devoirs : le dû surpasse la dette, en quelque sorte.
Rendre le service civique obligatoire reviendrait à considérer que toute la jeunesse pose problème, ce qui, à l'évidence, est loin d'être avéré. Ne soyons pas autoritaires ni punitifs, comme l'a justement recommandé François Chérèque.
Les collectivités territoriales ont un rôle primordial à jouer, alors que 7 % seulement des missions du service civique s'y déroulent et 84 % au sein des associations. Je milite pour un service civique universel, volontaire, ancré dans le monde associatif et territorial et puisant ses racines dans le terreau de la République. (Applaudissements à gauche)
M. Jackie Pierre . - Avant de répondre à la question binaire posée en exergue de ce débat, il faut se demander quels objectifs nous donnons au service civique et comment les atteindre ?
Renforcer l'adhésion des jeunes aux valeurs républicaines, tel fut l'objectif du service civil créé par la loi de 2010, afin de consolider la cohésion nationale. Les missions sont effectuées dans des associations, collectivités territoriales, établissements publics, etc. Le budget alloué par l'État fut de 125 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 18 millions d'euros de cofinancements communautaires.
Le président de la République a annoncé vouloir l'ouvrir à tous les volontaires, soit de 120 000 à 160 000 jeunes, ce qui coûtera 600 millions d'euros. Le coût du service civique obligatoire, dans son format actuel, s'élèverait, selon le rapport Chérèque, à 3 milliards d'euros par an !
Le dispositif actuel constitue une opportunité de construction personnelle, davantage liée à l'insertion professionnelle qu'au civisme, pour la majorité des jeunes interrogés.
Quel objectif voulons-nous atteindre ? Faire vivre la réciprocité des droits et des devoirs, consubstantielle à la République, le sentiment d'appartenance nationale, la solidarité, la conscience de l'intérêt général ?
Ne peut-on, alors, envisager dans un premier temps l'apprentissage des valeurs et des institutions républicaines au collège, dès la 6e, où pourraient intervenir des responsables politiques, des représentants des forces de sécurité, de la magistrature, des milieux socio-économiques,? Ensuite, viendrait un service obligatoire d'un mois, entre 16 à 20 ans, qui pourrait être étendu à trois mois à titre volontaire. De nombreuses pistes de réflexion existent. L'apprentissage du civisme peut en effet prendre de multiples voies. Il doit, selon moi, devenir obligatoire, comme en sont convaincus 75 % des Français.
Néanmoins, un ferme constat : le civisme ne concerne pas que les jeunes mais chacun d'entre nous, dans l'exercice de nos responsabilités pour prendre sens et cohérence pour notre jeunesse. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Claudine Lepage . - L'effroi suscité par les récents attentats meurtriers nous ont conduit à nous interroger sur la transmission des valeurs républicaines, au premier rang desquelles la liberté et la laïcité. Les attentats ont aussi été perçus comme le symptôme d'un mal dont souffre une partie de la jeunesse et d'un dysfonctionnement de notre société.
Le service civique est-il la panacée pour renforcer le sentiment d'appartenance à la Nation, et faut-il donc le rendre obligatoire ? Je n'en suis pas si sûre...
Après les événements de 2005, le service civil volontaire a été instauré : seuls 3 000 jeunes se sont portés volontaires entre 2006 et 2009. La loi de 2010 a proposé une formule qui a connu bien plus de succès. Les Français, dans leur majorité, sont favorables à son extension à tous les jeunes de 16 à 25 ans.
Une seule donnée suffit à refroidir les ardeurs : seuls 35 000 jeunes ont bénéficié du service civique en 2014, pour quatre fois plus de candidats. Il serait illusoire de l'étendre à tous dans l'incapacité où sont les services publics à les accueillir alors qu'il faudra déjà 600 millions d'euros de plus par an pour accueillir tous les volontaires.
Faire émerger 160 000 missions de qualité est un véritable défi. Une attention particulière doit être portée aux risques de substitution à l'emploi : ne déshabillons pas Paul pour habiller Pierre.
Monsieur le ministre, vous allez annoncer bientôt les résultats de la concertation interministérielle. Quels secteurs pourraient-ils être mobilisés ? Il y a quelques jours, vous signiez avec la ministre de l'écologie un programme de plusieurs milliers de missions dans le cadre de la transition énergétique. Compte-t-on aussi solliciter les hôpitaux et les collectivités territoriales ? D'autres programmes de ce type sont-ils envisagés avec d'autres ministères, le ministère des affaires étrangères, par exemple ?
Fin 2012, seuls 1,7 % des volontaires accomplissaient leur service à l'étranger. Or cette ouverture à l'autre est un moyen sûr de lutter contre le repli identitaire et de se forger une conscience nationale.
Les États européens doivent se mobiliser pour le service civique européen. Je ne doute pas que des missions puissent émerger en collaboration avec le secrétariat d'état chargé de la francophonie. Monsieur le ministre, y a-t-on réfléchi ?
Une démarche civique ne s'impose pas. Elle s'apprend, et d'abord à l'école. Je salue à cet égard le programme d'enseignement des valeurs républicaines, présenté dès le 22 janvier, par la ministre de l'éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. André Reichardt . - Service civique volontaire ou obligatoire ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Telle est la question.
M. André Reichardt. - Pour quoi faire ? Pour mettre le pied à l'étrier des jeunes sans emploi, sans diplôme ? Ou s'agit-il d'une planche de salut pour une société en manque de cohésion nationale ?
Le service civique actuel peut servir aux jeunes sans formation, sans emploi, qui ont le sentiment d'être sans avenir, parce que la société, système scolaire en tête, les laisse au bord du chemin. Le service civique peut leur redonner foi en l'avenir.
Au lendemain des rencontres sénatoriales de l'apprentissage, je pense à cette formule qui doit être développée et dotée de moyens supplémentaires.
La qualité des missions proposées est un défi, alors que l'on compte déjà cinq candidats pour une mission. On ne s'improvise pas référent de jeunes en difficulté. Le service civique doit continuer à être rémunéré et garder le sens d'un engagement, au sens étymologique.
Le service civique peut aussi reconstituer le creuset républicain disparu en 1997 avec le service militaire obligatoire. L'école ne joue plus, ou pas, ce rôle. J'y suis très favorable à une double condition. D'abord que l'on ne transige pas avec la notion d'engagement civil, donc que l'on n'en réduise pas la durée. Sinon, il s'apparentera à une perte de temps, voire à une punition.
Ce sont 800 000 missions de qualité qu'il faudra mobiliser. C'est donc une redéfinition totale qui s'impose à cette fin. D'où la deuxième condition : celle des moyens. En maintenant le niveau de sa rémunération et sa durée actuelle, ce sont 3 à 4 milliards d'euros qu'il faudrait trouver, chaque année !
Le caractère obligatoire, s'il peut se justifier, devra s'entourer d'une exigence de qualité forte et de moyens. À moins de ressusciter le service militaire, face à la perte de repères de tant de jeunes, n'est-ce pas le prix à payer ! (Applaudissements à droite ; quelques sénateurs centristes et M. Jean-Claude Frécon applaudissent aussi)
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports . - Merci pour votre invitation, à quelques jours du cinquième anniversaire du service civique, qui ne suscite pas de polémique partisane : créé par un gouvernement de droite, ce sont des forces de gauche qui lui ont donné un nouvel essor.
Il est l'une des réponses à apporter aux jeunes, sans être une panacée. Il est utile aux jeunes, à qui il donne de nouvelles compétences tout en leur permettant de réfléchir à leur parcours, comme il l'est aux organismes d'accueil, qui développent de nouvelles actions qui n'auraient pas été confiées à du personnel permanent, comme à l'hôpital Henri Mondor de Créteil où les jeunes accompagnent les personnes malades. J'en ai parlé avec François Chérèque : il y a là un gisement de 20 000 à 25 000 missions. Autre exemple : la formation des ménages en précarité énergétique aux éco-gestes.
Assorti d'une rémunération de 573 euros, le service civique ouvre des droits à la sécurité sociale et à la retraite. Pour quatre jeunes qui le souhaitent, un seul obtient une réponse favorable. L'enthousiasme des jeunes nous oblige à leur apporter une réponse à la hauteur. L'enjeu est de garder le même niveau de qualité pour 70 000 jeunes dès cette année, soit deux fois plus qu'en 2014, 150 000 à 170 000 en 2016. 65 millions d'euros complémentaires ont été débloqués cette année.
Après le stade expérimental, il faudra passer du stade artisanal actuel au stade industriel. À cette fin, une mobilisation interministérielle massive est indispensable. J'irai « vendre » le dispositif à tous mes collègues afin que les administrations centrales et déconcentrées, les services publics ouvrent largement leurs portes aux jeunes. Les collectivités territoriales seront également en première ligne : nous travaillons à un protocole d'accord avec toutes les associations d'élus. Le service civique devra également se développer à l'international, comme le souhaitent Mme Lepage et M. Billout.
Je travaille avec Mme Michaëlle Jean, nouvelle secrétaire générale à la francophonie.
À la différence de M. Gattolin, je suis favorable au développement du mécénat et du partenariat, tant qu'ils respectent les valeurs du service civique. La fondation « Agir contre l'exclusion » va ainsi financer une partie du programme que j'ai lancé avec Ségolène Royal.
Vous proposez d'utiliser la réserve parlementaire, je n'en attendais pas tant...
M. Jacques-Bernard Magner. - Nous ne sommes pas d'accord !
M. André Reichardt. - Nous non plus !
M. Patrick Kanner, ministre. - Je crois à l'engagement, donc au volontariat : on ne fera pas l'unité nationale par la contrainte. Nous parlons à des majeurs. Le service civique actuel marche, comme l'a souligné notamment le sénateur Lemoyne. Je reste aussi très sceptique sur le rétablissement d'un service de type militaire. L'appel sous les drapeaux a été suspendu en 1997, nos armées étant appelées à se professionnaliser, ce qu'elles ont réussi : n'y revenons pas. J'ajoute que le dernier appel à la conscription concernait 300 000 jeunes, alors qu'une classe d'âge actuelle correspond à quelque 800 000 jeunes...
Je ne répondrai pas aux propos provocateurs de votre collègue d'extrême droite qui veut créer des milices, trahissant ainsi sa nostalgie d'une époque sombre pour la République... d'autant qu'il n'est pas là, ce qui est discourtois à mon égard et au vôtre. (Applaudissements à gauche ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Philippe Mouiller applaudissent aussi)
De nombreuses opportunités existent pour servir l'intérêt général ; ce sont ces gisements qu'il faut trouver. Des contrôles seront mis en place pour lutter contre les abus. Le tutorat, indispensable, sera renforcé.
Le service civique doit être ouvert à tous les publics. Aujourd'hui, sur 100 jeunes volontaires, 18 viennent des quartiers prioritaires de la politique de la ville, 25 un ont un niveau inférieur au bac, 43 un niveau supérieur; c'est dire que le service civique correspond déjà à la réalité des jeunes d'aujourd'hui.
Aucune compétence préalable ne doit être exigée, afin qu'il n'y ait pas de sélection par le diplôme. Le service civique ne doit être réservé ni aux jeunes en difficulté ni aux surdiplômés. Il doit demeurer à l'image de la diversité de la jeunesse.
Léo Lagrange aimait à répéter qu'aux jeunes, il ne faut pas tracer un seul chemin, mais ouvrir toutes les routes.
Je me tiens, à cette fin, à votre disposition. Après les attentats de janvier, après le temps de la sidération et de la compassion, vient celui de la construction. Je souhaite aborder la montée en charge du service civique dans un esprit rassembleur.
La promesse républicaine se construit pour les jeunes et avec les jeunes. La nouvelle prime d'activité sera aussi destinée aux jeunes.
Je veux conclure en évoquant la mémoire de Claude Dilain qui nous manque déjà. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier. - Je tiens à préciser que la loi de 2010 est issue d'une proposition de loi dont l'auteur était Yvon Collin, qui à ma connaissance n'est pas de droite, car il appartient au PRG, non plus que la plupart de ses cosignataires, dont Jean-Michel Baylet, Jean-Pierre Chevènement, Michel Charasse, ainsi que le président Mézard, ici présent. Il est vrai qu'elle était aussi signée par MM. Barbier et de Montesquiou, conformément à la nature de notre groupe. Voilà qui méritait d'être précisé !
Demande d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution
M. le président. - En application de l'article 50 ter de notre Règlement, j'informe le Sénat que M. Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste, a demandé, ce jour, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution n°325 pour un guide de pilotage statistique pour l'emploi présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par M. Jean Desessard et les membres du groupe écologiste, et déposée le 4 mars 2015.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre Conférence des présidents qui se tiendra le mercredi 11 mars prochain.
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité au Gouvernement
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Élections départementales
M. Michel Vaspart . - Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. D'élection en élection, la montée inexorable de l'abstention perturbe notre système démocratique. Les causes en sont multiples, les responsabilités aussi. Les élections départementales, malheureusement, ne feront sans doute pas exception.
Il est difficile de motiver les électeurs quand tout est fait pour les détourner des urnes, à commencer par une réforme territoriale arbitraire, improvisée sur un coin de table à l'Élysée dans la panique des résultats des élections municipales, dont Bruno Retailleau avait à temps percé à jour les motivations -je veux parler de la loi du 27 janvier 2015. (Applaudissements sur les bancs UMP) Vous avez commencé par la carte plutôt que par les compétences et oublié les financements. Les candidats sont en campagne et les compétences des départements ne sont pas encore connues... Du jamais vu sous la Ve République.
M. Jean-Louis Carrère. - Question nuancée...
M. Michel Vaspart. - Et je ne parle pas d'un mode de scrutin ubuesque ni du charcutage électoral qui l'a accompagné.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. - Mais des femmes en plus...
M. Michel Vaspart. - Les départements devaient disparaître à l'horizon 2020, ils sont finalement maintenus.
M. Jean-Louis Carrère. - Sarkozy les supprimera !
M. Michel Vaspart. - Quant aux élections régionales, elles ont été reportées au mois de décembre alors que les rigueurs de l'hiver n'inciteront guère les électeurs à aller voter. (Marques d'impatience sur les bancs socialistes)
Enfin, pas un jour ne passe sans qu'un pronostic désastreux pour la majorité gouvernementale ne vienne obscurcir votre horizon. Monsieur le ministre, souhaitez-vous vraiment donner envie aux électeurs d'aller aux urnes en mars et en décembre ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Merci pour votre question très équilibrée (rires à gauche), nuancée, dépourvue de tout esprit polémique et de nature à donner envie aux Français d'aller voter.... (Rires et applaudissements à gauche)
Oui, essayons de faire en sorte que les Français aient envie de voter. Cela dépend de l'engagement de tous les responsables politiques, de chacune et de chacun d'entre nous. Le Gouvernement a engagé une campagne très forte de mobilisation, via les réseaux sociaux ou internet, que vous pouvez vous-même, et avec votre organisation politique, relayer. Il convient aussi de favoriser l'inscription sur les listes électorales. Je vous invite donc à soutenir la proposition de loi transpartisane proposée par M. Warsmann et Mme Pochon, afin de permettre l'inscription jusqu'au 30 septembre pour les élections de 2015 et, à l'horizon 2017, jusqu'à la dernière minute.
Quant à la réforme territoriale, souvent annoncée et jamais faite, nous l'avons faite (exclamations à droite) et nous continuerons dans l'intérêt des Français. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Avenir de la filière nucléaire française
M. François Fortassin . - Les membres du groupe RDSE et la Haute assemblée sont très attachés à la filière nucléaire française d'excellence, stratégique pour la souveraineté et l'indépendance énergétique de notre pays, pour l'emploi aussi -2 500 entreprises, 220 000 salariés.
M. Jean-Baptiste Lemoyne et M. Charles Revet. - Très bien !
M. François Fortassin. - Le président de la République a appelé hier les dirigeants d'Areva et d'EDF à coopérer pour « donner un avenir à la filière nucléaire française », sans aucun licenciement.
La situation est en effet très préoccupante. Le groupe Areva a annoncé une perte annuelle de près de 5 milliards d'euros. La direction a annoncé un plan de sauvetage, qui passe par un recentrage des activités, une nette réduction des investissements et la cession d'actifs pour 450 millions d'euros, première phase d'une thérapie de choc plus importante.
Monsieur le ministre de l'économie, quelle est votre appréciation et celle du Gouvernement sur la situation d'Areva et de la filière nucléaire française ? Une recapitalisation d'Areva est-elle envisagée ? L'entrée d'EDF au capital d'Areva fait-elle partie des négociations ?
Monsieur le ministre, j'apprécie votre action et votre affection pour le département des Hautes-Pyrénées... (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique . - Merci pour votre question, importante en particulier pour les salariés d'Areva et les territoires. Le Premier ministre l'a dit, l'État prendra toutes ses responsabilités. Les 4,8 millions d'euros de pertes ne sont pas récurrents mais dus à des opérations ponctuelles, à des contrats qui n'ont pas été signés et à des investissements déjà connus.
La stratégie du groupe doit être revue et l'État accompagnera la société Areva dans ce travail. L'État définira des règles strictes, je tiens à le dire : à aucun moment, il ne laissera l'emploi devenir une variable d'ajustement. Les efforts opérationnels ne devront pas sacrifier l'emploi.
Autre axe de travail : le rapprochement entre Areva et EDF et la structuration de la filière nucléaire. De fortes incohérences stratégiques ont été couvertes par le passé par les pouvoirs publics. On a laissé deux groupes publics ne plus travailler ensemble, notamment à l'exportation. Ces comportements seront corrigés pour redéfinir l'avenir de la filière, en France et pour la France.
À l'export, le groupe doit aller plus loin avec EDF, en particulier en s'attelant au marché chinois. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
Lutte contre la pauvreté
Mme Aline Archimbaud . - Un plan de lutte contre la pauvreté vient d'être annoncé par le Premier ministre. Il comporte des avancées mais est insuffisant pour alléger l'extraordinaire parcours du combattant de qui veut faire valoir ses droits, alors que tant de personnes renoncent à le faire -par exemple 35 % des bénéficiaires potentiels du RSA-socle.
J'ai remis au Premier ministre Jean-Marc Ayrault un rapport préconisant des solutions simples contre le non-recours, en particulier un choc de simplification. Je ne m'explique pas pourquoi si peu d'entre elles ont été entendues par le Gouvernement. Je ne peux pas imaginer que l'État spécule sur le découragement de ceux qui renoncent à leurs droits ; les 6 milliards d'euros de non-dépenses ne sont pas des économies, tant leurs conséquences sanitaires et sociales sont graves et tant elles favorisent, par la perte des repères républicains, la montée des extrémismes. Pourquoi, par exemple, ne pas accorder automatiquement la CMU-c aux bénéficiaires du RSA-socle, puisque les seuils d'éligibilité sont les mêmes ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie . - Je vous prie d'excuser Mme Touraine. Nulle suspicion à entretenir à l'encontre du Gouvernement. Le non-recours aux droits est une injustice supplémentaire. La feuille de route annoncée la semaine dernière par le Premier ministre comporte des mesures fortes pour limiter le non-recours. Le simulateur de droits, la campagne de communication sur l'aide à la complémentaire santé sont de premières réponses.
Nous faisons par ailleurs avancer l'automaticité d'accès à certaines prestations ; le projet de loi relatif au vieillissement, que vous examinerez prochainement, prévoit par exemple la reconduction automatique de l'ACS pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. Mais l'automaticité implique aussi de modifier le mode de calcul de certaines prestations, ce qui, dans certains cas, peut apporter une complexité nouvelle.
Lutter contre le non-recours, c'est aussi simplifier les prestations ; c'est le sens de la réforme majeure annoncée par le Premier ministre avec la création de la prime d'activité. Le Gouvernement est mobilisé pour faire progresser la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Loi Macron
Mme Éliane Assassi . - Le 11 décembre dernier, mon ami Pierre Laurent vous avait interrogé précisément sur le projet de loi que le Gouvernement a imposé par le 49-3 à l'Assemblée nationale. Vous lui avez répondu avec mépris qu'il n'avait pas lu le projet de loi. Peut-être vous-même, monsieur le ministre de l'économie, ne l'avez-vous pas bien lu... Généralisation du travail de nuit et le dimanche : vrai ou faux ? .... Libéralisation du transport en autocar : vrai ou faux ?
MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Philippe Dallier. - Vrai et très bien !
Mme Éliane Assassi. - Privatisation des aéroports de Nice et de Lyon, mise en cause des droits des salariés et du droit du licenciement, validation du principe du travail détaché : vrai ou faux ? L'affaire vous a coûté votre majorité à l'Assemblée nationale. Et tout cela pour augmenter les marges de profit des actionnaires... Comment prétendre relancer la croissance économique sans contraindre l'argent à aller vers l'emploi, les banques à redéployer leurs moyens phénoménaux vers la production industrielle plutôt que vers les circuits financiers ?
De grâce, cessez d'opposer les modernistes aux passéistes que nous serions, acceptez que nous ne partagions pas vos recettes libérales et vous opposions de vraies solutions de gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique . - Le projet de loi a fait l'objet de deux cents heures de débat, d'un vote sur chaque article.
MM. Alain Gournac et Hervé Marseille. - Le 49-3 !
M. Emmanuel Macron, ministre. - Utilisé conformément au parlementarisme rationalisé de la Ve République... Je n'ai jamais refusé le débat. (Rires et exclamations à droite)
L'esprit du texte n'est pas de contraindre mais de redonner des droits tout en protégeant les salariés. Il met fin au monopole bancaire sur le financement des entreprises ; n'est-ce pas une avancée ? Il ne généralise pas le travail de nuit mais l'autorise dans certaines zones touristiques où il sera payé double ; il ne généralise pas plus le travail du dimanche, qui fera l'objet d'une compensation systématique -et sans accord, pas d'ouverture. Les salariés seront mieux protégés.
Il n'y a pas d'ouverture à tout crin du transport par autocar, il simplifie le marché et permet la création de lignes.
Je ne peux enfin laisser dire que le droit du licenciement est atteint. Quant au travail détaché, les sanctions sont renforcées ; c'est une autre avancée sociale. Tout le travail du Gouvernement aura été de redonner des droits et davantage de protection. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Politique de la ville
M. René Vandierendonck . - Mardi matin, nous avons appris avec une grande tristesse le décès de Claude Dilain qui a, tout au long de son engagement, incarné les valeurs républicaines d'égalité et de fraternité. Président de l'Association Villes et banlieues, il était aussi rapporteur de la loi du 21 février 2014 portant programmation pour la ville et la cohésion sociale, attirant sans cesse l'attention sur ce qu'il appelait « le volet négligé » de la politique de la ville, le développement économique. Il plaidait inlassablement pour la mobilisation des pouvoirs publics et l'orientation des crédits de droit commun vers le développement des quartiers.
Le président de la République, qui lui rendra hommage à Clichy-sous-Bois lundi, a annoncé le 5 février, lors de sa conférence de presse, sa volonté de créer une Agence nationale pour le développement économique des territoires.
Voix à droite. - Une de plus !
M. René Vandierendonck. - Comment va-t-elle s'articuler avec le nouveau droit de l'intervention économique dessiné dans la loi NOTRe ? Comment fera-t-elle la promotion de l'emploi des habitants des quartiers, à l'heure où les discriminations se multiplient ? Un comité interministériel important a lieu demain... (Applaudissements sur les bancs socialistes, CRC et écologistes)
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports . - Claude Dilain manquera aux débats de la Haute assemblée, il manque déjà à ses amis.
Le développement économique des quartiers populaires et l'accès à l'emploi de leurs habitants sont deux axes majeurs du comité interministériel qui se réunit demain sous la présidence du Premier ministre. Il s'agit moins d'en faire plus que de faire cesser les inégalités. L'esprit d'entreprendre y est vif mais manquent l'accompagnement, les financements, les locaux. Nous devons être plus efficaces et surtout mieux coordonnés. Telle est la volonté du président de la République, telle est la vocation de la nouvelle agence, qui sera aussi centre de ressources, d'expertise et d'ingénierie.
Les collectivités territoriales seront les premiers actionnaires de l'agence. Elles seront associées à sa préfiguration. Les inégalités sont encore plus frappantes pour l'accès à l'emploi ; le Gouvernement entend renforcer la présence des services publics, de l'école, de Pôle Emploi ; les dispositifs aidés ; la lutte contre les discriminations dans l'accès à l'emploi. Il s'agit de tenir la promesse républicaine, et d'abord celle de l'égalité.
Pollution en Haute-Savoie
M. Loïc Hervé . - Mme la ministre de l'écologie évalue le coût de la transition énergétique à 10 milliards d'euros sur trois ans. Nous donnons-nous les moyens d'y parvenir ? La commission d'enquête du Sénat sur la pollution de l'air s'est réunie aujourd'hui pour la première fois. Dans la vallée de l'Arve, vers le tunnel du mont Blanc, la situation est dramatique : la pollution aux particules fines a été excessive pendant 45 jours en 2014, après 58 jours en 2013, sachant que la norme européenne est d'un maximum de 35 jours par an. On parle de soixante décès par an à cause de cette pollution. Le plan d'action mis en place en 2012 est insuffisant. Renouvellement de l'habitat, accompagnement des entreprises, limitations de vitesse : les mesures à prendre sont connues. Quelles actions de long terme envisage le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs UDI-UC, écologistes ainsi que sur certains bancs socialistes UMP)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Cette vallée est, en effet, celle de la région Rhône-Alpes où l'alerte pollution a été activée le plus souvent ces dernières années. Le secteur résidentiel, pour 61 %, celui des transports et celui de l'industrie pour 12 % sont les principaux émetteurs de particules fines. Limitation du chauffage au bois, de la circulation en cas de pic de pollution, valeurs limites pour les équipements, interdiction de brûler les déchets verts : autant de mesure en vigueur depuis 2012. S'y ajoute le report modal, encouragé par l'État. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Manifestations violentes
Mme Brigitte Micouleau . - Une nouvelle journée nationale d'action des zadistes est annoncée samedi, suscitant l'exaspération de nos concitoyens. À chaque manifestation, des débordements inacceptables se produisent, comme tout récemment à Toulouse et à Nantes : insultes aux forces de l'ordre, destruction d'édifices urbains, dégradation de magasins.
Le 21 février, à Toulouse, la manifestation anti-Sivens a provoqué 200 000 euros de dégâts. Les commerçants s'inquiètent de voir leur prime d'assurance augmenter et leur chiffre d'affaires baisser, sans compter le préjudice moral. Certains commerçants ont évoqué, auprès du préfet de Haute-Garonne, la possibilité de se défendre eux-mêmes...
Quelles instructions donnerez-vous au préfet ? Quand le préfet du Tarn fera-t-il appliquer la décision de justice tendant à l'expulsion des zadistes de Sivens ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - On ne peut en République avoir d'autre position que le respect du droit en toutes circonstances. Nous devons avoir en partage la détermination de faire en sorte que la volonté du peuple souverain soit respectée. Je ne tolérerai pas que des exactions aient lieu, venant non des manifestants républicains mais de casseurs qu'il faut désigner comme tels.
M. Éric Doligé. - Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - À Nantes, quinze policiers et gendarmes ont été blessés : c'est inacceptable, alors que l'on vient de voir combien les forces de l'ordre s'exposeraient pour protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE, au centre et à droite)
La liberté de manifestation existe aussi en France. Si l'on interdit une manifestation, il faut être sûr qu'on ne sera pas cassé par le tribunal administratif, J'ai donné pour instruction de n'interdire de manifestation qu'en cas de menaces graves pour les personnes et les biens. Aussi n'autoriserai-je pas de nouvelles manifestations des mêmes acteurs à Toulouse et à Nantes. De même, j'ai interdit la manifestation annoncée à Albi. (Applaudissements sur les mêmes bancs)
À Sivens, les forces de l'ordre s'interposent entre les manifestants pour éviter toute violence. Les décisions de justice seront appliquées. (Mêmes mouvements)
Travailleurs détachés
M. Maurice Vincent . - Les Français s'inquiètent de l'augmentation rapide du nombre de travailleurs détachés, qui seraient 300 000 aujourd'hui. La libre circulation en Europe ne doit pas se traduire par du dumping social.
La France a été motrice pour faire reconnaître la responsabilité de donneur d'ordre en cas de fraude. La loi Savary offre un cadre efficace, de même que le projet de loi sur la croissance et l'activité économique. Mais les Français restent inquiets. Comment le Gouvernement entend-il réprimer la fraude ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Vous connaissez la détermination du Gouvernement à combattre les abus. Il s'est engagé au niveau européen en 2013, puis en 2014, en soutenant la proposition de loi Savary. Le projet de loi pour la croissance et l'activité porte l'amende administrative de 10 000 euros à 500 000 euros, autorise l'autorité administrative à suspendre une prestation internationale en cas de fraude manifeste et généralise le certificat professionnel souhaité par la fédération du bâtiment. En 2015, 30 000 contrôles seront effectués en liaison avec les Ursaff, avec une action ciblée sur 500 chantiers identifiés. Des unités spécialisées ont été mises en place au sein de l'inspection du travail.
Il s'agit de protéger les salariés, employés dans des conditions indignes, mais aussi les entreprises contre le dumping. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et écologistes)
Politique de l'énergie en Corse
M. Jean-Jacques Panunzi . - Relayant les inquiétudes de la population, Laurent Marcangeli a récemment interpellé le Gouvernement sur l'avenir de la centrale d'Ajaccio et sur l'approvisionnement de la Corse en gaz naturel. Le Gouvernement a pris des engagements. Je demande le lancement sans délai d'une programmation de la capacité énergétique de la Corse, qui serait soumise à l'Assemblée de Corse puis entérinée par décret avant juin.
Cinq points : la décision de l'arrivée du gaz naturel en Corse ; une commande à EDF d'un nouvel équipement à Ajaccio fonctionnant au fioul domestique en attendant l'arrivée du gaz naturel ; la désignation par l'État d'un emplacement pour construire et exploiter un nouvel équipement industriel ; la couverture des frais d'études et des éventuels coûts des opérateurs engagés dans le schéma industriel ; la clarification du rôle des opérateurs industriels dans le schéma d'approvisionnement en gaz naturel.
N'exposons pas la Corse à une crise semblable à celle de 2005. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Les îles, selon Ségolène Royal, doivent toutes devenir des territoires à énergie positive. Bastia et Ajaccio sont déjà lauréats à l'appel à projet. Votre demande de programmation a été faite par Paul Giacobbi. Le Gouvernement est favorable à ce que les travaux soient lancés avant même le vote de la loi, en concertation avec les collectivités de Corse. Il s'est engagé à approvisionner l'île en gaz naturel pour les nouvelles centrales thermique.
Radicalisation dans les prisons
M. Henri Cabanel . - Madame la garde des sceaux, soyez assurée de notre soutien, après les attaques ignobles dont vous avez été l'objet. (Applaudissements à gauche)
J'ai rencontré les représentants du personnel pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone et de Béziers. Ils m'ont fait part de leurs difficultés dans la lutte contre la radicalisation. Beaucoup prônent la généralisation du brouillage des portables et d'autres mesures techniques concernant les cours de promenade. Cela suppose des investissements très importants et, de toute manière, les moyens techniques ne sauraient suffire : le surveillant doit être replacé au centre du dispositif. Il n'y en a qu'un pour 80 prisonniers dans l'Hérault. Comment les former sur l'islam, les aider à mieux détecter la radicalisation, à surmonter la barrière de la langue ? Cela ne pourrait-il se faire en lien avec la formation des aumôniers ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Merci à vous et à tous ceux qui m'ont exprimé leur soutien. (Murmures sur certains bancs à droite) Je crains hélas que l'occasion ne s'en présente à nouveau.
Je souhaite que, comme vous, les parlementaires utilisent la possibilité qui leur est offerte par la loi de 2010 de visiter les établissements pénitentiaires, y compris inopinément.
Vous avez raison, les moyens techniques ne peuvent pas tout. La technique est passive, le personnel doit pouvoir faire face à une situation qui évolue en permanence. C'est pourquoi j'ai renforcé la formation, initiale et continue, des surveillants, avec des modules sur la laïcité, sur l'approche des religions et la lutte contre la radicalisation. Les formations vont encore être améliorées. Depuis l'été 2014, j'ai lancé un appel d'offres pour une recherche-action visant à mieux détecter les radicalisations et déterminer de nouveaux critères, devant les stratégies de dissimulation de certains détenus. Nous formons les aumôniers à cette fin, de manière oecuménique, car tous sont concernés par la préservation des institutions et des valeurs républicaines. (Applaudissements à gauche)
Rémunération des dirigeants d'entreprise
Mme Mireille Jouve . - Le conseil d'administration de Sanofi a accordé une indemnité de 2 millions d'euros à son nouveau directeur général, dès l'arrivée de celui-ci. Monsieur le ministre de l'économie, vous avez soutenu un amendement à l'Assemblée nationale encadrant les retraites chapeaux. Qu'en est-il des primes d'arrivée ? Qu'aura accompli ce dirigeant en janvier 2016, quand il touchera à nouveau 2 millions d'euros ? Le groupe n'est pas aussi généreux avec ses salariés. Depuis 2009, il a supprimé 4 000 postes et a annoncé la suppression de 1 800 postes supplémentaires. Les investissements sont sacrifiés aux dividendes alors même que l'État soutient financièrement ses activités de recherche.
Que dire aux 27 500 salariés de Sanofi ? Qu'ils doivent accepter les règles du capitalisme ordinaire ? (Applaudissements sur les bancs CRC et RDSE ainsi que sur quelques bancs socialistes)
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique . - La question est complexe et votre formulation équilibrée. C'est un champion français de la compétition mondiale qui a dû recruter un dirigeant de grande qualité, français, qui partait pour l'étranger et a été convaincu de revenir dans un groupe français. En l'occurrence, il a fallu, pour le recruter, compenser les droits acquis dans le groupe d'origine au titre de la retraite chapeau.
Avec la mondialisation, la rémunération des dirigeants de l'industrie pharmaceutique, comme dans le secteur financier ou le secteur sportif, a été déconnectée de la réalité économique locale. Veillez tout de même à ne pas rapprocher ces chiffres des licenciements ou des mesures sociales qui peuvent être accordées par ces entreprises. (Murmures de protestations sur les bancs CRC) Dans les entreprises publiques, la rémunération des dirigeants a été plafonnée. Le projet de loi que je vous présenterai en avril comprend en outre une disposition sur les retraites chapeau. Dès lors que cette loi sera votée, il ne sera plus possible de faire ce qu'a fait Sanofi en la circonstance. Responsabilisation sans simplification, voilà notre ligne. (Protestations sur les bancs CRC ; exclamations sur les bancs UMP ; applaudissements sur les bancs socialistes)
Engagement de procédure accélérée
Mme la présidente. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 19 décembre 2014 relative à l'élection des conseillers métropolitains de Lyon, déposé sur le Bureau du Sénat le 14 janvier 2015.
Prochaine séance mardi 10 mars 2015 à 9 h 30.
La séance est levée à 16 h 5.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mardi 10 mars 2015
Séance publique
À 9 h 30
Secrétaires : M. Claude Haut - M. Serge Larcher
1. Questions orales.
De 14 heures 30 à 18 heures 30
2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (n°620, 2013-2014).
Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n°311, 2014-2015).
Texte de la commission (n°312, 2014-2015).
3. Proposition de loi visant à modifier l'article 11 de la loi n°2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance (n°531, 2013-2014).
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n°313, 2014-2015).
Texte de la commission (n°314, 2013-2014).
À 21 heures
4. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 19 et 20 mars 2015.