Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (procédure accélérée).

Discussion des articles

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Il s'est écoulé un délai tellement long entre la discussion générale et la discussion des articles que nous ne pouvons pas faire comme si nous nous étions séparés hier soir !

M. Jean-Claude Requier.  - Absolument !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Nous avions souligné que nous attendions du Gouvernement de véritables mesures de décentralisation en faveur des régions afin de leur donner un rôle stratégique en matière d'emploi et de formation professionnelle. Nous attendons également des précisions sur les compétences des départements qui exercent, à un niveau de mutualisation tout à fait satisfaisant, des compétences en matière de collèges, de transports scolaires, de routes, de ports et de tourisme.

Enfin, nous attendions des engagements en matière d'intercommunalités : un seuil de population quatre fois plus important que celui fixé en 2010 ne nous paraît pas acceptable.

Nous avions eu la surprise, le jour de la discussion générale, de découvrir une salve d'amendements du Gouvernement visant purement et simplement à rétablir le texte adopté en Conseil des ministres en juin 2014 -et ce malgré les évolutions intervenues depuis, à l'écoute des associations d'élus notamment et à la suite du débat organisé en octobre au Sénat.

Aujourd'hui même, nous avons reçu 19 nouveaux amendements ! Et on nous en annonce d'autres pour demain...

Je me dois de rendre compte au Sénat des travaux que nous avons menés avec le Gouvernement, autour du président du Sénat. Sur certains points, des éclaircissements ont été apportés. Ils restent toutefois trop peu nombreux pour espérer aboutir à un texte consensuel. Si vous avez entendu nos arguments sur la politique de l'emploi, une solution reste à trouver sur la carte de l'enseignement professionnel. En matière de compétences départementales, il reste beaucoup à faire pour rapprocher nos positions, sur les transports scolaires, les ports ou le tourisme, même si le Gouvernement a entendu nos arguments sur les collèges. Sur les intercommunalités, vous maintenez le principe d'un seuil chiffré, en desserrant légèrement le calendrier. Là encore, il faut progresser. C'est dire que nous avons beaucoup de travail devant nous. L'effort accompli par le Gouvernement depuis la discussion générale est pour l'heure insuffisant. (Applaudissements sur les bancs UMP, UDI-UC ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Je ne vais pas répondre au président Bas point par point -nous en débattrons lors de l'examen des amendements. Un amendement du Gouvernement sur Paris prend du retard, c'est vrai : les discussions avec les élus se poursuivent. Cette proposition d'amendement a circulé à la demande d'un certain nombre d'entre vous. Le Gouvernement fera peut-être évoluer sa position. Nous ne voulons pas clore le débat avant même de l'entamer.

Nous sommes dans un contexte particulier. Présenter ce soir un texte portant sur la nouvelle organisation du territoire de la République, la dite loi NOTRe, a du sens. C'est heureux car dans un contexte de deuil et de tristesse, nous devons assumer ensemble nos responsabilités. Pour faire vivre nos valeurs, les membres du Gouvernement doivent les incarner, les porter.

Nous veillons à l'égalité. Un enfant de France ne dispose pas des mêmes opportunités selon l'endroit où il naît. Pour lutter contre cette prédestination de la naissance, évoquée par Edgar Morin, il faut parler d'éducation, d'emploi, de services publics. Faire correspondre les espaces administratifs à la vie des citoyens, faire prévaloir la coopération entre les territoires sur la compétition, voilà notre objectif. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

ARTICLES ADDITIONNELS AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°652, présenté par M. Collomb.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de la présente loi relative aux départements, aux établissements publics de coopération intercommunale et aux communes pour l'exercice des compétences mentionnées aux articles L. 3641-1 à L. 3641-9 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, sont applicables à la métropole de Lyon et aux métropoles, sous réserve de l'existence de dispositions contraires ou spécifiques, notamment introduites par la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

M. Gérard Collomb.  - Ce soir et dans les jours qui viennent, nous devrons être à la hauteur des enjeux. Lors de la discussion de la loi sur les métropoles, nous avions trouvé des positions largement convergentes. Jean-Claude Gaudin, Louis Nègre et moi-même étions intervenus de manière conjointe pour plaider pour les grandes métropoles.

Je suis de ceux qui pensent qu'il n'y a pas d'opposition entre métropoles et régions : nous devons simplement trouver la bonne articulation. Les régions ne pourront être autant dans la proximité que les présidents des grandes agglomérations, avoir les mêmes relations avec leurs universitaires, leur tissu économique.

Il n'y a pas d'opposition fondamentale entre l'urbain et le rural. Les régions doivent être solidaires de leurs territoires. Il ne peut y avoir contradiction entre ce que nous décidons ce soir et ce que nous avons voté l'an dernier dans la loi Maptam. D'où cet amendement. Nous pourrons trouver un accord avec la commission, je pense.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - Je regrette l'absence de mon co-rapporteur, pour des raisons de santé. Nous avons travaillé de concert, pour le bien des collectivités. J'espère qu'il nous rejoindra bientôt.

Monsieur le sénateur du Rhône -je ne connais pas d'autre titre et personne, ici, ne défend autre chose que l'intérêt général ! (sourires)-, vous souhaitez que l'on préserve les compétences de la métropole de Lyon. Aucune disposition du présent projet de loi ne remet en cause celles de la loi Maptam. Les rapporteurs ont déposé des amendements de précisions. L'article 3641-6 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà des dispositions similaires du présent amendement : vous aurez satisfaction dans le reste du débat. Retrait ? Ce serait plus simple...

M. Gérard Collomb.  - Je retire mon amendement, au profit de l'amendement n°1 021 de la commission.

L'amendement n°652 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°674, présenté par MM. Cazeau, Rome et Tourenne, Mme Perol-Dumont, MM. Madrelle et Daudigny, Mmes Bataille et Claireaux et MM. Cornano, Miquel, Cabanel et Courteau.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'organisation décentralisée de la République satisfait aux principes suivants :

Respect de la diversité des territoires ;

Recherche d'un égal accès des citoyens aux services publics, y compris dans les territoires les plus enclavés ;

Définition des missions et moyens affectés à chaque catégorie de collectivité locale.

Dans le respect des grandes orientations nationales, la région a la responsabilité de définir les grands choix stratégiques de développement de son territoire. En premier lieu, elle participe à l'amélioration de la compétitivité des entreprises au plan international en organisant le soutien à l'innovation, à la recherche et au développement économique.

Le département a la responsabilité de la coordination des compétences de proximité. A ce titre, le conseil départemental mobilise l'ensemble de ses moyens pour assurer la cohésion sociale de son territoire et exprimer les besoins spécifiques de la ruralité. Interlocuteur privilégié des communes et des intercommunalités, il déploie l'ingénierie et apporte les soutiens financiers nécessaires à la réalisation de leurs projets d'aménagement. 

Dans le respect de leurs compétences, les établissements publics de coopération intercommunale s'organisent pour assurer la gestion des politiques et la conduite des projets pour lesquels l'échelle communale s'avère inappropriée.

La commune est la collectivité territoriale de base de l'organisation décentralisée de la République. Porteur de la légitimité démocratique que lui a conférée l'élection municipale et détenteur du pouvoir de police administrative générale exercée au nom de l'État, le maire a la responsabilité d'oeuvrer à la sécurité et au bien-être de la population communale. Le pouvoir de police administrative générale du maire ne peut être délégué ou transféré au président de l'intercommunalité dont la commune est membre.

M. Bernard Cazeau.  - En juin 2014, l'exposé des motifs du projet de loi NOTRe évoquait un débat sur la suppression des conseils généraux. Certes, cela n'est plus d'actualité. Le 28 octobre, le Premier ministre a déclaré son attachement aux départements. Je souhaite que les choses soient clairement dites, voire répétées. D'où cet amendement, non normatif.

M. le président.  - Amendement n°813, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le respect des compétences attribuées par la loi aux différentes catégories de  collectivités territoriales et à leurs groupements, par application du principe de subsidiarité :

1° Les communes constituent la cellule de base de l'organisation territoriale de la République décentralisée et l'échelon de proximité de vie démocratique. Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont un outil de coopération et de développement au service des communes ;

2° Les départements sont garants du développement territorial, de la solidarité et de la cohésion sociale sur leur territoire ;

3° Les régions contribuent au développement économique et à l'aménagement stratégique de leur territoire.

M. Christian Favier.  - Mme la ministre a évoqué le contexte exceptionnel dans lequel nous abordons ce projet de loi. Les collectivités locales doivent voir leur rôle renforcé, réaffirmé. Il faut davantage de proximité, alors que les liens se distendent, au risque de nourrir des comportements que nous condamnons. Attention à ne pas éloigner les décisions. D'où cet amendement, qui n'est pas non plus normatif mais réaffirme le principe de la répartition des compétences dévolues à chaque niveau.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'amendement n°674 ne présente aucune portée normative mais ressemble à un exposé des motifs. Retrait, sinon défavorable. L'amendement n°813 reprend les dispositions de l'article premier A du projet de loi de délimitation des régions. Nous allons en traduire les orientations dans le présent texte. Défavorable à cet amendement qui n'a, lui non plus, aucune portée normative.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - En effet, ces amendements n'ont rien de normatif. Le présent projet de loi a vocation à traduire concrètement les principes qui viennent d'être évoqués. L'hyper richesse et l'hyper pauvreté posent problèmes, c'est vrai. Je comprends que vous ayez souhaité réaffirmer ces principes en début de débat. Néanmoins, retrait.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, surtout par les temps qui courent. En effet, madame la ministre, ce que vit la France en ce moment est très important -sauf que cette loi détricote notre organisation territoriale, elle détricote ce qui fait le lien interne entre nous. « C'est dans la commune qu'est la force des peuples libres », disait Tocqueville !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très bonne référence !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vouloir noyer les communes dans de grandes intercommunalités, c'est aller à l'encontre de cette idée. Autre collectivité de proximité, le département.

Mme Jacqueline Gourault.  - Ce n'est pas le sujet...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mais si ! Se préoccuper du sentiment d'appartenance, des relations de citoyenneté suppose de sortir de la seule logique de la compétitivité ! Attention à ne pas faire le contraire de ce que l'on prône...

M. Ronan Dantec.  - Après cette semaine terrible qui nous a plongés dans l'effroi, prenons le temps pour voir en quoi ce projet de loi répond aux enjeux actuels. Les inégalités territoriales sont fortes même si elles n'excusent en rien la barbarie. Nous soutenons le renforcement de la région car il faut dépasser la compétition entre territoires, qui nuit à la cohésion nationale. Plus que de coopération, je parlerai de solidarité entre territoires. Cela vaut pour les territoires ruraux, pour les territoires urbains périphériques. Comment, à travers cette loi, raccommoder, recréer une histoire commune ? La péréquation, la solidarité financière entre territoires riches et pauvres doivent sortir renforcées de la loi.

Renforcer la démocratie locale, de proximité ? Cessons d'opposer démocratie communale et démocratie d'agglomération. Le débat n'a pas le même sens dans la ville centre que dans une petite commune périphérique qui se sent exclue des grandes décisions. Il faut sortir du débat en ayant renforcé l'égalité démocratique entre les citoyens.

L'amendement n°674 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°813.

M. le Président Amendement n°810, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La compétence dite générale est un principe fondateur de la décentralisation et de la libre administration des collectivités territoriales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et permet l'application de la règle de subsidiarité.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous présentons une série d'amendements qui visent à rappeler les grands enjeux de la réforme territoriale engagée depuis cinq ans. En 2010, une majorité de droite avait supprimé cette compétence générale ; la gauche l'avait rétablie il y a un an. Cette règle non écrite découle des principes constitutionnels et garantit la subsidiarité. Je vous renvoie à l'article 72, alinéa 2, de la Constitution. Je m'étonne donc que le rapport de la commission des lois fasse si peu de cas de ce sujet et des propos du Gouvernement lors de la loi Maptam.

C'est le retour à une certaine forme de dirigisme, d'encadrement des élus locaux, coupables, dit-on, de faire n'importe quoi et de jeter l'argent public par les fenêtres... La compétence générale est source de progrès, d'innovation sociale et territoriale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'article 72 de la Constitution -il faut le citer exactement- dit que les collectivités s'administrent librement « dans les conditions prévues par la loi ».

La compétence générale est un mythe ! Il y a bien un principe de subsidiarité. Certaines collectivités sont plus adaptées que d'autres pour exercer certaines compétences ; certaines sont optionnelles, ou facultatives. Je ne dois pas être bon juriste car je n'ai jamais compris ce qu'était la clause de compétence générale... (Dénégations) Nous l'avions supprimée sous vos hurlements avant qu'elle ne soit rétablie, sans que nous hurlions -si ça vous faisait plaisir... Je ne peux qu'être défavorable à l'amendement.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale.  - Tous les élus de France demandent plus de clarté dans la répartition des compétences. La suppression de la clause de compétence générale s'accompagne de garanties. L'expression n'est d'ailleurs pas définie par le droit -ce n'est pas une notion juridique, mais politique. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - J'ai été élue en faisant campagne contre la suppression de la clause de compétence générale, sous Nicolas Sarkozy. L'organisation du chef-de-filat doit respecter la clause de compétence générale. Comment va-t-on traiter la politique du logement ? C'est en théorie une compétence d'État. Or, pas un logement n'est construit sans l'aide des collectivités locales.

M. Michel Bouvard.  - Tout à fait !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Comment une seule intercommunalité peut-elle atteindre la masse critique pour financer des opérations aussi coûteuses ? La moitié des offices HLM sont départementaux. Solidarité territoriale, solidarité sociale, développement durable -on ne saura plus où on en est.

Où est la compétence logement dans la réforme territoriale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP et UDI-UC)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le système actuel est parfaitement clair : lorsque la loi n'attribue pas une compétence, toute collectivité peut intervenir dans l'intérêt communal, départemental ou régional. Pourquoi poser une question qui ne se pose pas ? Pour faire des économies ? L'objectif était de supprimer les financements croisés -fantasme managérial farfelu car un projet a un coût fixe, quel que soit le nombre de financeurs. Fantasme managérial aussi cette idée que les collectivités doivent se concentrer sur leur « coeur de métier »...

Madame la ministre, avez-vous emprunté le chemin de Damas, eu une illumination ? (Sourires) Pourquoi avoir changé d'avis de la sorte ?

Mme Sophie Joissains.  - Comme sur les métropoles ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - On va au devant de difficultés extrêmes : les préfets vont devoir trancher sur tout ! Ne modifions pas ce qui fonctionne.

M. Bernard Cazeau.  - Monsieur le rapporteur, si vous ne savez pas ce qu'est la compétence générale, je peux vous dire que nombre de petites et moyennes communes, et même de communautés de communes, elles, le savent ! C'est ce qui a permis de financer leur développement tous azimuts, l'assainissement par exemple ! Des doublons, dites-vous ? (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, s'exclame) Pourtant, on a bien besoin d'investissements !

Je ne me permettrais pas de demander à Mme la ministre si elle a eu une illumination mais je voterai l'amendement.

M. Patrick Abate.  - Nous sommes nombreux à être attachés à ce principe, condition même des libertés locales. Comment prétendre engager une nouvelle étape de la décentralisation tout en restreignant le champ d'intervention des collectivités ?

Les financements croisés permettent la réalisation d'équipements et de services utiles à la population. Mieux vaudrait un chef-de-filat. L'efficacité passe en fait par une meilleure répartition des richesses.

Dans bien des domaines, le silence de la loi couvre un plus large champ que la loi elle-même. On ne peut tout faire entrer dans de petites cases, la loi ne peut tout prévoir. Au nom de la modernité et de l'innovation, votons l'amendement.

M. Michel Mercier.  - J'ai défendu ici la loi de 2010 qui supprimait la clause de compétence générale pour les départements et les régions mais la maintenait pour l'État et les communes. C'est précisément ce que fait ce projet de loi.

Ne confondons pas compétence et financement. Le projet de loi autorise explicitement les départements, en vertu de leur compétence de solidarité, à financer des équipements communaux.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ou l'assainissement rural !

M. Michel Mercier.  - Il est normal que la commune, collectivité de proximité, conserve une compétence générale. Mais ne confondons pas tout.

On a beaucoup parlé de démocratie ces derniers jours. En démocratie, les élus doivent être jugés d'après ce qu'ils font. Encore faut-il savoir qui fait quoi ! Cette clarification est bienvenue. Je voterai contre les amendements qui s'y opposent.

M. Philippe Adnot.  - Au rythme où nous allons, je ne pourrai sans doute pas défendre ce soir mon amendement à l'article premier... Une anecdote : l'Aube souhaitait financer une zone d'activités, or le préfet refusait au département le droit de financer l'électrification au motif qu'il existait un syndicat, l'assainissement parce que c'était le rôle de la commune... Saucissonnage invraisemblable ! Sans la clause de compétence générale, l'opération n'aurait pu être menée. Une collectivité doit être en mesure de mener à bien ses projets. Je voterai l'amendement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Nous ne disons pas blanc puis noir. Nous avons mené un travail de fond et nous faisons confiance aux élus. Les compétences territoriales de l'action publique répondent au problème posé, par exemple sur le logement. Il faut enfin clarifier les responsabilités de chacun tout en encourageant les discussions, les délégations, en laissant des marges de manoeuvre.

Il y a un problème de financement des collectivités territoriales. Certaines ont des ressources trop faibles pour exercer leurs compétences. J'espère vous soumettre bientôt un projet de refonte de la DGF. Et je regrette que la majorité sénatoriale n'ait pas souhaité s'associer aux réflexions.

Enfin, le bloc communal conserve la compétence générale. On ne peut pas dire que la République s'appuie sur les communes et refuser de reconnaître cette compétence générale aux communes.

Ne croyez pas que des projets devront être abandonnés faute de compétence générale, par exemple dans le domaine du logement. La clause de solidarité territoriale est là pour aider les territoires en grande difficulté.

M. Éric Doligé.  - Ce n'est pas de notre faute si nous n'avons plus de ressources ! L'UMP, depuis 2010, défend la clarification des compétences de chaque niveau de collectivité. Reconnaissez que vous avez changé d'avis, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Je l'ai fait.

M. Éric Doligé.  - L'UMP, elle, a une position constante. Les communistes aussi, d'ailleurs, même si c'est la position inverse. Une fois n'est pas coutume, nous soutiendrons le Gouvernement mais reconnaissez notre constance, cela nous fera plaisir !

L'amendement n°810 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°811, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Inséré un article additionnel ainsi rédigé :

L'autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle pour leur assurer le bénéfice de ressources propres et ainsi leur permettre la mise en oeuvre réelle de leur libre administration.

De plus, la compensation intégrale des transferts de compétences de l'État, vers les collectivités territoriales, ou entre elles, doit être réellement assurée.

Par ailleurs toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi.

M. Christian Favier.  - La question des ressources prend une importance particulière à l'heure de la baisse des dotations. Or la Constitution prévoit la compensation de tout transfert de compétences. Le projet de loi passe cette question sous silence. On nous demande de légiférer à l'aveugle.

Cet amendement réaffirme les principes que doit respecter toute réforme des compétences des collectivités. Un rappel à la loi, si j'ose dire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous allons avoir droit à tous les grands principes... Cet amendement non normatif ne fait que répéter la Constitution. Avis défavorable.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°811 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°812, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, un rapport du Gouvernement est établi présentant l'ensemble des conséquences, financières et budgétaires pour les collectivités territoriales, des mesures adoptées.

M. Christian Favier.  - Ni l'étude d'impact ni le projet de loi n'aborde la question des conséquences financières de la nouvelle organisation territoriale. Elle est pourtant loin d'être secondaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Curieux de demander un rapport sur les conséquences de la loi... Comment serait-il rédigé ? En tout état de cause, il ne serait pas pertinent.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Nous avons eu un exemple avec le transfert de compétences du département du Rhône à la métropole de Lyon : il a fallu un an de travail. Autant dire que ce que demande cet amendement serait irréalisable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Bref, mieux vaut ignorer ce qu'on fait. C'est trop désespérant !

M. Alain Joyandet.  - Je voterai l'amendement. En ce qui concerne les conséquences financières, nous sommes dans le brouillard total. Ce n'est peut-être pas l'objet de cette discussion mais lorsque deux régions fusionnent alors qu'elles ont des niveaux de fiscalité très différente -je pense, par exemple, aux cartes grises-, que fera-t-on ? Qu'a-t-on fait dans les intercommunalités avec la TPU ? On a lissé sur plusieurs années. Or je ne vois rien de tel ici.

Un tel brouillard est inadmissible alors que les élections approchent. Qu'allons-nous dire à nos électeurs ? Je sais bien que c'est compliqué : on ne va pas hausser la fiscalité de 20 points ici, la baisser de 20 points là... (M. Michel Bouvard approuve)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - La loi de 1971 sur la fusion de communes prévoyait le rapprochement des taux en plusieurs années.

Mme Jacqueline Gourault.  - Jusqu'à douze ans.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Rien n'est prévu pour les régions. La réforme a été si magique que l'on n'en découvre que maintenant un certain nombre de conséquences. La question des ressources et de la fiscalité locale n'est pas non plus traitée : il faudra attendre une loi de finances, nous dit-on...

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Cette année.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cela dit, l'amendement de M. Favier ne résout pas votre problème.

L'amendement n°812 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°814, présenté par MM. Vergès et Favier.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'avant-dernier alinéa de l'article 1er de la loi n°2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique est ainsi rédigé :

« En Guadeloupe et à La Réunion, le congrès des élus départementaux et régionaux est composé des membres du conseil général et du conseil régional. »

M. Christian Favier.  - A la Réunion cohabitent sur le même territoire une région et un département. C'était le cas également pour la Guyane et la Martinique ; mais toutes deux ont opté pour un nouveau statut. Elles ont pu le faire parce qu'elles sont dotées d'un Congrès, structure qui réunit les conseillers régionaux et conseillers généraux. Et parce qu'elles ont eu le consentement des électeurs. La Réunion ne peut pas évoluer statutairement parce qu'elle ne peut réunir le Congrès, comme ont pu le faire la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.

On objecte aux Réunionnais que toute évolution institutionnelle nécessiterait de supprimer la disposition Virapoullé. C'est une grave confusion car cette disposition ne vise qu'à exclure La Réunion de deux dispositions de l'article 73 de la Constitution : les possibilités d'adaptation des lois et règlements par les collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et la possibilité pour ces collectivités de fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières. Cette disposition n'a donc rien à voir avec la question d'une évolution institutionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Tout cela n'a rien à voir avec le projet de loi. Deux collectivités sur un même territoire, on pourrait simplifier... Encore faut-il que les citoyens soient d'accord. Laissons la Constitution en l'état. (Applaudissements)

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - A la Réunion, il n'y a pas d'unanimité sur cette question. Les élus départementaux et régionaux peuvent déjà se concerter de manière informelle. (Applaudissements)

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Une précision à M. Joyandet : l'article 37 du projet de loi sur la délimitation des régions prévoit bien que les taux d'imposition actuels continueront à s'appliquer jusqu'à une nouvelle délibération de la future région. Si vous souhaitez un lissage, nous pourrons voir cela en loi de finances.

M. Alain Joyandet.  - Si l'on aligne le tarif des cartes grises de Franche-Comté sur celui de Bourgogne, il en coûtera 18 millions d'euros aux Franc-Comtois ! Madame la ministre, nous délibérons tous les ans ! Il faut voter le taux des impôts avant le 31 mars. Je ne comprends pas votre réponse.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Nous vous ferons une réponse écrite.

L'amendement n°814 n'est pas adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné sept amendements, c'est peu.

La séance est levée à minuit vingt-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques