Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion des articles de la première partie (Suite)

M. le président.  - Nous sommes parvenus à l'article d'équilibre.

ARTICLE 31 (ÉTAT A)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Depuis 2012, l'article d'équilibre était le point final du débat budgétaire au Sénat, écourté au terme de la première partie. C'était préjudiciable à l'institution sénatoriale. Cela ne pouvait durer, et il n'y a plus lieu de rejeter le texte à ce stade. Le rapporteur général a ouvert une voie raisonnable pour dessiner une première partie acceptable pour la nouvelle majorité, sans rien céder au Gouvernement. Le texte initial comme celui adopté à l'Assemblée nationale étaient bien loin des préoccupations de nos citoyens...

Les amendements que nous avons adoptés n'ont pas vocation à être financés par la hausse des droits sur le tabac, on s'en doute. C'est pourquoi nous avons hâte d'examiner la deuxième partie. Nos discussions feront la preuve du sérieux et de la solidité de nos propositions.

M. le président.  - Amendement n°I-431, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Dans l'état A, modifier les évaluations de recettes comme suit :

I.  -  BUDGET GÉNÉRAL

1. Recettes fiscales

11. Impôt sur le revenu

Ligne 1101 Impôt sur le revenu

minorer de 522 000 000 €

13. Impôt sur les sociétés

Ligne 1301 Impôt sur les sociétés

minorer de 34 000 000 €

14. Autres impôts directs et taxes assimilées

Ligne 1402 Retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes

majorer de 200 000 000 €

Ligne 1406 Impôt de solidarité sur la fortune

majorer de 497 000 000 €

Ligne 1499 Recettes diverses

minorer de 20 558 000 €

15. Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

Ligne 1501 Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

minorer de 184 400 000 €

17. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

Ligne 1705 Mutations à titre gratuit entre vifs (donations)

majorer de 84 000 000 €

Ligne 1706 Mutations à titre gratuit par décès

majorer de 212 000 000 €

Ligne 1711 Autres conventions et actes civils

majorer de 30 000 000 €

Ligne 1713 Taxe de publicité foncière

minorer de 2 000 000 €

Ligne 1797 Taxe sur les transactions financières

majorer de 50 000 000 €

2. Recettes non fiscales

21. Dividendes et recettes assimilées

Ligne 2110 Produits des participations de l'État dans des entreprises financières

majorer de 168 000 000 €

Ligne 2116 Produits des participations de l'État dans des entreprises non financières et bénéfices des établissements publics non financiers

majorer de 182 000 000 €

25. Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites

Ligne 2505 Produit des autres amendes et condamnations pécuniaires

majorer de 148 000 000 €

3. Prélèvements sur les recettes de l'État

31. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales

Ligne 3101 Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la dotation globale de fonctionnement

majorer de 1 298 351 000 €

Ligne 3106 Prélèvement sur les recettes de l'État au profit du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

minorer de 2 800 000 €

Ligne 3107 Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale

majorer de 21 747 000 €

Ligne 3123 Dotation pour transferts de compensations d'exonérations de fiscalité directe locale

majorer de 29 426 000 €

Ligne 3124 Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle

supprimer la ligne

Ligne 3126 Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle

majorer de 32 894 000 €

Ligne 3134 rédiger ainsi l'intitulé de cette ligne :

Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle

32. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit de l'Union européenne

Ligne 3201 Prélèvement sur les recettes de l'État au profit du budget de l'Union européenne

minorer de 300 000 000 €

III.  -  COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE

Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État

Ligne 07 Produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l'utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz

majorer de 100 000 000 €

IV.  -  COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS

Avances aux collectivités territoriales

Ligne 05 Recettes

majorer de 210 000 000 €

II.  -  Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

 

(En millions d'euros)

 

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDES

Budget général

 

 

 

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

378 137

395 578

 

A déduire : Remboursements et dégrèvements

99 475

99 475

 

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

278 662

296 103

 

Recettes non fiscales

14 217

 

 

Recettes totales nettes / dépenses nettes

292 880

296 103

 

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des

 

 

 

collectivités territoriales et de l'Union européennes

72 850

 

 

Montants nets pour le budget général

220 030

296 103

- 76 073

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

3 925

3 925

 

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

223 955

300 028

 

Budgets annexes

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens

2 151

2 151

0

Publications officielles et information administrative

205

189

16

Totaux pour les budgets annexes

2 356

2 340

16

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens

20

20

 

Publications officielles et information administrative

1

1

 

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

2 377

2 361

16

Comptes spéciaux

 

 

 

Comptes d'affectation spéciale

69 510

68 906

604

Comptes de concours financiers

113 245

114 261

- 1 016

Comptes de commerce (solde)

 

 

156

Comptes d'opérations monétaires (solde)

 

 

69

Solde pour les comptes spéciaux

 

 

- 187

Solde général

 

 

- 76 244

 

 

 

»

III.  -  Alinéa 5, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En milliards d'euros)

Besoin de financement

 

 

 

Amortissement de la dette à moyen et long terme

119,5

 

 

Dont amortissement de la dette à long terme

76,9

 

 

Dont amortissement de la dette à moyen terme

40,2

 

 

Dont suppléments d'indexation versés à l'échéance (titres indexés)

2,4

 

 

Amortissement des autres dettes

0,1

 

 

Déficit à financer

76,2

 

 

Dont déficit budgétaire

76,2

 

 

Autres besoins de trésorerie

1,3

 

 

Total

197,1

 

 

Ressources de financement

 

 

 

Émission de dette à moyen et long termes, nette des rachats

188,0

 

 

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

4,0

 

 

Variation nette de l'encours des titres d'État à court terme

0,5

 

 

Variation des dépôts des correspondants

-

 

 

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État

4,1

 

 

Autres ressources de trésorerie

0,5

 

 

Total

197,1

;

 

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le présent amendement tire la conséquence des votes du Sénat sur la première partie, qui ont entraîné une diminution de 61 millions d'euros des recettes fiscales nettes de l'État : 4 millions d'euros au titre de l'impôt sur le revenu, 34 millions d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés et 23 millions d'euros au titre d'autres lignes de recettes. Le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales augmentent de 1,38 milliard d'euros.

Cette dégradation du solde de 1,441 milliard d'euros signe une importante réduction, par le Sénat, de l'effort d'économies en dépenses proposé par le Gouvernement. Ainsi, la norme en valeur de l'État, hors concours aux collectivités territoriales, est en hausse de 0,2 milliard d'euros du fait des modifications apportées, par le Sénat, aux plafonds des ressources affectées à divers organismes chargés de missions de service public.

C'est au total une dégradation du déficit public de 0,1 point de PIB qui en résulte. Si le taux des prélèvements obligatoires reste inchangé, le déficit public n'est pas réduit en 2015.

Au final, vos votes ne remettent pas fondamentalement en cause les orientations générales du Gouvernement. La réforme du bas de barème de l'impôt sur le revenu est conservée dans les mêmes proportions. Le principe d'une participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes publics est admis par le Sénat, tout comme celle des chambres de commerce et d'industrie. Toutefois, ces réformes sont mises en oeuvre dans un sens nettement moins protecteur des finances publiques.

L'examen de la deuxième partie nous dira si l'équilibre sera respecté, et quelles économies gageront la dégradation du solde en première partie. Au total, c'est 1,6 milliard d'euros qu'il nous faudra trouver en seconde partie. Les objectifs du projet de loi de finances en termes de déficit public et de maîtrise des dépenses ne sont pas respectés. Nous verrons en deuxième partie si l'équilibre financier est rétabli. Le Sénat devra dire les économies à réaliser pour gager la dégradation du solde. Ce sont 1 600 millions d'euros environ qu'il lui faudra trouver s'il veut respecter la norme de dépense.

Cet amendement ajuste également les recettes de l'État en fonction des dernières informations dont dispose le Gouvernement, selon le principe de sincérité budgétaire. Elles améliorent le solde de 956 millions d'euros.

Les recettes provenant du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), qui régularise les avoirs détenus à l'étranger, sont revues à la hausse de 400 millions d'euros ; celles de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de 200 millions d'euros, ce qui vient améliorer d'autant le solde du compte d'avance aux collectivités territoriales. Sur le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, le Gouvernement vous a invités ce matin à prendre acte, avec prudence, des négociations européennes sur le budget rectificatif 2014 et le budget 2015. Enfin, le Gouvernement propose de majorer de 350 millions d'euros la prévision des produits de participation de l'État, et de prendre en compte par anticipation une majoration de 8 millions d'euros, liée à la compensation de l'ajustement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) outre-mer.

Au total, le solde se trouve dégradé de 485 millions d'euros par rapport au texte issu de l'Assemblée nationale, le déficit s'établissant à 76,3 milliards d'euros.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - L'article 31, traditionnel, fixe l'équilibre général du budget. Le Gouvernement procède à deux types d'ajustements : l'un, habituel, tire les conséquences de nos votes sur la première partie. Le solde serait donc dégradé de 1,426 milliard d'euros, provenant surtout de la minoration de la baisse des dotations aux collectivités territoriales. La deuxième série d'ajustements vient des révisions de recettes, à commencer par le prélèvement sur recettes pour l'Union européenne, minoré ce matin de 300 millions d'euros.

Notre vote sur cet article sera donc technique et non politique. Le vote politique aura lieu sur l'ensemble de la première partie. Je vous propose d'émettre un vote de notaire ou d'huissier de justice, soit à prendre acte de ces différentes modifications. Avis favorable. Cela ne préjuge pas du vote de la deuxième partie.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous voterons l'article d'équilibre en attendant la deuxième partie dont nous avons été frustrés ces dernières années. Tout de même, quelques mots sur le fond : je regrette que la fraude et l'évasion fiscales soient si peu prises en compte, même si le projet de loi de finances rectificative en traitera. Voilà trois ans que nous rongeons notre frein : comptez sur notre inventivité pour vous proposer des économies en deuxième partie ! Ce sera un véritable concours Lépine...

M. François Marc.  - Cet article d'équilibre n'a pas qu'une vocation technique. Il concrétise les ajustements intervenus depuis le début de l'examen de la première partie. À l'issue de celui-ci, le constat est simple : la nouvelle majorité du Sénat a dégradé le solde budgétaire, dans un contexte déjà difficile... (Mouvements divers à droite)

M. Éric Doligé.  - Qui a dégradé la France ?

M. François Marc.  - Vous avez rejeté la loi de programmation des finances publiques car vous étiez en désaccord sur les objectifs...

M. Philippe Dallier et Mme Sophie Primas.  - Eh oui !

M. François Marc.  - ... et annonciez alors un nouveau cap. On attendait dans ce projet de loi de finances pour 2015 la concrétisation de cet engagement politique. Or il n'en a rien été, et nos attentes ont été déçues. L'an dernier, le ministre nous avait dit qu'en une soirée, le Sénat, sous l'impulsion du groupe UMP, avait réduit de plus de 10 milliards d'euros les recettes de l'État ! (Exclamations sur les bancs UMP)

M. Philippe Dallier.  - C'était de facto grâce à une partie de la gauche !

M. François Marc.  - Position curieuse alors qu'il s'agissait plutôt de réduire le déficit... On allait créer la TVA sociale, jouer sur l'ISF et l'impôt sur les sociétés, supprimer la participation des banques au fonds de soutien, et j'en passe. Où est passée cette audace ? Nulle trace dans ce projet de loi de finances. Vous accusez le Gouvernement de bricolage, mais vous contentez de mesurettes sans grande portée. Pas de cap ni de cohérence, des ambitions sans lendemain... Il ne reste qu'une dégradation du solde... Nous voterons contre l'article d'équilibre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. André Gattolin.  - Je m'étonne que la nouvelle majorité n'ait pas proposé de modification radicale de cet article d'équilibre. On nous explique à longueur de meetings qu'il faut réduire drastiquement le nombre de fonctionnaires, faire 100 à 150 milliards d'économies... Nous nous attendions à en trouver la traduction dans les propositions de la majorité. Or le plafond d'emplois ne bouge pas et le solde est dégradé de 1,5 milliard d'euros. Mme Goulet a évoqué le concours Lépine, nous attendons la foire de Paris en deuxième partie pour en savoir davantage...

L'article 31 a un caractère avant tout technique. Les écologistes s'abstiendront.

M. Éric Doligé.  - L'année dernière, c'est M. Marc et ses amis qui avaient la majorité, ils auraient pu voter une première partie... Nous, au moins, allons faire des propositions.

Une dégradation du solde ? Peut-être, légère, mais nous devions réduire un peu la terrible dégradation de la situation des collectivités territoriales - plus de 3 milliards.

M. Jean-Louis Carrère.  - Conséquence des déficits abyssaux que vous nous avez laissés !

M. Éric Doligé.  - Je rappelle enfin que s'il y a globalement dégradation, c'est le fait de ceux qui gouvernent...

M. René-Paul Savary.  - On ne peut ignorer les difficultés des collectivités locales. Pour mon département de la Marne, la réforme de la catégorie B, c'est 285 000 euros ; les conséquences de l'augmentation du smic, 200 000 euros ; la hausse des cotisations à la CNRACL, 300 000 euros ; l'aménagement des transports scolaires suite à la réforme des rythmes, 700 000 euros ; la revalorisation du RSA, 4 millions... Et je ne dis rien de l'absence de compensation des allocations de solidarité. La baisse de la DGF n'est rien à côté des mesures qu'on impose aux collectivités territoriales tout au long de l'année ! Pour mon département, cela fait 20 millions d'euros de recettes en moins, 10 % de recettes en moins et des dépenses en plus.

M. Didier Guillaume.  - Cela ne date pas d'aujourd'hui !

M. René-Paul Savary.  - Il faut en tenir compte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Tout cela n'est pas très sérieux...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - On peut répéter en boucle les mêmes propos... La lutte contre la fraude, madame Goulet ? Le STDR a produit 1,8 milliard d'euros de recettes en 2014 ; nous demandons d'inscrire 400 millions supplémentaires, qui seront certainement atteints, peut-être dépassés. C'est plus du double du résultat de la cellule de régularisation créée par M. Woerth en son temps. Il ne faut pas minimiser l'action de l'administration en la matière.

J'entends déjà les discours qui s'aiguisent. Mais je dis avec un peu de solennité : fondamentalement, le Sénat n'a pas remis en cause les grands principes d'élaboration de ce budget.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ce n'est pas ce qu'a dit François Marc. Accordez vos violons !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Pas de suppression de l'ISF, pas de TVA sociale, pas de remise en cause du principe de la baisse des dotations aux collectivités territoriales ; vous en avez réduit le volume, mais pas tant que cela...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je suis contente de l'entendre ! C'est tout de même une somme...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Vous n'avez pas plus fondamentalement remis en cause le volume des prélèvements sur les CCI. (M. Jean-Claude Lenoir s'exclame) Dans la période où nous sommes, il vaut peut-être mieux chercher des points d'accord que des points de division... (Protestations sur les bancs UMP) En réalité, le Sénat ne s'est pas éloigné tant que cela du chemin proposé par le Gouvernement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Tout va bien, alors !

M. Roger Karoutchi.  - C'est l'unanimité !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Il faudra peut-être ajuster les discours que tiennent certains responsables de l'UMP... (Exclamations sur les bancs UMP)

Je vous remercie de m'avoir accueilli dans l'hémicycle pendant ces jours et ces nuits de débats. Nous nous reverrons bientôt.

M. le président.  - Merci pour votre présence et pour votre courtoisie tout au long des débats, monsieur le ministre.

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°I-431 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n° 38 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 189
Contre 142

Le Sénat a adopté.

L'article 31 (et état A) est adopté.

M. Éric Doligé.  - Nous soutenons le Gouvernement à fond !

Interventions sur l'ensemble de la première partie

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Je me félicite qu'il y ait une majorité du Sénat pour soutenir l'amendement du Gouvernement, qui est à proprement parler technique.

M. Jean-Louis Carrère.  - 140 frondeurs !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ce n'est pas notre problème !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - L'article 31, lui, a une portée politique.

Ce vote augure d'un vote positif sur la première partie ; c'est heureux après trois ans de frustration. Nous avons apporté des modifications importantes à la copie du Gouvernement, sur la fiscalité des familles, victimes à deux reprises de l'abaissement du quotient familial ou de la modulation des allocations familiales.

M. Didier Guillaume.  - Justice sociale !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Nous avons accordé une attention particulière à l'investissement des PME : le vote unanime du Sénat devra être pris en compte dans la navette.

Sur les collectivités territoriales, nous avons émis un vote significatif au moment où se réunit le Congrès des maires de France, qui sont nombreux dans nos tribunes. La position du Sénat est une position de responsabilité. Dans le contexte actuel, nous ne pouvions refuser toute contribution à l'effort de redressement des comptes publics, mais l'État ne peut leur imposer sans cesse de nouvelles normes et charges. Voilà ce qui a guidé notre vote sur l'article 9. J'espère qu'un frein définitif sera mis à l'inflation normative, qui crée de la dépense nouvelle.

Oui, à l'issue de nos votes - tous les groupes ont leur part de responsabilité. Le solde est dégradé de 470 millions d'euros. Nous l'assumons pleinement. C'est un choix à l'égard des collectivités territoriales et des entreprises. Nous avons fait le choix de la responsabilité et de proposer des économies sur les crédits des missions en deuxième partie. L'examen de la deuxième partie débute vendredi : votre impatience, monsieur le ministre, sera satisfaite !

Même le Gouvernement estime que l'effort d'économies doit être pluriannuel, que des réformes de structures nécessitent des mesures législatives qui dépassent le cadre du projet de loi de finances. Dans les années qui viennent, nous documenterons les réformes que nous proposerons afin d'améliorer significativement le solde de nos finances publiques.

En dépit des contraintes de la Lolf et du calendrier, nous allons, dès vendredi, proposer des économies, certaines dès 2015, d'autres appelées à monter en puissance. Sans doute des divergences de fond se dessineront-elles... J'appelle donc à voter la première partie, afin d'aborder, enfin, la deuxième partie.

Je salue l'état d'esprit dans lequel se sont déroulés nos travaux, notamment en commission ; nos débats ont été dépassionnés et constructifs, loin des postures.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est vrai !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - La nouvelle majorité aurait pu proposer 100 milliards de baisse d'impôt, raboter tous les budgets de 20 %. Nous avons fait le choix de la responsabilité. Notre débat de première partie fait honneur au Sénat.

MM. Roger Karoutchi et Antoine Lefèvre.  - Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Je conclus en saluant la commission des finances, sa présidente, ainsi que les membres du Gouvernement qui ont débattu avec nous. Merci à la présidence qui a permis des débats sereins et à tous les intervenants. Ce n'est pas fini ! (Applaudissements sur les bancs UMP, UDI-UC et quelques bancs socialistes)

M. Jean Germain .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) L'opposition sénatoriale sera constructive mais déterminée. J'ai senti beaucoup de retenue et de tristesse dans l'expression de M. Capo-Canellas. (M. Vincent Capo-Canellas s'interroge) Il a souhaité que les choses aillent plus loin en deuxième partie. On peut le comprendre, et c'est ce que comprendront les Français. On lit, on entend qu'une partie de l'opposition nationale réclame plus d'économies...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Surtout de la cohérence !

M. Jean Germain.  - ... et que le Gouvernement n'en fait pas assez. Il faudrait en faire 110, 120 milliards... Et le rapporteur général, vrai Raminagrobis, prétend que nous sommes tous d'accord. Que nenni ! Nous attendons que vous nous montriez ces 120 milliards en deuxième partie... (Exclamations UMP)

On entend tous les jours des appels au secours, la France étouffe, il faut un allégement fiscal immédiat... C'est aussi ce qu'on lit dans le manuel fiscal de mars 2013 signé par Hervé Mariton et le président du groupe UMP. Mais rien dans la partie recettes de ce projet de loi de finances. Je comprends que M. Capo-Canellas en ait été attristé.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Arrêtez de le faire parler...

M. Jean Germain.  - Nous avons voté avec vous sur les investissements des PME, c'est vrai. Les socialistes ne sont pas les ennemis des entreprises ! (Exclamations UMP)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Heureuse de l'entendre !

M. Jean Germain.  - Quand vous êtes redevenu vous-même, quand vous vous êtes un peu lâché, le tropisme du bouclier fiscal a repris ses droits. Chassez le naturel... Vous avez repris une partie de l'allègement d'impôt proposé par le Gouvernement pour les plus modestes et l'avez donnée à des ménages qui le sont moins. Toujours prendre aux plus faibles pour donner aux plus aisés ! (Exclamations sur les bancs UMP)

Nous avons un regret : nous avions proposé la sanctuarisation de certaines taxes locales et un étalement de la baisse de la DGF, voté à l'unanimité la suppression des FDPTP ; aucun signe de la part du Gouvernement... Il ne faut pas désespérer Billancourt... Mais le Premier ministre va s'exprimer devant le Congrès des maires, attendons !

Nous voterons résolument contre cette première partie. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations sur les bancs UMP)

M. André Gattolin .  - Ce projet de loi de finances n'avait pas de quoi susciter l'enthousiasme des écologistes. CICE sans contrepartie, ponction sur les ménages, rien ou presque pour la transition énergétique. Tous nos amendements ont été repoussés par le Gouvernement. J'ai toutefois noté l'engagement du ministre de traiter la question de la déductibilité de la contribution des banques au Fonds de résolution unique dans le projet de loi de finances rectificative ; nous nous en félicitons.

Les débats du Sénat ont été riches, représentation de la sagesse traditionnellement prêtée à la Haute Assemblée. Un consensus s'est dégagé pour rétablir de petites taxes pour abonder le budget des collectivités. Les écologistes sont très attachés au respect du principe de subsidiarité en faveur des collectivités territoriales, défendu par le Sénat. Nous nous félicitons que le Sénat n'ait pas suivi le rapporteur général qui voulait réduire la déduction d'impôt en faveur de la transition énergétique ou rétablir le droit de timbre qui eût limité l'accès à la justice.

Nous ne voyons pas d'un mauvais oeil la limitation de la réduction de la DGF mais nous contestons la réduction de la péréquation alors qu'il faut plus de solidarité dans ces temps difficiles. Le Sénat a relevé le plafond du quotient familial à l'article 2, un dispositif profondément injuste, qui profite aux foyers les plus aisés, comme l'a montré Jean Desessard. Il eût mieux valu accorder les allocations familiales universelles dès le premier enfant, pour soutenir les familles.

Hier soir, nous avons voté un amendement qui diminue de un centime la TICPE sur les agrocarburants : dans les départements en excédent de production betteravière subventionnée, les agriculteurs feraient mieux de se consacrer à la production biologique locale. Le groupe écologiste votera contre cette première partie. (On feint de s'en étonner à droite ; applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Éric Bocquet .  - « Je suis le dernier des grands présidents. Après moi, il n'y aura plus que des financiers et des comptables ». Oui, le débat politique a bien décliné depuis qu'un ancien président de la République s'exprimait ainsi.

La première partie, malgré les amendements adoptés, n'a pas changé dans ses grandes lignes. Le Gouvernement et le groupe parlementaire qui le soutient en toutes circonstances, acceptent un débat urbain sur l'amère potion que Bruxelles oblige à servir aux Français. Oui, il y a convergence sur bien des points entre le Gouvernement et la majorité du Sénat. Le TSCG, avatar de la Constitution européenne rejetée par le peuple français en 2005, a été ratifié ici même par ceux qui s'apprêtent à continuer le débat sur la seconde partie.

Qu'avez-vous retenu des 13 000 motions votées par les conseillers municipaux et communautaires, alors que les maires, qui tiennent leurs comptes, sont nombreux à visiter le Sénat ?

Le groupe CRC est fier d'avoir tenu sur ses principes. La commission des finances s'est penchée sur la question délicate du quotient familial. Mais la majorité sénatoriale fait porter les économies sur les seuls salariés, alors que le débat sur les chambres consulaires a montré le zèle qu'elle emploie à défendre d'autres causes. Nous n'acceptons pas que l'État pour régler ses fins de mois, fasse les poches du CNC, des agences de l'eau, des chambres consulaires. La politique forcenée d'allègements fiscaux et de cotisations sociales coûte très cher. Mais pour y remédier, il faut une vaste réforme fiscale. Le retour des repentis helvétiques ne suffira pas. La loi Macron sera-t-elle le second volet d'une politique qui allie austérité budgétaire et flexibilité du travail ? On ne fera pas de croissance dans l'insécurité sociale. « Il ne peut y avoir de stabilité politique sans justice sociale. Et quand les injustices dépassent la mesure, il n'y a pas d'ordre social qui puisse résister au soulèvement de la vie » disait encore le président de la République élu le 10 mai 1981.

Nous ne voterons pas cette première partie du budget amendé par la majorité du Sénat. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Mézard .  - Notre groupe se réjouit à l'unanimité que la seconde partie puisse être examinée par le Sénat et que le débat ait été constructif, chacun conservant ses positions fondamentales. Une grande majorité de notre groupe apportera son soutien au Gouvernement sur ce projet de loi, qui s'inscrit dans les perspectives qu'il a tracées, pour la compétitivité des entreprises, le soutien à la consommation et la maîtrise des comptes publics. Ne pas augmenter la pression fiscale pour ce faire est une véritable difficulté.

Ce budget est le premier de la nouvelle majorité et le rapporteur général a été très critique envers le Gouvernement. Il n'y a pourtant pas une fracture fondamentale en ce qui concerne les grands équilibres. La situation financière de notre pays, comme celle de la plupart de ses voisins, est difficile, cela ne peut être éludé. Personne n'a de leçons à donner à cet égard. Je dis courtoisement à la majorité sénatoriale que les chiffres de 2007 à 2012 ne sont guère exemplaires et que nous n'avons pas été parfaits non plus.

Monsieur le rapporteur général, nous nous sommes retrouvés autour de votre proposition en faveur des chambres d'agriculture. Nous nous sommes opposés au relèvement du plafond du quotient familial comme à la suppression de la première tranche d'imposition. C'est pour nous une question de principe en tant qu'héritiers des fondateurs de l'impôt sur le revenu.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Caillaux !

M. Jacques Mézard.  - Nous restons fidèles à nos revendications d'une refonte totale et ambitieuse de l'imposition des ménages, réforme qui ne peut être effectuée qu'en début de quinquennat, voire, je l'espère, au début d'un septennat non renouvelable.

Nous regrettons la suppression de l'article 6. La question des finances locales nous préoccupe de plus en plus. Je vous renvoie au rapport de notre délégation aux collectivités. Il faut faire des économies, mais le choc imposé à nos collectivités locales est trop brutal. Monsieur le ministre, entendez-nous ; nos collectivités ne pourront pas supporter la brutalité du choc que vous proposez.

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Jacques Mézard.  - Notre groupe, dans sa grande majorité, ne votera pas la première partie de ce budget. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes et du RDSE)

M. Vincent Delahaye .  - Nous sommes très sévères sur ce projet de loi de finances, qui reporte à plus tard la réduction des déficits, pêche par optimisme sur les hypothèses de croissance et les prévisions de recettes. C'est toujours la même copie, avec le déficit fixé autour de 80 milliards, qui sera, à nouveau, corrigée en fin d'année, en collectif ! On reconnaîtra alors s'être trompé.

Les familles, les collectivités locales font les frais de cette politique. Nous avons approuvé les amendements qui leur sont destinés. Nous aurions voulu aller plus loin, en menant les réformes fiscales espérées, annoncées, mais toujours pas entreprises.

Le message du Sénat à l'égard des collectivités locales doit être entendu. Nous écouterons demain celui du Premier ministre. Nous voterons cette première partie car nous avons envie de discuter de la deuxième partie. Nos propositions d'économies...

M. Didier Guillaume.  - Lesquelles ?

M. Vincent Delahaye.  - ... ne portent pas seulement sur les missions budgétaires. Nous attendons des réformes structurelles sur les retraites, les allocations chômage, le temps de travail, les collectivités. Nous ne sommes pas les seuls. Bruxelles les attend aussi. Pourquoi ? Pour obtenir enfin une croissance plus forte et durable. Espérons que le message du Sénat soit entendu par le Gouvernement et par l'Assemblée nationale. Nous voterons donc cette première partie. (Applaudissements sur plusieurs bancs UDI-UC et UMP)

M. Philippe Dallier .  - Je me félicite du climat de sérénité - sauf exceptions -, et de responsabilité dans lequel s'est déroulé ce débat. Après notre débat sur les collectivités, avant-hier un journaliste salle des Conférences me faisait part de sa surprise face à la qualité des échanges, quant à la forme et quant au fond. Je fus surpris de sa surprise...

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - Oui.

M. Philippe Dallier.  - ... et je l'ai invité à écrire un article qui nous change du Sénat bashing à la mode. (Applaudissements sur quelques bancs au centre et du RDSE) Je remercie Mme André, M. de Montgolfier dont ce fut le baptême du feu, et vous-même, monsieur le ministre du budget.

Mes compliments s'arrêteront là. Vous avez semblé espérer, monsieur le ministre, que la majorité sénatoriale dégraderait le solde budgétaire. Il n'en a rien été. En revanche, il ne nous a pas été possible de réduire la fiscalité, sauf sur les collectivités.

En effet, pour nous, il n'est envisageable de baisser les impôts et les charges que par une réduction des dépenses de l'État grâce à des réformes structurelles. (« Très bien ! » sur les bancs UMP) Vos prévisions de croissance sont trop optimistes. Les recettes inscrites à ce budget risquent de ne pas être réalisées. Le Haut conseil des finances publiques et la Commission européenne ne disent pas autre chose.

Nous avons donc quelque peu modifié le texte des députés et par quelques marqueurs forts, nous avons indiqué nos choix.

D'abord pour les familles : nous sommes revenus sur vos erreurs, la modulation des allocations familiales dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et ici la baisse du plafond du quotient familial qui a fait entrer dans l'impôt sur le revenu beaucoup de familles modestes. (M. le ministre proteste vivement)

Ensuite pour les entreprises : le Gouvernement a tardivement pris conscience du problème de leur compétitivité. Nous avons aussi donné un signal aux PME, pour encourager l'investissement.

Enfin en direction des collectivités locales. Le Sénat a corrigé le tir en déduisant les sommes que le Gouvernement a mises à la charge des collectivités locales, en particulier avec la réforme des rythmes scolaires. Nous refusons une purge dont l'effet récessif est certain. Nous trouverons 1,4 milliard sur les dépenses pour gager ces mesures.

Nous voulons examiner les crédits et les missions. C'est pourquoi nous voterons la première partie. En ouvrant nos discussions, M. Sapin faisait part de son plaisir de débattre avec la nouvelle majorité sénatoriale. Il est exaucé. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances .  - Je suis partagée. À titre personnel, je regrette les modifications apportées au texte qui comporte, il est vrai, quelques avancées pour les PME, les collectivités territoriales, les CCI. Mais pour l'essentiel, je ne me reconnais pas dans cette première partie. Les amendements votés sur l'impôt sur le revenu diminueront l'avantage octroyé par le Gouvernement aux ménages modestes et moyens. Comme présidente de la commission des finances, je suis satisfaite de la perspective de l'adoption d'une première partie conforme aux voeux de la majorité de la commission, qui nous permettra de débattre, en seconde partie, de l'ensemble des politiques menées par le Gouvernement et des propositions d'économie de la majorité sénatoriale.

Je me réjouis du climat de nos débats en séance publique et en commission. Je félicite le rapporteur général pour son travail et son sens du dialogue, ainsi que la rapidité avec laquelle il a assumé ses nouvelles fonctions. Je salue l'ensemble des ministres qui ont participé à nos débats et particulièrement le ministre du budget pour sa franchise et son respect des opinions. Je salue la considération témoignée à l'égard de notre Haute Assemblée. Je remercie l'ensemble des sénateurs qui ont participé aux discussions.

Aux présidents de séance successifs, et à tous ceux qui ont contribué à la qualité et au bon déroulement de nos travaux, je tiens aussi à dire merci. (Applaudissements)

M. le président.  - J'espère en effet que le débat sur la deuxième partie pourra avoir lieu, à l'issue du vote...

L'ensemble de la deuxième partie est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n° 39 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 190
Contre 154

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - En conséquence, le Sénat examinera la seconde partie à partir de vendredi 28 novembre et je m'en réjouis. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous auriez pu le faire avant : vous vous en réjouissez bien tard !

M. le président.  - Mieux vaut tard que jamais ! (Sourires)