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Table des matières
Conseil supérieur de la magistrature (Projet de loi constitutionnelle - Suite)
Discussion des articles (Suite)
INTITULÉ DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur
Attributions du garde des sceaux (Suite)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances
M. Philippe Marini, président de la commission des finances
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué
Débat sur l'orientation des finances publiques
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales
M. Philippe Marini, président de la commission des finances
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué
Modification à l'ordre du jour
SÉANCE
du jeudi 4 juillet 2013
125e séance de la session extraordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
Secrétaire : Mme Odette Herviaux.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Conseil supérieur de la magistrature (Projet de loi constitutionnelle - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen, au sein de l'article 2, de l'amendement n°39 rectifié du gouvernement appelé en priorité.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 2 (Suite)
M. le président. - Amendement n°39 rectifié bis présenté par le Gouvernement.
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun une personnalité qualifiée, les trois autres personnalités sont désignées par un collège composé du Défenseur des droits, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près la Cour de cassation. Ce collège propose qu'une des personnalités qu'il désigne soit nommée président du Conseil supérieur de la magistrature. Les nominations effectuées par le président de la République et le collège sont soumises à l'avis public de la commission permanente compétente en matière de justice au sein de chaque assemblée. Celle effectuée par le président de chaque assemblée est soumise au seul avis de la commission permanente correspondante de l'assemblée concernée. Nul ne peut être nommé s'il recueille moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés. Pour les personnalités désignées par le président de la République et le collège, ce total résulte de l'addition des votes exprimés dans chaque commission.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. - Cet amendement que nous avons encore rectifié prend en considération les observations, parfois rudes, émises sur la composition du collège, s'agissant des personnalités qualifiées. Le Gouvernement avait donc proposé une autre composition, prévoyant la nomination de trois de ces personnalités par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Mais des protestations se sont encore élevées au motif que nous écartions totalement les commissions compétentes des assemblées du processus de nomination, d'où cette dernière version. Cela dit, je demande une suspension de séance.
La séance, suspendue à 9 h 40, reprend à 10 h 5.
M. le président. - Un nouvel amendement va vous être distribué.
Amendement n°39 rectifié ter, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 15, première et deuxième phrases
Remplacer ces phrases par quatre phrases ainsi rédigées :
Le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun une personnalité qualifiée, les trois autres personnalités sont désignées par un collège composé du Défenseur des droits, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près la Cour de cassation. Ce collège propose qu'une des personnalités qu'il désigne soit nommée président du Conseil supérieur de la magistrature. Les nominations effectuées par le collège sont soumises à l'avis public de la commission permanente compétente au sein de chaque assemblée. Celle effectuée par le président de chaque assemblée est soumise au seul avis de la commission permanente correspondante de l'assemblée concernée.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Nous avançons à pas prudent car il s'agit de la loi fondamentale et nous tenons compte, à mesure, des observations pour construire le compromis. J'espère qu'une discussion approfondie suivra.
M. le président. - Sous-amendement n°35 rectifié bis à l'amendement n°39 rectifié ter du Gouvernement, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Amendement n°39 rect. ter, alinéa 3, première phrase
Après les mots :
Président de la République
Insérer les mots :
, et après avis du bureau de leur assemblée respective
Mme Cécile Cukierman. - Les bureaux des assemblées doivent débattre des nominations proposées par les présidents de chaque assemblée.
M. le président. - Sous-amendement n°42 à l'amendement n°39 rectifié du Gouvernement, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Amendement n°39 rect. ter
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque, pour une même nomination, deux candidats successifs n'ont pas recueilli les trois cinquièmes des suffrages exprimés, le nouveau candidat à ce siège doit seulement recueillir, pour être nommé, la majorité absolue des suffrages exprimés.
M. Jacques Mézard. - Il s'agit d'éviter tout blocage du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature en cas de désaccord sur les personnalités à nommer.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UDI-UC.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 65 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« Les magistrats du parquet sont nommés sur l'avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet. » ;
2° La première phrase du septième alinéa est ainsi rédigée :
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. »
M. Michel Mercier. - Cet amendement répond à une demande ancienne mais toujours d'actualité... Il s'agit de rapprocher le statut des magistrats du parquet de celui des autres magistrats. C'est une façon de conforter le parquet à la française, critiqué à l'international mais aussi en interne. Je renvoie aux conclusions de l'assemblée plénière de 2010 où, en dépit des remarquables conclusions du rapporteur général, Marc Robert, la chambre de cassation concluait que les membres du parquet ne sont pas des magistrats à part entière.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
Alinéa 2
Après le mot :
comprend
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
une formation plénière, une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois. - Amendement rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°32, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 3, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou par un groupe parlementaire
Mme Cécile Cukierman. - Nous souhaitons que les groupes parlementaires puissent saisir le Conseil supérieur de la magistrature.
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 3, troisième phrase
Supprimer les mots :
l'indépendance de l'autorité judiciaire et à
M. Jacques Mézard. - Par cet amendement, nous entendons supprimer la possibilité pour le Conseil supérieur de la magistrature de se saisir d'office des questions relatives à l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Le risque est grand de voir toutes les décisions relatives à la justice faire l'objet d'une auto-saisine. Cela n'est guère compatible avec la conception qui est la nôtre de la séparation des pouvoirs.
M. le président. - Amendement n°41, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
I. - Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par tout magistrat sur une question particulière d'indépendance ou de déontologie qui le concerne. » ;
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Nous ajoutons les problèmes d'indépendance aux motifs de saisie par les magistrats.
M. le président. - Sous-amendement n°43 à l'amendement n°41 de M. J.P. Michel, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.
Amendement n° 41, dernier alinéa
Supprimer les mots :
d'indépendance ou
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Nous rejoignons M. Mézard, en supprimant cet ajout.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
Alinéa 3, dernière phrase
Après le mot :
question
insérer les mots :
particulière d'indépendance ou
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Suite logique.
M. le président. - Amendement identique n°31, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Mme Cécile Cukierman. - Même objet.
L'amendement n°14 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°33, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet fait des propositions pour les nominations des magistrats du parquet à la Cour de cassation, pour celles de procureur général près la cour d'appel et de procureur de la République. Les autres magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.
Mme Cécile Cukierman. - Il s'agit d'aligner le mode de nomination des magistrats du parquet sur celui du siège.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette formation fait des propositions pour les nominations des magistrats du parquet à la Cour de cassation, pour celles de procureur général près la cour d'appel, de procureur de la République et de procureur de la République financier.
Mme Esther Benbassa. - Cet amendement, et le suivant, visent à aligner le mode de nomination des magistrats du parquet sur celui du siège. Dès lors que le Conseil supérieur de la magistrature peut faire des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance, il faut que le Conseil puisse proposer les postes comparables pour les magistrats du parquet.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette formation fait des propositions pour les nominations des magistrats du parquet à la Cour de cassation, pour celles de procureur général près la cour d'appel et de procureur de la République.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
I. - Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tout justiciable peut les saisir de faits susceptibles de relever de leur compétence, commis à l'occasion d'une procédure judiciaire qui le concerne.
II. - Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Amendement de précision.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
I. - Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Le premier président de la Cour de cassation ;
« ...° Le procureur général près la Cour de cassation ;
II. - Alinéas 10 et 11
Remplacer le mot :
huit
par le mot :
sept
III. - Alinéa 16
1° Remplacer les mots :
comprend quatre des huit
par les mots :
est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, le procureur général près cette cour, qui peut le suppléer, trois des sept
2° Remplacer la seconde occurrence des mots :
quatre des huit
par les mots :
trois des sept
3° Remplacer les mots :
personnes mentionnées
par les mots:
huit membres mentionnés
IV. - Alinéa 18
1° Remplacer les mots :
comprend, outre le président du Conseil supérieur de la magistrature, sept
par les mots :
est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, six
2° Remplacer les mots :
sept membres, autres que le président,
par les mots :
huit membres
V. - Alinéa 19
1° Remplacer les mots :
comprend, outre le président du Conseil supérieur de la magistrature, sept
par les mots :
est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, six
2° Remplacer les mots :
sept membres, autres que le président,
par les mots :
huit membres
VI. - Alinéas 20 et 21
Supprimer ces alinéas.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement rétablit les chefs de la Cour de cassation dans leur qualité de présidents des différentes formations du Conseil supérieur de la magistrature et adapte en fonction la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Si l'amendement n°39 rectifié ter est adopté, celui-ci tomberait.
M. le président. - Sous-amendement n°21 à l'amendement n°5 de M. J.P. Michel, au nom de la commission, présenté par M. Mohamed Soilihi.
Amendement n°5, paragraphe III
Rédiger ainsi ce paragraphe :
III. - Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La formation plénière élit son président parmi les membres mentionnés au 5°. Elle comprend, en outre, le premier président de la Cour de cassation, le procureur général près cette cour, trois des sept magistrats du siège mentionnés au 1°, trois des sept magistrats du parquet mentionnés au 2°, ainsi que les sept membres, autres que le président, mentionnés aux 3° à 5°.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Même constat.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 10
Après la première occurrence du mot :
siège
insérer les mots :
, comprenant un nombre égal de femmes et d'hommes,
Mme Esther Benbassa. - Comme l'amendement n°25, cet amendement vise à défendre la parité. Il propose que sur les huit magistrats du siège élus siégeant au Conseil supérieur de la magistrature, il y ait autant de femmes que d'hommes.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UDI-UC.
I. - Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
dont un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation élu par l'assemblée des magistrats du siège hors hiérarchie de ladite cour et un premier président de cour d'appel élu par l'assemblée des premiers présidents de cour d'appel
II. - Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
dont un magistrat du parquet hors hiérarchie à la Cour de cassation élu par l'assemblée des magistrats du parquet hors hiérarchie de ladite cour et un procureur général près une cour d'appel élu par l'assemblée des procureurs généraux près les cours d'appel
M. Michel Mercier. - Cet amendement précise les conditions d'élection des magistrats appelés à siéger au Conseil supérieur de la magistrature. Le représentant du Conseil d'État étant élu en assemblée générale, il faut établir un parallélisme pour les autres représentants.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 11
Après la première occurrence du mot :
parquet
insérer les mots :
, comprenant un nombre égal de femmes et d'hommes,
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, C. Bourquin, Bertrand, Chevènement, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, qui ne peut, pendant la durée de ses fonctions, exercer cette profession
M. Jacques Mézard. - Il est difficile qu'un avocat en exercice siège au Conseil supérieur de la magistrature. Comment pourrait-il plaider alors qu'il a le pouvoir de statuer sur la carrière des magistrats ?
M. le président. - Amendement n°40, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
I. - Alinéa 14
Supprimer les mots :
, comprenant un nombre égal de femmes et d'hommes
II. - Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'élection des membres mentionnés aux 1° et 2°, ainsi que la désignation des personnalités qualifiées mentionnées au 5° concourent à une représentation équilibrée des hommes et des femmes.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Nous préférons parler de « représentation équilibrée », ce qui signifie aussi qu'il peut y avoir plus de femmes que d'hommes.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le Président de la République sont soumises à l'avis public de la commission permanente compétente en matière de justice au sein de chaque assemblée. Celles effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente correspondante de l'assemblée concernée. Nul ne peut être nommé s'il recueille moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés. Pour les personnalités désignées par le Président de la République, ce total résulte de l'addition des votes exprimés dans chaque commission.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement supprime la désignation des personnalités qualifiées par un collège de nomination et rétablit la compétence, en la matière, du président de la République et des deux présidents des assemblées.
M. le président. - Sous-amendement n°28 rectifié à l'amendement n°6 de M. J.P. Michel, au nom de la commission, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Amendement n° 6, alinéa 3, première phrase
Après les mots :
deux personnalités qualifiées
insérer les mots :
reconnues pour leurs compétences juridiques
M. Jacques Mézard. - Cela semble aller de soi mais cet amendement de précision évitera toute suspicion sur les nominations.
M. le président. - Sous-amendement n°29 rectifié bis à l'amendement n°6 de M. J.P. Michel, au nom de la commission, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Chevènement, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Amendement n°6, alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque, pour une même nomination, deux candidats successifs n'ont pas recueilli les trois cinquièmes des suffrages exprimés, le nouveau candidat à ce siège doit seulement recueillir, pour être nommé, la majorité absolue des suffrages exprimés.
M. Jacques Mézard. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de la République sont soumises à l'avis public de la commission permanente compétente en matière de justice au sein de chaque assemblée. Celles effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente correspondante de l'assemblée concernée. Nul ne peut être nommé s'il ne recueille la majorité des suffrages exprimés. Pour les personnalités désignées par le Président de la République, ce total résulte de l'addition des votes exprimés dans chaque commission.
M. Jean-Jacques Hyest. - L'amendement supprime la désignation des personnalités qualifiées par un collège de nomination et rétablit la compétence, en la matière, du président de la République et des deux présidents des assemblées.
A la différence de la commission des lois, nous craignons, comme M. Mézard, que les trois cinquièmes positifs ne puissent entraîner un blocage. Nous l'avions déjà dit lors de la révision constitutionnelle, ce qui nous avait conduits à retenir les trois cinquièmes négatifs. Nous proposons que les nominations recueillent la majorité des suffrages exprimés.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de la République sont soumises à l'avis public de la commission permanente compétente en matière de justice au sein de chaque assemblée. Celles effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente. Nul ne peut être nommé s'il ne recueille la majorité des suffrages exprimés. Pour les personnalités désignées par le président de la République, ce total résulte de l'addition des votes exprimés dans chaque commission.
M. Jean-Jacques Hyest. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°34, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les personnes mentionnées au 5° sont désignées conjointement par un collège composé du vice-président du Conseil d'État, du président du Conseil économique, social et environnemental, du Défenseur des droits, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation, du premier président de la Cour des comptes, du président d'une instance consultative de protection des libertés publiques et de défense des droits de l'homme et d'un professeur des universités. Ce collège propose qu'une de ces personnalités soit nommée président du Conseil supérieur de la magistrature. Dans chaque assemblée parlementaire, une commission permanente désignée par la loi se prononce, par avis public, sur la liste des personnes ainsi désignées. Aucune ne peut être nommée si l'addition des votes dans chaque commission représente moins des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
Mme Cécile Cukierman. - Il s'agit de rétablir le texte initial du projet de loi. Nous verrons bien ce qu'il en adviendra.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La voix prépondérante du président de la formation plénière déséquilibre la parité ; il convient de la supprimer.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le ministre de la justice est entendu à sa demande par le Conseil supérieur de la magistrature.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Le garde des sceaux ne préside plus, depuis 2008, le Conseil supérieur de la magistrature mais il doit pouvoir être entendu à sa demande.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le ministre de la justice doit être entendu quand il le demande par le Conseil supérieur de la magistrature.
M. Jean-Jacques Hyest. - Même objet.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.
Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une loi organique fixe les incompatibilités applicables aux membres du Conseil supérieur de la magistrature et les restrictions d'activité nécessaires pour l'exercice de leurs fonctions.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Cet amendement répond en partie aux objections de M. Mézard.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UDI-UC.
Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les magistrats membres du Conseil supérieur de la magistrature ne peuvent exercer aucune fonction professionnelle pendant la durée de leur mandat.
M. Michel Mercier. - Il faut prévenir tout conflit d'intérêt.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La commission souhaite une suspension de séance de dix minutes.
La séance, suspendue à 10 h 30, reprend à 10 h 40.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n°39 rectifié ter. En commission, j'avais d'abord proposé de supprimer le collège et de revenir à la désignation par les hautes autorités publiques. Puis, hier matin, le Gouvernement a proposé un amendement de compromis qui maintenait le collège ; nous l'avions accepté. Aujourd'hui, le Gouvernement va encore plus loin : six personnalités, trois nommées par les autorités publiques et trois par un collège.
Avis favorable au sous-amendement n°35 rectifié et au sous-amendement n°42 ; ce dernier permet de débloquer la situation si la majorité des trois cinquièmes n'est pas atteinte.
Avis défavorable à l'amendement n°17, qui supprime les deux tiers du texte du Gouvernement. Avis défavorable à l'amendement n°32, qui créerait une sorte de pouvoir de saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les parlementaires. Le Conseil supérieur de la magistrature n'est pas le Conseil constitutionnel. Les groupes politiques peuvent interroger directement le Gouvernement.
L'amendement n°26 rectifié restreint l'auto-saisine du Conseil supérieur de la magistrature : sagesse. Avis défavorable au sous-amendement n°43. Avis favorable à l'amendement n°31, identique à l'amendement n°3 de la commission. Avis défavorable aux amendements nos33, 22 et 23.
Le sous-amendement n°21 tombera si l'amendement n°39 rectifié ter est adopté. L'amendement n°24 sera satisfait par l'amendement n°41.
On comprend l'attachement de M. Mercier à la haute autorité judiciaire mais ce n'est pas mon cas. J'ai demandé à la commission des lois de repousser son amendement n°19.
M. Michel Mercier. - Vous finirez par y arriver, à l'ancienneté...
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n°25 est satisfait par l'amendement n°40. L'amendement n°27 rectifié sera satisfait par l'amendement n°9 : retrait ?
Avis défavorable au sous-amendement n°28 rectifié, superflu. Ceux qui seront désignés auront, à n'en pas douter, des compétences juridiques.
Avis favorable au sous-amendement n°29 rectifié bis, défavorable aux amendements nos10 rectifié et 13 rectifié, qui tomberont si celui du Gouvernement est adopté. Avis défavorable à l'amendement n°34.
Les sous-amendements nos36 rectifié et 37 sont retirés.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n°11 rectifié est satisfait par l'amendement n°8, l'amendement n°20 par l'amendement n°40. Retrait des deux ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Mon avis sera pour beaucoup identique à celui du rapporteur. Je ne suis pas sûre que le sous-amendement n°35 rectifié soit de niveau constitutionnel. Avis favorable néanmoins. Sagesse sur le sous-amendement n°42.
Les dispositions prévues par l'amendement n°17 figurent déjà dans la réforme ; comme je connais vos intentions...
M. Michel Mercier. - Ah bon ? Je suis un coeur pur !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Vous m'avez dit que vous vouliez que la réforme soit limitée à l'avis conforme. Le Gouvernement n'entend pas renoncer aux conditions de nomination des personnalités extérieures, ni à la présidence possible du Conseil supérieur de la magistrature par l'une d'entre elles, ni à la parité... Avis défavorable à l'amendement n°17. Avis favorable à l'amendement n°2. Avis défavorable à l'amendement n°32, sagesse sur l'amendement n°26 rectifié.
M. Henri de Raincourt. - Privilège ! (Sourires)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Non, le sujet est d'importance ! Il serait logique que le Conseil supérieur de la magistrature pût se prononcer sur des questions relatives à l'indépendance -sauf que cette notion n'est pas bien circonscrite. Le Gouvernement assume le choix de ne pas permettre une auto-saisine sur le fonctionnement des juridictions ; l'autoriser sur l'indépendance risque de détourner la procédure. C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse du Sénat, qui est grande.
Sagesse sur l'amendement n°41 et le sous-amendement n°43, ainsi que sur les amendements identiques nos3 et 31. Avis défavorable aux amendements nos14 rectifié, 33, 22 et 23. Sagesse sur l'amendement n°4. Retrait de l'amendement n°5. Avis défavorable au sous-amendement n°21.
Retrait de l'amendement n°24, qui soulève des difficultés pratiques. Retrait de l'amendement n°19. Nous avions envisagé de passer de quatre à trois collèges, avec le risque d'une sous-représentation de la haute hiérarchie -actuellement surreprésentée. Mais l'affaire est compliquée, nous maintenons finalement les quatre collèges.
L'amendement n°19 est retiré
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - L'amendement n°25 est satisfait : retrait ?
L'amendement n°25 est retiré.
M. Jean-Jacques Hyest. - On renvoie à la loi organique.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Tout à fait ! Même remarque pour l'amendement n°27 rectifié. Avis favorable à l'amendement n°40. Retrait de l'amendement n°6, compte tenu de l'amendement du Gouvernement. Même demande pour le sous-amendement n°28 rectifié. Avis défavorable au sous-amendement n°29 rectifié bis.
L'amendement n°10 rectifié devrait tomber, sinon avis défavorable. Même remarque pour les amendements nos13 et 34.
Sagesse sur l'amendement n°7, même si l'Assemblée nationale était très attentive à cette mesure. Avis favorable à l'amendement n°8. L'amendement n°11 rectifié devrait tomber si l'amendement du rapporteur est adopté... Avis favorable à l'amendement n°9. Retrait de l'amendement n°20 : ces dispositions n'ont pas leur place dans la Constitution. Mes services examinent ces questions, qui pourront être introduites dans une loi organique si le présent texte est adopté.
Le sous-amendement n°35 rectifié est adopté ainsi que le sous-amendement n°42.
M. Jean-Jacques Hyest. - La commission des lois avait souhaité qu'on maintienne la nomination par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, rompant par là avec l'acharnement mis par le Gouvernement à vouloir éloigner le plus possible le pouvoir politique. Le Gouvernement fait un pas en coupant le dispositif en deux. On en revient, pour trois des nominations, à un collège -que je n'ose qualifier de comité Théodule car il est composé d'éminentes personnalités... Mais enfin... Et pourquoi le défenseur des droits et pas un autre ? La commission des lois souhaite toujours que siègent le Premier président de la Cour de cassation et son procureur général. Nous ne pouvons qu'être défavorables à l'amendement du Gouvernement.
M. Jacques Mézard. - L'amendement n°39 rectifié ter pose problème ; nous ne pouvons le voter. Nous étions favorables à la position raisonnable de la commission des lois. Ce n'est pas en alimentant la suspicion sur les politiques qu'on rendra service à la démocratie. Après tout, les membres du Conseil constitutionnel sont nommés ainsi.
Le Gouvernement tient à avoir un collège, mais je ne comprends toujours pas pourquoi. Tout le monde est attaché à la parité magistrats-personnalités extérieures. Mais le collège sera composé de trois personnes, dont les deux plus hauts magistrats du pays ! Est-ce là votre conception de la parité ?
Pour obtenir la majorité des trois cinquièmes, il faut un socle commun ; l'avis conforme pour la nomination des magistrats du parquet en fait partie mais non le mode de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature ni les conditions de son auto-saisine. Bref, nous ne voterons par cet amendement.
M. Jean-Yves Leconte. - Les trois cinquièmes positifs n'ont pas été remis en cause, il me semble. Valent-ils pour toutes les nominations ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Nous voulons la parité et la nomination par les autorités politiques. Pourquoi ne pas parvenir à se mettre d'accord ? Il y a des amendements qui le permettent !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Les amendements nos5 et 6 !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Les trois cinquièmes positifs ont été introduits par l'Assemblée nationale. C'est à mes yeux la condition d'une validation démocratique plus forte, mais il est vrai qu'un blocage peut survenir. Je suis extrêmement respectueuse de la séparation des pouvoirs, c'est aux assemblées de se prononcer sur les trois cinquièmes positifs ou négatifs.
Acharnement à mettre les hautes autorités politiques à distance, monsieur Hyest ? Pas du tout ! Nous voulons que le Conseil supérieur de la magistrature soit irréprochable. Les nominations « politiques » passent mal auprès du public, même si cette défiance n'est pas fondée -les ministres successifs n'ont pas systématiquement nommé des proches et les personnalités nommées ne se sont pas comportées de façon partisane. Cependant, la récente tribune signée par trois membres du Conseil supérieur de la magistrature, qui ont fait entendre leur voix dans la phase pré-législative, a entretenu le trouble. On n'est pas sur la lune ni en uchronie, il faut tenir compte de la réalité. C'est pourquoi les conditions de nomination doivent être au-dessus de tout soupçon. Il n'y a ni acharnement ni défiance vis-à-vis du pouvoir politique auquel nous appartenons.
Je vous demande de dénouer cette contradiction : vous ne cessez de dénoncer le corporatisme mais, lorsqu'on cherche à y remédier en introduisant des personnalités qui n'appartiennent pas au corps, vous le contestez.
Pourquoi un collège, monsieur Mézard ? Pour les raisons que je viens d'exposer. Le Gouvernement a fait des efforts pour élaborer un compromis tout en préservant l'équilibre de la réforme et ses finalités essentielles. On ne construit pas un compromis juste pour additionner des voix...
La démocratie parlementaire est affaiblie ? Question hors sujet... Nous construisons une nouvelle configuration du Conseil supérieur de la magistrature, nous ne sommes pas en train de redorer le blason du Parlement ! Nous voulons que les justiciables, notamment les plus vulnérables d'entre eux, aient confiance dans l'institution judiciaire.
Montaigne disait que la juridiction est faite pour le justiciable, pas pour les juges. Nous ne réformons pas pour les magistrats mais pour les justiciables ! Pour que ceux qui ont besoin de la justice sachent qu'ils seront entendus et que les décisions les meilleures seront prises ! Si cela doit écorcher un peu le pouvoir politique, c'est un risque que j'assume ! (Applaudissements à gauche) Dans ces conditions, je retire l'amendement du Gouvernement, cela n'en vaut pas la peine.
L'amendement n°39 rectifié ter est retiré.
A la demande du groupe UDI-UC, l'amendement n°17 est mis aux voix pour scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l'adoption | 185 |
Contre | 161 |
Le Sénat a adopté et l'article 2 est ainsi rédigé.
Les autres amendements à l'article 2 n'ont plus d'objet.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Jean-Jacques Hyest. - Plus besoin de loi organique, puisque l'amendement n°17 a été adopté.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La commission était contre.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
INTITULÉ DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi constitutionnelle portant réforme de la nomination des magistrats du parquet
M. François Zocchetto. - Je tire les conséquences de la nouvelle rédaction de l'article 2 : désormais, c'est sur le mode de nomination des magistrats que porte la réforme.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La commission avait donné un avis défavorable mais, compte tenu de l'adoption de l'amendement n°17, sagesse.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Défavorable.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
Mme Cécile Cukierman . - Beaucoup de choses ont évolué entre hier et aujourd'hui et je regrette profondément le vote de ce matin qui remet en cause un travail indispensable pour le pays. Si nous avions certes des réserves sur certains points de ce texte, nous n'en avions pas moins tenté de parvenir au consensus, pour un Conseil supérieur de la magistrature assurant l'indépendance de la justice.
Mais à présent, nous ne pouvons adopter ce texte qui vient d'être profondément récrit par une majorité de notre assemblée.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Il y a eu, au départ de ce texte, bien des affichages. Il serait indispensable, entendait-on, de faire des concessions. Ce que le Gouvernement a fait. Pourtant, et c'est pourquoi je parle d'affichage, ce sont des positions politiciennes qui ont prévalu.
Nous ne voulions pourtant rien d'autre que faire en sorte de rétablir la confiance de nos concitoyens dans l'institution judiciaire. Je regrette que l'opposition ait été de principe, sans esprit de consensus. Le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques Mézard . - Lors de la discussion générale, nous avons clairement indiqué nos positions de fond. Quand on veut la concertation, on s'y prend en sorte qu'elle réussisse ; et ce n'est pas en exhibant, comme l'a fait le Premier ministre, une liste de textes pour le Congrès qu'on y parvient.
La position de la commission des lois sur les nominations était claire. Face à quoi, le Gouvernement nous a présenté un amendement qui n'assurait plus du tout la parité avec un collège composé de trois personnes, dont deux magistrats. On ne vous a pas pris en traitres.
Nous avions dit, aussi, que nous étions défavorables à l'auto-saisine du Conseil supérieur de la magistrature. Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte sans arrière-pensées.
J'ai plaidé trente-huit ans durant devant les tribunaux de la France. Si l'on veut éviter que les magistrats soient remis en cause, il faut s'assurer de leurs compétences et faire en sorte que les prisons soient dignes de la République.
M. Michel Mercier . - Ce qui importe, c'est qu'un message clair soit donné aux magistrats du parquet : ils sont des magistrats au sens plein du mot. Une réforme constitutionnelle requiert un accord plus large que celui d'un seul parti. Nous voulons mettre le Conseil supérieur de la magistrature à l'abri des critiques. Il y faudra une majorité qualifiée à rechercher entre nos deux Assemblées.
M. Pierre-Yves Collombat . - On pouvait parvenir à un accord sur au moins trois points : l'indépendance du parquet, la composition du Conseil supérieur de la magistrature et le mode de désignation des personnalités qualifiées.
Comment, dans une démocratie, le fait de ne pas être élu donnerait-il plus d'autorité ? En quoi des personnalités dites indépendantes seraient-elles plus indépendantes que des personnalités élues ?
Je déplore que l'on en vienne à un demi-échec, alors que l'on pouvait arriver à un texte satisfaisant, qui permette la tenue du Congrès.
M. Jean-Jacques Hyest . - Pour certains, quand on est en désaccord avec eux, on serait « politicien » ! Eh bien, nous ne sommes pas d'accord, madame la garde des sceaux, parce que si nos concitoyens se méfient de la justice, ce n'est pas en raison du mode de nomination du Conseil supérieur de la magistrature. C'est plutôt parce qu'ils estiment que la justice est lente et que les magistrats se comportent trop souvent comme une cléricature.
Depuis 2008, on ne nomme plus de magistrats du parquet sans avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ce texte est l'occasion de l'inscrire et de faire comprendre, en Europe, ce qu'est le parquet à la française. Notre groupe votera la présente rédaction.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur . - Hier matin, la commission a accepté un amendement du Gouvernement qui offrait, avec la nomination de trois membres par un collège, un compromis acceptable. Cet amendement s'est substitué à celui que j'avais fait adopter précédemment. Le groupe du RDSE l'avait accepté. Ce matin, le Gouvernement est venu avec un nouvel amendement, proche de celui que j'avais proposé à la commission puisqu'il proposait la nomination de trois membres par les hautes autorités politiques. C'est pourquoi j'ai cru pouvoir dire que j'y étais favorable à titre personnel.
Je ne reviens pas sur ce qui fut dit sur l'auto-saisine. M. Collombat me comprendra. Une fois encore, donc, nous voilà au Sénat avec une majorité à géométrie variable !
M. Jean-Jacques Hyest. - A force de travailler dans ces conditions à la commission des lois...
Mme Esther Benbassa . - Je regrette que nous ayons sacrifié les justiciables à nos petits intérêts politiques, qui ne sont même pas des principes.
Je regrette aussi que nous soyons si peu nombreux sur ce débat constitutionnel. C'est donner encore une fois une image déplorable de la représentation politique.
M. Jean-Jacques Hyest. - Où est votre président de groupe ?
Le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle est de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 206 |
Pour l'adoption | 185 |
Contre | 21 |
Le Sénat a adopté.
Attributions du garde des sceaux (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des amendements au projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 30 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 30. - Le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique pénale. Il les adresse aux magistrats du ministère public pour application et aux magistrats du siège pour information. Il rend publiques ces orientations générales.
« Le ministre de la justice peut dénoncer aux procureurs généraux près les cours d'appel les infractions visées aux titres Ier et II du livre IV du code pénal dont il a connaissance et leur enjoindre, par des instructions écrites qui sont versées au dossier, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Les instructions du ministre sont motivées, sous réserve des exigences propres au secret de la défense nationale, des affaires étrangères et de la sûreté intérieure ou extérieure de l'État.
« Sous réserve des dispositions de l'alinéa précédent, il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles.
« Il informe chaque année le Parlement, par une déclaration pouvant être suivie d'un débat, des conditions de mise en oeuvre de ces orientations générales. »
M. Jean-Jacques Hyest. - J'ai repris l'idée du rapporteur voulant que les instructions aux procureurs généraux et cours d'appel soient écrites et versées au dossier. C'est le moyen de préserver ces instructions, qui nous semblent indispensables.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf motif impérieux d'ordre public
M. Jacques Mézard. - Le garde des sceaux doit pouvoir adresser des instructions générales sans qu'elles soient nécessairement publiées. Je pense, par exemple, aux affaires de terrorisme.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Jacques Hyest. - Même objectif que mon amendement précédent.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il ne peut adresser au ministère public aucune instruction dans des affaires individuelles.
« Cependant, il peut signaler au procureur général les manquements aux instructions générales dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions conformes aux instructions générales.
M. Jean-Jacques Hyest. - Idem.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 4
Après le mot :
instruction
insérer les mots :
, sous quelque forme que ce soit,
Mme Esther Benbassa. - Nous nous félicitons que le texte mette fin aux instructions individuelles. Nous en renforçons le principe.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n°4 rectifié, qui pourrait être retiré au bénéficie de l'amendement n°2 rectifié bis. Favorable à l'amendement n°7 rectifié bis. Défavorable à l'amendement n°1 rectifié mais favorable à l'amendement n°2 rectifié bis, sous réserve d'une rectification : le premier alinéa est déjà contenu dans le texte. Pour le reste, le garde des sceaux, responsable de la politique pénale devant le Gouvernement, doit pouvoir adresser des instructions générales aux procureurs de la République. Celles-ci doivent pouvoir être rendues publiques sauf si l'intérêt général s'y oppose. Si, dans un ressort, un procureur de la République n'applique pas ces instructions, le procureur général pourra prendre les mesures d'injonction pour y remédier. Défavorable, enfin, à l'amendement n°6.
M. Jean-Jacques Hyest. - Je retire l'amendement n°4 rectifié et accepte la rectification proposée par le rapporteur sur l'amendement n°2 rectifié bis.
M. le président. - Ce sera donc l'amendement n°2 rectifié ter présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cependant, il peut signaler au procureur général les manquements aux instructions générales dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions conformes aux instructions générales.
L'amendement n°4 rectifié est retiré.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - L'amendement n°7 rectifié bis vise à nuancer l'obligation, introduite par l'Assemblée nationale, de rendre publiques ces circulaires. Ces circulaires ne sont pas confidentielles -elles sont publiées au Bulletin officiel- mais il peut être justifié, dans certains cas, que le garde des sceaux donne des instructions qui ne soient pas rendues publiques. Cela est de nature à rendre l'action de la justice plus efficace sur un certain nombre de contentieux. J'aurais même préféré que l'obligation elle-même fût supprimée car il y a aura toujours querelle sur le « motif impérieux d'ordre public ». Je suis donc tentée de proposer un amendement visant à supprimer cette mention.
M. Jacques Mézard. - Pourquoi pas.
M. le président. - Ce sera l'amendement n°17, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
, qui sont rendues publiques
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La commission ne pourra y être favorable.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Défavorable, en revanche, à l'amendement n°1 rectifié, qui réintroduit les instructions individuelles. Leur suppression est l'un des objectifs de ce projet de loi. Certains mettent en avant l'existence de situations particulières justifiant les instructions individuelles. Mais quelles situations ? Le garde des sceaux, outre des instructions générales, peut donner des instructions sur certains contentieux particuliers, ou visant une partie du territoire. Toutes les situations qu'a évoquées M. Vial à la tribune, hier, peuvent entrer dans ces cas. Le seul cas que l'on peut avoir encore en tête, c'est l'intérêt supérieur de la Nation. Autrement dit, la lutte contre le terrorisme. Mais s'il existe une section anti-terroriste qui fonctionne bien, je ne vois pas la nécessité d'instructions individuelles. D'autant que l'article 40 permet au garde des sceaux de contraindre le procureur à réagir. Il n'y a donc pas de risque. A l'inverse, réintroduire les instructions individuelles est risqué car elles contribuent à la défiance envers l'institution judiciaire. Défavorable donc à l'amendement n°2 rectifié bis, ainsi qu'à l'amendement n°6 car cela va de soi.
L'amendement n°6 est retiré.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Sur le nouvel amendement du Gouvernement, je rappelle que j'avais été battu par la commission, et notamment par mon groupe. D'où le repli sur l'amendement Mézard. A titre personnel, donc, je suis favorable à l'amendement n°17, mais la commission ne l'est pas.
L'amendement n°17 est adopté.
L'amendement n°7 rectifié bis n'a plus d'objet.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
L'amendement n°2 rectifié ter n'a plus d'objet.
L'article premier, modifié, est adopté.
L'article premier bis A est adopté.
ARTICLE PREMIER BIS
M. le président. - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Je rappelle que ce projet de loi est complémentaire du projet de loi constitutionnelle, même si celui-ci est profondément modifié, en particulier pour l'impartialité des conditions de jugement. Les précisions ici introduites ne concernent que le ministère public. Mais l'impartialité concerne aussi les juges du siège. Et si l'on introduit cette précision ici, il faudrait l'introduire dans tous les articles du code concerné, sauf à ne viser que le présent cas.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.
Supprimer les mots :
, dans le souci de l'intérêt général et
M. Jean-Jacques Hyest. - Je vous suis. D'autant que ceci fait partie des règles déontologiques déclinées par le Conseil supérieur de la magistrature.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Remplacer les mots :
du principe d'impartialité auquel
par les mots :
des principes d'indépendance et d'impartialité auxquels
Mme Cécile Cukierman. - C'était une précision mais puisque le Gouvernement demande la suppression...
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je pourrais le faire mais je ne demande pas une deuxième délibération sur l'article premier, puisque ce projet de loi est en navette. Reste que M. Hyest aurait été bien inspiré de retirer son amendement n°1 rectifié, qui rétablit les instructions individuelles, puisque la commission avait adopté son amendement n°2 rectifié ter.
Pour cet article premier bis, nous sommes favorables à l'amendement de suppression du Gouvernement.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Les amendements nos3 rectifié et 10 seraient satisfaits par l'adoption du nôtre.
M. Jean-Jacques Hyest. - J'entends le rapporteur. Si la garde des sceaux avait accepté l'amendement n°2 rectifié bis, j'aurais volontiers retiré l'amendement n°1 rectifié. Mais c'était non et non.
Il y a tout de même des parquetiers très spéciaux. On ne peut plus sanctionner ; qu'au moins on puisse dire que cela ne va pas.
Dans la confusion où nous travaillons sur ce texte, il n'est pas étonnant que l'on en soit arrivé à un vote comme celui de tout à l'heure.
L'amendement n°15 est adopté, l'article premier bis est supprimé.
Les amendements nos3 rectifié et 10 n'ont plus d'objet.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 2, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
M. Jacques Mézard. - La loi pénale doit s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République. Seul le garde des sceaux définit la politique pénale. Les procureurs généraux ne peuvent adapter ses instructions, ni les procureurs adapter celles des procureurs généraux.
On nous dit de ne pas nous inquiéter. Soit, mais il y a parquet et parquet, et l'on sait que l'on trouve, dans certains, comme l'a évoqué M. Hyest, des originaux. Il ne faut pas leur donner la possibilité d'adapter les instructions générales. Sur ce point, nous ne transigerons pas.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable car les procureurs généraux doivent disposer d'une certaine latitude. Si cet amendement était adopté, cela ne les empêcherait pas d'appliquer les instructions de façon souple, comme les y autorise déjà le « guide des principes directeurs pour les procureurs généraux » de 2008.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Même avis défavorable. Je lui ai déjà répondu mais M. Mézard ne veut pas se laisser convaincre. Depuis 1958, la responsabilité des procureurs généraux existe. Ils doivent animer et coordonner la politique pénale dans leur ressort. Ils transmettent le rapport annuel sur l'activité et la gestion de la cour de leur ressort et ils répondent de la politique pénale menée sur leur territoire. Nous n'avons pas voulu modifier l'ordonnance de 1958 mais nous renforçons les pouvoirs du garde des sceaux en matière de définition de la politique pénale et nous faisons référence à l'article 20 de la Constitution. Lorsqu'un ressort présente des caractéristiques particulières, le garde des sceaux peut diffuser des circulaires territoriales. J'en suis à la cinquième.
Ma circulaire générale d'orientation indique comment traiter l'ensemble des contentieux mais, dans un même ressort, il peut y avoir certaine délinquance particulière. Il revient aux procureurs de faire en sorte qu'elle soit traitée de façon plus différenciée, plus ciblée.
Les groupes locaux de traitement de la délinquance, structures judiciaires mises en place par les procureurs, sont des déclinaisons de la politique pénale pour lutter contre certaines délinquances. L'avis est donc défavorable.
L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le procureur général adresse au ministre de la justice un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ainsi qu'un rapport annuel sur l'activité et la gestion des parquets de son ressort. »
Mme Cécile Cukierman. - Je présenterai en même temps l'amendement n°13.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout rapport particulier doit être versé au dossier de la procédure. »
Mme Cécile Cukierman. - Nous voulons que les rapports particuliers soient supprimés et, si ce n'est pas accepté, qu'ils soient versés au dossier.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Défavorable.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Même avis. Les rapports particuliers sont nécessaires. Le garde des sceaux reste responsable de la politique pénale mais aussi du fonctionnement du service public de la justice. Il a besoin d'être informé.
Ces rapports particuliers ne sont pas liés à la procédure. Quand le harcèlement sexuel a été supprimé par le Conseil constitutionnel, j'ai envoyé une circulaire demandant si possible la requalification des faits pour éviter l'annulation des procédures et j'ai demandé qu'on m'en fasse rapport. Cela m'a permis d'informer la représentation nationale et aussi de préciser les conditions d'application de la loi : dans la circulaire qui a suivi son adoption, j'ai demandé à ce que des affaires de viol ne soient pas requalifiées en agression sexuelle ou harcèlement sexuel.
Le procès PIP, à Marseille, a nécessité de trouver des financements particuliers pour accueillir les nombreuses victimes. Je demande donc le retrait des amendements.
Mme Cécile Cukierman. - Je les retire, ainsi que les suivants à l'article 3, qui étaient de cohérence.
Les amendements nos11 et 13 sont retirés ainsi que les amendements nos12 et 14.
M. Jacques Mézard. - Notre amendement qui était fondamental n'ayant pas été adopté, nous ne voterons pas cet article.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 2 BIS
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Cet article vise à modifier l'article 36 du code de procédure pénale qui traite du pouvoir hiérarchique du procureur général sur les procureurs de la République et indique que le procureur général peut adresser toute instruction qui « lui paraît opportune ».
Il précise que les instructions du procureur général au procureur de la République concernant des affaires individuelles doivent être « conformes aux instructions générales prévues à l'article 30 », c'est-à-dire conformes aux instructions du ministre de la justice.
Cette formulation restreint à l'excès les possibilités d'instructions légitimes du procureur général, qui peuvent très souvent ne pas trouver leur fondement dans des instructions générales préexistantes émanant du ministre de la justice.
Je comprends le souci de la commission des lois mais nous sommes dans un système d'opportunité des poursuites. Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Les instructions individuelles étant supprimées, à titre personnel, je crois l'amendement du Gouvernement opportun. (M. Jean-Jacques Hyest partage cet avis)
L'amendement n°16 est adopté ;l'article 2 bis est supprimé.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 39-1. - Le procureur de la République met en oeuvre la politique pénale définie par les instructions générales du ministre de la justice.
M. Jacques Mézard. - C'est toujours le même raisonnement : la loi pénale doit s'appliquer de façon égale sur l'ensemble du territoire de la République. La définition de la politique pénale ne peut donc relever que du garde des sceaux. A ce titre, et comme pour le pouvoir d'adaptation alloué aux procureurs généraux, le pouvoir d'adaptation des instructions générales du garde des sceaux alloué aux procureurs de la République ouvre la voie à une application différenciée de la politique pénale, ce qui n'est pas acceptable. Nous voulons éviter toutes difficultés sur le terrain.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable, comme à l'article précédent.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Même avis. Je salue la constance de M. Mézard mais n'en demeure pas moins constante.
A Marseille, outre les circulaires générales, j'ai envoyé une circulaire territoriale pour que le procureur de la République mène une action particulière au titre de la justice des mineurs et apporte des réponses différenciées en raison des circonstances.
A Lille, dans le cadre des orientations générales, le procureur, vu la recrudescence des agressions racistes, a mobilisé le parquet sur ce sujet.
L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté, ainsi que l'article 4.
Le projet de loi est adopté.
La séance est suspendue à midi cinquante.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 15 h 5.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Écoutes
M. Richard Yung . - Ce 4 juillet, jour de l'Independence Day américain, saluons cette grande Nation alliée et amie. Mais nous devons aussi exiger d'elle des réponses sur les écoutes téléphoniques et la surveillance de mails, qui ont visé entre autres la France et l'Allemagne mais aussi la Commission européenne, qui n'en méritait sans doute pas tant...
C'est une surprise désagréable que cette défiance d'un allié qui nous surveille secrètement, mais qui ne doit pas nous étonner. C'est une pratique ancienne. « Une Nation n'a pas d'alliés éternels, elle a seulement des intérêts éternels » disait un ancien Premier ministre britannique. Il n'y a pas de bon ni de mauvais espionnage.
Les États-Unis, derrière des motifs légitimes de sécurité, recherchent également des informations sur nos grandes entreprises et nos positions à l'égard des leurs, dont les géants du web.
La France a demandé des explications. Sont-elles venues ? Si oui, quelles sont-elles ? Et quel sérieux leur accorder ? Qu'en est-il en outre, monsieur le ministre, au regard de cette affaire, du démarrage des négociations transatlantiques ? La France et d'autres ont suggéré un report, mais il semble que la Commission ait décidé d'aller de l'avant. Enfin, comment mieux défendre nos intérêts, français et européens, en protégeant nos données personnelles et en s'assurant que nos espaces de stockage sont en Europe et maîtrisés par elle ?(Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - Les révélations d'Edward Snowden posent la question des menaces qui pèsent sur nos droits individuels et nos libertés publiques, même si existent des exigences de sécurité. Pour ce qui concerne les diplomates, en revanche, absolument aucune question de sécurité n'est en jeu. Le président de la République a pris une position extrêmement claire : si elles étaient confirmées, ces pratiques seraient inacceptables. On n'espionne pas ses alliés. Laurent Fabius a demandé dès lundi dernier à John Kerry des explications et qu'un terme soit mis à ces pratiques, si elles sont avérées. Le secrétaire d'État américain s'y est engagé.
Pour ce qui est de l'Union européenne, la réponse doit être européenne. Un règlement et une directive sur la protection des données personnelles sont en cours de discussion. Nous demanderons à la Commission d'être très vigilante sur la protection des libertés des citoyens européens, ainsi que je l'ai moi-même rappelé à Vivian Reding.
L'accord transatlantique demandera du temps et exige de la confiance. Les négociations ne peuvent s'ouvrir sans que soient parallèlement engagées des discussions sur l'activité des services de renseignement américains dans les pays européens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Identité de genre
Mme Kalliopi Ango Ela . - La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a rendu un avis important sur la notion d'identité de genre, unanimement salué par les associations LGBT. Je me félicite qu'elle préconise de substituer cette notion à celle d'identité sexuelle, plus conforme aux exigences européennes et internationales ; l'identité de genre recouvre en effet toutes les réalités et permet d'octroyer une protection plus large. L'introduction de cette notion mettrait notre législation en conformité avec les exigences européennes et internationales.
Vous savez l'intérêt que je porte aux questions d'état civil, notamment aux difficultés rencontrées par nos compatriotes nés hors de France à faire transcrire leurs actes dans certains postes consulaires, mais aussi celles des enfants français nés par gestation pour autrui à l'étranger.
Le groupe écologiste salue la démédicalisation complète de la procédure de changement d'état civil que recommande la CNCDH. La procédure actuelle est discriminatoire, elle atteint les personnes transgenre dans leur chair et leur dignité. Le genre d'une personne ne saurait dépendre de l'appréciation d'un juge, comme le rappelle LGBT, qui appelle à une déjudiciarisation totale, comme en Argentine.
Quelle est la position du Gouvernement ? Entend-il prendre des initiatives à ce sujet ou soutenir des initiatives parlementaires ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - La Commission nationale consultative des droits de l'homme a remis son avis suite à ma saisine conjointe avec Mme Vallaud-Belkacem. Le droit actuel repose sur l'article 99 du code civil et requiert l'intervention du juge. Ceux qui contestent la procédure lui reprochent de ne faire droit à leur demande de changement d'état civil que quand le changement de sexe est devenu irréversible.
Deux solutions sont possibles : une procédure administrative reposant sur l'officier d'état civil sous le contrôle du procureur de la République ou une procédure juridictionnelle simplifiée. Le sujet est lourd, il met en cause le principe d'indisponibilité du corps humain. Ne serait-ce que pour protéger la personne transgenre, il me paraît prématuré d'envisager le retrait du juge de la procédure. Un groupe de travail, auquel vous participerez, a été mis en place pour trancher cette question, qui doit être traitée avec précaution. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Politique de rigueur
M. Thierry Foucaud . - Après une année 2012 marquée par la hausse des impôts et des taxes (bruyantes marques d'approbation à droite), la France et l'Europe se sont engagées sous l'influence des traités européens dans des politiques dites de stabilité, en réalité de rigueur et d'austérité. Les Baroso, Draghi, Merkel et autres Juncker, auxquels d'autres se sont ralliés en France, imposent aux peuples des souffrances et des reculs sociaux, sans que la situation en soit améliorée. L'austérité étouffe toute ambition de progrès et de développement. L'Espagne, le Portugal, l'Irlande en font la douloureuse expérience. Plus de 326 millions de chômeurs en Europe, plus de 3 millions en France où l'emploi public régresse et où des coupes claires sont attendues dans bien des ministères. Pour quel résultat ?
Le trouble n'épargne personne, jusqu'au sein de l'équipe gouvernementale. Selon le rapport Queyranne, 110 milliards sont dépensées chaque année en aides aux entreprises. Pour quel résultat ? Dans le même temps, 106 milliards de bénéfices échappent à l'impôt et aux cotisations sociales ; selon notre commission d'enquête, la fraude fiscale atteint de 60 à 80 milliards...
Plutôt que priver les autorités publiques de moyens, le Gouvernement entend-il lancer une réforme fiscale audacieuse, mener une lutte résolue contre la fraude fiscale et sociale, rompre avec la logique austéritaire et relancer l'investissement public ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - Lutter contre la fraude fiscale ? Nous engageons ici, au Parlement, un travail avec l'ensemble des sénateurs, dont M. Bocquet, pour renforcer notre arsenal de lutte contre la fraude, depuis le renforcement de notre arsenal répressif à la création d'un parquet financier spécialisé, en passant par un dispositif incitatif à destination des fraudeurs -qui commencent à répondre positivement. 70 milliards, à cause de la fraude, échappent à nos finances : le Gouvernement est absolument déterminé.
Nous avons engagé l'an dernier une réforme fiscale de grande ampleur : tranche de l'impôt sur le revenu à 45 %, alignement de l'impôt sur les sociétés des PME et des grands groupes, réforme de l'ISF, alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Le chantier est immense, il n'est pas achevé. Il n'y a pas de grand soir fiscal mais une réforme continue.
S'il faut faire des économies, c'est que nous avons trouvé une situation désastreuse. (Exclamations à droite ; applaudissements à gauche)
M. Stéphane Mazars . - Ma question s'adressait au ministre de l'écologie... (« Ah ! » à droite) Il s'agit de la gestion de la ressource en eau, que Philippe Martin connaît bien pour avoir récemment rendu un rapport dont nous partageons les conclusions. Un tiers du territoire national est en déficit d'eau. Contrairement à une idée reçue, l'irrigation utilise peu d'eau ; elle ne concerne que 6 % des surfaces.
Les préconisations du rapport Martin sont raisonnables et reposent sur trois axes : sécuriser l'approvisionnement en eau des agriculteurs, favoriser les consensus locaux sur des projets territoriaux, stabiliser l'environnement réglementaire en encadrant le droit de recours contre les projets de retenue d'eau et en relevant le seuil pour les études d'impact. (« Très bien ! » à droite ; applaudissements sur les bancs RDSE) Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à ce rapport ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Je vous prie d'excuser le ministre de l'écologie, retenu par des engagements qu'il n'avait pas pris antérieurement... Il me demande de vous faire part des réflexions du Gouvernement sur ce vaste sujet. L'eau est un bien commun, dont l'utilisation doit être encadrée. Des règles de partage sont nécessaires, qui doivent être élaborées avec l'ensemble des acteurs. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, une évaluation a été lancée pour voir comment atteindre un bon état de l'eau d'ici 2015, conformément à la directive et à la loi sur l'eau.
Après le rapport Lesage, le rapport Martin propose un modèle d'utilisation de l'eau en matière agricole. Le Gouvernement veut réduire les pollutions diffuses, notamment agricoles, et parvenir à une répartition équilibrée de la ressource. Il est nécessaire, pour cela, de construire des projets territorialement partagés. Une table ronde ad hoc se réunira en septembre dans le cadre de la conférence environnementale. (Applaudissements à gauche)
Rapport Duron (I)
M. Rémy Pointereau . - Jeudi dernier, la commission « mobilité 21 », présidée par le député Philippe Duron et chargée de réviser le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, a rendu son rapport. Je me doute que vous allez nous redire qu'il n'était pas possible de financer les 245 milliards des 70 projets envisagés et que vos prédécesseurs avaient commis une erreur ou un mensonge. (Approbations sur les bancs socialistes) Il n'y avait ni erreur ni mensonge car un pays comme le nôtre doit se projeter dans l'avenir.
M. Roland Courteau. - Et penser aux élections !
M. Rémy Pointereau. - Ce rapport a le mérite de hiérarchiser les projets, mais il déçoit par son manque d'ambition autant dans la majorité que dans l'opposition. On est loin de la promesse du candidat Hollande, ré-enchanter le rêve français !
Certes, les finances publiques sont au plus bas ; certes, il faut faire des arbitrages ; mais de grâce, pas sur les investissements : 8 milliards d'investissement d'ici 2030, c'est du renoncement. La relance de la croissance passe par de l'investissement, pas par des dépenses de fonctionnement. Il y a bonne et mauvaise dette. Un pays qui n'investit plus est un pays qui se meurt. Allez-vous pousser les études pour relancer les infrastructures ? (Applaudissements à droite)
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Merci de faire les questions et les réponses. (Rires à gauche) Vous avez souligné le caractère irréaliste et irréalisable du SNIT, ce que reconnaissaient d'ailleurs certains de mes prédécesseurs : 70 projets non hiérarchisés, non financés et parfois non étudiés. Des territoires ont cru pouvoir obtenir des infrastructures ; plus grave, des projets ont été lancés : vous avez passé la commande, nous payons l'addition !
Vous avez commis, avec M. Mézard, un excellent rapport sur le lien entre les collectivités territoriales et les infrastructures de transport. Entre la naissance d'un grand projet d'infrastructures et sa réalisation, il se passe vingt ans. Or le président de la République entend répondre aux attentes au quotidien de la population et des élus en priorisant les enjeux.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Dans quelques jours, le Premier ministre annoncera un grand plan d'investissement public, dont un volet concernera les transports ; le dialogue s'ouvrira alors avec les régions pour définir des objectifs plus soutenables. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Rapport Duron (II)
M. Jean-Marie Bockel . - Je reviens sur le rapport Duron. Il est vrai qu'il fallait hiérarchiser les projets qui n'étaient pas financés. Les gouvernements se sont succédé et les projets ont été maintenus : sans vision, il n'y a pas de réalisation. Il serait regrettable de reporter calendes grecques des projets stratégiques pour nos territoires.
La deuxième tranche de la branche Est de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône est entérinée ; elle a fait l'objet, en janvier 2012, d'un protocole d'intention de financement entre l'État et les collectivités locales. Plus de 80 millions ont déjà été dépensés, des financements européens sont disponibles : il serait absurde de ne pas poursuivre.
Certes, la politique du tout TGV n'est pas réaliste ; certes, d'autres investissements sont nécessaires, mais il faut conserver ceux qui sont indispensables pour ne pas déplacer le centre de gravité ferroviaire hors de nos frontières, sans parler des enjeux économiques.
Je ne veux pas polémiquer. J'ai cosigné, avec tous mes collègues alsaciens, une lettre au président de la République ; s'il faut un vrai débat avec les élus, menons-le pour rendre in fine les bons arbitrages sans jeter le bébé avec l'eau du bain ! (Applaudissements à droite)
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Vous venez de dire que nombre de projets du SNIT n'étaient pas financés. Je le confirme une nouvelle fois, à la suite de la commission « mobilité 21 » unanime : une liste d'infrastructures non hiérarchisée ne fait pas une politique d'aménagement du territoire.
Il faut lutter contre le désenclavement. Votre région est bien dotée : la première phase de la LGV Est européenne a permis d'engager un chantier de 4,3 milliards, la première phase de la branche Est de la LGV Rhin-Rhône a permis d'engager un chantier de 2,3 milliards, la deuxième phase de la LGV Est européenne représente un chantier de 2 milliards. Avouez que ce n'est pas rien !
Il existe d'autres projets sur lesquels les attentes de nos concitoyens sont importantes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Industries agro-alimentaires
M. François Marc . - Les industries agro-alimentaires ont été jusqu'à présent assez résistantes au sein du secteur industriel, qui a perdu la moitié de ses emplois depuis 1970. Mais l'agro-alimentaire traverse une mauvaise passe, ce qui a des répercussions dramatiques dans les régions à forte production animale, comme en Bretagne, ce fer de lance de l'agro-alimentaire français. Les filières volaille, saumon et légumes souffrent ; mais celle qui est la plus en danger, c'est la filière porcine : 1 000 emplois risquent d'être prochainement supprimés si la société GAD est mise en liquidation.
Pourquoi faire 1 000 kilomètres aujourd'hui pour abattre des porcs en Allemagne ? Pourquoi la filière porcine est-elle incapable de se structurer ? Plusieurs milliers de travailleurs de l'industrie agro-alimentaire sont en grande détresse. Que compte faire le Gouvernement pour répondre à leur angoisse ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire . - Plusieurs pans de l'industrie agro-alimentaire traversent une grave crise. Le Gouvernement est mobilisé pour aider chaque entreprise en difficulté et trouver les meilleures solutions pour sauver les emplois : nous sommes parfaitement conscients de la détresse des salariés. Notre seule préoccupation, c'est de trouver des solutions concrètes, réalistes et durables. Nous avons pris, avec Stéphane Le Foll, des décisions fortes pour relancer la production porcine et redonner de la compétitivité à la filière ; nous voulons notamment faire de la performance écologique un vrai levier de la performance économique. Nous voulons adapter les démarches administratives. Nous avons signé, le 19 juin, un contrat de filière alimentaire qui sera mis en oeuvre sans tarder afin d'apporter des réponses concrètes aux départements bretons, tout particulièrement au Finistère. Nous travaillons d'arrache-pied pour consolider et développer le potentiel agro-alimentaires breton. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Fin de vie
M. Gérard Dériot . - Le sujet de la fin de vie est toujours difficile à aborder : la société contemporaine est plus porté à refuser l'inéluctable qu'à l'accepter. Il divise la société sur la question de l'euthanasie. Le comité consultatif national d'éthique vient de rendre un avis tout en nuances. La loi Leonetti ne renferme-t-elle pas toutes les solutions, sauf à vouloir passer du « laisser mourir » au « faire mourir » ? Faute d'être bien expliquée, cette loi est mal appliquée, comme l'a rappelé le rapport Sicard.
Une large majorité du comité a refusé l'assistance au suicide ; il souligne l'accès insuffisant aux soins palliatifs. Le professeur Ameisen, président du CNCE, souhaite un débat à l'automne, estimant indispensable que la société réfléchisse à toutes ces questions, comme nous l'avions nous-mêmes proposé. Le président de la République l'accepte mais promet un projet de loi à la fin de l'année pour compléter la loi Leonetti. N'est-ce pas relancer un débat clivant pour la société, alors que celui du mariage pour tous laissera longtemps des traces et que nous pensions que le Gouvernement aller se consacrer aux graves problèmes économiques du moment ? Pourquoi ne pas mettre en oeuvre, dans l'immédiat, une vraie pédagogie de la loi Leonetti, mal connue des soignants comme du public ? (Applaudissements à droite)
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Je vous prie d'excuser Mme Touraine, retenue à Matignon pour parler retraites avec les partenaires sociaux.
Après le rapport Sicard, le président de la République a saisi le comité national d'éthique sur trois questions relatives à une éventuelle évolution de la loi Leonetti. Ces questions portaient sur les directives anticipées concernant la fin de vie, sur la façon de rendre plus dignes les derniers moments d'un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d'une décision prise à la demande de la personne ou de sa famille ou par les soignants et sur les modalités et conditions strictes permettant à un malade conscient et autonome, atteint d'une maladie grave et incurable, d'être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie.
Le Comité consultatif national d'éthique a rendu son avis ce lundi 1er juillet. Le président de la République a pris acte du constat unanime selon lequel la loi Leonetti est insuffisamment appropriée et l'accès aux soins palliatifs parfois insuffisant. Il a également pris acte du constat selon lequel ces soins ne permettent pas de répondre à toutes les situations de souffrance et qu'un débat de société sur la question de la fin de vie est souhaitable.
C'est la démarche dans laquelle se situe le président de la République. Ainsi, au terme de ce débat, un projet de loi sera proposé afin d'améliorer et de compléter la loi Leonetti. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Inondations
M. Bertrand Auban . - Dans la nuit du 17 au 18 juin, des inondations d'une ampleur exceptionnelle ont frappé le sud-ouest, provoquant d'énormes dégâts et causant par trois morts.
Nos concitoyens ont fait preuve d'une grande solidarité et les services de secours ont bien fonctionné, ce que nos concitoyens ont apprécié.
Le Gouvernement a agi vite : l'arrêté de catastrophe naturelle est paru le 29 juin et diverses facilités ont été accordées aux entreprises et aux agriculteurs.
La saison touristique est déjà là et les commerçants ont perdu leurs stocks. Les indemnisations doivent être rapidement versées. Comment le Gouvernement entend-il travailler avec les assurances ? Les agriculteurs bénéficieront-ils de mesures spécifiques? (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur plusieurs bancs CRC)
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Je veux saluer la mémoire des trois victimes de ces inondations. Je salue aussi la mobilisation de tous les services de l'État et des élus qui ont permis l'évacuation des personnes. L'ensemble du Gouvernement est mobilisé. Le président de la République s'est rendu sur place. Le Gouvernement et le Premier ministre ont voulu que les indemnisations soient rapides. L'arrêté de catastrophe naturelle a été signé samedi dernier : les demandes d'indemnisation peuvent donc être déposées dès maintenant.
Une première enveloppe a été débloquée pour les collectivités territoriales. Pour les exploitations agricoles, le fonds national des risques agricoles a été mobilisé et 100 millions seront disponibles, les intérêts des emprunts et les cotisations à la MSA repoussés.
Tout est donc mis en oeuvre pour apporter des réponses aux territoires et mobiliser tous les dispositifs.
Une réflexion est en cours pour renforcer l'indispensable, la prévention. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Agences de l'eau
M. Pierre Hérisson . - (« Ah ! » à droite) Ma question s'adresse au ministre du budget. On n'a pas fini de découvrir les mauvaises surprises de ce mauvais budget, comme disait la ministre de l'écologie, première victime de la loi de finances pour 2014. Je m'inquiète du sort fait aux agences de l'eau : en réduisant leurs budgets de 10 %, vous déprimez tout un secteur et compromettez près de 1 000 emplois, non délocalisables. Ce sont, une fois de plus, les collectivités territoriales qui paieront, alors que vous aviez prévu de partager l'effort sur les opérateurs de l'État. Il faut revoir la répartition de l'effort sur une base plus juste. Rendez l'argent de l'eau à l'eau, comme le prévoit la Directive européenne. Décidément, nous sommes loin de la promesse du candidat François Hollande : faire de la France le pays de l'excellence environnementale. (Applaudissements à droite)
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Nos concitoyens doivent pouvoir bénéficier d'un accès à l'eau de bonne qualité à des prix raisonnables et la ressource doit être protégée. C'est l'objet de la politique de l'eau, mise en oeuvre par les agences de l'eau qui bénéficient d'une ressource affectée.
Le programme qui vient d'être adopté pour la période à venir doit permettre de répondre aux objectifs européens, avec 13,3 milliards. Il est vrai qu'un prélèvement de 210 millions est prévu pour 2014, qui s'inscrit cependant dans le cadre collectif de l'effort de redressement de l'État. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Rapport Duron (III)
M. Pierre Bernard-Reymond . - Le 13 avril 1987, l'Europe décidait de réaliser le chaînon autoroutier manquant Grenoble-Gap. Vingt six ans après, les populations attendent toujours et sont contraintes d'emprunter la vieille route Napoléon, qui se trouve dans l'état où l'a laissée l'Empereur (sourires) et qui ne peut, de l'avis même des services, constituer une alternative sérieuse, même restaurée. Le 21 janvier 2012, le candidat François Hollande s'était engagé, dans un grand journal régional, à terminer les autoroutes engagées. Il ne se doutait pas que la commission « mobilité 21 » classerait le dossier de l'A 51 à la poubelle : le projet est reporté en 2050 ! Il faudra attendre soixante trois ans pour voir naître ce tronçon de 92 kilomètres. Les populations concernées ont reçu ce report comme une provocation et une insulte.
La compétitivité d'un pays, ne l'oublions pas, est la source de la compétitivité de ses territoires. Si l'État n'a pas les moyens, qu'il en confie la responsabilité aux quatre départements concernés...
M. le président. - Il faut conclure.
M. Pierre Bernard-Reymond. - ...idée à laquelle les quatre présidents, dont André Vallini, ici présent, sont très favorables. (Applaudissements à droite ; M. André Vallini applaudit ostensiblement)
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Votre proposition vise à autoriser quatre départements à réaliser un tronçon autoroutier : c'est juridiquement impossible. Les 92 kilomètres de ce barreau manquant coûteraient 2,5 milliards, dont 75 % seraient équilibrés par des contributions des collectivités territoriales, pour un trafic faible, de l'ordre de 9 000 à 14 000 véhicules par jour. Je vois dans cette proposition un effet de style : je vois mal des conseils généraux prendre de tels engagements financiers. Un tel choix pourrait, par la suite, vous être reproché.
D'autres solutions sont possibles, comme la modernisation de la RN 85, qui répondrait aux attentes de la population. Le 9 juillet, le Premier ministre annoncera un projet d'investissement responsable. Les préfets de région seront chargés d'organiser la contractualisation des financements en fonction des priorités des territoires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La séance est suspendue à 16 h 10.
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
La séance reprend à 16 h 20.
Loi de règlement
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012.
Discussion générale
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - Je forme le voeu, comme à l'Assemblée nationale, que le débat de cette année soit l'occasion d'approfondir en toute transparence notre réflexion sur l'avenir de nos finances publiques.
La dégradation des comptes publics, depuis dix ans, a suscité une inquiétude profonde dans le pays, à quoi s'ajoute, contrairement à l'Allemagne, un déficit considérable de notre balance extérieure, qui mine la confiance des Français. Le redressement ne sera possible que dans la transparence. C'est à quoi nous nous sommes engagés, avec M. Moscovici, dans nos échanges avec vous et je veux vous redire ici ma totale disponibilité.
Cet effort de transparence est facilité par le nouveau cadre européen. Le traité sur la coordination et la gouvernance des finances publiques nous donne, avec le six pack et le two pack, les conditions d'un dialogue permanent et instaure, avec la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques, un échange nouveau pour que les documents adressés à Bruxelles soient de grande qualité et suscitent la confiance de nos partenaires. La loi du 17 octobre 2012 définit le cadre de cette relation avec le Haut conseil et le calendrier qui s'impose à nous. Je salue ces avancées.
Le progrès de la transparence résulte aussi du travail de la Cour des comptes et de Bercy pour garantir la qualité des informations transmises à la représentation nationale.
Nos comptes sont certifiés, c'est une exception en Europe, ce qui nous permet d'y jouer un rôle moteur pour l'adoption de normes comptables communes.
La Cour des comptes n'a émis que cinq réserves et a certifié des comptes sociaux qu'elle n'avait pas certifiés l'an dernier, levant en même temps un certain nombre de réserves substantielles. Je remercie les services de Bercy qui ont beaucoup oeuvré à cette fin.
L'article liminaire, qui établit le solde, y compris structurel, de nos comptes, permet de retracer les évolutions. Quand, en cours d'année, des évolutions interviennent, justifiant de modifier les trajectoires retenues, le Gouvernement tient à venir devant les commissions parlementaires pour s'en expliquer, comme je l'ai fait récemment pour une correction de 14 milliards. Le devoir de transparence s'impose à nous en continu. Aussi, quand j'entends certains groupes demander un collectif pour rétablir la transparence...
M. Francis Delattre. - Ce serait prudent.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous y viendrez.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...je réponds que le cadre juridique est déjà là. Quel intérêt a une loi de finances rectificative, dès lors ? Le président Carrez a d'ailleurs indiqué que tout ce que demande l'opposition, c'est la transparence. Elle est là.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous faites les questions et les réponses.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Pas de sérieux budgétaire possible, non plus, sans effort de réduction des déficits. Point de tournant dans notre politique budgétaire. Marquée par la cohérence et la continuité, elle traduit un engagement du président de la République, rappelé par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Le sérieux budgétaire est notre mot d'ordre car nous avons suffisamment souffert des dérapages du passé.
Entre 2007 et 2011, le déficit structurel de l'État, qui n'est pas imputable à la conjoncture, est passé de 30 à 100 milliards. Il a augmenté de deux points en cinq ans. A aucun moment, le déficit nominal n'a été inférieur à 4,5 %. A notre arrivée aux responsabilités, en 2012, nous avons demandé un audit à la Cour des comptes. Celle-ci a dit des choses simples : il y avait un risque de dérapage sur les dépenses de 2 milliards et une surestimation des recettes attendues de l'impôt. A cette occasion, je rappelle à ceux qui l'auraient oublié que le gouvernement précédent avait décidé 20 milliards d'impôts supplémentaires en 2011 et 13 en 2012. Voilà qui remet les pendules à l'heure.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Quelle autosatisfaction.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Sans loi de finances rectificative pour 2012, le déficit nominal aurait gravement dérapé. En 2011, 5,3 % ; en 2012, 4,8 %, parce que nous avons pris les mesures nécessaires.
Le décalage de 0,3 point avec notre objectif initial s'explique largement par la recapitalisation de Dexia et la prise en compte de dépenses liées au budget européen, comme ce sera le cas en 2013. Nicolas Sarkozy, en novembre 2012, adressait, avec d'autres conservateurs de l'Union européenne, une lettre à la Commission européenne pour raboter les crédits de paiements européens, qui a conduit à un déficit du budget de l'Union européenne, qui mettait en péril Erasmus et les fonds structurels. Il a fallu un collectif d'automne pour abonder le budget de l'Union européenne.
Cet écart de 0,3 point s'explique aussi par le décalage entre la croissance constatée et nos prévisions. Malgré cela, le déficit structurel s'est réduit de 1,2 point en 2012 et le déficit nominal a reculé. Il n'y a pas lieu de considérer que nous n'atteindrons pas nos prévisions de redressement structurel, à un niveau jamais connu jusqu'à présent : le déficit structurel aura atteint, en 2013, le niveau qu'il avait en 2007.
M. Francis Delattre. - On n'y croit pas.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Les dépenses déraperaient après des années de maîtrise ? Entre 2007 et 2012, la dépense publique a dérapé de 172 milliards. La RGPP a produit une économie nette de 12 milliards, redistribués pour 1,9 milliard en mesures catégorielles. Soit 2 milliards d'économies par an, à mettre en regard des 172 milliards évoqués.
Entre 2007 et 2012, la dépense publique a augmenté de 1,7 % par an. En 2012, elle augmente de 0,7 % en volume et en 2013, le chiffre devrait s'établir à 0,5 %. Le rapport est donc de un à quatre. C'est considérable. Je comprends donc mal les leçons que ne cesse de nous donner l'opposition.
M. Francis Delattre. - Et la crise ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - En 2013, la dépense publique de l'État diminuera de 1,7 %. Les dépenses de l'Ondam, en 2012, ont été sous-exécutées à hauteur de 1 milliard et, en 2013, nous sommes 200 milliards au-dessous de l'objectif. Nous voulons, en 2014, aller au-delà. On nous reproche souvent de ne pas faire d'économies.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Il n'y a que Mme Batho qui vous le reproche. (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Yves Daudigny. - C'est déplacé !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Témoignage que nous faisons bien des économies.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Que vos amis vous reprochent. On attend le suivant sur la liste.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous ne supportez pas...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est vous qui ne supportez pas qu'il y ait une opposition !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...que l'on s'occupe des déficits. J'ai participé à un débat avec M. Fillon. Je lui parle de 2,5 milliards sur la branche famille. Il me dit : « surtout pas ! ».
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous êtes parfaits, infaillibles.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Tout à l'heure, les questions télévisées qui émanaient de vos rangs portaient toutes sur des refus de faire telle ou telle économie.
M. Francis Delattre. - Le train modulaire pour Cherbourg était une promesse.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Certes, mais non financée ! Faire des annonces non financées, c'est à la portée de tout le monde ; la responsabilité, c'est de faire des propositions réalistes, financées, pour nos infrastructures de transport.
M. Claude Dilain. - Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous contestez nos économies sur l'État et sur les collectivités territoriales, quand vous vouliez les réduire à quia.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est un exposé polémique, pas du niveau ministériel.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Le déficit des opérateurs ? Il a filé, avec vous, de 6 %. Il recule, avec nous, de 4 %. Mais vous contestez aussi ces économies.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous ne supportez pas nos questions.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous contestez une à une toutes nos économies et vous réclamez qu'on en fasse davantage. Où est la cohérence ? Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale : les économies seront là en 2014. Il vous faudra bien les constater et nous dire, si vous n'êtes pas d'accord, ce que vous proposez d'autre.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Quelle dialectique perverse !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Nous, ce n'est pas une logique de rabot que nous mettons en oeuvre car nous ne voulons pas obérer la croissance. Nous augmentons les financements de postes prioritaires, comme l'éducation nationale et la justice.
M. Francis Delattre. - Parlons-en ! Ce n'est pas financé !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Nous créons des emplois là où il y en a besoin, pour l'école, pour la sécurité ; nous donnons des moyens au service de l'emploi. Nous faisons en sorte de remplir nos engagements.
Cette politique est simple à concevoir, difficile à mettre en oeuvre car il faut du courage.
M. Francis Delattre. - Oui, il faut parfois du courage...
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Telle est notre politique.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Quel monument d'autosatisfaction !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Je forme le voeu que notre débat de cet après-midi soit l'occasion d'aborder toutes les questions. Qu'il soit à la hauteur du redressement que les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. Yves Daudigny. - La démonstration est implacable.
M. Francis Delattre, rapporteur. - Elle ne convainc pas le Front de gauche.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - Les responsabilités sont partagées sur l'exercice 2012, compte tenu du changement de majorité. L'article liminaire, nouveauté, rend compte de notre trajectoire structurelle. Le Haut conseil des finances publiques pourra ainsi constater s'il y a un écart avec la trajectoire, auquel cas le Gouvernement devra en tenir compte. Tel est le nouveau rôle, important, qu'aura, demain, la loi de règlement.
2012 ne fut pas une année facile. Après le rebond consécutif aux mesures de relance engagées en 2008, la croissance a rechuté, alors que déficit et dette étaient notre héritage. Le retournement de la conjoncture a surpris tout le monde au second semestre, y compris la Commission européenne. Le phénomène, généralisé en Europe, a eu un effet cumulatif. Des erreurs ont été commises en Europe : l'austérité ne saurait être le seul horizon. Or, nous l'avons eue en héritage. Nous peinons à sortir de la récession. Au regard de ces conditions difficiles, le redressement engagé, s'il reste encore modeste, est très significatif. Ainsi, les comparaisons avec 2011 n'ont pas grand sens. En 2012, l'effort structurel a bien été de 1,1 %.
S'agissant du budget de l'État, les choix du Gouvernement étaient justifiés car il n'était pas possible de faire des économies dans l'urgence. Les mesures prises à l'été 2012 ont permis de réduire les déficits.
Les recettes fiscales nettes ont progressé de plus de 13 milliards. Sans mesures nouvelles, le rendement de l'impôt aurait diminué. Il faut donc tenir compte de l'élasticité des recettes fiscales.
Les dépenses de l'État ont été plus faibles en 2012 qu'en 2011 : c'est historique. Le pilotage a été très exigeant, avec une mise en réserve de 1,6 milliard de plus. Je vois dans cette performance notre volonté d'en revenir à l'équilibre structurel en 2017. L'exercice 2012 est riche d'enseignement, notamment pour 2013 qui se présente sous des auspices comparables.
Le redressement de nos comptes ne doit pas nous faire oublier nos priorités en faveur des jeunes et des plus fragiles.
Nous ne pouvons définir notre politique en fonction des dernières statistiques, souvent disponibles fort tard dans l'année. Nous refermons le livre budgétaire de 2012 qui a posé les jalons du redressement des finances publiques.
La commission des finances invite le Sénat à adopter ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. Yvon Collin . - L'année 2012 a été particulière puisque la majorité a changé en milieu d'année. En outre, le Haut conseil des finances publiques s'est prononcé pour la première fois sur ce budget. L'écart constaté ne peut être qualifié d'important au sens de la Lolf. La Cour des comptes a formulé cinq « réserves substantielles », contre treize précédemment. Pourtant, le déficit reste trop élevé, du fait d'une croissance atone.
M. Migaud a fait part de son inquiétude. Pour lui, la réduction du déficit n'est pas assez marquée. Le rendement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA est moindre que prévu. Rappelons tout de même que, sur les 22 milliards de hausses d'impôt en 2012, 15 avaient été décidées par la majorité précédente. Le caractère erratique des recettes de TVA est préoccupant : on n'a pas trouvé d'explication satisfaisante à 1,3 milliard de moins-value.
Sur la maîtrise des dépenses de l'État, il faut faire preuve de prudence car une bonne part de la diminution de dépenses pour 2012 résulte de l'annulation de crédits gelés. Il est vrai toutefois que la recapitalisation de Dexia a pesé lourd. Nos dépenses publiques ne sont, hélas, pas des plus efficaces, comme le montrent les statistiques européennes.
Si personne ne peut nous dicter la nature de notre politique économique, la France a besoin de réformes et les générations futures vous en seront reconnaissantes. Les augmentations de prélèvement ont lourdement pesé sur le moral des ménages et sur la consommation, il est donc indispensable de réduire les dépenses.
Le Gouvernement doit gagner la bataille de la croissance et de l'emploi. C'est pourquoi la grande majorité du groupe du RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. André Gattolin . - Ce débat permet d'avoir un regard critique sur la loi de finances pour 2012. Cette année-là ne fut pas banale, il s'agit d'une année de transition et elle marque la fin de la RGPP, remplacée par la MAP. De nouvelles normes comptables internationales vont entrer en vigueur. M. Migaud a alerté les élus sur ces normes complexes, instables et inadaptées aux spécificités des comptes publics. Elles ne sont donc pas légitimes à s'appliquer aux finances de l'État.
M. le Ministre a évoqué la faiblesse de la croissance pour expliquer les résultats de 2012.
Mais miser sur une hausse de la croissance est illusoire. Voyez les déclarations de M. Placé.
Le Gouvernement a affirmé son soutien aux PME, grâce à la BPI, mais nous sommes sceptiques à propos du CICE. Nous nous réjouissons de la compensation des charges transférées dans le cadre de la décentralisation, qui encourage l'investissement en milieu rural, et des 25 millions versés au fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts toxiques. Je salue les crédits supplémentaires alloués à la mission Sécurité.
J'en viens aux arbitrages plus polémiques. Le Gouvernement ne semble pas avoir d'ambition pour l'écologie. Malgré la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'amorcer la transition énergétique, rien n'est fait pour le ferroviaire, la biodiversité, les énergies. Le budget de la défense ne peut non plus nous convenir. Voyez d'ailleurs les critiques de la Cour des comptes à ce sujet.
Gels et surgels de crédits risquent de frapper les politiques publiques de façon indifférenciée au lieu de cibler des priorités.
J'en viens aux recettes. Les électeurs qui ont voté pour la nouvelle majorité ne sont pas hostiles à l'impôt, si la solidarité est irréprochable. Nous devons nous concentrer sur cette exigence.
2012 a été l'année de la rupture, mais aussi de la continuité, avec la hausse de la TVA et l'effort porté sur la productivité. Le Gouvernement a choisi de ne pas ajouter l'austérité à la récession....
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Il a bien fait !
M. André Gattolin. - ...mais de la rigueur à l'austérité, il n'y a qu'un pas.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Mais le ministre veille !
M. André Gattolin. - Le groupe écologiste vous réitère sa confiance et se félicite que la Cour des comptes n'ait eu que peu à redire sur cette loi de finances. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, applaudit aussi)
M. Francis Delattre . - La France a toujours été un pays de rhétorique et, avec le Gouvernement actuel, l'action suit rarement les paroles prononcées lors des prime time télévisuels.
Le Gouvernement met toute son énergie dans la communication. Avec des prélèvements qui s'élèvent à 45,6 % du PIB et des dépenses publiques qui en représentent 56 %, nous avons dépassé le Danemark et nous sommes en tête des pays de l'OCDE, et nous nous éloignons encore un peu plus de l'Allemagne.
Au Sénat, nous avons assisté au retour d'un jacobinisme d'un autre temps et entendu des ressentiments, peu républicains, contre vos prédécesseurs et contre ceux qui assurent le bien-être de la nation, les entrepreneurs qui affrontent les risques mondiaux. La stigmatisation des riches repose sur un concept dépassé de l'exploitation. Mon ennemi, c'est la finance, disait en son temps François Hollande. Le projet de régulation bancaire porte plus la marque des Visiteurs du soir que le sceau du hallebardier du Bourget. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, apprécie)
Le ministre est satisfait alors que tous les voyants sont au rouge. La Cour des comptes et le Haut conseil des finances publiques vous mettent en garde mais vous estimez que tout va bien et qu'un collectif serait superflu.
La gauche est forte où le peuple est faible. Le Gouvernement présente un premier bilan qui démontre que le socialisme n'arrive plus à traiter la question sociale.
Le parti socialiste se transforme en parti sociétal et se révèle incapable d'assumer des réformes de structures indispensables au pays. Cet attentisme, qui marque le triomphe à peine discret des égoïsmes, nous conduit à la récession. Comment comprendre cette gouvernance qui stigmatise sans cesse et repousse à plus tard les décisions ? Douze mois à différer, louvoyer, commander des rapports à des comités Théodule alors que la variable temps est décisive ? Comment comprendre qu'un rapport demandé sur la compétitivité soit combattu avant même sa publication ?
Faute d'étude d'impact, le CICE ne s'adresse pas aux emplois délocalisables mais à la grande distribution et aux entreprises publiques.
Que penser de la BPI qui est devenue une priorité absolue ? Croyez-vous que ses 20 à 40 millions de prêts suffiront quand les banques prêtent aux entreprises 1 000 milliards par an ? Les treize énarques placés à sa tête n'y changent rien, sans parler des locaux somptueux, des dépenses de communication... !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - L'austérité n'est pas pour tout le monde.
M. Francis Delattre. - Que penser de la taxation à 60 % de la cession des entreprises, qui fait fuir nos talents ? Que penser de la transparence sans cesse proclamée quand la Cour des comptes signale qu'elle n'a pu obtenir les prévisions de la direction du trésor et de la direction du budget sur l'exécution du budget de l'État ?
Il y a là un glissement à la grecque bien inquiétant... Est-ce là l'apanage d'un État transparent, monsieur le ministre ? Que penser d'un Gouvernement qui refuse un collectif alors qu'il est indispensable pour prendre en compte le dérapage actuel avec moins de recettes fiscales et plus de dépenses de l'État ? Que penser d'un Gouvernement qui oublie la baisse historique du pouvoir d'achat des Français ?
La loi qui doit garantir les dépôts ne le fait pas puisque son article 6 en autorise l'utilisation pour des recapitalisations bancaires : les déposants pourraient ainsi perdre leurs dépôts sans qu'ils en soient informés.
La mondialisation impose un partage des richesses qui suppose l'égalité de la consommation et du travail. En d'autres termes, nous ne pouvons plus consommer davantage que nous ne produisons.
Avec le matraquage fiscal, les entreprises ne peuvent plus investir. Je félicite notre rapporteur général sur sa dextérité à manier le concept de solde structurel. Pourtant, les emprunts se succèdent et un point d'intérêt en plus augmente le poids de la dette de 2 milliards par an. Qui se souvient des annonces de M. Moscovici du respect des engagements de la France sur les fameux 3 % ? Que penser des déclarations de François Hollande annonçant une trêve fiscale ? Que penser de cet héroïsme vanté par le Gouvernement dans les médias parce que, ayant hérité d'une situation gravissime, il a réduit, très modestement admet la Cour des comptes, le déficit de l'État mais en augmentant les impôts de 22 milliards ?
L'amorce du redressement des comptes repose sur une fiscalité supplémentaire, sans réduction des dépenses. Notre dette a augmenté de 4 %, contre 2 % en Europe. Pourtant, nos services publics ne sont pas meilleurs qu'en Allemagne.
La diminution des recettes fiscales signe votre échec. Naturellement, vous allez évoquer l'héritage ; pourtant, vous avez supprimé la TVA sociale qui aurait permis de doper la compétitivité des entreprises. Le CICE a été crée pour remplacer ce que vous avez supprimé. Comprenne qui pourra.
Nous sommes bien éloignés du choc de compétitivité évoqué il y a peu. La Cour des comptes estime que le CICE coûtera 7 milliards.
La pression fiscale a entraîné la baisse de la consommation, d'où 5,7 milliards de TVA en moins sur 2012, et réduit les investissements des entreprises dont taux de marge est le plus bas depuis 1983. L'impôt sur les sociétés a diminué aussi.
Le redressement appelle des réformes structurelles et courageuses. En misant tout sur l'impôt, le rendement fiscal diminue. C'est la courbe de Laffer : trop d'impôt tue l'impôt.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - La courbe de Laffer, ce n'est pas ça !
M. Francis Delattre. - Cette situation est imputable à vos choix.
Avant la crise de 2008, nous avons tous été coresponsables du manque de vertu budgétaire. En revanche, après, des efforts sans précédents ont été accomplis. Les socialistes jugeaient le plan de relance voulu par Nicolas Sarkozy insuffisant, trop timide. Il a néanmoins permis à la France de mieux résister à la crise que l'Allemagne.
M. Moscovici a dit, il y a deux jours à l'Assemblée nationale, « la crédibilité doit rester notre seule boussole ». Mais c'est raté car vous n'avez respecté aucun de vos objectifs. La dette explose désormais. Après l'explosion du déficit public en 2009, tous les objectifs transmis à Bruxelles ont été atteints, et même dépassés.
Il y a un an, dans sa déclaration de politique générale, M. Ayrault annonçait le redressement dans la justice. Mais l'amorce du redressement est cassée et ce sont les plus fragiles qui souffrent de votre impéritie.
M. Michel Berson. - Tout en nuances !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Comme le ministre !
M. Francis Delattre. - Comme vous n'avez pas respecté vos engagements, poussant le peuple de France vers une paupérisation rampante (on ironise à gauche), le groupe UMP ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-France Beaufils . - En mai 2012, les Français ont signifié le rejet de la politique menée par la droite depuis dix ans et ont demandé à la gauche de mener une politique nouvelle.
L'exercice budgétaire 2012 a été le premier acte du Gouvernement mais si la loi de finances rectificative de juillet 2012 apportait de la justice fiscale, le collectif de fin d'année comportait l'augmentation de la TVA et le CICE, qui ne répond pas aux besoins de l'économie.
De juillet à décembre, nous avons assisté à un raccourci de la politique du Gouvernement. Après des mesures de justice fiscale et sociale, le Gouvernement a freiné, pour caler devant le mouvement des patrons « pigeons », qui a coûté 750 millions.
Le Gouvernement veut réduire les déficits mais ce n'est pas contrebalancé par un effet positif de la dépense publique. A l'origine, la croissance devait être de 1 %. Elle s'est révélée nulle.
La baisse du taux de marge des entreprises, la moindre productivité du travail ne sont pas dues à une soudaine paresse des salariés mais aux pratiques d'externalisation de certaines entreprises. Il faut mettre un terme au gaspillage des fonds publics versés aux entreprises. Il est donc grand temps de changer votre fusil d'épaule pour combattre le chômage.
Certains voudront justifier la logique d'austérité voulue par la Commission européenne mais cela crée l'incompréhension chez nos compatriotes. Le déficit public est de 87 milliards mais une vraie réforme fiscale est nécessaire. Finissons-en avec la TVA déductible.
Les entreprises perçoivent 110 milliards d'aides diverses. Il y a un problème de réduction des recettes publiques davantage que d'excès des dépenses. Pour imposer le recours à l'assurance maladie privée et à la retraite par capitalisation, il faut en passer par une phase de destruction des politiques publiques de solidarité. Nous proposons d'inverser cette tendance. Une profonde réforme fiscale est nécessaire et les investissements publics sont indispensables. L'argent existe. Luttons contre l'évasion fiscale. Des dizaines de milliards ont été laissés au bon vouloir des banques avec les livrets A et de développement durable. La BPI devra être un véritable établissement de crédit.
Nous nous abstiendrons donc sur cette loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Vincent Delahaye . - M. le ministre a exposé les points positifs de cette loi de règlement. Nos comptes sont certifiés, c'est bien. Vous estimez que la situation financière s'améliore, soit. Vous voyez le verre à moitié plein, je vais vous dire pourquoi je le vois à moitié vide.
Premier signal d'alerte : le déficit à 87,2 milliards, soit trois mois de dépenses de l'État, financés à crédit. Nous sommes les mauvais élèves de l'Europe.
Deuxième signal d'alarme : la dette. Nous en sommes à 1 834 milliards, soit 70 000 euros par ménage. En 2012, les taux d'intérêt étaient très bas, ce qui a permis d'économiser 2 milliards. Je ne suis pas sûr que la situation perdure. Des tensions se manifestent sur le marché obligataire. Cette épée de Damoclès pèse sur nos comptes. On ne pourra pas, demain, accuser les marchés.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien.
M. Vincent Delahaye. - Troisième signal d'alarme : les impôts. Nous n'avons jamais été aussi hauts. L'effet récessif est bien plus élevé que la baisse des dépenses.
Il faudrait donc baisser les dépenses de l'État en priorité. J'appelle de mes voeux une réforme fiscale pour un choc de simplification, pour retrouver une fiscalité économiquement efficace et socialement juste.
Quatrième signal d'alarme : les engagements hors-bilan, évalués à 3 000 milliards. En dix ans, ils ont été multipliés par trois. Par exemple, la dette envers EDF se monterait à 4,9 milliards. Il aurait été sincère de retrouver cette dette dans les comptes de l'État mais ce n'est pas le cas. Où est la sincérité des comptes ?
L'Unedic se dirige vers 20 milliards de dettes. Quelles limites le Gouvernement va-t-il fixer aux partenaires sociaux ?
RFF compte 31,3 milliards de dette. Or, nulle trace de celle-ci dans les comptes de l'État.
Exhaustivité, sincérité, on peut se poser des questions. J'insiste, enfin, sur deux notions récentes, qui me surprennent. Celle de « nouvelles économies », d'abord. Les finances publiques pour les nuls auraient du mal à les expliquer. Certes, les dépenses publiques suivent les évolutions de l'inflation mais pourrez-vous tenir ce discours à ceux qui se serrent la ceinture ? Celle qui distingue déficit structurel et déficit conjoncturel, lequel augmente, comme le signale la Cour des comptes.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Pas du tout !
M. Vincent Delahaye. - Sur quelles bases est déterminé le déficit conjoncturel ? Car je crois que si des réformes structurelles ne sont pas prises, la croissance restera très faible et si le déficit conjoncturel, alors, diminuera, le déficit structurel explosera.
Tels sont nos doutes et c'est pourquoi nous voterons contre cette loi de règlement. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien !
Mme Michèle André . - L'exercice budgétaire de 2012 est particulier. Il nous permet enfin d'en finir avec la confrontation des bilans, puisqu'elle nous permet de nous déterminer sur pièces.
C'est sur des résultats que l'on peut répondre aux critiques caricaturales. En 2012, le déficit budgétaire a été réduit. Les prévisions de croissance avaient été largement surestimées par la droite, au point que, sans correction, le déficit allait atteindre des sommets. L'effort que nous avons réalisé est le plus important depuis quinze ans.
Le précédent gouvernement n'avait prévu aucune mesure d'économie, alors qu'il était évident que l'objectif ne pouvait être tenu.
La dépense, grâce à nos corrections, n'a pas dérapé, comme le souligne la Cour des comptes. Selon la norme zéro volume, c'est une baisse de 100 millions. C'est une première historique. Nous avons su être réactifs, à l'été, grâce à un surgel de 1,2 milliard, corrigeant des anticipations éronnées.
Les objectifs que nous nous sommes fixés sont ambitieux : pas plus de 0,5 % par an sur le quinquennat, alors que la dépense publique a augmenté de 2 % en moyenne ces dix dernières années. La masse salariale a été quasi-stabilisée, ne progressant que de 0,1 %.
Nous aurions abandonné la RGPP en dépit de ses glorieux résultats. Mais elle n'a produit que 2 milliards d'économies, quand nous en trouvons 10 en 2013 et même 14 pour 2014. L'effort a été porté sur les recettes dans un premier temps car il est moins récessif que sur les dépenses. Nous avons engagé un processus de modernisation de l'action publique, sachant que tout ne se fera pas en un jour. J'ai trop souffert, comme rapporteure du budget des administrations territoriales de l'État, des coupes aveugles sous le précédent quinquennat, dont souffrent encore nos territoires.
L'effort fiscal demandé aux Français -ce sempiternel procès en matraquage fiscal !- a certes été conséquent mais sur 14 milliards de hausse d'impôt, les deux tiers vous sont imputables. (Exclamations à droite)
M. Francis Delattre. - C'est vrai, vous avez baissé les impôts !
Mme Michèle André. - Les mesures votées à l'été puis l'hiver 2012 ont été guidées par un souci de progressivité et d'équité. La justice fiscale est notre ligne directrice.
J'en viens à la dette. J'appelle la droite à faire une analyse des dix ans d'endettement qui lui sont imputables.
L'exercice 2012 a marqué le cap que nous souhaitons dans la gestion des finances. Le Conseil des prélèvements obligatoires vient de rendre un rapport sur la fiscalité affectée aux opérateurs : il faudra y travailler. Nous aurons aussi à nous pencher sur les dépenses fiscales dans la prochaine loi de finances.
Ce projet de loi de règlement est tout sauf un exercice formel : nous voterons ce texte.
M. Jean-Yves Leconte . - Je ne suis pas membre de la commission des finances mais souhaitais émettre quelques observations, en particulier pour répondre à M. Delattre. En dix ans, 600 milliards de dette de plus et 2 % de dérapage par an. L'effet redistributif de l'impôt mis en cause, une atteinte portée aux entreprises, avec une balance commerciale atteignant, en 2011, un record de déficit de 70 milliards.
M. Philippe Dallier. - Et la plus belle crise que l'on n'ait jamais connue !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Voilà la vérité.
M. Jean-Yves Leconte. - Si l'on se compare à nos partenaires, il en est, comme la Suède, où les prélèvements sont plus importants mais la dette inférieure -ou l'inverse. Le bilan de dix ans d'UMP, c'est une dette et des déficits plus importants, aucune marge de manoeuvre. Un peu d'humilité de sa part serait bienvenue...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous tenez votre bouc émissaire, cela vous permet de faire un discours.
M. Francis Delattre. - Souvenez-vous de Jospin. C'est le gouvernement qui a le plus privatisé.
M. Jean-Yves Leconte. - Et nos entreprises ne sont plus capables de produire et de réagir à une éventuelle stimulation de la consommation... Tel est votre bilan.
M. Francis Delattre. - Un bilan bégayant.
M. Jean-Yves Leconte. - En 2012, que constate-t-on ? Les impôts sont moins rentables qu'auparavant. Les entreprises subissent des tensions de trésorerie qui poussent à des demandes de remboursement anticipé de TVA bien plus importantes. Malgré tout, grâce aux efforts du Gouvernement, le déficit a été ramené à 4,8%.
Une question tout d'abord : la Lolf est-elle l'outil le plus adapté pour orienter les économies ? Pour baisser les dépenses, il faut baisser l'emploi public, voilà son dogme. Mais si j'en crois la lettre de M. Migaud à Laurent Fabius, la baisse des emplois entraîne une augmentation des dépenses de fonctionnement, via l'externalisation. Baisser les postes, c'est aussi baisser les capacités d'engranger des recettes. Un employé du service des visas rapporte 500 000 euros. Et pourtant, il en manque. Pourquoi supprimer des postes qui ne coûtent rien et renforcent notre influence ? Dans la même veine, le plafonnement des taxes dédiées n'a généré que 100 millions au lieu des 414 attendus. Si la MAP prend en compte ces observations, alors les économies seront au rendez-vous.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce seront donc des économies indolores.
Mme Michèle André. - Il n'y a pas d'économies indolores. Croyez-en une Auvergnate ! (Sourires)
M. Jean-Yves Leconte. - Attention, aussi, à ne pas privilégier le court terme au détriment du long terme. Vendre la Maison de France à Berlin l'année du 50e anniversaire du traité de l'Élysée n'est pas ce que l'on a fait de mieux...
Autre préoccupation, le hors-bilan. En 2012, nous avons apporté plus de 100 milliards d'engagements pour stabiliser l'euro et lutter contre la spéculation. Mais la création du MES a été rendu nécessaire par l'absence d'union et de supervision bancaires. Si les normes comptabilisant le hors-bilan ne sont pas homogènes en Europe, il y a danger.
Le sérieux budgétaire, c'est s'attaquer aux fondements de la crise plutôt que créer une nouvelle bulle par la création de monnaie. La croissance ne viendra peut-être pas des BRIC mais de chez nous si l'on fait de l'Europe la solution plutôt qu'un bouc émissaire, si l'on réoriente la fiscalité pour la rendre plus juste. C'est ce que fait ce gouvernement, et nous l'appuierons. Le groupe socialiste votera la loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances . - Nous vivons une séquence étrange. Le sujet, l'orientation des finances publiques, va être abordé pauvrement, en soirée, et ne sera pas conclu par un vote. Voyez ce qui se fait à l'étranger. En 2011, période tant honnie par les dirigeants d'aujourd'hui, le Sénat s'était exprimé par un vote. Tel ne sera pas le cas aujourd'hui. En revanche, nous allons émettre un vote sur le passé. Les chiffres étant les chiffres, dans un monde normal, tout le monde devrait voter un arrêté de comptes -même si, dans mon conseil municipal, l'opposition ne le fait pas...
M. Michel Berson. - Elle doit avoir de bonnes raisons !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Dans ce même monde normal, un vote sur l'avenir s'imposerait...
Quelle attitude prendre ? Quand je vous ai entendu, monsieur le ministre, discourir avec tant d'autosatisfaction, formulant les questions de l'opposition et donnant les réponses, faisant preuve d'une telle assurance dans une situation pourtant critique, avec un chômage qui augmente, des comptes qui dérapent et un endettement préoccupant, j'ai pensé que je ne pouvais pas ne pas suivre mes collègues de l'opposition qui concluent au rejet de la loi de règlement.
Vous avez plaidé la transparence. La transparence quand le Gouvernement n'expose pas ses prévisions de cadrage macro-économique ? Un collectif devrait intervenir, fut-ce au risque de voir démissionner plus de ministres encore, pour assumer l'évolution de la situation... Vous ne voulez pas le faire et vous plaidez la transparence ?
Vous avez obtenu, vous vous en targuez, un sursis de deux années de la Commission européenne. C'est la plus mauvaise nouvelle que nous pouvions attendre... Pourtant, vous en restez à vos estimations du passé, alors que tous s'accordent sur une estimation de 3,5 % à 2014. Quel est donc, monsieur le ministre, votre objectif de déficit public ? Où est la transparence ? Il reste pour le moins des noyaux d'opacité...
Les efforts en matière de dépense publique ? Ils ont été engagés à la fin du quinquennat précédent et se poursuivent. Mais vous prétendez arriver, en 2014, à une progression en volume de 0,5 %. Je ne suis pas sûr que la répartition de l'effort apparaisse de façon bien transparente. Les opérateurs et les collectivités territoriales en portent une part disproportionnée : c'est un point qui mérite discussion. Transparence aussi sur le rendement des recettes publiques. Alors que la conjoncture est difficile, que l'état des marché est aléatoire malgré les efforts de la BCE, alors que le retour sur les marchés financiers des pays de la périphérie devient plus délicat, alors que des points d'interrogation lourds continuent de peser sur le Portugal et la Grèce, ne serait-il pas dans l'intérêt de notre pays d'assumer clairement l'état de ses finances publiques, sauf à prendre, à force de biaiser, des risques supplémentaires ? Pourquoi ne pas assumer une loi de finances rectificative ?
La technicité de nos finances publiques rend, il est vrai, plus compliqué l'examen par le Parlement. La loi organique découlant du MES, que l'opposition a votée, nous appelle à raisonner en soldes structurel et conjoncturel. Avec Jean Arthuis, en notre temps, nous avions alerté sur la complexité des méthodes qui seraient difficiles à faire comprendre à nos concitoyens ; mais c'est bien la réalité dans laquelle nous sommes aujourd'hui, certes nécessaire pour permettre de comparer mais qui exigerait davantage de pédagogie. Et la possibilité de raisonner, aussi, en solde nominal, en dépenses nominales, pour la bonne compréhension de tous.
La transparence a encore beaucoup de progrès à faire, on le voit, et c'est pourquoi je me prononcerai contre ce texte. Les temps sont certes difficiles mais ce n'est pas en biaisant que l'on sortira de l'ornière, ni en laissant filer les dépenses en 2013 qu'on les maîtrisera mieux en 2014, bien au contraire. Comme le disait Mme André, il n'est pas d'économies indolores. Mais il faudra bien les faire. J'espère en tout cas du Gouvernement une feuille de route plus claire. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué . - Merci pour ce débat qui a vu s'exprimer toutes les sensibilités.
Je reviens sur la question de la transparence. Je trouve mon inspiration, monsieur Marini, dans la démarche de Pierre Mendès France. Je considère que la vérité existe et que nous la devons au Parlement. Il est des procès qui ne se justifient qu'appuyés par des preuves. Or il y a les rapports de la Cour des comptes et celui du Haut conseil des finances publiques, qui disent des choses contraires à celles que vous affirmez sur les déficits. A vous entendre, nous serions des joueurs de bonneteau qui mélangeraient déficit structurel, déficit conjoncturel et déficit nominal, qui nieraient leur augmentation. Voici donc quelques chiffres.
En 2012, solde structurel : 3,9 %, contre 5 % en 2011 ; pour 2013, 2,2% et 1,2% en 2014. Solde conjoncturel : en 2012, 0,8 ; en 2013, 1,4et en 2014, 1,6. Solde nominal : 5,3 en 2011 ; 4,8 en 2012 ; entre 3,7 et 4 en 2013 et 2,9 en 2014 si les efforts sont poursuivis. Au-delà de toute considération polémique, voilà les chiffres. Comment pouvez-vous dire que les déficits augmentent et que nous jouons les prestidigitateurs ? Il y a dix jours, votre collègue Gilles Carrez, qui, comme président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, doit garder son sang froid et éviter la polémique, nous a accusés de dissimulation lors d'une conférence de presse où n'étaient présents que des parlementaires de l'opposition. Je ne peux pas l'accepter parce que ce n'est pas la vérité. Vous dites que les déficits augmentent : c'est faux.
M. Francis Delattre. - C'est pourtant ce que dit la Cour des comptes !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - J'ai parlé de dérapage.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Je rappelle que l'hypothèse de croissance a beaucoup varié, sous votre Gouvernement, pour 2012. Quand vous évoquez le manque de transparence, vous omettez de rappeler qu'en période de crise et de grande incertitude, il est normal qu'existe un décalage entre les hypothèses de croissance sur lesquelles sont fondées les lois de finance et la croissance constatée...
Je ne puis accepter ces procès d'intention alors que tous les chiffres sont à votre disposition et que nous n'avons pas ménagé notre temps pour venir, M. Moscovici et moi-même, nous en expliquer devant vous.
Vous refusez de voter la loi de règlement. Je comprends la posture mais pas les motivations. Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le risque de dérapage était de 2 milliards et les recettes étaient sous-évaluées. Pour tenir nos objectifs, nous avons pris les mesures correctrices qui s'imposaient, maintenu les crédits gelés et procédé à des hausses d'impôt. Si nous ne les avions pas prises, le déficit aurait été de 5,3 % et non de 4,8 %. Expliquant la dégradation du déficit nominal, il y a des dépenses exceptionnelles -Dexia, l'abondement du budget de l'Union européenne qui avait été manifestement sous-évalué. Je n'y reviens pas. Le décalage entre le niveau des crédits de paiement et les sommes réellement dépensées est criant dans le budget communautaire.
J'appelle à plus de rigueur dans nos débats. Et plus de sincérité. Je remercie les orateurs de la majorité qui ont fait la lumière sur nos efforts de gestion, y compris pour l'assurance maladie, au point que les dépenses de l'État, dette et pensions comprises, diminuent, pour la première fois sous la Ve République, de 300 millions.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article liminaire est adopté puis, successivement, les articles premier à 9.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Je précise qu'il s'agit d'une loi de règlement et que, dans sa sagesse, la commission des finances a proposé, à la majorité, son adoption. Sachant que le bilan résulte d'une double gestion, il serait raisonnable de donner, ensemble, quitus.
L'ensemble du projet de règlement est mis aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l'adoption | 155 |
Contre | 169 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Débat sur l'orientation des finances publiques
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'orientation des finances publiques.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances . - Je suis heureux de vous retrouver ce soir, c'est un moment important pour évoquer les orientations futures de nos finances publiques.
En 2012, la zone euro a connu une nouvelle année de récession dont la France a subi les conséquences. Notre pays n'est pas un isolat, ses principaux clients et fournisseurs sont dans cette zone. Ce qui a conduit le Gouvernement à réviser la prévision de croissance à 0,1 % et l'objectif de déficit à 3,7 en 2013. Nous avons eu une discussion franche lors de l'examen du programme de stabilité sur les conséquences à en tirer. L'opposition appelait à des mesures de redressement supplémentaires pour tenir coûte que coûte les 3 % cette année. Le Gouvernement a jugé que la voie de pareil plan de rigueur aurait supposé des hausses d'impôt et des coupes dans les dépenses à hauteur de 15 milliards, qui auraient aggravé la récession et le chômage sans réduire significativement le déficit parce que ce qu'on aurait gagné d'un côté aurait été perdu de l'autre. Cette logique nominaliste était vouée à l'échec ; le Gouvernement a choisi une autre voie.
L'opposition se trompe en réclamant la vérité parce que la vérité est la même pour tous et que nous la disons au fur et à mesure qu'elle se dévoile. Ce qui nous sépare, c'est autre chose, c'est un désaccord profond sur la politique économique à mener en de telles circonstances. Nous, nous voulons que l'économie française se redresse, nous acceptons, nous revendiquons de laisser jouer les stabilisateurs automatiques.
Une des leçons des années écoulées, c'est que la multiplication des collectifs ne garantit pas la réduction des déficits. Les dépenses publiques devront être gérées scrupuleusement mais nous laissons les recettes fiscales s'ajuster. Ce qui rend inutile un collectif budgétaire.
Quand nous sommes arrivés aux responsabilités en juin 2012, il fallait parer au plus urgent. La priorité absolue, c'était assurer la survie de l'euro. Les doutes étaient là. Pour y parvenir, il fallait éviter l'instabilité, la propagation des chocs, le décrochage de certains de nos partenaires. Nous avons passé beaucoup de temps à chercher des solutions pour la Grèce, Chypre, l'Espagne, parce qu'il n'y aura pas de sortie de crise pour la France si on ne trouve pas en Europe d'issue convaincante.
Au niveau national, il fallait desserrer un étau menaçant, celui de la hausse des taux d'intérêt. Nous avons réduit les déficits en 2012 en demandant des efforts rudes au pays -si nous ne l'avions pas fait, le déficit aurait été supérieur à 5,3 %. En janvier 2012, le consensus de croissance pour la zone euro était de 1 % et la récession fut de 0,6 %. Ce contexte va peser, comme ont pesé les augmentations d'impôt depuis 2011. Ceux qui nous reprochent un matraquage fiscal ont voté, en 2011 et 2012, 35 milliards de hausses d'impôt ; nous avons fait en sorte de préserver les classes populaires. Cela dit, la baisse de pouvoir d'achat est surtout due au chômage.
Notre économie reste une grande économie. Je refuse le France-bashing, les faux prophètes du déclassement qui jouent contre leur camp. Dénigrer son pays n'est pas une bonne politique. Il est vrai que ces dix dernières années, notre économie s'est affaiblie, a perdu en compétitivité mais elle n'est pas en situation de faillite, comme le disait un ancien Premier ministre -avant d'accumuler 600 milliards de dettes supplémentaires.
Nous voulons réorienter la construction européenne en direction de la croissance. Aujourd'hui, l'Europe connaît la croissance la plus faible des grandes zones économiques de la planète, le chômage le plus élevé, les déficits les plus forts. Le Gouvernement n'a cessé de demander, en 2012, une réorientation. Les lignes ont commencé à bouger. La Commission européenne a donné plus de temps à plusieurs pays, dont la France, pour passer sous la barre des 3 %, met désormais l'accent sur la réduction des déficits structurels et a lancé le pacte pour la croissance et l'emploi.
Un mot sur les recommandations de la Commission européenne. Autant il est logique qu'elle demande aux pays européens d'agir pour réformer le marché du travail -ça tombe bien nous l'avons fait-, pour améliorer la compétitivité -ça tombe bien, nous l'avons fait avec le CICE-, pour réformer les retraites -ça tombe bien, nous allons le faire parce que la réforme Fillon, qui devait tout régler, est loin d'avoir résolu le problème-, pour mener des réformes écologiques -ça tombe bien, nous sommes en train de le faire-, autant il n'est pas acceptable qu'elle ait une approche trop invasive. Sur les retraites, elle n'a pas à nous dire quelle voie privilégier. Le dialogue avec elle se poursuit, un dialogue respectueux de l'institution, qui n'est cependant pas exempt de rapports de force...
Nous faisons un effort de 20 milliards d'euros pour la compétitivité, avec le crédit d'impôt compétitivité emploi, pour baisser le coût du travail. Il est en train de mordre, de prendre : 800 millions d'euros de préfinancements ont été accordés aux PME et la BPI est particulièrement active en ce domaine. Nous avons pris des mesures exceptionnelles en faveur du logement.
Quand nous construisons un budget, la finalité est économique, en faveur de l'emploi, de la croissance, de la compétitivité. Notre but est de permettre à l'économie de se redresser. La zone euro est en train de sortir de la récession, trop lentement certes mais assez pour que nous puissions maintenir l'objectif d'inversement de la courbe du chômage à la fin de l'année.
Nous n'ignorons pas les réalités et les critiques qui nous sont adressées sont trop injustes. La France a plutôt mieux résisté que ses partenaires, même l'Allemagne et les Pays-Bas. Dire que nous nous accrochons à une prévision de déficit de 3 %, ce n'est pas acceptable, non plus que prétendre que les dépenses déraperaient. Il existe certes des risques sur la croissance et, donc, sur les rentrées fiscales, mais nous tenons le cap des réformes structurelles.
Pour 2014, l'effort structurel sera tenu. Si la croissance n'est pas au rendez-vous, les 3 % ne seront pas un objectif intangible. Les économies sur les dépenses publiques sont importantes pour éviter d'augmenter les prélèvements obligatoires. La lutte contre la fraude fiscale se poursuivra, ainsi que la réduction des niches, à quoi je sais le président Marini très sensible.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Merci.
M. Pierre Moscovici, ministre. - Le budget pour 2014 est particulièrement ambitieux, avec 14 milliards d'économies. La modernisation de la puissance publique sera portée par la MAP. Réduire les dépenses publiques n'est pas une fin en soi mais une condition pour plus de croissance pour réduire les déficits.
Ce débat se déroule dans un contexte de transparence accrue grâce, notamment, au Haut conseil des finances publiques. Nous voulons informer, rendre compte de notre stratégie, montrer la cohérence de notre approche. C'est le sens de notre action. J'attends beaucoup de ce débat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - Notre débat intervient deux mois après le programme de stabilité. La situation économique n'a pas beaucoup évolué ; les perspectives restent incertaines, ce qui explique que le Gouvernement ait modifié à la marge ses prévisions.
Personne ne nie les risques liés à l'évolution des recettes mais il est fort difficile de savoir ce que seront les rentrées de TVA quand on examine les chiffres pour avril et mai. L'opposition réclame un collectif. Nos collègues sont-ils nostalgiques des trois ou quatre collectifs annuels, qui ne permettaient d'ailleurs pas de modifier fondamentalement la situation ? Il serait absurde de vouloir, à chaque baisse des prévisions de croissance, mettre un tour de vis supplémentaire pour garder inchangé un objectif de déficit public par rapport au PIB. Une telle politique procyclique nous entraînerait dans la décroissance.
Nos partenaires ne réclament pas une telle politique, d'autant que la France a porté une nouvelle politique depuis fin 2012, pour concilier sérieux budgétaire et soutien à la croissance en Europe. Le FMI estime qu'après trois années d'ajustement budgétaire substantiel, il existe une marge pour modérer le rythme de la consolidation, à condition que l'effort soit concentré sur les dépenses et soutenu par la poursuite des réformes structurelles. Pour sa part, l'Union européenne devrait nous accorder deux années supplémentaires pour revenir sous la barre des 3 %. Cela ne doit pas nous inciter à réduire nos efforts. Le Premier ministre a dit aux ministres, dans sa lettre de cadrage, que le rythme de réduction des finances publiques ne devait pas fragiliser la reprise de la croissance. Nous devons donc nous garder et du laxisme et de l'austérité pour éviter de mettre en cause notre crédibilité ou de nous enfoncer dans la récession.
Limiter l'impact récessif, tel est l'objectif. Dès 2014, l'effort portera à 70 % sur les dépenses publiques. Les choix opérés en 2012 et 2103 étaient justifiés. Mais nous devons passer à une nouvelle phase. Le niveau d'ajustement prévu pour 2014 a vocation à satisfaire l'objectif des 3 % mais les recettes dépendent de la croissance. Toutefois, en retenant des hypothèses de croissance dégradées, nous respecterions néanmoins les conditions fixées par l'Union européenne.
S'agissant de la maîtrise des dépenses publiques, l'État a dépensé moins que les années précédentes dès 2012. En 2014, les dépenses devront diminuer de 1,5 milliard. Les plafonds de crédit montrent que les priorités resteront financées, dans l'enseignement, la justice et la sécurité. Cependant, dès 2015, des réformes structurelles seront nécessaires. Il faudra trouver des recettes nouvelles en 2014. Cela suppose d'engager la transition vers une fiscalité écologique en fixant une trajectoire. D'aucuns considèrent qu'il serait plus acceptable de le faire en période de croissance. Sans doute, mais la fiscalité peut modifier les comportements, pour répondre aux défis de demain. C'est d'ailleurs ce que fait le Gouvernement dans plusieurs domaines.
J'ai le sentiment que la France prépare l'avenir dans de bonnes conditions et la situation budgétaire s'améliore.
Mme Michèle André. - Très bien !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Nous avons écouté nombre d'interlocuteurs ces dernières semaines. Nous sommes allés aux États-Unis où nous avons rencontrés des économistes. Beaucoup nous disent que la France devrait avoir davantage confiance en elle-même. La confiance est un privilège.
Mme Michèle André. - Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - C'est un privilège pour celui qui la reçoit, et aussi pour nous qui croyons dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - La couverture des risques sociaux constitue le premier poste des dépenses publiques. Le principe d'équilibre des différentes branches est inscrit dans le code de la sécurité sociale. Une bonne gestion s'impose. La dette sociale représente 10 % du PIB. Cet effort répond à un impératif de justice. Financer la protection sociale sur la dette reviendrait à en reporter la charge sur les générations futures. Ce serait économiquement, socialement, moralement inacceptable.
Les objectifs fixés en PLFSS 2012 ont été atteints. Le solde des différentes branches du régime général s'est amélioré de 4 milliards. L'Ondam a été inférieur aux objectifs. La suppression de niches sociales a contribué à la croissance du régime général. Le découvert de l'Acoss s'est établi à 16 milliards. Le transfert de déficit résiduel à la Cades est moins important que ces dernières années mais l'effort doit se poursuivre. L'année 2013 sera marquée par la stabilisation des déficits sociaux. En dépit des 5 milliards de recettes nouvelles, le solde doit se dégrader de 1 milliard.
Tous postes confondus, les dépenses de l'Ondam seront à nouveau contenues mais le très faible dynamisme des ressources de la Cnam, en particulier les recettes de CSG contribueront à aggraver le déficit de la branche.
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Voilà une belle illustration du mythe de Sisyphe : malgré les recettes supplémentaires, malgré la maîtrise des dépenses, le déficit diminue à peine, traduisant l'importance de l'évolution de la masse salariale et l'existence de déficits structurels non corrigés en période de conjoncture favorable. Près de 13 milliards d'euros de recettes nouvelles auront été votés entre septembre 2011 et septembre 2012, pour une réduction effective des déficits de 3 milliards d'euros. Nous n'avons aucun regret à avoir : en l'absence de mesures correctrices, le déficit avoisinerait les 26 milliards et les perspectives financières seraient de nouveau catastrophiques.
Je salue les réformes engagées par le Gouvernement. La réforme de la politique familiale devrait améliorer le caractère redistributif. Les ressources des familles vulnérables seront améliorées. La réforme réduisant le quotient familial est opportune car elle confirme le principe d'universalité des prestations familiales, elle conforte les acquis de cette politique et évite de peser sur les caisses d'allocations familiales.
De récentes recommandations formulées par le Haut conseil sont intéressantes, notamment l'amélioration de la gouvernance des emplois sociaux. J'ai appelé de mes voeux une telle innovation, qui éclairerait la représentation nationale.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Très bien !
M. Thierry Foucaud . - Réduire les dépenses publiques en 2014 ? Cela signifie réformer les retraites, augmenter le prix du tabac et le forfait hospitalier, mais aussi réduire le budget du ministère de l'écologie, geler le point d'indice des fonctionnaires et continuer à détruire des postes. Bercy montre l'exemple. Allez lutter contre la fraude fiscale avec 2 634 agents de moins ! Pour « faire » écologique, deux centimes de plus pour le gazole.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Juste remarque !
M. Thierry Foucaud. - Je n'arrive pas à comprendre qu'après cinq années de croissance atone, il faille supporter des sacrifices toujours plus injustes et insupportables. Pourtant, la Cnav a vu son déficit se réduire en 2012, mais elle doit encore près de 6 milliards en soutien de régimes déficitaires. Bref, le déficit est de 200 millions. Pour la Cnam, son déficit était de 8,8 milliards, soit 5 % du total, dont 3,3 milliards de compensation aux autres régimes. En 2012, le déficit s'est contracté et la Cour des comptes estime que les compensations s'élèvent encore à plus de 2 milliards. Le régime général des salariés mais aussi celui des fonctionnaires d'État viennent au secours des non-salariés.
Qui paiera nos retraites, entend-on dire ? C'est pour imposer aux salaires de nouvelles coupes.
La Grèce revenue, en termes de richesse, à l'année 2002, l'Espagne et ses 27 % de chômeurs, le Portugal avec un mois de grève générale, voilà qui montre à l'envi que les politiques d'austérité des Barroso, Draghi, Monti, Merkel, Almunia et autres Juncker sont en train de tuer l'idéal européen. On parle de 8 milliards pour l'emploi des jeunes ? Si l'Europe n'a que 8 milliards pour les jeunes, autant arrêter tout de suite !
La poursuite des politiques d'austérité, c'est l'outil de la division de la majorité politique et populaire qui a voulu le changement en mai 2012, après avoir subi pendant dix ans la vaine agitation de gouvernements de droite incapables de répondre aux attentes populaires. Poursuivre l'austérité, pour le gouvernement actuel, c'est se couper de ceux qui l'ont élu et qui se partagent désormais entre attentistes, déçus, indifférents et révoltés. Voulez-vous suivre la pente fatale de la social-démocratie européenne, incapable de reprendre le pouvoir aux Pays-Bas, en chute libre en Grèce et en Espagne, au purgatoire au Portugal et qui s'apprête à subir, en Allemagne, une défaite majeure face aux Unions chrétiennes dont elle n'arrive pas à se distinguer.
Nous comptons 3,3 millions de chômeurs et 5 millions de personnes sans emplois. Gérard Rivière, président de la Cnav, a raison de dire qu'une réforme des retraites n'a pas de sens avec un tel niveau de chômage. La part de travail salarié est sans cesse plus faible dans la richesse nationale. Pourtant, en 2013, 131 milliards d'euros ont été consacrés pour payer les fonctionnaires et leurs pensions. Or un rapport de Jean-Jack Queyranne évalue à 110 milliards les aides de l'État aux entreprises. Encore un effort, et l'État dépensera davantage en cadeaux aux entreprises qu'en rémunération de ses fonctionnaires.
Quand écoutera-t-on enfin les salariés qui subissent, sous la trappe à bas salaire, les effets pervers des exonérations, les cadres qui souffrent sous les exigences de rentabilité immédiate ? Quand va-t-on entendre ceux qui savent fort bien que la baisse de la TVA sur la restauration n'a pas résolu les problèmes d'emploi et d'activité du secteur ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est bien vrai !
M. Thierry Foucaud. - Et les aides qu'évoque le rapport Queyranne ne représentent que deux fois le produit de l'impôt sur les sociétés. Et ce rapport ne parle pas du reversement de la TVA déductible, des effets du régime des groupes sur l'impôt sur les sociétés, et j'en passe.
La Cour des comptes évalue à 35,4 milliards les dépenses en faveur des entreprises et à 71 milliards les moindres recettes. Au total, ce sont 505,5 milliards laissés, entre 2005 et 2010, à la disposition des entreprises. Tous ces efforts n'ont amené que le creusement des déficits et la hausse de la dette.
Il est temps d'inverser la vapeur. Qu'ont fait les entreprises de l'argent public ? Il faut mener la chasse à la fraude fiscale et sociale, de manière déterminée, contre ceux qui trompent le fisc, et donc la France. Ce sera plus de recettes, pour plus de réponses utiles. Des milliers d'emplois publics doivent être pourvus.
Le redressement passe par le renoncement aux politiques d'austérité, qui ne peuvent produire qu'une explosion sociale. (Applaudissements sur les bancs CRC)
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
M. Jean-Vincent Placé . - Le protagoniste de ce débat, c'est la croissance. Elle est aujourd'hui notre unique horizon, qui recule à mesure que l'on avance. Elle se déprécie sans discontinuer depuis quarante ans. Nous, écologistes, n'aurons pas la foi qui nous ferait croire au retour de la fille prodigue. Le cycle du productivisme à tout prix trouve là ses limites. L'agriculture en offre un exemple éloquent : mécanisation et pesticides. Les agriculteurs en paient le prix. Il faut y substituer une production de qualité. Et cela vaut pour tous les secteurs, y compris le tertiaire.
C'est cela, l'écologie politique : accompagner la transition vers un modèle qui respecte les hommes et préserve les milieux. Cela s'accommode mal, monsieur le ministre, avec ce que vous nous avez décrit. La seule faille serait la dépense et, grâce à sa maîtrise, la croissance nous attendrait au coin de la rue. Non que toute coupe soit à bannir mais celles que vous nous proposez ne nous conviennent pas. Certes, vous avez changé l'acronyme du RGPP en celui de MAP, mais cela ne nous fera pas admettre le sort que vous faites au budget de l'écologie. Le déficit de la balance commerciale, 70 milliards, est égal à celui de sa balance énergétique. Il serait bon d'y songer. Autre exemple : la gabegie dans le médicament, par manque de recours aux génériques et laxisme dans les AMM.
Les pollutions de l'air entraînent des pathologies dont le coût est estimé à 20 ou 30 milliards d'euros, selon un rapport 2012 de la mission du développement durable. Voilà qui couvrirait aisément le déficit de la sécurité sociale.
Supprimer la composante aérienne de notre force de frappe serait, également, une solution pragmatique sur laquelle s'accordent les experts.
Autant de sources d'économie susceptibles de nous faire retrouver des marges de manoeuvre. Au lieu de quoi, les rudes efforts demandés aux Français servent à financer, sans contrepartie, un CICE fort coûteux. (Mme Annie David, président de la commission des affaires sociales, approuve) Christian Eckert, rapporteur de l'Assemblée nationale, dit d'ailleurs, sur son blog, le mal qu'il en pense. Arnaud Montebourg a dit ce qu'il fallait penser de l'austérité. Et le groupe socialiste de l'Assemblée nationale exhorte, avec le groupe écologiste, à s'engager dans la transition écologiste. Delphine Batho a fait les frais du renoncement.
Nous sommes encore prêts à y croire. La loi d'orientation agricole constituera une opportunité de changer radicalement notre modèle alimentaire ; la loi Consommation permettra de voir si mes propositions sur l'obsolescence programmée visant à sortir de la civilisation du gâchis rencontrent un écho. Mais à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a refusé d'augmenter les délais de garantie des biens de consommation afin de ne pas entraver la compétitivité des industriels... Les Français apprécieront.
Il est inconcevable que les budgets à venir restreignent les maigres crédits du budget de l'écologie et ne mettent pas en place une fiscalité écologique. Je ne voterai pas, je l'ai dit, de budget de l'écologie en baisse.
Telles sont les orientations qui sont les nôtres. Rendez-vous nous est donné pour l'automne. J'espère que nous pourrons alors défendre ensemble les mêmes ambitions ; sinon, nous prendrons d'autres dispositions.
M. Jean Arthuis . - Ce débat est notre rendez-vous de prospection, le moment où les propositions de réforme et d'arbitrage doivent être confrontées.
Le contexte n'a jamais été aussi difficile. D'ores et déjà, on sait que nos déficits dérivent et la charge de la dette, en dépit de taux historiquement bas, est supérieure à la première mission du budget, l'enseignement scolaire.
Peut-être l'Europe est-elle responsable de certaines de nos transgressions. Sans l'euro, nous ne nous serions pas autorisés de tels déficits. Nous avons tous contribué à transformer le pacte de solidarité et de croissance en pacte des menteurs et des tricheurs ; il a fallu la crise des dettes souveraines, dont la Grèce est le symbole, pour que nous décidions de mettre fin à cette dérive à laquelle nous avons tous contribué.
Sans réformes structurelles profondes et courageuses, pas de retour à l'équilibre. Pour recréer des emplois, il faut renouer avec la compétitivité, et pour désendetter la France, assainir nos comptes publics, deux impératifs indissociables.
Le diagnostic cinglant de Louis Gallois est sans appel. Il préconise un choc de compétitivité. Si la période étudiée avait été supérieure à dix ans, sans doute aurait-il eu un regard critique sur les 35 heures. C'est en France que les marges des entreprises sont les plus faibles. Leur premier problème, c'est la rentabilité ; nous devons donc cesser de financer notre protection sociale par des impôts sur les salaires, qui favorisent les délocalisations.
Je salue la création du CICE à 20 milliards, mais il faut aller au moins à 50. La gauche reconnaît, pour la première fois, que l'augmentation des charges sociales est excessive et que l'augmentation de la TVA n'est plus un tabou. Mais de grâce, allons au bout du chemin, renversons enfin la table et donnons-nous les moyens de rétablir la compétitivité.
Pour assainir les finances publiques, il faut sécuriser les recettes, mais aussi réduire les dépenses.
Pour les recettes, vous avez renoncé au matraquage fiscal : il faut simplifier la fiscalité et supprimer les kyrielles de niches. L'impôt doit cesser de taxer la production pour imposer les produits, via la TVA, que vous appellerez comme vous voudrez si vous ne voulez pas l'appeler sociale.
Nous avons besoin d'une fiscalité lisible, claire, prévisible. Or, en un an, vous avez multiplié les signaux contradictoires, notamment sur l'imposition des plus-values immobilières.
Pour les dépenses, il faut sortir de la logique primaire du rabot, qui a montré ses limites ; c'est une réforme structurelle qu'il faut engager. Tous les acteurs publics doivent être mobilisés. L'Union européenne a décidé de porter la durée du travail de ses fonctionnaires de 37 heures et demie à 40 heures : inspirons-nous d'elle. Il n'était pas question, au départ, d'étendre les 35 heures à la sphère publique ; il en coûte 20 milliards chaque année.
En matière de dépenses sociales, je crains, pour les retraites, que l'on n'aille encore d'atermoiement en hésitation.
Les normes, trop nombreuses, sont des activateurs de dépense publique et des freins à la compétitivité. Combien de projets retardés à cause d'elles !
Pour construire des bâtiments d'élevage, il faut cinq à six ans en France, contre quelques mois en Allemagne. Et je ne parle pas de l'archéologie préventive... Quant aux administrations centrales, elles sont le repaire de rédacteurs de normes tatillonnes.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Avec tout ce qui n'allait pas, heureusement qu'on a changé de Gouvernement !
M. Jean Arthuis. - Vous n'en êtes qu'aux annonces...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Profitez-en !
M. Jean Arthuis. - Les collectivités territoriales sont prêtes à assumer leurs responsabilités. La raréfaction de leurs moyens sera sans doute une efficace incitation à la réforme.
La Cour des comptes nous appelle à nos devoirs. Nous savons ce qu'il faut faire mais nous ajournons sans cesse.
La lucidité sans le courage ne sert à rien : osons les vraies réformes. (M. Francis Delattre applaudit)
M. Philippe Dallier . - Nous abordons ce débat un jeudi soir, à une heure tardive. Je doute qu'à la fin de nos échanges, nous serons mieux informés tant le Gouvernement multiplie les annonces en reportant leur financement à plus tard : 10 000 postes dans l'éducation nationale qui s'ajoutent aux 60 000 promis, 2 000 postes promis à Pôle emploi, 100 000 nouvelles places de crèche...et la liste n'est pas exhaustive !
Nous attendions une loi de finances rectificative. Comment parler de 2014 alors que la plus grande incertitude règne sur l'exercice 2013 ? Tirer les conséquences des variations de la conjoncture n'est jamais agréable mais c'est une question de sincérité, de transparence et de prudence dans la gestion.
Les recettes seront très inférieures aux prévisions, en raison de prévisions de croissance trop optimistes. Votre argument, qui fait appel au programme de stabilité, ne vaut pas. Si le déficit y a été revu à la hausse de 7 milliards, ce sont près de 10 milliards qui pourraient manquer du fait que les recettes fiscales tardent à rentrer, qu'il s'agisse de la TVA, de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu.
Votre bataille de chiffres à l'Assemblée nationale, avec Gilles Carrez, laisse craindre de mauvaises surprises. Le gel programmé sera insuffisant. Nous ne pouvons nous contenter de vos déclarations de bonne tenue des dépenses et demandons une loi de finances rectificative.
Pourquoi avoir supprimé la RGPP pour y substituer une MAP balbutiante ? Nous y aurions gagné au moins deux ans dans la maîtrise de la dépense. Nous attendons un calendrier précis de votre politique de modernisation de l'action publique.
Le Parlement est dans son rôle quand il vous demande des chiffres actualisés pour exercer ses prérogatives. Nous n'avons pas eu de vote pour le programme de stabilité ni pour le débat d'orientation : c'est bien pourquoi nous voulons une loi de finances rectificative.
Vous justifiez votre refus par deux arguments : laisser jouer les stabilisateurs budgétaires et ne pas recourir à l'impôt. Ce n'est pas votre « surgel » qui fera une politique. Ce n'est qu'un pis-aller qui marque que vous tergiversez. Pour faire revenir la croissance, il faut s'en donner les moyens.
Jusqu'à présent, vous avez privilégié la hausse des impôts. Les entreprises et les particuliers ne supportent plus votre matraquage fiscal. Vous prétendez qu'ils n'augmenteront plus : et la hausse de la TVA ? Et la baisse du quotient familial ? Et la hausse des cotisations Agirc-Arco ? Et la hausse de 10 % de l'écotaxe ?
La situation économique de la France appelle des ajustements d'urgence. Les autorités européennes demandent une exécution budgétaire rigoureuse et des ajustements structurels sur la dépense, qui n'ont pas encore eu lieu.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - C'est faux !
M. Philippe Dallier. - Ce n'est pas moi qui le dit mais l'Europe !
La Cour des comptes ne dit d'ailleurs pas autre chose, estimant que des mesures fortes portant sur la dépense publique doivent être prises.
Et que dire des déclarations de certains ministres qui ont contraint le président de la République à rassurer nos partenaires en leur expliquant qu'en France, un ministre peut dire n'importe quoi, pour peu qu'il appartienne à un courant du PS assez puissant mais finalement, que tout cela n'est pas bien grave... Tout cela ne sert pas la France. De grâce, arrêtons les guerres picrocholines avec les instances européennes ! La France doit tenir ses engagements et nous ne défendrons notre souveraineté qu'en réduisant notre déficit et notre dette publique.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Et voilà !
M. Philippe Dallier. - Inspirons-nous de l'Allemagne, où les objectifs sont partagés et ne sont pas remis en cause à chaque changement de majorité.
Il faut engager les réformes sans tarder et cesser de laisser croire aux Français que tous les outils seraient déjà dans la boîte. Le CICE est loin d'être le nec plus ultra. Effet d'aubaine, faible ciblage sur l'industrie, complexité ; vous donnez d'une main ce que vous reprenez de l'autre. Quant à l'ANI, il ne constitue pas une véritable politique de flexisécurité.
La situation n'est pas bonne et vous ne donnez guère de raisons d'espérer. Vous avez d'abord sous-estimé la gravité de la crise : le président de la République l'a avoué à la télévision ; vous avez ensuite argué de l'héritage. Entre 2002 et 2012, la dette et les déficits auraient flambé.
Mme Michèle André. - C'est vrai !
M. Michel Berson. - Eh oui !
M. Philippe Dallier. - Mais en 2002, le déficit était de 50 milliards ; en 2007, de 37 milliards. Et vous oubliez la crise, inouïe, qui a fait s'effondrer de 25 % les recettes de l'État.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Eh oui !
M. Philippe Dallier. - Nous avons essayé de faire face en soutenant la relance ; à l'époque, vous nous reprochiez de ne pas en faire assez ! A vous de prendre la relève : nous vous jugerons sur les résultats. (« Très bien ! » à droite)
La Cour des comptes l'a dit : nous sommes entrés, en 2011, sur une trajectoire de redressement. Ce qui explique que vous vous appropriez certaines initiatives lancées par le précédent gouvernement, comme le MES, que vous n'aviez pas voté, ou la TTF, que vous n'avez fait que mener à son terme.
Nous attendons, monsieur le ministre, des informations concrètes sur la manière dont vous allez utiliser les deux années de sursis que vous a données Bruxelles. Deux ans, c'est court et la confiance des marchés financiers pourraient se retourner face à l'« insoutenable légèreté de la dette » dont parlait Philippe Marini dans un célèbre rapport. On sait ce qui se passerait en cas d'augmentation du coût des emprunts. Ce qui se passe au Portugal est un signal d'alerte de plus. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, approuve) Il faut agir avec détermination. Sur tous ces sujets, nous souhaitons vous entendre. (Applaudissements à droite)
Mme Michèle André . - En 2013, ce débat s'inscrit pour la troisième fois dans le cadre du semestre européen, dans un contexte d'extrême fragilité de nos finances publiques, après dix ans de gestion qui ont mis la France en difficulté, à force de cadeaux fiscaux, de casse de l'État providence -quand on veut noyer son chien...
M. Francis Delattre. - Pauvre bête !
Mme Michèle André. - Nous, socialistes, sommes pour la République sociale de 1946, un État protecteur. L'État providence n'est passé de mode que dans la tête des idéologues. Mais les travailleurs pauvres, les pauvres sans travail, de plus en plus nombreux dans nos rues, nous empêchent de trouver normal que l'on parle d'assistanat, de coût du travail -quand on ne parle jamais du coût du capital, de la rentabilité à deux chiffres qui donne des avantages indécents.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Prenez tout !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Pourquoi pas ?
Mme Michèle André. - Il a fallu emprunter pour compenser les allégements d'impôt dont ont bénéficié certains.
En 2012, la gauche, arrivée dans une conjoncture terriblement dégradée, a procédé d'emblée à un ajustement structurel courageux, qui n'avait jamais été entrepris depuis le milieu des années 1990. Les dépenses de l'État ont connu une baisse historique de 300 millions.
Le programme de stabilité prévoit une reprise graduelle de l'activité en France au long de l'année 2013. Comme le rapporteur général, je pense que la confiance est un privilège que nous sommes quelques-uns à partager.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Merci !
Mme Michèle André. - S'il la prévoit, c'est que les instances européennes saluent les mesures engagées par le Gouvernement.
L'effort sur les dépenses est engagé. Il se poursuivra sur la période, grâce à une baisse des dépenses, hors dette et pension, inédite.
Nous n'avons pas de leçon de gestion économe à recevoir de la précédente majorité : on a rappelé les chiffres. Le déficit actuel est de la moitié de celui que l'on a connu sur la période précédente. Et nous finançons nos priorités : embauches à l'éducation nationale et à Pôle emploi, tandis que d'autres secteurs perdront des fonctionnaires -c'est une chose dont on ne peut jamais se réjouir car moins de fonctionnaires, c'est parfois moins de services.
Ce gouvernement met en oeuvre des réformes de long terme sans trahir ses priorités. Ses choix sont cohérents. Le groupe socialiste les soutiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Serge Larcher . - Les perspectives ne sont pas souriantes outre-mer : conditions économiques et sociales dégradées, chômage record. Il faut donc bien calibrer la participation à l'effort de rigueur.
Le 16 juin, notre délégation à l'Outre-mer et la commission de l'économie étaient réunies pour examiner un rapport sur la défiscalisation outre-mer. Or, les dispositifs fiscaux sont incontournables ; si leur réputation est sulfureuse, ils n'avaient fait l'objet d'aucune évaluation. La Cour des comptes propose de les supprimer, sans prendre en compte les drames que cela provoquerait. L'administration fiscale estime que leur montant est trop élevé, 1 milliard, mais d'autres dépenses sont bien plus coûteuses. L'outre-mer a déjà beaucoup contribué à la réduction des niches avec les fameux coups de rabot.
Il est impératif de stopper cette hémorragie, pour retrouver une certaine stabilité. Le Premier ministre disait récemment, aux Antilles, qu'il fallait de la clarté et de la visibilité. Je m'en félicite. Il a indiqué qu'un nouveau crédit d'impôt serait proposé, sans en dire plus. Il ne faudrait pas que des mesures d'économie créent une onde de choc destructrice.
Conformément aux propositions de notre rapport, il faut agir pour éviter la chute de la collecte constatée l'année dernière.
Le développement économique et social de l'outre-mer serait-il moins important que la protection du patrimoine architectural au titre du dispositif Malraux ?
Nous devons pouvoir accéder au crédit bancaire, clé de la croissance. Certes, des contrôles et des sanctions sont nécessaires. Il serait pertinent de déconcentrer la procédure et d'en faire bénéficier les collectivités outre-mer.
En ce qui concerne le logement social, les dispositifs de défiscalisation prévus dans la Lodeom sont les bienvenus. Notre groupe de travail a suggéré des pistes pour diminuer le coût du montage des dossiers et proposé une expérimentation de prêts bonifiés servis par la Caisse des dépôts.
Le premier ministre a évoqué l'expérimentation d'un crédit d'impôt : il n'évitera pas les frais d'intermédiation et suppose l'accès à un préfinancement.
Enfin, ce crédit d'impôt ne peut bénéficier aux collectivités disposant de l'autonomie fiscale. Prenons garde à éviter toute déstabilisation de leur économie.
Les annonces du premier ministre ont suscité l'espoir, après la mort annoncée de la défiscalisation. Je souhaite que tous ces dispositifs soient adoptés aux spécificités ultramarines, en se conformant aux exigences de progressivité, lisibilité et stabilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Georges Patient . - On ne cesse de voir dénoncer, de rapports en déclarations, les dispositifs de défiscalisation outre-mer. La Cour des comptes parle d'avantages fiscaux excessifs, de générosité fiscale exorbitante. Je m'élève contre cette simplification, condescendante et dédaigneuse des réalités de l'outre-mer. Le document de politique transversale pour l'outre-mer pour 2013 fait apparaître un recul de 1 %. Les outre-mer représentent 4,5 % de la population française, et la même proportion des dépenses du budget général.
Le niveau moyen des DTOM en 2010 est proche de la France métropolitaine des années 90, soit un vingtaine d'années de retard !
Les outre-mer, ce sont des écarts de revenu par habitant considérables par rapport à la métropole. Ce sont des taux de chômage très élevés. L'outre-mer nécessite une attention particulière parce qu'il y a une réelle urgence sociale dans ces territoires. Prenons-y garde : le feu de 2009 ne s'est pas éteint.
Je salue la préservation des crédits de la mission outre-mer, et même leur augmentation de 1 %.
Sur l'implantation de la BPI, le Premier ministre nous a rassurés en affirmant que l'ensemble de ses produits seront disponibles outre-mer.
Il est difficile d'apprécier globalement l'effort du budget de l'État en faveur de l'outre-mer car la mission outre-mer ne regroupe pas tous les programmes. J'espère que les crédits des autres ministères évolueront de la même façon que ceux de l'outre-mer car les besoins sont criants dans tous les domaines. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Berson . - Ce débat s'inscrit dans un contexte européen nouveau. Les nouvelles règles européennes étaient nécessaires, répondant à une crise sans précédent depuis 1919, que nous n'ignorons pas, monsieur Dallier.
M. Philippe Dallier. - Nous voilà rassurés.
M. Michel Berson. - Elles nous imposent une discipline budgétaire renforcée. La création d'un Haut conseil des finances publiques constitue une contrainte supplémentaire pour l'élaboration du budget, dans un contexte de fragilité des finances publiques
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Tout à fait !
M. Michel Berson. - Le contexte national, lui aussi, est nouveau, marqué par le sérieux budgétaire qui donnera lieu à un effort historique pour 2014. Il n'était plus possible de laisser le déficit structurel du pays à 5,1 % du PIB en 2011. Le Gouvernement et sa majorité l'ont ramené au niveau de 2007. On nous reproche d'invoquer l'héritage.
Mme Michèle André. - Il faut le faire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ne vous en privez pas si cela vous fait plaisir.
M. Michel Berson. - Mais ce qui n'a pas été fait hier doit être fait aujourd'hui. L'exercice budgétaire mobilise efficacement la dépense publique, pour que le pays retrouve compétitivité et croissance.
Les priorités du Gouvernement sont claires : emploi, éducation, logement, justice et sécurité.
Le CICE sera généralisé et portera pleinement ses fruits en 2014. La création de la BPI est un signal fort vers les entreprises et l'emploi.
Sur la recherche, l'augmentation de la dépense publique peut être regardée comme un objectif en soi, selon la rue Cambon. En effet, 80 % des emplois sont créés dans les secteurs d'innovation technologiques. Le crédit d'impôt recherche est l'une des premières dépenses fiscales de l'État. Son montant devrait se stabiliser à 6 milliards en 2014, après un triplement en sept ans. Un plafonnement à 5 milliards dégagerait 1 milliard utile pour réduire le déficit budgétaire et pourrait être redéployé en faveur des grands organismes et des universités. (M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, applaudit)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances . - Faut-il que je revienne sur les raisons pour lesquelles on devrait faire une loi de finances rectificative, que j'explique pourquoi l'effort affiché en faveur de la maîtrise des finances publiques relève de la mise en scène et du discours convenu ? Philippe Dallier s'en est excellemment chargé.
Je me placerai dans une perspective plus large. La gestion des finances publiques est caractérisée par des signaux contradictoires et révèle une réelle absence de stratégie économique.
Le bas niveau des taux d'intérêt nous avantage. Mais les marchés sont volatils. Nous ne sommes à l'abri de rien.
La France, nous l'espérons, est susceptible de s'engager dans la voie des réformes structurelles. Mais le Gouvernement donne l'impression de subir ces réformes. Certes l'ANI flexibilise un peu le marché du travail mais la contrepartie n'a-t-elle pas été la création de cotisations supplémentaires qui vont handicaper notre compétitivité ? Pour diminuer le coût du travail, avec le CICE, on a eu recours à des mécanismes très compliquée, à tel point que beaucoup de PME hésitent à entrer dans ce dispositif. Le Gouvernement qui, par le crédit d'impôt, a primé les entreprises non délocalisables, comme les entreprises de l'audiovisuel public ou La Poste, revient sur ces avantages. De même pour les cliniques privées. Ce n'est donc pas la panacée qu'on nous a présentée !
Lorsque la Commission européenne nous demande de nous engager plus franchement dans la voie des réformes structurelles, le Gouvernement, pourtant favorable à un gouvernement économique européen, proteste contre « l'ingérence de Bruxelles ». Nous sommes toujours dans le jeu de rôle ! Pendant ce temps, la situation relative à la France en Europe se dégrade. Pendant ce temps, l'Espagne, au prix d'efforts douloureux, retrouve une part de sa compétitivité et la France se raccroche à des mesures sans impact macro-économique véritable. Ne serait-elle pas coincée entre l'Allemagne et les pays du sud ? Le Gouvernement invoque les effets bénéfiques d'une MAP que rien de précis ne caractérise à ce jour, tout en affirmant qu'elle n'a rien à voir avec la RGPP. Comment éviter de dérouter les agents publics sans objectifs chiffrés ?
Combien de temps pourra-t-on à ce point assurer tant de contradictions en matière fiscale ? L'augmentation des impôts sur le patrimoine fait payer les riches, certes, mais alimente aussi les délocalisation de patrimoine. Les investisseurs en entreprises sont fiscalisés à des taux élevés. N'en retrouve-t-on pas parmi les 8 000 foyers qui ont vu, en 2012, leur imposition dépasser leur revenu fiscal de 2011 ?
Vous avez renforcé la taxation des actions, alors que l'on veut inciter à la détention longue d'actions et que les règles comptables internationales incitent les entreprises à se financer davantage par fonds propres. Où sont les investisseurs, monsieur le ministre ? A l'étranger ? L'absurdité économique de la mise au barème des revenus du patrimoine, avec les aller-retour invraisemblables applicables aux « pigeons », montre une illisibilité, une incohérence, une absence de stratégie fiscale.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales . - Si le débat parlementaire doit avoir lieu, il ne doit pas nuire aux conditions de travail du personnel... Ce débat se déroule dans un contexte particulièrement difficile, le chômage atteignant un niveau inégalé. Cela pèse sur les comptes sociaux, qui représentent la moitié des finances publiques. Notre rapporteur, M. Daudigny, a retracé l'évolution des finances sociales. Pour la première fois, leur déficit est repassé sous la barre des 20 milliards d'euros, grâce aux recettes fiscales nouvelles ajoutées en loi de finances rectificative et à la sous-revalorisation des prestations familiales en 2012. La très faible évolution de la masse salariale résulte de la situation de l'emploi et des plans sociaux.
Certes, l'Europe a reporté à 2015 l'exigence du retour aux 3 % de déficit. Mais l'effort structurel de l'an prochain devra atteindre un point de PIB, soit 20 milliards d'euros. Le Gouvernement souhaite porter cet effort à 70 % pour les finances publiques. Je m'interroge sur l'impact sur l'activité et la protection sociale.
Réduire les dépenses publiques, c'est bien, mais trouver des recettes nouvelles ne l'est pas moins. Quid des recettes des administrations de sécurité sociale ? Qui, du Parlement, de la Cour des comptes ou de la Commission européenne, décidera du vote de notre budget ?
La politique familiale entre dans ce schéma de réduction pour 1 milliard d'euros. Il est abusif de parler de déficit de la branche famille parce que c'est le précédent gouvernement qui a privé la branche famille de ses recettes les plus solides. Le Gouvernement maintient l'universalité des allocations familiales mais je regrette les mesures qui alourdiront les charges des familles et créent une nouvelle tuyauterie qui affecte le financement de la banche famille.
Je ne veux pas anticiper sur le débat annoncé cet automne sur les retraites. Je déplore la sous-indexation des retraites complémentaires. Réduire le pouvoir d'achat des retraités n'est pas le meilleur gage de l'amélioration de nos finances publiques.
Le Gouvernement évoque une nouvelle réduction du taux d'évolution de l'Ondam. Nos concitoyens vont être conduits à renoncer à certains soins, je pense en particulier aux étudiants.
J'ai rencontré cet après-midi une délégation de salariés de l'Hôtel-Dieu : ils protestent contre les décisions financières qui poussent à la fermeture de cet établissement et dénoncent un risque de privatisation de notre système de santé publique.
Au chapitre des recettes, je préfèrerais une action plus résolue pour réduire les niches sociales. J'éprouve une certaine déception à l'égard du récent rapport du Haut conseil de financement de la protection sociale, qui est bien timide sur le sujet comme sur la contribution des revenus du patrimoine. Il est nécessaire que l'objectif d'équilibre des comptes soit associé à des financements qui garantissent des ressources suffisantes au regard des besoins de la population.
Je donne acte au Gouvernement de sa volonté de résorber les déficits sociaux afin de ne pas mettre en péril, à force de fragilisation, la pérennité de notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité entre générations, entre malades et bien portants, entre chargés de famille et non chargés de famille, un système qui tend à réduire les inégalités et à faire avancer du même pas la société. N'oublions pas que les dépenses de protection sociale génèrent un tiers de la richesse du pays. (M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, applaudit)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué . - Je remercie tous les orateurs de leurs contributions au débat. J'entends dire que le Gouvernement ne se soucie pas de compétitivité, raison pour laquelle la croissance ne revient pas... Nous avons agi à la suite de la publication du rapport Gallois, dont on disait que le Gouvernement n'en tiendrait pas compte avant de critiquer par avance le fait qu'il en retienne la mesure principale, le CICE.
La compétitivité s'est dégradée depuis 2002, date à laquelle notre balance commerciale était équilibrée, quand son déficit est aujourd'hui de 75 milliards. Qu'avez-vous fait pendant dix ans pour la compétitivité ? Vous avez décrété à quelques encablures des élections présidentielles qu'il fallait agir dans l'urgence, faire en quelques jours ce qui n'avait pas été fait en dix ans : la TVA sociale. Une mesure tellement urgente que vous en aviez différé la mise en oeuvre à octobre 2012... J'ai du mal à accéder à la pertinence du raisonnement...
Nous avons choisi, nous, un allégement de charges nettes. La TVA sociale faisait payer aux consommateurs l'allégement de charges offert aux entreprises. Mais comme la baisse de cotisations allait faire croître les bénéfices de ces mêmes entreprises, donc l'assiette de l'impôt sur les sociétés, on récupérait par ce biais une partie de l'avantage consenti. Si nous n'avons pas fait ce choix, c'est aussi qu'il n'était pas possible pour nous de faire payer aux consommateurs une partie des allégements -les entreprises ont besoin de consommateurs... Le CICE n'a rien d'une mesure idéologique.
Cela ne suffit pas ? Certes. Il y a aussi l'accord national interprofessionnel, qui est gagnant-gagnant, sécurise les parcours professionnels et apporte plus de souplesse dans le marché du travail. Avons-nous eu tort de faire tout cela ? Vous seriez bien les seuls à le considérer. La Commission européenne a salué nos efforts, que la Cour des comptes et la Haut conseil ont jugés non négligeables.
Sur la cohérence de la politique fiscale, je réponds et à la présidente de la commission des affaires sociales et au président de la commission des finances que la grande réforme fiscale a commencé l'an dernier. L'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, l'alignement de l'impôt sur les sociétés payé par les grandes entreprises et les PME, la taxe à 75 %...
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Elle n'est pas encore en vigueur !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...la réforme de l'ISF, la révision des droits de succession.. Je ne dis pas que le but ultime est atteint, mais tout cela dessine une réforme cohérente, qui n'est certes pas un grand soir fiscal. La dynamique est engagée, la réforme va se poursuivre.
M. Marini a demandé à son tour : où est la cohérence ? Oui, où est la cohérence d'une politique qui a vu un bouclier fiscal, défendu bec et ongles pendant cinq ans, défait en toute fin de législature ?
M. Philippe Dallier. - Bonne question !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Avec l'ISF, on a joué au yoyo jusqu'à s'apercevoir que des contribuables se plaignaient de payer plus de 100 % de leurs revenus en impôts. En réalité, il y a deux catégories de Français, les salariés modestes, qui ne décident pas des revenus qu'ils perçoivent, et d'autres qui décident de leurs revenus parce qu'ils recourent à l'optimisation fiscale -pour ne pas payer l'ISF, ils décident de ne pas percevoir des dividendes ou des revenus de placement. Cela n'avait pas échappé à M. Juppé qui avait mis en place un plafonnement du plafonnement. Si vous trouvez cela injuste, c'est que vous êtes plus à droite que vos prédécesseurs...
Y a-t-il une cohérence entre le sérieux budgétaire et la justice sociale ? Entre le sérieux budgétaire et la volonté de relancer la croissance ? Peut-on mener une politique rigoureuse qui ne soit pas austéritaire ? Le sérieux budgétaire est le moyen de faire monter en gamme le service public et d'assurer la préservation de notre système de protection sociale.
Si la politique familiale est en déficit, ce n'est pas un hasard : le déficit a été organisé par les mesures qu'a évoquées la présidente David. Nous prenons des mesures, comme la réduction du quotient familial, sans remettre en cause l'universalité des prestations. Et nous faisons 760 millions d'économies sur la branche. Pourquoi ? Parce que les structures familiales ont changé. De jeunes mères qui travaillent ont besoin de services de garde : nous entendons créer 270 000 places d'accueil, là où la précédente majorité en avait supprimé 55 000 en réduisant la scolarisation des mois de 2 ans. Il faut financer ces services nouveaux. Nous le faisons en abandonnant des prestations, en les modulant ou en les remettant en perspective, comme pour le congé de fin d'activité ou la prestation d'accueil du jeune enfant. Le sérieux budgétaire est au service d'une ambition sociale.
Quand, sur les retraites, on a près de 20 milliards d'impasse à l'horizon 2020, il faut trouver des solutions. Et il n'y a pas 36 000 chemins, étant entendu que nous ne voulons pas mettre en cause l'âge légal de départ à la retraite. Les solutions doivent être trouvées dans la concertation, avec à l'esprit un idéal de justice qui n'est pas antinomique avec le rétablissement des comptes publics.
Un mot, enfin, sur la MAP. La RGPP, ce sont 12 milliards d'euros d'économies nettes sur cinq ans, avec des suppressions massives d'emplois sur le fondement d'une logique de rabot ; on eût mieux fait d'utiliser un autre outil, le niveau... Sur ces 12 milliards, 1,9 a été restitué sous forme d'avantages catégoriels pour contenir le mécontentement. Economie nette, 2 milliards par an. Et la RGPP serait l'alpha et l'oméga de la bonne gestion publique ? Tandis que lorsque nous faisons 14 milliards d'économies à l'horizon 2014, soit sept fois plus, vous nous accusez de gabegie ! Je ne suis pas sectaire ; essayons d'avoir, ensemble, une approche convenable. Il n'y a pas eu que du mauvais dans la RGPP et il y a, dans la MAP, des choses qui méritent d'être approfondies. Mais soyons du moins honnêtes sur les chiffres, d'autant qu'ils nous sont livrés par la Cour des comptes, de sorte de hisser notre réflexion collective. D'ici l'automne, nous aurons tous les chiffres, des évaluations plus précises ; nous aurons alors mille choses à nous dire... (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande que l'ordre du jour des séances des mardi 16 juillet et jeudi 18 juillet soit modifié comme suit :
MARDI 16 JUILLET
A 14 heures 30 et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en oeuvre de l'action publique ;
- Projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
JEUDI 18 JUILLET
A 9 heures 30 :
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
- Suite éventuelle du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.
A 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement.
À 16 heures 15 et le soir
- Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État.
Le délai limite pour le dépôt des amendements en séance pourrait être fixé ce même jour à 11 heures.
Il en est ainsi décidé.
M. le président. - En conséquence, sont retirés de l'ordre du jour des séances :
- du mardi 16 juillet, la deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature ;
- du jeudi 18 juillet, le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens ;
- du mercredi 24 juillet, le projet de loi relatif à l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État.
Prochaine séance, mardi 9 juillet à 9 h 30.
La séance est levée à 22 h 10.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mardi 9 juillet 2013
Séance publique
A 9 heures 30
1. Questions orales
A 14 heures 30 et le soir
2. Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (n°688, 2012-2013) et projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (n°689, 2012-2013).
Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (n°722, 2012-2013).
Textes de la commission (n°s723, 2012-2013 et 724, 2012-2013).