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Table des matières
Débat sur l'égalité des territoires
M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
Débat sur la politique étrangère de la France
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication
Mme Bariza Khiari, rapporteure de la commission de la culture
Mme Aurélie Filippetti, ministre
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
Ordre du jour du jeudi 9 janvier 2014
SÉANCE
du mercredi 8 janvier 2014
52e séance de la session ordinaire 2013-2014
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
Secrétaires : M. Gérard Le Cam, Mme Marie-Noëlle Lienemann.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Débat sur l'égalité des territoires
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la politique du Gouvernement en matière d'égalité des territoires, à la demande du groupe RDSE.
M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE . - Ces dernières années, notre groupe s'est particulièrement attaché à la mise en place effective d'une politique d'égalité des territoires. Les élus sont attachés au lien social, à la proximité. Depuis mai 2012, leurs appels se multiplient ; le Sénat, chambre représentant les collectivités territoriales de par la Constitution - tout du moins pour quelques semaines encore - les a naturellement relayés. Le 13 décembre 2012, le Sénat a adopté à l'unanimité, avec votre soutien madame la ministre, la proposition de résolution du groupe RDSE. Plus d'un an après, il fallait faire le point sur cette question de haute importance. Les nombreux soubresauts qui ont émaillé notre vie politique ont montré qu'elle l'était effectivement.
Ministre de « l'égalité des territoires », car vous ne l'êtes pas seulement du logement, vous ne pouvez qu'approuver ces propos liminaires. Comment ne pas rappeler que tant de milliards distribués à la Bretagne pour l'écotaxe, tant de milliards pour Marseille à cause des raisons que l'on sait, ne constituent pas une véritable politique d'aménagement du territoire. S'il faut brûler des portiques pour obtenir des aides, où va-t-on ?
Les disparités entre les territoires existent ; je crains qu'elles se soient aggravées, les territoires les plus en difficulté n'ayant pas obtenu les secours qui s'imposaient. La centralisation, la régionalisation des activités économiques, les métropoles ont laissé à l'écart nombre de départements et de villes moyennes. Vous le voyez en tant que ministre du logement : les villes-centres perdent des habitants au profit des métropoles ou de leur périphérie, dans laquelle de véritables villes-dortoirs se sont créées. Tout cela rompt le principe d'égalité inscrit à l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Il y a urgence à bâtir une politique d'aménagement équilibré. Notre groupe RDSE a voté la création des trois grandes métropoles Paris, Lyon et Marseille. Je m'inquiète toutefois de la multiplication des métropoles régionales. Le président de la République, dans ses voeux, a annoncé une réduction de la dépense publique. Fort bien mais prenons garde : les territoires les plus fragiles ne doivent pas en être les premières victimes, comme cela a été trop souvent le cas.
Oui à la simplification, non à la disparition. Fermetures d'écoles, de gendarmeries, de bureaux de poste : l'accès au service public devient plus difficile dans les territoires ruraux. L'étude de l'Insee en décembre 2012 le montre. Ne soyons pas démagogues : nous savons bien que le même service public ne peut être offert sur tout le territoire. Ce qu'il faut, c'est l'équité.
M. Jean-Claude Lenoir. - Très bien !
M. Jacques Mézard. - Et l'équité, c'est la justice. Quelle est votre feuille de route, madame la ministre ? Quelles sont vos marges de manoeuvre ? La même difficulté prévaut dans le secteur de la santé. Cela est durement ressenti quand il y va de l'accès aux urgences, de la survie.
Le Gouvernement a prévu le déploiement de 1 000 maisons de services d'ici 2017. Leur succès n'est pourtant pas éclatant. L'acte III de la décentralisation doit prolonger le mouvement. Reste que, depuis 2005, la charte des services publics n'a jamais été appliquée. Les aides apportées à l'emploi, les réponses aux déserts médicaux et aux besoins en transport sont par trop insuffisantes.
Le transport, j'y reviens, car c'est une question essentielle pour le désenclavement des territoires. Que compte faire le Gouvernement pour financer l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ? Vous me répondrez qu'il ne fallait pas suspendre l'écotaxe. Certes, mais c'est le Gouvernement qui a pris cette décision, cédant aux pressions de quelques grands élus bretons.
M. Jean-François Husson. - Tiens, tiens...
M. Jacques Mézard. - Je vous invite, madame la ministre, à visiter le département dans lequel je cumule encore des fonctions. (Sourires) Venez en train et repartez en voiture, vous en tirerez des leçons fructueuses. Quid de l'engagement n° 28 pris par le candidat Hollande pour lutter contre la fracture territoriale ? Où en est-on de l'entretien du réseau ferroviaire, de la création de nouvelles infrastructures ?
On a voulu donner davantage à ceux qui en ont le plus besoin, on n'a pas réduit ainsi les poches de pauvreté, faute qu'elles aient été bien identifiées. L'accumulation des zonages est typique de la myopie des bureaux parisiens, pour ne pas parler de leur aveuglement. Il est évident que l'égalité des territoires passe par une péréquation horizontale et verticale. On ne peut pas à chaque débat de loi de finances faire tourner les ordinateurs pour voir combien reçoit l'Ardèche ou la Seine-Saint-Denis. Quelle que soit la majorité, nous devons arriver à une procédure juste.
Depuis deux ou trois décennies, les gouvernements successifs ont abandonné la politique d'aménagement des territoires que l'on faisait avant la Ve République. Quelle est votre vision ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)
M. Hervé Maurey . - Il y a deux mois, nous tenions un débat sur ce sujet à l'initiative de notre groupe UDI-UC, preuve que la ruralité souffre et que nous nous en préoccupons.
Plutôt que de me répéter, reprenons quelques éléments. L'absence de réponse, d'abord. Certes, vous répondez à mes questions écrites : cela, pour autant, ne m'apporte pas de solution, de réponse sur le fond. Prenons l'exemple de la téléphonie mobile. On nous dit qu'il faut attendre la 4G ; les maires, eux, demandent seulement la 1G ! (Rires et applaudissements à droite) Idem sur le haut débit et la santé. Je pars tout à l'heure pour Verneuil. La communauté de communes y a créé une magnifique maison de santé - à laquelle il ne manque qu'un médecin !
M. Jean-Jacques Mirassou. - La faute à qui ?
M. Hervé Maurey. - Face à cela, que fait le Gouvernement ? Il se délivre des satisfecit. Qu'a-t-il réellement entrepris ? Les missions de service public ? Elles prolongent une idée de M. Mercier et seront financées par les collectivités locales. Vous remplacez la Datar par un haut conseil, qu'apporte ce changement de nom ? La RGPP se poursuit sous le nom de MAP. (On le conteste sur les bancs socialistes) Eh oui, rien n'a changé, sinon que de faire disparaître les pôles d'excellence rurale, ce qui inquiète les élus.
En ces temps de voeux, nous assistons à de nombreuses cérémonies. De quoi nous parlent les élus ? De la réforme des rythmes scolaires. Je serais caricatural ? Ne tentez pas de m'attendrir, madame la ministre ! (Sourires) Je le maintiens : cette réforme procède d'un jacobinisme caricatural.
Autre source d'inquiétude, le plan local d'urbanisme intercommunal. L'Assemblée nationale est revenue sur la minorité de blocage instaurée par le Sénat. Je vous demande de vous engager formellement à défendre un amendement pour revenir à la version de la Haute Assemblée. (Mme la ministre fait un signe affirmatif)
Comme M. Mézard, je voudrais bien savoir quelle est la feuille de route du Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. - Lisez Le Monde !
M. Hervé Maurey. - J'avais demandé, entre autres, qu'on arrête de dilapider les crédits et qu'on travaille avec les élus. Là encore, nous n'avons pas eu la loi-cadre attendue sur l'aménagement du territoire. En plus de deux ans, vous n'avez même pas réuni de comité interministériel, c'est dire le peu de cas que vous faites de l'aménagement du territoire.
Alors, cessons de débattre ; il est urgent d'agir, voire de réagir. Il y va de l'égalité des territoires et de l'égalité entre les citoyens. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Le Cam . - Je veux dire notre lassitude devant ces débats multipliés sur l'égalité des territoires. Disserter c'est bien mais l'égalité passe par des actes. J'avais défendu une proposition de loi pour une meilleure répartition de la dotation globale de fonctionnement. Refus. La Modernisation de l'action publique (MAP) a remplacé la RGPP, les dotations aux collectivités territoriales se réduisent quand les entreprises reçoivent les 20 milliards du CICE. De tout cela se nourrit le mouvement des Bonnets rouges dans une Bretagne en proie à un taux de chômage de plus de 9 %. En 2012, la région a vu ses allocataires du RSA augmenter de 4 000 foyers.
Doux a créé un séisme dans l'emploi tout en empochant les subsides de l'État. Cette saignée suscite la colère. Où est donc passé le redressement productif qui avait créé tant d'espoir ?
Le pacte d'avenir ? La Bretagne a été laissée de côté dans le schéma des infrastructures tant dans le secteur ferroviaire que routier.
Comment ne pas voir que ce pacte est sous-financé ? On annonce 2 milliards en comptant les fonds des collectivités territoriales et de l'Europe dans l'enveloppe. Depuis quinze ans, la Bretagne reçoit 90 millions de moins que la moyenne nationale.
M. Bruno Sido. - Et les routes gratuites ?
M. Gérard Le Cam. - La Bretagne, garde-manger de la France, reçoit peu de subsides de la PAC. Nous subissons les diktats libéraux de l'Europe.
Comme le dit Emmanuel Todd, « nous sommes confrontés à une ambivalence de l'impôt et de l'État », d'un État qui sert l'intérêt commun et des intérêts privés. Il est temps d'en venir à une réforme fiscale pour rétablir la justice. Nous attendons des actes ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Pierre Camani . - Deux débats en deux mois, cela démontre l'attachement du Sénat à la politique de l'aménagement du territoire. L'attente est forte après que la politique libérale menée par le précédent gouvernement a marginalisé les territoires ruraux. (On se gausse à droite) Ces effets ont été amplifiés par la RGPP. Entre 2007 et 2012, le Lot-et-Garonne a vu fermer son tribunal de grande instance, son tribunal d'instance, une gendarmerie, des écoles.
Le paradigme a changé depuis mai 2012. Le discours de stigmatisation des collectivités territoriales a fait long feu.
M. Jackie Pierre. - Abandon du rural !
M. Alain Gournac. - Et des dotations.
M. Pierre Camani. - Le Gouvernement a conclu un pacte de confiance, installé un Haut Conseil des territoires. La recherche de l'égalité des territoires ne constitue pas l'apanage de l'État ; charge aux collectivités territoriales de jouer leur rôle. Je me réjouis que la péréquation ait été renforcée malgré les difficultés financières.
M. Alain Gournac. - Que c'est drôle !
M. Jean-Louis Carrère. - Calmez-vous !
M. Pierre Camani. - Je pourrais citer d'autres preuves du volontarisme de l'État : la création de postes dans l'éducation nationale. Dans mon département, 21 postes d'enseignants à la rentrée 2013 - cela ne s'était pas vu depuis longtemps. Quoi qu'en dise M. Maurey, dont l'impatience confine à la démagogie...
M. Bruno Sido. - C'est vous qui êtes démagogues !
M. Pierre Camani. - ... le Gouvernement agit. Le précédent parlait d'un plan numérique. Celui-ci met en place un fonds : une enveloppe de 3 milliards est prévue pour financer le plan « France très haut débit ». (Exclamations à droite)
Autre exemple de l'action de l'État, le plan territoire santé ou encore le prochain texte de décentralisation qui conduira à plus d'égalité des territoires.
M. Bruno Sido. - Avec quels crédits ?
M. Pierre Camani. - L'égalité des territoires plutôt que l'aménagement du territoire ; ce n'est pas un simple changement de mots. Pour la première fois, il existe un ministre de l'égalité des territoires.
Pour finir, je citerai le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qui écrit dans son ouvrage La fin du village, « notre pays dispose de réserves de forces vives, il n'a pas dit son dernier mot ». (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Claude Requier . - L'égalité des territoires, à laquelle est très attaché notre groupe, vise le bien-être et la richesse de tous nos concitoyens. Ce n'est pas une idéologie, c'est donner à tous les territoires des activités économiques, et non à des bobos privilégiés qui viennent à la campagne écouter les petits oiseaux.
M. Bruno Sido. - Il a raison !
M. Jean-Claude Requier. - Rendre les territoires attractifs, c'est développer toutes les politiques avec les acteurs locaux ; c'est une question de transversalité. Prenons l'exemple de l'éducation nationale. La dernière enquête Pisa n'est pas flatteuse pour la France : elle fait apparaître notre pays comme un de ceux où le lien entre inégalités sociales et échec scolaire est le plus net. Ce, alors que les ZEP sont passées de 10 % du territoire en 1981 à 20 %. La ruralité est trop souvent oubliée.
La politique d'égalité des territoires, c'est plus de péréquation, mais aussi des grands projets de transport comme la LGV Lyon-Turin, même si cela gêne les crapauds et autres libellules.
Le Conseil économique et social préconise une loi-cadre sur l'égalité du territoire. À l'État d'assumer ses responsabilités envers les habitants de la ruralité et de l'hyper-ruralité. Ils font partie intégrante de la République et, à cet égard, aucun doute n'est permis ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
Mme Esther Benbassa . - Il y a plus d'un an, nous débattions de la politique de la ville, puis d'une proposition de résolution du groupe RDSE.
Nous faisons aujourd'hui le même constat, il est d'autant plus urgent d'agir que les municipales approchent. Dans les quartiers, certains habitants sont déçus par la gauche, disais-je en 2012. L'abstentionnisme pourrait bien être le grand gagnant : quand certains concitoyens ont de plus en plus la rage au coeur, ils peuvent être tentés par le repli communautaire ou religieux, bien plus dangereux que les violences ou les émeutes, qui veulent faire réagir le reste de la société.
M. Claude Dilain. - C'est vrai !
Mme Esther Benbassa. - La Cour des comptes dans un rapport de 2012 pointait du doigt le manque de coordination entre les ministères, d'une part, entre l'État et les collectivités territoriales, d'autre part, pour expliquer la situation dans les quartiers. Comme l'a établi le rapport de l'Observatoire national des ZUS, la pauvreté y progresse, les jeunes y connaissent un taux de chômage de 47 %. Et je ne parle pas de la santé, des transports, des discriminations.
Les habitants des quartiers doivent être considérés comme une richesse pour la France et mis au coeur de la politique de la ville.
M. Claude Dilain. - Bravo !
Mme Esther Benbassa. - Le rapport Bacqué-Mechmache en souligne l'enjeu politique. La lutte contre la stigmatisation et les discriminations doit être implacable. Le débat sur le port du voile a exacerbé l'islamophobie.
Il faut faire converger les politiques de l'État et des collectivités, réunir l'urbain et le social dans un projet global co-élaboré avec les acteurs, appuyé sur des initiatives citoyennes. Il faut changer le regard sur les quartiers.
M. Jean-Claude Lenoir. - Il y a du boulot !
Mme Esther Benbassa. - Donnons-nous en les moyens ! Le groupe écologiste se réjouit de ce débat et de l'examen du projet de loi sur la cohésion urbaine la semaine prochaine. Nous proposerons des amendements pour que ce texte ne représente pas un énième plan Marshall pour les banlieues mais marque un tournant : une politique urbaine conçue et pensée depuis le bas. Nous y reviendrons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)
M. Jean-François Husson . - « Que les citoyens soient quelque chose et que les fonctionnaires ne soient pas tout », voilà un extrait d'un texte sur la décentralisation datant de1865, connu comme le programme de Nancy. Nancéen je suis, lorrain je reste : il est bon de connaître ses racines pour fonder ses valeurs. Plus d'un siècle après, la formule fait frémir : que les citoyens soient quelque chose. Quel que soit le lieu où l'on habite, chacun a droit d'avoir accès aux services publics. Or malgré la création d'un ministère de l'égalité des territoires, les écarts s'aggravent en matière de téléphonie mobile, de très haut débit mais aussi de mobilité. Au-delà des mots, ce sont nos concitoyens qui, dans leurs multiples activités, souffrent de cette situation.
Deux textes sont à venir : un de programmation sur la ville et l'autre, deuxième tome de la loi de décentralisation, sur la déconcentration. Je crains qu'ils n'apportent aucune amélioration. La réforme est scindée, c'est mauvais signe. Le Gouvernement n'aime pas la ruralité, pour certains, en tout cas il lui donne trop peu de preuves d'amour. L'inflation normative sera-t-elle le fossoyeur de nos villages ? La réforme des rythmes scolaires est inapplicable dans les petites communes : faute de locaux pour les activités périscolaires, les parents devront payer.
M. Jean-Louis Carrère. - Idéologie !
M. Jean-François Husson. - En Meurthe-et-Moselle, plus de 80 % des communes sont dans un regroupement scolaire intercommunal, 20 % dans un regroupement dispersé. Ajoutons à cela la baisse des dotations aux collectivités territoriales. C'est la double peine.
M. Jean-Louis Carrère. - Quelle dialectique !
M. Jean-François Husson. - Certes, cette réforme n'est pas la vôtre, madame la ministre.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est la nôtre et nous y tenons.
M. Jean-François Husson. - Sous couvert d'égalitarisme de façade, les élus constatent que les inégalités se creusent. Venons-en à l'équité, prolongeons la péréquation horizontale initiée par le gouvernement de M. Fillon.
J'ai à vous proposer quelques pistes, en considérant les territoires en réseaux : c'est le moyen de consolider l'armature des territoires ruraux, d'accompagner les agglomérations tout en redynamisant les bourgs-centres. La loi SRU a confié aux territoires la réflexion sur un urbanisme de projet : si les régions ne jouent pas toujours leur rôle, avec les schémas régionaux d'aménagement, le Scot est le bon outil d'aménagement, je vous ferai des propositions en tant que président d'un Scot dans un département qui a la particularité d'être bi-Scot.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est craquant !
M. Jean-François Husson. - Après deux ans de travail, nous avons conclu un pacte dont on pourrait s'inspirer.
M. Jean-Louis Carrère. - Restez donc optimistes.
M. Jean-François Husson. - Au-delà des mots, il faut des actes. Nous notons la création du Commissariat général à l'égalité des territoires, du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Soit, mais quels sont les moyens pour atteindre nos ambitions ?
Je dénonce dans la baisse des dotations aux collectivités territoriales un coup de poignard dans le dos. Entendez la France qui gronde, entendez ceux qui continuent de vouloir entreprendre et de participer au sursaut pour redresser la France : ne les bridez pas ! (Applaudissements à droite)
Mme Delphine Bataille . - Pour la première fois, un ministère de l'égalité des territoires a été créé et le président de la République a réaffirmé sa volonté de résorber la fracture territoriale. Il le fallait après le démantèlement des services publics opéré par le gouvernement précédent, dont les effets ont été évidemment aggravés par la crise.
Face à ce défi, le Gouvernement a confié à diverses personnalités des missions, s'ajoutant aux rapports parlementaires. Il est temps de présenter une loi-cadre. Le Commissariat général à l'égalité des territoires devra mobiliser plus efficacement tous les acteurs publics alors que l'approche a été jusqu'à présent sectorielle et complexe, avec la multiplication des zonages et des normes. Les élus réclament une simplification et une intervention à l'échelle des bassins de vie. Depuis trois ans le département du Nord mène une politique volontariste d'aménagement du territoire qui passe par une contractualisation dans les bassins de vie pour développer des partenariats de concert avec les acteurs locaux, pour sortir de la logique de guichet.
L'accès aux services publics représente un enjeu majeur, surtout dans les territoires ruraux isolés.
Le développement du numérique non seulement freinera l'exode rural, car des entreprises pourront s'installer à la campagne, mais participera d'une meilleure couverture médicale et de la prise en charge des personnes âgées. L'objectif de la couverture totale du territoire en dix ans est ambitieux et le rôle régulateur de l'État sera déterminant...
M. Roland Courteau. - Bien sûr !
Mme Delphine Bataille. - ... tant les opérateurs privés s'intéressent peu aux territoires ruraux. Après la loi sur les métropoles, que nombre d'élus ruraux ont ressentie comme un abandon, je plaide pour plus de solidarité nationale et, donc, plus de moyens. Les réponses du Gouvernement doivent traduire sa volonté de donner un second souffle à ces territoires et de l'espoir à leurs habitants ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Claude Lenoir . - Madame la ministre, en décembre 2012, vous étiez pleine de flamme ; vous aviez l'enthousiasme d'un ministre nouvellement arrivé et dénonciez avec fougue la politique du gouvernement précédent. En novembre, votre ton était plus mesuré. Sans doute, l'expérience du Gouvernement modifie-t-elle le jugement sur ce qui a été fait et ce qui peut l'être...
Vous annonciez une loi-cadre, elle n'est pas venue. Le Sénat, quoi qu'en disent certains, a agi à votre place en élaborant une nouvelle version, plus équilibrée, de la loi sur les métropoles en y ajoutant les territoires ruraux ou territoires d'équilibre.
Je crois aux pays, il est fédérateur des intercommunalités. Ce n'est pas une structure supplémentaire, c'est le lieu où se rencontrent les élus à l'échelon pertinent.
D'ailleurs, les Scot sont portés par les pays.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est une possibilité !
M. Jean-Claude Lenoir. - Deuxième observation, pour que les pays...
M. Jean-Louis Carrère. - Une idée verte !
M. Jean-Claude Lenoir. - ... puissent travailler, il faut de la contractualisation, parce qu'elle impose de la concertation, du dialogue. Madame la ministre, vous semblez être d'accord avec cette approche, pouvez-vous me le confirmer ? Que seront les contrats de ville que vous avez annoncés ? Pour l'heure, leurs contours restent flous.
Troisième remarque, à quoi servent ces pays ? À organiser les services apportés au public. Gardons-nous de croire que les nouvelles technologies sont la panacée.
M. Jean-Louis Carrère. - On tweete moins dans le monde rural !
M. Jean-Claude Lenoir. - Il manque des infrastructures, l'accès au très haut débit est indispensable.
Il ne faut pas penser en silo, disiez-vous, madame la ministre. La formule m'avait plu : les fonctionnaires ne sont pas prêts à travailler ensemble lorsqu'ils relèvent de ministères différents. Il faut s'ouvrir aux nouvelles technologies, comme il faut développer les infrastructures de transport. Notre collègue a parlé de « département bi-Scot », il y a des deux fois deux voies, des « bi-routes », comme disait un député breton il est vrai, nuitamment, qu'il conviendrait de mettre en chantier, par exemple pour joindre Paris à Brest, - je vous le dis comme maire de Mortagne-au-Perche, une jolie sous-préfecture...
M. Gérard Larcher. - ... dans un beau département !
M. Jean-Claude Lenoir. - Il faut innover. Le président de La Poste nous a indiqué en commission comment il entendait maintenir l'activité de son entreprise malgré la diminution du courrier : on peut envisager de maintenir un lien humain, de servir les abonnés de la bibliothèque ou de la médiathèque, de distribuer des médicaments... Il y a dans le monde rural des trésors d'imagination.
Nous ne savons pas adapter la loi aux besoins. Laissons l'intelligence des territoires s'exprimer. Voyons comment faire mieux avec moins d'argent. Durant des années, le modèle était la ville, avec les villes nouvelles et les métropoles d'équilibre. Incontestablement, on observe actuellement un retour de balancier : le Perche attire des actifs.
Madame la ministre, je vous vois moins comme une ministre de l'égalité des territoires que comme une ministre de l'équilibre des territoires. Je vous demande à tout le moins l'équité, et si possible l'équilibre, un mot citoyen qui nous rassemble ! (Applaudissements sur les bancs UMP, UDI-UC, du RDSE et socialistes)
M. Jean-Jacques Mirassou . - J'évoquais, lors d'une séance de questions cribles sur la montagne, la détresse des quatre cantons de Haute-Garonne durement frappés par les inondations de juin 2013, victimes de leur enclavement et prisonniers de la mono-activité économique. N'en déplaise aux amnésiques, la RGPP a fait des ravages. Le Gouvernement va créer d'ici 2017 1 000 maisons de services publics, 64 zones de sécurité prioritaires, 500 postes supplémentaires dans la gendarmerie et la police et j'en passe. Il apportera son soutien aux communes avec 570 millions. Il travaille à la simplification des normes, réclamée lors des états généraux de la démocratie territoriale.
Le Commissariat général à l'égalité des territoires constitue aussi une avancée. Cela ne suffit pas, néanmoins, à former une véritable politique d'égalité des territoires pour le XXIe siècle.
Il faut définir une politique globale en adéquation avec les besoins des territoires et répondre aux appréhensions des élus locaux, au premier rang desquels les maires. De nombreux rapports ont été remis.
L'acte III de la décentralisation suscite l'inquiétude des élus locaux, qui avec les métropoles, craignent un affaiblissement supplémentaire de leurs territoires. Tous les acteurs doivent penser ensemble le rural et le phénomène urbain. Il ne faut pas opposer une ruralité vitrifiée dans son passé à la modernité urbaine. Tout le monde reconnaît que le département continuera à jouer son rôle car c'est un facteur de cohésion sociale et de solidarité territoriale, même si la création des nouveaux cantons n'est pas exempte de critiques. Cependant les critiques les plus violentes émanaient de l'ancienne majorité... qui avait acté sa disparition. (Protestations à droite)
Le nouveau mode de scrutin favorise la parité, qui est - qui peut le nier ? - facteur d'égalité des territoires. Les élus locaux ne devront pas hésiter à s'approprier ces nouvelles règles. Je suis persuadé qu'entre la résignation et la gesticulation, il reste toute sa place pour l'action. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - J'ai grand plaisir à vous retrouver en ce début d'année pour évoquer l'égalité des territoires, deux mois après le débat de contrôle précédent.
Le président de la République a réaffirmé hier en présentant ses voeux aux corps constitués son attachement à ces questions. Soyez assurés que ma détermination n'a pas fléchi.
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous allons le vérifier !
Mme Cécile Duflot, ministre. - Le temps est venu de déployer une action plus vaste, en faveur de l'égalité des territoires.
Depuis 2012, la péréquation a été renforcée. L'exigence de solidarité nous oblige, aujourd'hui plus que jamais. Un fonds de solidarité, doté de 570 millions, va être créé, tandis que DSU et DSR augmenteront de 4 % en 2014. La DGF, quant à elle, sera adaptée à la réalité des territoires.
La solidarité, la réparation des inégalités passent aussi par la présence médicale et l'accès aux soins. Sur ce sujet le Gouvernement est déterminé. Le FNADT a subventionné les maisons de santé pluridisciplinaires, portant à 300 le nombre de ces structures financées par l'État en trois ans. Cette action est complémentaire du pacte « Territoire santé » de Mme Touraine.
La connexion entre les territoires est un autre enjeu majeur. C'est l'une des clés du développement - je reviendrai sur le très haut débit. Le Premier ministre l'a dit, la taxe poids lourds est nécessaire au financement de l'Afitf, et en particulier de la rénovation du réseau ferré secondaire ; de nombreuses lignes sont en effet fragilisées, faute d'investissements. Je souhaite que tous les partis qui ont voté cette taxe trouvent la voie du consensus. La commission d'enquête dédiée s'est réunie aujourd'hui à l'Assemblée nationale. En attendant que ses travaux aboutissent, la TPL a été suspendue, vous le savez.
Le plan THD financera 20 milliards d'euros en dix ans pour que le territoire soit couvert en 2017 ; 4,7 milliards sont déjà mobilisés, deux à trois projets conséquents sont examinés chaque mois. Le milieu rural et les zones de montagne ne sont pas laissés de côté. Cela ne doit pas nous faire oublier les difficultés qui persistent dans certains territoires, les zones blanches ; tout le monde est mobilisé pour leur résorption.
Nos travaux sur le développement des usages et des services numériques se poursuivent. Là est la valeur ajoutée pour les territoires. Des initiatives sont prises, qui doivent être encouragées et accompagnées. Ce sera le cas en 2014.
J'ai décidé en outre de soutenir les pôles territoriaux de coopération économique, à hauteur de 2 millions d'euros. Entreprises traditionnelles ou de l'économie solidaire, structures de formation, associations, seront encouragées à travailler ensemble pour offrir de nouveaux services. La concurrence n'est pas le seul modèle possible.
La création du commissariat à l'égalité des territoires est une avancée majeure. Non pas outil de planification mais charnière des relations entre l'État et les collectivités territoriales, il sera le garant de la continuité territoriale, le catalyseur des initiatives locales, dans une logique ascendante.
Les nouveaux contrats de plan État-région sont une échéance importante en 2014. Ils contiennent de nombreuses novations, font la part belle à la transition énergétique et écologique, comprennent un important volet territorial afin de lutter contre les inégalités infrarégionales. Nos concitoyens seront encouragés à participer davantage à la vie locale, via des mécanismes de financement d'initiatives citoyennes.
Comme l'a dit le Premier ministre devant le dernier congrès des maires, le Gouvernement fait de la question de l'accès aux services publics une priorité absolue. Un titre spécifique du projet de loi « Mobilisation des régions » que présentera Mme Lebranchu sera consacré à cette question. Des schémas d'accessibilité aux services publics seront rendus obligatoires dans tous les départements. Certains départements volontaires se sont déjà prêtés à l'exercice, à l'instar du Lot-et-Garonne. L'objectif est ambitieux : 1 000 maisons de services publics d'ici 2017. Nous n'avons rien inventé : la maison des services publics de Clichy a changé le quotidien de ses habitants, il faut généraliser ces initiatives à l'ensemble des territoires. Un fonds de développement des maisons de services publics sera créé en 2014, alimenté à 50 % par l'État et les opérateurs, qui financera la moitié des coûts de fonctionnement de ces maisons, soit 35 millions d'euros par an en vitesse de croisière.
L'objectif demeure celui d'une maison des services publics dans chaque canton pour maintenir un contact humain dans chaque territoire. Je salue la mobilisation des opérateurs, les groupes de travail techniques sont en place.
Le maillage équilibré du territoire est un impératif. C'est l'ambition du programme décidé en novembre dernier et le président de la République a rappelé hier cette exigence. Il faut recréer les bourgs-centres - la contractualisation est un bon outil, j'en suis d'accord, monsieur Lenoir - et réorienter les crédits d'État en matière de logement, de santé, d'emploi des jeunes. Nous entendons accompagner les collectivités à mettre en place des projets transversaux non consommateurs d'espaces agricoles ou naturels, qui intègrent toutes les dimensions de la revitalisation. Je me suis rendue en Meurthe-et-Moselle à l'invitation de Mme Didier, je sais l'implication des élus. Je répondrai volontiers à d'autres sollicitations et viendrai volontiers goûter les fromages du Cantal, monsieur Mézard...
Le FNADT a pour ce faire été abondé de 15 millions supplémentaires en 2014, les crédits progressent donc, contrairement à ce que certains disent. Une enveloppe spécifique pour les aides à la pierre a été débloquée dans le cadre de ce programme, car nous devons aussi répondre aux besoins des habitants dans les zones moins tendues. Comme l'a dit le président de la République, faire plus pour les territoires ruraux et fragiles est une priorité. Il a annoncé hier, lors de ses voeux aux corps constitués, des contrats spécifiques, sur le modèle de la politique de la ville, pour mieux cibler et articuler l'action de l'État.
Monsieur Maurey, j'ai pris un engagement devant vous : il sera tenu. Le 14 janvier prochain, je déposerai à l'Assemblée nationale un amendement qui reprend le dispositif relatif au PLUI tel qu'imaginé par le Sénat.
Je souhaite enfin que nous disposions de nouveaux indicateurs de richesse, au-delà du PIB par habitant, afin de mieux piloter la politique d'égalité des territoires.
Le ton de ce discours était moins lyrique que les précédents...
M. Jean-Claude Lenoir. - On l'a noté !
Mme Cécile Duflot, ministre. - ... mais il était surtout l'occasion de dresser un premier bilan et des perspectives claires de l'action de mon ministère et du Gouvernement en matière d'égalité des territoires. Merci, monsieur Requier, d'avoir cité M. Eugène Claudius-Petit ; l'égalité est un projet que nous devons continuer à construire ensemble, je compte sur vous pour le nourrir ! (Applaudissements à gauche)
Le débat est clos.
La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 17 h 10.
Débat sur la politique étrangère de la France
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la politique étrangère de la France.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères . - Permettez-moi d'abord de me féliciter de la tenue de ce débat qu'il serait bon de rendre plus régulier. Je n'ai pas d'idées précises sur les modalités, on pourrait l'organiser autant que de besoin, peut-être trois tous les deux ans... Les multiplier, ce serait les affadir.
Cet échange est particulièrement important, dans un monde globalisé en transition, en adaptation. Nous sommes passés de la bipolarité de la guerre froide à l'hégémonie américaine, puis à une organisation dont nous avons du mal à dessiner les contours. Un monde qui n'a pas de pôle... Pour autant, est-il apolaire ? Vous l'avez dit, monsieur le ministre, lors de la XXIe conférence des ambassadeurs, notre monde est dorénavant constitué d'une multitude d'acteurs, de nature et de taille diverses, sans que l'un d'entre eux ou une régulation collective n'assure une gouvernance mondiale efficace et incontestée. Les clés de lecture ne sont pas évidentes. J'espère que notre débat éclairera les positions et la place de la France.
Dans ce monde en devenir, le président de la République veut faire de la France un pont entre les continents pour éviter ce que d'aucuns ont appelé le choc des civilisations. Notre pays se veut une puissance repère, c'est-à-dire une nation qui s'exprime au-delà de ses intérêts. Elle l'est, nous le constatons lors de nos déplacements annuels à l'ONU ; son influence dépasse son poids démographique, économique, militaire. Démographiquement parlant, nous ne pèserons plus que 0,85 % de la population mondiale dans dix ans ; sur le plan économique, nous passerons sans doute de la cinquième à la septième place mondiale. Nous sommes bien conscients que sans redressement économique, il n'y a pas de rayonnement international - et pas d'indépendance nationale. Ce qui justifie pleinement l'accent mis par le ministère sur la diplomatie économique.
Pour maintenir notre capacité d'influence, nous avons besoin de moyens d'actions, notamment militaires. La loi de programmation militaire y pourvoit, dans un contexte de sérieux budgétaire - c'était un challenge... La tentation était forte de faire de la défense une variable d'ajustement : ce n'est pas le cas, les arbitrages du président de la République ont été clairs.
Pour que notre diplomatie agisse efficacement et que la France demeure une puissance d'influence, le ministère a besoin de moyens. Mais la tendance est à la baisse des crédits et on ne peut plus faire mieux avec moins. Un rapport de MM. Juppé et Schweitzer de 2008 soulignait déjà que le ministère des affaires étrangères était à l'os... Cela reste vrai, malgré votre puissante imagination, monsieur le ministre, pour atténuer le choc.
Au Mali, en République centrafricaine, la France peut beaucoup et elle s'est engagée sans hésiter. Mais elle ne peut agir seule dans la durée. La solidarité des autres pays et des organisations internationales tarde à se manifester. Les crises malienne, centrafricaine, syrienne posent la question de la gestion collective des conflits.
Premier problème : la responsabilité de protéger. Au Mali comme en République centrafricaine, l'intervention française a été unanimement saluée - j'en profite pour rendre hommage à nos soldats et à nos diplomates. Il n'en va pas de même en Syrie, où le massacre par Bachar el-Assad de sa propre population se poursuit sous protection russe. La communauté internationale assiste, impuissante à une entreprise criminelle à grande échelle - déjà plus de 120 000 morts -, et dont il faut redouter les conséquences pour la paix de la région et celle du monde. La conférence de Genève II, qui se tiendra dans quinze jours, ne suscite guère d'espoirs.
L'islamisme radical représente un danger, je partage cette analyse avec la Russie. Mais le soutien indéfectible que cette grande nation apporte au régime syrien a puissamment contribué au renforcement des extrêmes et au succès du djihad en Syrie. Une bonne application de la notion de responsabilité de protéger aurait dû conduire les Russes, il y a deux ans, à rechercher une solution politique par la négociation. L'impasse actuelle est dangereuse.
L'exemple syrien reflète la panne du système international de règlement des crises et le blocage de l'ONU.
Autre sujet de préoccupation : l'Europe, qui est notre priorité politique. Les élections allemandes sont désormais passées, les élections européennes sont à venir. Espérons-en un sursaut de solidarité, car, comme l'a dit le président de la République, ou l'Europe est capable de se redessiner un projet ou alors, lentement mais sûrement, elle connaîtra un processus de déclassement, de désintégration, fatal et préjudiciable à l'ensemble du monde. De fait, l'Europe est une référence, un cadre et même plus : un exemple à suivre de coopération régionale. Je sais que vous partagez les inquiétudes de tous les Européens convaincus ; éclairez-nous, monsieur le ministre, sur la politique de relance de l'Europe que vous comptez mener après les élections.
J'ai conduit fin 2012 une courte mission à Moscou, avec Yves Pozzo di Borgo et Michelle Demessine. Nos relations avec ce pays, qui ne peut être qu'un grand partenaire, sont complexes, et je ne veux pas insister sur les pierres d'achoppement. Je me félicite de l'excellent climat de nos discussions avec nos collègues du Conseil de la Fédération et les membres de l'exécutif. La volonté de coopération est indiscutable.
La menace islamiste est fortement présente sur le sol russe, qui compte 20 millions de musulmans ; les attentats à la veille des jeux Olympiques de Sotchi le montrent. Pour autant le soutien russe à un des pires dictateurs du moment a produit l'inverse du résultat espéré : au succès de l'islamisme radical et à la déstabilisation de la région.
Nous avons appelé à une réunion des sénats du G8, et à une multiplication de nos échanges. Il ne s'agit pas de brasser de grandes idées de manière désordonnée, mais d'aborder des thèmes précis préalablement définis de concert. Nous nous rapprocherons, bien sûr, du Quai d'Orsay avant ces réunions. Ma collègue Patricia Adam et moi-même avons invité le vice-Premier ministre Rogozine, chargé de la politique d'armement, à être l'hôte d'honneur de nos universités d'été de la défense en septembre prochain. La diplomatie parlementaire peut peut-être jouer un rôle...
Pour conclure, un mot du passionnant Traiter avec le diable ? de Pierre Grosser. Il y montre, après les crises de Munich, de Suez et du Vietnam, les risques de la diabolisation de l'adversaire, il faut toujours dialoguer ; on ne choisit pas ses interlocuteurs... Les diables ont changé, même si le mot de Pierre Desproges reste indépassable : « L'ennemi est bête : il croit que l'ennemi, c'est nous, alors que l'ennemi, c'est lui ». (Applaudissements)
Mme Michelle Demessine . - Il est difficile de percevoir, en ce début d'année, en quoi nos objectifs de politique étrangère se démarquent de ceux du précédent gouvernement.
Mme Nathalie Goulet. - Tout de même !
Mme Michelle Demessine. - Nous espérions une politique nouvelle davantage inspirée par les valeurs de gauche. Entre la guerre au Mali, vos positions sur le nucléaire iranien, votre rapprochement avec l'Arabie saoudite, il est difficile de comprendre vos lignes directrices.
L'urgence humanitaire en République centrafricaine était là, il fallait agir. Mais nous avions exprimé des réserves en raison d'un cadre d'intervention mal défini et d'une sous-estimation de la complexité du terrain. Au-delà, ne s'agissait-il pas également de préserver l'influence et les intérêts stratégiques de la France dans la région ? Faute d'avoir été convaincus que la sécurité de l'Europe se jouait au Sahel, nos partenaires européens sont réticents à nous accompagner. Ce que résumait le Chancelier autrichien en disant : quand on lance une telle opération, il est important de se mettre d'accord avant ; on n'envoie pas l'addition après...
De plus, le cadre de la résolution 2127 ne permettra pas de transformer cette intervention en opération de maintien de la paix. Elle autorise seulement le recours à la force.
L'archevêque de Bangui l'a dit : les interventions militaires ne peuvent agir sur les causes profondes, cette pauvreté, ces inégalités sociales qui résultent des politiques libérales imposées par le FMI et la Banque mondiale.
Il faut à présent trouver les moyens pour que la communauté internationale prenne le relais. Convainquons l'Union africaine de s'engager. Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel l'ont souligné dans leur rapport : il est temps d'instaurer un partenariat d'égal à égal entre l'Europe et l'Afrique.
Votre ligne de conduite au Proche-Orient m'inquiète tout autant. Sur le dossier syrien, nous avons été lâchés par les États-Unis. À la veille de la conférence de Genève II, tentons de reprendre la main. N'excluons pas l'Iran. Cessons de fournir des armes létales à la rébellion syrienne. Utilisons notre influence pour que tous les protagonistes du conflit participent à cette conférence. Unissons nos forces avec nos partenaires européens pour venir en aide aux 8 millions de personnes déplacées par ce conflit, pour beaucoup des femmes et des enfants. Souvenez-vous qu'en d'autres temps, nous avons accueilli 15 000 réfugiés chiliens. Pourquoi seulement 700 Syriens ? Le problème des déplacés palestiniens, déchus de leur statut de réfugiés avec leur départ de Syrie, est un autre drame sur lequel nous ne pouvons fermer les yeux.
Je me réjouis que notre diplomatie ait obtenu des avancées concrètes sur le dossier du nucléaire iranien. Poursuivons nos efforts dans cette direction. En revanche je ne suis pas convaincue que nous ayons intérêt à nous rapprocher des monarchies pétrolières comme l'a fait le président de la République. N'allons pas jouer les sunnites contre les chiites ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Pierre Chevènement . - Dans son discours du 27 août 2012, le président de la République assignait à la France un rôle de pont entre les nations, entre le Nord et le Sud, entre l'Orient et l'Occident. Vision tout à fait judicieuse ! La France ne saurait se définir par une appartenance aux nations développées occidentales, comme le pensait le précédent président de la République ; elle appartient à la grande famille des nations humaines.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le monde connaît un grand chambardement, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, le 29 août 2013. L'Europe à 28 n'est plus ce qu'elle était à 6, quand la France y jouait un rôle dominant ; elle est désormais, du fait de l'intégration économique, germano-centrée. On promettait autrefois de faire l'Europe sans défaire la France. Certes ! Il est temps de revenir à cette approche, de reconquérir notre attractivité économique.
L'euro, victime de son vice de conception initial, divise les peuples. La chancelière allemande a déclaré que l'euro, tôt ou tard, exploserait sans la cohésion nécessaire. Les réticences de Mme Merkel à consentir les transferts de 10 % du PIB allemand qu'impliquerait une union plus fédérale sont légitimes mais la conséquence en est que l'union bancaire n'est qu'un simulacre. Attention : on peut très bien défaire la France, sans pour autant faire l'Union européenne !
Alors, que faire ? D'abord corriger les erreurs du passé. Nous ne sommes pas pieds et poings liés par des choix faits il y a vingt ans. La France et l'Allemagne doivent être moteurs du changement. Changeons les règles du jeu de l'euro, comme l'a suggéré Hans-Werner Sinn. Donnons à une Union qui serait européenne un projet fort autour de concepts clairs comme la démocratie et la monnaie, centré sur l'essentiel et porté par des institutions revues et corrigées.
Quel sens donner à l'accord entre l'Ukraine et la Russie ? Défions-nous de la russophobie, l'émergence d'une classe moyenne dans ce grand pays est le plus sûr moyen de faire progresser la démocratie. Refusons l'anti-poutinisme primaire qui voit dans M. Khodorkovski un défenseur des droits de l'homme. (Sourires) À vouloir exporter la démocratie, les États-Unis se sont cassé les dents : un Irak voué à la partition et à la guerre civile, où progressent, comme en Syrie, les mouvements affiliés à Al-Qaïda, un Iran érigé en puissance régionale.
Le général de Gaulle disait que l'on ne fait pas de bonne politique sans tenir compte des réalités. En politique, le réalisme a à voir avec la vraie morale, celle qui selon Pascal « se moque de la morale ».
La France ne doit pas se définir par l'occidentalisme comme du temps du président Sarkozy, quand on confondait responsabilité de protéger et changement de régime. « Kadhafi doit partir ! » disait M. Juppé. L'occidentalisme tourne le dos à la vocation de la France, à savoir le dialogue entre les cultures et entre les nations, justement prôné par le président de la République.
On peut habiller l'ingérence de références aux « droits de l'homme » ; ceux-ci ne s'entendent pas sans les droits du citoyen. L'Arabie séoudite doit-elle être notre principale référence ? République laïque, la France n'a pas à prendre parti entre chiites et sunnites. La politique arabe de la France au temps du général de Gaulle était de favoriser les forces de progrès.
Nous voulons tendre la main aux nations émergentes qui façonnent le monde de demain. Alors, n'allons pas au rebours du monde ! La première exigence de la communauté mondiale et de la Charte de l'ONU est le respect de la souveraineté nationale pour l'intégrité des frontières et pour la non-ingérence. L'indépendance de la France ne peut aller contre ces principes sans saper ses propres fondements.
J'ai parlé avec franchise, monsieur le ministre, car je connais votre perspicacité, votre intelligence et vos talents qui peuvent rendre de très grands services à notre pays. C'est aussi dans l'intérêt du pays que je me suis exprimé. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Kalliopi Ango Ela . - Je veux d'abord saluer, en tant que sénatrice écologiste des Français de l'étranger, la libération le 30 décembre de Georges Vandenbeusch, grâce à la coopération des autorités camerounaises, nigérianes et françaises.
La politique étrangère de la France doit répondre aux objectifs de réactivité, de pertinence et de pérennité. Écologistes, nous pensons que le recours à la force doit être le dernier recours. Ne confondons pas paix négative et positive, pour reprendre les termes du politologue norvégien Johan Galtung. La France a agi avec réactivité en lançant l'opération Sangaris en République centrafricaine pour mettre fin aux massacres. Il faut désormais gagner la paix. Le chaos qui règne dans ce pays est le résultat d'un marasme multifactoriel, alliant la nécrose du système politique à l'absence d'un État viable. Nous devons pour cela passer d'un cadre bilatéral à un cadre multilatéral.
La situation reste préoccupante au Mali, à l'approche des élections et un an après l'opération Serval.
J'ai aussi une pensée pour la situation dramatique de la République démocratique du Congo, avec les enfants soldats et les femmes violées dont le corps est utilisé comme une arme de guerre.
Nous ne construirons la paix durable que par la coopération avec les instances régionales et une solution globale. On le voit au Proche et au Moyen-Orient où, malgré l'accord du 24 novembre, des doutes subsistent sur ce que fera l'Iran. Vous les avez exprimés vous-même, monsieur le ministre, dans le Wall Street Journal le 18 décembre 2013. On pourrait, dans cette région, prendre exemple sur l'Afrique qui a bâti une zone exempte de toute arme nucléaire avec le traité de Pélindaba de 1996. L'Afrique du Sud a alors démantelé son arsenal nucléaire clandestin.
S'agissant de la Syrie, le vote de la résolution des Nations unies n'a été qu'un premier pas. La conférence de Genève II sera capitale. Notre politique étrangère doit être réactive, pertinente et s'inscrire dans la durée. Elle doit mettre l'accent sur la recherche d'une paix fondée sur la justice.
J'en terminerai par une citation de Roger Yomba Ngué issue de Qui menace la paix et la stabilité en Afrique ? « Le plus important, c'est l'enseignement qu'on en tire et les décisions que l'on prend pour en sortir afin de construire un avenir plus probant et prometteur pour les générations futures. ».
M. Christian Cambon . - L'UMP souhaite que soit enfin fixé un cap clair à notre politique étrangère. Nous ne sommes pas les seuls, certains parlent d'une politique brouillonne.
Un cap clair, cela suppose que la France soit entendue et respectée. Le président de la République a réussi le véritable tour de passe-passe de s'imposer en décidant les interventions au Mali et en République centrafricaine. Mais à quel prix ? La solitude et une réduction des moyens de notre armée. La réalité est que nous sommes seuls au Mali, comme en République centrafricaine. Nous ne pouvons pas jouer les casques bleus universels quand notre armée connaît des déflations importantes.
Nous sommes loin des 2 % du PIB recommandés. Rappel douloureux pour vous, mais il convient de le faire, les moyens engagés en Afrique vous viennent de la présidence Sarkozy.
Exister sur la scène internationale exige un dialogue permanent avec nos partenaires européens. Ceux-ci ne sont pas dupes de votre manière, dangereuse au reste, de surfer sur l'euroscepticisme ambiant ; ils aimeraient être consultés.
Un mot de notre présence africaine car, encore heureux, nous sommes encore présents sur ce continent. L'urgence est dorénavant diplomatique en République centrafricaine. Nous ne pouvons pas assurer la reconstruction de l'État de droit, j'allais dire l'État tout court, et au Mali et en République centrafricaine. Où en sont vos échanges avec les chefs d'État africains ? En janvier 2013, vous disiez que nous n'avions pas vocation à rester dans ces pays. Hélas, à ce jour, nous ne disposons pas de calendrier militaire et politique. Le besoin s'en fait d'autant plus sentir que les soldats français et tchadiens commencent à être accusés de partialité.
Nous avons salué la manière dont la France a obtenu l'adoption de la résolution 2127 à l'ONU. Mais quid du dialogue au sein de l'Union européenne ? Nous voici engagés sur un territoire de 600 000 km², en proie aux pillards et à des conflits religieux dont il était jusqu'alors préservé ; un pays frontalier de nations fragiles. Je regrette donc, encore une fois, la sous-dotation des Opex qui, quoi qu'on en dise, sont le bras armé de notre diplomatie. Nos soldats auront besoin de renforts face à des guerriers lourdement armés, pas seulement de soutien logistique. Les retours d'expérience du Mali et le premier bilan de l'opération Sangaris le montrent.
L'Afrique connaît un taux de croissance de 5 %. Que font les acteurs qui s'y sont installés depuis dix ans et profitent de cette manne ? Il faut donc réajuster les barèmes et les quotes-parts dans les enceintes internationales et au Fonds européen de développement. L'Inde et la Chine, elles, n'ont pas d'état d'âme et ne sont pas accusées de néocolonialisme.
Si la France doit intervenir dans chaque pays exsangue, cela suppose que nous en ayons les moyens. Partout, en Afrique on observe une fissuration des États ; voyez le Soudan du Sud. Nous nous interrogeons donc sur le récent sommet de l'Élysée ; un sommet africain de plus ?
La composante économique de notre diplomatie étrangère doit être renforcée et je salue votre action, monsieur le ministre, depuis votre arrivée au Quai d'Orsay. Nous n'avons pas à rougir de notre politique en Afrique : nous formons les gouvernants de demain.
Autre zone d'intérêt, le monde arabe où cet autre printemps arabe qu'est la Syrie n'en finit pas. Nous avons bien fait de ne pas y intervenir seuls et hors de tout cadre international. Pour autant, il faudra trouver une solution.
La Russie, sur laquelle M. Carrère a insisté, est un partenaire important ; nous devons dialoguer avec elle dans le respect de notre tradition. Quelles garanties comptez-vous obtenir ?
Quelles sont les initiatives franco-allemandes auxquelles le président de la République a fait allusion ? Je regrette les propos désobligeants tenus sur l'Allemagne l'an dernier, émanant des rangs de la majorité.
En cette période de voeux, je forme celui que la France soit à la hauteur de sa tâche et de sa mission dans le monde !
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. - Elle l'est !
Mme Nathalie Goulet . - Monsieur le ministre, on vous a interrogé sur tous les sujets. Reste que la diplomatie commence à la porte de nos ambassades... Entêtée, je vous reparlerai de la formation de nos ambassadeurs et de mes chers amis les ambassadeurs thématiques. J'avais proposé leur suppression, j'ai obtenu un rapport. Quels sont les critères de nomination ? Faut-il avoir été recalé du suffrage universel ? Quel est leur coût ? À qui rendent-ils des comptes ? La nomination de Mme Ledoux, ancienne députée des Ardennes et maire de Charleville-Mézières, à la « coopération régionale dans l'océan Indien » laisse perplexe. La Cour des comptes y a vu un bon exemple de gestion non transparente des deniers publics. Je crois que ces ambassadeurs thématiques peuvent parfaitement s'intégrer dans notre architecture : un ambassadeur à la culture en Asie centrale par exemple, ou encore à la coopération médicale, aux énergies renouvelables ou à la lutte contre la pollution. Un conseiller par ambassade, ce temps est fini.
La nomination des ambassadeurs ? Sur les 22 pays de la Ligue arabe, nous n'avons que 6 ambassadeurs parlant l'arabe. Celui qui vient d'être envoyé aux Émirats arabes unis n'en connaît pas un mot. Il remplace un excellent arabisant et remarquable diplomate - à qui on a proposé l'Irlande !
Nous avons besoin d'outils d'évaluation renforcés. J'insiste sur la nécessaire cotutelle du ministère du commerce extérieur sur l'AFD, qui a accordé récemment un prêt à l'Azerbaïdjan, qui n'en a guère besoin... Oui à la diplomatie économique.
Je ne vous parlerai pas de l'Iran pour lequel j'ai des yeux de Chimène, mais je vous parlerai de l'Azerbaïdjan, vous n'y échapperez pas ! (Sourires) Notre pays détient un record Guinness : cela fait dix-sept ans qu'aucun ministre des affaires étrangères français ne s'est rendu à Bakou. Or ce pays a changé, il joue un rôle important. Il faut sortir du statu quo dommageable dans le conflit sur le Haut-Karabakh ; le groupe de Minsk que la France préside, y a insisté. L'Arménie doit libérer les sept provinces qui entourent le Haut-Karabakh et dont chacun reconnaît qu'elles sont occupées.
En dépit des points de vue divergents que nous pouvons exprimer dans l'hémicycle, nous sommes totalement solidaires du Gouvernement à l'étranger. Vous pouvez avoir confiance dans notre diplomatie parlementaire, elle n'est pas maladroite.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet . - Je veux vous parler de l'Afrique, et plus précisément des pays pauvres et de l'aide au développement.
Tout cet argent pour quoi faire ? Malgré les satisfecit donnés ici et là, nous n'avons pas tiré les leçons de l'intervention au Mali. La France ne peut se contenter de jouer un rôle de gendarme.
Nous avons une expertise sur le Sahel avec les rapports Chevènement-Larcher et j'ai été aussi convaincu par M. Michailof : la situation au Sahel présente des analogies inquiétantes avec l'Afghanistan : une région soumise à une crise environnementale à cause de la pression démographique, sans investissements publics, sans équipements, avec une population dans un complet dénuement, en proie à des tensions interethniques voire religieuses. Des zones rurales, sous-administrées voire dépourvues d'institutions étatiques, une population très jeune frappée par un chômage de masse, des groupes armés mobiles financés par divers trafics, s'appuyant sur un fondamentalisme religieux proposant une idéologie séduisante, des zones de repli : autant d'éléments pour que se déclenche au Sahel et au-delà une crise multiforme - politique, économique, humanitaire et sécuritaire comme nous l'avons vu au Mali, mais aussi au Niger et au Burkina Faso.
Or je ne constate aucune inflexion dans la loi de finances pour 2014. Nos outils de coopération sont inadaptés : prêts de l'AFD, ou annulations de dettes dont ces pays ne bénéficient que marginalement.
Il faudrait d'abord doubler, donc porter à 400 millions, l'aide projet à destination de ces pays, la France amorçant un fonds dont elle conserverait la gouvernance en raison de son expertise.
Il faut ensuite doubler l'aide Fonds de solidarité prioritaire au Sahel. Cela implique de raboter les ressources affectées au fonds Sida - bien que ce soit peu politiquement correct - celles affectées aux multiples fonds ONU, dont l'efficacité n'est pas prouvée, de diminuer les crédits d'accompagnement du FMI, de réduire les frais de personnel du Scac et de faire des économies sur tous les postes.
Je finirai par deux questions. Quelle est la position de la France par rapport au MNLA, dans la zone de Kidal ? Des critiques s'élèvent à Bamako, qui risquent de ruiner notre crédit après l'opération Serval ?
S'agissant de la République centrafricaine, la force multinationale africaine est-elle en mesure de prendre notre relais ? On dit le Tchad opposé à une intervention des Casques bleus : quelle sera la position de la France à l'ONU ? (Applaudissements)
Mme Josette Durrieu . - Je concentrerai mon intervention sur l'Iran.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Josette Durrieu. - L'accord passé à Genève le 24 novembre 2013 est un bon accord : nous avons obtenu toutes les concessions exigées de l'Iran. D'aucuns regretteront que les usines d'enrichissement n'aient pas été toutes fermées. L'accord ne traite pas de la militarisation, il n'envisage pas la fermeture de l'usine souterraine de Fordo. Une exigence plus grande aurait été courir le risque de l'échec. Cet accord limite les capacités de l'Iran dans son élan vers l'arme nucléaire si tant est que ce soit son choix.
Certains diront que l'Iran peut rapidement enrichir son plutonium mais d'autres objecteront qu'en quelques minutes des missiles détruiraient ses installations nucléaires.
Cet accord transitoire favorise les modérés et le président Rohani. Son pays va pouvoir vendre un million de barils de pétrole par jour, la moitié de ce qu'il vendait il y a dix ans. Souhaitons que les négociations aboutissent à un accord complet.
On peut s'interroger sur l'effet des sanctions sur le régime, elles n'ont pas enrayé le programme nucléaire. En 2006, espérions-nous vraiment faire plier l'Iran, qui lançait la construction d'un réacteur au plutonium à Arak ? Nous devons faire vivre cet accord, avec vigilance. Peut-il changer la donne dans la région ?
Israël y voit une « erreur historique ». M. Netanyahou campe sur une ligne dure partagée par l'Arabie saoudite et une grande partie du Congrès américain. Israël peut-il maintenir sa menace militaire ? Ce pays n'est pas lié par cet accord non plus que par le traité de non-prolifération nucléaire ni par la convention sur les armes chimiques.
La menace nucléaire est réelle, elle ne doit pas être le moyen pour Israël d'occulter la question palestinienne. Le statu quo, l'occupation et la colonisation de la Cisjordanie, l'annexion de Jérusalem-Est sont intenables. L'existence d'Israël passera par son insertion dans la région.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Gilbert Roger . - La violence de la crise économique en Europe freine les ambitions du continent en matière de défense. Londres s'est ainsi opposé au déploiement des groupements tactiques en Afrique. Cela étant, la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) a conduit à une trentaine d'opérations à ce jour.
Il faut se réjouir que le dernier Conseil européen ait placé ces enjeux à l'ordre du jour, alors que les dépenses de défense baissent de 10 % en Europe, passant ainsi sous l'enveloppe que les pays asiatiques consacrent à ces questions.
Cyberdéfense, ravitaillement en vol, drones communs, revitalisation du tissu industriel commun... Ces questions feraient consensus si nous partagions une vision stratégique commune. Paris affirme sa responsabilité à promouvoir l'Europe de la défense, mais Berlin ne souhaite pas s'engager sur le terrain. Au-delà, nos agendas politiques sont profondément déconnectés.
Mme Catherine Ashton a proposé des avancées dans le financement des missions, mais la coopération devrait se limiter à quelques programmes spécifiques, entre autres sur les drones. Catherine Ashton remettra en outre un rapport au premier semestre 2014 sur le financement des Opex, sujet qui nous tient à coeur.
Le monde entier se réarme. Avoir une politique de défense n'est pas un luxe mais une nécessité pour protéger nos valeurs. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)
M. Jeanny Lorgeoux . - En ce jour anniversaire du décès de François Mitterrand, je veux vous parler de l'Afrique, un continent auquel il était très attaché. En République centrafricaine le relais de l'intervention française par des troupes onusiennes est jugé prématuré, ce qui laisse mal augurer du prochain sommet de l'Union africaine. La France a eu raison d'intervenir en République centrafricaine ; il en allait de la défense de nos valeurs. L'Europe doit comprendre qu'une partie de son avenir est en Afrique.
En attendant, la France fait face, en redéployant son dispositif militaire au Sahel, étendu d'est en ouest tout en maintenant ses pôles prépositionnés : elle a raison.
La France fait face avec l'opération Sangaris. Nos 1 600 soldats remplissent des tâches difficiles de maintien de l'ordre et de désarmement des milices, préparent le terrain aux solutions politiques.
Les prochaines semaines seront rudes. Le plus difficile, malgré le courage des responsables religieux, est de rompre le cycle infernal de la haine et de la violence.
Pour reconstruire les bases d'un dialogue national, l'Europe pourrait s'engager pour élargir les termes du mandat que le Conseil de sécurité des Nations unies nous a confié.
Est-ce impossible ? Notre diplomatie a déjà montré les ressources insoupçonnables de son talent, à l'image de son ministre !
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. - Merci.
M. Jean Besson . - Cette dernière intervention sera consacrée à la Chine. Nous fêtons les cinquante ans de l?établissement des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine, et recevrons prochainement son président Xi Jinping.
L'arrivée au pouvoir d'une nouvelle équipe pour les dix prochaines années avec le président Xi Jinping et le Premier ministre Li Keqiang, s'avère très prometteuse. Les premières rencontres officielles, celles d'avril 2013 et du mois dernier, se sont parfaitement bien passées. Les relations franco-chinoises sont aujourd'hui excellentes. J'ai invité l'ambassadeur chinois au Sénat. Nous recevrons bientôt le président chinois en France. Nos deux pays sont héritiers d'une culture plurimillénaire qui ont été peu en contact. La venue d'étudiants ouvriers chinois en France, tel Deng Xiaoping, qui allait prendre des responsabilités importantes au sein de la République populaire ; des écrivains français - et je pense à Malraux, ont contribué à nous mieux connaître.
La France a été le premier pays à étudier la Chine, au Collège de France et à l'Institut des langues orientales. Le peuple français admire le courage et l'intelligence du peuple chinois. Ensemble, nous voulons créer un monde multipolaire.
Nous avons chacun nos défis à affronter. Nous avons besoin de la puissance économique et financière de la Chine, la Chine a besoin d'une France forte dans une Europe unie et nous le dit. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères . - Permettez-moi tout d'abord de vous présenter tous mes voeux, à vous-mêmes ainsi qu'à l'institution sénatoriale.
Monsieur le président Carrère, je viendrai devant vous aussi souvent que nécessaire. J'apprécie, vous le savez, l'atmosphère du Sénat, où les échanges sont francs sans que l'on s'apostrophe comme le faisaient les héros d'Homère avant le combat, - sans jamais se combattre. (Sourires)
J'ai déjà eu l'occasion de dire mon sentiment sur la conjoncture internationale. Émergence de nouvelles puissances, dont la Chine, hésitation américaine entre présence et retrait, attitude russe, vous avez évoqué tout cela. N'oublions pas les mutations technologiques. Nous vivons, en effet, un grand chambardement du monde, selon la formule qu'a bien voulu reprendre M. Chevènement. Longtemps, nous avons vécu dans un monde bipolaire, avec l'opposition et la complicité objective ou subjective de l'URSS et des États-Unis, qui dictaient le chemin. La France avait alors une position forte et indépendante. La chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS a laissé place à un monde unipolaire dominé par les États-Unis à tous égards.
On qualifie désormais le monde de multipolaire. Ce n'est pas exact : nous y tendons. Le monde est, pour l'heure, « zéro-polaire ». Aucune puissance, aucun accord de puissance, ne se dégage. Le Conseil de sécurité des Nations unies est paralysé et aucune solution ne s'impose par son évidence. Dans cette situation, la France, membre permanent du Conseil de sécurité, - merci de Gaulle ! - est une puissance globale par son appareil diplomatique, son rayonnement culturel, sa force nucléaire, Sa voix est entendue. Les États-Unis ont le pouvoir d'agir, mais ils ne veulent plus envoyer de soldats sur le terrain. Le Royaume-Uni affirme ses positions, que la Chambre des communes contredit, voyez la Syrie. Reste la France.
Monsieur Cambon, vous avez été très sévère sur les moyens alloués à nos armées. Vous connaissez l'expression : « Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console ». Malgré nos défauts et toutes nos imperfections, nous avons la première armée en Europe et faisons ce que les autres ne font pas.
Au fond, que voulez-vous faire ? Beaucoup m'ont posé cette question un peu critique, qui n'est pas méritée. Notre politique poursuit quatre objectifs : la paix et la sécurité d'abord, y compris en intervenant militairement, la planète ensuite, c'est-à-dire l'organisation générale de la planète et la protection de l'environnement. Nous aurons l'honneur de présider la Conférence de Paris en 2015, qui, je l'espère, prendra des décisions pour sauver la planète du dérèglement climatique. Troisième objectif, l'Europe et enfin, le redressement, le rayonnement de notre pays. L'administration du ministère sert ces quatre objectifs fondamentaux.
Quel dommage que la France ne soit pas le seul pays en Europe, est-on tenté de répondre à certains d'entre vous ! Nous sommes parmi les 28 certainement le pays le plus sensé mais nous devons convaincre les autres... Prenez la défense européenne : si l'on est contre, et je ne sache pas que le parti de Mme Demessine y soit vraiment favorable, il ne faut pas regretter que les pays hostiles à une défense européenne ne nous accompagnent pas ! Le parti auquel vous appartenez au niveau européen, monsieur Cambon, c'est le PPE. Quand je rencontre mes collègues ministres européens une très grande majorité d'entre eux sont de cette sensibilité. Mettez donc votre talent, que nous savons grand, au service de ce beau projet et attachez-vous à convaincre vos collègues européens de nous aider !
Vous avez soutenu l'intervention au Mali. Elle a été exceptionnelle sur tous les plans. Le monde entier nous dit bravo, et il faut venir dans votre assemblée pour s'entendre faire des reproches !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Cela relève de la psychanalyse !
M. Laurent Fabius, ministre. - Le 11 juin 2013 j'étais à côté du président de la République quand le président malien, M. Traoré, l'a appelé au téléphone en lui disant : « Monsieur le président, si vous n'intervenez pas, je suis mort ! ». Nous sommes intervenus et le terrorisme a été largement éradiqué au nord ; des élections, plus régulières que jamais, ont été organisées.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Des élections qui ont connu une forte participation !
M. Laurent Fabius, ministre. - Et les sommes engagées ont suivi des circuits parfaitement transparents. Le partenariat avec l'Afrique, ce n'est pas la Françafrique.
M. Jeanny Lorgeoux. - Très bien !
M. Laurent Fabius, ministre. - Nos soldats seront au nombre de 1 600 en février, avant que nous ramenions nos troupes à un millier. Les choses ne sont certes pas terminées, mais ne boudons pas ces résultats exceptionnels.
La République centrafricaine est une autre affaire. Mettez-vous à la place de ceux qui gouvernent : le président de la République ne s'est tout de même pas creusé la tête pour justifier l'envoi de troupes dans ce pays et y saper la transition démocratique. Le pays sombrait. On nous reproche de n'avoir pas agi assez vite, il faut choisir ses arguments. Le président de la République avait alerté l'ONU en septembre sur la situation au Mali ; il a été le premier à prendre une décision. La veille, 1 000 morts avaient été recensés. Sans notre intervention, il aurait pu y en avoir beaucoup plus, 50 000 peut-être ?
Lorsqu'un pays ami se trouve en difficulté et requiert votre intervention, on ne peut détourner le regard. Nous ne nous substituons pas pour autant aux Africains. Nous apportons un soutien sécuritaire - désarmement, protection de l'aéroport - humanitaire, et une aide à la transition démocratique. Une élection ne suffit pas à régler les problèmes, mais rien n'est possible sans.
Il n'y a aucune contradiction entre la présence de la Misca et une opération de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU. Cette dernière n'interviendrait que dans six mois, et aurait un rôle complémentaire à celui de la Misca - l'organisation des élections par exemple. Le moment venu, les Casques bleus seront pour l'essentiel africains.
De leur propre aveu, les pays africains n'ont pas, pour la plupart, les moyens de régler les crises eux-mêmes : cela suppose des moyens matériels et un état-major ; dans ces pays, cela n'est pas évident. On appelle la France parce qu'elle est efficace et qu'on l'aime. La seule manière de sortir de la contradiction est de bâtir une force interafricaine, comme le propose l'Union africaine pour 2015.
Nous serions seuls au sein de l'Europe ? Nous avons abordé très souvent la question avec nos partenaires avant notre intervention au Mali et en Centrafrique. L'Europe de la défense n'existe pas, nous le regrettons mais c'est un fait. Il y a des unités qui, sur le papier, peuvent réunir 1 500 soldats. Pour le semestre qui vient, c'est la Grande-Bretagne qui en assure le leadership. Or celui qui a le leadership assume les frais. Quand nous avons consulté nos amis anglais sur l'intervention en République centrafricaine, ils ont répondu : trop cher et trop européen... Les autres pays européens ? Certains n'ont pas les troupes adéquates, d'autres ont des difficultés avec leur parlement, d'autres encore ne veulent pas participer... On peut le regretter mais c'est comme ça... Le président de la République et moi-même n'avons pas désarmé, pardonnez-moi ce mauvais jeu de mots ; nous aurons une réunion ministérielle le 20 janvier avec un rapport de Mme Ashton afin de trouver des solutions à court et moyen terme à la crise en RCA. Je vous en fais l'aveu : je ne peux à moi seul convaincre tous nos partenaires de la nécessité d'une défense européenne...
La Syrie... Je vous ai apporté la lettre que nous a adressée M. Ban Ki-moon pour nous inviter à participer à la conférence de Genève II. Il y insiste notamment sur le communiqué publié après Genève I, qui détaille les objectifs à poursuivre : une « transition conduite par les Syriens », « un accord sur une autorité transitoire dotée des pleins pouvoirs exécutifs formée sur la base d'un consentement mutuel », « le respect des droits de l'homme », des forces de sécurité et des institutions « placées sous une direction qui inspire confiance à la population sous le contrôle de l'autorité transitoire ». M. Ban Ki-moon ajoute que la participation d'un pays vaut adhésion à ces objectifs. Genève II qui, je l'espère, aura lieu, vise à mettre fin aux massacres et à créer les conditions de la transition.
L'Iran pour le moment rejette ces objectifs qu'il qualifie de « conditions ». Oui ce pays importe, madame Durrieu, mais encore faut-il qu'il adhère aux objectifs de la conférence. Si Bachar el-Assad envoie des représentants à Genève, c'est qu'il accepte que ses pouvoirs soient transmis à un gouvernement transitoire. Quant à l'opposition modérée, celle que nous soutenons, elle est divisée et fait face à beaucoup de difficultés ; si elle vient à Genève, c'est qu'elle aura accepté les objectifs dont j'ai parlé.
La France n'est ni l'Europe à elle seule, ni le Conseil de sécurité des Nations unies à elle seule. Un de mes premiers actes, en arrivant au Quai d'Orsay, a été de réunir les amis de la Syrie. C'était une époque où il n'y avait pas l'Iran en Syrie, pas le Hezbollah, pas de terroristes, M. Bachar el-Assad était sur le fil. Il aurait fallu pousser un peu... Mais il y avait les élections aux États-Unis, les pays arabes étaient divisés... L'affaire a été gelée jusqu'en février 2013. La position de la France n'a pas changé. Il existe une alliance objective entre Bachar el-Assad et les terroristes, dont un groupe a pris le contrôle de puits de pétrole ; à qui croyez-vous qu'ils vendent leur pétrole ? Au régime... Le problème s'enkyste, a des excroissances au Liban, en Jordanie, en Irak, avec des conséquences redoutables.
Deux extrémismes, en somme, se renvoyant la faute l'un l'autre. Les Russes disent qu'ils ne veulent pas du chaos ; mais le chaos, c'est aujourd'hui. Nous risquons, demain, une partition de la Syrie et la propagation des terrorismes, au Caucase et ailleurs.
L'opinion publique trouve tout cela bien ennuyeux... On entend dire que l'Afrique, que la Syrie sont loin. Non, elles sont tout près ! Une puissance globale comme la France ne peut détourner le regard. Bref, ayons une vision globale.
L'Iran... Nous avons été très actifs. Nous sommes arrivés à un accord intermédiaire, il faut maintenant l'appliquer. À chacun de respecter les engagements pris ; pour nous, l'allégement de certaines sanctions. Il y a un nouveau climat, c'est bien. Mais le plus dur reste à venir. En définitive, l'Iran entend-il renoncer, oui ou non, à l'arme nucléaire ? La question n'est pas encore tranchée. Pour autant, ne minimisons pas la portée de l'accord, c'est une première étape. Il y est écrit : « En aucune circonstance, l'Iran ne se dotera ni ne possèdera l'arme nucléaire ». L'Iran l'a signé ; reste à le vérifier.
Quelles seront les incidences des conflits syrien et irakien, de l'attitude russe, de la position de l'Iran sur la situation au Moyen-Orient ? Tout est séparé mais tout est lié... Et il ne faut pas oublier le contexte politique dans certains des pays de la zone... Les décisions ne sont pas faciles à prendre à la veille d'élections... En tout cas, ceux qui s'exposent au vent s'exposent aussi au destin du vent.
L'Europe... Elle connaîtra cette année des échéances importantes avec la tenue des élections, une nouvelle Commission va s'installer. L'Europe de la défense, abordée lors du sommet de décembre, est un sujet à retravailler, en particulier avec nos amis allemands. Les calendriers de François Hollande et de Mme Merkel concordent désormais, nous pouvons travailler à ce que pourraient être de grands projets communs, tant sur le plan économique, maintenant que le SPD est là, qu'en matière d'énergie, d'environnement et de défense. Nous parlerons aussi du traité transatlantique et de celui avec le Japon. L'alliance franco-allemande n'est pas exclusive, elle est ouverte, mais aussi déterminante.
Madame Goulet, à vos questions pertinentes et facétieuses sur les ambassadeurs, je répondrai que j'essaie de tenir compte des réalités humaines et des résultats obtenus. J'ai trouvé un certain nombre d'ambassadeurs dans la corbeille ; ne soyons pas injustes : certains d'entre eux font du bon travail.
L'AFD ? Nous conclurons dans quelques jours un contrat d'objectifs et de moyens, M. Canfin y travaille. À ma connaissance, madame Goulet, il n'y a pas eu de sommes versées à l'Azerbaïdjan.
Pour terminer, quelques mots de la Chine et de la Russie. Si nous ne sommes pas d'accord sur tout avec cette dernière, il n'y a aucun doute : c'est un de nos grands partenaires. M. Chevènement le sait mieux que quiconque puisqu'il est mon représentant spécial pour la coopération économique et fait un travail remarquable. Malgré nos divergences politiques, nous entretenons une très bonne relation. L'Ukraine, est un pays complexe et non un bloc... L'Europe ne lui proposait qu'un accord d'association, pas une adhésion. Le président ukrainien s'en est peut-être servi pour faire pression sur les Russes. Les problèmes du pays n'en seront pas pour autant résolus... À tout le moins, évitons les approches manichéennes. L'Ukraine n'a pas à choisir entre l'Europe et la Russie. Un rapprochement des deux premières sera bénéfique à la troisième.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Absolument !
M. Laurent Fabius, ministre. - Quant à la Chine, nous avons mille choses à faire avec elle. Le président de la République y a été excellemment reçu à Pékin, nous accueillerons bientôt M. Xi Jinping. Nos relations diplomatiques sont excellentes, développons nos activités économiques, qui sont déséquilibrées. Un seul exemple : la Chine accueille plus de touristes français que nous de touristes chinois. Seulement 1,2 million, qui consacrent à leur voyage en moyenne 1 600 euros, sur un potentiel de 90 millions et demain 300 millions. S'ils étaient 5 millions, nous réduirions de 10 % le déficit de notre balance commerciale...
La Chine est ouverte à un approfondissement du dialogue. J'ai été frappé par le bon accueil des autorités chinoises. Nos relations sont marquées par une estime mutuelle, nous avons beaucoup de points communs dont le riche héritage des civilisations anciennes. Dans un monde multipolaire, nous n'avons pas à choisir entre la Chine, la Russie ou encore le Japon. Approfondissons nos relations avec tous ces pays !
Je suis parfois un peu surpris par la teneur des débats sur la politique étrangère de la France. Je ne vous demande pas de m'applaudir debout, seulement de lire la presse internationale. S'il y a un pays qui a une politique étrangère, à laquelle beaucoup rendent hommage, c'est la France ! (Applaudissements)
Le débat est clos.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de M. Didier Guillaume,vice-président
La séance reprend à 22 heures.
Vente à distance des livres
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres.
Discussion générale
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication . - La fin de l'année 2013 a jeté un éclairage contrasté sur les différents mouvements qui animent l'économie du livre en France et dans le monde.
Celui-ci reste le cadeau préféré des Français et des Européens. Ce secteur économique puissant est au premier rang des industries culturelles avec un soutien public faible. Le rapport que j'ai commandé sur l'apport de la culture à l'économie le montre. Sa part représente, en effet, 15 % des industries culturelles pour une aide qui n'excède pas 1 % de cette production. Prenons-en conscience, et un peu plus chaque jour. Quatre des cinq plus grands éditeurs américains sont la propriété de groupes européens. Aucune autre industrie culturelle n'exerce une telle influence sur le sol américain. À Francfort, en Italie, dans les instances européennes, je vois combien elle est solide et combien la France est écoutée, attendue et appréciée lorsqu'il s'agit de réguler ce secteur.
Mais 2013 a aussi sonné la fin de Virgin et le démantèlement des librairies Chapitre, acteur historique du secteur. Nous examinerons de nouvelles offres de reprise dans les mois à venir. Drac et préfets demeurent mobilisés, ainsi que le Centre national du livre au moyen de financements qu'il peut apporter. Seize magasins continueront, en toute hypothèse, leur activité grâce aux offres de reprise qui se sont manifestées.
Les mutations de l'industrie du livre sont profondes, elles tiennent notamment au numérique et à la vente à distance qui est le seul domaine à progresser.
La vente du livre est régulée par la loi Lang du 10 août 1981, complétée par la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique. Les lecteurs bénéficient ainsi de la modération des prix, et les distributeurs d'une saine concurrence, sur un marché dépourvu de barrières à l'entrée. Grâce à quoi nous jouissons d'un réseau serré de libraires indépendants, pilier de la vie et de la sociabilité sur nos territoires.
Cela étant, la librairie est le commerce de détail le moins rentable, avec les marges les plus faibles. C'est pourquoi j'ai lancé un plan dédié, non pour subventionner un secteur qui l'est bien peu, mais pour renforcer la rentabilité des petits acteurs.
Un premier fonds, de 5 millions, soutiendra la trésorerie des libraires. Le deuxième dispositif, placé auprès de l'Association pour le développement de la librairie de création (Adelc), sera abondé à hauteur de 4 millions d'euros.
J'ai obtenu que soit insérée, dans la loi Hamon sur la consommation, la création d'un médiateur du livre, très attendu par les libraires. Les fonctionnaires du ministère de la culture seront, en outre, habilités à constater les infractions à la loi relative au prix unique du livre.
Une étape supplémentaire doit être franchie : l'encadrement de la vente à distance. Le développement de cette pratique a en effet brouillé les objectifs et vertus de la loi de 1981. La vente en ligne, certes, représente un confort considérable pour les consommateurs, notamment en zone rurale.
La loi sur le prix unique n'a nullement entravé la concurrence, bien au contraire. Notre réseau est fort de 3 000 librairies, contre 2 000 aux États-Unis et 1 000 au Royaume-Uni.
Il s'agit non de brimer certains acteurs et certaines pratiques mais de donner à tous les moyens de se positionner sur la vente en ligne. En d'autres termes, de restaurer la concurrence.
La gratuité des frais de port, en sus de la remise de 5 % autorisée par la loi Lang, constitue un avantage déloyal qu'utilisent les libraires en ligne, à l'origine d'une course à l'échalote dans la baisse des prix, en recourant à des pratiques d'optimisation fiscale pour équilibrer leurs comptes. La concurrence ne peut pas s'aligner sur la stratégie d'un groupe comme Amazon, assise sur la gratuité des frais de port et qui paie fort peu d'impôt sur les sociétés et de TVA. Ne voyons pas dans cette stratégie une marque d'altruisme pour les consommateurs. Elle est un argument commercial au service de la conquête de parts de marché. Amazon ne pratique pas la gratuité des frais de port sur tous ses produits et dans tous les pays.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, où la firme est dominante, elle relève ses exigences pour accorder la gratuité du port, passant de 25 à 35 dollars et, en Grande-Bretagne, à dix livres sterling.
Face à cette situation, j'ai accueilli avec bienveillance la présente proposition de loi, déposée à l'Assemblée nationale. Je sais combien la rapporteure Khiari s'est investie dans ce dossier, et je l'en remercie chaleureusement.
Votre commission a quelque peu modifié le texte issu de l'Assemblée nationale. Celle-ci prévoyait que les frais de port pouvaient être réduits d'un montant équivalent à 5 % du prix du livre. Votre commission a choisi de prohiber la gratuité totale des frais de livraison, dont le montant sera laissé à l'initiative du détaillant. Il est bon que le consommateur comprenne que la livraison à domicile a un coût. Votre complément, tout à fait ingénieux, aura un effet concret.
L'appréciation des frais de port au coût réel n'était pas opportune et risquait de déstabiliser le marché, les gros détaillants se retrouvant naturellement en meilleure position que les petits.
La régulation du secteur du livre a pour objet de favoriser la diversité culturelle. Le numérique inquiète les auteurs, pour leur rémunération, et aussi dans leurs relations avec les éditeurs. Simultanément, certains gros acteurs modifient la répartition de la valeur dans la chaîne de production culturelle en proposant des services exclusivement numériques, sans fournir de véritable travail d'édition. Veillons à maintenir la confiance entre auteurs et éditeurs. Les travaux de M. Sirinelli ont fourni des pistes de réflexion. D'où l'amendement du Gouvernement qui adapte les contrats d'édition à l'édition numérique.
Avec ce texte, nous apporterons une nouvelle pierre à l'économie du livre et à la régulation de ce secteur. (Applaudissements)
Mme Bariza Khiari, rapporteure de la commission de la culture . - Le livre, objet culturel par excellence, fait l'objet d'une attention particulière des pouvoirs publics, à plus forte raison depuis l'avènement du numérique. Les lois du 10 août 1981 et du 26 mai 2011, ainsi que le taux réduit de TVA, forment le socle de l'intervention publique dans le secteur.
Le succès des salons du livre ne doit pas masquer les difficultés rencontrées par les libraires, dont le réseau Chapitre. Les ventes physiques s'effritent tandis que la vente en ligne progresse.
Le soutien public au livre doit franchir une étape supplémentaire. Cet automne, le Gouvernement a introduit un dispositif de contrôle et de règlement amiable des contentieux de la législation sur le prix unique du livre.
La présente proposition de loi encadre davantage les conditions de vente en ligne des livres. La remise maximale de 5 % sur le prix du livre est entourée d'un flou sur la facturation des frais de livraison. Dans les faits, peu de place est laissée aux librairies souhaitant intégrer le marché du livre en ligne. Souhaitant rétablir une concurrence plus équitable, des députés ont voulu compléter la loi de 1981 en précisant que la livraison à domicile ne peut être incluse dans le prix du livre.
Le débat en commission a fait apparaître une volonté commune à l'ensemble des groupes politiques de soutenir les librairies face à la concurrence des sites de vente en ligne.
Mais le texte de l'article unique a été jugé insuffisant. Finalement, la proposition de loi a été récrite par un amendement gouvernemental, qui a interdit le cumul des deux avantages commerciaux que sont le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port. Il n'est plus question d'interdire la gratuité des frais de port mais d'offrir la possibilité aux sites de vente en ligne d'appliquer sur ces frais une réduction équivalant au maximum à 5 % du prix du livre.
Le dispositif demeure incomplet, à mon sens : il convient d'indiquer clairement que le service de livraison ne peut être offert, dès lors que la commande n'est pas remise en magasin.
Cette proposition de loi, assortie du plan librairie et d'un contrôle renforcé du prix du livre, constitue un signe positif. Pour autant, cet effort de régulation d'aboutira pas tant que tous les acteurs ne seront pas soumis aux mêmes modalités d'imposition fiscale. Cette proposition de loi constitue un important progrès. Nous vous invitons à voter ce texte pour que vive notre exception culturelle. (Applaudissements)
M. Yvon Collin . - Le marché du livre représente en France 5,6 milliards d'euros et 60 000 emplois directs. La lecture demeure la pratique culturelle préférée des Français, en dépit des évolutions numériques. Vous avez opportunément proposé, madame la ministre, un plan de soutien aux librairies indépendantes à l'occasion du dernier salon du livre. Les membres du RDSE sont attachés à la défense des librairies et à leur maillage territorial.
Ce texte, en interdisant le double avantage proposé par Amazon, apparaît insuffisant pour atteindre les objectifs fixés. Les sociétés regroupées sous l'acronyme Gafa - Google, Amazon, Facebook, Apple - dérangent, en raison notamment de leurs méthodes d'optimisation fiscale.
Mme Nathalie Goulet. - Et sociale !
M. Yvon Collin. - Mais pourquoi les bases fiscales s'érodent-elles ? D'abord à cause de l'absence d'harmonisation fiscale européenne ; ensuite, à cause de l'inadaptation de nos systèmes fiscaux nationaux.
Avec le président Marini, nous avons fait des propositions pour y remédier. La démarche est certes complexe, qui oblige à trouver des solutions internationales et européennes, mais indispensable.
Cela étant, cette proposition de loi est un premier pas en direction d'une limitation des pratiques déloyales dans le secteur du livre.
Mme Corinne Bouchoux . - Cette petite proposition de loi porte sur un grand sujet. Il est capital de faire respecter la loi Lang de 1981, protectrice des librairies, précieux maillons de la chaîne culturelle. Depuis 1981, puis 2011 toutefois, les évolutions technologiques et comportementales ont constitué un véritable changement de paradigme : 15 % des ventes sont réalisées par le commerce en ligne, 12 % par correspondance. Simultanément, de nombreuses librairies indépendantes ferment et les ventes chutent de plus de 3 %. Le livre est devenu un produit d'appel pour constituer un fichier de nouveaux clients.
La gratuité des frais de port est néfaste. Cette proposition de loi interdit opportunément son cumul avec le rabais de 5 %. Cette proposition de loi, complétée par notre rapporteure, va dans le bon sens.
Le livre représente un écosystème délicat ; il y faut des auteurs qui écrivent et des lecteurs qui achètent ou empruntent des livres. La vérité, c'est que nous sommes ici parce qu'une entreprise a eu l'idée de génie de contourner les règles économiques et sociales. Je vous encourage à lire En Amazonie, infiltré dans le meilleur des mondes. On y découvre l'envers du décor ou plutôt l'enfer du décor. Alors oui, on reçoit son livre en 48 heures mais les salariés sont maltraités, soumis à des cadences infernales qui n'ont rien à envier à celles du film de Chaplin.
Quand ils s'avisent de protester, ils sont licenciés ; voyez en Allemagne. Jusqu'où va-t-on laisser une société instaurer un monopole ? Quelle société voulons-nous ? Voilà la vraie question. (Applaudissements)
M. Jacques Legendre . - L'avancée technologique majeure qu'est Internet nous amène de plus en plus souvent à légiférer pour atténuer les bouleversements économiques de certains secteurs.
Le livre n'est pas un bien comme les autres : tel est le principe fondateur de la loi Lang de 1981. Grâce à celle-ci, nous jouissons d'un réseau de 3 000 librairies, sur tout le territoire. Comme hier des grandes surfaces, il nous appartient désormais de le protéger des grands groupes de vente en ligne. Ceux-ci portent atteinte au principe du prix unique du livre, en proposant la gratuité des frais de port. Je me réjouis de l'unanimité qui a présidé à l'élaboration de cette proposition de loi qui vise à mettre un terme à ces pratiques.
Les librairies font face à des difficultés de trésorerie. Les offres avantageuses des grands sites de vente en ligne les déstabilisent d'autant plus. Ces derniers sont les seuls à voir progresser leurs ventes, et son acteur principal, Amazon, accapare 70 % des parts de marché en bénéficiant de la TVA et de l'impôt sur les sociétés luxembourgeois.
Les libraires ont tenté de réagir. Ils sont 500 à proposer désormais, à la suite d'Amazon, des services numériques, parfois assortis de la gratuité des frais de livraison, ce qui mine en retour leur rentabilité.
À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé une solution à laquelle les députés se sont unanimement ralliés. Notre rapporteure, qui n'a pas cédé aux sirènes d'un vote conforme, a préféré interdire la gratuité des frais de port. Il manque simplement une mesure pour laisser le temps aux libraires, car Amazon n'est pas seul à pratiquer la livraison gratuite, de s'adapter. Je proposerai un amendement.
Cela étant, ce texte ne suffira pas à diminuer l'attrait de la vente en ligne. Évoquons quelques pistes : la directive européenne relative à la TVA consommation, une aide pour le portage à domicile à l'image de celui qui existe pour la presse, aider les librairies à s'implanter sur Internet, à l'instar du projet 1001libraires.com, qui a malheureusement échoué.
Déambuler dans une librairie, avoir une discussion passionnée avec un libraire, rencontrer des auteurs, cela fait partie de notre qualité de vie et, osons le dire, de notre civilisation.
Nous voterons ce texte, modeste mais indispensable. (Applaudissements)
Mme Nathalie Goulet . - « L'ennui naquit de l'uniformité... » Je ne suis pas du tout convaincue par ce texte. Pour être membre de la commission des affaires étrangères, je ne baigne pas dans le bouillon culturel. Ce texte ne modifiera pas la pratique de l'achat en ligne. Tout le monde n'habite pas à Paris, à cinq minutes d'une librairie. Quant à l'Amazon bashing, je n'y crois guère. Ce texte, finalement, vise à contourner l'arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2008 qui a autorisé la prise en charge des frais de port pour les ventes à distance.
Comment calculer ces frais de port : au poids, au pourcentage ? Les clients d'Amazon et des librairies indépendantes ne sont pas identiques. Une différence de quelques centimes changera-t-elle la donne ?
L'enjeu global est légitime ; le texte ne répond toutefois pas aux enjeux. Nous sommes en temps de rentrée littéraire, celle de janvier. Combien de livres devront installer les libraires ? Cinq cent quarante-sept ! Seuls la Fnac ou des librairies comme Gutenberg peuvent faire face. L'économiste du XIXe siècle Frédéric Bastiat dénonçait ironiquement en son temps la concurrence exercée par le soleil sur les fabricants de chandelles...
Madame la ministre, je ne suis pas certaine qu'on encourage la lecture en mettant des tablettes numériques entre les mains des enfants.
Ce texte, tout au moins, mériterait une étude d'impact ; il renforcera magistralement le livre numérique. Un jour ou l'autre, il faudra bien mettre sur la table les questions de la fiscalité du livre et de l'intervention des pouvoirs publics dans ce secteur. Les frais de port, finalement, c'est symbolique, pour ne pas dire cosmétique. Je m'abstiendrai tandis que le groupe UDI-UC votera ce texte. (M. Yvon Collin applaudit)
M. Pierre Laurent . - Il n'y a jamais trop de livres. C'est par le livre et non par l'épée que l'« humanité parviendra à la conquête de la fraternité entre les peuples. Émile Zola avait raison, il n'y aura jamais trop de livres et nous n'en ferons jamais assez pour le défendre. Parce que le numérique bouleverse l'industrie du livre, il faut les solutions législatives pour protéger la diversité et la librairie indépendante. La loi de 1981, qui reposait sur l'idée que la concurrence par le prix entraînerait une moindre diversité a instauré le prix unique. La Grande-Bretagne, qui n'a pas jugé bon de l'adopter, a vu son réseau de libraires diminuer d'un tiers en dix ans.
Cette loi, malheureusement, est contournée. Amazon, qui représente 70 % du marché, profite du filon sur les frais de livraison, qu'elle offre gratuitement en plus du rabais de 5 %, une dépense qu'elle ne couvre que par ses autres activités et qui sert une stratégie de conquête d'un secteur où elle compte ensuite imposer ses règles. Google, Amazon, Facebook et Apple... Nous ne pourrons pas faire face en grignotant l'appétit de ces géants. Ils réalisent entre 2,2 et 3 milliards de chiffre d'affaires en France, et n'acquittent que 4 millions d'impôts sur les sociétés par an. Il est temps de rebâtir notre fiscalité. Non, la culture n'est pas un marché où tous les coups sont permis.
Cette proposition de loi contribuera à la diversité éditoriale et au maintien d'un réseau de libraires indépendants. Si elle est modeste, et d'abord symbolique car elle n'empêchera pas Amazon de facturer des frais de port réduits à la portion congrue, nous la voterons au nom de notre conception du livre. (Applaudissements)
M. Vincent Eblé . - En 1981, on votait à l'unanimité la loi Lang. Déjà, il était question de défendre les librairies de proximité. La bibliodiversité était menacée, le danger venait alors des grandes surfaces, capables de brader les livres jusqu'à 70 %. L'auteur de cette loi, que l'on peut qualifier de patrimoniale, disait à la tribune de l'Assemblée nationale que le prix unique devait assurer l'égalité de tous les citoyens devant le livre, préserver la densité de notre réseau de librairies et favoriser le pluralisme de la création culturelle. Depuis, neuf pays de l'Union européenne ont adopté le prix unique.
Notre réseau de librairies est de nouveau menacé par la concurrence des plateformes de vente de livres en ligne. Un libraire provinois me disait ses difficultés : le paiement d'impôts auxquels Amazon n'est pas soumis, la hausse des loyers, l'impossibilité d'appliquer une ristourne de 5 % quand leur marge est de 0,6 %, la nécessité de recruter des gens qualifiés pour organiser rencontres et signatures dont se passent les plateformes logistiques, ses problèmes immobiliers et de trésorerie. Mon libraire provinois, spécialiste de l'époque médiévale, évoquait devant le projet de livraison par drones d'Amazon, une catapulte à livres... (Sourires)
Madame la ministre, vous n'avez pas été inactive depuis votre arrivée : le plan librairie, le maintien d'une TVA à 5 % quand l'idée de la porter à 7 % avait effleuré l'esprit de certains, un médiateur du livre et l'habilitation des agents du ministère à constater les infractions à la loi - sans oublier les initiatives sénatoriales dans le cadre de la loi sur la consommation. Pour autant, 30 000 emplois de libraires restent menacés.
Ce texte représente d'abord un hommage à la loi Lang. Il est judicieux de proscrire la livraison gratuite ; même si cela ne représentera que quelques centimes, ne laissons pas cet argument commercial aux mains des plateformes logistiques.
Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je suis naturellement très favorable au soutien à notre riche réseau de librairies. Je ne crois pourtant pas que la diabolisation de la vente en ligne enrayerait leur déclin.
Pardonnez-moi de citer François Hollande. Il disait que son ennemi était la finance. Amazon ne doit pas devenir notre ennemi. Les principaux concurrents des libraires restent les entreprises de la grande distribution. La concurrence déloyale d'Amazon, c'est l'optimisation fiscale. La vente en ligne n'est pas concurrente mais complémentaire aux librairies traditionnelles car plus on lit, plus on a envie de lire. Quand on achète un ouvrage sur Internet, on en achète un autre à un libraire. Les personnes vivant dans des quartiers ou des territoires isolés, celles qui sont à mobilité réduite, profitent de cette nouvelle pratique, comme les Français de l'étranger que je représente.
La vente à distance est une tendance de fond qui profite à des entreprises françaises comme la Fnac. Il faut trouver une complémentarité entre les différentes formes de ventes, et valoriser les compétences de nos libraires. À plusieurs reprises, j'ai dénoncé les blocages absurdes à la vente de livres français en ligne hors de France. J'ai interrogé Benoît Hamon à ce sujet il y a six mois : j'attends sa réponse.
Ne nous trompons pas d'ennemi : protégeons le bien si précieux qu'est le livre en aidant les librairies à mieux se développer et à vendre leurs livres à l'étranger, en prévoyant une dérogation comme la loi Lang avait prévu une adaptation pour les DOM-TOM. Aidons nos libraires à diffuser la culture française hors de nos frontières. Le défi est immense.
Mme Aurélie Filippetti, ministre . - Je l'ai dit dans mon propos liminaire : ce texte ne résoudra pas tous les problèmes des libraires. C'est une des pierres du plan librairie.
La question des loyers, monsieur Collin, sera traitée dans le projet de loi Pinel : les loyers des librairies seront lissés.
Nous sommes mobilisés sur le dossier des Gafa que plusieurs d'entre vous ont évoqué. J'ai défendu l'exception culturelle à Bruxelles, et je continuerai. Nous devons combattre l'évasion fiscale. Aux États-Unis, des mesures viennent d'être prises dans certains États pour récupérer les taxes locales sur la consommation auxquelles les plateformes de vente en ligne se soustraient.
Cette réflexion sur la fiscalité n'est donc pas franco-française, elle participe d'un mouvement général.
Un journaliste, dans son enquête intitulée En Amazonie, a mis à jour les pratiques sociales d'Amazon ; les mouvements de protestation se multiplient, en Grande-Bretagne dernièrement.
Nous ne voulons pas brimer un acteur, nous défendons une concurrence saine afin que les libraires puissent, eux aussi, constituer leur réseau de vente en ligne sans être étouffés par le dumping social. Nous avons tiré les leçons de l'échec de « 1001libraires.com » ; désormais, quand on achète en ligne, on sait à quel libraire on achète un livre et l'on bénéficie du même conseil. Le médiateur du livre et nos agents assermentés du ministère de la culture contrôleront que les livres neufs se voient bien appliquer le prix unique et ne sont pas présentés comme des livres d'occasion, comme c'est parfois le cas. Merci à Mme Bouchoux de son soutien.
Madame Goulet, oui, il y a bien un effet de substitution : la clientèle quittant les librairies est en partie celle qui se tourne davantage vers les plateformes en ligne. Pour preuve, une grande partie de cette vente s'effectue à Paris où le réseau des librairies est dense.
Au reste, il existe de grandes et belles librairies en zone rurale, comme Le Bleuet. Nous réfléchissons à une adaptation du code des marchés publics pour autoriser les collectivités territoriales à s'approvisionner auprès des librairies. Pourquoi ne pas réfléchir au modèle du portage pour le livre ? En effet, monsieur Legendre. Presstalis a fait des propositions : nous y réfléchissons. L'harmonisation fiscale passe bien par la TVA, qui sera payée dès 2015 par l'acheteur mais il faut penser aussi à l'impôt sur les sociétés ; merci à M. Eblé d'avoir rappelé que nous avons maintenu le taux à 5,5 %.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE UNIQUE
M. Claude Domeizel . - Madame la ministre, je vous remercie d'avoir cité la librairie Le Bleuet, une des plus grandes librairies de France installée à Banon, un petit village surtout connu pour ses fromages, où l'on vend 500 ouvrages par jour. La vente en ligne peut être un atout pour le monde rural ; cette librairie représente d'ailleurs dix-sept emplois dans cette petite commune. Si vous passez en Provence, près de Manosque, passez au Bleuet.
Mme Nathalie Goulet. - Quelle publicité !
M. le président. - Belle invitation à venir en Provence !
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi et Vendegou.
A. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le présent article entre en vigueur trois mois après la publication de la présente loi.
B. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de la mention :
I. -
M. Jacques Legendre. - N'oublions pas les villages du livre que je connais mieux, comme celui d'Esquelbecq.
Cet amendement opérationnel prévoit un délai de trois mois d'application de la proposition de loi, nécessaire pour nos opérateurs nationaux de vente à distance de livres. Je crois que nous avons trouvé un accord en commission, l'idée est de rendre l'application de ce texte aussi simple que possible.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Je comprends votre préoccupation. Pour autant, le délai ne doit pas excéder trois mois pour former un tout cohérent avec les mesures qui seront prises au premier trimestre 2014 : 11 millions aux commerces en difficulté, renforcement du contrôle du prix unique. Avis favorable pourvu que la loi soit adoptée rapidement.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. - Favorable. Je m'engage à ce que la navette soit la plus rapide possible.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
L'article unique, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Garriaud-Maylam.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 10 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, il est inséré un article 10-... ainsi rédigé :
« Art. 10-... - Un décret détermine les modalités d'application de la présente loi aux ventes de livres imprimés et numériques à des clients établis hors de France, compte tenu des sujétions dues à l'absence de commerce de vente au détail de livres français à l'étranger. »
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Les Français établis hors de France et les étrangers francophones rencontrent d'importantes difficultés pour acquérir des livres en français. Je pense à Madagascar où il n'existe aucune librairie francophone. Hors de France, le problème de la concurrence déloyale exercée par les sites Internet vis-à-vis des librairies traditionnelles ne se pose pas. Au contraire, si aucune dérogation n'est prévue, les plateformes de vente en ligne françaises seront indûment pénalisées pour les transactions concernant des clients établis hors de France.
Il serait donc utile qu'un décret prévoie une exception autorisant les plateformes de vente de livres en ligne à pratiquer une décote sur le tarif du service de livraison lorsque celle-ci a lieu à l'étranger. Il y va de la défense de notre langue française.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. - La loi Lang comme la loi de 2011 sont d'application territoriale. Un dispositif dérogatoire fondé sur la nationalité paraît peu applicable, même si je comprends votre souci de défendre la langue de la liberté. Retrait, sinon défavorable.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. - Votre souci est légitime mais ce texte ne constitue pas le bon véhicule : la loi de 1981, comme celle de 2011 d'ailleurs, est territorialisée.
Pour le livre, il existe des aides à l'export, notamment pour les ouvrages universitaires...
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Elles sont insuffisantes.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. - ... qui représentent plusieurs millions d'euros pour le ministère de la culture par an.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - C'était un amendement d'appel, sur un sujet très important. Je connais bien sûr le principe d'application territoriale des textes. Reste qu'il importe de remédier aux difficultés d'accès aux livres et documents français à l'étranger. J'avais interrogé M. Hamon il y a six mois : j'attends toujours sa réponse.
Je retire mon amendement.
L'amendement n°2 est retiré.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure de nature législative propre à modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition en conséquence de l'accord-cadre du 21 mars 2013 entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l'édition sur le contrat d'édition dans le secteur du livre à l'ère du numérique :
1° en étendant et en adaptant les dispositions générales relatives au contrat d'édition à l'édition numérique ;
2° en précisant les règles particulières applicables à l'édition d'un livre sous forme imprimée et sous forme numérique ;
3° en organisant le renvoi, pour les modalités d'application de ces dispositions nouvelles, à des accords entre les organisations professionnelles représentatives du secteur du livre en vue de leur extension à l'ensemble des auteurs et éditeurs du secteur par arrêté du ministre chargé de la culture ;
4° en précisant l'application dans le temps de ces dispositions.
II. - L'ordonnance est prise dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi.
III. - Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance.
Mme Aurélie Filippetti, ministre. - Cet amendement vise à habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance pour adapter le code de la propriété intellectuelle à l'ère numérique après l'accord conclu le 21 mars 2013 par les acteurs du secteur à la suite de trois ans de négociation.
Pour éviter toute ambiguïté, disons que cet accord, qui doit être transcrit dans la loi et fait suite à la mission de M. Sirinelli, accueille l'édition numérique dans le cadre légal du contrat d'édition. Il consacre l'unicité du contrat d'édition. Il énonce les obligations de l'éditeur envers l'auteur, rémunération comprise. Ces conditions sont révisables pour tenir compte des évolutions du marché numérique. L'accord précise les conditions de diffusion commerciale et sécurise les obligations de l'éditeur à l'égard de l'auteur ; il rappelle la possibilité de résiliation du contrat.
Les conditions de la reddition de comptes sont précisées. En cas de constat partagé de la fin de l'activité liée à l'exploitation du livre, est ouverte la faculté de résilier de manière très simple le contrat par l'une ou l'autre partie.
Un acte réglementaire rendra cet accord obligatoire pour tous les acteurs. Leur attente est forte. Il y a urgence à légiférer par voie d'ordonnance : c'est l'objet de cet amendement.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Cet accord a été salué par tous les acteurs du livre. Reste à en intégrer le contenu dans le code de la propriété intellectuelle.
Madame la ministre, vous comprendrez, en tant qu'ancienne parlementaire, la réticence naturelle du Sénat à l'égard des ordonnances. Mais soyons pragmatiques : il y a urgence à transcrire l'accord-cadre dans la loi et le calendrier parlementaire est engorgé à l'approche des élections. Avis favorable.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai bien entendu les arguments en faveur de cet amendement. Mais autoriser le Gouvernement à prendre des ordonnances au moyen d'une proposition de loi est bien audacieux.
Je veux revenir sur l'engorgement de notre ordre du jour du fait des élections municipales. Ceux d'entre nous qui ne brigueront pas d'autre mandat seront empêchés de travailler : c'est un encouragement au cumul... Parce que je fais confiance à notre rapporteure je voterai néanmoins cet amendement, à titre exceptionnel.
M. Jacques Legendre. - Vous m'embarrassez. Vous découvrez au Sénat qu'il y a urgence à donner force obligatoire à un accord signé en mars 2013 ! Nous sommes d'accord sur le fond, mais demander à des parlementaires, dans le cadre d'une proposition de loi, de se déposséder de leurs prérogatives, c'est plus qu'audacieux, presque insupportable ! Nous ne vous suivrons donc pas sur ce point.
M. Pierre Laurent. - Nous comprenons et partageons la motivation de cet amendement, mais ne sommes pas convaincus par la méthode employée. Il y aurait beaucoup à dire sur l'embouteillage législatif et les priorités qu'a retenues le Gouvernement... Le recours aux ordonnances, dans ce cas, est exceptionnel ? Le président de la République vient d'annoncer qu'il faut y recourir plus systématiquement, ce à quoi nous sommes totalement opposés ! Nous voterons cet amendement, tout en disant notre opposition à la généralisation de cette pratique.
M. Vincent Eblé. - Il y a ordonnance et ordonnance. Ici, il s'agit d'entériner un accord entre partenaires socio-économiques : il ne s'agit pas d'un espace de législation au sens classique du terme. Un projet de loi de ratification est évidemment prévu. Toutes les garanties sont apportées.
Le groupe socialiste ne voit pas d'objection à l'adoption de cet amendement.
L'amendement n°3 est adopté et devient un article additionnel.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition
Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Avis favorable.
L'amendement n°4 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
Mme Nathalie Goulet . - Livre, média, journaux : il faut évaluer le soutien aux filières sans attendre les rapports de la Cour des comptes. Que le ministère de la culture le fasse spontanément : les contribuables lui en seront reconnaissants, ainsi que les parlementaires.
M. Jacques Legendre . - L'attention à porter aux libraires demeure. Soyons imaginatifs pour soutenir ces lieux rayonnant de culture. Ce texte est un acte de foi dans l'avenir des librairies qu'il faut continuer à aider. Nous le voterons évidemment.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 9 janvier 2014, à 10 heures.
La séance est levée à minuit vingt.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du jeudi 9 janvier 2014
Séance publique
À 10 heures
Présidence : M. Thierry Foucaud, vice-président
Secrétaires : M. Jean Boyer - M. Hubert Falco
1. Débat sur les négociations commerciales transatlantiques.
À 15 heures
Présidence : M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat
2. Questions d'actualité au Gouvernement.