Questions d'actualité au Gouvernement.
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Vous connaissez la règle : deux minutes trente par orateur.
École républicaine
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Il y a une semaine, dix-sept de nos concitoyens ont été assassinés au cours des actes terroristes qui ont été perpétrés en trois jours, de Charlie Hebdo à l'Hyper Casher. À travers ces attaques terroristes, ce sont les valeurs de la République qui ont été visées. La mobilisation exceptionnelle nous appelle à l'action. Quelle meilleure arme que la culture, l'éducation ? C'est dans l'école de la République que l'on apprend du Figaro de Beaumarchais « que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours ; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ».
Il faut renforcer les moyens de l'école publique, la formation des enseignants, avec un véritable plan de pré-recrutement. Les acteurs de la culture doivent intervenir au sein de l'école.
M. le président. - Votre question ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous demandons des mesures d'urgence pour l'école. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je rends hommage aux enseignants. Ils sont en première ligne : ce sont les valeurs fondamentales de la République qui ont été attaquées et ces valeurs sont au coeur du rôle de l'école. Malgré quelques incidents regrettables, ils ont su trouver les mots, même s'il n'est pas simple de trouver les contre-arguments, pour lutter contre les théories simplistes et complotistes qui circulent sur internet. Il n'est pas simple pour eux de trouver les mots quand certains élèves n'ont aucune expérience de mixité sociale. L'école peut mieux faire, mieux transmettre les connaissances, pour lutter contre l'obscurantisme ; elle peut même lutter contre ces inégalités sociales qui se transforment en inégalités scolaires, qui minent notre pacte républicain et font de ses valeurs fondamentales une langue morte pour certains jeunes.
Il faut une éducation morale et civique ; nous allons l'introduire dans tout l'enseignement scolaire. Il faut faire des enfants des citoyens qui travaillent ensemble, autour d'un projet républicain. Pour cela, après avoir rétabli la formation initiale, nous allons renforcer la formation continue des enseignants. (Applaudissements à gauche)
Attaques terroristes
M. Thani Mohamed Soilihi . - Les 7, 8 et 9 janvier derniers, la France a été frappée par d'horribles attentats faisant 17 victimes innocentes. C'est la liberté d'expression et de culte ainsi que celle de ses défenseurs qui ont été touchées par la barbarie ; c'est la France elle-même, la République, ses valeurs, que l'on a meurtries. Cela a suscité un formidable mouvement d'unité, sur notre territoire et dans le monde entier. La Nation tout entière s'est levée pour rendre hommage aux victimes et dire sa résolution à ne pas se laisser intimider. Elle a salué l'action du président de la République et du Gouvernement, le courage et l'efficacité des forces de l'ordre.
Pouvez-vous détailler les mesures qui seront prises pour lutter contre un terrorisme protéiforme et protéger la population ? Comment éviter les déversements nauséabonds de haine et de racisme ? Chacun doit prendre conscience de la responsabilité de ses actes et des propos tenus sur internet, qui sert trop souvent de véhicule à l'obscurantisme et à la haine. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Bernard Cazeneuve a déjà eu l'occasion de participer au débat tenu ici même avant-hier. Il a eu les mots justes. Je veux remercier le président du Sénat pour ses propos et saluer les Français qui ont manifesté dans la rue. Les voir, ainsi que leurs représentants, s'exprimer ainsi est salutaire. Car c'est la démocratie elle-même que l'on a voulu abattre.
Il est important que ce soit vous, monsieur Mohamed Soihili, qui posiez cette question, vous qui représentez Mayotte. La mobilisation a été forte en métropole, mais aussi dans les outremers.
La réponse de l'État sera implacable. Bernard Cazeneuve le redira. Le prochain Conseil des ministres prendra des décisions. Nous devons en tout cas rester unis, au plus haut niveau, pour que la France reste forte. Nous devons protéger tous nos compatriotes, quelle que soit leur confession, qu'ils soient ou non croyants : c'est cela, la laïcité. Nos compatriotes juifs ne doivent plus avoir peur. Chaque citoyen a des droits et des devoirs à respecter.
Mayotte, que vous représentez, a souhaité devenir un département de la République. Une large majorité de ses habitants sont de confession musulmane. Dans des moments comme ceux-ci, chaque mot compte et je dis à nos compatriotes musulmans qu'ils ont droit à la même protection de leurs lieux de culte que tous les autres citoyens. Personne ne doit avoir peur, personne ne doit avoir honte.
La réponse, claire, impitoyable, contre le terrorisme, c'est l'unité autour des valeurs de la République. Cela passe par l'école, la laïcité, le vivre-ensemble. Je suis sûr que vous y contribuerez tous. (Applaudissements unanimes)
Attaques terroristes (2)
Mme Nathalie Goulet . - J'ai 56 ans, je suis petite-fille de déportés et je ne croyais pas voir, dans ce pays, des enfants juifs massacrés, des clients juifs d'un supermarché assassinés. Le choc est considérable.
J'avais plus ou moins intégré ces problèmes en demandant la constitution d'une commission d'enquête sur le djihadisme. Monsieur le ministre de l'intérieur, comment améliorer la détection précoce de la radicalisation ? Comment distinguer un musulman qui pratique sa religion, comme c'est son droit absolu dans la République, qui mange halal, qui fréquente la mosquée, d'un autre en train de se radicaliser, au nom d'un islam dévoyé qui embrigade jeunes gens et jeunes filles dans un objectif guerrier ? La prévention est oubliée, ces temps-ci, elle est pourtant essentielle. (Applaudissements au centre et sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Je salue votre travail au sein de la commission d'enquête. Nous engageons une action très large, incluant un dispositif préventif, avec une loi adoptée au Sénat en novembre dernier. Nous avons mis en place une plate-forme de signalement. S'agissant des 700 cas repérés, nous avons pris une circulaire conjointe avec la garde des sceaux. Les administrations de l'État sont mobilisées, en matière scolaire, de santé mentale, d'accompagnement social, de lutte contre les addictions. La ministre de l'Éducation nationale a pris des dispositions pour qu'un livret sur la radicalisation soit diffusé dans les établissements scolaires.
Cela ne suffira pas car 90 % de ceux qui basculent se radicalisent sur internet. Regardez ce qui circule sur la Toile pour créer la haine ! Un espace de liberté n'exclut pas toute régulation. (Applaudissements unanimes)
Renseignement et réserve citoyenne
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - La France a été touchée au coeur et à l'âme, mais elle s'est redressée avec un courage exemplaire. Nous sommes fiers de notre pays, de nos forces de l'ordre, de nos citoyens. Après l'émotion vient le temps des questions. Nos concitoyens attendent que l'on applique les lois, que l'on renforce nos capacités de renseignements. Cela passe par la coopération internationale. La France doit aider ses partenaires. L'Otan a un rôle à jouer. Je pense aussi au programme dit « PNR » de contrôle des passagers aériens.
La société civile doit être associée, par exemple en mobilisant une réserve opérationnelle et citoyenne, réunissant toutes les compétences psychologiques, linguistiques et autres, utiles à l'encadrement des jeunes en mal de repères. Hélas, les décrets d'application de la loi de juillet 2011 ne sont toujours pas parus...
M. Alain Gournac. - Absolument !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Il y a pourtant là un vivier remarquable. Donnons-nous les moyens d'associer tous les citoyens. Nous sommes tous Charlie, nous voulons tous être la France. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Vous avez raison : le rôle des réserves citoyennes mérite d'être souligné. Les décrets d'applications seront présentés au comité technique le 12 février et ils iront dans la foulée au Conseil d'État.
La loi adoptée en novembre va être appliquée : l'interdiction de sortie du territoire va entrer en vigueur. Les terroristes avérés ne doivent pas pouvoir revenir sur le territoire national. (Applaudissements à droite) Nous expulsons ceux qui engagent des opérations terroristes ; le nombre de ces expulsions a été doublé depuis 2013. Nous poursuivons dans ce sens, avec la plus grande fermeté.
Le PNR européen est bloqué par le Parlement européen. Il faut convaincre les députés européens qu'il est un équilibre possible pour lutter contre le terrorisme, entre sécurité et libertés publiques. Si les libertés devaient reculer, ce serait une victoire pour les terroristes.
Avec pragmatisme, efficacité, détermination, nous multiplions les initiatives auprès des grands opérateurs d'internet. Je vais les rencontrer bientôt aux États-Unis pour faire passer le message que liberté et sécurité, là encore, peuvent se conjuguer. (Applaudissements unanimes)
Réforme territoriale
M. Jacques Mézard . - Monsieur le Premier ministre, merci pour l'action que vous avez menée et l'image que vous avez donnée du Gouvernement et de la République. Le consensus sur les valeurs de la République existe. Il perdurera sur les questions de sécurité aussi.
Revenons à la vie quotidienne, néanmoins, nous le devons à nos concitoyens. La réforme territoriale mériterait un consensus et non un revirement à chaque alternance. Nous avons voté la loi sur les métropoles, mais nous nous sommes opposés au binôme départemental, à votre texte sur la fusion des régions. Nous craignons, au lieu d'une simplification, de nouveaux enchevêtrements, une moindre proximité. Nous considérons que manque une cohérence globale, une vision, une coordination avec la question des ressources et de la fiscalité locales. Nous aurions souhaité une grande réforme globale.
Monsieur le Premier ministre, quelle est la position définitive de votre gouvernement sur les compétences ? Vous pouvez nous dire « C'est comme cela et pas autrement ». Cela ne nous fait pas plaisir mais nous l'entendons. Je vous demande donc de nous dire précisément quelle est votre position sur des questions précises. Maintenez-vous le transfert aux régions de la voirie départementale, des transports scolaires, des collèges ? Maintenez-vous le seuil des 20 000 habitants pour les intercommunalités ? Vous devez précision et clarté à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs RDSE, UDI-UC et UMP)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Merci de vos mots de soutien, je sais que sur l'essentiel, nous nous retrouvons tous. Sans rien perdre de l'esprit du 11 janvier, il faut en effet répondre aux exigences des Français et poursuivre notre travail. Le Parlement tranchera, sur la loi NOTRe comme sur le texte sur la croissance, actuellement examiné à l'Assemblée nationale. Je ne vous dirai pas « Circulez, il n'y a rien à voir » mais je ne répondrai pas plus précisément (« Ah » à droite), par respect pour vos travaux en cours. J'ai rencontré le président Larcher samedi et reste à votre disposition pour travailler avec l'ensemble des groupes.
Mon état d'esprit est le suivant : je souhaite un accord sur la réforme des compétences, qu'accompagnera une réforme de l'État déconcentré ; un accord entre le Gouvernement et les deux assemblées sur les sujets majeurs. Je le pense possible. Et, vous avez raison, les réformes ont vocation à s'inscrire dans la durée.
Sur les seuils et les transferts de compétence, nous pouvons avancer, j'en suis convaincu. Le vote du Sénat en première lecture préfigurera le débat à venir. Le Gouvernement sera attentif à vos propositions. Nous avons avancé sur Paris et Marseille, nous avancerons sur tous les autres sujets. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Rôle de l'école après les attentats
Mme Marie-Christine Blandin . - C'est un difficile exercice que de reprendre nos échanges après l'effroi, les larmes, les douloureuses condoléances, mais c'est un exercice nécessaire. Vivre ensemble, respecter l'autre, contenir la violence, tout cela s'apprend, très tôt, à l'école, par l'éducation morale et civique. Celle-ci inclut, comme l'a rappelé le Conseil supérieur des programmes, la culture de la sensibilité, la culture de la règle et du droit ainsi que l'éveil au jugement.
L'apprentissage de la laïcité, de la diversité des cultures, de la neutralité de l'État et de l'usage des médias seront au programme de chaque cycle. Voilà un motif d'espoir.
Mais l'hommage collectif aux victimes a été émaillé de mises à distance et de tensions. Certains pédagogues se sont trouvés en difficulté et toutes les Éspé ne mettent pas en oeuvre leur obligation d'enseigner la prévention des conflits et leur résolution non violente.
Quelles dispositions allez-vous prendre, madame la ministre de l'éducation nationale, afin de développer la formation initiale et continue des enseignants de la République, que nous remercions pour le sang-froid dont ils ont fait preuve, afin qu'ils ne soient pas démunis ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Oui, je veux rendre hommage à tous les chefs d'établissement et à leurs équipes éducatives confrontés au confinement dans leurs établissements. Je les remercie pour leur sang-froid dans la gestion de la crise, même si les protocoles peuvent être améliorés.
Heureusement que nous avons réintroduit une formation initiale de qualité au sein des nouvelles Éspé. L'enseignement à la prévention des conflits est plus largement dispensé que vous le dites. L'Éspé de Lyon a par exemple un enseignement à la prise en charge des incivilités et à la prévention du harcèlement, au sein d'un module intitulé « Contexte de l'exercice du métier ».
Dans les établissements où il y a eu des incidents considérés comme graves, j'ai demandé aux recteurs de dépêcher des référents Laïcité aguerris et expérimentés pour reprendre et approfondir le dialogue dans les classes. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)
Laïcité et éducation aux médias
M. David Assouline . - Nous sommes encore envahis par l'effroi, la peine, la tristesse, par les visages des journalistes, des juifs, des policiers, rayonnant de douceur et de sourires... Envahis par le respect et la gratitude envers tous ceux qui ont agi pour mettre les tueurs hors d'état de nuire, le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'intérieur, les forces de l'ordre ; par l'espoir aussi après l'élan national autour des valeurs républicaines, par ces gestes et regards échangés sans haine lors de la gigantesque marche de la liberté et de la dignité humaines.
Mais des questions aussi : comment des jeunes Français ont-ils pu trouver légitime de commettre ces lâches assassinats ? Comment peut-il se trouver des gens pour ne pas éprouver de compassion envers les victimes et leurs familles, voire pour approuver les assassins ou adhérer aux thèses complotistes ? Les réponses ? L'affirmation des principes de la laïcité, sur lesquels il ne faut rien lâcher ; l'antisémitisme, le racisme ne doivent plus se déployer dans l'indifférence et la banalisation. Il y a l'école, la famille, bien sûr, mais aussi internet, les jeux vidéo, où certains jeunes vivent des vies parallèles, soumises à leurs propres règles, où l'on dispense une autre vision, tronquée, truquée du monde...
M. le président. - Il faut poser votre question...
M. David Assouline. - Ne faudrait-il pas un apprentissage à l'école, dès six ans, du décryptage des médias, de l'image, du traitement de l'actualité ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - J'ai organisé une grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République. Je reçois tous les acteurs de la communauté éducative, y compris des associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Beaucoup sont frappées par la prégnance des préjugés des enfants, confortés par ce qu'on trouve sur internet. Je partage votre préoccupation. L'école doit développer l'esprit critique et la liberté de jugement des enfants, leur apprendre à faire le tri entre information et rumeur. Pour ce faire, nous avons besoin d'outils, notamment vidéo, sur ces sujets ; plusieurs seront commandés et diffusés dans les classes. L'éducation aux médias sera comprise dans l'enseignement moral et civique que j'ai évoqué, à raison d'une heure par semaine. Et je n'oublie pas l'éducation artistique et culturelle. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Services de renseignement
M. Cédric Perrin . - Les destinées d'hommes et de femmes épris de liberté ont été précipitées vers l'abîme par l'idéologie et la folie barbare d'autres hommes. Le peuple s'est levé pour les dénoncer, dire son attachement à la République et à ses valeurs.
Les Français attendent aujourd'hui des actes forts. La démocratie doit se défendre sans angélisme ni naïveté, sans bien-pensance face au terrorisme. Il faut remédier à ce qui n'a pas fonctionné en matière de surveillance.
Les auteurs de ces crimes étaient fichés, archi-connus depuis des années, mais ils n'étaient plus surveillés depuis plus de six mois. Ils étaient interdits du territoire américain, avaient séjourné au Yémen et fréquenté Djamel Beghal mais pouvaient se promener librement en France, sans surveillance. Ces personnes n'ont aucune place sur le territoire national. Allez-vous enfin déchoir de la nationalité française les djihadistes binationaux ? Allez-vous convaincre vos amis politiques de voter la création de la base PNR à l'échelle communautaire ? Quel rôle ont joué la Commission nationale du contrôle des interceptions de sécurité et le cabinet du Premier ministre dans l'interruption des écoutes d'un des frères Kouachi et le refus d'écouter son entourage ? Les moyens des services de renseignement seront-ils renforcés pour leur donner les moyens de faire face à la menace ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Vous êtes trop bien informé pour ignorer que les moyens des services de renseignement ont été rabotés il n'y a pas si longtemps, moins 130 unités, et que les crédits des matériels technologiques n'ont pas été abondés. Le Premier ministre, alors ministre de l'intérieur, a décidé d'accroître les effectifs de la DGSI de 432 postes. En outre, nous allouons 12 millions d'euros par an au renforcement des équipements technologiques.
La dotation des services en compétences linguistiques sera renforcée -son insuffisance m'avait conduit à proposer l'allongement à 30 jours de la conservation des écoutes, mais je n'avais pas été suivi. La CNCIS a fait son travail. Les frères Kouachi ont été interceptés à plusieurs reprises entre 2011 et 2014 ; rien ne permettait de déceler une volonté de s'engager dans des opérations terroristes. Nous sommes dans un État de droit, les écoutes ne peuvent durer indéfiniment. Nous allons introduire des moyens juridiques d'aller au-delà de ce qui est possible aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et UDI-UC ; M. Jean-Pierre Raffarin applaudit aussi)
Massacre perpétré par Boko Haram au Nigéria
Mme Anne Emery-Dumas . - Alors que l'attention internationale était tournée vers les événements tragiques qui ont eu lieu en France, au nord du Nigéria, la secte Boko Haram a, du 3 au 7 janvier, dans une certaine indifférence, massacré sans distinction hommes, femmes et enfants dans la région de Baga et s'est revendiqué de l'établissement d'un califat islamique. Amnesty international évoque 2 000 morts et 20 000 personnes contraintes de se réfugier au Tchad.
Le peuple français, qui a su se rassembler autour des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, ne peut qu'être sensible à la situation du peuple nigérian à la suite de cette attaque perpétrée dans le silence de la communauté internationale. Comment mettre fin à l'extension des opérations de Boko Haram, monsieur le ministre des affaires étrangères ? Comment la France agit-elle ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et à droite)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - L'indignation sélective est impossible. Il y a dans le monde des massacres ignobles que nous devons condamner avec la même sévérité, où qu'ils se produisent. Ce qui se passe au nord-est du Nigéria atteint le summum de l'atrocité.
Dans la lutte contre le terrorisme, la France agit. C'est à la demande du Nigéria que s'est tenu le sommet de Paris en mai 2014. Nous avons mis la constitution d'une force régionale sur la table. Nous avons proposé un dispositif de coordination. Nous faisons ce que nous pouvons mais le soutien de tous est nécessaire. Nous prenons notre part des problèmes du monde, certains disent même au-delà - et c'est à notre honneur-, mais c'est à nous tous, ensemble, d'agir, notamment au niveau européen, pour apporter, face à la barbarie, la seule réponse qui vaille : la fermeté dans l'unité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et à droite)
Relations avec la Turquie et le Maroc pour lutter contre le terrorisme
M. Christian Cambon . - Comment en est-on arrivé là ? Notre devoir est de tout faire pour qu'une telle tragédie ne se reproduise pas. Nous approuvons les mesures annoncées par le Gouvernement.
La coopération avec la Turquie et le Maroc en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme, pays eux-mêmes confrontés au terrorisme, doit impérativement être renforcée. La Turquie est le principal point de transit vers la Syrie des recrues djihadistes. Depuis la mission effectuée en septembre dernier par M. Cazeneuve, les autorités et services turcs se sont mobilisés. La surveillance est désormais plus satisfaisante à l'aéroport d'Istanbul mais les contrôles dans les ports turcs ouvrent une faille menaçante. La coopération peut être encore améliorée, qui a longtemps pâti des interprétations divergentes du problème kurde entre nos deux pays.
Avec le Maroc, ami de la France par excellence au Maghreb et en Afrique, partenaire incontournable, la relation de confiance se rétablit peu à peu depuis deux ans. 1 500 Marocains sont déjà partis rejoindre Daech. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour que nos relations avec ce pays retrouvent l'excellence et la confiance ? (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - J'apprécie le ton et le fond de votre question. Je n'aurais pu mieux m'exprimer. La Turquie est très durement touchée par le terrorisme. Après quelques incertitudes, des procédures ont été mises au point après la mission de Bernard Cazeneuve, pour assurer une bonne coopération.
Le Maroc est l'ami de la France, la France est l'amie du Maroc. Il est indispensable de rétablir nos bonnes relations, qui se sont dégradées depuis février. Nous nous y sommes efforcés. J'ai rencontré mon homologue pour y travailler et me rendrai prochainement dans ce pays. (Applaudissements)
NOTRe et métropole Aix-Marseille
M. Michel Amiel . - Je m'associe aux remerciements adressés au Premier ministre pour son discours à l'Assemblée nationale et pour les actes pris par le Gouvernement la semaine dernière.
Le 9 décembre, monsieur le Premier ministre, vous avez reçu un certain nombre d'élus des Bouches-du-Rhône ; nous avons alors eu le sentiment d'être entendus. Quelle déception, lors du conseil paritaire territorial de janvier à Vitrolles, de voir que la situation était bloquée. Les avancées sur la fiscalité et le pacte financier ressemblent à une coquille vide. Sur la gouvernance, le déséquilibre entre Marseille et le reste du département reste patent ; sur le droit des sols, les PLU sont confisqués aux maires.
Pourquoi refuser d'accorder à la métropole d'Aix-Marseille la personnalité juridique et la fiscalité partagée accordées au Grand Paris ? Attention à ne pas reléguer les élus, les habitants, les territoires de la métropole de Marseille au rang de citoyens de seconde zone. (Mme Mireille Jouve applaudit)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique . - Je n'ignore pas les difficultés de ce grand territoire en matière de logement, d'entreprise. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé que cette grande porte sur la Méditerranée devienne une métropole.
Nous avons proposé aux élus de travailler vite sur le pacte financier et fiscal. Même si le temps a manqué, nous trouverons, j'en suis sûre, des motifs de satisfaction.
Sur la gouvernance, la Constitution nous lie mais nous pouvons néanmoins avancer. Nous avons à parler de personnalité des territoires ou d'urbanisme. La comparaison avec le Grand Paris a ses limites : ce territoire connaît des difficultés particulières, avec des compétences orphelines.
J'en prends l'engagement : le texte sera amélioré pour ce grand territoire qu'est Aix-Marseille-Provence, dont vous êtes légitimement fiers, dont nous sommes fiers, dont la France est fière. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
La séance, suspendue à 16 h 05, reprend à 16 h 15.