SÉANCE

du mardi 18 février 2014

73e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaire : M. Hubert Falco.

La séance est ouverte à 09 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.

Notion d'« administrateur intéressé »

M. Roland Ries .  - L'article L. 225-38 du code de commerce dispose qu'un « administrateur intéressé » à une convention réglementée ne peut participer au vote de cette dernière par le conseil d'administration d'une société d'économie mixte. La doctrine considère que l'administrateur exclu ne peut être compté ni dans le calcul du quorum ni dans celui de la majorité. La loi ne prévoyant pas de nombre minimum de votants, un administrateur peut donner l'autorisation à lui seul si tous les autres administrateurs sont frappés d'exclusion en vertu de l'article L. 225-40.

L'application de cette règle, dans le cas d'une société d'économie mixte, aboutit à des situations absurdes. Les sociétés d'économie mixte sont créées pour répondre aux besoins des personnes publiques qui en sont membres. Or il arrive que le partenaire privé ou le représentant de la Caisse des dépôts et consignations soient les seuls à pouvoir voter sur certaines conventions, les représentants des collectivités étant considérés comme intéressés.

La définition d'« administrateur intéressé » doit-elle s'appliquer au sens strict ? Les règles de vote au sein des conseils d'administration des sociétés d'économie mixte ne devraient-elles pas être différentes des règles applicables à tous les conseils d'administration ?

J'ai déjà posé cette question écrite le 24 janvier 2013 ; j'ai relancé le gouvernement le 20 septembre 2013. J'attends votre réponse avec beaucoup d'intérêt.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Moscovici, retenu à Bruxelles.

Les sociétés d'économie mixte sont soumises au droit commun des sociétés anonymes. Ainsi, dans l'hypothèse d'une convention avec une collectivité territoriale actionnaire à plus de 10 %, les dispositions des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce sont applicables : les administrateurs intéressés ne peuvent pas participer au vote, et cela vaut aussi pour les représentants des personnes publiques actionnaires. Toutefois, ce cas de figure ne se rencontre que lorsqu'une seule collectivité territoriale est membre d'une société d'économie mixte au côté d'un actionnaire privé minoritaire. Enfin, l'article 215-39 précise que cette règle n'est pas applicable aux conventions portant sur des opérations courantes.

M. Roland Ries.  - Je crains que cette réponse ne résolve pas la situation absurde que je connais à la société d'économie mixte des transports de Strasbourg : un seul administrateur peut voter.

Certes, les sociétés d'économie mixte sont de droit privé mais ce sont en fait des outils des collectivités locales.

Fiscalité des chantiers de LGV

M. Michel Boutant .  - Les travaux actuellement en cours sur la ligne Tours-Bordeaux, qui concernent très largement la Charente et la Charente-Maritime, impliquent l'installation de chantiers temporaires. Les sociétés intervenantes sont, en théorie, soumises à la Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Or il est difficile de dresser la liste des entreprises qui participent aux travaux et donc de procéder à la répartition de la CVAE.

Un problème analogue se pose pour l'imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux : les communes concernées cherchent à savoir qui doit s'acquitter des taxes sur les transformateurs implantés sur la ligne Sud-Europe-Atlantique.

La taxe professionnelle supposait une imposition foncière des entreprises installées pour des chantiers temporaires d'une durée supérieure à trois mois. Les collectivités ne savent pas si ce principe est repris et, si tel est le cas, selon quelles modalités, dans le cadre de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - En lieu et place de M. Moscovici toujours, voici la réponse que peut vous apporter le Gouvernement.

Depuis le 1er janvier 2000, la taxe professionnelle a été remplacée par la CFE et la CVAE. Les chantiers mobiles ne dérogent pas aux règles du droit commun, c'est-à-dire aux dispositions des articles 1467 et 1473 du code général des impôts. Si une entreprise dispose pendant la période de référence d'un bien passible d'une taxe foncière sur les propriétés bâties pour les besoins de son activité professionnelle, elle sera redevable d'une CFE établie dans la commune de situation du bien concerné. S'agissant des chantiers mobiles et des bases de génie civil temporaires lors de la construction des lignes à grande vitesse, leur imposition à la CFE ne déroge pas aux règles de droit commun. Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que les chantiers, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Selon le III de l'article 1586 octies du CGI, la CVAE est due pour des travaux de trois mois dans la commune où le contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois consécutifs. Lorsque le contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois dans plusieurs communes, la valeur ajoutée est imposée dans chacune de ces communes et répartie entre elles au prorata, pour le tiers, des valeurs locatives des immobilisations imposées à la CFE et, pour les deux tiers, de l'effectif qui y est employé. Si les salariés exercent leur activité dans plusieurs établissements ou lieux d'emploi, ils sont déclarés par l'entreprise dans celui où la durée est la plus élevée.

Les transformateurs assurant l'alimentation du réseau ferré ne relèvent pas des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité au sens du code de l'énergie. Ils ne sont donc pas assujettis à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux.

J'espère avoir été clair. (Sourires)

Brigade des douanes de Gap

M. Claude Domeizel .  - Une menace pèse sur la brigade des douanes de Gap, dans les Hautes-Alpes. Cette brigade, qui lutte contre des trafics d'ampleur internationale et nationale mais également contre la délinquance locale, est très appréciée dans les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence. Si son existence était remise en cause, disparaîtrait tout contrôle douanier sur trois cents kilomètres de frontières. Je ne puis l'admettre.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - M. Moscovici n'est toujours pas revenu de Bruxelles...

La direction des douanes s'est récemment dotée d'un projet stratégique jusqu'en 2017, qui s'inscrit dans la démarche de modernisation de l'action publique. L'adaptation du réseau des douanes a vocation à se poursuivre. Mais la brigade de Gap n'est absolument pas menacée, vu l'ampleur des enjeux locaux. Vous pouvez être pleinement rassuré !

M. Claude Domeizel.  - Ma réponse sera aussi brève que ma question : merci. Nous voyons trop souvent les services publics quitter nos territoires alpins.

Sécurité dans le Val-de-Marne

M. Christian Favier .  - Les récentes statistiques sur la sécurité sont encourageantes. Toutefois, 86 669 infractions reste un chiffre élevé, les cambriolages sont en hausse de 62 % depuis 2008. Nous n'oublions pas l'important recul des effectifs de la Police nationale imposé par le gouvernement précédent. La récente promotion de 118 nouveaux gardiens et gradés ne compense pas les 164 départs en 2013 dans le Val-de-Marne. La situation de Villejuif est particulièrement préoccupante : en zone urbaine sensible, cette commune de 60 000 habitants n'est toujours pas dotée d'un commissariat de plein exercice, mais est incluse dans une circonscription de police de 150 000 habitants. Les élus vous demandent un redécoupage des circonscriptions de police.

Je souligne les résultats positifs de la seule zone de sécurité prioritaire du Val-de-Marne, située dans le quartier du Bois-l'Abbé à Champigny-sur-Marne. Le renforcement des effectifs de police a joué un rôle important dans l'amélioration de la situation. Cette commune souhaite un élargissement de cette zone de sécurité prioritaire au quartier sensible des Mordacs qui lui est contigu, en souhaitant que des villes comme Orly, Valenton ou Villeneuve-Saint-Georges puissent rapidement bénéficier des mêmes dispositions.

À quand le droit à la tranquillité dans le Val-de-Marne ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - Je revêts avec plaisir le costume de M. Valls, après celui de M. Moscovici. La RGPP a fait des dégâts, avec la destruction de 13 700 postes entre décembre 2007 et décembre 2012. Des territoires entiers ont été abandonnés. Sous la présidence de M. Sarkozy, le Val-de-Marne a perdu 6 % de ses effectifs, Paris 11 % et les Hauts-de-Seine 8 %.

C'est à cette situation que notre Gouvernement s'attaque. Tous les départs à la retraite sont désormais compensés, et 500 nouveaux postes créés chaque année : 2 045 gardiens de la paix doivent être recrutés. 983 sortent de l'école.

Grâce aux efforts conjugués des forces de l'ordre, les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont diminué de 3,7 %, les atteintes non crapuleuses de 8,2 %, et la hausse des cambriolages a été contenue. C'est l'effet de notre stratégie globale.

Les zones de sécurité prioritaire, elles aussi, portent leurs fruits. À Champigny-sur-Marne, depuis sa création, 4 kilogrammes de cannabis ont été saisis ainsi que 126 000 euros d'avoirs liés au trafic de drogue ; les vols avec violence ont diminué de 47 %, les atteintes volontaires à l'intégrité physique de 46 %, les atteintes aux biens de 20 %. Mais, dans l'esprit du ministre de l'intérieur, pour être efficaces, les zones de sécurité prioritaire doivent être sélectives. Il n'est pas question pour le moment d'en créer de nouvelles dans le Val-de-Marne.

M. Christian Favier.  - La question est celle de l'extension de la ZSP de Champigny-sur-Marne à un quartier voisin qui le nécessite.

Limitations de vitesse

M. Gilbert Roger .  - Le comité des experts du conseil national de la sécurité routière préconise une baisse de 90 à 80 kilomètres heure des limitations de vitesse sur le réseau routier. Selon lui, une telle mesure épargnerait 350 à 400 vies chaque année, si elle s'appliquait sur l'ensemble du réseau concerné. La réalité est sans doute plus complexe : la vitesse excessive n'est qu'un facteur parmi d'autres.

Quel serait le coût d'une telle mesure pour l'État et pour les collectivités territoriales ? Celles-ci auraient la charge de modifier les panneaux de signalisation...

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - Une baisse de 11 % de la mortalité routière l'an dernier, c'est historique ! Toutefois, nous ne pouvons nous satisfaire qu'il y ait encore 3 250 tués et 70 000 blessés sur les routes. Il faudrait ramener le nombre de tués à 2 000 d'ici 2020.

La vitesse explique 25 % des accidents mortels. M. Valls a réinstallé le conseil national de la sécurité routière qui ne s'était pas réuni depuis 2008. Son comité d'experts a présenté le 29 novembre une proposition de stratégie pour réduire encore le nombre d'accidents. Parmi les quatre premières pistes d'action figure l'abaissement de la limitation de vitesse de 90 à 80 kilomètres sur les routes sans séparateur central. Le comité des experts estime que l'on épargnerait ainsi chaque année entre 210 et 400 vies. Les différentes commissions du conseil national de la sécurité routière sont en train d'examiner et de débattre des différentes pistes suggérées par le comité des experts.

Au vu de ses propositions, le ministre lancera des expérimentations en étroite concertation avec les conseils généraux et les préfets. La question des coûts sera évidemment examinée de près. Aucune piste ne doit être négligée pour améliorer la sécurité routière.

M. Gilbert Roger.  - Quelques informations supplémentaires pour la connaissance du ministère de l'intérieur. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les praticiens en traumatologie du CHU de Rennes. Ils constatent que les accidentés qu'ils ont soignés roulaient certes à une vitesse excessive mais du fait de leur consommation d'alcool ou de produit stupéfiant. Or les gendarmes ont mis la vitesse au premier rang. Il faudrait pour le moins que l'on s?entende sur les méthodes d'analyse des accidents.

SMA à Wallis et Futuna

M. Robert Laufoaulu .  - Le service militaire adapté (SMA), lancé en 1961 aux Antilles, est un dispositif de réinsertion. Son succès est réel : étendu à tous les départements d'outre-mer, trois jeunes sur quatre trouvent un emploi à la suite d'un SMA.

Wallis et Futuna est l'un des seuls territoires à ne pas disposer d'un tel dispositif. En 2008, cela avait été envisagé. Les premières délégations de crédit devaient intervenir en 2010, après des cessions de terrain en 2009 ; hélas, le projet a été gelé.

Monsieur le ministre, je connais votre attachement au SMA, votre budget en témoigne. Je connais aussi votre bienveillance envers notre territoire. Alors que l'on envisage le doublement des effectifs « SMA  6 000 », j'espère de tout mon coeur que vous entendrez les jeunes de Wallis et Futuna.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer .  - Oui, j'ai appris à aimer Wallis et Futuna ; j'y retournerai bientôt pour la troisième fois. Le SMA, qui comprend sept antennes, accueille des jeunes en grande difficulté, avec 38 % d'illettrés et 70 % de jeunes n'ayant pas le brevet des collèges. En 2013, le SMA a accueilli dans l'ensemble des outre-mer 5 400 jeunes, dont les trois quarts eux ont été réinsérés. Les jeunes de Wallis et Futuna sont accueillis en Nouvelle-Calédonie ; ils sont une vingtaine chaque année. Leur sortie est positive à 83 %.

La création d'un détachement du SMA à Wallis et Futuna a été envisagée dès le début des années 2000 avec un objectif de 50 stagiaires. Il ne s'est pas concrétisé pour des raisons financières, comme à Saint-Martin.

Pour qu'il voie le jour, deux conditions doivent être remplies : de nouveaux moyens, une offre significative de formation. Je resterai attentif à ce que les jeunes de Wallis et Futuna bénéficient du SMA en Nouvelle-Calédonie. Le projet n'est pas abandonné, il est différé.

M. Robert Laufoaulu.  - Merci de cette réponse. Le SMA est très prometteur, il facilite l'intégration rapide des jeunes dans l'emploi. J'ai visité le centre de Koumac, il est très intéressant. Reste que manque l'équivalent à Wallis et Futuna.

La séance, suspendue à 10 h 10, reprend à 10 h 20.

Accessibilité des cabinets médicaux

Mme Catherine Procaccia .  - Depuis le 1er janvier 2007, les nouveaux cabinets médicaux doivent répondre aux exigences de la loi du 11 février 2005 et être équipés d'aménagements spécifiques pour l'accès des personnes handicapées. Les arrêtés du 1er août 2006 et du 30 novembre 2007 précisent quels sont les équipements obligatoires. La mise en conformité des cabinets médicaux existants a été fixée au 1er janvier 2015. Elle entraînera des travaux souvent importants, difficiles dans les locaux anciens et, surtout, dans les immeubles collectifs.

Le professionnel de santé devra-t-il en supporter seul le coût ? Il est prévisible que les copropriétaires refusent de contribuer à financer un aménagement qui ne s'impose qu'à un seul occupant. En ville, de nombreux cabinets médicaux sont installés à l'étage, dans des immeubles sans ascenseur et où il est impossible d'en installer un. Certains cabinets pourraient obtenir des dérogations a-t-on entendu. Une liste précise de ces dérogations existe-t-elle ? Si oui, quelle est-elle ?

Il existe un risque de fermeture anticipée de certains cabinets. Compte tenu des dépenses considérables et des contraintes des copropriétés, des praticiens proches de l'âge de la retraite évoquent déjà leur départ, après lequel ils ne trouveront sans doute pas de successeur.

À un an de la mise en application de ces normes, ne faut-il pas envisager une communication spécifique en direction des professionnels de santé ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Carlotti, qui participe justement à une concertation sur l'accessibilité.

Le Gouvernement ne crée pas de nouvelles obligations, mais est confronté au fait que la loi de 2005 n'a pas été portée politiquement par la précédente majorité. Cette loi prévoit des dérogations, notamment pour les immeubles classés et les cas où les coûts sont manifestement excessifs par rapport aux bénéfices attendus. Un guide destiné aux professionnels de santé est consultable en ligne sur le site de l'Observatoire interministériel de l'accessibilité, je vous invite à encourager les professionnels à le consulter.

Au printemps prochain, un projet de loi sera déposé, autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur l'adaptation des normes à tous les types de handicap et sur les agendas d'accessibilité programmée : les gestionnaires d'établissements recevant du public ne s'étant pas encore mis en conformité avec la loi devront s'engager sur un calendrier, échappant ainsi au risque pénal.

Mme la sénatrice Campion, présidente de l'Observatoire, poursuit les consultations. J'en appelle à la responsabilité de chacun : pas de société inclusive sans cabinets médicaux accessibles !

Mme Catherine Procaccia.  - Si j'ai bien compris, nous en saurons plus au printemps prochain. Les médecins signeront des « agendas d'accessibilité programmée », que je découvre. Je me rapprocherai de Mme Campion pour en savoir plus.

La visite à domicile n'est-elle pas une autre solution pour donner à tous l'accès aux soins ? On pourrait faire en sorte que, pour les handicapés, le déplacement du médecin soit remboursé sur la même base qu'une visite au cabinet médical.

J'insiste car, dans le Val-de-Marne, il y aurait 15 à 20 % de cabinets médicaux non accessibles, sachant que, dans ce département aussi, la désertification médicale progresse.

Institut pour enfants autistes à Saint-André-le-Puy

M. Bernard Fournier .  - Je comprends mal que par un arrêté du 10 décembre 2013, le directeur général de l'agence régionale de santé n'ait pas retenu le projet d'institut médico-éducatif de vingt places pour enfants autistes à Saint-André-le-Puy qui avait l'avis favorable, depuis de nombreuses années, des services de l'État, des services du conseil général de la Loire et un avis très positif de son prédécesseur.

Après examen par ses services, Mme Bachelot-Narquin avait qualifié ce dossier d'exemplaire. Elle avait même demandé, dans une lettre de mars 2012, au directeur général de l'ARS d'autoriser la création de cet institut et prévu un financement exceptionnel de 1 200 000 euros par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Mme Valérie Létard appuyait ce projet avec force et conviction.

Le travail de plusieurs années est remis en cause ; je ne peux pas accepter que certains dysfonctionnements de l'État pénalisent les enfants. Je suis abasourdi devant la réponse du directeur de l'ARS Rhône-Alpes, d'ailleurs limogé la semaine dernière. Il m'a écrit qu'il n'avait pas connaissance du courrier de mars 2012 de Mme Bachelot-Narquin !

Je ne peux accepter non plus que l'abondement attribué à ce projet soit transféré à un autre, celui des Liserons à Saint-Chamond, structure qui se créera désormais à Saint-Étienne. Enfin, et c'est le comble, l'ARS demande à l'association ABA de se rapprocher de l'association Les Liserons pour s'arranger avec elle.

Revenir sur la parole et les écrits d'un ministre, c'est mettre en question les engagements de l'État. Les élus et les familles sont exaspérés par la façon dont les services de l'État ont traité leur dossier.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - La loi HPST définit la procédure s'appliquant à toutes les créations d'établissements médico-sociaux. Le principe de continuité de l'État impose au Gouvernement de la respecter.

La notification de la CNSA du 4 octobre 2012 attribue une enveloppe de 1,2 million d'euros à la création d'un IME pour enfants autistes dans la Loire. La commission de consultation n'a pas retenu le projet de Saint-André-le-Puy. Qu'aurait-on dit si le Gouvernement était passé outre ? La direction générale de l'ARS a recherché une solution consensuelle. Ce qui importe aux enfants autistes et à leur famille, c'est qu'un institut voie le jour dans la Loire. Le deuxième plan autisme s'accompagne d'un effort inédit de 205 millions d'euros.

M. Bernard Fournier.  - Je ne suis me satisfaire de votre réponse. Le projet de Saint-André-le-Puy est prêt, le terrain est disponible, un bail emphytéotique a été conclu, ce qui n'est pas le cas du projet des Liserons. Les enfants autistes devront encore attendre des années.

Rappelons que la France a été pointée du doigt à ce sujet par le Conseil de l'Europe.

Accès à la santé dans le Nord

Mme Delphine Bataille .  - Le Gouvernement s'est engagé dans la lutte contre les déserts médicaux, enjeu essentiel pour toute la région Nord-Pas-de-Calais, qui se traduit par un avenant au programme régional démographique des professions de santé arrêté le 7 juin 2013. Mme Touraine a souligné ses effets positifs, car il reste beaucoup à faire. Nous manquons de généralistes, surtout en zone rurale, et le département reste confronté à des enjeux sanitaires et sociaux importants. Dans une région plus marquée que les autres par des inégalités, le Nord est confronté à des problématiques spécifiques importantes en termes de précarité, de handicap ou de dépendance. Ces disparités se traduisent par une espérance de vie la plus faible en France.

Les collectivités locales s'investissent depuis de nombreuses années dans les actions de prévention, avec le souci de résorber l'écart entre les indicateurs sanitaires régionaux et nationaux. L'accès aux soins ne peut se résumer à la densité de l'offre, compte tenu des inégalités patentes entre bassins de vie. Nous avions besoin d'une approche globale accompagnée d'une territorialisation des politiques publiques de santé.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Veuillez excuser Mme Touraine. Le Gouvernement s'est engagé dans la lutte contre les déserts médicaux avec le pacte territoire-santé qui, contrairement aux initiatives du précédent gouvernement, est constitué de douze engagements concrets et interagissant entre eux.

Les résultats sont là. En 2013, 180 praticiens territoriaux ont d'ores et déjà franchi le pas en s'installant dans un désert médical, leur nombre devrait être de 200 en 2014. Le dispositif sera étendu aux chirurgiens-dentistes l'an prochain. Cette année, 591 étudiants et internes se sont engagés à s'installer en zone sous-dotée en contrepartie d'une bourse ; la hausse est de 65 %.

L'accès aux soins d'urgence en moins de trente minutes sera une réalité pour un million de Français de plus dès 2014, grâce au développement de services équivalents au Samu qui passeront de 150 à 650. On peut également citer la réalisation de stages en médecine générale et la mise en place d'un correspondant à l'installation au sein de chaque ARS.

La même dynamique est à l'oeuvre dans le Nord : avec le recrutement de praticiens territoriaux - 28 contrats signés -, 31 maisons de santé dont 6 ouvriront bientôt et le développement de la télémédecine : un projet à Roubaix, un autre à Cambrai. Des actions de prévention sont aussi financées par l'ARS sur le cancer, les addictions, l'alimentation et la santé mentale. Mme Touraine est confiante. Sous ce Gouvernement, la lutte contre les inégalités dans l'accès aux soins est une réalité.

Mme Delphine Bataille.  - Dans le Nord, les facteurs sociaux pèsent davantage que la moyenne ; et les inégalités sont patentes entre le nord et le sud du département. Dans ce département très peuplé, les dépenses de solidarité sont élevées, et la région continue à investir : il ne faut plus attendre que quinze jours une IRM, au lieu de six mois il y a quelques années.

Il demeure cependant des inégalités territoriales ; Lille n'est pas la campagne. Il est difficile de trouver un généraliste dans certains villages. Faute de moyens, toutes les familles ne peuvent se déplacer. Le diagnostic et les remèdes doivent donc être adaptés aux réalités locales. L'intervention de l'État demeure fondamentale.

Modalités de désignation des directeurs des foyers départementaux de l'enfance

M. Bernard Cazeau .  - Le service de l'aide sociale à l'enfance a notamment en charge directe le soutien matériel, éducatif et psychologique des mineurs en danger sur l'ensemble de son territoire. Les foyers départementaux de l'enfance jouent ont un rôle essentiel dans le dispositif d'évaluation d'hébergement et d'orientation de ces mineurs.

Ces structures sont, le plus souvent, des établissements sans personnalité morale, intégralement financés par le budget annexe du département et administrés par une commission de surveillance nommée par le président du conseil général. En revanche, la direction de ces établissements relève toujours du pouvoir de nomination de l'autorité compétente de l'État, après avis consultatif du président du conseil général. En application des dispositions du code de l'action sociale et des familles et de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986, ce sont les directeurs d'établissements sanitaires et sociaux, relevant de la fonction publique hospitalière, qui ont vocation à être nommés à la tête de ces établissements.

Or, dans le cursus actuel de l'École des hautes études en santé publique (EHESP), l'enfance en danger n'est guère abordée, ce qui rend le poste peu attractif. Trois directeurs se sont succédé à la tête du Village de l'enfance de Dordogne en cinq ans. Réserver ces postes à un corps ayant essentiellement une formation sanitaire et gestionnaire n'est pas adapté avec la nécessité d'assurer aux équipes éducatives de terrain un appui et un pilotage éclairés.

Le Gouvernement entend-il proposer des modifications réglementaires ou législatives ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Le conseil général donne un avis avant toute nomination. Il demeure que la nomination à ces postes relève de l'État, ce qui paraît peu adapté en cas de défaut de candidats issus de l'EHESP.

Le Gouvernement explore deux pistes : un volet spécialisé dans la formation dispensée dans les EHESP ; et la possibilité de procéder à des détachements entre corps de même niveau ou à des nominations au tour extérieur après examen individuel des candidatures.

M. Bernard Cazeau.  - Je prends acte de votre volonté de résoudre le problème, et resterai vigilant.

Accès aux soins médicaux dans l'Essonne

M. Jean-Luc Fichet .  - Je remplace Mme Campion, mais la question m'intéresse de près.

En Essonne, comme partout sur le territoire national, on constate des inégalités en matière d'accès aux soins et de répartition des professionnels de santé. Une étude du conseil général a établi qu'un sud-Essonnien sur quatre rencontre des difficultés pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste, un sur deux chez un spécialiste ; pire, un sur cinq renoncerait à se soigner.

Les médecins qui ont choisi d'exercer dans ces zones sinistrées font face à une surcharge de travail, surcharge qui touche les praticiens de cinq cantons sud-Essonniens sur sept. L'ARS d'Ile-de-France a identifié trois zones d'intervention prioritaires, quand l'avenir laisse augurer une aggravation de la situation. D'autres données indiquent que dans bon nombre de communes, la relève n'est pas assurée. Le secteur perd en effet, proportionnellement, davantage de médecins que la région. L'Ile-de-France peine à retenir les médecins qu'elle forme.

Conséquence, les Essonniens s'en remettent aux services d'urgence hospitaliers dont ils louent la qualité et les compétences du personnel, mais des incertitudes pèsent actuellement sur le maintien de certains services, notamment à Arpajon.

Le Gouvernement a pris le problème à bras-le-corps avec le pacte « territoire santé » ; douze mesures, fondées sur la mobilisation et l'incitation des professionnels de santé, sont destinées à la résorption des déserts médicaux. Les objectifs sont clairs : changer la formation et faciliter l'installation des jeunes médecins, transformer les conditions d'exercice des professionnels de santé et investir dans les territoires isolés.

Mme Campion vous demande de lui indiquer les mesures mises en oeuvre en Essonne dans le cadre de ce pacte.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Merci d'avoir souligné notre combat contre les déserts médicaux avec le pacte territoire santé dont nous venons de célébrer le premier anniversaire. La dynamique du pacte est bien engagée. Dans l'Essonne, trois contrats de praticiens territoriaux de médecine généraliste ont été conclus en 2013, deux à Méréville et un à Vigneux. L'accompagnement des médecins est renforcé avec des permanences locales organisées par l'ARS. Cinq maisons et pôles de santé pluridisciplinaires ont ouvert leurs portes, dont une à Forge-les-Bains en novembre 2013. Trois projets sont à l'ordre du jour parmi lesquels un en territoire déficitaire.

Vous avez évoqué la situation de certains établissements hospitaliers du département. Dans le pacte, l'engagement n°11 vise à renforcer la coopération entre établissements. Je suis confiante sur l'évolution de la situation.

M. Jean-Luc Fichet.  - Merci de cette réponse précise, que je transmettrai à Mme Campion. Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire, car la moyenne d'âge des généralistes est de 56 ans. Les problèmes doivent aussi être appréhendés au niveau infra-départemental.

Législation sur le vin

M. Christian Bourquin .  - Le prochain projet de loi de santé publique devrait comporter des mesures sur le commerce du vin. Parmi les mesures redoutées l'interdiction de parler positivement du vin dans les médias, une taxation plus sévère ou encore un renforcement des mentions sanitaires sur les étiquettes.

Si je salue la volonté du Gouvernement de renforcer les mesures de santé publique, je ne puis soutenir une législation qui ferait du vin un produit néfaste pour la santé. Ce n'est pas le vin, symbole du patrimoine gastronomique français, qui doit être combattu, mais sa consommation excessive. Cela doit apparaître clairement. Comment apprécier en famille ou entre amis une bonne bouteille où il serait écrit : « le vin tue » ? Les mesures applicables au tabac ne sont pas transposables. Seule la consommation excessive d'alcool tue...

Les conséquences économiques de mesures inconsidérées seraient graves. Le chiffre d'affaires annuel de la filière en Languedoc-Roussillon, production et négoce inclus, s'élève à plus de trois milliards d'euros, soit 20 % des exportations de la région. C'est une activité cruciale pour notre territoire qui compte environ 3 000 entreprises vitivinicoles, 25 000 producteurs et 240 coopératives. Un juste équilibre doit être trouvé.

M. le président.  - Je m'associe volontiers à cette question.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Soyons clairs : la filière viticole joue un rôle crucial pour notre économie et contribue à l'excédent de notre balance commerciale agro-alimentaire. Le vin est un fleuron de notre gastronomie, qui a participé au classement de la cuisine française au patrimoine mondial de l'humanité.

Le Gouvernement mène une politique de prévention. Ce n'est pas la consommation de vin que nous combattons, mais son excès. Sur la prévention du cancer, des addictions et la mortalité routière, il faut être ferme car il s'agit aussi de la vie des autres.

Nous continuerons donc à lutter contre l'abus d'alcool tout en soutenant la filière viticole : c'est pourquoi nous n'avons pas touché à sa fiscalité ni à l'encadrement de la publicité.

M. Christian Bourquin.  - Tordez le cou à cette rumeur malsaine et persistante ; c'est votre responsabilité de ministre. Les exportations de vin du Languedoc-Roussillon sont en progression de 7 % cette année, quand les autres exportations diminuent ; nous tenons bon.

Éclaireurs de France

Mme Mireille Schurch .  - Le président de la République a fait de la jeunesse une de ses priorités, le ministre de l'éducation nationale défend l'école républicaine, le Premier ministre prône l'engagement associatif. Or l'association des éclaireuses et éclaireurs de France porte une tradition fortement liée à l'idéal républicain. Elle est ouverte à tous, sans distinction d'origine, de situation sociale ou de conviction philosophique et religieuse. La réduction annoncée de 50 % de son financement remet en cause les interventions de ce mouvement, notamment celles au sein des écoles comme la formation des délégués de classe ou l'accueil de classes transplantées. Elle empêchera également sa participation auprès de nombre de collectivités locales au projet de refondation de l'école, qui tient à coeur à M. le ministre Peillon.

Je crois savoir que les baisses de subventions aux associations signant une convention pluriannuelle d'objectifs n'excèdent pas en général 10 %. Les éclaireurs sont prêts à faire des efforts, mais cette amputation de moitié de leur financement public est incompréhensible.

Il serait étonnant qu'un gouvernement de gauche mette en cause cette association centenaire du scoutisme laïc qui est la seule à disposer de cette force bénévole. Ces arbitrages seront-ils revus ? Vous engagerez-vous sur une convention pluriannuelle plutôt qu'annuelle ?

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Je vous prie d'excuser M. Peillon. Le Gouvernement partage les valeurs de la laïcité, de démocratie, d'ouverture aux autres, de solidarité, qui sont celles de l'Association des éclaireuses et éclaireurs de France. Il apprécie son engagement dans la réforme des rythmes scolaires : je sais le rôle du centre de la Planche, dans un territoire que vous connaissez bien, dans l'accueil des classes de découverte, les séjours et les camps de vacances.

À l'heure du redressement budgétaire, nous devons trouver le juste équilibre pour faire fonctionner au mieux l'école de la République. Dans le cadre de la négociation de la future convention, le ministère veut donner la priorité aux actions regardant l'école. Les dirigeants des éclaireurs ont été reçus à plusieurs reprises rue de Grenelle, et le principe de la reconduction d'une convention pluriannuelle a été acté, signe de notre soutien.

Le Gouvernement agit pour que les associations puissent assurer au mieux leurs missions, tout en tenant compte des contraintes budgétaires qui s'imposent à tous.

Mme Mireille Schurch.  - Je note que la convention pluriannuelle d'objectifs sera reconduite. Vous donnez priorité aux activités de nature scolaire : les éclaireurs devront encore renforcer les leurs à l'heure où ils sont sollicités pour la réforme des rythmes scolaires ! Il serait en outre regrettable de pénaliser une association qui emploie beaucoup de bénévoles, alors que le Gouvernement entend encourager le bénévolat.

Justice dans l'Eure

M. Hervé Maurey .  - Les cambriolages et vols à la tire progressent à la campagne autant qu'en zone urbaine ; la notion de sanctuaire rural n'existe plus, disait le directeur général de la Gendarmerie nationale...

Les forces de l'ordre font un travail remarquable avec ces moyens de plus en plus réduits, mais la justice n'engage aucune poursuite, et a fortiori ne prononce aucune peine... Je connais un délinquant qui n'a été condamné qu'à sa quinzième comparution !

Le lien entre la population et la justice est ainsi menacé, et les forces de l'ordre se découragent. On semble prendre plus soin des auteurs des infractions que des victimes. Le climat d'incompréhension et de défiance ne cesse de croître mais le Gouvernement ne semble pas prendre la mesure du problème. (M. Christian Cambon le confirme) Compte-t-il enfin réagir ?

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux. Évitons tout simplisme, n'opposons pas police et justice, traitons avec responsabilité ces sujets qui doivent nous rassembler plutôt que nous diviser.

Depuis la loi du 25 juillet 2013, la garde des sceaux n'est plus autorisée à adresser des instructions individuelles au parquet ni à interférer dans les procédures judiciaires. La circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 encourage les parquets à choisir une réponse ferme, juste et adaptée. Il faut privilégier les peines susceptibles d'être comprises et favorisant la réinsertion, tout en étant ferme lorsque la personnalité de l'auteur et la gravité des faits le justifient.

La garde des sceaux s'est en outre engagée à généraliser les bureaux d'aide aux victimes ; tous les tribunaux de grande instance en seront dotés en 2014.

Le prochain projet de loi de réforme pénale a pour objet de favoriser des peines réellement efficaces et individualisées dans leur prononcé et leur exécution, afin de renforcer la sécurité des Français, de faire baisser le nombre de victimes et de garantir la réinsertion des condamnés.

M. Hervé Maurey.  - Merci de votre amabilité, mais je regrette que le ministre chargé de l'agroalimentaire me réponde sur un tel sujet... Aucun simplisme dans ma question : j'ai cité des exemples concrets, qui montrent qu'on est bien loin d'une réponse « ferme et adaptée » à la délinquance.

Le projet de loi à venir a pour seul objet de remédier au manque de places en prison... Espérons que le Parlement l'améliorera.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

Création de valeur ajoutée dans la filière bois

M. Jean-Claude Lenoir .  - Par ma voix, ce sont les professionnels de la filière bois qui expriment leur inquiétude. En cause, l'exportation massive de grumes vers les pays tiers, notamment la Chine. Tout cela est à l'origine d'un formidable gâchis : gâchis de valeur ajoutée, gâchis écologique avec le transport en bateau, gâchis énergétique puisque nous nous privons d'une ressource précieuse, gâchis structurel, enfin, car les professionnels ne peuvent pas répercuter la hausse de 25 % des matières premières sur les prix.

L'Europe se défend mal quand le tiers des pays du G8 l'a fait, de même que les deux tiers des pays du G20. Monsieur le ministre, vous vous êtes doté d'un plan ambitieux pour la filière bois. Il y a pourtant urgence à agir.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif .  - Votre diagnostic est le bon : en amont, nous possédons la deuxième forêt d'Europe ; en aval, une industrie de la fabrication qui se restructure et, au milieu de la chaîne, des entreprises de scierie qui veulent se développer. Nous importons du parquet chinois fabriqué avec des grumes françaises, un comble !

D'où un ensemble de mesures prises avec le ministère de l'agriculture. Le renforcement des contrôles phytosanitaires et douaniers d'abord ; un plan de renforcement de la compétitivité des scieries françaises, ensuite : nous nous inspirons des Allemands pour développer la cogénération -  rachat de l'électricité produite à partir des déchets des scieries.

Nous ferons le point dans quelques semaines, quand les industriels nous auront rendu leur feuille de route ; ce sera l'occasion de rendre compte des avancées au Sénat, qui représente les territoires que nous associerons à cette demande.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Merci de vous être déplacé au Sénat pour me répondre. Hier soir, France 2 diffusait un reportage sur l'activité d'une entreprise suisse dans le Jura. Son directeur évoquait les lourdeurs de l'administration mais soulignait aussi un avantage, malheureusement méconnu : le prix de l'énergie qui est bas en France, grâce notamment à la filière nucléaire. Monsieur le ministre, nous comptons sur votre pugnacité...

M. Christian Cambon.  - Vous êtes bien seul !

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Pas du tout !

M. Jean-Claude Lenoir.  - ... pour faire valoir cet argument qui est notre grand atout compétitif.

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Lénine disait : le communisme, c'est le socialisme, plus l'électricité. Nous n'en sommes pas loin... Vous pouvez compter sur la pugnacité de tout le Gouvernement.

LGV Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon

M. Rémy Pointereau .  - La commission « Mobilité 21 », chargée de hiérarchiser les grands projets d'infrastructure, a préconisé de donner une place prioritaire à la rénovation du réseau existant et aux trains du quotidien. Dans le département du Cher, sont essentiellement concernées les lignes Bourges-Saint-Amand-Montluçon et Paris-Orléans-Limoges-Toulouse ; elles font partie des quarante liaisons classées trains d'équilibre du territoire et permettent une desserte fine du territoire. Leur modernisation préparera l'arrivée de la grande vitesse.

La commission a hiérarchisé les projets de LGV. Le POCL figure parmi les projets à réaliser à l'horizon 2030 ; le préfet de la région Auvergne a été désigné préfet coordinateur du projet. Quand RFF rendra-t-elle les études complémentaires ? Quid de l'observatoire de la saturation de l'axe Paris-Lyon ? Les collectivités territoriales, qui ont décidé l'union sacrée, y auront-elles une place ? Elles souhaitent aussi être du prochain comité de pilotage. La commission préconisait la mise en réserve de 2 milliards pour d'éventuels travaux ; où en est-on ? Le POCL en bénéficiera-t-il ?

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif .  - Je tâcherai de vous répondre de la manière la plus précise à cette question posée à M. Cuvillier. Vous êtes le président de l'association TGV Grand Centre Auvergne, et vous n'ignorez pas que le Gouvernement, à la suite de la commission « Mobilité 21 » a donné la priorité à la rénovation du réseau existant. Concernant la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, RFF lui a consacré 500 millions entre 2004 et 2016, puis prévoit un doublement de ses investissements dans les dix ans suivants.

La ligne Bourges-Saint-Amand-Montluçon est moins fréquentée ; les travaux d'amélioration figurent au contrat État-région 2014-2020 qui sera finalisé cet été.

Quant à la ligne POCL, la commission « Mobilité 21 » l'a classée parmi les priorités de deuxième rang, tout en considérant que les premiers travaux pourraient être entrepris avant 2030. Sur la base des travaux de l'Observatoire de la saturation de la ligne Paris-Lyon, nous espérons aboutir à un scénario unique.

M. Cuvillier souhaite une gouvernance resserrée autour des collectivités territoriales qui cofinancent et un dispositif de concertation élargi ; votre association sera évidemment consultée avant toute décision.

M. Rémy Pointereau.  - Merci de cette réponse. Notre association a cherché l'union sacrée entre les 5 régions, les 12 départements, les 34 parlementaires, les 210 collectivités... Les débats publics ont mobilisé 14 000 citoyens.

La région Grand Centre ne doit plus être l'oubliée de la grande vitesse, c'est une question de compétitivité et d'attractivité. La relance passe par des investissements structurants.

Apprentissage

M. Christian Cambon .  - Cette question est adressée au ministre du travail mais concerne aussi le ministre du redressement productif... Malgré les annonces du Gouvernement sur la lutte contre le chômage des jeunes, le nombre d'inscriptions en apprentissage a baissé en un an de 8 %. La France ne parvient pas à attirer les jeunes vers cette filière d'excellence, véritable passeport pour l'emploi -  70 % des apprentis entrent dans la vie professionnelle avec une formation et un diplôme.

Le président de la République a fixé des objectifs ambitieux, mais le Gouvernement ne se donne pas les moyens de les atteindre. Il superpose des dispositifs coûteux et inefficaces - emplois d'avenir, contrats de génération, catastrophique « garantie jeunes » - plutôt que d'encourager les entreprises à tendre la main aux jeunes. Après la réforme de la taxe d'apprentissage, voilà que l'on refuse de lancer la campagne de promotion de l'apprentissage - c'est le clou ! A quand une vraie valorisation de l'apprentissage ?

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Sapin. L'objectif de 500 000 apprentis en 2017 reste et demeure : l'apprentissage est l'une des priorités du pacte de compétitivité inspiré du rapport de Louis Gallois. La baisse de 8,1 % d'apprentis doit être relativisée : sur l'année scolaire, la seule significative, la baisse est en réalité de 2,5 %. Nous avons tous besoin de l'apprentissage.

Suivant les recommandations d'un rapport des trois inspections générales concernées, nous avons choisi de mieux cibler l'aide aux employeurs en réservant l'indemnité compensatrice forfaitaire aux entreprises de moins de 11 salariés. C'est là que les besoins sont immenses, les emplois non pourvus légion. Le petit-fils de boucher-charcutier de Saône-et-Loire que je suis le sait bien - il manque en France 3 000 bouchers...

Le crédit d'impôt pour l'apprentissage a, quant à lui, été resserré sur les premiers niveaux de qualification, ceux qui concernent le plus les petites entreprises. Enfin, le projet de loi portant réforme de la formation professionnelle prévoit de flécher davantage la taxe d'apprentissage vers l'apprentissage lui-même.

Nous pouvons nous tromper, nous avons besoin de votre éclairage, mais de grâce, finissons-en avec les oppositions factices et unissons nos efforts.

M. Christian Cambon.  - Je préfère votre engagement personnel aux acrobaties statistiques du ministre du travail... Nous apprécions beaucoup votre discours sur le redressement productif...

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Merci ! Que cela soit porté au compte-rendu !

M. Christian Cambon.  - L'apprentissage est partie prenante de la formation professionnelle...

M. le président.  - ...dont nous reparlerons cet après-midi.

Tourisme et handicap

M. Dominique de Legge .  - Le label « Tourisme et handicap », en application depuis le 1er juin 2013, a été attribué à une vingtaine d'établissements dans la baie du Mont-Saint-Michel. Un succès ? Voire... Ce qui inquiète aujourd'hui est le nouveau et volumineux cahier des charges qui va jusqu'à préciser au centimètre près la taille et la hauteur de la cuvette des toilettes.... La multiplication de ces normes découragera les professionnels, voire conduira certains à sortir du label.

Pourquoi avoir revu ce cahier des charges ? Comment le rendre plus acceptable ?

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme .  - Le label « Tourisme et handicap » a été créé en 2003, soit avant la grande loi de 2005, après deux ans de travail avec les professionnels. Cette démarche volontaire associe plus de 5 200 établissements. Elle ne doit pas être confondue avec la mise aux normes exigée par la loi de 2005. Ce label propose des référentiels d'accessibilité pour des hôtels, mais aussi pour des équipements non soumis aux normes comme les campings ou les pontons de pêche.

Pour la crédibilité du label, il fallait qu'il fût au moins au niveau de la loi. Un travail de révision a été mené. Le Gouvernement a par ailleurs tiré les conséquences d'un rapport remis lors de la précédente mandature mais jamais publié, et ouvert une concertation avec pour objectifs des agendas d'accessibilité programmée et l'adaptation des normes. Le cahier des charges sera ajusté afin de tenir compte de ces évolutions.

M. Dominique de Legge.  - 5 200 établissements après ? Je crains que ce chiffre ne diminue. Difficile, la simplification des normes... Peut-être faudrait-il passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat. À voir la précision du nouveau cahier des charges, on a perdu de vue l'objectif...

Je finirai néanmoins par une touche d'optimisme : je forme le voeu que la concertation annoncée soit l'occasion de revenir au bon sens et l'efficacité.

Fiscalité du cognac

M. Daniel Laurent .  - Je souhaite attirer votre attention sur la fiscalité du cognac. La mise en vieillissement est inhérente à la production viticole, et le cognac peut être stocké pendant plusieurs générations, sans se déprécier comme d'autres biens. Soit dit en passant, le statut des bouilleurs de cru mérite d'être préservé, car les alambics coûtent cher, et ce travail de qualité doit être valorisé. Pour en revenir aux stocks de cognac, tant qu'ils restent dans l'actif d'une société, la cessation d'activité d'un actionnaire n'a pas de conséquence ; mais lorsqu'ils constituent un actif de succession, ils peuvent être taxés comme en cas de vente. C'est une aberration de vendre des stocks pour payer le droit d'en détenir... Les droits qui s'appliquent alors sont élevés, et il faut y ajouter l'impôt sur le revenu, la CSG et la TVA. Au total, les taxes s'élèvent à 50 % de la valeur du stock dans le cadre d'une transmission familiale, 80 % dans les autres cas. Je ne demande pas d'avantage, je veux seulement assurer la pérennité de ces entreprises dont l'administration des douanes se soucie fort peu... La question est d'importance régionale.

La taille des exploitations produisant du cognac est en hausse constante, les stocks augmentent en proportion. Or dans les successions, même familiales, les abattements sont souvent utilisés pour transmettre le foncier et le matériel, le stock ne venant qu'en dernier lieu. Cette fiscalité n'est pas appelée dans des transactions entre entrepositaires agréés mais, dès lors qu'un héritier exerce une autre activité, il n'est plus considéré comme pouvant bénéficier de cette suspension de droits. Cette règle rend les successions de plus en plus complexes, et nombre d'héritiers s'endettent pour indemniser leurs collatéraux et continuer à exercer.

Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Cazeneuve. Les difficultés de transmission des entreprises sont largement prises en compte par la direction générale des douanes. Les viticulteurs détenant un stock en suspension de droits ont un statut fiscal d'entrepositaire agréé, conformément à l'article 302 G du code général des impôts. Lorsqu'ils cèdent leur exploitation, leurs successeurs qui reprennent les stocks peuvent continuer à détenir ces produits en suspension dans leur propre entrepôt s'ils ont déjà le statut d'entrepositaire agréé en tant que viticulteurs ou s'ils sont eux-mêmes récoltants. S'ils n'ont aucun statut fiscal, ils peuvent acquitter les droits à la sortie de l'entrepôt suspensif de celui qui cesse son activité. Les droits et cotisations de sécurité sociale peuvent en effet être élevés, mais les successeurs peuvent opter pour un statut fiscal qui leur permette de détenir les produits en suspension sans avoir à acquitter l'ensemble des droits à l'occasion de la transmission.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement ne veut pas faire obstacle à la transmission de ces exploitations.

M. Daniel Laurent.  - Merci, mais le problème demeure, la fiscalité des transmissions est trop lourde. Prenez-le en compte de manière plus concrète, la question est déterminante pour nos territoires.

Repas des ouvriers du bâtiment

M. Jean-Luc Fichet .  - Je suis heureux que Mme Pinel me réponde : cette question la concerne aussi. Il s'agit de faire en sorte que les Urssaf prennent en compte les frais de repas au restaurant des ouvriers du bâtiment comme des frais professionnels, non comme un avantage en nature.

Notamment en zone rurale, les ouvriers se trouvent souvent dans l'impossibilité de regagner leur résidence habituelle pour la prise du repas. Ils sont amenés à prendre leur déjeuner au restaurant dans une commune proche ou dans la même commune que celle où se situe le chantier. C'est souvent l'employeur qui règle directement les frais de ces déjeuners au restaurateur. En pareille situation, les contrôleurs de l'Urssaf considèrent que les ouvriers ne sont pas en situation de déplacement. De fait, pour les petits déplacements, il n'existe pas de base légale. Cela pénalise les ouvriers qui ne peuvent pas prendre de repas chaud, de même que les restaurants qui ne peuvent pas les accueillir.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme .  - Oui, il est indispensable de soutenir nos petites entreprises commerciales et artisanales, et je vous présenterai bientôt un projet de loi à cet effet.

Les entreprises bénéficient déjà d'un régime social favorable. Lorsqu'un repas est pris par un salarié hors de son lieu de travail et payé directement au restaurateur par l'employeur, il est considéré comme un avantage en nature, soumis aux cotisations sociales ; de même lorsque l'employeur indemnise son salarié.

Cette règle ne s'applique pas en cas de déplacement professionnel : la prise en charge des repas par l'employeur est alors exclue de l'assiette des cotisations sociales, dans la limite de 8,70 euros par repas. En outre, dans le secteur du bâtiment, l'employeur a la faculté d'appliquer une déduction forfaitaire spécifique de 10 % pour frais professionnels : je vous renvoie à la circulaire du 19 août 2005.

Il n'est pas envisagé d'assouplir encore cette réglementation qui est stable depuis plusieurs années. Nous sommes évidemment prêts à vous recevoir pour discuter de cas particuliers.

M. Jean-Luc Fichet.  - Cette réponse ne me satisfait qu'à moitié. La notion de déplacement fait l'objet d'interprétations diverses. Résultat, on en revient à la gamelle. C'est dommage !

La séance est suspendue à midi vingt-cinq.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 15 heures.