Intercommunalités et représentation des communes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de loi autorisant l'accord local de représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération.

Discussion générale

M. Alain Richard, co-auteur de la proposition de loi .  - Je serai bref. Depuis 1958, et plus encore depuis l'instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel joue son rôle en vérifiant que nos lois sont conformes au bloc de constitutionnalité. En l'occurrence, il a jugé inconstitutionnel l'article L.5211-6-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), estimant que le principe de l'accord local sur la représentation des communes au sein des intercommunalités pouvait aboutir à de fortes disproportions. Or en 1995, considérant que les intercommunalités exercent des compétences au nom des communes, le Conseil constitutionnel avait jugé qu'il fallait tenir compte pour leur représentation, des principes d'égalité des citoyens et d'égalité du suffrage.

La loi du 16 décembre 2010 permettait à une majorité qualifiée de s'écarter d'une représentation strictement proportionnelle à la population. Sans doute certains d'entre vous contesteront-ils l'interprétation que le Conseil fait du principe d'égalité. (M. Jacques Mézard le confirme), il faut cependant en tenir compte.

En 2013, 90 % des intercommunalités ont constitué leur organe délibérant sur la base d'un accord local. Le Conseil a réaffirmé dans sa jurisprudence récente que l'écart maximal admissible de représentation est de 20 %. Nous nous sommes inspirés de ce principe. Dans la quasi-totalité des intercommunalités, le problème se pose pour les petites communes : si elles ont droit strictement à deux sièges, un complément de 20 % n'y change rien. D'où la toute petite audace de cette proposition de loi : les communes faiblement peuplées ne pourront être surreprésentées de plus d'un siège. Pour la grande majorité des accords locaux, l'amélioration de représentation est restée de cet ordre.

Le Conseil constitutionnel censure toute disproportion manifeste ; l'attribution d'un bonus d'un siège à une commune qui en aurait déjà un ou deux ne peut être qualifiée de telle.

Il existe déjà des écarts par rapport à la proportionnalité : le dispositif de rattrapage pour les communes qui n'auraient pas de siège et de redistribution des sièges retirés aux communes dont la population est supérieure à la moitié du total. Il m'a donc semblé prudent de ne pas prévoir de deuxième bonus en faveur des communes qui bénéficient du dispositif d'amélioration de représentation.

Dans une intercommunalité où une commune est majoritaire en population, les autres sont déjà surreprésentées, en vertu du principe de non-majorité d'une seule commune. Ce n'est pas pour elles que nous légiférons.

Si la proposition de loi est adoptée, on pourra de nouveau recourir à l'accord local, là où les conseils communautaires ont dû être rétrécis ; il m'a paru possible - mais le Gouvernement a sollicité l'avis du Conseil d'État - que les communautés puissent recomposer leur conseil dans un délai de six mois. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur plusieurs bancs au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, co-auteur de la proposition de loi .  - L'intercommunalité est un long chemin. J'en ai parlé ici-même pour la première fois pour défendre la loi Joxe de 1992. Elle fut adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture à une voix de majorité, en deuxième à deux voix : 100 % de plus. (Sourires) Après avoir exprimé des réticences, le Sénat y a trouvé intérêt.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce n'est plus la même intercommunalité !

M. Jean-Pierre Sueur, co-auteur.  - La liberté des communes a été préservée. Philippe Séguin, pour lequel j'avais une grande admiration, a dit que le découpage n'était pas rationnel ; je lui ai répondu qu'avec un découpage décidé par les préfets, il n'y aurait pas de communautés de communes... En vingt ans, une révolution silencieuse s'est accomplie, celle de l'intercommunalité choisie. C'est notamment grâce à la possibilité de conclure entre communes membres un accord sur la composition des conseils communautaires, afin de garantir la représentation des petites communes. Pour avoir assez longtemps présidé une intercommunalité, j'ai pu constater, alors que s'y côtoient une ville de 116 000 habitants et un village de 415 habitants, que chacun prenait des responsabilités ; et c'est bien.

Après la décision du Conseil constitutionnel, Alain Richard a beaucoup oeuvré durant l'été pour trouver une solution. La question s'est posée d'emblée, dès qu'il y eut des annulations d'élections municipales. Le ministère lui-même a reconnu qu'il fallait trouver une solution.

Cette proposition de loi fait tout ce qu'il est possible de faire, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, pour permettre le meilleur accord entre les communes. En allant plus loin, on se heurterait à une nouvelle censure et on tromperait les associations d'élus - alors que l'Association des maires de France (AMF) et l'Assemblée des communautés de France (AdCF) soutiennent ce texte.

D'autres solutions peuvent être envisagées, fondées sur d'autres formes de calcul de la proportionnelle. Avant tout, il faut trouver une solution crédible et juste. Nous faisons un pas, l'Assemblée nationale pourra en faire un autre. J'émets le voeu que l'autre chambre adopte ce texte rapidement, car une annulation, une nouvelle élection dans une commune peuvent rendre ce texte urgent. (Applaudissements)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois .  - Coup de tonnerre sur les accords locaux de représentation des communes au sein des conseils communautaires : le 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions de l'article L. 5211-6-1 du CGCT. Le nombre et la répartition des sièges doivent désormais être fixés selon le principe de représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sur la base du tableau de l'article L. 5211-6-1.

La loi du 16 décembre 2010 a répondu au souci de renforcer à la fois la démocratie locale et l'efficacité de l'action publique au plus près des citoyens. Pour tempérer la représentation strictement proportionnelle des communes au conseil communautaire, il avait alors été décidé que chaque commune aurait au moins un délégué, qu'aucune commune ne pourrait avoir plus de la moitié des sièges, et qu'un accord local à la majorité qualifiée pourrait fixer une représentation qui s'écarte du tableau de l'article L. 5211-6-1.

La loi du 31 décembre 2012 a apporté plus de souplesse en prévoyant la possibilité d'augmenter le nombre de conseillers de 25 % au plus par rapport au tableau ainsi que le nombre de vice-présidents. Par sa décision du 26 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d'égalité devant le suffrage s'oppose à ce que les communes soient représentées de façon disproportionnée au regard de leur population ; et il a admis, comme en 2009, un écart de 20 %.

La composition de 90 % des 2 125 conseils communautaires résulte d'accords locaux s'écartant plus ou moins du barème. Mais le 20 juin dernier, le Conseil constitutionnel a estimé que la liberté de détermination de la représentation permise par le CGCT dérogeait au principe général de proportionnalité de représentation dans une mesure « manifestement disproportionnée ». Seule demeure donc en vigueur la représentation strictement démographique.

Or la composition des conseils doit être revue en cas d'annulation d'une élection municipale ; et des conseillers communautaires se retrouvent privés de leur mandat. Le groupe UMP a interpellé le Gouvernement à ce sujet dès le 17 juillet. À la suite du dépôt de la proposition de loi de M. Richard, M. Patrice Gélard - à qui je veux rendre un vibrant hommage...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - C'est juste ! (Applaudissements sur les bancs UMP et au centre, ainsi que sur quelques bancs socialistes)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - ... M. Gélard a donc déposé le 3 septembre, avec MM. Leleux, Milon et Carle, une proposition de loi identique.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Qui a copié qui ?

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - L'article premier rétablit la possibilité d'accords locaux à la majorité qualifiée, en fixant des limites chiffrées aux écarts de représentation par rapport à celle qui résulterait du barème démographique, conformément à la jurisprudence constitutionnelle. La commission des lois en a approuvé le principe : il s'agit de conforter le consensus qui constitue l'esprit de l'intercommunalité. Une tolérance s'impose car les intercommunalités ne sont pas des collectivités territoriales de plein exercice, mais des coopératives de communes, selon l'expression de Jean-Pierre Chevènement, fondées sur une logique collégiale. (M. Jacques Mézard approuve)

Les tempéraments à la rigueur du principe de proportionnalité se justifient par l'intérêt général. Cependant, il a paru nécessaire à la commission de resserrer les écarts. D'où les trois modifications adoptées, visant à exclure de l'attribution d'un siège supplémentaire les communes ayant bénéficié de la garantie du siège de droit ; à attribuer aux communes un siège supplémentaire au cas où leur représentation serait inférieure de plus d'un cinquième par rapport à la proportionnelle démographique ; apprécier la sous-représentation d'une commune par sa part dans la population totale de l'intercommunalité. La commission des lois a en outre précisé la rédaction de l'article 2.

La commission des lois s'est donc montrée soucieuse de respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel tout en répondant aux attentes des communes. (Applaudissements)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Je sais le Sénat sensible aux questions de démocratie locale. En vertu d'un principe général dégagé par le Conseil constitutionnel, le nombre et la répartition de sièges dans le conseil communautaire doivent être déterminés proportionnellement à la population des communes membres, afin de respecter l'égalité du suffrage ; c'est sur ce principe que le tableau de l'article L. 5211-6-1 a été établi. En revanche, il peut être utile d'augmenter le nombre de sièges : un écart de 25 % me paraît raisonnable. S'agissant de leur la répartition entre les communes, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 juin 2014, a jugé les écarts de représentation disproportionnés. C'est le principe même de l'accord local qu'il a mis en cause.

Cette proposition de loi rouvre une possibilité d'accord local. Je salue le volontarisme de ses auteurs qui ont voulu aller vite.

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - La possibilité de conclure des accords locaux est la condition de l'efficacité de l'intercommunalité, comme le Premier ministre lui-même l'a rappelé devant l'ADCF le 9 octobre. Encore faut-il éviter une nouvelle censure. La haute expertise des auteurs de cette proposition de loi, qui sont d'éminents juristes, devrait nous rassurer.

Dans sa sagesse, le Conseil constitutionnel n'a pas demandé la révision immédiate des accords locaux. Mais c'est indispensable lorsqu'un conseil communautaire doit être renouvelé, par exemple à la suite de l'annulation d'une élection ou du renouvellement, même partiel, d'un seul conseil municipal.

M. Alain Marc.  - Absolument.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - La solution ici proposée convient au Gouvernement. Vous avez maintenu le minimum d'un siège par commune, et le maximum d'une moitié des sièges. Le Gouvernement a sollicité l'avis du Conseil d'État sur les dérogations au principe de proportionnalité démographique. Nous l'attendons.

Merci aux auteurs de ce texte et à l'ensemble des groupes, qui donnent ainsi davantage de force à la démocratie locale, à nos territoires et aux représentants de la ruralité. (Applaudissements)

M. Philippe Kaltenbach .  - La récente décision du Conseil constitutionnel met en péril les accords locaux en vigueur dans 90 % des intercommunalités. Reconnaissons que cette décision est conforme à la jurisprudence constante du Conseil sur l'égalité devant le suffrage.

La loi du 16 décembre 2010 a garanti à chaque commune un délégué au moins, et fixé un plafond d'une moitié des sièges. La loi du 31 décembre 2012 l'a assouplie. C'est sur ces bases que les communes ont travaillé à la suite des élections de mars 2014.

La décision du Conseil constitutionnel a remis en cause l'équilibre trouvé par le législateur : il a censuré l'article L. 5211-6-1 à la suite du recours de la commune de Salbris, dans le Loir-et-Cher, qui pouvait prétendre, au regard de sa population, à treize sièges au sein de la communauté de communes dont elle est membre mais à la suite d'un accord local n'en avait eu que sept - les autres communes ont peut-être été trop gourmandes... Le législateur devait donc reprendre la main. Le groupe socialiste a ainsi souhaité inscrire au plus vite à l'ordre du jour la proposition de loi de nos éminents collègues MM. Richard et Sueur. MM. Gélard, Leleux, Milon et Carle ont déposé une proposition de loi identique, à la virgule près, signe que les clivages peuvent être dépassés quand il s'agit de défendre l'intercommunalité.

Le Conseil constitutionnel n'a pas contesté le principe de l'accord local mais considéré qu'un encadrement insuffisant conduisait à un décalage de représentation « manifestement disproportionné ». Le texte qui nous est soumis fixe des limites chiffrées aux écarts de représentation ; il reprend l'habituel écart maximal de 20 % - les villes les plus peuplées d'une intercommunalité ne pourront voir leur proportion de représentation réduite de plus d'un cinquième ; la limite de surreprésentation est fixée à un siège.

Nous retrouverons ainsi un équilibre. Je me félicite que le Sénat, à l'initiative du groupe socialiste, ait voulu résoudre au plus vite ce problème pressant.

Certains voudraient aller plus loin, et proposent un critère fondé par exemple sur la superficie du territoire. Les « bourgs pourris » de l'Angleterre du XXe siècle ont montré à quoi pouvait conduire pareille pratique... N'oublions pas, cependant, que les élus représentent d'abord des femmes et des hommes, non des hectares. (Exclamations sur les bancs UMP, UDI-UC et du RDSE)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - C'est facile, à Paris !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ne gardez que l'Île-de-France, tout ira mieux !

M. Philippe Kaltenbach.  - Le principe d'égalité figure dans la devise de la République, j'y suis attaché. Le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de censurer un écart excessif.

M. Alain Joyandet.  - Il faut changer la Constitution alors et réintroduire la notion de territoire !

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est la souveraineté des bureaucrates !

M. Philippe Kaltenbach.  - Cessons d'opposer la ville à la campagne, la France urbaine à la France rurale.

M. Alain Joyandet.  - C'est ce que vous faites !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Clamart n'est pas la France !

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - C'est le pot de terre contre le pot de fer !

M. Philippe Kaltenbach.  - Tous nos citoyens sont attachés à l'égalité devant le service public.

M. Alain Joyandet.  - Justement ! Le haut débit !

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - La désertification médicale ! (On renchérit sur les bancs RDSE, UDI-UC et UMP)

M. Jacques Mézard.  - Même le téléphone, on ne l'a plus !

M. Philippe Kaltenbach.  - Je pense notamment au haut débit, à l'égal accès aux soins, à l'éducation... Nous devons nous mobiliser pour cela et rester vigilants. (Exclamations au centre et sur les bancs UMP)

Avec cette proposition de loi, nous souhaitons que les petites communes puissent faire entendre leur voix. Nous voulons pérenniser l'accord local auquel nous sommes nombreux à être attachés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Vous vous êtes bien rattrapé !

M. Ronan Dantec .  - Le problème a été bien expliqué : pour mettre fin à l'insécurité juridique actuelle, il faut préciser les règles de représentation des communes au sein des conseils communautaires. Un peu de souplesse ne nuit pas. Le sentiment si répandu de non-représentation, voire de relégation est nourri par l'impression de ne pas participer aux décisions communautaires.

Interrogeons-nous cependant sur la légitimité démocratique des intercommunalités. Celle-ci est tirée, selon le Conseil constitutionnel, de l'élection des conseils municipaux au suffrage universel direct, c'est pourquoi le principe d'égalité devant le suffrage exige que la démographie soit respectée pour la représentation des communes dans les conseils communautaires.

Je ne peux pas ne pas évoquer le mode d'élection des conseillers communautaires. Les intercommunalités ont acquis des compétences de plus en plus stratégiques, jusqu'à la politique de la ville. Leur montée en puissance, que les écologistes ont toujours défendue, impose d'instaurer l'élection au suffrage universel...

M. Alain Richard, co-auteur.  - Il existe déjà ! Ce que vous voulez, c'est le suffrage supra-communal !

M. Ronan Dantec.  - ... des conseillers intercommunaux. Non, l'intercommunalité n'est pas fondée sur le consensus : il y a des différends politiques, que les citoyens doivent trancher.

Certes, un fléchage existe désormais.

M. Alain Richard, co-auteur.  - C'est cela, le suffrage universel !

M. Ronan Dantec.  - Mais les électeurs ont-ils consciemment élu leurs conseillers communautaires ? Les connaissent-ils ?

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Mais oui !

M. Ronan Dantec.  - Qu'on ne se méprenne pas : les écologistes ne veulent pas la fin des communes. (Applaudissements, « bravo » et rires sur la plupart des bancs)

M. Alain Richard, co-auteur.  - Pas consciemment ! (Rires)

M. Ronan Dantec.  - Cela recouvre notre débat d'hier sur la représentation des départements au sein des conseils régionaux. Les citoyens sont attachés à leurs communes. (On renchérit à droite) Les élus communaux ont une capacité particulière pour redonner confiance aux citoyens, à renforcer la proximité et la démocratie participative. Il faudra renforcer leur statut.

Le temps est venu de réadapter la situation à la réalité, tout le monde connaît son maire, personne son conseiller intercommunal.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Mais si !

M. Ronan Dantec.  - Nous aurons bientôt ce débat, avec le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République, qui sécurisera les intercommunalités.

Mme Cécile Cukierman.  - Il n'est pas encore voté !

M. Ronan Dantec.  - Le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs écologistes ; M. Claude Dilain applaudit aussi)

M. André Gattolin.  - Bravo !

Mme Cécile Cukierman .  - Cette proposition de loi tire les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel, qui fait suite à une loi de 2012, succédant elle-même à la loi de 2010 qui fixait la représentation des communes au sein des intercommunalités - et prévoyait l'élargissement forcé des intercommunalités... Les groupes de gauche du Sénat avaient rejeté cette réforme de 2010. Notre groupe était farouchement opposé aux fusions intercommunales à marche forcée. Nous sommes inquiets de voir que le futur projet de loi sur ce sujet sensible renforcera cette tendance. En 2010, nous dénoncions l'autoritarisme qui transparaissait du texte, même si l'assouplissement apporté par le Sénat à l'article 3 allait dans le bon sens.

En 2012, la proposition de loi Richard-Sueur visait à éviter une réduction verticale du nombre de représentants par commune. Nous nous étions alors abstenus, l'assouplissement ne servant in fine qu'à faciliter les intercommunalités forcées. Depuis, le gouvernement Valls a remplacé le secrétariat d'État à la décentralisation par un secrétariat d'État à la réforme territoriale. Nous serons au rendez-vous pour poursuivre le débat lors de la discussion du projet de loi « NOTRe » (Nouvelle organisation territoriale de la République)

Nous ne pourrons nous satisfaire de la situation actuelle, pas plus des difficultés rencontrées au quotidien par de nombreuses intercommunalités.

Le groupe CRC se veut toujours constructif. Nous ne nous opposerons donc pas à cette proposition de loi. La place de la démocratie locale ressort toutefois un peu plus affaiblie de la situation. La commune ne doit pas s'évaporer dans les intercommunalités, comme l'a rappelé l'Association des maires ruraux de France. Nous voterons ce texte pour éviter de corseter un peu plus encore la démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, et Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Très bien !

M. Jacques Mézard .  - Quand les élus locaux ont la sagesse de construire des intercommunalités dans la concertation, suivie d'accords locaux montrant leur capacité à surmonter les clivages, on ne peut que regretter la décision du Conseil constitutionnel et saluer l'initiative rapide et judicieuse des auteurs de cette proposition de loi.

Le problème posé deviendra de plus en plus courant. Avoir des gardiens de la loi, c'est bien, mais ceux-ci n'ont pas à l'écrire. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit) Ce n'est pas conforme à notre idée de la République et de la séparation des pouvoirs. Le groupe RDSE demandera d'ailleurs une mission d'information sur le sujet. À l'heure où 90 % des intercommunalités usaient du dispositif censuré et où le Gouvernement entend confier aux intercommunalités de nouvelles compétences, cette décision est dommageable de fait au renforcement de l'intercommunalité. Celle-ci n'est pas une collectivité, mais un instrument de coopération entre collectivités qui a fait ses preuves.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Absolument.

M. Jacques Mézard.  - Le tunnel -20/+20 % ne ressort ni de la Constitution, ni de la loi, mais de la seule jurisprudence du Conseil constitutionnel. (M. Pierre-Yves Collombat s'exclame) Il va même à l'encontre de l'esprit de la Constitution. Quid de Saint-Barthélemy, de Saint-Pierre-et-Miquelon, sans parler des îles de l'intérieur ?

Il faut donc rechercher un équilibre global et respectueux. La jurisprudence du Conseil constitutionnel entraîne une politisation accrue des conseils communautaires, sans tenir compte du cas du maire seul représentant de sa commune. Et le problème sera encore pire avec des intercommunalités étendues. Je connais le problème d'expérience à la communauté d'agglomération d'Aurillac : minorer le poids de la ville-centre est le meilleur moyen de rassurer les autres communes. Pour renforcer l'intercommunalité, il faut moduler les règles, et surtout ne pas marginaliser les petites communes. Si l'on suit la logique du Conseil constitutionnel, le conseil communautaire ne sera plus que la réunion des maires des différentes communes et du conseil municipal de la ville-centre !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Absolument.

M. Jacques Mézard.  - Tout le groupe RDSE votera avec conviction cette excellente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)

La séance, suspendue à 15 h 50, reprend à 15 h 55.

M. Jean-Léonce Dupont .  - La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a constitué une étape dans la construction de la France décentralisée. L'élection au suffrage universel des conseillers communautaires en même temps que les conseillers municipaux a renforcé la démocratie locale. Complétée par la loi du 30 décembre 2012, elle a conduit à la rédaction actuelle de l'article L. 5211-6-1 du CGCT, qui régit 90 % des intercommunalités : on tempère le poids de la ville-centre sur la base d'une forme de contrat social.

Le Conseil constitutionnel vient de remettre en question cet équilibre en répondant à une question prioritaire de constitutionnalité posée par la commune de Salbris. Il a considéré que la composition reposant sur l'accord préalable des communes étant contraire à la Constitution, et le calcul automatique s'applique donc pour les conseils en litige devant le juge administratif.

Cette décision a suscité un grand émoi. L'accord local permettrait de prendre en compte l'histoire intercommunale. Il est à craindre, une fois de plus, que les petites communes de nos territoires ruraux ne soient représentées qu'a minima nourrissant le sentiment d'exclusion pour cause de pauvreté démographique.

Je remercie donc les auteurs de cette proposition de loi qui rend à nouveau possible les accords locaux, afin de prendre en compte la réalité. Autorisons un écart limité et encadré, comme l'a prévu la jurisprudence du Conseil constitutionnel dès 1995. L'accord est le fondement même du fonctionnement d'une communauté de communes.

La démocratie locale n'est pas faite que de chiffres, mais de femmes et d'hommes qui s'entendent pour travailler ensemble. Nous voterons cette proposition de loi. Au-delà, il faudra une proposition de loi constitutionnelle pour régler définitivement la question.

Le groupe UDI-UC va s'y atteler. (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs RDSE)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Très bien !

M. Alain Richard, co-auteur.  - Bon courage !

M. Jean-Pierre Leleux .  - C'est un vent de panique qui a saisi les élus de mon département à l'annonce de la décision du Conseil constitutionnel. Un tel accord négocié a été l'option choisie par la communauté des dix-neuf communes du Pays-de-Grasse, reliées par une profonde histoire commune autour de la commune-centre de Grasse, dont j'ai été maire dix-neuf ans durant jusqu'aux dernières élections municipales. Composée de 23 communes, la communauté d'agglomération du Pays-de-Grasse a été installée le 1er janvier 2014 après un long travail des élus locaux. L'accord avait pu se faire dès lors que la commune-centre avait accepté de céder un certain nombre de sièges à d'autres communes pour rééquilibrer les choses. J'y avais souscris de bonne grâce pour rassurer. Or une élection a été annulée dans l'une des communes de l'intercommunalité ; la décision du Conseil constitutionnel s'applique donc à notre nouveau cas de figure. M. Gélard avait interrogé le Gouvernement et déposé, avec les membres du groupe UMP, une proposition de loi identique à celle que nous examinons aujourd'hui. Durant l'été, le vent de panique a gagné les services préfectoraux. La ville de Grasse était passée de 29 conseillers communautaires sur 62 à 24 sur 70, soit de 47 % à 34 % - élément déterminant pour entraîner l'adhésion des autres communes. Celles-ci se sont senties flouées par la décision du Conseil constitutionnel. Comment faire pour « désélire » des conseillers communautaires désignés au suffrage universel lors des élections municipales ? Comment faire, à Grasse, pour rajouter des conseillers alors qu'un nombre insuffisant de délégués avait été élu au suffrage universel ? Pendant tout l'été, les échanges entre les élus locaux et les services préfectoraux ont été denses. Le conseil communautaire se dirige désormais vers une représentation proportionnelle stricte. Cela n'a pas manqué d'entraîner des recours, un maire refusant notamment de retirer du conseil communautaire des élus du peuple. Va-t-on devoir procéder à de nouvelles élections dans les 23 communes membres ?

La proposition de loi apporte une solution. Réfléchissons toutefois aux conséquences de la doctrine constitutionnelle sur le primat de la démographie dans la représentation proportionnelle de la population dans le cadre des élections municipales des communes de plus de 30 000 habitants, où 51 % de la population communale, voire moins en cas de triangulaire, est représentée par 75 % des élus au conseil municipal et où 49 % de la population n'est représentée que par 25 % des élus.

Au fil de l'application de la doctrine constitutionnelle, l'organisation territoriale et politique se cristallise autour d'une France urbaine, au détriment de la France rurale.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Très bien !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très juste ! C'est insupportable !

M. Jean-Pierre Leleux.  - Un véritable rouleau compresseur est en train d'écraser la réalité rurale. (Vifs applaudissements sur les bancs UMP, au centre et du RDSE)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Très bien !

M. Philippe Kaltenbach.  - Démagogie !

M. Jean-Pierre Leleux.  - C'est une vraie rupture. La France sans expression rurale ne sera plus la France. Qui exprimera la voix de la ruralité dans les nouveaux cantons redécoupés, dans les conseils régionaux élus à la proportionnelle, dans un Sénat élu de plus en plus au scrutin de liste, par souci d'efficacité électorale... (M. Jacques Mézard approuve vivement), ce qui accroît encore la puissance de feu urbaine.

N'y a-t-il pas d'autres critères que le nombre d'habitants : le territoire, la montagne, l'eau, la chlorophylle ? (Mouvements divers)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Le Sénat, qui est le représentant des territoires, saura-t-il en tenir compte ? (Applaudissements sur les bancs UMP, UDI-UC et du RDSE)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Bravo !

M. René Vandierendonck .  - C'est à Lille que la 25e convention de l'intercommunalité a été organisée, le 9  octobre dernier.

M. Jean-François Husson.  - Chez Mme Aubry ?

M. René Vandierendonck.  - Absolument, en présence du Premier ministre, (rires à droite) pour le passage de témoin entre l'ancien et le nouveau président de l'AdCF. Plus d'un millier d'élus étaient rassemblés. 10 % des intercommunalités sont directement concernées par la décision du Conseil constitutionnel, et 21 % des EPCI sont susceptibles de l'être à court terme, en raison des procédures en cours. Cela intervient dans le contexte du renforcement de l'intercommunalité, avec la réforme territoriale. 90 % des 1 903 communautés de communes, qui regroupent 31 246 communes, reposent aujourd'hui sur un accord local, qui n'est pas le simple reflet arithmétique de la population. Ces accords traduisent un accord de gouvernance qui symbolise l'adhésion partagée à un projet de territoire.

Merci à MM. Richard et Sueur pour leur réactivité. Oui à une réforme constitutionnelle, monsieur Dupont, mais il fallait réagir immédiatement à la décision du Conseil constitutionnel. Sans préjuger du travail du Parlement, j'attire votre attention sur l'article 14 du projet de loi « NOTRe » qui fait passer le seuil minimal des schémas de coopération intercommunale de 5 000 à 20 000. Avec une telle mesure, les prochaines intercommunalités en Ardèche compteront plus de 200 communes, me disait Olivier Dussopt. L'accord local devient dès lors essentiel. (Approbation sur divers bancs) L'adaptation et la souplesse s'imposent, car sans accord local, pas de projet de territoire et sans projet de territoire, pas d'intercommunalité.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Absolument.

M. René Vandierendonck.  - Je salue le caractère non hémiplégique du travail réalisé en commission. J'aimerais qu'un jour, dans le respect de la séparation des pouvoirs, nous puissions dialoguer avec le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Mme Jacqueline Gourault .  - Cette proposition de loi est accueillie très positivement par tous les élus et leurs associations. Merci à MM. Richard et Sueur.

Le Conseil constitutionnel a déclaré l'accord local impossible désormais pour répartir les membres d'une communauté de communes ou d'agglomération.

Ces dispositions avaient donné lieu à de longs débats lors de l'examen de la loi de 2010. Nous étions arrivés à une solution équilibrée : un siège par commune, aucune ayant plus de la moitié des sièges. 90 % des intercommunalité ont choisi l'accord local.

M. Jackie Pierre.  - Eh oui !

Mme Jacqueline Gourault.  - À Salbris, est arrivé ce que je craignais qu'il arrivât. Je suis élue du Loir-et-cher, département beaucoup plus rural que les Alpes-Maritimes.

M. Jean-Pierre Leleux.  - À voir...

Mme Jacqueline Gourault.  - Il faut éviter d'opposer le rural et l'urbain. (Applaudissements sur les bancs socialistes, plusieurs bancs CRC jusqu'au centre)

M. Alain Joyandet.  - Ce n'est pas ce que l'on fait !

Mme Jacqueline Gourault.  - Je vais vous emmener à Salbris. C'est une commune peu peuplée : 6 000 habitants. (Exclamations sur les bancs UMP)

M. Jean-François Husson.  - Oh ! Tout de même !

Mme Jacqueline Gourault.  - Pour des raisons qui ne sont pas politiques, pour des raisons d'hommes et de femmes ...

M. Alain Joyandet.  - Qui s'aiment !

Mme Jacqueline Gourault.  - La commune de Salbris, donc, qui représentait 49 % de la population, s'est vue imposer une représentation manifestement disproportionnée, avec sept sièges sur vingt-trois au sein de la communauté de communes Sologne des rivières. C'est un territoire qui se bat, qui a perdu Matra, qui va perdre son dernier régiment.

Le Conseil constitutionnel n'impose pas de revenir sur toutes les communautés de communes, heureusement ! On aurait pu imaginer qu'il impose à la communauté de communes de revoir sa composition, sans étendre cela à toutes les autres... Toute nouvelle instauration de communauté de communes, toute modification sera soumise à la décision du Conseil constitutionnel : il ne peut plus y avoir d'accord local, c'est le tableau qui s'impose.

Alors que nous allons bientôt discuter de l'importance de l'intercommunalité en France, ce dont je suis convaincue, cette proposition de loi revêt une importance majeure. Cette décision du Conseil constitutionnel risque fort de constituer un frein à certaines fusions nécessaires. Nous voterons cette proposition de loi avec beaucoup d'enthousiasme. Prenons soin que le Conseil constitutionnel n'ait pas à y revenir. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Alain Milon .  - On s'accordera sur la difficulté que représente la réforme territoriale pour les héritiers d'une France jacobine et napoléonienne. On s'accordera tout autant sur la nécessité d'y procéder. Par-delà les mots et les intentions, il y a des réalités géographiques, démographiques, économiques et politiques. Un territoire, dans la France d'aujourd'hui, ce n'est en rien le no man's land de la conquête de l'Ouest. Ce sont des espaces de vie, dotés d'une identité culturelle, réelle ou fantasmée. D'où le rejet de certaines simplifications. La dimension humaine ne doit pas être négligée.

La décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 est désormais fameuse ; les juges de la rue Montpensier ont estimé que l'accord local était contraire à la Constitution du fait de l'absence de proportionnalité et qu'en cas d'instance en cours ou de renouvellement d'un conseil municipal d'une commune membre d'une intercommunalité la déclaration d'inconstitutionnalité s'appliquait.

Cette décision soulève autant de problèmes qu'elle en résout. On ne peut que s'interroger sur l'application du principe de proportionnalité quand elle conduit à un traitement différencié des élus. Ainsi des élus communautaires élus au suffrage universel direct en mars dernier seront déchus de leur mandat si leur commune voit diminuer le nombre de ses représentants au conseil communautaire. D'autres représentants communautaires n'y auraient pas été désignés par le suffrage universel direct mais par une élection au sein de leur conseil municipal. Enfin, certaines communes verraient le nombre de leurs représentants demeurer. Cela fait trois types d'élus au sein d'un même EPCI !

Avec une mise en oeuvre différenciée de sa décision, le Conseil constitutionnel ajoute de l'insécurité juridique et politique dans un paysage institutionnel déjà perturbé. Je crains que les neuf sages n'aient pas envisagé toutes les conséquences de leur décision... Deux communautés sont concernées dans le Vaucluse.

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Si la démographie doit être un critère, on ne saurait faire abstraction de la ruralité ni de l'apport de richesse dans la corbeille de la mariée. Il ne faut pas sanctuariser l'opposition entre le rural et l'urbain sur des territoires rurbains.

Il convient d'intégrer la richesse fiscale et économique des communes. Les communes-centres ont le sentiment de supporter lourdement les charges de centralité. Je suis maire d'une commune-centre. Il nous importe d'écouter chacun.

Je me réjouis de cette proposition de loi qui redonne un fondement aux accords locaux. Elle ne répond pas à la question du délai de l'entrée en vigueur du nouveau conseil communautaire, étant entendu que les préfets ont reçu des instructions pour agir rapidement. Veillons à ce que de nouveaux arrêtés préfectoraux ne portent pas atteinte au principe sacré du suffrage universel.

Notre discussion montre combien le droit est une coconstruction en évolution constante. Il doit pourtant garantir une certaine permanence. Sans remettre en cause les prérogatives du Conseil constitutionnel ni la question prioritaire de constitutionnalité, j'estime qu'il faudra apprendre à utiliser nos nouveaux outils dans une société où l'exigence de transparence prévaut. Le peuple, les élus, eux-mêmes, remettent entre les mains des neuf sages les destinées de la démocratie. Quelle confiance accordons-nous aux instances issues du suffrage universel ? La question qui nous occupe illustre parfaitement les rapports complexes entre expertise et élection, et témoigne d'une crise profonde de la représentation. (Applaudissements sur les bancs UMP et quelques bancs du RDSE, UDI-UC ainsi que sur quelques bancs à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Hervé Maurey .  - La décision du Conseil constitutionnel fut un coup de tonnerre, après que nous eûmes accueilli avec beaucoup de soulagement la loi de 2012, laquelle faisait suite à une loi de 2010 qui avait causé beaucoup d'émotion. Si cette décision est censée ne s'appliquer qu'en 2020, il y aura d'ici là des élections partielles. Ainsi dans l'Eure, des décès ont entraîné cinq élections partielles dans des intercommunalités. Le paysage des communautés de communes évolue.

Très bonne initiative donc que cette proposition de loi, qui revient sur la décision, tout en la respectant. C'est « moins pire », comme on dit dans ma Normandie. Au-delà, il faut une réforme constitutionnelle, dont notre groupe déposera le projet. J'ai eu l'immense satisfaction d'entendre le président Larcher demander que le critère du territoire soit associé au critère démographique. Nous verrons dans les semaines qui viennent, à propos du projet de loi de réforme territoriale, que la situation des territoires varie. Je salue et soutiens cette proposition de loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Dans l'Yonne aussi, des élections partielles doivent être organisées. Pensez à ce que cette décision représente pour ces petites communes du nord de notre département, qui ne sont entrées dans l'intercommunalité qu'à reculons, l'émoi et l'inquiétude qui sont les leurs. Il faut parfois sortir du jardin à la française !

Se priver du concours d'une vingtaine de conseillers communautaires, c'est se priver d'autant de bonnes volontés souvent très précieuses.

Des élections partielles ont eu lieu ou auront lieu, qui risquent d'entraîner des modifications successives des conseils communautaires. Il est donc urgent d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Claude Bérit-Débat .  - Je félicite Alain Richard et Jean-Pierre Sueur pour leur initiative. Deux communautés de communes sont d'ores et déjà concernées en Dordogne. La décision du Conseil constitutionnel a été perçue par les concernées comme injuste, incompréhensible, même si l'égalité des citoyens devant le suffrage est un principe essentiel, comme l'a rappelé Alain Richard. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Claude Lenoir .  - J'ai posé la semaine dernière une question orale au Gouvernement sur cette affaire. On parle toujours des élections partielles ; il ne faut pas pour autant oublier qu'est annoncé un train de réformes qui vont entraîner une reconstitution des conseils de communauté, dans une grande partie du territoire français, non pas en 2020, mais dès 2016, sans doute au début de l'année.

Il faut se réjouir de cette proposition de loi consensuelle qui répond au souhait de nombreux élus. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Guené et Leleux.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

délégués

par le mot :

conseillers

M. Jean-Pierre Leleux.  - La loi du 18 mai 2013, tout en instaurant l'élection au suffrage universel direct des membres du conseil communautaire par le biais du fléchage, a remplacé les « délégués » communautaires par des « conseillers » communautaires.

M. le président.  - Amendement identique n°4 rectifié, présenté par Mme Gourault et les membres du groupe UDI-UC.

Mme Jacqueline Gourault.  - Défendu.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Avis favorable. Cette nouvelle dénomination est conforme à la loi du 18 mai 2013.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques nos2 rectifié et 4 rectifié sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Joyandet.

Alinéa 5, quatrième phrase

Remplacer les mots :

inférieure à 80 % de sa proportion

par les mots :

diminuée de plus de 20 % par rapport à sa part

M. Alain Joyandet.  - J'ai déposé trois amendements, contribution rédactionnelle et juridique pour une meilleure compréhension du texte et une plus grande fidélité à la décision du Conseil constitutionnel, afin que l'Assemblée nationale puisse plus rapidement adopter le texte conforme.

Je remercie le ministre de l'intérieur d'être venu en personne au banc du Gouvernement. Loin de moi la volonté d'opposer la ruralité et l'urbain ; j'ai été maire d'un chef-lieu de département, député pendant dix-sept ans. Sénateur, je suis élu des territoires. Un équilibre est nécessaire. (M. Jacques Mézard approuve)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Alain Joyandet.  - Voyez la Haute-Saône : 545 communes, dont 445 ont moins de 500 habitants. Pour celles-ci, une prime de 20 % ne changera rien. Mettez-vous à la place du maire d'une commune de 200 habitants dans le nord du département, à qui vous annoncez qu'on va fusionner la région, supprimer le conseil général, son seul interlocuteur, qu'on va constituer des communautés de communes d'au moins 20 000 habitants, lesquelles devront donc s'étendre sur des dizaines et des dizaines de kilomètres. Il ne manque plus qu'une élection directe des conseillers communautaires, et c'est une dissolution véritable, à défaut d'une autre. (Applaudissements sur les bancs UMP, UDI-UC et RDSE)

Des dispositions telles que la réforme des règlements scolaires sont applicables dans les zones urbaines, pas dans les zones rurales... Face à l'inquiétude des petites communes, il faut éviter que la représentation démographique ne prenne le pas sur les accords amiables qui expriment la bonne volonté des élus locaux. J'espère que ce texte entraînera un sursaut de réalisme et de sagesse en faveur des territoires ruraux... (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et UMP)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. (On s'en étonne et s?en félicite sur les bancs UMP)

L'amendement n°6 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Joyandet.

Alinéa 5, cinquième phrase

Remplacer les mots :

d'un cinquième

par les mots :

de 20 % par rapport

M. Alain Joyandet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du RDSE

Alinéa 5, cinquième phrase

Remplacer le mot :

cinquième

par le mot :

quart

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement a pour objet de sortir du tunnel des plus ou moins 20 %. Totalement arbitraire, il a des conséquences de plus en plus insupportables pour nos collectivités territoriales. Il est temps que le Sénat de la République, représentant des collectivités territoriales, dise qu'il n'en veut pas. Ce n'est ni la Constitution, ni une loi.

Ce n'est pas une révolution mais une évolution tout à fait sage que je propose avec cet amendement.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement de M. Joyandet. L'amendement de M. Mézard rompt l'égalité avec les communes auxquelles reste imposé ce tunnel de 20 %. Avis défavorable.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - C'est bien dommage !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis favorable à l'amendement de M. Joyandet. (Nouvelles manifestations d'heureuse surprise sur les bancs UMP) Je suis déterminé à être le plus consensuel possible.

Pour celui de M. Mézard, c'est plus compliqué... Il ne concerne que les petites communes, pour lesquelles il pourrait avoir un effet contraire à celui que souhaite le président Mézard. Le Gouvernement est sceptique sur sa capacité à atteindre son objectif, que nous partageons. Avis défavorable.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - À regret.

M. Alain Richard, co-auteur.  - L'amendement du président Mézard ne se situe pas à l'endroit du texte qu'il vise. La surreprésentation peut être d'un siège et la sous-représentation de 20 %. Il existe cependant un petit effet de seuil : lorsqu'une commune échoue de peu à obtenir un siège au quotient, mais s'en voit conférer un d'office, alors, compte tenu de l'augmentation du nombre total de sièges, elle peut souffrir de sous-représentation. Le seuil de 25 % la désavantagerait.

Si vous voulez élargir le tunnel - ce dont je me garderais - c'est un autre passage qu'il faut amender.

L'amendement n°7 rectifié est adopté.

L'amendement n°1 rectifié bis n'a plus d'objet.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Guené et Leleux.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le neuvième alinéa de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette disposition s'applique, le cas échéant, pour la désignation du conseiller suppléant. »

M. Jean-Pierre Leleux.  - Cet amendement précise les modalités de désignation du conseiller communautaire suppléant lorsqu'à la suite d'une nouvelle élection des conseillers communautaires, une commune voit le nombre de ses représentants abaissé à un.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Vrai sujet, mais sa complexité est excessive au regard de la brièveté des délais dont nous disposons. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Il y a en effet une ambiguïté entre le code électoral et le CGCT. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Je comprends que la matière est assez complexe. Je le retire.

M. Alain Richard, co-auteur.  - L'article L. 5211-6-2 du CGCT résulte du code électoral. Des fusions amiables se préparent, une vague de regroupements arrivera d'ici à la fin de 2015. Il faut bien prévoir un dispositif. M. Leleux met en évidence un blanc dans le dispositif ; il a tout à fait raison. Sans doute trouverons-nous d'autres imperfections qu'il faudra corriger. Gardons le sujet en réserve, pour avoir une vision d'ensemble.

L'amendement n°10 rectifié est retiré.

ARTICLE 2

M. Jacques Mézard .  - Je signale à M. le ministre qu'il y a un problème dans de nombreuses communes de moins de 1 000 habitants, où le premier adjoint a démissionné pour devenir conseiller communautaire suppléant. Le préfet estime que c'est illégal, et que les élus n'auraient pas le droit de démissionner.

M. Alain Richard, co-auteur.  - Ils ne peuvent quitter leur mandat communautaire.

M. Jacques Mézard.  - Un suppléant doit suppléer ! On est face à une absurdité qui, une fois de plus, va à l'encontre de l'expression démocratique. Je vous suggère, monsieur le ministre, vu nos excellentes relations, de chercher une solution rapidement.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, les conseils communautaires des communautés de communes et d'agglomération constitués ou dont la composition est modifiée entre le 20 juin 2014 et la promulgation de la présente loi peuvent être modifiés conformément à l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la présente loi.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - L'amendement clarifie l'application de la déclaration d'inconstitutionnalité.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Guené et Leleux.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

dans les six mois suivant sa promulgation

par les mots :

jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux et communautaires

M. Jean-Pierre Leleux.  - La proposition de loi limiterait aux six mois suivant sa promulgation l'utilisation de cette nouvelle forme d'accord local. Mon amendement est peut-être superfétatoire.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis favorable à l'amendement de la commission.

M. Alain Richard, co-auteur.  - La nouvelle rédaction s'appliquera à tout renouvellement d'un conseil communautaire. En cas de contentieux, si l'affaire va en appel, le Conseil d'État, n'étant tenu par aucun délai, ne devrait pas se prononcer avant avril, voire juin 2015.

Nous considérons qu'en cas d'annulation, les communes retrouvent le droit à l'accord local. Nos débats feront foi sur ce point.

L'amendement n°11 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Joyandet.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

des populations légales en vigueur

par les mots :

correspondant aux populations municipales authentifiées par le plus récent décret publié en application de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité

M. Alain Joyandet.  - Défendu.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Retrait ou rejet.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Milon.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le mandat des délégués désignés suivant un accord local, conclu avant le 20 juin 2014, se poursuit jusqu'à son terme sauf lorsque l'ensemble des opérations électorales tendant à la désignation des membres du conseil communautaire est contesté devant la juridiction administrative.

M. Alain Milon.  - Il est donc proposé un amendement aux fins de sécurité juridique des élections municipales et communautaires telles qu'issues de la loi du 17 mai 2013, leur conférant un caractère politique et consacrant ainsi le suffrage universel.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

M. Alain Richard, co-auteur.  - Cet amendement n'est pas raisonnable !

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur, co-auteur .  - Il est très important que cette proposition de loi puisse être adoptée dans des conditions qui évitent tout risque d'annulation, laquelle ferait peser une nouvelle insécurité sur toute l'intercommunalité française. Cette proposition de loi s'appliquera à toutes les intercommunalités, rurales ou urbaines. Si le Sénat redit qu'il représente l'ensemble du territoire de la République, il est le Sénat des campagnes, des villes, des banlieues, des quartiers en déshérence. Il y a dans le monde rural comme dans le monde urbain des communes qui vont mieux que d'autre. Nous représentons l'ensemble des collectivités locales.

Je me réjouis que chacun ait réitéré son attachement aux accords locaux. Je rappelle qu'en 2010, nous fûmes un certain nombre à nous battre beaucoup pour que subsistent ces accords entre communes. Il s'agit bien de restaurer l'accord local, avec réalisme, en prenant en compte l'ensemble des territoires de notre pays.

M. Marc Laménie .  - Aucun texte n'est parfait. Celui-ci a le mérite d'exister. Oui, il concernera l'ensemble des territoires. Le respect de la démocratie est fondamental, de même que le souci de simplifier les liens entre les communes et les intercommunalités, quelle que soit leur taille. Les petites intercommunalités ont aussi leur légitimité, leurs compétences. Soutenons-les ici.

Mme Jacqueline Gourault .  - Chacun rappelle la diversité du territoire français ; il en découle la nécessité des accords locaux. Ce texte doit être très vite inscrit à l'Assemblée nationale. Le ministre chargé des relations avec le Parlement doit s'en soucier très rapidement. Il y a urgence.

M. René Vandierendonck.  - Très bien !

L'ensemble du projet de loi est adopté.

M. Bernard Cazeneuve, ministre .  - Je remercie les sénateurs Richard et Sueur, Mme la rapporteure, le président de la commission des lois, l'ensemble des sénateurs qui ont pris part à ce débat. Un texte qui a nécessité un travail juridique aussi approfondi doit faire l'objet de la plus grande prudence. Nous veillerons à ce qu'il soit inscrit le plus vite possible à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Très bien !