Conseillers de Paris (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris, après engagement de la procédure accélérée.
Discussion générale
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi . - Nous voici réunis ce soir pour parler de la belle ville de Paris, dont tous les Français sont fiers à juste titre, et plus particulièrement de ses élections municipales.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 mai 2013, a considéré que le tableau répartissant les conseillers de Paris par arrondissement inclus dans la loi du 17 avril 2013 était contraire à la Constitution. Depuis la loi du 31 décembre 1982, les conseillers de Paris sont répartis de sorte que chaque arrondissement en compte au moins trois ; au-delà de ce chiffre, ils le sont à la proportionnelle. Le Conseil constitutionnel a considéré que les écarts étaient par trop considérables eu égard à la nécessité de représenter justement la population.
Il n'y avait, dès lors, pas d'autre solution que de corriger les écarts, aux dires du Conseil « manifestement disproportionnés ». Le principe de l'égalité devant le suffrage étant pour lui déterminant, il n'était plus possible de conserver trois conseillers de Paris par arrondissement. Néanmoins, quelques écarts à la moyenne subsistent, soit moins 16 % pour le 2e arrondissement et moins 14 % pour le 3e, ce qui permet de leur attribuer deux sièges. Le 1er arrondissement n'aura qu'un siège ; avec deux, nous aurions été moins à 37 %. Par conséquent, la proposition de loi supprime les dispositions qui obligent à choisir le maire et au moins un de ses adjoints parmi les conseillers de Paris. Ceux-ci émaneront désormais des rangs des conseillers d'arrondissement.
D'aucuns ont estimé qu'il était étrange que je présente une telle proposition de loi puisqu'une autre, identique, avait été déposée à l'Assemblée nationale par Jean-Jacques Urvoas. La procédure accélérée n'avait pas été engagée. Léger incident de parcours... Mais que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre. J'ai volé au secours de M. Valls, voire de la République, et j'espère que le ministre de l'intérieur m'en sera reconnaissant. Cela dit pour que ceux qui ont des oreilles entendent... (Sourires)
On pourrait tirer de cette petite affaire une autre considération : avant de saisir le Conseil constitutionnel, il pourrait être utile de prendre le temps de la réflexion. Ceux qui ont formé le recours contre la loi du 17 mai 2013 ne s'attendaient certainement pas à ce résultat, si j'en crois ce qu'a dit Mme Nathalie Kosciusko-Morizet...
Pour le Conseil constitutionnel, ce qui compte avant tout, c'est l'égalité des citoyens devant le suffrage. Cet argument est général et, si certaines publications estiment que ce texte est de nature à porter atteinte à la ruralité, l'argument ne vaut pas. Le principe de l'égalité devant le suffrage doit prévaloir pour toutes les élections, législatives, régionales, cantonales et municipales. Évitons donc les faux procès, quand bien même il importe de tenir compte des territoires ruraux comme de Paris. Certes, il peut y avoir des écarts par rapport à la moyenne, mais non au-delà ou en deçà de 20 %.
Voilà le sens de cette proposition de loi. Les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous. (Applaudissements à gauche ; M. Michel Mercier applaudit aussi)
M. Roger Madec, rapporteur de la commission des lois . - Le 16 mai, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 30 de la loi du 17 mai 2013 qui modifiait le tableau de répartition des sièges au Conseil de Paris, qui datait de 1982. Pour une fois qu'un ministre de l'intérieur avait voulu instaurer plus d'égalité à Paris...
La répartition des 163 conseillers de Paris reposait jusque là sur le principe de l'attribution minimale de trois sièges au moins à chaque secteur afin de permettre la pleine application du mode de scrutin proportionnel assorti d'une prime majoritaire ; pour tenir compte de la population, les 103 sièges restant étaient ensuite répartis selon la règle de la plus forte moyenne. Entre 1982 et 2012, la population de la capitale a augmenté de presque 58 000 personnes, tandis que la répartition des sièges était fondée sur le recensement de 1979... D'où l'actualisation du tableau conservant le principe de trois sièges de conseiller de Paris par arrondissement en corrigeant la répartition pour tenir compte de l'évolution démographique. Les 7e, 16e et 17e perdaient un siège, les 10e, 19e et 20e en gagnaient un. Le Conseil constitutionnel a censuré le tableau réformé, mais aussi le tableau en vigueur -appliquant en cela sa jurisprudence néo-calédonienne-, estimant que les écarts à la moyenne étaient « manifestement disproportionnés » et que des tempéraments étaient admissibles pourvu qu'ils fussent limités et justifiés par un impératif d'intérêt général.
Nous nous trouvions donc devant un vide juridique qu'il fallait combler avant les élections municipales de mars 2014.
Cette proposition de loi réorganise la répartition des sièges pour respecter le principe d'égalité des suffrages sans bouleverser le régime électoral de la capitale. A effectif constant, l'attribution d'un minimum de trois sièges à chaque arrondissement est abandonnée et l'application de la proportionnelle à la plus forte moyenne est étendue aux 163 sièges. Une première étape a consisté à attribuer à chaque secteur le nombre de sièges correspondant à sa population sur la base du quotient électoral -huit sièges restaient alors à répartir à la plus forte moyenne. Il fallait ensuite tempérer les écarts importants de représentation dans les 2e et 3e arrondissements. Un siège a été accordé à chacun d'eux pour ramener les écarts respectivement à moins 16,4 % et à moins 13,7 %, -par le transfert du siège supplémentaire bénéficiant aux 12e et 20e arrondissements, sans aggraver les écarts pour ces derniers. La nouvelle répartition entraîne la création de dix nouveaux sièges de conseiller d'arrondissement.
De ce fait, le maire d'arrondissement et un de ses adjoints ne pourront plus être choisis parmi les conseillers de Paris, puisque le 1e arrondissement ne comptera plus qu'un conseiller. La règle a été modifiée en conséquence, comme l'a rappelé M. Sueur, et touchera aussi Lyon et Marseille.
Ce dispositif permettra de conserver un parallélisme entre ces trois villes. Si l'écart de représentation demeure, il est réduit dans les 1er, 2e et 3e arrondissements.
Cette proposition de loi, si elle est adoptée par l'Assemblée nationale, s'appliquera aux élections prochaines. Je propose au Sénat de l'adopter sans modification. (Applaudissements à gauche)
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - Ce texte est très simple mais il a connu quelques péripéties. Le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel de la loi créant le scrutin binominal mais nous oblige à revoir la répartition des 163 sièges de conseiller de Paris. Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a déposé une proposition de loi, adoptée par l'autre chambre le 10 juillet. Mais une erreur nous a conduits à modifier ce dispositif, d'où le dépôt du présent texte. Je remercie M. Sueur très chaleureusement de l'avoir fait. (Sourires) L'Assemblée nationale l'examinera dans 48 heures.
Le Gouvernement pensait, en mai, que l'actualisation du tableau ne posait pas de problème puisque le Conseil constitutionnel avait, en son temps, validé la loi de 1982. Mais le Conseil n'est plus celui de 1982, il a de plus en plus nettement affirmé l'importance de l'égalité des suffrages. Sa jurisprudence est désormais pour tous une boussole. Il nous a dit, le 16 mai 2013, que la loi n'allait pas assez loin et qu'en conservant le nombre minimal de trois conseillers de Paris, le législateur s'écartait trop de la moyenne dans les 1er, 2e et 4e arrondissements.
Cette proposition de loi, qui n'augmente pas le nombre global de conseillers de Paris, tient compte de sa décision. Elle permettra de conserver le parallélisme entre les régimes électoraux de Paris, Lyon et Marseille.
Le nouveau tableau ne pouvait s'en tenir strictement à la méthode mathématique car dans les trois premiers arrondissements, le bornage démographique n'était pas possible. Un correctif était donc indispensable. Un siège supplémentaire est attribué aux 2e et 3e arrondissements pour respecter l'égalité démographique, l'écart à la moyenne étant ramené respectivement à moins 16 % et moins 14 %. Ces deux sièges sont retirés aux 12e et 20e arrondissements. En revanche, la réattribution d'un siège au 1er arrondissement n'est pas possible car l'écart à la moyenne serait alors passé à moins 37 %.
Nous aurions pu faire un choix plus radical, réunir les 1er, 2e, 4e et, éventuellement, 3e arrondissements en une seule circonscription. Mais à quelques mois des élections, un tel choix aurait trop bouleversé la situation et aurait mené à la suppression de plusieurs mairies d'arrondissement. Nous avons aussi voulu préserver la représentation de chaque arrondissement, dès lors que l'écart à la moyenne ne dépasse pas 26 %.
Le bon sens, la stabilité du régime électoral et la juste représentation des électeurs et des arrondissements plaident pour la rapide adoption de cette proposition de loi -je l'espère dans l'esprit de consensus dont le Sénat est coutumier. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Charon . - Dans sa décision du 16 mai 2013, le Conseil constitutionnel a censuré le tableau annexé à la loi du 17 mai 2013 et le tableau n°2 annexé au code électoral. Les groupes UMP et UDI-UC avaient saisi le Conseil constitutionnel au motif que la répartition choisie par le Gouvernement ne respectait pas le principe un homme-une voix en attribuant des sièges supplémentaires de conseiller de Paris aux arrondissements dits de gauche et en sanctionnant le 7e, le 16e et le 17e... Nous avons été entendus au-delà de nos espérances. (Sourires) Le chamboulement était imprévu. Il fallait trouver une solution tout en respectant la Constitution. Plusieurs choix étaient possibles mais celui proposé par cette proposition de loi est loin d'être le meilleur. Même en se retranchant derrière la démographie, ce texte est partial. J'ai rencontré le Premier ministre pour lui proposer une modification a minima. Il a été très réceptif -c'était du temps où le dossier était traité à Matignon. (M. Manuel Valls, ministre, rit) Une refonte plus importante aurait été possible après les élections de 2014.
Avec pareille modification a minima, vous auriez pu vous contenter d'enlever des sièges là où c'était nécessaire pour entrer dans le tunnel des 20 % et n'en ajouter que pour faire en sorte qu'un arrondissement plus peuplé ne puisse pas perdre de sièges. Ce système aurait limité les pertes aux 1e, 2e, 4e et 7e arrondissements et donné un siège supplémentaire au 19e. Au lieu de choisir cette solution, vous avez persévéré dans l'arbitraire.
Les électeurs parisiens sont les seuls, avec ceux de Lyon et de Marseille, à élire leur maire au suffrage universel indirect à deux degrés. C'est une inégalité démocratique à l'heure du Grand Paris. Toutes les voix des Parisiennes et des Parisiens se valent. Le découpage par arrondissement ne doit pas être une entrave à l'élection du maire au suffrage universel direct. Cette réforme aurait dû être menée. Les mobilités croissantes des Parisiens doivent être prises en compte. Cette rigidité artificielle ne peut perdurer.
Au gré des majorités, des bricolages sont tentés qui brouillent la représentation des électeurs. Pourquoi ne pas offrir aux Parisiens d'élire directement leur maire, pourquoi privilégier ces petits arrangements alors que l'heure est à la « transparence politique » ? Ils ont permis à Bertrand Delanoë d'être élu maire de Paris avec 49 % des voix et à la gauche, avec moins de voix, d'avoir 21 sièges de plus que la droite au Conseil de Paris. Cette entourloupe n'est d'ailleurs pas une nouveauté : Gaston Defferre était devenu maire de Marseille avec moins de voix que Jean-Claude Gaudin.
J'admire la virtuosité du président Sueur dont l'exposé des motifs et les calculs de pondération virent parfois à la contorsion, quand vous auriez pu tourner la page des rafistolages politiciens. L'expression de la démocratie mérite plus de clarté et de générosité. C'est pourquoi je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements à droite et sur les bancs UDI-UC)
M. Pierre Laurent . - Provoquée par la censure du Conseil constitutionnel, cette proposition de loi va permettre une meilleure représentation des Parisiens aux prochaines élections. A Paris, les distorsions du rapport élu-nombre d'électeurs n'on fait que croître depuis des années. Tandis que la capitale se vidait de ses habitants depuis les années 50, la tendance s'est inversée dans les années 2000 au profit des quartiers populaires et au détriment des 7e, 8e et 16e arrondissements. En 2001, Paris ne comptait plus que 2 millions d'habitants, contre 2 790 000 en 1962. La gestion de la gauche n'y est sans doute pas pour rien...
Pour tenir compte de ces évolutions démographiques, les parlementaires communistes avaient proposé plusieurs modifications au tableau de répartition des conseillers de Paris. Mme Borvo Cohen-Seat avait ainsi déposé deux propositions de loi, repoussés par la droite -la première, en janvier 2002, l'avait aussi été par le ministre de l'intérieur de l'époque, Daniel Vaillant.
Ce texte tient compte de l'évolution démographique de Paris. L'égalité devant le suffrage sera mieux respectée. La proposition de loi met aussi fin à l'obligation de nomination des maires d'arrondissement parmi les conseillers de Paris.
C'est la saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires de droite qui nous conduit à examiner ce texte -c'est l'arroseur arrosé ! Au lieu d'en prendre acte, la droite persiste dans une fuite en avant pour bonapartiser la fonction de maire de Paris -elle qui a privé de maire les Parisiens jusqu'en 1975... Nous voterons cette proposition de loi tout à fait satisfaisante. (Applaudissements à gauche)
M. Yves Pozzo di Borgo . - Soyons honnête, je ne pense pas que M. le ministre s'attendait à ce que le Conseil constitutionnel censure et le tableau réformé et le nouveau tableau. Et pourquoi ne pas avoir censuré le tableau de Lyon ? L'écart à la moyenne varie dans certains de ses arrondissements du simple au double !
Le Conseil constitutionnel a interprété strictement le principe de l'égalité des suffrages. Sa décision nous invite à une réflexion plus ambitieuse. Hélas, cette proposition de loi n'est qu'un sparadrap sur une jambe de bois. Si nous sommes dans cette situation, c'est par la faute du Gouvernement qui a cru pouvoir faire tranquillement ses petits arrangements ; mais il a été pris les doigts dans le pot de confiture. (M. Manuel Valls, ministre, s'exclame)
C'est Gaston Defferre, malin comme le sont tous les ministres de l'intérieur, voyant qu'il était battu à Marseille, qui a inventée la stupide loi PLM de 1982 ; grâce à quoi on voit des candidats minoritaires devenir maire des plus grandes villes. Loi stupide que la droite aurait dû changer, elle ne l'a pas fait, elle en est fautive.
La répartition proposée aurait dû tenir compte de bien d'autres facteurs, notamment des évolutions de population à venir, la ZAC des Batignolles ou l'opération Laennec. Tout cela n'est guère satisfaisant, ce n'est pas un travail législatif sérieux. Pourquoi ne pas autoriser les Parisiens à élire directement leur conseil municipal et leur maire, qui a tous les pouvoirs et gère un budget de 8 milliards ? Jacques Chirac a été élu en 1983 par 20 147 Parisiens, Bertrand Delanoë en 2001 par 28 722 voix ! Et on ne touche pas à pareil système ? C'est ridicule ! Il faudra bien y venir un jour !
Cette proposition de loi a été votée à l'Assemblée nationale puis elle a disparu, pour mieux être déposée ici même. Les délais constitutionnels de transmission et d'examen n'ont pas été respectés. Tout cela est déplorable.
Le groupe UDI votera unanimement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Pierre-Yves Collombat . - Je serai bref et transparent : le groupe du RDSE votera cette proposition de loi dans sa très grande majorité après un parcours à surprise ; deux textes identiques ont été déposés après la censure du Conseil constitutionnel...
La loi du 17 avril 2013 prévoyait un écart de représentation trop important par rapport à la moyenne pour les 1er, 2e et 4e arrondissements. Pourquoi ne pas avoir réuni les 1er et 2e arrondissements alors que la même loi redécoupe complètement les cantons pour instaurer le scrutin binominal ? Hypothèse écartée, a-t-on dit, pour répondre aux attentes des Parisiens -heureux Parisiens dont on se préoccupe des états d'âme... Les propositions faites aujourd'hui sont d'un tel bon sens qu'on se demande pourquoi elles ont mis tant de temps à germer...
J'avais promis d'être transparent et bref, je fus bref et transparent. (Sourires et applaudissements sur les bancs de RDSE et au centre)
Mme Hélène Lipietz . - Depuis 1859, Paris est composé de vingt arrondissements provenant d'anciens villages dont les traces persistent dans la démographie sociale. L'équation présidant à la répartition des conseillers de Paris est digne du théorème de Fermat. Pardon, je voulais dire du Conseil constitutionnel. Elle a ses paramètres, sachant qu'il est impossible de diviser un élu par deux, on se retrouve devant une équation digne du prix Abel, avec deux constantes : 163, le nombre total d'élus, et 20, le nombre intangible d'arrondissements, ainsi que trois paramètres : des écarts de population importants entre les arrondissements, l'impossibilité d'une attribution préalable de trois conseillers dans chaque arrondissement, des conseillers toujours entiers. Il est trivial que, quelle que soit la méthode de calcul, certains seront favorisés et d'autres défavorisés, sauf à accepter de ne pas résoudre cette équation dans H, les êtres humains, mais dans R privé de Q, soit l'ensemble des nombres irrationnels. Or les élections sont, c'est un lemme connu, toujours très rationnelles. (Sourires)
Dans la vie courante, on arrondit les résultats. Et, miracle, cela aboutirait à un résultat équivalant à celui proposé. Cette méthode aurait l'avantage d'écarter toute suspicion de calculs politiciens. Le refus de toucher à une coutume intangible, la plus forte moyenne, est à l'origine de dysfonctionnements persistants. Nous devrons y parvenir pour que les électeurs s'y retrouvent.
A l'heure de la mondialisation, ces calculs, qui empruntent davantage aux comptes d'apothicaire qu'au conte de fée, s'apparentent à des querelles de clochers, sinon de minarets. Une fois les élections passées, les esprits seront moins échauffés et il nous faudra pourtant y revenir. En attendant, les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. - Très bien !
M. Philippe Kaltenbach . - M. le rapporteur a bien rappelé ce qui motive ce texte : le principe de l'égalité devant le suffrage. Il a été à l'origine du nouveau redécoupage pour les élections cantonales et de la loi modifiant la composition du collège électoral des sénateurs, que j'ai eu l'honneur de rapporter.
A droite, on parle de « tripatouillage », alors que nous défendons le principe de l'égalité devant le suffrage. Elle aurait mieux fait de s'interroger sur l'opportunité de saisir le Conseil constitutionnel, avec le risque d'un effet boomerang quand celui-ci va plus loin qu'elle ne le souhaitait.
M. Pierre Charon. - Vous aimez beaucoup le Conseil constitutionnel en ce moment. Cela n'a pas toujours été le cas !
M. Philippe Kaltenbach. - En tout cas, les choses sont claires : la haute juridiction s'érige désormais en gardien du principe de l'égalité devant le suffrage. L'opposition l'a appris à ses dépens : nous avons dû abandonner la mention de trois sièges de conseiller de Paris par arrondissement.
Faux : le Conseil constitutionnel n'a pas censuré le vote par arrondissement. Faux : les Parisiens ne sont pas les seuls à ne pas élire leur maire au suffrage universel direct ; voyez Marseille et Lyon. Pourquoi faire un régime particulier à Paris ? Pourquoi ne pas l'avoir fait quand vous étiez au pouvoir ? Pourquoi cette réforme en profondeur qui consiste à supprimer des arrondissements à huit mois des élections municipales ? La ficelle politique est plutôt grosse...
M. Pierre Charon. - Vous savez de quoi vous parlez !
M. Philippe Kaltenbach. - Et tout cela pour favoriser une candidate en difficulté, qui n'a pas réussi son parachutage ! (Exclamations à droite) Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Manuel Valls, ministre . - Merci aux orateurs de la majorité de leur soutien et, tout particulièrement, au groupe RDSE.
M. Jacques Mézard. - Vous pouvez ! Ce qui est rare est cher. (Sourires)
M. Manuel Valls, ministre. - Monsieur Charon, instituer une collectivité unique à quelques mois des élections présenterait davantage de risques. Monsieur Pozzo di Borgo, ne vous flagellez pas...
M. Michel Mercier. - C'est le centre... (Sourires)
M. Manuel Valls, ministre. - Vous avez été élu grâce au système « stupide » de 1982.
A M. Charon, l'élection au suffrage universel indirect n'est pas une anomalie en soi. Voyez le président américain, voyez les maires élus chez nous par le conseil municipal. Profitons de la décision du Conseil constitutionnel pour ajuster la répartition des sièges. Nous voulions conserver trois sièges minimum par arrondissement. Le recours déposé par la droite a pour effet que nous ne le pouvons plus.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. David Assouline . - L'ajustement du tableau répartissant les sièges de conseiller de Paris représente une nécessité à la fois technique et démocratique.
Il fallait bouger et, s'il n'y avait pas d'arrière-pensées politiciennes, nous aurions dû aboutir à un consensus. D'ailleurs, vous ne proposez rien pour Lyon ou Marseille. Vous vous êtes saisis de cette affaire à cause des élections qui viennent dans un an alors que vous n'aviez jamais contesté la loi de 1982. En fait, vous vouliez adapter la circonscription à la candidate qui est censée sauver la droite par sa notoriété. Une élection, pourtant, cela ne se gagne pas dans la presse ; c'est une bataille qui se livre sur les marchés et dans les cages d'escalier comme partout ailleurs. Les formations politiques ont une histoire. Un peu de sérieux : on n'a jamais vu la tête de la liste victorieuse ne pas être élue. Ce serait un hold up démocratique ! Alors, assez de ces procès en charcutage !
M. le président. - Veuillez conclure !
M. David Assouline. - D'ailleurs, quand vous étiez à la tête de Paris, jamais vous n'avez dit que le système électoral n'était pas démocratique, pas représentatif !
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Charon.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le code électoral est ainsi modifié :
1° L'article L. 261 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du conseil de Paris et » sont supprimés ;
b) À la seconde phrase du même alinéa, la référence : « 2, » est supprimée ;
2° Le tableau n° 2 annexé est abrogé ;
3° Après l'article L. 272-1, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section 1 : Dispositions particulières applicables à Paris
« Art. L. 272-1-1. - La commune forme une circonscription électorale unique pour l'élection des membres du conseil de Paris, qui comprend 163 membres. Les conseillers d'arrondissement sont élus par arrondissement.
« Art. L. 272-1-2. - Pour être complète, une liste doit comprendre autant de candidats qu'il y a à pourvoir de sièges de membres du conseil de Paris et, par arrondissement, de sièges de conseiller d'arrondissement.
« Art. L. 272-1-3. - Est interdit l'enregistrement d'une déclaration de candidature ne répondant pas aux dispositions de l'article L. 272-1-2.
« Art. L. 272-1-4. - Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu conseiller d'arrondissement est appelé à remplacer le conseiller d'arrondissement élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation par la juridiction administrative de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste.
« Lorsque dans un arrondissement, les dispositions du premier alinéa ne peuvent plus être appliquées, et si le conseil d'arrondissement a perdu le tiers de ses membres, il est, dans un délai de deux mois à dater de la dernière vacance, procédé au renouvellement intégral du conseil d'arrondissement. » ;
4° Les articles L. 272-2 à L. 272-6 deviennent la section 2 intitulée « Dispositions applicables à Lyon et à Marseille » ;
5° À l'article L. 272-3, aux première et seconde phrases de l'article L. 272-5, par deux fois au premier alinéa et au dernier alinéa de l'article L. 272-6, les mots : « du conseil de Paris ou » sont supprimés ;
6° À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 272-6, les mots : « le conseiller de Paris ou » sont supprimés.
II. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 2511-8, il est inséré un article L. 2511-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2511-8-1. - Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux conseils d'arrondissement de Paris, sous réserve des dispositions du présent article. Le nombre des conseillers d'arrondissement est déterminé par le tableau du nombre de sièges par arrondissement pour l'élection des conseillers d'arrondissement de Paris annexé au présent code. » ;
2° Après l'annexe I, est insérée une annexe II ainsi rédigée :
« Annexe II
« Tableau du nombre de sièges par arrondissement pour l'élection des conseillers d'arrondissement de Paris
Arrondissement |
Nombre de sièges de conseillers d'arrondissement |
1er |
10 |
2e |
10 |
3e |
10 |
4e |
10 |
5e |
10 |
6e |
10 |
7e |
10 |
8e |
10 |
9e |
10 |
10e |
12 |
11e |
22 |
12e |
20 |
13e |
26 |
14e |
20 |
15e |
34 |
16e |
26 |
17e |
26 |
18e |
28 |
19e |
24 |
20e |
26 |
Total |
354 |
3° Après l'article L. 2511-25-1, il est inséré un article L. 2511-25-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2511-25-2. - Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux conseils d'arrondissement de Paris, sous réserve des dispositions du présent article.
« Le maire d'arrondissement est élu parmi les conseillers d'arrondissement.
« L'élection du maire d'arrondissement qui suit le renouvellement général du conseil de Paris a lieu concomitamment à celle du maire de la commune.
« Les adjoints au maire d'arrondissement sont désignés parmi les conseillers d'arrondissement. »
M. Pierre Charon. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°3, présenté par M. Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. - L'électeur de Colmar ou de Cannes vote pour son maire ! Après la Commune de Paris, les Versaillais ont privé les Parisiens d'un maire, jusqu'à la réforme de M. Giscard d'Estaing, en 1976. En souvenir de la Commune de Paris, M. Laurent pourrait voter cet amendement.
M. Roger Madec, rapporteur. - Défavorable à ces deux amendements présentés pour de mauvaises raisons. J'ai la faiblesse de penser que M. Delanoë, tête de liste, a apporté un surcroît de notoriété à notre liste.
M. Manuel Valls, ministre. - A quelques mois des élections, tenons-nous en au système qui vaut pour Paris, Lyon et Marseille. Les électeurs savent pour qui ils votent, on le voit dans le scrutin.
Mme Bariza Khiari. - Je suis surprise par cet amendement qui modifie en profondeur le régime électoral en niant l'arrondissement. La Parisienne que je suis, comme tous les habitants, est très attachée à celui-ci. Ce que je comprends, c'est votre volonté de favoriser le parachutage de la maire de Longjumeau qui voudrait être élue sur ses trois initiales, comme s'il s'agissait d'une marque.
Le mode de scrutin actuel est suffisamment ancien pour avoir fait ses preuves et il a autorisé l'alternance. Le groupe socialiste rejettera ces deux amendements identiques.
M. Pierre Laurent. - Prétendre devant les Parisiens, que je connais bien car je suis né dans cette ville, qu'ils n'élisent pas leur maire est absurde (M. Yves Pozzo di Borgo en doute) : ils savent pour qui ils votent lorsqu'ils élisent leur conseiller de Paris. Nous avons été punis durant un siècle par la droite versaillaise à cause de la Commune de Paris. Une tradition vivante car Paris est l'une des seules capitales où la représentation des communistes est forte. Vous semblez complètement ignorer cette tradition : l'âme de Belleville et de Ménilmontant, l'enracinement de proximité et le refus de la personnalisation du pouvoir.
Moi, je proposerai plutôt, pour un meilleur équilibre, de renforcer le pouvoir des maires d'arrondissement car vous avez raison : le maire de Paris concentre trop de pouvoirs.
M. Yves Pozzo di Borgo. Là-dessus, d'accord.
M. Marc Laménie. - Je dirai que ce débat sur la capitale permet de relativiser. Je rebondis sur le binôme puisque certains en ont parlé : je ne suis toujours pas convaincu mais je respecterai la loi. Je soutiendrai les amendements de mes collègues par solidarité. Ensuite, parler de charcutage... Ils ont toujours existé, à droite comme à gauche. Laissons la démocratie vivre, c'est ce qu'il faut dire.
Les amendements identiques nos1 et 3 ne sont pas adoptés.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Charon.
Supprimer cet article.
M. Pierre Charon. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°4, présenté par M. Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Défendu.
Les amendements identiques nos2 et 4, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
L'article 2 est adopté.
L'article 3 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Michel Mercier . - Ce texte, qui sera adopté sans problème ce soir, ne concerne pas que Paris. Je suis très heureux que les communistes le votent car il vaudra bientôt pour l'élection des maires d'arrondissement dans les métropoles.
Mme Cécile Cukierman. - Vous voulez die que les maires des communes seront comme les maires d'arrondissement...
M. Michel Mercier. - C'est cela ! Le charcutage électoral est un sport national. (M. David Assouline s'exclame) Pradel, à Lyon, avait, pour être réélu un quart de siècle durant, inventé à partir de son nom le slogan « pour la réalisation active des espérances lyonnaises ». (Sourires)
Que Mme Nathalie Kosciusko-Morizet reprenne sa méthode. La décision du Conseil constitutionnel s'impose à tous, nous vivons ce soir un exemple concret de ce nouvel État de droit même s'il n'est jamais agréable pour un parlementaire de se voir dépossédé d'une partie de ses prérogatives par le Conseil constitutionnel : la modification pour Paris vaudra pour Lyon et Marseille.
Mme Cécile Cukierman. - Défendez avec nous le VIe République ! Nous sommes pour le pouvoir du Parlement.
Mme Bariza Khiari . - Pas d'opération de tripatouillage électoral mais la volonté de se conformer à une décision du Conseil constitutionnel. D'ailleurs, celui-ci a pointé les écarts disproportionnés dans les Ie, IIe et IVe arrondissements, dont deux sont tenus par la majorité, qui n'est donc pas moins concernée que l'opposition dans l'affaire. Je ne vois pas en quoi on peut nous accuser de modifier les règles du jeu de 1982. Au contraire, ce texte est clair et transparent ; le groupe socialiste le votera.
M. Pierre-Yves Collombat . - En pur républicain, je ne peux souscrire aux propos de M. Mercier : il n'appartient pas plus au Conseil constitutionnel d'élaborer la loi qu'à la Cour des comptes de définir la politique économique du pays. Qu'on applique la règle démographique à Paris n'a rien d'illégitime, la différence entre les arrondissements n'est pas comparable à celle entre la Lozère et l'Hérault ! En revanche, de là à en faire une règle intangible qui vaudrait pour toute éternité, non. Pardon, mais la modernité démocratique qui consiste à remplacer le Parlement par des instances non élues, ce n'est pas la tasse de thé qui convient au vieux républicain que je suis. (Applaudissements sur les bancs RDSE et CRC ; M. François-Noël Buffet applaudit également)
M. Yves Pozzo di Borgo . - Notre proposition d'élire le maire de Paris au suffrage universel direct n'a rien de contradictoire puisque l'on sait comment sont élus les maires d'arrondissement, puisque l'on sait comment sont élus les maires des grandes villes de province. Le problème, c'est que le maire d'arrondissement, à la différence de celui de Colmar, n'a aucun pouvoir. Il doit toujours renvoyer au maire de la capitale. C'est clair, non ?
Mme Cécile Cukierman. - Et vous défendez les métropoles !
L'ensemble de la proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance demain, mercredi 24 juillet 2013, à 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 20.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 24 juillet 2013
Séance publique
A 14 heures 30 et le soir
1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé (n°172, 2012-2013).
Rapport de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°775, 2012-2013).
Texte de la commission (n°776, 2012-2013).
A 21 heures 30
2. Suite éventuelle de l'ordre du jour de l'après-midi.
3. Nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012 (n°799, 2012-2013).
Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n°800, 2012-2013).