Loi de règlement
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012.
Discussion générale
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - Je forme le voeu, comme à l'Assemblée nationale, que le débat de cette année soit l'occasion d'approfondir en toute transparence notre réflexion sur l'avenir de nos finances publiques.
La dégradation des comptes publics, depuis dix ans, a suscité une inquiétude profonde dans le pays, à quoi s'ajoute, contrairement à l'Allemagne, un déficit considérable de notre balance extérieure, qui mine la confiance des Français. Le redressement ne sera possible que dans la transparence. C'est à quoi nous nous sommes engagés, avec M. Moscovici, dans nos échanges avec vous et je veux vous redire ici ma totale disponibilité.
Cet effort de transparence est facilité par le nouveau cadre européen. Le traité sur la coordination et la gouvernance des finances publiques nous donne, avec le six pack et le two pack, les conditions d'un dialogue permanent et instaure, avec la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques, un échange nouveau pour que les documents adressés à Bruxelles soient de grande qualité et suscitent la confiance de nos partenaires. La loi du 17 octobre 2012 définit le cadre de cette relation avec le Haut conseil et le calendrier qui s'impose à nous. Je salue ces avancées.
Le progrès de la transparence résulte aussi du travail de la Cour des comptes et de Bercy pour garantir la qualité des informations transmises à la représentation nationale.
Nos comptes sont certifiés, c'est une exception en Europe, ce qui nous permet d'y jouer un rôle moteur pour l'adoption de normes comptables communes.
La Cour des comptes n'a émis que cinq réserves et a certifié des comptes sociaux qu'elle n'avait pas certifiés l'an dernier, levant en même temps un certain nombre de réserves substantielles. Je remercie les services de Bercy qui ont beaucoup oeuvré à cette fin.
L'article liminaire, qui établit le solde, y compris structurel, de nos comptes, permet de retracer les évolutions. Quand, en cours d'année, des évolutions interviennent, justifiant de modifier les trajectoires retenues, le Gouvernement tient à venir devant les commissions parlementaires pour s'en expliquer, comme je l'ai fait récemment pour une correction de 14 milliards. Le devoir de transparence s'impose à nous en continu. Aussi, quand j'entends certains groupes demander un collectif pour rétablir la transparence...
M. Francis Delattre. - Ce serait prudent.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous y viendrez.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...je réponds que le cadre juridique est déjà là. Quel intérêt a une loi de finances rectificative, dès lors ? Le président Carrez a d'ailleurs indiqué que tout ce que demande l'opposition, c'est la transparence. Elle est là.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous faites les questions et les réponses.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Pas de sérieux budgétaire possible, non plus, sans effort de réduction des déficits. Point de tournant dans notre politique budgétaire. Marquée par la cohérence et la continuité, elle traduit un engagement du président de la République, rappelé par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Le sérieux budgétaire est notre mot d'ordre car nous avons suffisamment souffert des dérapages du passé.
Entre 2007 et 2011, le déficit structurel de l'État, qui n'est pas imputable à la conjoncture, est passé de 30 à 100 milliards. Il a augmenté de deux points en cinq ans. A aucun moment, le déficit nominal n'a été inférieur à 4,5 %. A notre arrivée aux responsabilités, en 2012, nous avons demandé un audit à la Cour des comptes. Celle-ci a dit des choses simples : il y avait un risque de dérapage sur les dépenses de 2 milliards et une surestimation des recettes attendues de l'impôt. A cette occasion, je rappelle à ceux qui l'auraient oublié que le gouvernement précédent avait décidé 20 milliards d'impôts supplémentaires en 2011 et 13 en 2012. Voilà qui remet les pendules à l'heure.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Quelle autosatisfaction.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Sans loi de finances rectificative pour 2012, le déficit nominal aurait gravement dérapé. En 2011, 5,3 % ; en 2012, 4,8 %, parce que nous avons pris les mesures nécessaires.
Le décalage de 0,3 point avec notre objectif initial s'explique largement par la recapitalisation de Dexia et la prise en compte de dépenses liées au budget européen, comme ce sera le cas en 2013. Nicolas Sarkozy, en novembre 2012, adressait, avec d'autres conservateurs de l'Union européenne, une lettre à la Commission européenne pour raboter les crédits de paiements européens, qui a conduit à un déficit du budget de l'Union européenne, qui mettait en péril Erasmus et les fonds structurels. Il a fallu un collectif d'automne pour abonder le budget de l'Union européenne.
Cet écart de 0,3 point s'explique aussi par le décalage entre la croissance constatée et nos prévisions. Malgré cela, le déficit structurel s'est réduit de 1,2 point en 2012 et le déficit nominal a reculé. Il n'y a pas lieu de considérer que nous n'atteindrons pas nos prévisions de redressement structurel, à un niveau jamais connu jusqu'à présent : le déficit structurel aura atteint, en 2013, le niveau qu'il avait en 2007.
M. Francis Delattre. - On n'y croit pas.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Les dépenses déraperaient après des années de maîtrise ? Entre 2007 et 2012, la dépense publique a dérapé de 172 milliards. La RGPP a produit une économie nette de 12 milliards, redistribués pour 1,9 milliard en mesures catégorielles. Soit 2 milliards d'économies par an, à mettre en regard des 172 milliards évoqués.
Entre 2007 et 2012, la dépense publique a augmenté de 1,7 % par an. En 2012, elle augmente de 0,7 % en volume et en 2013, le chiffre devrait s'établir à 0,5 %. Le rapport est donc de un à quatre. C'est considérable. Je comprends donc mal les leçons que ne cesse de nous donner l'opposition.
M. Francis Delattre. - Et la crise ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - En 2013, la dépense publique de l'État diminuera de 1,7 %. Les dépenses de l'Ondam, en 2012, ont été sous-exécutées à hauteur de 1 milliard et, en 2013, nous sommes 200 milliards au-dessous de l'objectif. Nous voulons, en 2014, aller au-delà. On nous reproche souvent de ne pas faire d'économies.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Il n'y a que Mme Batho qui vous le reproche. (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Yves Daudigny. - C'est déplacé !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Témoignage que nous faisons bien des économies.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Que vos amis vous reprochent. On attend le suivant sur la liste.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous ne supportez pas...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est vous qui ne supportez pas qu'il y ait une opposition !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - ...que l'on s'occupe des déficits. J'ai participé à un débat avec M. Fillon. Je lui parle de 2,5 milliards sur la branche famille. Il me dit : « surtout pas ! ».
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous êtes parfaits, infaillibles.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Tout à l'heure, les questions télévisées qui émanaient de vos rangs portaient toutes sur des refus de faire telle ou telle économie.
M. Francis Delattre. - Le train modulaire pour Cherbourg était une promesse.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Certes, mais non financée ! Faire des annonces non financées, c'est à la portée de tout le monde ; la responsabilité, c'est de faire des propositions réalistes, financées, pour nos infrastructures de transport.
M. Claude Dilain. - Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous contestez nos économies sur l'État et sur les collectivités territoriales, quand vous vouliez les réduire à quia.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est un exposé polémique, pas du niveau ministériel.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Le déficit des opérateurs ? Il a filé, avec vous, de 6 %. Il recule, avec nous, de 4 %. Mais vous contestez aussi ces économies.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous ne supportez pas nos questions.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous contestez une à une toutes nos économies et vous réclamez qu'on en fasse davantage. Où est la cohérence ? Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale : les économies seront là en 2014. Il vous faudra bien les constater et nous dire, si vous n'êtes pas d'accord, ce que vous proposez d'autre.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Quelle dialectique perverse !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Nous, ce n'est pas une logique de rabot que nous mettons en oeuvre car nous ne voulons pas obérer la croissance. Nous augmentons les financements de postes prioritaires, comme l'éducation nationale et la justice.
M. Francis Delattre. - Parlons-en ! Ce n'est pas financé !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Nous créons des emplois là où il y en a besoin, pour l'école, pour la sécurité ; nous donnons des moyens au service de l'emploi. Nous faisons en sorte de remplir nos engagements.
Cette politique est simple à concevoir, difficile à mettre en oeuvre car il faut du courage.
M. Francis Delattre. - Oui, il faut parfois du courage...
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Telle est notre politique.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Quel monument d'autosatisfaction !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Je forme le voeu que notre débat de cet après-midi soit l'occasion d'aborder toutes les questions. Qu'il soit à la hauteur du redressement que les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. Yves Daudigny. - La démonstration est implacable.
M. Francis Delattre, rapporteur. - Elle ne convainc pas le Front de gauche.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - Les responsabilités sont partagées sur l'exercice 2012, compte tenu du changement de majorité. L'article liminaire, nouveauté, rend compte de notre trajectoire structurelle. Le Haut conseil des finances publiques pourra ainsi constater s'il y a un écart avec la trajectoire, auquel cas le Gouvernement devra en tenir compte. Tel est le nouveau rôle, important, qu'aura, demain, la loi de règlement.
2012 ne fut pas une année facile. Après le rebond consécutif aux mesures de relance engagées en 2008, la croissance a rechuté, alors que déficit et dette étaient notre héritage. Le retournement de la conjoncture a surpris tout le monde au second semestre, y compris la Commission européenne. Le phénomène, généralisé en Europe, a eu un effet cumulatif. Des erreurs ont été commises en Europe : l'austérité ne saurait être le seul horizon. Or, nous l'avons eue en héritage. Nous peinons à sortir de la récession. Au regard de ces conditions difficiles, le redressement engagé, s'il reste encore modeste, est très significatif. Ainsi, les comparaisons avec 2011 n'ont pas grand sens. En 2012, l'effort structurel a bien été de 1,1 %.
S'agissant du budget de l'État, les choix du Gouvernement étaient justifiés car il n'était pas possible de faire des économies dans l'urgence. Les mesures prises à l'été 2012 ont permis de réduire les déficits.
Les recettes fiscales nettes ont progressé de plus de 13 milliards. Sans mesures nouvelles, le rendement de l'impôt aurait diminué. Il faut donc tenir compte de l'élasticité des recettes fiscales.
Les dépenses de l'État ont été plus faibles en 2012 qu'en 2011 : c'est historique. Le pilotage a été très exigeant, avec une mise en réserve de 1,6 milliard de plus. Je vois dans cette performance notre volonté d'en revenir à l'équilibre structurel en 2017. L'exercice 2012 est riche d'enseignement, notamment pour 2013 qui se présente sous des auspices comparables.
Le redressement de nos comptes ne doit pas nous faire oublier nos priorités en faveur des jeunes et des plus fragiles.
Nous ne pouvons définir notre politique en fonction des dernières statistiques, souvent disponibles fort tard dans l'année. Nous refermons le livre budgétaire de 2012 qui a posé les jalons du redressement des finances publiques.
La commission des finances invite le Sénat à adopter ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. Yvon Collin . - L'année 2012 a été particulière puisque la majorité a changé en milieu d'année. En outre, le Haut conseil des finances publiques s'est prononcé pour la première fois sur ce budget. L'écart constaté ne peut être qualifié d'important au sens de la Lolf. La Cour des comptes a formulé cinq « réserves substantielles », contre treize précédemment. Pourtant, le déficit reste trop élevé, du fait d'une croissance atone.
M. Migaud a fait part de son inquiétude. Pour lui, la réduction du déficit n'est pas assez marquée. Le rendement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA est moindre que prévu. Rappelons tout de même que, sur les 22 milliards de hausses d'impôt en 2012, 15 avaient été décidées par la majorité précédente. Le caractère erratique des recettes de TVA est préoccupant : on n'a pas trouvé d'explication satisfaisante à 1,3 milliard de moins-value.
Sur la maîtrise des dépenses de l'État, il faut faire preuve de prudence car une bonne part de la diminution de dépenses pour 2012 résulte de l'annulation de crédits gelés. Il est vrai toutefois que la recapitalisation de Dexia a pesé lourd. Nos dépenses publiques ne sont, hélas, pas des plus efficaces, comme le montrent les statistiques européennes.
Si personne ne peut nous dicter la nature de notre politique économique, la France a besoin de réformes et les générations futures vous en seront reconnaissantes. Les augmentations de prélèvement ont lourdement pesé sur le moral des ménages et sur la consommation, il est donc indispensable de réduire les dépenses.
Le Gouvernement doit gagner la bataille de la croissance et de l'emploi. C'est pourquoi la grande majorité du groupe du RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. André Gattolin . - Ce débat permet d'avoir un regard critique sur la loi de finances pour 2012. Cette année-là ne fut pas banale, il s'agit d'une année de transition et elle marque la fin de la RGPP, remplacée par la MAP. De nouvelles normes comptables internationales vont entrer en vigueur. M. Migaud a alerté les élus sur ces normes complexes, instables et inadaptées aux spécificités des comptes publics. Elles ne sont donc pas légitimes à s'appliquer aux finances de l'État.
M. le Ministre a évoqué la faiblesse de la croissance pour expliquer les résultats de 2012.
Mais miser sur une hausse de la croissance est illusoire. Voyez les déclarations de M. Placé.
Le Gouvernement a affirmé son soutien aux PME, grâce à la BPI, mais nous sommes sceptiques à propos du CICE. Nous nous réjouissons de la compensation des charges transférées dans le cadre de la décentralisation, qui encourage l'investissement en milieu rural, et des 25 millions versés au fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts toxiques. Je salue les crédits supplémentaires alloués à la mission Sécurité.
J'en viens aux arbitrages plus polémiques. Le Gouvernement ne semble pas avoir d'ambition pour l'écologie. Malgré la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'amorcer la transition énergétique, rien n'est fait pour le ferroviaire, la biodiversité, les énergies. Le budget de la défense ne peut non plus nous convenir. Voyez d'ailleurs les critiques de la Cour des comptes à ce sujet.
Gels et surgels de crédits risquent de frapper les politiques publiques de façon indifférenciée au lieu de cibler des priorités.
J'en viens aux recettes. Les électeurs qui ont voté pour la nouvelle majorité ne sont pas hostiles à l'impôt, si la solidarité est irréprochable. Nous devons nous concentrer sur cette exigence.
2012 a été l'année de la rupture, mais aussi de la continuité, avec la hausse de la TVA et l'effort porté sur la productivité. Le Gouvernement a choisi de ne pas ajouter l'austérité à la récession....
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Il a bien fait !
M. André Gattolin. - ...mais de la rigueur à l'austérité, il n'y a qu'un pas.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Mais le ministre veille !
M. André Gattolin. - Le groupe écologiste vous réitère sa confiance et se félicite que la Cour des comptes n'ait eu que peu à redire sur cette loi de finances. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, applaudit aussi)
M. Francis Delattre . - La France a toujours été un pays de rhétorique et, avec le Gouvernement actuel, l'action suit rarement les paroles prononcées lors des prime time télévisuels.
Le Gouvernement met toute son énergie dans la communication. Avec des prélèvements qui s'élèvent à 45,6 % du PIB et des dépenses publiques qui en représentent 56 %, nous avons dépassé le Danemark et nous sommes en tête des pays de l'OCDE, et nous nous éloignons encore un peu plus de l'Allemagne.
Au Sénat, nous avons assisté au retour d'un jacobinisme d'un autre temps et entendu des ressentiments, peu républicains, contre vos prédécesseurs et contre ceux qui assurent le bien-être de la nation, les entrepreneurs qui affrontent les risques mondiaux. La stigmatisation des riches repose sur un concept dépassé de l'exploitation. Mon ennemi, c'est la finance, disait en son temps François Hollande. Le projet de régulation bancaire porte plus la marque des Visiteurs du soir que le sceau du hallebardier du Bourget. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, apprécie)
Le ministre est satisfait alors que tous les voyants sont au rouge. La Cour des comptes et le Haut conseil des finances publiques vous mettent en garde mais vous estimez que tout va bien et qu'un collectif serait superflu.
La gauche est forte où le peuple est faible. Le Gouvernement présente un premier bilan qui démontre que le socialisme n'arrive plus à traiter la question sociale.
Le parti socialiste se transforme en parti sociétal et se révèle incapable d'assumer des réformes de structures indispensables au pays. Cet attentisme, qui marque le triomphe à peine discret des égoïsmes, nous conduit à la récession. Comment comprendre cette gouvernance qui stigmatise sans cesse et repousse à plus tard les décisions ? Douze mois à différer, louvoyer, commander des rapports à des comités Théodule alors que la variable temps est décisive ? Comment comprendre qu'un rapport demandé sur la compétitivité soit combattu avant même sa publication ?
Faute d'étude d'impact, le CICE ne s'adresse pas aux emplois délocalisables mais à la grande distribution et aux entreprises publiques.
Que penser de la BPI qui est devenue une priorité absolue ? Croyez-vous que ses 20 à 40 millions de prêts suffiront quand les banques prêtent aux entreprises 1 000 milliards par an ? Les treize énarques placés à sa tête n'y changent rien, sans parler des locaux somptueux, des dépenses de communication... !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - L'austérité n'est pas pour tout le monde.
M. Francis Delattre. - Que penser de la taxation à 60 % de la cession des entreprises, qui fait fuir nos talents ? Que penser de la transparence sans cesse proclamée quand la Cour des comptes signale qu'elle n'a pu obtenir les prévisions de la direction du trésor et de la direction du budget sur l'exécution du budget de l'État ?
Il y a là un glissement à la grecque bien inquiétant... Est-ce là l'apanage d'un État transparent, monsieur le ministre ? Que penser d'un Gouvernement qui refuse un collectif alors qu'il est indispensable pour prendre en compte le dérapage actuel avec moins de recettes fiscales et plus de dépenses de l'État ? Que penser d'un Gouvernement qui oublie la baisse historique du pouvoir d'achat des Français ?
La loi qui doit garantir les dépôts ne le fait pas puisque son article 6 en autorise l'utilisation pour des recapitalisations bancaires : les déposants pourraient ainsi perdre leurs dépôts sans qu'ils en soient informés.
La mondialisation impose un partage des richesses qui suppose l'égalité de la consommation et du travail. En d'autres termes, nous ne pouvons plus consommer davantage que nous ne produisons.
Avec le matraquage fiscal, les entreprises ne peuvent plus investir. Je félicite notre rapporteur général sur sa dextérité à manier le concept de solde structurel. Pourtant, les emprunts se succèdent et un point d'intérêt en plus augmente le poids de la dette de 2 milliards par an. Qui se souvient des annonces de M. Moscovici du respect des engagements de la France sur les fameux 3 % ? Que penser des déclarations de François Hollande annonçant une trêve fiscale ? Que penser de cet héroïsme vanté par le Gouvernement dans les médias parce que, ayant hérité d'une situation gravissime, il a réduit, très modestement admet la Cour des comptes, le déficit de l'État mais en augmentant les impôts de 22 milliards ?
L'amorce du redressement des comptes repose sur une fiscalité supplémentaire, sans réduction des dépenses. Notre dette a augmenté de 4 %, contre 2 % en Europe. Pourtant, nos services publics ne sont pas meilleurs qu'en Allemagne.
La diminution des recettes fiscales signe votre échec. Naturellement, vous allez évoquer l'héritage ; pourtant, vous avez supprimé la TVA sociale qui aurait permis de doper la compétitivité des entreprises. Le CICE a été crée pour remplacer ce que vous avez supprimé. Comprenne qui pourra.
Nous sommes bien éloignés du choc de compétitivité évoqué il y a peu. La Cour des comptes estime que le CICE coûtera 7 milliards.
La pression fiscale a entraîné la baisse de la consommation, d'où 5,7 milliards de TVA en moins sur 2012, et réduit les investissements des entreprises dont taux de marge est le plus bas depuis 1983. L'impôt sur les sociétés a diminué aussi.
Le redressement appelle des réformes structurelles et courageuses. En misant tout sur l'impôt, le rendement fiscal diminue. C'est la courbe de Laffer : trop d'impôt tue l'impôt.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - La courbe de Laffer, ce n'est pas ça !
M. Francis Delattre. - Cette situation est imputable à vos choix.
Avant la crise de 2008, nous avons tous été coresponsables du manque de vertu budgétaire. En revanche, après, des efforts sans précédents ont été accomplis. Les socialistes jugeaient le plan de relance voulu par Nicolas Sarkozy insuffisant, trop timide. Il a néanmoins permis à la France de mieux résister à la crise que l'Allemagne.
M. Moscovici a dit, il y a deux jours à l'Assemblée nationale, « la crédibilité doit rester notre seule boussole ». Mais c'est raté car vous n'avez respecté aucun de vos objectifs. La dette explose désormais. Après l'explosion du déficit public en 2009, tous les objectifs transmis à Bruxelles ont été atteints, et même dépassés.
Il y a un an, dans sa déclaration de politique générale, M. Ayrault annonçait le redressement dans la justice. Mais l'amorce du redressement est cassée et ce sont les plus fragiles qui souffrent de votre impéritie.
M. Michel Berson. - Tout en nuances !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Comme le ministre !
M. Francis Delattre. - Comme vous n'avez pas respecté vos engagements, poussant le peuple de France vers une paupérisation rampante (on ironise à gauche), le groupe UMP ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-France Beaufils . - En mai 2012, les Français ont signifié le rejet de la politique menée par la droite depuis dix ans et ont demandé à la gauche de mener une politique nouvelle.
L'exercice budgétaire 2012 a été le premier acte du Gouvernement mais si la loi de finances rectificative de juillet 2012 apportait de la justice fiscale, le collectif de fin d'année comportait l'augmentation de la TVA et le CICE, qui ne répond pas aux besoins de l'économie.
De juillet à décembre, nous avons assisté à un raccourci de la politique du Gouvernement. Après des mesures de justice fiscale et sociale, le Gouvernement a freiné, pour caler devant le mouvement des patrons « pigeons », qui a coûté 750 millions.
Le Gouvernement veut réduire les déficits mais ce n'est pas contrebalancé par un effet positif de la dépense publique. A l'origine, la croissance devait être de 1 %. Elle s'est révélée nulle.
La baisse du taux de marge des entreprises, la moindre productivité du travail ne sont pas dues à une soudaine paresse des salariés mais aux pratiques d'externalisation de certaines entreprises. Il faut mettre un terme au gaspillage des fonds publics versés aux entreprises. Il est donc grand temps de changer votre fusil d'épaule pour combattre le chômage.
Certains voudront justifier la logique d'austérité voulue par la Commission européenne mais cela crée l'incompréhension chez nos compatriotes. Le déficit public est de 87 milliards mais une vraie réforme fiscale est nécessaire. Finissons-en avec la TVA déductible.
Les entreprises perçoivent 110 milliards d'aides diverses. Il y a un problème de réduction des recettes publiques davantage que d'excès des dépenses. Pour imposer le recours à l'assurance maladie privée et à la retraite par capitalisation, il faut en passer par une phase de destruction des politiques publiques de solidarité. Nous proposons d'inverser cette tendance. Une profonde réforme fiscale est nécessaire et les investissements publics sont indispensables. L'argent existe. Luttons contre l'évasion fiscale. Des dizaines de milliards ont été laissés au bon vouloir des banques avec les livrets A et de développement durable. La BPI devra être un véritable établissement de crédit.
Nous nous abstiendrons donc sur cette loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Vincent Delahaye . - M. le ministre a exposé les points positifs de cette loi de règlement. Nos comptes sont certifiés, c'est bien. Vous estimez que la situation financière s'améliore, soit. Vous voyez le verre à moitié plein, je vais vous dire pourquoi je le vois à moitié vide.
Premier signal d'alerte : le déficit à 87,2 milliards, soit trois mois de dépenses de l'État, financés à crédit. Nous sommes les mauvais élèves de l'Europe.
Deuxième signal d'alarme : la dette. Nous en sommes à 1 834 milliards, soit 70 000 euros par ménage. En 2012, les taux d'intérêt étaient très bas, ce qui a permis d'économiser 2 milliards. Je ne suis pas sûr que la situation perdure. Des tensions se manifestent sur le marché obligataire. Cette épée de Damoclès pèse sur nos comptes. On ne pourra pas, demain, accuser les marchés.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien.
M. Vincent Delahaye. - Troisième signal d'alarme : les impôts. Nous n'avons jamais été aussi hauts. L'effet récessif est bien plus élevé que la baisse des dépenses.
Il faudrait donc baisser les dépenses de l'État en priorité. J'appelle de mes voeux une réforme fiscale pour un choc de simplification, pour retrouver une fiscalité économiquement efficace et socialement juste.
Quatrième signal d'alarme : les engagements hors-bilan, évalués à 3 000 milliards. En dix ans, ils ont été multipliés par trois. Par exemple, la dette envers EDF se monterait à 4,9 milliards. Il aurait été sincère de retrouver cette dette dans les comptes de l'État mais ce n'est pas le cas. Où est la sincérité des comptes ?
L'Unedic se dirige vers 20 milliards de dettes. Quelles limites le Gouvernement va-t-il fixer aux partenaires sociaux ?
RFF compte 31,3 milliards de dette. Or, nulle trace de celle-ci dans les comptes de l'État.
Exhaustivité, sincérité, on peut se poser des questions. J'insiste, enfin, sur deux notions récentes, qui me surprennent. Celle de « nouvelles économies », d'abord. Les finances publiques pour les nuls auraient du mal à les expliquer. Certes, les dépenses publiques suivent les évolutions de l'inflation mais pourrez-vous tenir ce discours à ceux qui se serrent la ceinture ? Celle qui distingue déficit structurel et déficit conjoncturel, lequel augmente, comme le signale la Cour des comptes.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Pas du tout !
M. Vincent Delahaye. - Sur quelles bases est déterminé le déficit conjoncturel ? Car je crois que si des réformes structurelles ne sont pas prises, la croissance restera très faible et si le déficit conjoncturel, alors, diminuera, le déficit structurel explosera.
Tels sont nos doutes et c'est pourquoi nous voterons contre cette loi de règlement. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien !
Mme Michèle André . - L'exercice budgétaire de 2012 est particulier. Il nous permet enfin d'en finir avec la confrontation des bilans, puisqu'elle nous permet de nous déterminer sur pièces.
C'est sur des résultats que l'on peut répondre aux critiques caricaturales. En 2012, le déficit budgétaire a été réduit. Les prévisions de croissance avaient été largement surestimées par la droite, au point que, sans correction, le déficit allait atteindre des sommets. L'effort que nous avons réalisé est le plus important depuis quinze ans.
Le précédent gouvernement n'avait prévu aucune mesure d'économie, alors qu'il était évident que l'objectif ne pouvait être tenu.
La dépense, grâce à nos corrections, n'a pas dérapé, comme le souligne la Cour des comptes. Selon la norme zéro volume, c'est une baisse de 100 millions. C'est une première historique. Nous avons su être réactifs, à l'été, grâce à un surgel de 1,2 milliard, corrigeant des anticipations éronnées.
Les objectifs que nous nous sommes fixés sont ambitieux : pas plus de 0,5 % par an sur le quinquennat, alors que la dépense publique a augmenté de 2 % en moyenne ces dix dernières années. La masse salariale a été quasi-stabilisée, ne progressant que de 0,1 %.
Nous aurions abandonné la RGPP en dépit de ses glorieux résultats. Mais elle n'a produit que 2 milliards d'économies, quand nous en trouvons 10 en 2013 et même 14 pour 2014. L'effort a été porté sur les recettes dans un premier temps car il est moins récessif que sur les dépenses. Nous avons engagé un processus de modernisation de l'action publique, sachant que tout ne se fera pas en un jour. J'ai trop souffert, comme rapporteure du budget des administrations territoriales de l'État, des coupes aveugles sous le précédent quinquennat, dont souffrent encore nos territoires.
L'effort fiscal demandé aux Français -ce sempiternel procès en matraquage fiscal !- a certes été conséquent mais sur 14 milliards de hausse d'impôt, les deux tiers vous sont imputables. (Exclamations à droite)
M. Francis Delattre. - C'est vrai, vous avez baissé les impôts !
Mme Michèle André. - Les mesures votées à l'été puis l'hiver 2012 ont été guidées par un souci de progressivité et d'équité. La justice fiscale est notre ligne directrice.
J'en viens à la dette. J'appelle la droite à faire une analyse des dix ans d'endettement qui lui sont imputables.
L'exercice 2012 a marqué le cap que nous souhaitons dans la gestion des finances. Le Conseil des prélèvements obligatoires vient de rendre un rapport sur la fiscalité affectée aux opérateurs : il faudra y travailler. Nous aurons aussi à nous pencher sur les dépenses fiscales dans la prochaine loi de finances.
Ce projet de loi de règlement est tout sauf un exercice formel : nous voterons ce texte.
M. Jean-Yves Leconte . - Je ne suis pas membre de la commission des finances mais souhaitais émettre quelques observations, en particulier pour répondre à M. Delattre. En dix ans, 600 milliards de dette de plus et 2 % de dérapage par an. L'effet redistributif de l'impôt mis en cause, une atteinte portée aux entreprises, avec une balance commerciale atteignant, en 2011, un record de déficit de 70 milliards.
M. Philippe Dallier. - Et la plus belle crise que l'on n'ait jamais connue !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Voilà la vérité.
M. Jean-Yves Leconte. - Si l'on se compare à nos partenaires, il en est, comme la Suède, où les prélèvements sont plus importants mais la dette inférieure -ou l'inverse. Le bilan de dix ans d'UMP, c'est une dette et des déficits plus importants, aucune marge de manoeuvre. Un peu d'humilité de sa part serait bienvenue...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous tenez votre bouc émissaire, cela vous permet de faire un discours.
M. Francis Delattre. - Souvenez-vous de Jospin. C'est le gouvernement qui a le plus privatisé.
M. Jean-Yves Leconte. - Et nos entreprises ne sont plus capables de produire et de réagir à une éventuelle stimulation de la consommation... Tel est votre bilan.
M. Francis Delattre. - Un bilan bégayant.
M. Jean-Yves Leconte. - En 2012, que constate-t-on ? Les impôts sont moins rentables qu'auparavant. Les entreprises subissent des tensions de trésorerie qui poussent à des demandes de remboursement anticipé de TVA bien plus importantes. Malgré tout, grâce aux efforts du Gouvernement, le déficit a été ramené à 4,8%.
Une question tout d'abord : la Lolf est-elle l'outil le plus adapté pour orienter les économies ? Pour baisser les dépenses, il faut baisser l'emploi public, voilà son dogme. Mais si j'en crois la lettre de M. Migaud à Laurent Fabius, la baisse des emplois entraîne une augmentation des dépenses de fonctionnement, via l'externalisation. Baisser les postes, c'est aussi baisser les capacités d'engranger des recettes. Un employé du service des visas rapporte 500 000 euros. Et pourtant, il en manque. Pourquoi supprimer des postes qui ne coûtent rien et renforcent notre influence ? Dans la même veine, le plafonnement des taxes dédiées n'a généré que 100 millions au lieu des 414 attendus. Si la MAP prend en compte ces observations, alors les économies seront au rendez-vous.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce seront donc des économies indolores.
Mme Michèle André. - Il n'y a pas d'économies indolores. Croyez-en une Auvergnate ! (Sourires)
M. Jean-Yves Leconte. - Attention, aussi, à ne pas privilégier le court terme au détriment du long terme. Vendre la Maison de France à Berlin l'année du 50e anniversaire du traité de l'Élysée n'est pas ce que l'on a fait de mieux...
Autre préoccupation, le hors-bilan. En 2012, nous avons apporté plus de 100 milliards d'engagements pour stabiliser l'euro et lutter contre la spéculation. Mais la création du MES a été rendu nécessaire par l'absence d'union et de supervision bancaires. Si les normes comptabilisant le hors-bilan ne sont pas homogènes en Europe, il y a danger.
Le sérieux budgétaire, c'est s'attaquer aux fondements de la crise plutôt que créer une nouvelle bulle par la création de monnaie. La croissance ne viendra peut-être pas des BRIC mais de chez nous si l'on fait de l'Europe la solution plutôt qu'un bouc émissaire, si l'on réoriente la fiscalité pour la rendre plus juste. C'est ce que fait ce gouvernement, et nous l'appuierons. Le groupe socialiste votera la loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances . - Nous vivons une séquence étrange. Le sujet, l'orientation des finances publiques, va être abordé pauvrement, en soirée, et ne sera pas conclu par un vote. Voyez ce qui se fait à l'étranger. En 2011, période tant honnie par les dirigeants d'aujourd'hui, le Sénat s'était exprimé par un vote. Tel ne sera pas le cas aujourd'hui. En revanche, nous allons émettre un vote sur le passé. Les chiffres étant les chiffres, dans un monde normal, tout le monde devrait voter un arrêté de comptes -même si, dans mon conseil municipal, l'opposition ne le fait pas...
M. Michel Berson. - Elle doit avoir de bonnes raisons !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Dans ce même monde normal, un vote sur l'avenir s'imposerait...
Quelle attitude prendre ? Quand je vous ai entendu, monsieur le ministre, discourir avec tant d'autosatisfaction, formulant les questions de l'opposition et donnant les réponses, faisant preuve d'une telle assurance dans une situation pourtant critique, avec un chômage qui augmente, des comptes qui dérapent et un endettement préoccupant, j'ai pensé que je ne pouvais pas ne pas suivre mes collègues de l'opposition qui concluent au rejet de la loi de règlement.
Vous avez plaidé la transparence. La transparence quand le Gouvernement n'expose pas ses prévisions de cadrage macro-économique ? Un collectif devrait intervenir, fut-ce au risque de voir démissionner plus de ministres encore, pour assumer l'évolution de la situation... Vous ne voulez pas le faire et vous plaidez la transparence ?
Vous avez obtenu, vous vous en targuez, un sursis de deux années de la Commission européenne. C'est la plus mauvaise nouvelle que nous pouvions attendre... Pourtant, vous en restez à vos estimations du passé, alors que tous s'accordent sur une estimation de 3,5 % à 2014. Quel est donc, monsieur le ministre, votre objectif de déficit public ? Où est la transparence ? Il reste pour le moins des noyaux d'opacité...
Les efforts en matière de dépense publique ? Ils ont été engagés à la fin du quinquennat précédent et se poursuivent. Mais vous prétendez arriver, en 2014, à une progression en volume de 0,5 %. Je ne suis pas sûr que la répartition de l'effort apparaisse de façon bien transparente. Les opérateurs et les collectivités territoriales en portent une part disproportionnée : c'est un point qui mérite discussion. Transparence aussi sur le rendement des recettes publiques. Alors que la conjoncture est difficile, que l'état des marché est aléatoire malgré les efforts de la BCE, alors que le retour sur les marchés financiers des pays de la périphérie devient plus délicat, alors que des points d'interrogation lourds continuent de peser sur le Portugal et la Grèce, ne serait-il pas dans l'intérêt de notre pays d'assumer clairement l'état de ses finances publiques, sauf à prendre, à force de biaiser, des risques supplémentaires ? Pourquoi ne pas assumer une loi de finances rectificative ?
La technicité de nos finances publiques rend, il est vrai, plus compliqué l'examen par le Parlement. La loi organique découlant du MES, que l'opposition a votée, nous appelle à raisonner en soldes structurel et conjoncturel. Avec Jean Arthuis, en notre temps, nous avions alerté sur la complexité des méthodes qui seraient difficiles à faire comprendre à nos concitoyens ; mais c'est bien la réalité dans laquelle nous sommes aujourd'hui, certes nécessaire pour permettre de comparer mais qui exigerait davantage de pédagogie. Et la possibilité de raisonner, aussi, en solde nominal, en dépenses nominales, pour la bonne compréhension de tous.
La transparence a encore beaucoup de progrès à faire, on le voit, et c'est pourquoi je me prononcerai contre ce texte. Les temps sont certes difficiles mais ce n'est pas en biaisant que l'on sortira de l'ornière, ni en laissant filer les dépenses en 2013 qu'on les maîtrisera mieux en 2014, bien au contraire. Comme le disait Mme André, il n'est pas d'économies indolores. Mais il faudra bien les faire. J'espère en tout cas du Gouvernement une feuille de route plus claire. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué . - Merci pour ce débat qui a vu s'exprimer toutes les sensibilités.
Je reviens sur la question de la transparence. Je trouve mon inspiration, monsieur Marini, dans la démarche de Pierre Mendès France. Je considère que la vérité existe et que nous la devons au Parlement. Il est des procès qui ne se justifient qu'appuyés par des preuves. Or il y a les rapports de la Cour des comptes et celui du Haut conseil des finances publiques, qui disent des choses contraires à celles que vous affirmez sur les déficits. A vous entendre, nous serions des joueurs de bonneteau qui mélangeraient déficit structurel, déficit conjoncturel et déficit nominal, qui nieraient leur augmentation. Voici donc quelques chiffres.
En 2012, solde structurel : 3,9 %, contre 5 % en 2011 ; pour 2013, 2,2% et 1,2% en 2014. Solde conjoncturel : en 2012, 0,8 ; en 2013, 1,4et en 2014, 1,6. Solde nominal : 5,3 en 2011 ; 4,8 en 2012 ; entre 3,7 et 4 en 2013 et 2,9 en 2014 si les efforts sont poursuivis. Au-delà de toute considération polémique, voilà les chiffres. Comment pouvez-vous dire que les déficits augmentent et que nous jouons les prestidigitateurs ? Il y a dix jours, votre collègue Gilles Carrez, qui, comme président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, doit garder son sang froid et éviter la polémique, nous a accusés de dissimulation lors d'une conférence de presse où n'étaient présents que des parlementaires de l'opposition. Je ne peux pas l'accepter parce que ce n'est pas la vérité. Vous dites que les déficits augmentent : c'est faux.
M. Francis Delattre. - C'est pourtant ce que dit la Cour des comptes !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - J'ai parlé de dérapage.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Je rappelle que l'hypothèse de croissance a beaucoup varié, sous votre Gouvernement, pour 2012. Quand vous évoquez le manque de transparence, vous omettez de rappeler qu'en période de crise et de grande incertitude, il est normal qu'existe un décalage entre les hypothèses de croissance sur lesquelles sont fondées les lois de finance et la croissance constatée...
Je ne puis accepter ces procès d'intention alors que tous les chiffres sont à votre disposition et que nous n'avons pas ménagé notre temps pour venir, M. Moscovici et moi-même, nous en expliquer devant vous.
Vous refusez de voter la loi de règlement. Je comprends la posture mais pas les motivations. Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le risque de dérapage était de 2 milliards et les recettes étaient sous-évaluées. Pour tenir nos objectifs, nous avons pris les mesures correctrices qui s'imposaient, maintenu les crédits gelés et procédé à des hausses d'impôt. Si nous ne les avions pas prises, le déficit aurait été de 5,3 % et non de 4,8 %. Expliquant la dégradation du déficit nominal, il y a des dépenses exceptionnelles -Dexia, l'abondement du budget de l'Union européenne qui avait été manifestement sous-évalué. Je n'y reviens pas. Le décalage entre le niveau des crédits de paiement et les sommes réellement dépensées est criant dans le budget communautaire.
J'appelle à plus de rigueur dans nos débats. Et plus de sincérité. Je remercie les orateurs de la majorité qui ont fait la lumière sur nos efforts de gestion, y compris pour l'assurance maladie, au point que les dépenses de l'État, dette et pensions comprises, diminuent, pour la première fois sous la Ve République, de 300 millions.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article liminaire est adopté puis, successivement, les articles premier à 9.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Je précise qu'il s'agit d'une loi de règlement et que, dans sa sagesse, la commission des finances a proposé, à la majorité, son adoption. Sachant que le bilan résulte d'une double gestion, il serait raisonnable de donner, ensemble, quitus.
L'ensemble du projet de règlement est mis aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l'adoption | 155 |
Contre | 169 |
Le Sénat n'a pas adopté.