Loi de finances rectificative pour 2013(Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2013.
Discussion générale
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur . - Le collectif de fin d'année, exercice classique, traduit le strict respect en exécution du plafond de dépenses autorisées par le Parlement.
Semaine après semaine, le Gouvernement s'attache à maîtriser la dépense publique -contrairement aux prévisions de certains-, grâce à quoi nous réduisons inlassablement les déficits tout en finançant les besoins impératifs.
Les ouvertures de crédits sont entièrement compensées -au sein de l'enveloppe « zéro valeur »- par des annulations portant à 90 % sur des crédits mis en réserve. Les 3,2 milliards d'euros d'ouverture de crédits sont liés au surcoût d'1,1 milliard du prélèvement pour l'Union européenne, pour 600 millions aux Opex, pour 300 millions aux priorités que sont l'emploi, la lutte contre la pauvreté et l'hébergement d'urgence et, enfin, pour 800 millions d'euros à la masse salariale et aux aides personnelles au logement, sans parler du surcoût de l'aide médicale d'État (AME). En contrepartie, les crédits des ministères ont été minorés de 1,1 milliard par rapport à la loi de finances initiale pour 2013.
Dès le début de l'année, nous avions pris des mesures de contrepartie avec un surgel de 2 milliards d'euros. Aucun dégel n'a été décidé avant stabilisation. Seuls les crédits strictement nécessaires et urgents ont été dégelés. Ainsi, au 31 octobre, la réserve était de 7,4 milliards d'euros, soit une baisse de 0,5 milliard d'euros seulement par rapport au montant initial.
C'est grâce à cette gestion exemplaire que nous respectons la norme de dépense. Les ministères n'ont compté que sur les moyens dont ils étaient sûrs de disposer.
Sur le reste de la dépense que nous pilotons, les résultats sont aussi au rendez-vous. Ainsi, l'Ondam 2013 a été diminué de près de 0,7 milliard d'euros, dont 0,15 milliard acquis lors du débat parlementaire.
Ce projet de loi de finances rectificative confirme nos prévisions : croissance de 0,1 %, déficit de 4,1 % -en baisse de 0,7 point de PIB par rapport à 2012, résultat d'un effort structurel historique, évalué à 1,7 % du PIB. Le Haut conseil des finances publiques a déclaré réalistes nos prévisions pour 2014. Je rappelle les chiffres : 5,3 % de déficit en 2011, 4,8 % en 2012, 4,1 % en 2013, 3,6 % prévus en 2014 -alors même que la croissance est faible.
Le solde conjoncturel se dégrade mécaniquement de 0,6 point en 2013. Au total, la dégradation liée à la conjoncture atteint un point. Le déficit structurel se réduit de 5,1 % en 2011 à 2,6 % en 2013 et 1,7 % en 2014. La prévision de solde budgétaire 2013 est maintenue au niveau prévu, soit moins 71,9 milliards d'euros, en amélioration de plus de 15 milliards par rapport à l'exécution 2012, compte tenu de l'important ajustement opéré en 2013.
Face à la dégradation de l'activité économique en Europe, nous avons pris le parti, que nous assumons, de ne pas présenter de collectif anticipé car un ajustement à marche forcée aurait eu des effets récessifs graves.
Les recettes fiscales sont globalement stables, en baisse de 11 milliards d'euros par rapport à 2011. L'opposition cherche à inquiéter mais ce résultat est le corollaire d'une croissance plus faible que prévue.
La commission des finances a demandé un rapport sur l'exit tax, les départs à l'étranger, les retours des contribuables et l'évolution du nombre des résidents fiscaux. C'est chose faite depuis hier, en toute transparence, sous la forme d'une synthèse des travaux menés par nos services fiscaux, transmise aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées. Rien n'atteste un exil fiscal massif. Ainsi, le nombre de Français inscrits au registre mondial des Français établis hors de France a augmenté de 1,1 % en 2012, soit bien moins qu'en 2011 -6%- et que l'accroissement naturel de la communauté française à l'étranger -4%.
Le nombre de non-résidents est stable depuis 2007, de même que le nombre de départs de redevables à l'ISF -de l'ordre de 500 par an. Les retours depuis le Royaume-Uni, les États-Unis, la Belgique et la Suisse se chiffrent à 109, guère moins que les 129 de 2007. Si ces statistiques, qui ne font pas une politique, doivent être observées avec discernement, elles n'en montrent pas moins que le discours outrancier, idéologique de l'opposition est infondé.
Le collectif poursuit aussi la modernisation des outils de financement de l'économie, comme la réforme de l'assurance-vie, avec la création des contrats euro-croissance et la réforme du régime fiscal des transmissions. Il s'agit d'encourager l'investissement en actions dans des PME et entreprises de taille intermédiaire, dans le logement social et intermédiaire et dans l'économie sociale et solidaire.
Autre réforme : la simplification des relations entre l'administration et les contribuables, entreprises et particuliers, décisive pour la compétitivité du pays. Il s'agit de généraliser les dispenses de justificatifs pour les déclarations d'impôt sur le revenu, d'étendre le recours obligatoire au télépaiement de la taxe sur les salaires, de légaliser le principe de gratuité des prélèvements opérés à l'initiative de l'administration fiscale pour le paiement des impôts.
Je sais combien la complexité des procédures nuit à notre attractivité, domaine dont j'ai la charge auprès de Pierre Moscovici, et sais gré à M. Yung et au Sénat de leur heureuse initiative en matière douanière.
Nous réformons aussi le soutien financier à l'exportation avec l'extension de la garantie de refinancement des crédits à l'exportation octroyés par la Coface. Une intervention publique est créée pour pallier les carences des assureurs privés pour les exportations de court terme, au bénéfice de nos PME et ETI.
Comme vous l'avez souhaité, Monsieur le Rapporteur général, le Parlement sera destinataire de l'évaluation annuelle de ce dispositif. Enfin, nous renforçons notre accompagnement du secteur naval...
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Très bien !
Mme Nicole Bricq, ministre. - En fin de gestion, les ministères voient leurs dépenses revues à la baisse de 1,1 milliard d'euros, ce qui représente un effort substantiel.
Durant des semaines, l'opposition n'a cessé de marteler son exigence d'un collectif anticipé. Force est de constater, pourtant, que le Gouvernement a tenu ses engagements devant les Français. Nous poursuivrons l'effort, exclusivement par des économies en dépenses, au cours des prochaines années. Et, pour la confidence, le président de la République et le Premier ministre nous y ont encore invités ce matin. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE ; MM. Jean-Claude Frécon, vice-président de la commission des finances, et M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - L'exercice est semblable à celui d'hier sur le projet de loi de finances pour 2014. L'Assemblée nationale ne pouvait reprendre aucun amendement du Sénat si celui-ci rejetait le texte. Elle a statué en nouvelle lecture, modifiant 35 articles sur 87 au total. 13 des amendements adoptés proviennent des apports du Sénat ; en revanche, nos articles additionnels devront attendre un autre véhicule.
L'Assemblée nationale n'a pas autant modifié le texte que le projet de loi initial. À l'article 7 bis, elle a exclu les contrats de moins de 7 500 euros du champ des obligations déclaratives des assureurs, comme le Sénat l'avait souhaité, à l'initiative de sa commission des finances.
À l'article 7 quinquies, elle a supprimé le plafonnement des moins-values sur des titres non cotés, détenus depuis moins de cinq ans dans un PEA (plan d'épargne en actions) comme Mme André l'avait proposé. Elle a aussi, à l'article 12 ter, autorisé les opérations de PMU en Nouvelle-Calédonie, conformément à l'amendement de Mme André, là encore.
À l'article 17, elle a étendu aux groupements forestiers le régime de défiscalisation qui accompagne la détention d'un compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), voté par le Sénat en première lecture, à l'initiative du groupe UMP et du groupe socialiste.
En revanche, à l'article 7 quater, l'Assemblée nationale a retenu, pour conditionner le droit à l'ouverture d'un LEP (livret d'épargne populaire), un seuil de revenu fiscal de référence conformément aux plafonds d'exonération de la taxe d'habitation affectés d'un coefficient de 1,8. Elle a prévu une phase de transition jusqu'en 2017.
Pour les maisons de champagne, dont nous avons longuement débattu (sourires), à l'article 18 quinquies, elle a limité l'exception relative aux frais de stockages aux seuls produits qui font l'objet d'obligation réglementaire de conservation avant commercialisation.
Quant à la taxe sur la revente de fréquence hertzienne, à l'article 21 bis, les députés ont prévu que les échanges entre sociétés d'un même groupe ne seraient pas assujettis ; de même que les cessions dont le produit de la vente est inférieur à 10 millions d'euros.
À l'article 26, sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE), une position de compromis a été adoptée entre une indexation du plafond par site de consommation dans la même proportion que celle de la CSPE ou sur l'inflation.
Sur la taxe d'apprentissage, à l'article 27, l'Assemblée nationale a introduit une clause de garantie pour les régions et prévu un rapport sur la qualité et la fiabilité des circuits de collecte.
Bref, la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a rééquilibré le texte, en tenant compte des apports du Sénat. Le collectif comprend beaucoup de dispositions utiles, sur le financement de l'économie et la simplification des procédures. La commission des finances, réunie ce matin, propose son adoption sans modification...
M. Richard Yung. - Très bien !
M. François Marc, raporteur général. - Mme la ministre l'a dit : les finances publiques ont été tenues en 2013. Je m'en félicite. La situation est difficile et inquiétante. En 2013, les dépenses atteignent 370 milliards d'euros ; à 21 %, elles ne sont pas financées, ce qui nous oblige à emprunter. Après 10 ans de gabegie, voilà où nous en sommes...
M. Philippe Dallier. - Ben voyons !
M. Richard Yung. - C'est vrai !
M. François Marc, rapporteur général. - Cela ne saurait durer. Je regrette que l'opposition, loin de chercher à améliorer la situation, fasse voter des amendements qui occasionneront un nouveau dérapage, de 5 milliards en première lecture.
Il est donc préférable de s'en tenir au texte transmis par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Yvon Collin . - Nous arrivons au terme du marathon budgétaire. Le projet de loi de finances rectificative procède aux ajustements budgétaires nécessaires, compte tenu des dernières informations. Les députés ont retenu treize de nos amendements : tout n'est donc pas perdu. Mais il demeure insatisfaisant que le Sénat rende copie blanche - et que ce texte soumis à nouvelle lecture nous ait été transmis à l'aube, alors même qu'il avait été considérablement gonflé.
Le principal objectif de ce texte est d'améliorer le financement de l'économie en réorientant l'épargne des ménages. Louis Gallois estime insuffisante la réforme de l'assurance-vie, en raison, dit-il, de « l'aversion au risque » de nos compatriotes : espérons qu'il se trompe. Nous soutenons aussi l'amortissement exceptionnel prévu à l'article 8. Mais les radicaux de gauche appellent à intensifier nos efforts pour rendre l'économie française plus compétitive.
Le texte amorce la réforme attendue de l'apprentissage en fusionnant la taxe d'apprentissage et la contribution au développement de l'apprentissage et en affectant aux régions 55 % du produit de la taxe d'apprentissage. Saluons l'accord tout récent des partenaires sociaux sur la formation professionnelle.
La majorité du groupe RDSE votera le texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE, ainsi qu'au banc de la commission)
M. Philippe Dallier . - Vendredi, le Sénat a rejeté le collectif en première lecture. Rien là de surprenant.
M. François Marc, rapporteur général. - Il aurait pu y avoir une prise de conscience !
M. Philippe Dallier. - Il n'y a plus ici de majorité pour soutenir la politique budgétaire du Gouvernement. Nous ne tiendrons pas rigueur au rapporteur général de ses propos, mais qu'il cesse de s'en prendre à l'opposition, qui n'a pas vocation à être le bouc-émissaire de son courroux. À qui la faute si vos textes sont rejetés ? À nous ou à un contrat de majorité qui n'existe pas ? À nous ou à une politique illisible, qui matraque nos concitoyens, faisant dire à Jérôme Cahuzac en janvier 2013 que la réforme des impôts est faite, avant que Pierre Moscovici fasse état, neuf mois plus tard, du ras-le-bol fiscal de nos concitoyens ? À nous ou au Premier ministre qui, annonçant une remise à plat de la fiscalité, met son ministre de l'économie et même, semble-t-il, le président de la République, devant le fait accompli ?
M. François Marc, rapporteur général. - Vous n'avez rien fait pendant dix ans !
M. Philippe Dallier. - Alors, à qui la faute ? Rendre l'opposition responsable de cette situation, en la taxant de surcroît d'irresponsable, est tout de même un peu fort. Le parti socialiste est face à ses contradictions et à ses promesses non tenues.
M. Claude Haut. - Parce que vous n'en avez pas, vous, des contradictions ?
M. Philippe Dallier. - Pendant les campagnes, à gauche toute : on promet de remettre la finance au pas, on annonce que Berlin cessera de nous dicter notre politique et, pour plaire à Jean-Luc Mélenchon, que l'on créera une taxe de 75 %...
Mme Nicole Bricq, ministre. - Que c'est vieux tout cela !
M. Philippe Dallier. - Après l'élection la réalité reprend ses droits : on confie les rênes de Bercy aux plus orthodoxes, et l'on demande à l'aile gauche du PS de se taire et aux parlementaires du front de gauche de voter. Et cela ne se passe pas comme ça ! Voilà où vous en êtes ! Non, Monsieur le Rapporteur général, l'opposition n'est en rien responsable de cette situation.
Tenez donc votre prochain congrès, non à Rennes ou à Reims, mais à Bad Godesberg ! Tant que vous n'aurez pas fait votre aggiornamento et dit la vérité aux électeurs, vous êtes voués à décevoir et à heurter le tréfonds des sondages.
L'opposition a bien le droit de voter contre des textes qu'elle désapprouve. Faut-il que nous nous abstenions pour éviter que le Sénat soit décrié, quand notre politique nuit à la croissance, quand la prétendue « modernisation des administrations publiques » (MAP) démontre son inefficacité, quand le Gouvernement annonce chaque jour de nouvelles dépenses, comme le « RSA jeunes » ou la suppression du jour de carence des fonctionnaires, pour flatter tel électorat ou calmer telle colère ? Les milliards, les dizaines de milliards annoncés de dépenses nouvelles, vous ne les avez pas : ils seront financés par la dette.
Mme Nicole Bricq, ministre. - Pas du tout : par des économies.
M. Philippe Dallier. - Mme Duflot, empêtrée dans l'affaire, mal ficelée, de la GUL, veut la remplacer par une garantie financière par l'État, ce qui « ne » coûterait « que » 600 millions d'euros par an : rien que ça !
Cautionner une telle politique en nous abstenant, ce serait donner du grain à moudre aux démagogues extrémistes qui prônent la fermeture des frontières, la sortie de l'euro, la planche à billets pour rembourser la dette et autres balivernes qui nous conduiraient à la catastrophe. Non, l'UMP et le PS, ce n'est pas la même chose. Vos choix économiques et budgétaires ne sont pas les nôtres. Que les Français le sachent et qu'ils le constatent dans nos votes, fût-ce au prix d'une certaine incompréhension de ce qui se passe ici. Les élections municipales auront lieu en mars. Que le Sénat retrouve une majorité claire et dès 2015 nous lui présenterons un projet différent, cohérent, responsable et réaliste.
Le texte n'a guère évolué en nouvelle lecture, les recettes fiscales sont en baisse de 11 milliards d'euros par rapport aux prévisions. Demandez-vous donc, Madame la Ministre, si l'excès d'impôt n'a pas d'incidence sur la croissance !
Le déficit se réduit beaucoup moins qu'annoncé. Nous sommes surpris que les députés aient prévu une clause de garantie pour les régions, s'agissant de l'affectation de produit de la taxe d'apprentissage. C'était pourtant l'objectif de la nouvelle mécanique ! Est-ce à dire qu'elle est mal conçue ?
M. François Marc, rapporteur général. - Parlons donc de la taxe professionnelle !
M. Philippe Dallier. - Le tableau idyllique peint par M. Moscovici se réalisera-t-il en 2014 ?
Une chose est sûre : vous ne pourrez plus nous refaire le coup de l'héritage, dont vous n'avez pas hésité à user encore cette année. Vous êtes au pouvoir depuis maintenant plus de 18 mois. Vous avez utilisé la boîte à outils du président de la République. Les Français vous jugeront sur vos résultats. Ceux de 2013, tels qu'ils transparaissent dans ce collectif, ne sont pas bons. C'est pourquoi le groupe UMP ne peut, une nouvelle fois, qu'émettre un vote négatif. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Très bien !
M. Vincent Delahaye . - Madame la ministre, quand vous disiez que l'opposition réclame à cor et à cri des collectifs en cours d'année, vous deviez penser à nos collègues de l'UMP, pas à l'UDI. Pour ma part, je ne suis pas fan des lois de finances répétitives.
Quelque 11 milliards de moindres recettes et toujours pas d'explications convaincantes... En loi de finances initiale, on surévalue toujours les recettes.
La pause fiscale s'est traduite par un surcroît de prélèvements obligatoires de 9 milliards. Bref, on ne voit toujours rien venir de concret.
Vous préférez parler de « maîtrise » de la dépense que de sa « réduction ». C'est pourtant de celle-ci que nous avons besoin. Les dérapages sont liés à des dépenses de guichet, qui fluctuent comme l'AME dont vous avez préféré supprimer le droit de timbre... Et puis, il y a la réforme des rythmes scolaires, dont on aurait pu se passer ; et puis il y a les cadeaux : 4 millions à L'Humanité.
M. François Marc, rapporteur général. - Ils ne nous en sont pas reconnaissants.
M. Vincent Delahaye. - Réduction continue des déficits ? On devait être à 3 % en 2013 ; attendons de voir si nous serons bien à 3,6 % fin 2014. Bref, ne confondons pas prévision et exécution. L'évolution de la dette est très inquiétante, cela ne peut pas durer ainsi.
À notre sens, il faudrait revenir sur les 35 heures et, nous le demandons depuis des années, disposer d'une seule loi de finances englobant la sécurité sociale afin d'avoir une vision d'ensemble. À cumuler loi de finances et loi de financement, on verrait clairement que le déficit atteint les 120 milliards.
La bonne politique, c'est de mettre en cohérence les propos et les actes. Vos discours ne nous choquent pas ; nous attendons des actes pour 2014. Nous voterons la question préalable, considérant qu'il n'est pas utile de pousser plus loin cette discussion budgétaire. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Richard Yung . - La semaine dernière, nous avons longuement débattu de ce texte avant qu'il soit rejeté dans la nuit de vendredi à samedi par 180 voix contre.
Nous étions pourtant parvenus à un accord sur la réforme de l'assurance-vie, sur celle des aides à l'exportation, sur la reprise de l'EPFR par l'État et, parce que nous sommes pour la liberté de la presse, un abandon de créance de 4 millions au bénéfice de L'Humanité. Nous pouvons en être fier, particulièrement ces temps-ci. (MM. Philippe Dallier et Joël Bourdin ironisent)
En revanche, une alliance composite a fait échouer notre volonté de politique pour l'emploi, de consolidation budgétaire, de réduction du déficit.
Des amendements avaient accru le déficit de 5 milliards ! Pour M. Dallier, nous devrions cesser d'évoquer l'héritage.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Il a raison !
M. Richard Yung. - Chacun sait en effet que la politique économique répond au coup de sifflet avec la même souplesse qu'un porte-avions !
Trop d'impôt, dites-vous, tue la croissance. Comment alors se fait-il que, pendant les trois dernières années de votre mandat, la croissance ait ralenti ? Pourquoi la France connaît-elle cette non-croissance ? Parce que l'Europe...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Que c'est facile ! Attendez-vous à un grand soir lors des européennes !
M. Richard Yung. - ...a fait des choix différents des États-Unis, qui n'ont pas voulu d'une politique ultralibérale. (Exclamations à droite)
Merci à M. Dallier de ses leçons de politique. Comme tout le monde le sait, la droite ne connaît pas la contradiction ; elle est unie derrière son chef. (On s'esclaffe sur les bancs socialistes) M. Copé propose une solution : un million de fonctionnaires en moins. À quoi M. Juppé répond : « Soyons sérieux ! »
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Occupez-vous de la France plutôt que de l'UMP !
M. Richard Yung. - Et tout cas, cela vous fait réagir !
La commission des finances s'est prononcée ce matin pour l'adoption du texte qui nous vient de l'Assemblée nationale. Celui-ci reprend des amendements du Sénat portant sur des sujets aussi importants que le PMU en Nouvelle-Calédonie...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Cela va changer le monde, pour sûr !
M. Richard Yung. - ...ou la réforme de la fiscalité de l'assurance-vie. Les députés ont pris l'initiative de mesures sur les maisons de champagne. J'espère qu'on pensera bientôt au Vouvray.
Le groupe socialiste, parce qu'il soutient le Gouvernement, votera ce collectif. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Bricq, ministre . - Merci à M. le rapporteur général de ses explications détaillées et de son soutien à notre politique rigoureuse de maîtrise de la dépense publique.
Je remercie également le RDSE de son soutien. À M. Collin, je veux rappeler que trois accords importants ont été passés entre les partenaires sociaux depuis notre arrivée. C'est le résultat de notre méthode. La taxe d'apprentissage représente 25 milliards, nous simplifions sa collecte, dont le coût passera de 150 à 40 collecteurs.
Merci aussi à M. Yung de sa vigueur parlementaire qu'il n'a pas perdue. Comme M. Dallier, du reste. Tout de même, là où vous avez augmenté la dépense publique de 5,5 milliards chaque année, nous la tenons.
Monsieur Delahaye, je n'ai pas parlé d'un effet mathématique mais d'un effet mécanique de la faible croissance sur les recettes : ce n'est pas spéculatif mais tout à fait avéré.
La MAP, que vous avez critiquée, représente un gain d'économie de 10 milliards en 2013, de 15 milliards l'an prochain. Nous ne procédons pas à coups de rabot mais en évaluant les simplifications possibles. Et nous ne nous dérobons pas devant nos responsabilités : nous savons bien qu'il faudra faire 50 milliards d'économies au cours des prochaines années.
Merci aux uns, respect aux autres qui font leur travail quoique pas toujours avec de bons arguments. Notre mot d'ordre est connu : justice des prélèvements, efficacité des dépenses. Nous menons ce combat depuis dix-huit mois et nous le poursuivrons ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La discussion générale est close.
M. le président. - Je vais suspendre la séance pour laisser à la commission des finances le temps d'examiner la motion n°1 déposée par le groupe CRC.
La séance, suspendue à 15 h 55, reprend à 16h 5
Question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2013.
M. Éric Bocquet . - Le sort du collectif ne diffère guère de celui de la loi de finances : 68 articles, dont 13 repris du Sénat, qui ne modifient pas fondamentalement la philosophie que nous n'approuvons pas.
D'abord, une nouvelle ponction des crédits. À peine votés par le Parlement, des crédits sont mis en réserve, puis gelés. L'an dernier, le surcoût des Opex a été gagé par des annulations de crédits d'équipements des armées ainsi que par des ponctions sur plus de quatre-vingts programmes. En tout, dans ce collectif, 3,2 milliards annulés ; c'est faire fi de l'autorisation parlementaire. Nous avions dénoncé cette dérive dès l'adoption de la Lolf.
L'élément le plus important de ce collectif est le nouveau traitement fiscal de l'assurance-vie, lequel ne peut nous satisfaire. Depuis trente ans, l'assurance-vie est devenue l'un des placements favoris de nos compatriotes et son encours atteint désormais 1 450 milliards d'euros, soit 70 % du produit intérieur brut marchand, autant que la capitalisation boursière de la Place de Paris et les trois quarts de la dette du pays. Son envolée récente doit beaucoup à la baisse de la rémunération des livrets défiscalisés, organisée par Bercy. Ce qui était une poire pour la soif des petits contribuables est devenu un produit d'optimisation fiscale pour les plus fortunés.
Nos amendements visant à supprimer les Dutreil et autres niches n'étaient pas de simple posture ; nous voulions construire une véritable fiscalité de gauche.
Il est grand temps, quand la fraude fiscale sévit, de procéder à une grande réforme fiscale. L'an dernier, les Français n'ont pas voté pour la retraite à 66 ans non plus que pour des hausses de TVA destinées à réduire les cotisations sociales des entreprises.
la
Avant d'en conclure, je veux remercier tous les intervenants de ce débat, et citer les paroles d'un intellectuel sud-américain, qui devraient nous inspirer : Alors que les gains d'un petit nombre s'accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se situent d'une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité. Ce déséquilibre procède d'idéologies qui défendent l'autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. Par conséquent, ils nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun. Une nouvelle tyrannie invisible s'instaure, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. De plus, la dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur économie et les citoyens de leur pouvoir d'achat réel. S'ajoutent à tout cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales. L'appétit du pouvoir et de l'avoir ne connaît pas de limites. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d'accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l'environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue. »
L'auteur de ces lignes est Jorge Bergoglio, devenu depuis peu le pape François. (Rires à droite)
Bref, nous ne nous retrouvons pas dans ce collectif.
M. Richard Yung . - Rien de nouveau sous le soleil : clairement, il n'y aura pas de majorité pour voter ce collectif. Il n'y a pas de majorité non plus pour voter un texte alternatif. J'espère que nous ne sommes pas revenus à la IVe République, j'espère que certains ne voudront pas supprimer un Sénat qui rejette les lois de finances initiales.
M. Éric Bocquet. - La question peut se poser...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - À qui la faute ?
M. Richard Yung. - Regardez-vous !
Il est normal que l'opposition, même plurielle, même composite, s'oppose. Mais vous ne voulez pas que faire cela. Regardez l'exposé des motifs d'aujourd'hui et celui d'hier. Je note un glissement : hier, on fustigeait la rigueur.
M. Philippe Dallier. - Vous ne m'avez pas écouté !
M. Richard Yung. - Aujourd'hui, cette motion bénie par le pape a pour vocation de marquer le rejet des choix politiques de ce collectif marqué par la hausse de la TVA et le CICE. La motion préalable s'apparente plutôt à une macédoine préalable ! L'alliance entre les groupes CRC-UDI-UC et UMP reste bien fragile.
Le groupe socialiste votera contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Et vous ne vous posez pas de questions ?
M. François Marc, rapporteur général . - Je me réjouis que nos travaux s'achèvent dans une atmosphère détendue. Merci à tous les membres de la commission des finances de nous avoir accompagnés dans cet exercice souvent fastidieux qu'imposent les lois financières. Merci de votre contribution active car elle donne une image fidèle de ce que le Sénat apporte au débat démocratique, même si le résultat n'est pas celui que nous aurions espéré.
Le Gouvernement a réalisé un travail très sérieux, tant sur les recettes que sur les dépenses. C'est pourquoi la commission des finances invite le Sénat à rejeter cette motion.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation . - Je trouve assez cocasse ce rassemblement entre ceux qui proposent 100 milliards d'économies fondées sur la suppression d'un million de fonctionnaires, la remise en cause du smic, la retraite à 65 ans, la suppression des 35 heures, et ceux qui se disent attachés à ce que la dépense publique soit un instrument de relance de l'économie.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Parlez de la loi de finances.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. - Le Gouvernement a fait le choix d'une politique keynésienne (exclamations à droite) et s'en honore. Le rassemblement d'aujourd'hui me déçoit.
Il va de soi que le Gouvernement est défavorable à cette question préalable.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Nous partageons pleinement l'exposé des motifs qui ont poussé le groupe CRC à déposer cette motion. L'utilisation systématique du vote bloqué et de la seconde délibération revient à balayer d'une seule main tous nos travaux : 13 articles sur le collectif. D'où notre rejet de la demande de seconde délibération au terme de la première lecture, ce qui nous a valu une séance chaotique, le groupe socialiste demandant une heure de suspension de séance en pleine nuit. Épargnons-nous cette commedia dell'arte.
Ensuite, comme le groupe CRC, nous désapprouvons la hausse de TVA, qui mine le pouvoir d'achat des ménages sans avoir l'intérêt que présentait notre TVA anti-délocalisation, et le dispositif du CICE, trop complexe.
Enfin, il faut effectivement réorienter les finances publiques, réduire les prélèvements obligatoires afin de redynamiser le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises.
Le groupe UMP votera la question préalable.
M. François Zocchetto . - Il y a peu de doute sur l'issue de nos débats de ce soir. Je veux brièvement faire le bilan de la politique budgétaire du Gouvernement après le neuvième texte financier en dix-huit mois. L'absence de cap budgétaire est évidente. Un seul exemple... La TVA compétitivité sociale, supprimée en juillet 2012, a été remplacée six mois plus tard, contre toutes les promesses de François Hollande, par un CICE complexe au financement incertain. Tous nos débats ont été obérés par la réforme fiscale annoncée par le Premier ministre, qui vient, si on a bien compris, d'être enterrée par le président de la République...
Nous ne savons pas quel est votre projet...
M. Alain Gournac. - Il n'y en a pas !
M. François Zocchetto. - ...ni où vous conduisez le pays. Voyez la décollecte de l'épargne, l'investissement en baisse, les jeunes qui s'expatrient... La confiance ne règne plus. Votre indécision alimente le front du refus de votre politique.
Nous n'admettons pas non plus le traitement réservé au Sénat. Le Gouvernement n'a eu de cesse de décrédibiliser son travail, opposition et majorité confondues, par un usage systématique du vote bloqué. Le Gouvernement précédent, sans être parfait, savait organiser le dialogue en amont avec notre assemblée.
Le Sénat ne peut voter un texte aussi incohérent. Même s'il ne partage évidemment pas l'analyse du groupe CRC, le groupe UDI-CI votera donc cette motion pour mettre fin à un débat vicié. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Adnot . - Contrairement à la majorité des non-inscrits, je ne voterai pas cette question préalable puisque j'ai déposé des amendements. La question préalable, c'est la négation de la démocratie et de l'échange. (M. Richard Yung approuve)
M. François Fortassin . - Le groupe RDSE suivra ses collègues socialistes afin de permettre à la discussion de se poursuivre. J'observe que la « cohérence » du groupe CRC n'est pas celle du groupe UMP... (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin n°109 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué . - Merci à toutes et à tous de votre contribution au débat, mes remerciements chaleureux au rapporteur général et au président de la commission des finances pour les améliorations qu'ils ont aidées à apporter au texte. Le Gouvernement, contrairement à ce que certains soutiennent, éprouve un grand attachement pour le Sénat.
M. Alain Gournac. - En amour, il n'y a que les preuves qui comptent !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - À preuve, un grand nombre d'amendements du Sénat ont été intégrés au texte. Cependant, lorsque le texte qui sort du Sénat déséquilibre autant le solde budgétaire, nous devons, nous aussi, prendre nos responsabilités. N'y voyez pas un signe de désintérêt pour le travail du Sénat.
J'ai voulu être présent aussi souvent que possible et je veux dire que, même si nous n'avons pas toujours été d'accord, j'ai apprécié la qualité de nos débats. Chacun, dans la Haute assemblée, cherche toujours à faire valoir les meilleurs arguments. Je vous adresse mes sincères remerciements. (Applaudissements sur tous les bancs)