Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues à la demande du groupe RDSE.
Discussion générale
M. Stéphane Mazars, auteur de la proposition de loi . - Le RDSE se veut, aujourd'hui comme hier, à la pointe du combat pour les libertés, dans le sillon d'Albert Camus qui disait : « Si l'homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout ».
Le droit pénal a été victime ces dernières années d'attaques frontales entre stigmatisation du laxisme des juges et appel à la suppression du juge d'instruction. Ces attaques ont entamé le lien de confiance tacite dans un État de droit entre les magistrats et le peuple souverain. N'oublions pas, comme le disait Anatole France, que « la majesté de la justice réside dans chaque sentence rendue au nom du peuple français ».
Le glissement subreptice d'une politique pénale recherchant un difficile équilibre entre répression et prévention vers une politique globalement répressive, nous l'avons vigoureusement combattu au nom de la liberté, de la dignité et de l'égalité sans jamais verser dans l'angélisme. La justice sans la force est impuissante, disait Pascal. Nous nous sommes opposés à la politique aveugle menée sous le quinquennat précédent : la procédure de rétention, les peines plancher, la déchéance de la nationalité pour les auteurs de certains crimes, les jurys citoyens en matière correctionnelle, le tout-carcéral, qui pousse à construire des prisons plus modernes et plus déshumanisées.
Mme Hélène Lipietz. - Tout à fait !
M. Stéphane Mazars, auteur de la proposition de loi. - Il y a urgence à refonder notre politique pénale, dix-huit mois après le changement de majorité, vu le bruit de fond inquiétant dans la société, nos concitoyens étant excédés par la délinquance, - preuve de l'inefficacité de la politique du tout-répressif. Aussi avons-nous en préalable déposé cette proposition de loi réformant la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Celle-ci fut créée par la loi Perben II de 2004, avant de voir son champ élargi en 2005, en 2009 et en 2011. Inspiré des systèmes britannique et américain, le « plaider-coupable » est étranger à l'esprit de notre droit pénal avec son fondement contractuel : l'autorité du juge s'en trouve affaiblie, réduit au rôle d'arbitre. En outre, la procédure donne une place déséquilibrée au ministère public.
Égalité devant la loi, présomption d'innocence, droit à un procès équitable, tels sont les principes qui doivent fonder la procédure pénale. La place centrale occupée par le procureur de la République dans la CRPC pose donc problème. Le statut du parquet français ne fait-il pas l'objet de réserves réitérées de la Cour européenne des droits de l'homme ?
L'actuelle majorité s'était interrogée dès 2004 : M. Le Bouillonnec, en 2004, doutait que le droit à un procès équitable fût ainsi garanti. Les décisions sur la culpabilité et la peine sont prises dans le bureau du procureur de la République, à l'encontre du principe de publicité des débats. M. Dreyfus-Schmidt parlait de « discrétion absolue », qui pourrait servir à des accusés peu soucieux de publicité...
Le prévenu peut subir de fortes pressions pour avouer, faute de quoi il s'expose à des peines plus sévères.
Le rapport de M. Collombat montre cependant que la CRPC est principalement utilisée dans des contentieux simples où la culpabilité ne fait pas de doute. La présence obligatoire de l'avocat renforce la valeur des aveux ; reste le problème de l'accès à un avocat spécialisé.
Il ne paraît toutefois pas opportun d'étendre encore cette procédure. Benjamin Constant nous a appris que « l'arbitraire n'est pas seulement funeste quand on s'en sert pour le crime. Employé contre le crime, il est encore dangereux ». Dans les juridictions surchargées, on aura tendance à privilégier la CRPC... À cela s'ajoute la charge supplémentaire de travail que cette procédure représente pour les tribunaux.
Cette proposition de loi limite donc la CRPC aux délits passibles de trois ans d'emprisonnement au plus, et en rend l'encadrement plus strict. Avec 65 000 procédures en 2013, soit 13 % des poursuites, la CRPC a certes trouvé son utilité. Nous prenons acte des observations des praticiens, tout en considérant que le recours à des procédures d'exception ne doit pas être encouragé dans le simple but de désengorger les tribunaux.
Nous nous félicitons de la position de la commission, qui a donné au juge la possibilité de revoir la peine à la baisse, prévu les conditions de caducité de la convocation à l'audience correctionnelle, et autorisé les victimes à adresser des observations au procureur.
Notre groupe a fait le choix du pragmatisme, sans posture idéologique. Le droit pénal doit chercher l'équilibre ente l'intérêt de la société et des victimes, et les droits des mis en cause. Pour faire reculer une justice de sûreté au profit d'une justice de liberté, nous vous invitons à voter ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois . - La CRPC, créée en 2004, constitue l'essentiel des procédures accélérées destinées à désengorger les juridictions, ce qui ne plaide pas pour son innocence présumée. (Sourires) Je dois avouer quelques états d'âme, tant mes griefs, que je tirais souvent des principes, ont été mis à mal par ce que m'ont dit les praticiens qui se sont révélés bien plus attachés à cette procédure, même lorsqu'ils l'avaient combattue en 2004, que je ne me le figurais.
À l'origine, la CRPC est un emprunt à la common law, voire au plea barguaining états-unien... Outre-Atlantique, elle représente 95 % des procédures, sans doute pour éviter le passage devant des jurés pas spécialement tendres. En France, on ne plaide pas coupable, tout au plus se reconnaît-on coupable.
Cette proposition de loi vise à rapprocher la CRPC du procès ordinaire. Tentons cependant de comprendre pourquoi les praticiens s'y sont finalement ralliés. Pour des raisons pratiques essentiellement. La CRPC, qui représente 13 % du contentieux pénal, portant surtout sur des délits mineurs, un contentieux sans problème de culpabilité, dont l'exemple typique est l'alcool au volant.
Le texte de la commission, tout en respectant les grands équilibres de la CRPC, procède à des aménagements. L'accusé ne doit pas faire l'objet de pressions pour avouer : d'où l'interdiction de recourir à cette procédure après un défèrement. Nous supprimons aussi la possibilité de convoquer concomitamment la personne mise en cause devant le tribunal correctionnel et à l'entretien avec le procureur de la République pour une CRPC. Si le prévenu n'accepte pas la CRPC et si le juge refuse l'homologation, il faudra une nouvelle convocation.
Enfin, la victime pourra faire parvenir ses observations au procureur de la République dans la première phase de la procédure, car elle peut lui fournir des éléments d'appréciation utiles, l'enquête de police étant souvent très succincte.
La commission a supprimé toutes les dispositions qui auraient conduit à une quasi-disparition de la CRPC. Elle vous invite à voter son texte. (Applaudissements)
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - « Celui qui sait avouer peut oublier ». Le grand artiste surréaliste Francis Picabia ne se doutait pas qu'il exprimait ainsi l'esprit de la CRPC. Les travaux de Françoise Tulkens sur la justice imposée ou consensuelle nous incitent à réfléchir. Passer d'une peine imposée à une logique de contractualisation, voilà l'enjeu.
La proposition de loi du RDSE nous invite à jeter un regard critique sur la CRPC et à l'améliorer. La France fut l'un des derniers pays d'Europe à introduire le « plaider-coupable », longtemps étranger aux cultures juridiques continentales, où perdure « un rapport sacré à la loi, où la confrontation de l'individu à la loi est essentielle » comme le souligne le professeur de droit Papadopoulos.
Le Sénat réfléchit au sujet depuis longtemps. Je pense à l'étude de législation comparée, et aux rapports de 2003 et 2005 de M. Zocchetto. Nombreux étaient ceux qui s'interrogeaient sur les risques de pressions à l'encontre des justiciables, notamment les plus vulnérables. D'autres redoutaient une forme de marchandage.
Le choix du législateur français est finalement bien éloigné du « plaider-coupable » à l'américaine, et se rapproche plutôt d'une forme de contrat d'adhésion.
Le risque de voir les puissants protégés par le parquet a été écarté. La CRPC illustre le rôle déterminant du procureur dans la justice pénale : d'où l'importance de revoir son statut, de manière dépassionnée.
Le Gouvernement a demandé à la Chancellerie un bilan provisoire de la CRPC. Les résultats sont rassurants. Votre commission partage notre analyse. Comme le disait George Bernard Shaw : « Le progrès est impossible sans changement, et ceux qui ne peuvent pas changer leur esprit ne peuvent rien changer ».
La montée en charge de la CRPC fut progressive ; elle représente désormais 12 à 13 % des inscriptions au casier judiciaire.
Un autre rapport à la justice pénale peut s'instaurer grâce à la discussion entre le prévenu et les magistrats.
Les faits étant reconnus, le débat ne porte pas sur la culpabilité. Le contentieux routier représente 58 % des affaires concernées, la plupart sans victimes. La CRPC aboutit à des condamnations moins sévères ; les échecs - qui représentent 13 % des affaires - sont dus le plus souvent au défaut de présentation.
Les principales organisations professionnelles de magistrats et d'avocats conviennent que la CRPC n'est pas le plaider-coupable américain. La transplantation ne se fait jamais sans adaptation : l'exemple du jury anglais, introduit en France en 1791, en témoigne.
Selon la Chancellerie, le traitement d'un dossier de CRPC par le greffe prend 70 minutes contre 180 minutes pour un dossier de jugement. Cette procédure contribue donc au désengorgement des juridictions.
Cela n'autorise pas son développement sans limite. Nous gardons en mémoire les mots de Mme Delmas-Marty : « le risque existe que les procédures négociées ne représentent autre chose, à l'heure de la dérégulation, que l'introduction d'une économie de marché dans l'administration de la justice pénale ». Seul le procès dans certains cas est en mesure de jouer son rôle de pacification sociale. Il permet une mise à distance des parties par le rite, si important pour le juriste Antoine Garapon, une reconnaissance publique de l'infraction, une mesure publique de sa gravité, mais aussi une reconnaissance publique de la victime, qui peut ainsi se reconstruire.
La commission a supprimé l'article premier qui restreignait la CRPC aux délits passibles de moins de trois ans d'emprisonnement, et l'excluait dans les cas de récidive. Le Gouvernement approuve ce choix : le quantum de la peine n'est pas le critère le plus approprié, d'autant que les sanctions n'ont fait que s'aggraver ces dernières années avec la multiplication des circonstances aggravantes : un vol dans un distributeur de boissons, commis par deux personnes dans le RER peut valoir dix ans de prison ! De même pour la récidive : dans le contentieux routier, s'il n'y a pas de victimes, la CRPC est utile. Faisons confiance au discernement des magistrats. La CRPC peut être pertinente, car elle autorise un dialogue plus direct et responsabilise mieux le condamné.
Le texte de votre commission améliore substantiellement le droit positif. Il garantit les droits de la défense, énoncés par la CEDH. Le juge voit son rôle d'homologation renforcé : la nouvelle rédaction consacre la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel en 2004.
La CRPC ne pourra intervenir à la suite d'un défèrement : une personne fragilisée par une garde à vue ne peut pas toujours se prononcer en connaissance de cause.
Lorsque le prévenu est simultanément convoqué pour une CRPC et devant le tribunal correctionnel, imposer un délai de dix jours est une bonne chose afin d'éviter toute pression. Le Gouvernement proposera d'imposer au parquet de déposer au greffe sa proposition de peine dix jours à l'avance, afin de favoriser une discussion éclairée et la venue même des intéressés à l'audience. Nous sommes attachés à cet amendement, sans avoir réussi, semble-t-il, à vous convaincre jusqu'ici...
Votre commission souhaite enfin que la victime puisse adresser ses observations au procureur de la République et que le juge puisse refuser l'homologation s'il estime une audience au tribunal justifiée par la situation de la victime.
Le Gouvernement soutient cette proposition de loi qui renforce les droits des personnes. (Applaudissements à gauche et au banc de la commission)
M. Yves Détraigne . - La proposition de loi du RDSE vise, selon son intitulé, à « réformer » la CRPC, sa rédaction initiale la faisait plutôt disparaître...
Pour sa part, le groupe UDI-UC croit à la pertinence et à l'efficacité de ce type de procédure. Malgré les interrogations légitimes qu'elle a soulevées, la CRPC a rencontré un franc succès : 65 000 affaires pénales en 2012, soit 13 % des poursuites. Ce taux n'a cessé d'augmenter depuis 2005.
Son champ a été étendu en 2011 à tous les délits.
L'objectif est louable : alléger les audiences correctionnelles des affaires simples, pour prononcer des peines plus efficaces.
Les juridictions ont su trouver un usage adapté de cette procédure : c'est ainsi que 58 % des contentieux routiers sont réglés. Elle désengorge nos juridictions tout en apportant une réponse efficace à des délits avérés.
Les exclusions prévues à l'article premier auraient été très préjudiciables ; nous nous félicitons de sa suppression.
Faut-il donner au juge la possibilité de diminuer la peine ? Cela déséquilibrerait les relations entre siège et parquet.
La présence du procureur de la République à l'audience ne nous paraît pas non plus nécessaire : que pourra-t-il dire de plus ?
Il est souhaitable, en revanche, que la victime puisse adresser ses observations au procureur, afin que celui-ci puisse proposer une peine plus adaptée.
Nous voterons donc le texte ainsi amélioré.
Mme Cécile Cukierman . - La gauche s'était opposée fermement à l'instauration de la CRPC en 2004. Nous avons nous-mêmes déposé une proposition de loi pour la supprimer.
Cette procédure, comme le souligne l'exposé des motifs de la proposition de loi, laisse de trop larges pouvoirs au procureur, dont l'indépendance est contestée, et va à l'encontre du principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement. Le prévenu et l'avocat n'ont qu'une très faible marge de manoeuvre.
Si l'article 495-8-4 du code de procédure pénale semble être un rempart, l'avocat, dans la pratique, constitue plutôt un alibi. La profession dénonce le peu de temps dont elle dispose pour préparer la défense des prévenus. On comprend donc l'intérêt d'un procès, lequel implique une publicité des débats contrairement à la CRPC - d'ailleurs, certains prévenus ont intérêt à ne pas voir leurs actes délictuels rendus publics.
Enfin, la CRPC, à l'utilisation variable selon l'engorgement des tribunaux, aboutit à une inégalité de traitement entre justiciables.
La commission des lois a mené un travail intéressant. Elle a voulu atténuer les pressions pesant sur les personnes mises en cause en rendant caduque la convocation concomitante à l'audience correctionnelle si le prévenu s'est présenté devant le procureur, et en interdisant la CRPC en cas de défèrement. De fait, si la garde à vue a été réformée, ce n'est pas suffisant : la privation de liberté demeure et fait obstacle à un choix éclairé.
Ensuite, le texte a précisé le pouvoir d'homologation du président du tribunal, suivant en cela les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004. Reste que la CRPC, qui déplace la décision du siège au parquet, est trop souvent utilisée à seule fin de gérer le flux au sein des juridictions, et non en fonction de la nature des faits ou de la personnalité du prévenu ; les syndicats de magistrats auditionnés l'ont souligné. D'autres solutions existent : augmenter le budget de la justice, et dépénaliser certains contentieux comme le contentieux routier. En attendant, le groupe CRC votera ce texte. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Virginie Klès . - Après avoir failli débattre de la mise à mort de la CRPC, ou peu s'en faut, nous discutons d'un texte lui apportant d'utiles ajustements. Créée en 2004, cette procédure a été d'emblée critiquée. Pour les élus de gauche, il semblait que la présomption d'innocence était bafouée par la reconnaissance préalable de culpabilité, que le principe du contradictoire était mis à mal, de même que celui de la publicité des débats.
Finalement, la sagesse de la justice et des magistrats a inscrit cette procédure dans notre droit de manière très raisonnée. Et notre rapporteur a changé son fusil d'épaule pour améliorer par petites touches la CRPC, je lui rends hommage. Le champ d'application de la procédure - qui concerne 65 000 affaires par an, 10 % ou 15 % des décisions n'étant pas homologuées par le juge - ne changera pas ; finalement, le seuil de peine ne changera pas - et s'il en est ainsi, c'est que l'échelle des peines et devenue incohérente ; il faudra la toiletter.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Voire plus !
Mme Virginie Klès. - Les droits de la défense ont été améliorés : l'avocat pourra assister son client lors de l'entretien avec le procureur de la République et s'entretenir avec lui hors la présence de ce dernier.
La pression pesant sur le prévenu sera allégée du fait de la modification du jeu des convocations. En revanche, monsieur le ministre, demander au procureur de la République de déposer la proposition de peine au greffe dix jours avant l'audience la renforcera.
Les droits des victimes n'ont pas été oubliés : elles pourront adresser leurs observations au procureur de la République dès la première phase de la procédure. La commission a en outre préféré ne pas donner au juge la possibilité de revoir la peine à la baisse ; à cet égard, un équilibre a été atteint.
Je rends hommage au rapporteur, qui a su convaincre tous ceux qui étaient vent debout contre la CRPC que cette procédure était utile. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Hélène Lipietz . - S'agit-il d'un renoncement ? Comme d'autres, j'ai eu le plaisir de convaincre mon groupe de l'intérêt de ce texte. Ce n'était pas évident tant la procédure répondant au nom barbare de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et au charmant diminutif de CRPC paraît étrangère à notre tradition juridique - certains y voyaient un clone du plaider-coupable américain.
Nous nous sommes ralliés, d'audition en audition, aux arguments des magistrats qui ont eu la sagesse de circonscrire le champ d'application de cette procédure. Nous approuvons le travail de la commission, dont le texte corrige certains défauts de la procédure. En revanche, était-ce le bon véhicule pour revoir la place des victimes dans notre droit ? Dans le droit pénal français, c'est le ministère public qui poursuit. Il y a là toute une philosophie : l'État s'interpose entre les citoyens pour éviter qu'ils se fassent justice eux-mêmes. La loi du talion était déjà une tentative de borner la vengeance privée... La réponse doit être proportionnée ; disant cela, je pense à toutes les victimes que j'ai défendues, qui veulent que leur voix soit entendue et leur place reconnue.
Cela étant dit, le groupe écologiste votera le texte. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Jean-Jacques Hyest . - Le ministre, que j'ai toujours plaisir à entendre, a changé de ligne depuis 2004. Comme quoi, on peut évoluer... J'avais été impressionné en 2004 par les diatribes sur ce que l'on appelait un emprunt au système américain, contraire à notre tradition... Cet argument ne tient pas : nous sommes loin du plea bargaining, la CEDH l'a confirmé. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel, s'il a émis des réserves auxquelles nous devons être attentifs, n'a pas censuré la loi du 9 mars 2004. Les magistrats, qui lui étaient extrêmement hostiles, y sont désormais attachés. La CRPC s'est adaptée à notre droit : elle est cantonnée au contentieux de masse ; elle a même été étendue à tous les délits en 2011 par un amendement de M. Détraigne, sous réserve de ceux visés aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal punis d'une peine de plus de cinq ans d'emprisonnement. En réalité, ce n'est pas le quantum de la peine qui importe, mais la nature du contentieux.
J'ajoute, madame Klès, que nous avions pesé au trébuchet le quantum des peines lors de la grande réforme de notre droit pénal. Les gouvernements successifs se sont acharnés, ensuite, à défaire ce travail. Il faudra un jour y faire le ménage...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Un grand ménage !
M. Jean-Jacques Hyest. - La CRPC, cela a été dit, représente 15 % du contentieux pénal depuis 2009 ; elle n'est pas homologuée dans 12 % des cas seulement. Il n'y a pas lieu de la restreindre. Des garanties sérieuses sont apportées, au rang desquelles la présence de l'avocat, la publicité de l'audience d'homologation et l'examen des éléments du dossier par le président du TGI. Et il est bon d'inscrire dans la loi les réserves du Conseil constitutionnel sur le pouvoir d'homologation du juge, ainsi qu'un renforcement du droit des victimes.
Si nous n'aurions pas voté le texte initial, nous ne ferons pas obstacle à la version raisonnable que propose la commission des lois. Elle améliore l'administration de la justice - elle n'est pas seulement comptable, n'est-ce pas monsieur le ministre, après tout, le droit à un procès équitable, c'est aussi le droit à ce que les procédures ne s'éternisent pas.
Pour finir, tout cela nous ramène au sempiternel débat sur le statut du parquet et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Qu'on prévoie l'avis conforme du CSM, et seulement cela, et un consensus pourra être trouvé au Parlement... (Applaudissements à droite)
M. Jacques Mézard . - J'ai toujours plaisir à dialoguer avec vous, monsieur le ministre. Mais une fois de plus, aucun ministre en charge du dossier n'est là pour débattre avec le groupe du RDSE... Nous avons malheureusement pris l'habitude de cette absence de considération...
Certains intervenants n'ont pas changé d'avis depuis dix ans. M. Hyest en est, moi aussi : j'émets toujours les mêmes réserves à l'égard de la CRPC. Le ministre, comme sur l'interdiction du cumul des mandats, prêche avec le zèle du nouveau converti...
Pourquoi sommes-nous contre cette procédure ? Son utilité consiste à évacuer les dossiers quatre ou cinq fois plus vite que ne peut le faire le tribunal correctionnel. Et puis, nous sommes un pays de droit latin... La CRPC, c'est la distribution des peines. « Reconnaissez votre culpabilité, acceptez la CRPC, et cela se passera bien. Sinon, vous irez devant le tribunal correctionnel et la sanction risque d'être plus lourde ». Voilà le discours qu'on tient aux prévenus ; cette réalité, je l'ai vécue sur le terrain. Dans la pratique, les tribunaux, il est vrai, ont circonscrit le recours à cette procédure aux seuls cas où la culpabilité ne fait pas doute. Mais il suffit d'une volonté politique, et la CRPC sera utilisée différemment qu'elle ne l'est aujourd'hui ; il y aura alors danger. Ce n'est pas le cas, dont acte. Et nos magistrats sont respectueux de la République et des droits de la défense.
Le rapporteur, et il a eu raison, s'est employé à rogner les ailes de ma proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Le RDSE est pluraliste !
M. Jacques Mézard. - Ce qui n'est pas le cas de tous les groupes...
Il fallait renforcer les droits de la défense, mais nous aurions dû nous pencher sur notre échelle des peines, qui est devenue totalement incompréhensible aux yeux des Français. Ces dernières années, certaines infractions économiques, semble-t-il, ont été sciemment écartées des tribunaux. Ce n'est pas un progrès pour notre démocratie.
Le groupe RDSE, avec ce texte, a prouvé son attachement aux libertés publiques et sa grande vigilance en attendant l'ambitieux projet de loi que nous présentera la garde des sceaux dans quelque temps - si toutefois elle daigne venir au Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste)
M. Philippe Kaltenbach . - Beaucoup ont su faire évoluer leur position, magistrats, avocats, élus, si ce n'est M. Mézard sans doute, car la CRPC a démontré son utilité dans de nombreux contentieux. Avec 65 000 procédures, elle représente 13 % du contentieux ; en cela, elle contribue à désengorger nos tribunaux.
Le rapporteur a modifié sa position après avoir écouté les uns et les autres. Il propose d'améliorer la CRPC, de mieux l'encadrer, sans remettre en cause son équilibre. Il est bon de renforcer les droits des victimes ; je ne comprends pas l'interprétation de Mme Lipietz, il ne s'agit pas de revenir à la loi du talion. La victime pourra désormais adresser ses observations au procureur de la République dans la première phase. Je proposerai d'aller plus loin, malgré l'avis défavorable de la commission, en prévoyant que la victime puisse être entendue par le procureur dans la première phase. Donner à la victime la possibilité d'être écoutée, entendue, reconnue sera toujours un progrès. Tel est le sens de l'amendement que je vous soumettrai. Le groupe socialiste apportera évidemment son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur . - Merci à tous de leurs interventions. Quelques observations. On ne s'y retrouve plus aujourd'hui dans l'échelle des peines ; raison pour laquelle il eût été inutile de tenter de limiter l'usage de la CRPC par leur quantum... Si cette procédure a réussi, c'est qu'elle a été cantonnée à certaines catégories de délits. Notre système, signe de bonne santé, s'est autorégulé. En outre, avec la judiciarisation de notre vie sociale, la frontière est devenue floue entre les délits classiques et ceux qui ont une fonction de régulation sociale, ce qui nous renvoie aux pouvoirs confiés au Ciel dans la Chine classique. La CRPC est utile, appliquée à un champ donné ; l'étendre serait, en revanche, dangereux.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Se répéter ou se contredire !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - En effet. Mais il y a des exceptions... En 2004, des objections de principe ont été opposées à l'instauration de la CRPC ; elles peuvent subsister pour certaines et avec elles un devoir de vigilance. Mais il faut aussi faire preuve de réalisme. D'ailleurs, les craintes alors exprimées se sont révélées infondées : la CRPC est bien utilisée, et elle fait désormais l'objet d'un large consensus au sein de votre assemblée.
Monsieur Mézard, la vérité est que la garde des sceaux a passé son lundi au Sénat pour parler de la géolocalisation, son mardi pour débattre du Contrôleur des lieux de privation de liberté... Elle n'a pu être présente ce matin ; cette séance avait d'ailleurs été programmée à un autre moment. Rassurez-vous, vous aurez beaucoup d'autres occasions de débattre avec elle...
Nous avons une divergence d'interprétation sur l'amendement que présente le Gouvernement. Pour lui, le dépôt de la proposition de peine au greffe par le parquet ne va pas à l'encontre du renforcement des droits des justiciables. Il faudra aussi s'intéresser à la répartition géographique de l'usage de la CRPC, en droit pénal, ce ne peut pas être au petit bonheur la chance.
Le management de la justice, comme on dit aujourd'hui, est aussi une question de rapidité. Les justiciables eux-mêmes le demandent. Vient un moment où il faut sanctionner. En vérité, il y a une forme d'humanité dans cette procédure qui est vécue, non pas comme une échappatoire, mais comme une réponse juste à une infraction donnée.
Nous ferons vivre ce texte, en l'inscrivant dans l'ordre du jour réservé au Gouvernement s'il le faut ; le Gouvernement prend toute sa part dans ce débat.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier demeure supprimé.
L'article premier bis est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE PREMIER BIS
M. le président. - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 495-7 du code de procédure pénale, il est inséré un article 495-7-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-7-1. - La convocation établie en application de l'article précédent indique que la personne pourra, au moins dix jours avant sa comparution devant le Procureur de la République, consulter par l'intermédiaire de son avocat le dossier de la procédure, dans lequel figurera la proposition de peine envisagée. Elle précise également que la personne doit se faire assister d'un avocat et qu'elle peut à cet effet demander la désignation d'un avocat commis d'office. »
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - Nous proposons que le dossier de la procédure comprenne désormais la proposition de peine que le procureur de la République envisage de faire au prévenu, et ce au moins dix jours avant la date de comparution. On peut soutenir que cela atténue les droits de la défense en bloquant le dialogue ou, à l'inverse, que cela les renforce puisque le prévenu et son avocat pourront mieux préparer l'audience.
Un prévenu, quand il reçoit sa convocation, se précipite sur Internet pour lire le code pénal ; vu la peine encourue, il pense n'avoir plus qu'à fuir, à liquider ses avoirs, que sais-je à rédiger son testament. (Sourires) Dix ans pour s'en être pris à un distributeur de canettes de coca dans le métro ! Ce rapport à la procédure est extrêmement anxiogène, expliquer à l'intéressé, affolé, qu'il ne s'agit que d'un quantum est souvent l'essentiel du travail de l'avocat. Finalement, faire figurer la proposition de peine dans le dossier de procédure revient à appliquer le principe d'individualisation de la peine.
Là où cela se pratique déjà, les choses se passent bien.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Je suis mortifié de devoir donner un avis défavorable à une proposition du Gouvernement...
Que le quantum soit plus élevé que la sanction réellement encourue, cela vaut pour toutes les procédures... La cheville ouvrière de la CRPC, c'est le procureur de la République. Il doit pouvoir proposer la peine la plus appropriée. D'où la nécessité, pour lui, de recueillir les observations de la victime. Pensez par exemple aux affaires de harcèlement. D'où l'importance aussi de rencontrer le prévenu. Avec cet amendement, le procureur s'engagerait sur une peine avant de disposer de tous les éléments nécessaires. Pour le coup, on entre dans une logique de marchandage : « j'ai gagné deux ans ! ».
Laissons au procureur la responsabilité de ces décisions.
M. Jean-Jacques Hyest. - J'admire l'habileté du ministre pour justifier ce qui... Comment le procureur pourrait-il décider de la peine avant même d'avoir vu le prévenu ? Franchement, cela priverait la procédure de son efficacité et d'une partie de sa justification. Ou alors, il faudrait deux audiences, mais cela ferait perdre à cette procédure l'essentiel de son intérêt.
Je ne voterai donc pas l'amendement. Il faudrait que je puisse le sous-amender pour retirer cette mention, en gardant l'idée que le prévenu doit tout de même être informé de ses droits.
M. le président. - C'est impossible, les explications de vote ayant commencé. La seule possibilité serait que le Gouvernement accepte de rectifier son amendement.
Mme Virginie Klès. - Rassurer le prévenu pour qu'il se présente à la convocation, c'est précisément le rôle de l'avocat. Quant à la victime, elle ne doit pas avoir le sentiment, vu la force de l'écrit, que les choses sont déjà tranchées. Avec cet amendement, on casse la logique de la CRPC.
M. Stéphane Mazars, auteur de la proposition de loi. - Le droit à se faire assister d'un avocat est déjà rappelé par la convocation. À cet égard, l'amendement n'apporte rien. En revanche, il parait inopportun que le procureur de la République se prononce d'emblée sur la peine, car il doit disposer d'éléments sur la personnalité du prévenu.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - Certes, la rencontre est importante. Mais l'amendement vise à rassurer les prévenus. Le débat n'est pas clos. Ayant entendu vos arguments, je retire l'amendement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Merci pour cette écoute.
L'amendement n°12 est retiré.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer le mot :
celles-ci
par les mots :
ces peines
Mme Hélène Lipietz. - La rédaction actuelle est ambiguë.
L'amendement n°3 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer le mot :
ordinaire
Mme Hélène Lipietz. - On ne peut modifier le statut de la victime au sein de notre droit pénal au détour de ce texte. Vous ne m'avez pas comprise, monsieur Kaltenbach. Pour moi, la loi du talion a constitué un progrès en assignant une limite à la peine, afin d'éteindre le désir de vengeance. Je ne crois pas que les victimes recherchent toujours la vengeance. Elles sont plutôt en quête de reconnaissance et de compréhension de ce qui leur est arrivé.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement devenu rédactionnel après qu'il a été longuement débattu en commission et rectifié.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - Sagesse.
L'amendement n°4 rectifié est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du second alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale est complétée par les mots : « à compter de la comparution devant le procureur ».
Mme Hélène Lipietz. - Précisons à partir de quel moment court le délai mentionné à l'article 495-9 du code de procédure pénale. Le sous-amendement du Gouvernement corrige utilement une erreur rédactionnelle.
M. le président. - Sous-amendement n°13 à l'amendement n°6 de Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, présenté par le Gouvernement.
Amendement n° 6, alinéa 3
Remplacer les mots :
dernière phrase du second
par les mots :
seconde phrase du premier
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - Ce délai est prévu non par le second alinéa du texte mais par le premier. Avis favorable à l'amendement ainsi sous-amendé.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Cet excellent amendement est ainsi rendu encore plus excellent. (Sourires)
Le sous-amendement n°13 est adopté.
L'amendement n°6, modifié, est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Kaltenbach.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l'article 495-13 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elle est entendue, à sa demande, accompagnée le cas échéant de son avocat, par le procureur de la République avant que celui-ci ne propose à l'auteur des faits d'exécuter une ou plusieurs peines encourues. »
M. Philippe Kaltenbach. - Cet amendement traduit l'une des propositions du rapport que j'ai rédigé avec M. Béchu. Les procédures rapides de jugement, si elles accélèrent les délais de traitement des affaires, présentent le risque d'écarter la victime du procès pénal.
Je propose d'aménager la procédure de CRPC afin d'autoriser la victime à être entendue par le procureur de la République lors de la première phase de la procédure, si elle en fait la demande. En revanche, il n'est sans doute pas opportun qu'elle assiste à l'intégralité de l'entretien entre le procureur de la République, l'auteur des faits et son avocat. D'ailleurs, l'amendement ne précise pas si la victime doit être entendue en même temps que l'auteur des faits ou séparément : il convient de laisser au procureur de la République le soin d'en apprécier l'opportunité.
En outre, cet amendement donne au procureur de la République la connaissance d'éléments qui n'auraient pas été relevés dans l'enquête de police. Il y a peu de risques que les victimes se précipitent, s'agissant d'affaires de faible gravité. J'insiste donc, malgré mon peu de succès en commission.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - La victime peut être présente lors de l'audience d'homologation. Elle pourra adresser ses observations au procureur. Ne transformons pas la rencontre entre le procureur et le prévenu en une confrontation de celui-ci avec la victime. Aider les victimes, très bien, mais le but d'un procès est de juger. Et qui juge-t-on ? Le prévenu. N'oublions pas qu'il s'agit de délits mineurs. La CRPC leur apporte une réponse rapide, en respectant les droits des parties.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - Nos concitoyens seraient bien surpris en lisant une étude de droit comparé sur le droit des victimes. Contrairement à ce qu'ils croient, la France est loin d'être arriérée en la matière.
M. Jean-Jacques Hyest. - Ailleurs, il n'y a pas de partie civile !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - En effet. Dans tous les pays, c'est la société qui poursuit, mais la France admet en outre que la victime peut se constituer partie civile. Il faudrait sans doute éclairer les médias là-dessus.
L'amendement serait disproportionné, vu la nature des infractions. Il mettrait en danger la procédure elle-même. Avis défavorable.
Mme Hélène Lipietz. - Sans misérabilisme, je suis consciente de la nécessité de revoir la place des victimes dans notre procédure pénale. Mais la réflexion doit être globale. Avec de tels amendements, il y aurait trois sortes de victimes : les unes auraient la chance de pouvoir exprimer leur ressenti lors d'une audience publique ; d'autres pourraient aller le dire au procureur ; d'autres enfin, seraient confrontées à un classement sans suite, sans pouvoir s'exprimer à aucun moment. Dans le cadre de cette proposition de loi, je ne voterai donc pas l'amendement.
M. Stéphane Mazars, auteur de la proposition de loi. - Le texte donne déjà à la victime le droit d'adresser des observations au procureur. Elle a un rôle à jouer à l'audience, où elle peut faire valoir des droits à réparation. L'amendement alourdirait la procédure, et s'éloigne de son esprit même.
Mme Virginie Klès. - En effet, le texte donne à la victime un droit à se faire entendre. Il est aberrant d'obliger le procureur à l'entendre ; il lui revient de le décider s'il le souhaite.
M. Yves Détraigne. - Nous sommes là pour améliorer la procédure de CRPC, non pour l'alourdir.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article 3 bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mmes Lipietz, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Après l'article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article 495-14 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Lorsque la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, le dossier est expurgé de toutes les pièces relevant spécifiquement de la procédure mentionnée aux articles 495-8 à 495-13 avant d'être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de cette procédure. »
Mme Hélène Lipietz. - Un prévenu peut craindre que son refus de se soumettre à une CRPC n'influence la décision du tribunal. Je croyais le code de procédure pénale assez protecteur mais, assistant à une audience, j'ai entendu le président du tribunal faire état de l'échec d'une CRPC. D'où cet amendement.
Je sais bien que, dans les petits tribunaux, tout se sait... Mais pour éviter toute pression, il faudrait aussi que le dossier ne mentionne pas la proposition de CRPC.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - En l'état actuel du droit, le procès-verbal ne peut être transmis, et il ne peut être fait état de l'échec d'une CRPC devant le tribunal. Vous êtes donc satisfaite. D'ailleurs, le verbe « expurger » est bizarre en droit pénal... Comment voulez-vous que les choses ne se sachent pas dans un tribunal ? Avis défavorable.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - L'article 495-14 répond déjà aux préoccupations de Mme Lipietz. Avec son amendement, l'existence même de la CRPC ne figurerait pas au dossier. Or la transparence est un fondement de notre droit pénal. La CRPC n'est pas une procédure cachée. Imaginez qu'une victime apprenne après coup que cette procédure a été tentée ! Avis défavorable.
Mme Hélène Lipietz. - Mon amendement reprend l'article 495-14. Lorsque la CRPC réussit, la chose est publique. Je n'ai fait que prévoir l'expurgation des pièces relatives à la CRPC.
Mme Virginie Klès. - Si l'on ne dispose plus des pièces, on pourra dire n'importe quoi sans vérification possible... Si la loi n'est pas respectée, charge à l'avocat de faire valoir les droits de son client.
M. Stéphane Mazars. - Il faut, en effet, préserver les pièces montrant pourquoi la procédure a échoué. Le reste n'a aucun intérêt.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
devant lui
L'amendement rédactionnel n°7, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
lui faire remettre
par les mots :
y joindre
L'amendement rédactionnel n°8 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2, deuxième phrase
Supprimer les mots :
à la convocation
L'amendement rédactionnel n°9, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2, dernière phrase
Après les mots :
au moins dix jours
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
après la date de comparution devant le procureur.
L'amendement rédactionnel n°11 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
L'article 5 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Jacques Hyest . - Nous étions partis d'une réforme de la CRPC. Nous avons finalement procédé à quelques aménagements utiles en tenant compte des réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel et de la pratique. La CRPC n'est pas la seule alternative au procès : il y a aussi la composition pénale. Chacun reconnaît qu'elle a sa place dans notre système judiciaire. Elle fait gagner du temps, elle diminue la pression, elle responsabilise le prévenu.
Grâce au Sénat, un bilan a été fait au bout de dix ans, à la suite de quoi on a modifié la loi. Bien souvent, on procède à rebours...
Le groupe UMP votera ce texte.
Mme Cécile Cukierman . - Nous aussi voterons cette proposition de loi, telle que modifiée par nos débats, malgré nos réserves de principe à l'encontre de la CRPC. Comme l'a dit M. Hyest, la justice doit être rendue rapidement, mais la CRPC ne doit pas servir à la gestion des flux.
Mme Hélène Lipietz . - Le texte nous a obligés à réfléchir, à surmonter certains préjugés, bien que je craigne encore les pressions exercées sur les prévenus. Merci d'avoir accepté mes amendements rédactionnels, qui m'ont été inspirés par le professeur Jacques-Henri Robert. Je tenais à lui rendre hommage : c'est lui qui m'a donné le goût du droit pénal.
Mme Virginie Klès . - La CRPC est utilisée à bon escient et nous veillerons à ce qu'elle le demeure. Le groupe socialiste votera ce texte.
La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.
(Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)