Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion des articles de la première partie (Suite)
ARTICLE 30 (Participation au budget de l'Union européenne)
M. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances . - La contribution française au budget communautaire prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'État, voté chaque année en loi de finances.
Quelques mots sur le niveau de ce prélèvement en 2014 : on a parlé d'une économie d'un milliard d'euros, la part de notre revenu national brut dans celui de l'Union européenne ayant baissé, ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle En réalité, l'exécution du budget 2014 dépendra de huit projets de budgets rectificatifs présentés cette année.
Monsieur le ministre, quelles sont vos prévisions sur l'exécution en 2014 ? Le milliard d'économie sera-t-il répercuté sur 2014 ou reporté sur 2015 ?
Pour 2015, notre contribution est évaluée à 21,04 milliards d'euros. Elle diminue aussi, en raison de notre faible croissance. Je plaide pour une estimation la plus précise et la plus fiable possible, monsieur le ministre.
Les négociations budgétaires pour 2015 sont difficiles. Elles ont échoué le 17 novembre dernier à l'issue de la phase de conciliation. Le projet que la Commission européenne avait présenté au printemps a été revu par le Conseil européen ; en particulier les dépenses de compétitivité au sens du Traité de Lisbonne.
Surtout, le Parlement européen a voté en séance plénière, en octobre, un budget plus ambitieux : des crédits d'engagement portés à 146,35 milliards d'euros et des crédits de paiement à 146,42 milliards d'euros. Les deux branches de l'autorité budgétaire devront arriver à un accord pour ne pas avoir recours au système des douzièmes provisoires.
Le stock des « RAL » (restes à liquider) ne cesse d'augmenter : il est estimé à 233 milliards d'euros pour la fin 2015. Les RAL se distinguent des restes à payer - correspondant aux factures reportées d'une année sur l'autre - qui augmentent également, atteignant le niveau record de 23 milliards d'euros pour la seule politique de cohésion. Cela signifie-t-il que les États ne cherchent pas à être remboursés ou qu'ils évitent des dépenses d'investissements ?
Le plan d'investissement, annoncé par M. Juncker, de 300 milliards d'euros, paraît utile, mais, alors que les investissements internationaux ont diminué de 11 % dans l'Union européenne, des imprécisions demeurent sur son financement. S'agit-il de recourir à des financements indirects ? Les participations des États membres seront-elles sorties du déficit ? Les dépenses seront-elles bien orientées vers les entreprises innovantes, les technologies de pointe, les biotechnologies qui doivent constituer des priorités ?
M. Charles Revet. - Il y a tant à faire !
M. François Marc, rapporteur spécial. - La réactualisation des projects bonds peut contribuer, en mobilisant les financements privés, à répondre à l'objectif de relancer le soutien à la croissance en Europe. Pour le reste, je me réjouis que le cadre financier pluriannuel ait prévu des instruments de flexibilité. J'en donnerai deux exemples. D'une part, le fonds européen d'ajustement à la mondialisation, plafonné à 162 millions d'euros par an, vise à faciliter la réintégration sur le marché du travail de personnes privées d'emploi. Ainsi, 918 000 euros doivent nous être accordés pour aider 760 travailleurs licenciés par l'entreprise GAD suite à la fermeture des sites de Lampaul-Guimiliau, Saint-Martin-des-Champs et Saint-Nazaire. D'autre part, la réserve de crise pour le secteur agricole, destinée à soutenir le secteur agricole en cas de crises affectant la production ou la distribution, avec un maximum de 400 millions d'euros par an, soutiendra en 2014 les secteurs agricoles européens frappés par l'embargo russe sur les produits alimentaires occidentaux. 324 millions d'euros devraient ainsi être destinés aux filières fruits et légumes et 20 millions d'euros pour la filière laitière. Cela suffira-t-il à notre agriculture ?
M. Jean Bizet. - Bonne question.
M. Charles Revet. - Eh oui !
M. François Marc, rapporteur spécial. - Pour finir, quelques remarques sur notre solde net, qui se dégrade à hauteur de 9 milliards. Soyons clairs : il faut en finir avec les rabais opaques et injustes, la France et l'Italie étant les seuls contributeurs nets à ne pas bénéficier de rabais spécifique...
M. Simon Sutour. - Très bien !
M. François Marc, rapporteur spécial. - ... et aller vers un système de ressources propres, comme je l'avais proposé dans mon rapport de 2011.
Je vous invite à voter cet article 30 avec une foi maintenue dans la construction européenne! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Ce débat est l'occasion de s'interroger sur le financement de l'Union européenne. Merci à la commission des finances et à la conférence des présidents de permettre à la commission des affaires européennes de s'y exprimer.
Comme vous le savez, notre contribution au budget communautaire a augmenté. La France est le deuxième contributeur de l'Europe, derrière l'Allemagne, et le deuxième bénéficiaire, grâce à la politique agricole.
Notre solde net se dégrade, avec 9 milliards d'euros. Tant que le budget sera alimenté à 74 % par les contributions des États membres, le raisonnement sur les retours subsistera. Ce budget pour 2015, marqué par des coupes budgétaires fortes, démontre la nécessité de doter l'Union européenne de ressources propres. Attendons les conclusions du groupe de haut niveau présidé par M. Monti.
Nous devons poser à nouveau la question des corrections en faveur de certains pays : la France demeure le principal financier du rabais britannique. Comme le rapporteur spécial je relève l'importance des restes à liquider, l'écart entre prévisions et exécution budgétaires. Je ne crois pas qu'il faille miser sur le reversement d'un milliard sur l'année 2014 en raison des aléas dans l'exécution et notre pays n'a pas choisi une base solide pour sa trajectoire budgétaire en l'y intégrant.
Beaucoup d'interrogations se font jour autour du plan Juncker de 300 milliards d'euros d'investissement. Quelle part de financements privés ? De financements publics ? Quelles seront les ressources européennes et nationales mobilisées ? Quelle articulation avec le cadre pluriannuel ? Quel contrôle parlementaire ? Il faudra veiller à l'implication des parlements nationaux. Les mécanismes de soutien à l'agriculture ne suffisent pas. D'autant que les quotas laitiers disparaîtront fin 2015. Les soldes budgétaires pourraient être utilisés.
Notre participation au budget de l'Union marque le respect de nos engagements. Au-delà du budget nous devons viser une coordination des politiques, dans le respect des disciplines que nous avons acceptées.
Je souhaite que le Sénat reçoive le commissaire chargé des questions financières dans le cadre du semestre européen. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes . - C'est un budget important en effet, que cet article 30, l'un des tout premiers de cette loi de finances. La contribution française au budget communautaire s'élève à 21,042 milliards d'euros, soit une hausse de 4 %. Nous vous proposerons de le minorer par amendement de 300 millions d'euros en raison de la baisse d'un milliard d'euros proposée par la Commission européenne en raison du calcul du PIB des différents États membres, et de l'impact des budgets rectificatifs faute d'accord à ce jour. Même après cet amendement, ce reste est l'un des plus élevés de ce budget après ceux consacrés à la défense et au pôle éducation et recherche. Cela tient au rôle que la France joue en Europe et aux difficiles négociations sur le budget pour 2015 et, surtout, les budgets rectificatifs pour 2014.
Le budget européen s'élève à 145 milliards d'euros en crédits d'engagement et 140 milliards en crédits de paiement. La France est et continuera à être l'un des premiers contributeurs nets, le troisième en volume. Cette situation s'était déjà produite en 2011-2012. Le solde net de la France s'élevait à 8,4 milliards d'euros en 2013. Selon les modes de calcul, ce montant peut être évalué différemment. Comme votre rapporteur spécial la France souhaite une réforme des ressources propres et a soutenu la création d'un groupe de travail de haut niveau sur la question des rabais, présidé par Mario Monti.
Mais l'examen de la contribution française à l'Union européenne ne peut se limiter à une lecture comptable. L'Europe, ce sont aussi de nombreux projets. La PAC réformée sera plus juste, plus verte, avec 64 milliards d'euros pour la France sur la période. Il faut ajouter les 11,6 milliards d'euros du deuxième pilier pour le développement rural. La France a également obtenu le maintien de crédits élevés pour la politique de cohésion. Elle a obtenu la validation de son accord de partenariat avec la Commission pour les fonds structurels.
La France est le pays qui a signé le nombre le plus important de programmes opérationnels avec la Commission européenne : 2,9 milliards au titre du FSE et 620 millions pour la garantie jeune dont j'ai vérifié les effets à Bondy, à Marseille et en Moselle. Nous avons toute confiance dans les régions : elles utiliseront au mieux ces fonds.
M. François Patriat. - Très bien !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - C'est un acte de décentralisation fort qui incarne une Europe positive, constructive, aux côtés des territoires.
Il y a aussi les appels à projets lancés par la Commission. Deux politiques sont essentielles. D'abord la politique de recherche et d'innovation. Quelque 79 milliards d'euros sur la période 2014-2020 sont consacrés au programme Horizon 2020. C'est essentiel pour atteindre l'objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche. Je signale que les entreprises peuvent bénéficier de ces crédits, d'abord destinés aux universités et aux laboratoires. Nous devons absolument améliorer notre taux de retour qui est de 12,6 %.
Ensuite, les grands projets de transports européens : le Premier ministre a confirmé l'engagement de notre pays dans les projets du canal Seine-Nord et la ligne à grande vitesse Lyon-Turin. Le Gouvernement français plaide pour un financement européen à hauteur de 40 %.
L'Europe, ce sont aussi des crédits pour l'aide humanitaire d'urgence, en Syrie ou en République centrafricaine, ou la lutte contre l'épidémie d'Ebola ainsi que pour l'action extérieure en faveur des pays qui ont vocation à la rejoindre et des pays du Sud.
Je ne voudrais pas terminer ce discours sans évoquer le plan d'investissement de 315 milliards d'euros annoncé par M. Juncker. Le fonds stratégique d'investissement sera relié directement à la Banque européenne d'investissement (BEI). Le niveau des investissements en Europe a reculé de 18 % par rapport à son niveau d'avant la crise et l'investissement public, en proportion du PIB à 2 %, y est deux fois moindre qu'aux États-Unis. Cela est préjudiciable à notre potentiel de croissance. Dans tel pays, il faudrait améliorer les infrastructures d'énergie ; dans tel autre, les routes. De manière générale, il faut investir dans l'énergie, les transports et les télécommunications. Nous tablons sur un effet levier de 15 pour atteindre 315 milliards d'euros, le plan doit être adopté les 18 et 19 décembre par le Conseil.
Les discussions sur le budget européen reprendront dès que le Conseil européen aura remis un projet sur la table. Nous resterons vigilants sur le bon calibrage des dépenses, nous le devons aux citoyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. André Gattolin . - Il faut toujours savoir apprécier la poésie quand elle se présente à nous. D'autant plus quand nous sommes plongés depuis quelques jours dans cet exercice comptable qu'est l'examen du budget et en particulier pour cet article 30.
« Un poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clé », disait Mallarmé. Le groupe écologiste, qui votera sans surprise cet article 30, s'interroge sur les mystères de notre contribution au budget européen... Premier mystère, le décalage récurrent entre la simple prévision purement indicative que nous votons ici et l'exécution. Deuxième mystère, qui prolonge le premier, cet article ne retrace pas tout le bénéfice que la France tire de son appartenance à l'Union.
Cet article ne retrace pas les retours que la France tire de l'Europe. Il manque un document exhaustif et compréhensible à partir duquel débattre et susciter une prise de conscience et une participation citoyenne. M. Marc évoque le problème de la fongibilité budgétaire, des retards de paiements, des doutes sur le financement du plan Juncker : autant de sujets qui mériteraient d'être débattus pendant plus d'une heure et demie !
Autre mystère, la disparition progressive des ressources propres. Quid des droits de douane qui s'évanouissent à mesure que sont signés des traités de libre-échange ? Les contributions des États membres représentent dorénavant 74 % du budget européen. Rechercher de nouvelles pistes de ressources propres est une urgence. La taxe sur les transactions financières est une piste mais ne suffira pas. Faisons preuve d'imagination pour lever ce mystère mallarméen, sans quoi nous en resterons aux arrangements obscurs de petits boutiquiers auxquels on a assisté lors de l'élaboration du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et de la préparation de chaque budget annuel.
Par exemple, nous pourrions orienter les sommes recouvrées par les agences européennes au titre de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales vers le budget européen. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes ; M. François Marc, rapporteur spécial, applaudit aussi)
M. Éric Bocquet . - Alors que les dépenses de l'État ont diminué de 2,7 milliards d'euros, celles consacrées au budget européen augmentent de 2 milliards d'euros. Cela appelle une vigilance particulière. Notons que les crédits consacrés à l'administration européenne augmentent de 2,5 % quand les États membres fournissent partout des efforts pour maîtriser leurs dépenses. L'exécution budgétaire est pour le moins chaotique : pas moins de neuf budgets rectificatifs pour 2013 avec, à la clé, une hausse des crédits.
Le groupe CRC plaide pour sortir la contribution des États membres du calcul du solde structurel.
Que de paradoxes ! La France mène une politique de rigueur en interne pour défendre l'investissement en Europe. Paradoxe encore que celui de la Commission qui sanctionne notre pays tout en présentant une politique de relance ambitieuse. Quoique... Le plan Juncker se fonde sur 5 milliards de cash effectif pour 315 milliards d'euros...
Si l'interdiction dogmatique du déficit structurel était levée, toute notre économie pourrait bénéficier de l'effet de levier des dépenses européennes. C'est la position que nous avons toujours défendue dans l'hémicycle. Nous vous invitons à voter notre amendement. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Claude Requier . - Les marchandages autour de la programmation budgétaire ont montré le pire visage de l'Europe : ces tractations sont incompréhensibles pour les non-initiés et alimentent l'euroscepticisme. À l'arrivée le budget manque d'ambition. Notre rapporteur spécial montre bien les défauts de ce financement : rabais et rabais sur le rabais dont la France et l'Italie sont seules à ne pas bénéficier, mitent le financement de l'Europe. L'Europe des marchands de tapis est loin de l'Europe des pères fondateurs. Il n'y aura pourtant pas de réforme avant 2020. Un groupe de travail présidé par M. Monti doit la préparer mais l'on peut être sceptique même si tout le monde reconnaît que le système est à bout de souffle.
Il nous revient de confirmer, en votant l'article 30, l'évaluation de la contribution française. Évaluation est le terme juste car le prélèvement voté diffère chaque année un peu plus de celui qui est exécuté in fine. Sa baisse cette année s'explique par celle du poids relatif de notre revenu national brut et par la faiblesse de la croissance. Avec le rabais britannique, c'est toujours l'Europe des marchands de tapis qui prévaut.
M. François Marc, rapporteur spécial. - Belle formule.
M. Jean-Claude Requier. - Un véritable impôt européen aurait l'avantage de la clarté. Le Luxembourg s'oppose à la création d'un impôt sur les sociétés : peu étonnant, au regard des récentes révélations... D'autres pistes explorent la voie de la TVA. Quid de la taxe sur les transactions financières européennes, qui devaient être mises en place avant la fin de l'année.
Quant au fameux plan Juncker, l'histoire nous a enseigné la prudence à l'égard de telles annonces. Cela dit, nous voterons l'article 30. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. Stéphane Ravier . - La contribution de la France au budget de l'Union européenne ne cesse d'augmenter, alors même que l'Union européenne est de plus en plus exigeante à l'égard de notre pays. Bien que nos caisses soient désespérément vides, la France demeure l'un des seuls contributeurs nets. La participation de la France à l'Union européenne coûte près de 10 milliards d'euros, c'est le lot des pays riches, nous dit-on. Comme si l'on était riche avec une dette égale au PIB ! C'est sur le dos du peuple, en rackettant les citoyens français au profit d'un organe non élu, sans légitimité démocratique, la Commission européenne, qu'on prélève ainsi notre budget.
Je suis le premier à me réjouir de la coopération européenne, du succès de la sonde Philae, dont une partie a vu le jour à la technopole Château-Gombert, dans le septième secteur de Marseille, dont je suis le maire.
M. François Marc, rapporteur spécial. - Merci l'Europe !
M. Stéphane Ravier. - Merci la coopération entre industriels et non cette Europe qu'on veut nous imposer.
M. François Marc, rapporteur spécial. - Ce sont les peuples qui la veulent.
M. Stéphane Ravier. - Notre protection sociale est une pompe aspirante de l'immigration massive.
M. François Marc, rapporteur spécial. - Ah ! Voilà les slogans !
M. Stéphane Ravier. - Malgré les milliards engloutis dans les institutions communautaires, l'Europe est la seule région du monde à ne pas bénéficier de la croissance, M. Montebourg lui-même s'en étonnait.
Il appartient au gouvernement français de rendre sa souveraineté budgétaire à la seule instance légitime, le peuple.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - Vous excédez votre temps de parole.
M. Stéphane Ravier. - Bientôt les bureaucrates de Bruxelles rédigeront notre budget à notre place et se serviront directement.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Caricatural.
Mme Catherine Tasca. - Un dépassement de 50 % !
M. Michel Mercier . - Ce débat...
M. François Marc, rapporteur spécial. - Autre tonalité !
M. Michel Mercier. - ... est toujours un temps fort, qui nous offre l'occasion de rappeler la vigueur de notre engagement européen. Les enjeux, en effet, dépassent ce prélèvement budgétaire, en dépit de son importance. Il s'agit de réaffirmer l'horizon européen, qui n'apparaît plus à nos concitoyens comme la meilleure chance d'avenir pour nous.
Comme le disait hier à Strasbourg le pape François, « D'un peu partout, on a une impression générale de fatigue et de vieillissement, d'une Europe grand-mère, non plus féconde, non plus vivante ».
Pourtant, jamais nous n'avons eu autant besoin de l'Europe.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - C'est vrai !
M. Michel Mercier. - Quant au plan Juncker, il est certain que l'Europe ne peut sortir 315 milliards de ses propres fonds.
Il n'y a pas plus d'argent public à Bruxelles que chez nous, mais il s'agit de mobiliser les ressources et les énergies. Ce plan n'est pas qu'une réponse à la crise économique, mais aussi au manque d'adhésion à l'Europe, il doit devenir le symbole d'une Europe volontariste, tournée vers l'avenir et ce, au-delà même de l'économie, où les priorités, transports, recherche, énergie, biotechnologies, sont claires.
L'Europe reste engluée dans des querelles liées à la préparation de son budget et à son stock d'impayés. Comment le plan Juncker pourrait-il réussir s'il y a tant de fuites dans les canalisations européennes ? La vice-présidente de la Commission en charge du budget, Kristalina Georgieva, a été chargée de présenter un nouveau budget. Sans accord, il faudra se résoudre à des douzièmes provisoires, naguère connus chez nous.
En bon démocrate-chrétien et comme le disait le pape hier, je crois que l'Europe doit retrouver avec vigueur son héritage créateur, elle qui fut fondée sur l'idéal personnaliste, au-delà des querelles techniques et financières. Sa réussite dépendra de notre capacité à proposer des solutions non seulement institutionnelles, mais politiques. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC, UMP et écologistes)
M. Simon Sutour . - Le prélèvement sur recettes ne cesse de progresser. Ce n'est pas satisfaisant. Quelle est la pertinence d'un système source de problèmes pour notre pays, l'Europe et nos relations ? Cette hausse continue contraint les moyens des divers ministères. Les rabais accordés à tel ou tel pays, dont seules la France et l'Italie ne jouissent pas, les budgets rectificatifs - on en est à neuf pour 2013 ! - expliquent les écarts entre prévisions et exécution, qui ne cessent de s'accroître.
Ne pourrait-on exclure ce prélèvement européen du calcul du déficit public ? Et nos dépenses militaires ? Celles du Royaume-Uni et de la France représentent 40 % des dépenses militaires européennes alors qu'il s'agit de défendre nos valeurs communes.
Pour l'heure, il faut le rappeler sans tabou, l'Europe n'a pas de budget pour 2015. Elle n'est pas épargnée par la rigueur budgétaire. Il n'y a plus de sanctuaire. L'absence d'accord entre Conseil et Parlement sur le budget européen est source de difficultés présentes et à venir. Les députés européens ont raison : les impayés bloquent quantités de projets, qui attendent cet argent.
J'en viens aux ressources propres. L'Europe ne peut plus être prise en otage par des discussions sans fin sur les rabais, ni sur la part qui revient aux budgets nationaux. Il ne faut pas lésiner sur les moyens, quand on veut mener une politique ambitieuse. Quelle est votre position, monsieur le ministre, sur la mobilisation de ressources propres pour la mettre en oeuvre ? Je suis inquiet sur la réalisation du CFP 2014-2020.
La France préserve l'essentiel sur les grandes politiques européennes, comme la PAC, tout en bénéficiant de nouvelles initiatives pour l'emploi des jeunes en particulier.
Je me réjouis du volet sur le développement rural dans les zones méditerranéennes. Je m'en réjouis car ces agricultures, fragiles, étaient jusqu'alors les grandes oubliées de la PAC : la vigne, les fruits ont été beaucoup moins bien traités que les céréales et la betterave sucrière. Les nouveaux moyens accordés aux productions méditerranéennes vont dans le sens d'un rééquilibrage.
Les programmes opérationnels ont été lancés il y a quelques mois dans la région qui est encore la mienne pour quelques mois, à Montpellier, en votre présence, monsieur le ministre. Mais le temps passe et seules cinq régions se sont inscrites dans cette dynamique. Quel est l'état d'avancement de la validation des programmes opérationnels, monsieur le ministre ? Quelle sera la pérennité des fonds structurels, alors que Mme Corina Cretu a déclaré que « La politique de cohésion devrait contribuer de manière significative au plan d'investissement de 300 milliards » ?
Ce n'est pas d'une nouvelle répartition de ses crédits que l'Union européenne a besoin, c'est d'argent frais. Comment concrétiser un plan de 300 milliards d'euros sans ressources propres, sans capacité d'emprunt, en se reposant sur les seuls financements privés ? Il faut plus de fonds publics, plus d'Europe, plus d'ambition. Le groupe socialiste votera l'article 30. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, centristes et du RDSE)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou . - L'Europe peut-elle fonctionner avec un budget correspondant à 1 % de celui de ses États membres ? M. Juncker promet 300 milliards d'investissement dont on ne trouve aucune place dans le budget 2015. Notre pays bénéficiera-t-il de cette ressource uniquement virtuelle à ce stade, qui ressemble fort à une manoeuvre de communication ? Vous êtes inaudible, monsieur le ministre, alors que la France est vue par les autres pays comme l'homme malade de l'Europe. Nous avons besoin de courage et non d'artifices sémantiques. Notre Gouvernement n'a pas le courage de décider des réformes, certes impopulaires, mais devenues vitales. Notre pays inspire si peu confiance que notre commissaire Moscovici a été flanqué de deux surveillants.
Nos partenaires constatent notre impéritie et notre insuffisance, qu'aucune performance économique et budgétaire ne peut justifier.
M. Jean Germain. - Très nuancé !
M. Aymeri de Montesquiou. - M. Monti, très modéré...
M. Daniel Raoul. - Pas comme vous !
M. Aymeri de Montesquiou. - ... a déclaré « Si l'Europe va mal en ce moment, c'est sans doute que la France ne tient plus le rôle qu'elle devait ou pouvait jouer au niveau européen ».
Les défis de la mondialisation ne seront relevés avec succès que par l'intégration économique et budgétaire de la zone euro, comme le propose le constructeur visionnaire de l'Europe, Valéry Giscard d'Estaing, dans son livre Europa. Surpassons les considérations techniques par une véritable ambition politique. Une union renforcée ne le sera pas au détriment de ses membres, mais à leur avantage. Et si ce débat était le dernier ? Et si ce prélèvement sur les budgets nationaux était transformé en ressource propre, un impôt européen levé directement par l'Union européenne ? Et si le rapport Pisani-Ferry-Enderlein inspirait de véritables réformes ?
Étonnez-nous ou plutôt, engagez-vous avec lucidité, courage et - pourquoi pas ? - panache ! (Applaudissements sur les bancs UDI-UC, et quelques bancs UMP)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Le plan d'investissement Juncker est une réponse ambitieuse et intelligente, pour utiliser l'effet de levier du budget européen et de la BEI. Il n'y a pas de trésor caché, monsieur Mercier, vous avez raison, mais il y a une façon intelligente d'utiliser ce qui existe et de mener des financements innovants. M. Ravier a fait l'impasse sur les grandes politiques européennes.
MM. Jean Bizet, François Marc, rapporteur spécial, et Simon Sutour. - Il est déjà parti !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Cela lui sera transmis. La France bénéficie de la PAC, de la politique spatiale, entre autres. Il faut continuer à avancer ensemble, entre la France et l'Allemagne. C'est pourquoi M. Macron et M. Gabriel, son homologue allemand, ont commandé ensemble le rapport Pisani-Ferry-Enderlein. Un programme ambitieux pour l'emploi des jeunes, une action extérieure commune, cette dynamique franco-allemande s'exprime en Europe et sur la scène internationale.
Il est vrai que la France reste contributeur net, parce qu'elle est la deuxième économie de la zone euro, elle est confrontée à des problèmes, mais elle est un pays leader en Europe. Nous tenons à ce que la politique régionale contribue à la croissance de l'Europe. C'est notre intérêt : ce sont souvent des entreprises françaises qui réalisent les infrastructures qui améliorent l'économie de pays comme la Pologne et la Roumanie. Nous sommes aussi le deuxième pays à bénéficier des politiques européennes, après la Pologne, en raison du poids de l'agriculture dans notre pays.
Notre position dans les négociations budgétaires en cours, consiste à faire preuve de rigueur dans le calibrage des dépenses, absorber les factures passées de l'Union européenne, dépenser mieux, privilégier les dépenses de croissance et de la compétitivité. Il faut mettre fin à la sédimentation des mécanismes dérogatoires et autres rabais négociés dans le passé. C'est tout l'enjeu du groupe présidé par M. Monti.
Concernant les programmes opérationnels, la Commission européenne en a adopté dix. Plusieurs concernent les régions - Languedoc-Roussillon, Franche-Comté, Auvergne, Rhône-Alpes et Aquitaine -, d'autres des projets interrégionaux - Loire, Massif central - Il faut y ajouter le FSE et l'initiative pour la jeunesse : 620 millions pour la formation et la réinsertion des jeunes sur le marché du travail dans les régions où le chômage des moins de 25 ans est supérieur à 25 %. J'ai insisté auprès de la Commission européenne pour que nos programmes opérationnels soient validés avant la fin de l'année et mis en oeuvre rapidement dans nos territoires. Merci de votre soutien et de ce débat. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, du RDSE et UMP)
M. le président. - Amendement n°I-430, présenté par le Gouvernement.
Remplacer le montant :
21 042 000 000
par le montant :
20 742 000 000
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. - Les négociations budgétaires européennes en cours entre le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen portent à la fois sur le projet de budget pour 2015 et sur les six projets de budgets rectificatifs pour 2014 non adoptés à ce jour. Ceux-ci portent à la fois sur des recettes et des dépenses supplémentaires.
Les critères de définition du prélèvement reposent sur les dernières données prévisionnelles de la Commission européenne. Suite à l'échec des négociations constaté à la fin de la période de conciliation le 17 novembre dernier, la Commission doit proposer un nouveau projet de budget pour 2015. En conséquence, le vote du Parlement européen ne devrait pas intervenir avant sa séance plénière de mi-décembre 2014, ni sur le projet de budget 2015, ni sur les projets de budgets rectificatifs 2014, ce qui devrait conduire à un versement de la part française des budgets rectificatifs en 2015.
Selon la Commission, il devait en résulter une baisse pour la France d'environ un milliard d'euros pour 2014, qui pouvait être corrigée dans le cadre de budgets rectificatifs 2014 et du budget 2015. D'où l'estimation nécessairement prudente et transitoire de 300 millions d'euros que nous vous proposons, qui pourra être, le cas échéant, amplifiée en fonction des informations disponibles au cours de la suite de l'examen du projet de loi de finances. Nous aurions pu aller au-delà, mais, j'y insiste, nous restons prudents.
M. François Marc, rapporteur spécial. - La commission des finances n'a pu débattre de cet amendement, mais elle devrait juger favorable une baisse de dépenses.
Je remercie le ministre des affaires européennes sur les précisions qu'il a données sur la volonté de la France d'orienter les 300 milliards du plan d'investissement vers la jeunesse, la formation, la recherche, mais aussi la transition énergétique. Monsieur le ministre du budget, pouvez-vous nous assurer que ce plan reposera sur les moyens déjà disponibles dans le budget 2015 et qu'il n'y aura pas d'éléments additionnels sachant que la présentation du plan a lieu aujourd'hui même à Strasbourg ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - La réponse est dans la question. La présentation est en cours. À ce stade, je ne peux donner d'informations supplémentaires. Notre amendement est particulièrement prudent, aussi ce gain pour notre budget ne devrait-il pas être modifié. Il n'est pas exclu, je le répète, que nous ajustions encore le prélèvement pour l'Union européenne dans la suite de la navette. Nous l'intégrons dès cet après-midi dans l'article d'équilibre.
L'amendement n°I-430 est adopté.
M. Didier Mandelli. - Le groupe UMP partage largement l'analyse du président Bizet. Nous voterons cet article 30 par conviction européenne, ce qui ne signifie pas que nous approuvions la politique européenne et franco-allemande du Gouvernement. Nous attendons beaucoup du groupe Monti. Peut-être une proposition de résolution pourrait-elle être prise au Sénat avant qu'il aboutisse. Nous serons d'autant plus forts en Europe que nous respectons nos engagements, budgétaires en particulier, que nous réformerons notre pays pour soutenir les investissements dans les entreprises. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)
L'article 30, modifié, est adopté.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - J'invite nos collègues de la commission des finances à se retrouver à 14 h 15 pour examiner l'article d'équilibre, sous réserve de son dépôt par le Gouvernement. C'est le seul article qu'il nous reste à examiner cet après-midi, en séance publique, avec les explications de vote sur la première partie du projet de loi de finances.