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Table des matières
Décision du Conseil constitutionnel
Question prioritaire de constitutionnalité
Commissions (Démissions - Candidatures)
Avenir des librairies indépendantes
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
Permis de recherche d'hydrocarbures
Pourquoi exclure la lutte des Jeux olympiques en 2020
Entretien des autoroutes franciliennes
Litiges familiaux transfrontaliers
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Section professionnelle au lycée de Masevaux
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale
Redevance pour prélèvement d'eau
Comment harmoniser le tri des ordures ménagères ?
Comment lutter contre les éco-mafias ?
Offre alimentaire en outre-mer
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer
M. Michel Vergoz, rapporteur de la commission des affaires sociales
Zone des cinquante pas géométriques
Hommage à une délégation thaïlandaise
Zone des cinquante pas géométriques (Suite)
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer
Refondation de l'école de la République
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale
Mme Françoise Cartron, rapporteure de la commission de la culture
Mme Claire-Lise Campion, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales
M. Claude Haut, rapporteur pour avis de la commission des finances
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture
SÉANCE
du mardi 21 mai 2013
100e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : M. Jean Desessard, Mme Marie-Noëlle Lienemann.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du vendredi 17 mai 2013, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 17 mai 2013, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 (indication du texte de loi applicable à la poursuite).
Commissions (Démissions - Candidatures)
M. le président. - J'ai reçu avis de la démission de M. Paul Vergès, comme membre de la commission des affaires étrangères, et de M. Michel Billout, comme membre de la commission du développement durable.
J'informe le Sénat que le groupe CRC a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger à la commission des affaires étrangères, en remplacement de M. Paul Vergès, démissionnaire, et à la commission du développement durable, en remplacement de M. Michel Billout, démissionnaire.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-neuf questions orales.
CAF du Nord
Mme Valérie Létard . - Je suis heureuse de vous poser aujourd'hui cette question, n'ayant pu rejoindre Paris le 12 mars dernier en raison des intempéries. La situation de la caisse d'allocations familiales (CAF) du Nord ne cesse de se dégrader : fermée au public tous les jeudis, elle ne parvient pas à rattraper son retard. Tous les indicateurs sont au rouge, exception faite du traitement du RSA. La départementalisation a accouché -comme je l'avais craint- d'un monstre administratif... La nouvelle organisation centralisée alourdit le fonctionnement et allonge le temps de décision. Or, le nombre d'allocataires du RSA augmente sans cesse : 2 100 demandes affluent chaque mois. Le travail avec les partenaires sociaux en pâtit.
Les allocataires sont pénalisés par ce mauvais fonctionnement. Une grande opération de solidarité interservices a permis de traiter le stock mais cela ne suffit pas. Que compte faire l'État, notamment dans le cadre de la négociation de la prochaine convention d'objectifs et de moyens, pour reconnaître la spécificité du Nord ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Il est vrai que la départementalisation des CAF, voulue par le précédent gouvernement, a pris, dans votre département, une ampleur particulière puisqu'elle a conduit, dans le Nord, à réunir huit caisses, créant la plus grande CAF de France. Pour en tenir compte, le Gouvernement lui a permis de conserver une organisation spécifique, sachant que les allocataires bénéficient des mêmes droits sur tout le territoire du département. Je salue les personnels de cette CAF, comme des autres, pour leur travail et leur sens du service public. Cela dit, les difficultés sont réelles. Elles découlent de l'augmentation de la charge de travail, qui va croissant avec la crise. La CAF du Nord a choisi de maintenir l'ensemble des points d'accueil et de permanence sur le territoire. Mais la qualité de l'accueil doit être garantie : c'est un objectif de la prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG).
La CAF s'implique fortement dans la prévention des expulsions locatives et dans la prise en charge adaptée des personnes en fonction de leurs situations de vie.
Je vous donnerai, dans une seconde réponse, des pistes pour alléger cette charge de travail.
Mme Valérie Létard. - Merci de cette réponse mais, dans mon arrondissement, le taux de chômage est passé de 10 % à 16 %, depuis fin 2008, pour 400 000 habitants. Tout le Nord est touché. Les demandes de RSA explosent. Or, la population est très peu mobile : il faut une réelle présence de proximité, sachant que, dans ce département frontalier très long, les territoires sont très différents, les populations précaires très nombreuses. Les huit commissions infra-départementales mènent des politiques de solidarité adaptées et plus que jamais nécessaires, dans le cadre de partenariats construits au fil du temps, qui exigent souplesse et réactivité.
CAF
M. Philippe Madrelle . - Les présidents de CAF s'inquiètent, notamment en Aquitaine, des moyens dont elles disposent face à une charge de travail croissante. La situation ne date pas d'aujourd'hui. Les CAF jouent un rôle majeur en faveur de la solidarité, notamment avec le RSA et l'accueil des jeunes enfants. Or les dépenses de solidarité ne cessent d'augmenter : en Gironde, le nombre d'allocataires a augmenté de 6,6 % en 2012. La CAF n'arrive plus à traiter tous les appels téléphoniques. Les personnels souhaitent pouvoir assumer leurs missions dans de meilleures conditions. Or la surcharge de travail entraîne une dégradation du service public avec la fermeture de points d'accueil et le recours aux heures supplémentaires. Il faut augmenter les effectifs des CAF, avec des emplois pérennes, et simplifier les dossiers afin de réduire les indus de prestations. Pour répondre à notre devoir de solidarité, il faut des services publics performants. Je sais pouvoir compter sur le Gouvernement.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Le Gouvernement ne méconnait pas la hausse de la charge de travail des CAF qu'a entraîné la crise. J'ai reçu les partenaires sociaux, les directeurs de caisse, et j'ai été la première à recevoir les syndicats de personnel. Le rôle des CAF est souvent méconnu du grand public, alors qu'elles jouent un rôle majeur pour les plus fragiles, notamment pour le RSA. L'augmentation de la charge de travail découle surtout de la gestion du RSA. Or tous les départements ne demandent pas la même chose aux CAF pour l'instruction des dossiers : je souhaite une harmonisation de la définition des tâches. Quel est le rôle respectif du conseil général et de la CAF ? Je suis ouverte à des discussions avec les départements sur ce point. Le nombre de dossiers à traiter s'est accru ; même dans les CAF dites les plus performantes, les résultats se détériorent. A la clé, il y a une dégradation des conditions de travail des agents et des conditions d'accueil des allocataires, avec une multiplication des incivilités... La fermeture des guichets d'accueil, même temporaire, ne peut être la réponse...
Mme Valérie Létard. - Certes !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - La future COG est en cours de négociation. En matière d'effectifs, il ne faut pas avoir peur de recourir aux emplois d'avenir. Il faut aussi un vrai travail de simplification, à faire au niveau de l'État mais aussi de la Cnaf. Elle devra faire des propositions en termes de dématérialisation des dossiers, de pièces justificatives, de gestation des prestations. Il faut simplifier concrètement. Cet objectif figurera dans la COG.
M. Philippe Madrelle. - Nous sommes convaincus du rôle vital des CAF pour les usagers. Vos propos sur la simplification et l'harmonisation vont dans le bon sens. Je ne doute pas de la volonté de changement du gouvernement.
Rédacteur territorial
M. Jean-Marc Todeschini . - Les 6 000 lauréats de l'examen professionnel de rédacteur territorial attendent toujours de bénéficier du mécanisme exceptionnel de promotion interne prévu par le décret du 30 décembre 2004. Les « reçus-collés » sont condamnés à rester tout en bas de l'échelle de la fonction publique, entraînant une fuite de compétences. Le décret du 30 juillet 2012 a offert de nouvelles garanties, mais limitées. Pour y parer, certaines collectivités territoriales contournent la loi en procédant à des promotions illégales. Les petites collectivités sont particulièrement pénalisées. Ne faudrait-il pas supprimer la règle de l'interdiction de promotions hors-quota ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Veuillez excuser Mme Lebranchu. Depuis un an, le Gouvernement a souhaité apporter des garanties nouvelles à ces lauréats. L'accès à un grade supérieur par la formation interne est offert à un nombre limité d'agents. Le mécanisme des quotas s'applique à tous les employeurs locaux pour maintenir un équilibre sur tout le territoire. L'accès au grade supérieur n'est jamais un droit. Tous les lauréats de l'examen de rédacteur ne pourront être promus dans un bref délai, compte tenu de leur nombre.
Il n'est pas envisagé de supprimer les quotas mais le décret du 30 juillet 2012 prévoit des dispositions favorables, avec un assouplissement des quotas, susceptible d'entraîner, sur trois ans, la promotion de quelque 9 000 agents de catégorie C. Les petites collectivités, rattachées à un centre de gestion, ne sont pas dans une situation moins favorable que les grandes au regard des quotas, grâce à la gestion mutualisée.
Le Gouvernement continuera à améliorer la situation des agents précaires, sans mettre à mal les grands principes de notre fonction publique, hérités de la Libération. Une évaluation de l'attractivité et de la mobilité est en cours dans le cadre de la modernisation de l'action publique, qui complétera les réponses que nous pouvons apporter aux rédacteurs territoriaux.
M. Jean-Marc Todeschini. - Merci de m'avoir transmis la réponse de votre collègue.
Avenir des librairies indépendantes
M. Michel Teston . - Lors du Salon du livre, le 25 mars, la ministre de la culture a annoncé un plan de soutien en faveur de la librairie. La France compte l'un des réseaux les plus denses du monde, qui garantit l'accès au livre pour tous, grâce à la loi de 1981 sur le prix unique.
Or, le groupe Chapitre veut fermer douze librairies ; Virgin est en grande difficulté. La prochaine fermeture des salles de vente de Lyon et Nantes par Éditis et le GIE Livres diffusion menace encore un peu plus les librairies indépendantes, déjà concurrencées par Amazon ou la grande distribution. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Veuillez excuser Mme Filipetti, actuellement au Festival de Cannes.
Les salles de ventes permettent aux librairies de deuxième ou troisième niveau d'accéder aux nouveautés publiées et de bénéficier de facilités d'approvisionnement. Elles concourent à la densité du réseau de librairies, déterminant pour l'écosystème du livre.
L'avenir de la librairie doit être un enjeu partagé par l'ensemble de la chaîne du livre. L'État accompagne la filière en soutenant le secteur de la librairie, à travers les aides du Centre national du livre ou des directions régionales. Le Gouvernement a engagé une concertation avec tous les acteurs pour rétablir la rentabilité du secteur.
Les mesures les plus urgentes ont été annoncées en mars, lors du Salon du livre, et seront mises en oeuvre courant 2013 : le fonds de soutien... (Mme la ministre s'interrompt, prise d'une quinte de toux)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. - ...sera abondé de 4 millions. Un fonds d'intervention en trésorerie, doté de 5 millions, sera créé. Des mesures complémentaires sont à l'étude : aménagement du cadre des marchés publics, renforcement des moyens alloués au commerce du livre via une contribution exceptionnelle.
M. Michel Teston. - Merci. Ces mesures vont dans le bon sens. L'écart de taux de remise entre librairies indépendantes et grande distribution est considérable. Il faudrait garantir un taux de remise minimum de 35 %. Le prix unique doit être strictement respecté. Or des grands sites de vente en ligne comme Amazon offrent les frais de port : est-ce bien conforme à la loi de 1981 ?
TVA sur les logements-foyers
Mme Mireille Schurch . - Le logement est aujourd'hui exonéré de la TVA. Or, à notre grande surprise, l'un des plus grands gestionnaires de logements-foyers, détenu à 50 % par l'État, a fortement augmenté les redevances, les justifiant par le passage de la TVA de 5,5 % à 7 %. Or les redevances sont déjà exorbitantes : 425 euros par mois pour une chambre de 9 m², en dehors de Paris.
Le code général des impôts rappelle que les logements-foyers sont exonérés de la TVA. Celle-ci ne figure d'ailleurs pas sur les quittances. Il est anormal que l'État prélève une TVA sur le logement des plus pauvres ! Les gestionnaires doivent appliquer strictement le droit. Ces logements-foyers ne sont pas assimilables à des foyers-hôtels.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - L'alerte que vous lancez est juste. La réglementation permet aux gestionnaires de taxer les prestations assimilables à l'hôtellerie : nettoyage, petit-déjeuner, accueil. Deux gestionnaires sont concernés par l'augmentation que vous évoquez.
J'ai découvert cette situation, qui m'interroge car il y avait un plafonnement de la redevance à respecter. Je vais me pencher sur ce problème et ne manquerai pas de vous adresser une réponse écrite précise.
Mme Mireille Schurch. - Vous partagez notre préoccupation. Ces pratiques nous interrogent, en effet. Lesdites prestations se résument au lavage des draps deux fois par mois : on est loin de l'hôtellerie. Les prestations se rapprochent de celles des logements sociaux : nettoyage des parties communes et gardiennage. J'espère que le futur projet de loi garantira les droits de résidents en logement-foyer, en tenant compte de leur spécificité.
Permis de recherche d'hydrocarbures
M. Jean-Claude Requier . - Le permis de recherche d'hydrocarbures, dit permis de Cahors, a été rejeté, considérant qu'il n'y avait pas de réservoirs appropriés et que l'objectif ne pouvait être atteint que par fracturation hydraulique. Pourquoi le permis exclusif de Brive n'a-t-il pas été refusé ?
En dépit des assurances prodiguées par la société Hexagon Gaz, la population s'inquiète des modes de recherche et d'extraction du gaz de houille qui seraient utilisés. La mise en oeuvre de ce permis de Brive s'avérerait explosive.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Veuillez excuser Mme Batho. Le permis de Brive, déposé par Hexagon Gaz, recouvre un périmètre voisin de celui dit de Cahors, qui a été rejeté car recourant à la fracturation hydraulique, interdite par la loi du 13 juillet 2011. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Aquitaine a jugé le dossier recevable mais sans préjuger de son examen sur le fond. Les avis de mise en concurrence ont été publiés en février ; la demande sera examinée au bout de quatre mois. C'est alors que la décision ministérielle sera prise. La société pétitionnaire s'est engagée à ne pas recourir à la fracturation hydraulique, mais les interrogations demeurent.
Le ministère de l'écologie veillera au respect scrupuleux de la loi de 2011 et des engagements du président de la République en matière de gaz de schiste.
M. Jean-Claude Requier. - Il n'y a pas aujourd'hui, hors des techniques qui doivent encore être testées en laboratoire, de véritable alternative à la fracturation hydraulique. Nous serons vigilants. Merci de votre réponse.
Don d'organes
M. Yannick Vaugrenard . - Plus de 10 000 personnes attendent une greffe rénale. En 2010, moins d'un quart ont subi une transplantation. La législation a pourtant évolué pour autoriser le prélèvement d'organes dès lors que la personne n'a pas fait connaître, de son vivant, son refus. Mais cette disposition est méconnue et les médecins sont obligés de demander le consentement des familles... Il faut une campagne d'information et de sensibilisation pour encourager aussi les dons du vivant, beaucoup moins développés en France que chez nos voisins. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Veuillez excuser Mme Touraine, retenue à Genève par l'assemblée générale de l'OMS. En 2011, le don d'organes a sauvé 5 000 vies. Mais le nombre de greffes demeure insuffisant : 30 % des possibilités de dons sont refusées, souvent, malheureusement, du fait des proches. Moins d'une personne sur deux a fait connaître son choix. Il faut sensibiliser les familles, mieux expliquer, innover pour inciter chacun à se prononcer, sensibiliser à ce geste de solidarité.
Le plan gouvernemental Greffe 2012-2016 développe une action volontariste, tout en promouvant la recherche et la connaissance des causes de la maladie.
M. Yannick Vaugrenard. - Oui, nous sommes en retard. Les conséquences sont dramatiques. Il faudra s'attaquer au problème législatif posé par le principe « qui ne dit mot consent », contredit par le fait que les médecins doivent demander l'avis de la famille. Un groupe de travail est nécessaire. Il faudrait, enfin, intégrer dans les programmes scolaires une information plus large sur le sujet.
Phagothérapie
Mme Maryvonne Blondin . - Les bactéries résistantes aux antibiotiques posent une grave menace sanitaire. D'autres voies de recherche que les antibiotiques sont envisagées, comme les phages, virus mangeurs de bactéries, utilisés notamment dans les pays de l'Est. Des personnes qui risquaient d'être amputées ont pu guérir grâce à cette phagothérapie, qui souffre néanmoins de l'image de « vieille médecine ». Il convient de mener des études cliniques afin que les phages bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché. Le rôle des patients est essentiel : lorsqu'aucun antibiotique ne marche, ils demandent la prescription de phages. Le bénéfice est supérieur au risque. La recherche de nouvelles pistes thérapeutiques est d'autant plus prioritaire que les laboratoires n'investissent plus dans la recherche de nouveaux antibiotiques. La direction de la santé des armées ne peut pas être la seule concernée. Qu'envisage la ministre de la santé ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Il est nécessaire, en effet, de développer la recherche sur les alternatives. Le travail en cours à l'Agence de la sécurité sanitaire et du médicament sur les bactériophages demande des expertises préalables de la littérature scientifique sur le sujet. L'approche uniquement nationale n'est pas de mise dans le cadre européen. A ce jour, il n'existe aucune autorisation de mise sur le marché en France ni aucune demande en Europe. Il importe de garantir la sécurité d'emploi. La Commission européenne pourrait être amenée à évoluer. L'ANSM est engagée dans l'accompagnement de l'innovation thérapeutique. Des échanges sont engagés. L'ANSM a reçu des demandes de professionnels de santé intéressés par une expérimentation sur les bactériophages.
Mme Marie-Christine Blandin. - Cette question sera peut-être évoquée à l'OMS à Genève. Beaucoup de stard-up françaises sont intéressées à l'appel européen sur le sujet. Un rapport récent de l'AEM prévoient que soixante dix ans après la découverte des antibiotiques, il faut se préparer à un futur sans antibiotique médical. Il faut développer ces cocktails de phages. Il existe un tourisme médical spécialisé, en Pologne, en Géorgie, pour les affections pulmonaires et intestinales, et ça marche ! Apportons, en France, un complément à l'antibiothérapie.
Pourquoi exclure la lutte des Jeux olympiques en 2020
M. Alain Néri . - Je suis surpris, choqué même, par la radiation de la lutte des Jeux olympiques de 2020. Cette discipline de haute antiquité ne bénéficie pas de couverture médiatique mais demeure éminemment populaire, dans le pur esprit de l'olympisme. Elle n'est pas gangrénée par l'argent, comme tant de disciplines présentes aux jeux. Son éviction a provoqué un séisme mondial. Les États-Unis, la Russie, la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie protestent. Les lutteurs français, brillants dans les compétitions internationales, ne comprennent ni n'acceptent cette stigmatisation. La France ne peut être absente de ce combat. Il faut sauver la lutte, madame le ministre. Envisagez-vous d'intervenir auprès du CNOSF ou du CIO ?
Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative . - La commission exécutive du CIO a arrêté le 12 février dernier la liste des vingt-cinq sports figurant aux Jeux olympiques de 2020, qui sera ensuite soumise à la session de Buenos-Aires. La décision d'exclure la lutte a abasourdi les lutteurs du monde entier et les 20 000 licenciés français. Vous êtes un défenseur sincère de ce sport, présent aux jeux antiques comme à ceux de Pierre de Coubertin. Steeve Guénot fut le premier médaillé d'or pour la France à Pékin et la lutte féminine française a conquis deux médailles à Athènes en 2004. Et chacun se souvient des exploits de Daniel Robin.
La décision n'est toutefois pas définitive, la lutte peut encore réintégrer le programme des Jeux olympiques de 2020. Le prochain congrès olympique, en septembre 2013, statuera sur la 26e discipline et choisira le siège des Jeux olympiques de 2020, entre Madrid, Istanbul et Tokyo. La surprise initiale a laissé place à la détermination des défenseurs de la lutte qui ont décidé de se battre pour une discipline qui a traversé les siècles. Le nouveau président de la fédération internationale a annoncé de nouvelles règles plus compréhensibles pour le grand public et la promotion de la lutte féminine.
Monsieur le sénateur, le respect de l'autonomie du mouvement sportif est ma marque de fabrique. Aux niveaux international comme national, il appartient aux fédérations, aux clubs, aux licenciés de convaincre le CIO. Je connais leur combativité. Je leur souhaite pleine réussite, comme aux autres disciplines qui souhaitent intégrer le programme des jeux de 2020.
M. Alain Néri. - Je ne doute pas de votre détermination. La lutte est un sport d'éducation qui demande abnégation, courage, respect de règles et d'autrui. Elle mérite de conserver son statut olympique. Des femmes s'engagent de plus en plus nombreuses, y compris dans les petites catégories. Je sais votre respect de l'indépendance du mouvement sportif, mais notre devoir de responsables politiques est d'apporter notre soutien indéfectible à cette discipline sportive exempte de la contamination de l'argent. La pratique désintéressée du sport mérite la reconnaissance du mouvement sportif. Aux États-Unis, où j'étais pour la mission sur le dopage, la mobilisation est réelle. Aujourd'hui, nous sommes tous des lutteurs !
Intercommunalités
Mme Nathalie Goulet . - Après un aussi vibrant plaidoyer, ma question est plus terre à terre. Depuis longtemps, je lutte pour deux communes de l'Orne de 268 et 116 habitants qui ont malheureusement adhéré, il y a quelques années, à une intercommunalité de la Sarthe. Elles veulent réintégrer l'Orne et subissent pour cela un véritable racket. (M. Philippe Dallier s'exclame) La communauté de communes à laquelle elles appartiennent demande 104 000 euros à l'une et 78 000 euros à l'autre, en dehors de toute base de calcul pertinente, sommes qu'elles n'ont évidemment pas les moyens de payer. Quelle est la base de ces sortes de pénalités de retour ? D'autres communes sont dans cette situation. Les intercommunalités ne sont pas des collectivités territoriales ; lorsqu'un problème de périmètre, de compétence ou de fiscalité se pose, il est impossible de saisir un magistrat en référé pour nommer un administrateur provisoire. J'ai déposé une proposition de loi à ce sujet -qui se traduira sans doute par un amendement dans l'un des textes à venir. Un arbitrage s'impose ; mais le préfet ne peut être juge et partie...
Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative . - Je vous prie d'excuser M. le ministre de l'intérieur. J'ai d'autant plus de plaisir à répondre à votre question que j'étais à Alençon il y a quelques semaines pour inaugurer un stade... Le retrait d'une commune d'un EPCI n'entraine jamais le versement d'un droit de sortie. Les conditions financières et patrimoniales du retrait sont précisées par l'article L. 5211-25-1 du CGCT, qui indique qu'un accord doit être recherché sur la répartition de l'actif comme du passif, sous la forme de délibérations concordantes des assemblées concernées. A défaut d'accord, le préfet dispose de six mois pour prendre un arrêté de répartition des biens, fondé sur l'implantation territoriale des équipements, la situation financière des communes et de l'EPCI, la contribution des communes à l'EPCI et leur poids démographique.
Dans le cas présent, ni le schéma départemental de coopération intercommunale de la Sarthe ni celui de l'Orne ne prévoit le retrait de ces communes et leur rattachement à la communauté de Bellême.
Les conditions financières du retrait n'ont pu être expertisées par les services de l'État. Elles doivent être conformes aux éléments que je viens de citer ; la répartition de la dette ne peut être le seul critère.
Plus généralement, le Gouvernement n'entent pas créer un fonds de soutien spécifique, pas plus qu'une structure d'arbitrage ad hoc. C'est au représentant de l'État, sous le contrôle du juge administratif, à prendre les mesures appropriées.
Mme Nathalie Goulet. - C'est plutôt une bonne nouvelle. Je n'ai pu vous accueillir à Alençon car j'étais ici, en séance, sur la sécurisation de l'emploi. Je comprends qu'un accord doit être trouvé entre le préfet de la Sarthe et celui de l'Orne. Je leur transmettrai votre réponse.
Entretien des autoroutes franciliennes
M. Philippe Dallier . - Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux transports. Les Franciliens constatent et déplorent la dégradation du réseau autoroutier régional, notamment en Seine-Saint-Denis. Le délabrement des infrastructures s'accentue faute d'entretien suffisant. Les accotements sont sales, les tags se multiplient ; le réseau se dégrade, l'éclairage public est coupé la nuit sur certaines portions -pour des raisons de sécurité, dit-on- et défaillant sur d'autres. Les glissières de séparation sont souvent rouillées ou abîmées. L'évacuation des eaux est déficiente. La signalisation verticale est en mauvais état et les bandes blanches ne réfléchissent plus rien. Les panneaux lumineux d'information sont défectueux. Le revêtement est souvent endommagé...
Je ne force pas le trait. Prendre la route de nuit, sous la pluie, avec des nids-de-poule très importants, devient dangereux, d'autant que le trafic vers Paris comme vers la banlieue ne cesse de croître.
Madame la ministre, quels moyens pour l'entretien ? Des mesures d'organisation -je ne souhaite pas de délégation de compétences nouvelles- pourraient être prises.
Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative . - Le ministre chargé des transports installe ce matin l'autorité de la qualité des transports et vous prie de l'excuser.
Des moyens importants sont déployés en Ile-de-France pour la sécurité des usagers et la préservation du patrimoine ; l'État maintient, en 2013, son effort à hauteur de 95 millions d'euros. La sécurité impose un plus haut niveau de maintenance des tunnels et l'information des usagers : 20 millions d'euros sont consacrés à ces deux priorités.
La propreté se dégrade trop rapidement, il est vrai. Les services de l'État ne peuvent intervenir que la nuit en semaine. Une campagne de mobilisation au civisme va être lancée.
L'évacuation des eaux devrait être améliorée par la campagne de nettoyage de l'automne dernier mais les précipitations abondantes contrecarrent les efforts faits. Le linéaire éclairé est optimisé depuis 2010. En Seine-Saint-Denis, les autoroutes A1, A3 et A86 doivent être éclairées mais la continuité de l'éclairage est parfois affectée par des vols de câbles électriques. En 2013, 37 millions d'euros seront consacrés à la réparation et à l'entretien des chaussées et des glissières.
L'occupation des dépendances routières nationales est limitée par des décisions de justice qui seront exécutoires. Sur les 800 kilomètres d'autoroutes, plusieurs centaines de kilomètres de bretelles et plusieurs tunnels, vous pouvez compter sur l'engagement de l'État et de ses agents pour ce réseau stratégique.
M. Philippe Dallier. - Je ne suis guère rassuré. Je ne méconnais pas les contraintes budgétaires et je sais que le problème ne date pas de mai dernier. J'ai cru comprendre que, dans mon département, sur certains postes, les crédits de l'année sont déjà consommés. C'est dire qu'ils sont insuffisants. Les étrangers qui arrivent de Roissy par la route ont certainement une image déplorable de notre réseau -et de notre pays. Je n'ai jamais vu de nids-de-poule aussi profonds sur des autoroutes aussi fréquentées. Il est heureux qu'il n'y ait pas plus d'accidents. J'espère que l'État fera des efforts. Il faudrait voir ce que pourraient faire les collectivités locales sur les voies d'accès.
Litiges familiaux transfrontaliers
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je suis heureuse, madame la ministre, de pouvoir enfin vous interroger sur les litiges familiaux transfrontaliers. Mes questions écrites sont restées sans réponses...
Je me réjouis qu'une grande partie des divorces binationaux se résolvent sans drame. Il reste néanmoins quelques situations dramatiques. « L'excellence » proclamée des relations franco-allemandes ne vient-elle pas d'une tendance des autorités françaises à se déclarer incompétentes et à s'en remettre à toute décision allemande, alors que de nombreuses nationalités font état de difficultés réelles ? Combien de vies brisées, de procédures kafkaïennes pour que la France réagisse ?
Le droit de la famille est certes de la souveraineté des États mais l'intérêt supérieur de l'enfant est inscrit dans le droit international. Les accords au niveau de l'Union européenne sont bienvenus. Mais ne faudrait-il pas construire un socle minimal de commune de justice familiale, avant de supprimer l'exequatur ? La mise en place de plateformes, multilatérales ou bilatérales, de travail serein mais franc pourrait débloquer les situations les plus sensibles. Des efforts franco-français sont aussi nécessaires, par exemple en appliquant un contrôle de proportionnalité avant l'application, de plus en plus fréquente dans des affaires mineures, d'un mandat d'arrêt européen. Je rappelle que 13 % des couples européens sont binationaux : l'enjeu est considérable. Nous ne pouvons fermer les yeux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je suis désolée que notre rencontre n'ait lieu qu'aujourd'hui, je n'ai aucune influence sur le calendrier du Sénat ! Dans votre question écrite, vous évoquiez des pétitions présentées devant le Parlement européen. Aujourd'hui, vous présentez des demandes qui s'inscrivent dans une autre dynamique, bilatérale et multilatérale.
Nous avons évidemment le souci de l'harmonisation du droit, mais nous avons déjà des principes juridiques communs issus de la Convention internationale pour les droits de l'enfant -des liens directs et réguliers doivent être maintenus avec le parent absent.
Le droit de la famille n'est pas de la compétence de l'Union européenne. La difficulté est réelle, en raison de la conception différente qu'ont les différents pays de l'autorité parentale.
J'ai bien entendu l'appréciation relative que vous portez sur l'effectivité de nos instruments européens. Ceux-ci constituent néanmoins, avec le règlement européen dit « Bruxelles II bis » et la convention de la Haye, des normes communes.
Il y a une certaine contradiction entre les pétitions et les alertes que vous recevez et le chiffres du bureau d'entraide de la Chancellerie. Pour l'Allemagne, le nombre de dossiers comme les décisions de retour sont à peu près équilibrés. En 2011, huit dossiers « Allemagne requise » ont été clôturés, deux en 2012 ; six sont en cours. France requise, douze dossiers ont été clôturés en 2012. Souvent, heureusement, les parents se mettent d'accord ; le contentieux familial est le plus difficile, le plus douloureux. C'est pourquoi j'ai remis en selle les commissions bilatérales en Europe et hors d'Europe qui ne s'étaient pas réunies, pour certaines, depuis des années. Je vous communiquerai les chiffres et vous propose de suivre avec vous les progrès.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Merci pour ces avancées. Ce sont en effet des situations douloureuses. Soyons pragmatiques. Je vous félicite d'avoir mis en place ces commissions bilatérales. La convention avec l'Allemagne avait été supprimée en 2005 au prétexte que « Bruxelles II bis » réglait le problème. Ce ne fut évidemment pas le cas. Trop souvent, face à tant d'obstacles, les familles renoncent à saisir les autorités et plongent dans le désespoir. Je suis à votre disposition pour continuer à travailler avec vous. Je connais votre détermination.
Mont-Saint-Michel
M. Philippe Bas . - Nous assumons, au Mont-Saint-Michel, un projet très important consistant à rétablir son caractère maritime et son insularité, en remplaçant la digue-route du XIXe par une passerelle, beau projet cependant terni par la construction d'un gué de 7,30 mètres de hauteur, visible à la sortie du site, barrière de béton qui défigurera les abords du Mont.
Pourquoi le construire ? On a invoqué des impératifs de sécurité. Les associations de défense du site, des architectes, la population considèrent que ces arguments de sécurité peuvent être réexaminés. Madame la ministre, nous souhaitons qu'une étude soit conduite sur des alternatives respectueuses de la sécurité, qui ne défigureraient pas le site.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Filippetti. Elle a répondu dès le 25 octobre 2012 à votre courrier du 18. Elle rappelle que, depuis plus de dix ans, l'État affirme avec constance l'objectif de sécurité. Le ministère de la culture et de la communication a sollicité un nouvel arbitrage sur la hauteur du gué. Une réunion interministérielle, tenu en décembre 2012, a confirmé la cote de 7,30 mètres. Son abaissement augmenterait la durée d'insularité du Mont. Il faut tenir compte des conditions dégradées, qui rendraient impossible l'accès des moyens de secours. Mme la ministre n'est pas insensible aux considérations esthétiques, comme je le suis et M. le ministre de l'éducation nationale ici présent. Vous souhaitez l'abaisser à 6,70 mètres.
M. Philippe Bas. - Plus bas encore !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Mais je suis sûre que vous partagez l'exigence de sécurité.
M. Philippe Bas. - Nous souhaitons que l'expertise ne soit pas toujours conduite par l'administration, qui ne veut pas se déjuger... Les conséquences d'ordre esthétique sont suffisamment graves pour qu'une expertise complémentaire soit diligentée avant que démarrent les travaux, qui sont imminents. Je suis sûre que Mme la ministre de la culture y sera sensible.
Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources
M. Hervé Maurey . - Les erreurs de calcul des fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ont de lourdes conséquences pour nombre de communes de l'Eure à cause d'un décalage entre le montant annoncé et celui finalement attribué ; prélèvements ou versements augmentés, versements transformés en prélèvements. Ils n'avaient pas été correctement calculés en 2011. Mais les versements du FNGIR ne sont pas rétroactifs. Je connais une commune que l'erreur de l'État a exclue de la catégorie des communes défavorisées, avec des conséquences au titre du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle...
Les communes lésées à la suite de cette erreur de calcul sont excédées et certaines saisissent la justice. Quelle solution le Gouvernement envisage-t-il pour corriger les conséquences de cette erreur de ses services, et dans quel délai ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je vous prie d'excuser M. le ministre du budget. Le FNGIR, créé dans le cadre de la suppression de la taxe professionnelle, visait à faire financer par les communes bénéficiaires de la réforme une partie du coût supporté par les communes pénalisées, le reste l'étant par une dotation de compensation. Il est par nature équilibré. La loi de finances rectificative pour 2011 a ouvert aux collectivités territoriales et EPCI, jusqu'au 30 juin 2012, la possibilité de signaler à l'administration fiscale toute erreur de calcul intervenue à cette occasion. Ces erreurs, limitées selon le ministre du budget, ont été prises en compte dans le nouveau calcul en 2012 et notifiées en octobre 2012. L'absence d'effet rétroactif, voulu par le législateur, visait à préserver l'équilibre du fonds ; ainsi, les collectivités territoriales ayant bénéficié d'un trop-perçu ne sont pas obligées de le reverser. Je ferai part au ministre du budget des préoccupations que vous avez exprimées à l'oral et qui ne figuraient pas dans votre question initiale.
M. Hervé Maurey. - Il y a eu un nombre limité d'erreurs, dîtes-vous. Sans doute, mais à l'échelle du département de l'Eure, 440 communes sont concernées sur 675... Dès lors que l'État a commis une erreur, il doit accepter de la réparer, même si cela a un coût. Dans certains cas, l'erreur a été signalée dès le mois de mars 2012 -sans réponse. Un maire m'a informé qu'il avait été exclu des communes défavorisées du fait de cette erreur : une double peine ! Merci d'en reparler au ministre du budget. Je compte sur votre force de persuasion !
Section professionnelle au lycée de Masevaux
Mme Catherine Troendle . - La section de bac pro commerce du lycée Joseph-Vogt de Masevaux va fermer, obligeant les élèves à se déplacer jusqu'à Mulhouse. Cette section enregistre pourtant 100 % de réussite au baccalauréat et l'établissement a décroché la moitié des mentions « Très bien » du département ! Pourquoi la fermer ? Cette formation de proximité est porteuse d'avenir. Je salue la volonté de dialogue des services académiques mais la décision relève d'un niveau plus élevé. Il faut considérer l'aspect humain, non pas seulement comptable. Comment augmenter les effectifs si la filière disparaît ? Quelle suite entendez-vous donner à cette question, alors que trop de jeunes sortent de l'école sans diplôme ?
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale . - 140 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans qualification : c'est insupportable. Pour lutter contre le décrochage, j'ai rendu le dispositif des plateformes de suivi mises en place par mon prédécesseur plus réactif, plus cohérent et mieux coordonné : les résultats sont déjà là. Nous « raccrocherons » 20 000 jeunes cette année. Cela suppose de rationaliser les moyens supplémentaires accordés par le président de la République à l'éducation nationale.
Le lycée professionnel Joseph-Vogt dispose de 69 places pour les secondes professionnelles et connaît depuis des années des difficultés de recrutement -en section commerce, 7 inscrits pour 12 places. Il fallait donc rééquilibrer les formations en fermant cette section, que seuls 4 élèves ont demandé en premier voeu à la dernière rentrée. Ils seront accueillis dans une classe à trente minutes de distance. L'accueil post-3ème sera préservé, avec l'ouverture d'un CAP « service à la personne » qui complètera la filière au sein de l'établissement. Nous partageons les objectifs et nous améliorons l'offre de formation, dans l'intérêt des élèves et de votre département.
Mme Catherine Troendle. - Merci pour la précision de votre réponse. Nous partageons au fond la même ambition : porter nos jeunes à l'emploi. Mais cette fermeture aura bien un impact sur les jeunes, qui devront se déplacer dans une vallée difficile d'accès. J'ajoute que la fermeture annoncée de cette section n'a pas motivé les élèves à s'y inscrire...
Chômage en Alsace
M. André Reichardt . - Le chômage a encore augmenté au niveau national de 1,2 % en mars, pour un taux de 10,6 %. En Alsace, la situation n'est guère meilleure ; notre région compte 90 900 chômeurs, deux fois plus qu'à la fin des années 90. En un an, la hausse a atteint 12,6 %. Les seniors et les jeunes sont les plus touchés ; un chômeur sur cinq est bénéficiaire du RSA. Les offres collectées par Pôle emploi chutent, surtout dans le Haut-Rhin, frappé par la désindustrialisation. Les très petites entreprises (TPE) sont aussi en difficulté. En cause, une compétitivité insuffisante. Les mesures annoncées par le Gouvernement ne produisent pas l'élan nécessaire. Il faut baisser la TVA à 5,5 % dans le BTP pour la rénovation des logements et assainir le régime de l'auto-entrepreneur. Autre piste : la production de crédits bancaires, qui est en chute libre. Que comptez-vous faire pour endiguer le fléau du chômage ?
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale . - Ce tableau très sombre est malheureusement exact. C'est le résultat d'une dégradation ancienne de la compétitivité française. Le Gouvernement a décidé -au risque d'une certaine impopulartié- de s'attaquer aux causes structurelles de cette situation, avec la maîtrise des déficits publics, la création de la BPI, les contrats de génération, les emplois d'avenir, la réforme du marché du travail, qui évitera de faire de l'emploi la variable d'ajustement... Toutes mesures qui n'ont pas encore produit leur plein effet. D'autres mesures sont annoncées : réforme de la formation professionnelle, moyens supplémentaires pour Pôle emploi... Oui, il s'agit d'améliorer la compétitivité de nos entreprises, sans dégrader les mécanismes de solidarité envers les plus fragiles. La « préférence française pour le chômage » a été diagnostiquée il y a vingt ans déjà. Le temps est venu du redressement. Il est engagé. Nous avons besoin de toutes les énergies pour le conduire.
M. André Reichardt. - La boite à outils du président de la République ne produit pas d'effets car elle est faite pour accompagner la croissance et non pour la susciter. L'Alsace est en compétition directe avec des régions allemandes et suisses très puissantes. Chaque jour qui passe est un jour perdu pour la compétitivité des entreprises. Le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) ne bénéficie pas aux TPE. Veuillez relayer les inquiétudes alsaciennes au plus haut niveau : nous ne sommes pas une région comme les autres et la situation y est dramatique.
Redevance pour prélèvement d'eau
M. Bernard Piras . - La redevance pour prélèvement d'eau est entrée en vigueur au 1er janvier 2012. L'arrêté du 19 décembre 2011 traite de la mesure des prélèvements et des modalités de calcul de ladite redevance. Chaque ouvrage devra faire l'objet d'un équipement de mesure directe des volumes d'eau prélevés, qui devra être remplacé ou remis à neuf tous les neuf ans. Cela entraînerait un investissement très lourd pour les petites communes, qui comptent peu d'abonnés. Ne peut-on adapter cet arrêté ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique . - Je vous prie d'excuser Mme Batho. L'évolution des besoins en eau comme les incertitudes liées au changement climatique supposent une gestion équilibrée de la ressource. L'arrêté de 2011 prévoit que les obligations peuvent être assouplies en cas d'impossibilité, technique ou financière, d'installer les instruments de mesure. Des mesures indirectes peuvent être relevées. Ainsi, l'article 8 prévoit que le volume d'eau peut être mesuré en aval. Les agences de l'eau feront preuve de pragmatisme.
M. Bernard Piras. - Merci. Nous partageons les objectifs de Mme la ministre de l'écologie. Il faudra en effet être pragmatique pour ne pas mettre dans l'embarras les petites communes.
Comment harmoniser le tri des ordures ménagères ?
M. Jean Boyer . - Le tri et la collecte des ordures ménagères souffrent d'une situation paradoxale et incohérente. Les déchets n'ont pas de frontières : pourquoi édicter autant de normes qu'il y a de syndicats intercommunaux ? Les citoyens de s'y retrouvent plus ! Il faut clarifier et donner plus de transparence à la démarche de tri sélectif, mettre en place des filières de tri innovantes. Comment informer si les règles changent d'une collectivité à l'autre ? Une simplification s'impose, qui serait aussi source d'économies.
Le sujet est délicat, je le sais. Quand on parle d'ordures ménagères, on voit parfois rouge car les déchets sont perçus négativement. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique . - Le Gouvernement partage votre souci de simplification et d'harmonisation des normes. Les états généraux de la modernisation du droit de l'environnement réunis à son initiative ont identifié des leviers pour améliorer le recyclage et maîtriser les coûts de la collecte sélective. Il faut simplifier le geste de tri pour les usagers.
Le code de l'environnement prévoit déjà l'harmonisation des consignes de tri des emballages ménagers ; la liste des types de déchets concernés s'imposera à toutes les collectivités territoriales à compter du 1er janvier 2015. Le code prévoit également que tout produit recyclable soumis à un dispositif de responsabilité élargie des producteurs doit faire l'objet d'une signalétique commune. Une campagne de communication nationale est prévue en 2013 et 2015. Le décret devrait être publié dans les prochaines semaines.
La collecte sélective des déchets d'emballages ménagers et déchets de papier sera en outre optimisée ; une expérimentation est en cours pour examiner une éventuelle extension des consignes de tri à tout ou partie des déchets d'emballages ménagers en plastique.
La conférence environnementale de septembre 2013 comportera un groupe de travail sur l'économie circulaire et les déchets, qui inspirera la feuille de route du Gouvernement pour 2014.
M. Jean Boyer. - Je sais que le sujet est délicat et que le Gouvernement y travaille. Beaucoup de chemin a été accompli en trente ans. C'est un état d'esprit à encourager. Le monde rural est particulièrement touché par le problème, en raison de la multiplicité des structures. Il faut une transparence sécurisante dans le traitement des ordures ménagères. Dans notre pays, on s'enflamme facilement. Il faut rassurer.
Comment lutter contre les éco-mafias ?
M. Gilbert Roger . - Depuis plus de vingt ans, la criminalité organisée gère plusieurs millions de tonnes de déchets, de produits toxiques et radioactifs qui transitent via la Méditerranée vers l'Afrique et l'Asie. Des « navires de venin », armés par de véritables éco-mafias, sont coulés au large des côtes méditerranéennes, parfois avec la complicité de certains gouvernements.
Que compte faire le Gouvernement, en concertation avec les autres pays riverains de la Méditerranée, pour lutter contre ces trafics ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique . - Présente sur quatre océans, vouée -selon les termes du président de la République- à « l'excellence environnementale », la France a vocation à être en pointe du combat pour la biodiversité et la gouvernance des océans. Elle ne peut rester passive face à la dégradation de la haute mer. Les transferts transfrontaliers des déchets sont régis par le Règlement 1013-2006 et la convention de Bâle, qui prévoient une autorisation de transfert et restreint les mouvements de déchets dangereux.
Les services régionaux du ministère et les Douanes travaillent de concert. La réponse aux éco-mafias réside, pour l'essentiel, dans le renforcement des contrôles et de la répression des transferts illicites. Le Gouvernement y travaille activement.
M. Gilbert Roger. - Un bilan associant les pays européens riverains de la Méditerranée serait bienvenu. Avec nos collègues italiens, nous constatons une dégradation de la biodiversité. Les masses financières en jeu sont colossales.
La séance est suspendue à midi 15.
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Offre alimentaire en outre-mer
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer.
Discussion générale
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer . - Cette importante proposition de loi de santé publique et d'égalité vise à mettre un terme à des pratiques discriminantes. Depuis des années, des aliments vendus outre-mer sont surdosés en sucre, notamment les boissons et les spécialités laitières, ce qui a des effets désastreux sur la santé, avec à la clé une prévalence du diabète et de l'obésité outre-mer.
Depuis des années, les industriels prennent pour argument que les Ultramarins seraient naturellement friands en sucre... Il y a deux ans, l'Assemblée nationale, malgré de multiples enquêtes et preuves, avait rejeté ma proposition de loi à quelques voix près, alors que nous voulions simplement que les taux de sucre soient alignés sur ceux pratiqués dans l'Hexagone. Les arguments ont été les mêmes pour cette proposition de loi : une charte de bonne conduite suffirait ou un décret, d'autant que ce domaine serait réglementaire. Pourtant, rien n'a été fait depuis 2011.
Il y a quelques semaines, quelques chartes ont certes été signées mais les pratiques ont, dans l'ensemble, perduré. Ce texte s'impose donc, d'autant qu'il a été amélioré grâce aux parlementaires. Il ne vise plus seulement à réguler les taux de sucre mais porte aussi sur l'amélioration de l'offre alimentaire outre-mer. En effet, les dates de péremption pour les denrées périssables sont plus longues outre-mer, ainsi en est-il pour les yaourts. Plus de 300 produits frais sont concernés par ces prolongations de dates limites. La date limite de consommation du reblochon est fixée à 35 jours dans l'Hexagone, contre 70 outre-mer. Pour le gruyère râpé, l'écart va de 40 jours à 180 !
Cela pose aussi la question du gaspillage alimentaire, s'il faut en déduire que les dates de péremption seraient trop rapprochées dans l'Hexagone, afin d'inciter à jeter des tonnes de produits non périmés. On peut évoquer la destruction créatrice de Schumpeter, ou l'emploi, mais un débat public mérite d'avoir lieu.
Enfin, les collectivités doivent tenir compte des critères de performances en matière d'approvisionnement direct dans l'attribution des marchés de restauration collective, cantines scolaires, hôpitaux ou restaurants d'entreprise. Il s'agit ainsi de favoriser les producteurs locaux et les circuits courts.
Une meilleure qualité nutritionnelle dès le plus jeune âge est en effet souhaitable. Je salue le travail remarquable du Sénat, notamment la présidente et le rapporteur de la commission des affaires sociales. Je forme le voeu que ce texte soit adopté rapidement. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Vergoz, rapporteur de la commission des affaires sociales . - En matière alimentaire, les consommateurs ultramarins sont frappés par deux inégalités. La première concerne les teneurs en sucre : 27 à 50 % de plus de sucre ajouté pour certains yaourts distribués localement ! Les industriels invoquent ce qu'ils appellent le « goût local ». Or il faut limiter les teneurs en sucre pour éviter le surpoids et l'obésité chez les enfants, le diabète, les troubles musculo-squelettiques, les maladies cardio-vasculaires. Selon l'AFSA, le régime alimentaire sucré a « des effets délétères sur la santé de certaines catégories de la population ». Plusieurs organismes prônent une réduction des sucres ajoutés. En 2004, l'OMS a demandé de réduire la teneur en sucre des boissons et encas. Il fallait donc intervenir. La Guadeloupe et la Martinique comptent d'ores et déjà trois fois plus d'enfants obèses que l'Hexagone.
Les timides mesures qui ont été prises ces dernières années restent insuffisantes. Le programme national Nutrition Santé (PNNS), qui existe depuis 2001, et le plan Obésité ont fait l'objet de déclinaisons outre-mer mais les effets tardent à se faire sentir. Le PNNS encouragerait les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits. Hélas, une seule charte a été signée...
Deuxième inégalité : la date limite de consommation (DLC). Quand elle est fixée dans l'Hexagone à jours à compter de la fabrication, le délai peut être porté à cinquante cinq jours pour le même produit commercialisé outre-mer. On sait pourtant que les produits microbiologiquement périssables sont susceptibles de présenter un danger immédiat pour la santé humaine.
La fixation d'une date plus éloignée répond à une préoccupation commerciale liée au fait que les délais de transport par bateaux sont importants. Du fait de la rupture de la chaîne du froid, la date limite de consommation devrait au contraire être plus rapprochée outre-mer ! Avec ce jeu sur la date limite de consommation, on fait une concurrence déloyale aux produits locaux.
La proposition de loi de M. Lurel avait été rejetée en octobre 2011, à neuf voix près. Ce nouveau texte porte plus largement sur la qualité de l'offre alimentaire outre-mer, et je m'en félicite. Applicable aux territoires visés par l'article 73 de la Constitution, il fixe les teneurs maximales en sucre pour certains produits. Dans le cas où la teneur en sucre des produits distribués dans l'Hexagone diminuerait, il en irait de même outre-mer, dans un délai de six mois. Les agents de la DGCCRF sont chargés du contrôle, ce qui appelle à augmenter les moyens de cette direction.
L'article 2 fixe un délai de transition de six mois à compter de la promulgation du texte. L'article 3 traite des dates de péremption qui ne doivent pas être plus longues outre-mer qu'en métropole. Pouvez-vous nous préciser qu'il s'agit bien des dates limites de consommation et non des dates limites d'utilisation optimale ? L'article 4 incite les entreprises de restauration collective à favoriser la qualité nutritionnelle des aliments qu'elles proposent.
Cette proposition de loi est un pas important pour l'amélioration de l'offre alimentaire pour les territoires ultramarins et l'égalité entre les consommateurs. La commission vous demande de l'approuver. (Applaudissements à gauche)
Mme Annie David . - Cette proposition de loi doit être abordée sous les deux angles de la santé publique et du pouvoir d'achat.
Les chiffres sont terribles : le nombre d'obèses est deux fois plus élevé outre-mer que dans l'Hexagone. Les femmes et les enfants sont particulièrement touchés. La conséquence en est une prévalence supérieure pour les pathologies associées -diabète, hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires.
L'État a tenté d'endiguer ce phénomène avec le plan Obésité 2010-2013 et le PNNS 2011-2015, préconisant la réduction de la teneur en sucre ajouté. Hélas, rien n'a été fait. Un même produit d'une même marque comporte toujours plus de sucre s'il est destiné à l'outre-mer. Ces différences peuvent aller jusqu'à 50 %, au nom de l'appétence présumée des Ultramarins pour le sucre. Une approche qui frise le mépris... Au prétexte que l'outre-mer produit du sucre, les populations ultramarines consommeraient plus de sucre ?
En 2009, le PIB ultramarin était inférieur de 75 % au PIB de l'Union européenne. La question du pouvoir d'achat est donc cruciale. Outre-mer, une grande partie de la population vit avec des revenus bien inférieurs à ceux de la métropole, alors que le coût des produits alimentaires y est plus élevé.
Troisième injustice : comment justifier que les dates limites de consommation soient plus éloignées outre-mer qu'en métropole ? Vous avez cité le reblochon, monsieur le ministre : cette inégalité de traitement est d'autant plus inimaginable pour un tel produit.
Il reste beaucoup à faire contre le surpoids et l'obésité. L'article 4 vise à promouvoir les denrées issues des circuits courts. L'intention est louable mais le Grenelle I le prévoyait déjà, sans grands résultats...
Comme l'a souvent dit M. Vergès, la dépendance économique de l'outre-mer découle de l'histoire coloniale. Promouvoir la production locale ? Certes, mais il faut prendre en compte la situation géographique des outre-mer. Nous comptons sur votre action, monsieur le ministre, pour faire prévaloir la spécificité de ces territoires. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Joël Guerriau . - Le texte traite de la teneur en sucre et des dates limites des produits alimentaires outre-mer. Il est de fait anormal que les teneurs en sucre soient supérieures outre-mer qu'en métropole. La « préférence locale » pour le sucre, invoquée par les industriels, laisse sans voix. La différence des dates limites de consommation est inadmissible.
Mme la garde des sceaux racontait n'avoir pas retrouvé en métropole le goût du gruyère de son enfance... qui picotait ! S'il doit y avoir une date de péremption différente, celle-ci devrait plutôt être moins éloignée outre-mer que dans l'Hexagone. C'est de la santé de nos compatriotes ultramarins qu'il s'agit !
L'obésité et le diabète sont plus répandus outre-mer que dans l'Hexagone, on l'a dit. Il y a toutefois comme un hiatus entre l'intitulé du projet de loi et son contenu, cantonné à la teneur en sucre et à la date limite de consommation. Sur ces deux sujets, le recours à la loi ne se justifie pas : soit il s'agit du taux de sucre et des dates de péremption, et c'est d'ordre réglementaire, soit le sujet est plus vaste et il faudrait un texte autrement plus ambitieux. Nous attendons une grande loi de santé publique traitant de la qualité alimentaire, qui a d'ailleurs été annoncée. La dernière loi de santé publique date de 2004 ; les choses ont évolué depuis. Où en est-on, monsieur le ministre ?
Nous attendons aussi une véritable réforme pour traiter dans leur globalité des problèmes qui se posent à l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Jean-Claude Requier . - La qualité de l'alimentation devrait être un droit imprescriptible. D'ailleurs, nous avons adopté la semaine dernière en texte en ce sens. Il est intolérable que la teneur en sucre et les dates de péremption diffèrent outre-mer, où l'obésité et le surpoids ont des conséquences dramatiques sur la santé. Certes, la réduction de sucre dans les yaourts et les sodas ne règlera pas tout, il faudra aussi faire de la prévention. S'il est utile de voter cette loi, il est indispensable de prévoir des contrôles et des sanctions adaptées. Les chartes sont souvent des coquilles vides. Les agents de la DGCCRF doivent pouvoir intervenir, ce qui implique des moyens accrus. Le projet de loi relatif à la consommation renforce les sanctions contre les fraudes et élargit les pouvoirs de la DGCCRF. Je m'en réjouis.
Cette proposition de loi concerne désormais la qualité alimentaire outre-mer. Les dates limites de consommation devront être identiques outre-mer et dans l'Hexagone. La directive sur l'étiquetage doit être respectée. Les fabricants sont libres de fixer des dates à condition d'assurer des garanties alimentaires aux consommateurs. Mercredi dernier, nous avons examiné une proposition de résolution de nos collègues UDI-UC qui allait dans ce sens.
L'Assemblée nationale a ajouté à cette proposition de loi un article visant à favoriser les circuits courts dans la restauration collective. De fait, l'outre-mer ne consomme que 8 % des 80 000 tonnes de fruits et légumes qu'elle produit. Cet article contribue à garantir une offre alimentaire de qualité dans les cantines et les hôpitaux locaux. Il protège la santé de nos concitoyens et favorise l'économie locale : c'est une mesure de bon sens.
Cette proposition de loi mérite un soutien unanime. L'ensemble de membres du groupe du RDSE la votera. (Applaudissements à gauche)
Mme Aline Archimbaud . - Le sujet est grave ; notre groupe se réjouit qu'il soit traité. A chaque PLFSS, nous rappelons l'importance de la prévention et de la promotion de la santé publique.
Ce texte traite de l'inégalité dont sont victimes nos concitoyens ultramarins en matière alimentaire. Ainsi, dans l'Hexagone, le Fanta orange comporte 9,46 grammes de sucre pour 100 grammes ; le même soda en comporte 44 % de plus en Guadeloupe. C'est inqualifiable, d'autant que les sucres sont des causes bien connues de l'obésité, qui frappe tout particulièrement les Ultramarins. L'enjeu sanitaire est donc extrêmement important.
Je regrette que l'article premier prévoie qu'un arrêté interministériel détermine la liste des produits concernés. Nous craignons des retards, voire des blocages. Soyez vigilant, monsieur le ministre.
Mon groupe se félicite de l'article relatif aux dates de consommation, qui doivent être harmonisées dans un sens ou dans l'autre. Nous approuvons l'article concernant l'approvisionnement local des entreprises de restauration collective. L'enjeu est tel que le règlement n'aurait pas suffi : il fallait un vote du Parlement.
Nous attendons une grande loi de santé publique, mais il ne faudrait pas en tirer prétexte pour retarder l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Cette proposition de loi pose une vraie question de santé publique. La lutte contre l'obésité est un enjeu majeur. Près de 7 millions de Français seraient obèses, deux fois plus qu'il y a quinze ans. Outre-mer, la situation est encore plus grave. L'obésité, qui est un problème comportemental, touche 15 à 20 % des adultes des DOM, 10 % des enfants, contre 3 % en métropole. Au total, un quart des enfants et adolescents et plus de la moitié des adultes sont touchés par la surcharge pondérale. Les conséquences sanitaires sont connues.
La situation exige une mobilisation renforcée ; il faut améliorer la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire, encourager nos concitoyens à modifier leurs comportements alimentaires, promouvoir de saines pratiques alimentaires. Avec la troisième édition du PNNS, la France s'est dotée d'une politique nutritionnelle ambitieuse. Il comprend un volet outre-mer et un plan Obésité. Le secteur de l'alimentation a d'ores et déjà fait des efforts : 33 chartes ont été signées par des centaines d'entreprises. Un programme national a été mis en place en 2010 pour encourager les acteurs à conclure des accords collectifs. Où en est-on ?
Cette proposition de loi vise à éviter qu'un produit de même marque soit plus sucré outre-mer qu'en métropole. Attention toutefois au risque de distorsion de concurrence entre les entreprises françaises et américaines. Il faut sensibiliser les populations pour modifier les comportements.
Le deuxième volet de ce texte traite des DLC. Que compte faire le Gouvernement pour empêcher que les entreprises européennes non françaises ne contournent l'interdiction des doubles DLC.
Troisième volet, la promotion des productions locales dans la restauration collective.
Nous attendons une grande loi de santé publique qui devra traiter, entre autres, de ces sujets. Le présent texte nous semble a minima pour atteindre les objectifs qu'il affiche. C'est pourquoi une grande partie du groupe UMP s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Dans nos territoires d'outre-mer, certains produits sont bien plus sucrés qu'en métropole, sans que cela soit lié à des impératifs de conservation ; la prétendue appétence pour le sucre des Ultramarins n'est étayée par aucune étude sérieuse. Le sucre appelle le sucre ; il peut devenir une véritable addiction. Or on connaît ses conséquences sur l'obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires. Il faut donner aux Ultramarins le choix de se nourrir autrement. La prévalence du diabète à Mayotte a explosé comme le surpoids et l'obésité. Ces nouvelles maladies ont accompagné la transition socio-économique de Mayotte. Les associations comme l'Aide aux jeunes diabétiques jouent un rôle essentiel ; il faut les aider.
Cette proposition de loi rétablit l'égalité, rien de moins. Elle rappelle les bienfaits d'une alimentation saine et équilibrée ; c'est enfin une réponse à la onzième des trente propositions de François Hollande en faveur de l'outre-mer. (Applaudissements à gauche)
M. Félix Desplan . - Le sucre a écrit les premières pages de l'histoire de la Guadeloupe. Trois siècles après, il nous réunit pour mettre fin à une autre injustice. Les Ultramarins n'ont pas droit à la même qualité alimentaire, c'est une injustice, une disparité discriminatoire. Nous avons tous une appétence innée pour le sucre, carburant indispensable, à la fois le meilleur et le pire des aliments. Sa carence peut être fatale, son excès tout aussi dangereux. La consommation de sucre dépasse aujourd'hui les niveaux nécessaires. Doit-on laisser notre destin aux mains de la dictature du sucre raffiné, ce doux poison, ce doux assassin ? Dans le cadre du projet guadeloupéen de société, les élus ont appelé à de nouvelles politiques publiques. Une mauvaise alimentation tue plus que les drogues. Or, le sucre est bel et bien une drogue contemporaine. Il fragilise notre équilibre mental : surconsommé, il influencerait l'humeur et provoquerait la violence et l'agressivité. Peut-on rester les bras croisés ? Les maux dont souffre la Guadeloupe sont nombreux. Éliminons ceux qui viennent de nos assiettes !
Le président de la République a porté la grande idée de l'égalité des territoires. Lors de sa conférence de presse du 16 mai, il a assuré qu'il ferait en sorte que « là où il y a problème d'inégalité, nous fassions davantage ». Cette promesse d'égalité n'est pas une nostalgie mais une ambition. Réconcilions tous ceux qui font la France, traduisons cette belle idée en actes concrets. Je voterai donc cette proposition de loi, qui traduit un des engagements de François Hollande. (Applaudissements à gauche)
M. Maurice Antiste . - La prévalence du surpoids, de l'obésité et du diabète type 2 se développe. Aux causes multifactorielles s'ajoute, outre-mer, le problème de la teneur élevée en sucre des produits alimentaires de consommation courante. En Martinique, un enfant sur quatre est atteint d'obésité. Une canette de soda y contient 14 grammes de sucre ajouté, contre 10 grammes dans l'Hexagone. L'Afssa a pourtant obtenu la suppression de la collation nationale dans les écoles et une circulaire a tenté d'interdire les distributeurs de produits sucrés dans les écoles -sans succès : les proviseurs et les parents y ont vu le moyen d'empêcher les élèves de sortir aux interclasses.
La consommation excessive de sucre justifie pourtant des mesures comparables à celles prises contre le tabac et l'alcool. Le sucre raffiné provoque un affaiblissement des défenses immunitaires. Je ne parlerai pas de la prétendue appétence des Ultramarins pour le sucre, véritable aberration.
La DLC, qu'il faut distinguer de la date limite d'utilisation optimale (DLUO), est portée jusqu'à 60 jours outre-mer pour que les produits restent plus longtemps en rayon. La durée de vie d'un produit dépend de ses caractéristiques physico-chimiques : il est anormal qu'un produit fabriqué en métropole affiche une DLC plus longue que les produits locaux ! Cette concurrence déloyale est une injustice, je me réjouis que la proposition de loi impose une DLC commune. Je m'inquiète toutefois des conséquences de ce texte sur le pouvoir d'achat outre-mer : l'alignement des DLC pour les yaourts et autres denrées périssables risque d'entraîner une hausse des prix de 250 %, à l'heure où le Gouvernement lutte contre la cherté de la vie outre-mer. Que compte-t-il faire pour éviter une telle hausse des prix ? (Applaudissements à gauche)
M. Serge Larcher . - C'est la première fois que nous évoquons ces sujets dans cet hémicycle. En tant que président de la délégation à l'outre-mer, je m'en félicite, tant le problème est important. Les députés ont élargi le champ de la proposition de loi à la question de la DLC, je m'en réjouis. Ce texte arrive à point nommé. Plus les normes sont rigoureuses, plus les scandales se multiplient ! Dans les Antilles, la chlordécone, véritable poison, altérera la santé des dix générations à venir. Nous mourrons aussi des choix alimentaires qui sont faits. Les produits consommés outre-mer sont en effet plus sucrés que ceux vendus en métropole. Cela répondrait à une attente des consommateurs, disent les industriels. Mais il ne faut pas confondre attente et besoin, ou attente et habitude ! Les « îles à sucre » ont été marquées par la monoculture de la canne jusqu'aux années 1960. Avant les moyens de réfrigération modernes, le sucre -comme les épices et le sel- était aussi un moyen de conservation. Tout cela n'est pas sans conséquences sur le goût. Il est donc vital de modifier les habitudes alimentaires. Passés une première frustration, nous serons capables de nous adapter. Enfin, la prétendue préférence pour le suce n'est pas recevable car aucun argument commercial ne peut primer sur des considérations de santé publique. Je voterai donc ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Cornano . - La santé publique n'est pas le seul enjeu. La gestion des déchets et le gaspillage alimentaire relèvent tout autant du développement durable. Le problème sanitaire posé par les DLC est bien plus vaste et concerne la gouvernance de l'économie locale. Comment favoriser la production locale et le contrôle des produits ? L'article 4 va dans le bon sens mais il faut aller encore plus loin. La réflexion doit être poursuivie pour arrêter des mesures plus ambitieuses. Il faut résister aux lobbies, sans stigmatiser l'industrie agroalimentaire. Aux pouvoirs publics de faire cesser des pratiques qui ont profité d'un vide juridique. Est-il normal que les producteurs ultramarins soient soumis aux mêmes normes d'hygiène que les producteurs métropolitains ? Le milieu environnemental et climatique n'est pas le même...
Il nous faudra tirer le bilan de cette loi pour vérifier qu'elle est bien appliquée et sanctionner ceux qui la contournent. En attendant, ce texte est une avancée, il traduit le volontarisme du Gouvernement à l'égard des outre-mer. Je le voterai. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Vergoz, rapporteur . - Le diagnostic est partagé, même si MM. Guerriau et Milon divergent sur les solutions. Je veux témoigner de notre bonne foi. Mon cher collègue Guerriau, nous avons épuisé les voies de concertation. Il y a eu trois PNNS depuis 2011. Le PNNS est doublé d'un plan Obésité. Pour pas grand-chose...Trente-trois chartes ont été signées ; une seule concernait La Réunion, sur le sel ; les industriels ne sont pas allés jusqu'au bout de la démarche.
La loi de santé publique que vous appelez de votre voeu ? Il fallait la faire en 2009, comme le précédent gouvernement s'y était engagé. Depuis, la situation s'est aggravée. Ne pas agir rapidement relève de la non-assistance à population en danger. Seule la régulation publique peut agir. C'est une question de respect envers les Domiens. Produits plus chers, plus sucrés, plus vieux : c'est la triple peine. Le Gouvernement y apporte des réponses pragmatiques.
M. Victorin Lurel, ministre . - Je remercie tous les intervenants, la présidente de la commission et le rapporteur. L'article 3 relatif à la DLC mérite des précisions, que j'apporterai tout à l'heure.
Il y a entre nous, messieurs Guerriau et Milon, une différence philosophique. L'obésité serait un problème comportemental, a dit M. Milon.
Si la responsabilité individuelle est réelle, on ne peut ignorer les habitudes imposées. M. Larcher a raison de distinguer habitudes et attentes. Les personnes à petits revenus achètent en fonction de leurs ressources. Dans les années 50 et 60, je mangeais de la canne à sucre et je n'avais pas le sentiment de manger trop sucré ! On ne peut nier les impositions structurelles. Aujourd'hui, les gens veulent mieux consommer, à des prix raisonnables. Il faut d'abord améliorer la qualité, favoriser le développement écologique et soutenable, encourager la production locale. Nous espérons que celle-ci se développera. Vous avez tous reçu des industriels une documentation édifiante qui indique que des produits importés par avion seraient plus chers. Ce n'est pas probant du tout. Attention aux choix imposés à des consommateurs en situation de faiblesse.
Je participe à la rédaction de la future loi Consommation, qui renforcera les pouvoirs de la DGCCRF, monsieur Requier. La grande loi de santé publique viendra au mieux au 1er septembre 2014. Vu la situation, il fallait agir vite ; ma proposition de loi date de 2011 ! Depuis, rien.
Si la signature de chartes s'accélère, c'est que les industriels pressentent que ce texte va être adopté.
Le sujet serait d'ordre réglementaire ? Non, car il s'agit de la libre administration des collectivités territoriales et de la liberté de commerce. L'argument ne tient donc pas.
Je m'engage, madame Archimbaud, à ce que le seul arrêté ministériel nécessaire soit pris rapidement. La loi a été réécrite pour éviter trop de lenteurs. Je vous annonce que les deux derniers décrets de la loi LRE seront bientôt publiés.
Le risque de concurrence déloyale entre entreprises françaises et étrangères a été évoqué. Les produits intéressés sont peu nombreux. Il s'agit de niches, comme les desserts industriels. Les circuits rapides se font à partir des ports français : les produits étrangers partent avec un handicap concurrentiel en matière de délais. Nous favorisons les produits locaux frais, sans volonté protectionniste.
Une directive européenne permet à tout État européen d'édicter des dispositions nationales plus restrictives en matière de DLC : elles s'appliqueront à toutes les entreprises européennes.
L'augmentation des prix ? Regardez la liste qui vous a été envoyée par l'industrie, qui prétend que les prix doubleraient. Les chiffres méritent d'être analysés ; l'argument ne tient pas. J'y reviendrai à l'article 3, sur lequel je ferai une déclaration interprétative. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Jacques Cornano . - La possibilité offerte aux producteurs de fixer librement le taux de sucre de leurs produits est un scandale sanitaire. La surconsommation de sucre outre-mer est le résultat direct de la volonté d'accoutumer le consommateur ultramarin à des taux de sucre élevés. Que chacun assume ses responsabilités ! Une étude d'ampleur sur l'impact sanitaire de ces pratiques s'impose. Le rapport de l'Assemblée nationale souligne que le plan Obésité ne trouve pas de traduction concrète outre-mer et rappelle la nécessité d'une éducation nutritionnelle spécifique à l'outre-mer.
M. Jean-Étienne Antoinette . - Le bien manger et le bien boire appartiennent au socle culturel commun à la métropole et à l'outre-mer. La complexité des circuits et une traçabilité incertaine conduisent à des disparités inacceptables, d'autant qu'elles découlent de la pression des industriels et de la finance. Les précédents gouvernements sont complices. Les producteurs ne doivent pas poursuivre leurs pratiques malsaines. L'article premier améliorera les choses et permettra un alignement effectif entre la métropole et l'outre-mer. La préférence locale sera encouragée ; la gauche humaniste aux affaires était seule à même de placer l'homme et les territoires au coeur des préoccupations de nos compatriotes.
M. Joël Guerriau . - Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi, après avoir entendu les arguments du rapporteur et de nos collègues ultramarins unanimes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'article premier est adopté ainsi que l'article 2.
ARTICLE 3
M. Jacques Cornano . - Il faut relever le défi du gaspillage alimentaire, qui appelle une réflexion d'ensemble. La double DLC relève-t-elle d'un scandale environnemental, économique et social, auquel cas les pouvoirs publics sont aussi responsables que les industriels ? Il faut réfléchir en amont et reprendre toute la méthodologie sur laquelle s'appuient les industriels. Nous devons répondre aux objectifs sanitaires poursuivis. Les études scientifiques ne font quasiment jamais référence à l'évolution des produits dans le contexte des outre-mer. Pourquoi ne pas rédiger un guide de bonnes pratiques qui prendrait en compte les spécificités ultramarines, à l'élaboration duquel le ministre deS outre-mer comme les collectivités concernées seraient évidemment associés ? Ce guide aiderait les industriels à maîtriser la sécurité sanitaire et à respecter leurs obligations.
M. Serge Larcher . - La teneur plus élevée en sucre de certains produits n'est pas la seule inégalité subie par les consommateurs ultramarins, puisque les DLC ne sont pas les mêmes outre-mer qu'en métropole.
Est-il sans danger pour la santé humaine de conserver des produits jusqu'à 60 jours après leur fabrication ? L'allongement de la DLC outre-mer pénalise les produits locaux, dont la DLC est plus courte. J'approuve donc cet article 3 mais le dispositif sera-t-il efficace ? Ne concerne-t-il que la DLC ou aussi la DLUO ?
Les distributeurs de produits alimentaires outre-mer estiment que les prix augmenteront obligatoirement. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? Rien ne peut primer sur l'objectif de santé publique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
présidence de M. Didier Guillaume,vice-président
M. Victorin Lurel, ministre . - J'ai été intéressé par le rappel historique de M. Desplan. Lorsque des inquiétudes se font jour sur l'augmentation des prix, n'oublions pas que le transport aérien concerne aussi les produits ultramarins qui viennent en métropole ; les consommateurs métropolitains acceptent de payer un peu plus cher nos bananes... Je rappelle que peu de produits sont concernés : les desserts et la charcuterie. Avec cette mesure, la production locale sera favorisée. L'objectif, à terme, est qu'elle supplante les importations. Ici, nous donnons les moyens de développer les productions locales avec les entreprises de restauration collectives. Pourquoi des DLC courtes ? Pour favoriser, développer la consommation. Avec la restauration collective, il y a un vrai marché à prendre, ce qui permettra de créer des entreprises, des emplois et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Il faudrait faire le bilan des accords économiques conclus entre les outre-mer et les territoires voisins. Les produits de la Caraïbe peuvent entrer librement aux Antilles, mais 200 produits ne peuvent entrer chez nos voisins. Cette asymétrie est acceptée par la Commission européenne, qui a le pouvoir de négociation en la matière. Le député Serge Letchimy s'est vu confier une mission sur le sujet. Il faudra revenir sur cette situation et essayer de s'en émanciper dans certains domaines ; quoi qu'il en soit, la Commission européenne doit mieux tenir compte des spécificités de nos territoires ultramarins, qui appartiennent à l'Europe.
Je veux faire une déclaration interprétative de l'article 3 pour que les choses soient claires. L'interprétation du rapporteur est exacte : seul les DLC sont concernées, non les DLUO. Les inquiétudes des industriels sont sans fondement. L'article ne vise que les produits périssables dont la durée de commercialisation n'excède pas quelques jours ou quelques semaines.
Sur le seul champ de la DLC, certains distributeurs ont soulevés des arguments économiques : l'allongement serait nécessaire pour exporter par voie maritime, la voie aérienne étant plus chère. La liste de 300 produits qu'ils soumettent est au coeur du problème : pour une trentaine de desserts industriels, la différence de DLC n'est que de quelques jours. Faut-il vraiment des dates différentes ? Quand la DLC est de 17 à 21 jours en métropole et de 25 jours outre-mer, l'ajustement est plutôt fin... Pourquoi jeter les produits après 17 jours en métropole s'ils sont encore bons après 25 ? On voit aussi des produits laitiers avec une DLC à 25 jours en métropole qui passe à 50, voire 60 jours à l'export. Je m'interroge... Les 25 jours seraient suffisants pour une mousse au chocolat mais pas pour un yaourt... Allonger la DLC à l'export du jambon de Paris de 23 jours, est-ce raisonnable ?
Il ya mieux -ou pire... La DLC peut être portée à six mois pour du gruyère râpé ! Un camembert voit sa DLC portée de 21 à 70 jours pour l'export, le reblochon de 35 à 120 jours. Des plaques de beurre passent de 35 à 365 jours à l'export : « Passées les bornes, il n'y a plus de limites », comme disait Alphonse Allais !
Si ces dates sont exactes, je crains que la santé alimentaire ait peu à voir dans cette affaire. Preuve, comme pour la surconsommation de sucre, qu'il s'agit essentiellement d'une affaire de profit. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. Jacques Cornano . - Cet article qui vise à promouvoir les circuits courts est le bienvenu. Nous faisons déjà tout notre possible pour que les producteurs locaux puissent vendre leurs produits frais ; il faudra aussi aller plus loin et viser les produits locaux transformés et ceux issus de l'agriculture biologique.
L'article 4 est adopté.
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
M. Victorin Lurel, ministre. - Je vous remercie pour ce vote. J'ai bien entendu M. Cornano sur l'article 4 ; l'extension qu'il demande pourra être examinée dans le cadre du projet de loi que porte M. Le Foll. Nous voulons passer d'un modèle intensif à un modèle agro-écologique.
Zone des cinquante pas géométriques
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques.
Discussion générale
M. Serge Larcher, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires économiques . - « Le Gouvernement a enfin décidé de résoudre la trop vieille question des cinquante pas géométriques aux Antilles». Ainsi s'exprimait mon grand-oncle, Marius Larcher, avocat général à la retraite, dans un ouvrage intitulé La solution définitive de la question des cinquante pas géométriques aux Antilles, publié en janvier... 1949 ! Plus de soixante ans après, nous examinons cette proposition de loi que j'ai déposée le 26 mars avec les membres du groupe socialiste, qui traite de la gestion des cinquante pas géométriques, sujet bien connu dans les Antilles mais encore mystérieux pour les élus métropolitains...
C'est sous l'Ancien Régime qu'a été créée la zone dite des cinquante pas du roi, afin d'assurer la défense des îles ainsi que l'avitaillement et l'entretien des navires. L'édit de Saint-Germain-en-Laye de 1674 l'a intégrée au domaine de la Couronne, la rendant inaliénable et imprescriptible. Un décret de 1790 et une ordonnance de février 1827 ont confirmé cette inaliénabilité.
Dès la fin du XVIIIe siècle, les zones ont pourtant été occupées par des personnes sans titre de propriété, à commencer par les anciens esclaves en quête de terres libres où s'installer. Des autorisations d'occupation révocables, devenues progressivement définitives, ont été accordées au XIXe siècle. Deux décrets du président de la République de 1882 et 1887 ont introduit des exceptions en autorisant sous conditions la délivrance de titres de propriété.
Le décret de juin 1955 a transféré les zones des cinquante pas au domaine privé de l'État et mis fin à l'imprescriptibilité. La loi Littoral de 1986 les a réintégrées dans le domaine public de l'État.
La loi du 30 décembre 1996 visait à apporter une solution à la situation d'occupation sans titre de ces zones ainsi qu'à leur aménagement : délimitation par les préfets des zones urbaines et naturelles, fixation des modalités de cession, aide financière aux acquéreurs de terrains occupés pour édifier leur résidence principale, création d'agences ad hoc pour l'aménagement des zones urbaines.
En un peu plus d'un siècle, quatre textes ont été adoptés, parfois dans des directions contradictoires ; cette frénésie législative s'explique car le sujet est loin d'être anodin : 15 % à 20 % de la population de chacun des départements concernés habitent ces zones. La loi de 1996 a été modifiée à plusieurs reprises, notamment pour modifier la durée de vie des agences des cinquante pas géométriques. La dernière en date, celle dite Grenelle II, a prévu de la prolonger jusqu'au 1er janvier 2014 et de confier les missions des agences à des établissements publics fonciers d'État ; la date limite de dépôt des dossiers de régularisation a été fixée au 1er janvier 2013. Tel est l'état du droit.
Dix-huit ans après son adoption, le bilan de la loi de 1996 est mitigé. Le processus de régularisation a pris du retard : plus de 6 000 demandes ont été déposées en Guadeloupe pour 700 régularisations effectives. Outre que la population concernée est pauvre, la procédure est longue et complexe. Enfin, nombre de locaux sont situés en zone rouge ; les terrains ne sont ni cessibles ni régularisables.
Le Grenelle II a permis d'accélérer le processus : en Guadeloupe, plus de 57 % des dossiers déposés l'ont été ces trois dernières années, 40 % en Martinique. L'agence de ce dernier département dispose de moyens conséquents d'une véritable expertise.
Cette proposition de loi permet de prolonger la durée de vie des agences jusqu'au 1er janvier 2016 et de repousser la date limite de dépôt des demandes de régularisation au 1er janvier 2015. Ce texte est bienvenu, et même attendu dans les deux départements concernés, mais il ne s'agit que d'un texte de transition.
La création des établissements publics fonciers d'État n'est plus d'actualité. Les collectivités territoriales ont décidé de leur côté de créer des établissements publics fonciers locaux. La disparition des agences au 1er janvier 2014 risquait de provoquer une rupture. Le délai de deux ans doit être mis à profit pour réfléchir à l'avenir des agences, à la gestion de la zone des cinquante pas géométriques, à la mutualisation des différentes structures et à la reconstitution des titres de propriété. Je me réjouis que vous ayez lancé en avril, monsieur le ministre, une mission d'inspection sur le problème du foncier aux Antilles. Le transfert des missions de régularisation des agences aux EPFL est aujourd'hui envisagé, notamment en Guadeloupe.
Enfin, trois observations : si les agences disparaissent, il faudra se préoccuper du sort du personnel ; le transfert de la domanialité aux conseils généraux pourrait être envisagé ; la gestion par l'Office national des forêts des parcelles urbanisées de la forêt domaniale du littoral est parfois un peu brutale...
La commission des affaires économiques a adopté à l'unanimité les articles premier et 2 de la proposition de loi et introduit un article 3 qui porte sur la reconstitution des titres de propriété. L'absence massive de ces titres est un véritable fléau, car ils sont la condition de l'accès au crédit bancaire et du développement économique. Or, de 40 à 60 % du territoire de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion sont concernés...
L'article 35 de la Lodeom s'était inspiré de l'exemple corse ; mais quatre ans après, le GIP prévu n'a pas été créé, faute de décret. Une mission de préfiguration a été lancée en mai 2011, un projet de décret a été soumis au Conseil d'État, qui l'a rejeté. Je salue l'initiative du Gouvernement qui va confier la mission de titrement soit à un GIP, soit aux organismes fonciers existants.
Je vous invite à adopter cette proposition de loi à l'unanimité, comme l'a fait la commission des affaires économiques. (Applaudissements à gauche)
Hommage à une délégation thaïlandaise
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) J'ai le plaisir de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation conduite par M. Nikom Wairatpanij, président du Sénat du Royaume de Thaïlande.
Cette visite illustre une nouvelle fois, si cela était nécessaire, l'excellence des relations franco-thaïlandaises. Après la visite en France, en juillet dernier, de la Première ministre de Thaïlande, Mme Yinluck Shinawatra, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s'est rendu il y a quelques semaines à Bangkok, où de nouveaux partenariats entre nos deux pays ont été noués.
Je tiens tout particulièrement à souligner la qualité des échanges entre nos parlements. Une délégation du groupe d'amitié France Asie du sud-est, conduite par nos collègues Gérard Miquel et Bernard Saugey, s'est rendue en Thaïlande en septembre dernier et a pu longuement échanger avec M. le président du Sénat et des membres du Parlement thaïlandais, notamment sur les questions de démocratie locale et de coopération décentralisée, chères à notre assemblée. Une délégation du groupe d'amitié Thaïlande-France, en visite à Paris, sera reçue à déjeuner demain par une dizaine de nos collègues du groupe d'amitié France Asie du sud-est.
Nous formons le voeu que la présence du président du Sénat thaïlandais au Sénat aujourd'hui soit l'occasion de resserrer davantage les liens entre nos assemblées et de conforter le dialogue entre nos deux nations. Nous lui souhaitons la bienvenue au Sénat français ! (Applaudissements)
Zone des cinquante pas géométriques (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques.
Discussion générale (Suite)
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer . - Cette proposition de loi vient combler un vide juridique. Les agences des cinquante pas géométriques devaient disparaître le 1er janvier 2014 ; et, depuis le 1er janvier 2013, elles ne peuvent plus recevoir de dossiers. Le 4 décembre, j'avais indiqué devant les députés que le Gouvernement était favorable à la prolongation de leur durée de vie de deux ans supplémentaires et proposé la même disposition pour le dépôt des demandes de régularisation. Des établissements publics fonciers d'État devaient récupérer les prérogatives des agences mais des établissements public fonciers locaux ont été créés par les deux départements concernés. Les deux ans de prorogation permettront de donner le temps nécessaire à ces établissements.
En quinze ans, les agences ont démontré leur utilité en traitant d'une problématique prégnante sur ces deux territoires. Le bilan des régularisations est mitigé. Les zones des cinquante pas continuent à connaître des occupations illicites. Cette proposition de loi est donc bienvenue. Elle est urgente et nécessaire, bien que non suffisante. Une réflexion globale doit être menée, raison pour laquelle Mme Duflot et moi-même avons diligenté une mission de l'IGA et du Conseil général de l'environnement sur les problématiques foncières en Martinique et en Guadeloupe. Cette mission devra définir une stratégie foncière dans les zones urbanisées, en tenant compte des projets des collectivités territoriales et de la nécessité de reconstituer les titres de propriété. Elle devra aussi faire des propositions sur les différentes options possibles. Le rapport sera rendu le mois prochain. Il faut traiter au fond une situation difficile pour nos concitoyens comme pour les services de l'État et les collectivités locales.
Sur certaines zones, il y a pléthore d'intervenants. Se pose aussi la question de l'évaluation du prix par France Domaine. L'article 3 vise à mettre en oeuvre, grâce à une structure spécifique à chaque collectivité, une procédure de reconstitution des titres de propriétés, ce que souhaitait le Gouvernement. Le GIP unique prévu par la Lodeom n'a jamais vu le jour, faute de décret. Avec l'article 3, la mission de titrement pourra être assurée, soit par un GIP, soit par une structure foncière existante. L'article s'appliquera aussi à Mayotte. Le Gouvernement accueille favorablement ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Le Cam . - Cette proposition de loi nous ramène au passé des DOM... Il s'agissait, à l'époque, de protéger les rivages des îles contre les attaques. Si les cinquante pas géométriques concernent les outre-mer, la situation est différente à La Réunion, où la zone peut être aliénée depuis 1922, de ce qu'elle est en Martinique et en Guadeloupe.
La loi de 1996 a créé des agences, chargées de régulariser les occupations sans titre. Or le nombre de cessions-régularisations est très faible. L'habitat spontané est un problème réel outre-mer. Les zones aménagées et équipées ne sont pas nombreuses, et les occupations illicites se poursuivent. Pas question de jeter la pierre à qui que ce soit mais de faire un constat : la densité de population est plus importante sur le littoral d'outre-mer que sur celui de l'Hexagone. S'y concentre en effet l'essentiel de la population car l'intérieur des terres est accidenté ; la pression humaine s'accroît sur un territoire restreint, à haute valeur patrimoniale.
La proposition de loi reporte une nouvelle fois la date butoir, mais n'oublions pas que la privatisation de ces zones a fait augmenter les prix du foncier, favorisant les hôtels de luxe au détriment des agriculteurs.
Les écosystèmes littoraux sont pollués, le changement climatique entraîne l'érosion du littoral. Il faut agir pour protéger le littoral, sans pénaliser l'activité économique. Cet équilibre est possible, nous voterons donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Joël Guerriau . - Je salue le travail de Serge Larcher. Cette proposition de loi révélatrice de réalités difficiles donne l'occasion d'aborder des problèmes spécifiques pour l'outre-mer. Elle répond à l'urgence, à une insécurité juridique. Les deux agences devaient disparaître fin 2011 ; la première prolongation de leur durée de vie n'ayant pas suffit, il fallait agir. Une prolongation de deux ans me semble raisonnable. Les deux agences ont connu un important regain d'activité depuis 2010, preuve de la qualité de leur travail. Deux ans, c'est raisonnable et suffisant pour trouver des solutions pérennes. Le provisoire ne doit pas s'éterniser. Qu'envisagez-vous, monsieur le ministre ? Les établissements fonciers locaux peuvent-ils jouer un rôle ? La procédure de titrement, plus décentralisée, peut être conduite par un GIP. Cela apparaît efficace pour des opérations souvent chères et délicates.
Si les agences doivent perdurer, c'est que les occupants sans titre n'ont pas les moyens d'acquérir le terrain qu'ils occupent, ni de se loger ailleurs. L'insécurité juridique est réelle. C'est la question du logement outre-mer qui est posée. Il est temps d'évaluer l'efficacité des dispositifs fiscaux avantageux en la matière. La proposition de loi Letchimy facilitera le relogement, je m'en réjouis. Allez-vous proposer des mesures spécifiques à l'outre-mer dans la future loi Logement ?
Le groupe UDI-IC votera cette proposition de loi consensuelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs)
M. Jean-Claude Requier . - Le sujet est technique mais touche à des questions essentielles, comme celles du logement et de la protection du littoral. L'occupant sans titre dans la zone des cinquante pas géométriques ne pouvant faire valoir d'adresse officielle, il ne peut accéder à des services comme ceux des banques.
Ce qui s'appelait, il y a trois siècles, « zone des cinquante pas du roi » devait servir à la protection des îles et à l'avitaillement des navires. Il y eut très tôt une occupation sans titre ; au XXIe siècle furent délivrées des autorisations d'installation fondées sur des motivations économiques. L'adoption de textes contradictoires a eu pour effet une grande incertitude juridique. A l'heure actuelle, 15 % des Guadeloupéens et des Martiniquais vivent dans cette zone. Initialement créées pour dix ans, les agences devaient disparaître en 2014, mais les établissements publics fonciers d'État, qui devaient les remplacer, ne seront pas créés... Il faut donc prolonger leur durée de vie. Depuis le Grenelle II, les missions de ces agences ont évolué, la régularisation des occupants sans titre devenant prioritaire. Mais le nombre de régularisations reste faible.
Il y aurait 17 000 constructions illicites en Guadeloupe et 15 000 à La Martinique. La fragilité financière des personnes concernées leur interdit d'acquérir leur résidence principale. Or, les aides prévues sont très insuffisantes, et la procédure administrative interminable. Enfin, pour les constructions en zone rouge, il faut trouver des solutions de relogement. Il faut également améliorer l'aménagement et l'accès à des équipements publics aussi essentiels que l'assainissement.
Cette proposition de loi n'apporte qu'une solution temporaire au problème de l'occupation sans titre. Ces deux années supplémentaires ne suffiront pas : il faudra une réponse à l'absence massive de titres de propriété, qui ne concerne pas que les Antilles. Une réflexion globale sur le foncier s'impose. L'article 3 est bienvenu. L'ensemble du groupe du RDSE votera la proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Joël Labbé . - Il y a trois jours encore, je n'avais jamais entendu parler de la zone des cinquante pas géométriques. (Sourires) J'ai appris, depuis, ce qu'étaient les « cinquante pas du roi ». De nombreux particuliers se sont progressivement appropriés des parcelles de cette zone théoriquement inaliénable et imprescriptible. La possession de la terre sur cette zone est un enjeu majeur depuis l'abolition de l'esclavage : 15 % des Guadeloupéens et des Martiniquais y vivent. On comprend donc la nécessité de prolonger la durée de vie des agences, qui devaient être remplacées par des établissements publics fonciers d'État. Aucun organisme, même local, ne sera en mesure de poursuivre la mission de régularisation des agences en 2014.
Il ne faut pas pour autant favoriser la privatisation du littoral et l'accaparement des terres. Le bilan de la loi de 1996 est décevant : peu de régularisations, peu de zones aménagées, de nouvelles constructions illicites. Les flux de nouveaux occupants sans titre doivent cesser. Il s'agit de protéger le littoral, de le rendre accessible à tous, de lutter contre l'urbanisation excessive, de régulariser la situation d'une population souvent âgée, pauvre et illettrée, de lui assurer l'accès aux équipements publics, de reloger les personnes installées en zone rouge. Nous voterons ce texte mais la réflexion doit se poursuivre avec les habitants et les collectivités locales.
M. Michel Magras . - L'occupation sans titre de la zone des cinquante pas géométriques est un phénomène ancien, accentué par la pression démographique et l'urbanisation. La résorption de l'habitat spontané est au coeur de la mission des agences, avec l'aménagement du territoire, la préservation du littoral et du patrimoine écologique, le développement économique. La question est donc multiforme, objet de plusieurs rapports qui estiment que 15 à 18 000 familles seraient concernées.
Le sujet du logement outre-mer mérite la plus grande attention. Les agences ont contribué à la sécurité des personnes et à la dynamisation économique des littoraux. A la confluence du social, de l'économique et de l'écologique, ce sont des acteurs charnières. Les campagnes de sensibilisation de la population ont été fructueuses. La durée de vie des agences a été modifiée pas moins de trois fois ; elles ont vocation à demeurer l'interlocuteur privilégié des acteurs de la régularisation. Elles ne peuvent disparaître sans qu'un relais soit mis en place. Nous approuvons donc la démarche de Serge Larcher, d'autant que les agences ont joué efficacement leur rôle. L'article 2 prévoit un dispositif pertinent auquel nous souscrivons.
La problématique du titrement outre-mer dépasse toutefois la seule zone des cinquante pas géométriques. La Lodeom avait prévu la création d'un GIP ; la proposition de loi, pragmatique, permet à chaque département d'adopter le système le plus adapté. Adopté à l'unanimité en commission, ce texte est consensuel. Le groupe UMP le votera. (Applaudissements)
M. Maurice Antiste . - La zone des cinquante pas géométriques a une histoire longue et ancienne. Elle est occupée ça et là dès le XVIIIe siècle. Les agences des cinquante pas, créées en 1996, sont chargées de la régularisation de ces occupants sans titre. Leur durée de vie a déjà été prolongée, au vu de la qualité de leur travail. Maire d'une ville dotée de 36 kilomètres de côtes, administrateur de l'agence de la Martinique, je peux en témoigner. Mais il reste beaucoup à faire.
L'oiseau agence risquait d'être abattu en plein vol... Les zones concernées ont continué à se modifier, les défis urbanistiques sont considérables. Prolongeons donc la durée de ces agences au 1er janvier 2016, repoussons la date limite de dépôt des demandes de régularisation. Cela ne suffira pas mais c'est un premier pas indispensable. Quid de l'après 2016 ? Les établissements publics fonciers locaux seront-ils opérationnels à cette date ?
Il faut rendre plus équitable l'assujettissement à la taxe locale d'équipement, qui devrait être supportée par tous les habitants de nos petites îles, d'autant que ce sont souvent ceux qui sont les plus éloignés de la côte qui se sont installés dans ces zones. Dans une petite île, la mer n'est jamais bien loin. Songeons aussi au sort des personnels des agences. Donnons-nous les moyens d'atteindre nos objectifs, sans précipitation. Je suis prêt à y apporter ma pierre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques Cornano . - Les agences de Guadeloupe et de Martinique apportent une aide incontournable. Si leur utilité est indéniable, le travail à effectuer reste très important sur ces zones où l'occupation humaine est en expansion continue. Il fallait poursuivre les missions de régularisation foncière et d'aménagement en attendant la mise en place des établissements publics fonciers. Il reste environ 3 000 constructions à régulariser. S'ajoute la nécessité d'un accompagnement social personnalisé, notamment pour ceux qui doivent être relogés.
Or, la mise à disposition par les communes de foncier pour la construction de logements sociaux est loin d'être achevée. Les établissements publics fonciers devront mettre en place des stratégies foncières et conforter leur caractère social. Nombre de questions demeurent en suspens. Nous espérons que des objectifs opérationnels seront fixés, que le calendrier sera rigoureux. Pourquoi les établissements publics fonciers d'État ont-ils été écartés ? N'oublions pas non plus le rôle fondamental de l'ONF.
Cette proposition de loi comble un vide juridique. Je voterai ce texte, en espérant que les nouveaux établissements publics fonciers fonctionneront le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Victorin Lurel, ministre . - Cette proposition de loi vise à combler un vide préjudiciable en matière de titrement. Le Gouvernement la soutient. Une mission d'inspection a été diligentée, qui rendra prochainement ses conclusions ; nous en tirerons des conséquences législatives dans la future loi Duflot.
Nous savons la confusion qui s'est installée sur ces zones, outre l'ONF, les agences, les établissements publics fonciers, qui seront financés par une redevance. La plupart des collectivités ont écarté la formule de l'établissement public foncier d'État. Dans l'esprit de la décentralisation, elles ont souhaité garder la maîtrise de leur politique de logement. Avec un établissement public foncier local, ce sont les élus locaux qui décident. Cela fonctionne à La Réunion. C'est donc ce que le Gouvernement a proposé.
L'après 2016 ? En Guadeloupe, il y aura un établissement public local. En Martinique, un établissement public foncier local a déjà été créé ; il faut s'assurer de son caractère opérationnel. En Guyane, il y a l'établissement public d'aménagement en Guyane (EPAG) ; il y aura éventuellement un établissement public foncier local. Mayotte doit encore être consultée : GIP, établissement public foncier d'État ou établissement public foncier local. Le choc institutionnel est considérable. Le travail à faire en matière de cadastre est énorme. La loi sera adaptée selon la volonté des élus locaux et la réalité locale.
Le bilan des agences des cinquante pas est mitigé, je le reconnais. Dès que le rapport des deux inspecteurs me sera remis, nous mettrons tout sur la table.
Les différences d'évaluation entre la Martinique et la Guadeloupe méritent d'être étudiées. Les aides sont-elles suffisantes ? N'allons pas reprendre d'une main ce que nous donnons de l'autre. Vous avez évoqué la lourdeur des procédures, les zones rouges... Je n'ai pas, aujourd'hui, de réponse. La réflexion se poursuivra. Le financement mérite également que nous y réfléchissions.
Je remercie tous les groupes, notamment l'UMP et l'UDI, pour leur soutien.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 14
Après le mot :
communiquées
insérer les mots :
aux pétitionnaires,
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les informations mentionnées à l'alinéa précédent sont consultables par toute personne intéressée en préfecture. »
M. Victorin Lurel, ministre. - La proposition de M. Lenoir est très judicieuse, mais nous préférons éviter de recourir au décret : le Gouvernement propose d'intégrer cet ajout dans le texte même de la loi. Dès lors, M. Lenoir pourrait retirer son amendement...
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Lenoir.
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« Un décret d'application précise les conditions dans lesquelles les informations collectées par l'opérateur public ou le groupement d'intérêt public chargé de la procédure du titrement sont portées à la connaissance des personnes concernées. »
M. Jean-Claude Lenoir. - Les compliments que je viens d'entendre justifient cet amendement. (Sourires) Le Gouvernement a déposé un amendement sur la procédure de titrement. L'opérateur public travaillait sous le sceau de la confidence ; il était apparu qu'il fallait que ces informations soient connues des personnes concernées.
J'ai proposé un décret d'application, mais le ministre me dit que cela risque de retarder l'application de la loi. Soit, je maintiens toutefois mon amendement, pour le cas où celui du Gouvernement ne serait pas adopté. (Sourires)
M. Serge Larcher, rapporteur. - L'amendement de M. Lenoir est, sur la forme, ambigu. Quelles seront les personnes concernées ? Sur le fond, je ne peux pas être favorable à son amendement qui prévoit un décret d'application, mais le Gouvernement a déposé un amendement sur l'information intéressant les parties prenantes qui lui donne satisfaction. Je lui demande donc de retirer l'amendement n°1 rectifié.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Certaines lois restent inappliquées, faute de décrets d'application. Je vous invite donc à ne pas renvoyer à des décrets dans vos propositions de loi. Sur le fond, le Gouvernement a répondu à votre inquiétude avec son amendement.
M. Jean-Claude Lenoir. - Cet échange est intéressant et nous sommes d'accord sur le fond. Mais l'admonestation du président de la commission des affaires économiques était plutôt dirigée vers le Gouvernement que vers les parlementaires. (Sourires)
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Mon département, dont l'histoire coloniale est plus courte, possède aussi cette spécificité des cinquante pas géométriques. Plusieurs parcelles se trouvant sur cette zone sont occupées sans titre de propriété, malgré une régularisation engagée depuis les années 90.
De plus, le dispositif Fillon est particulièrement injuste puisque des personnes ayant possédé ces terrains pendant plusieurs générations doivent les racheter pour officialiser leur propriété. Je suis d'accord avec le ministre à propos du choc institutionnel que connaît Mayotte. Nous devons rendre justice aux propriétaires coutumiers qui risquent d'être spoliés. Je ne peux donc qu'approuver cet article 3.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Bien entendu, je visais tout à l'heure les propositions de loi, mais je n'ai pas changé d'avis sur les projets de loi dont je souhaite qu'ils soient accompagnés des projets de décrets d'application.
L'amendement n°2 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
M. le président. - Je rappelle l'intitulé retenu par la commission : « Proposition de loi visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin ».
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
M. Victorin Lurel, ministre. - Je vous remercie pour l'adoption de cette proposition de loi. S'il en allait ainsi pour tous les textes examinés par le Parlement dans la même ambiance, je serais un ministre heureux ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La séance, suspendue à 18 h 40, reprend à 18 h 45.
Refondation de l'école de la République
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
Discussion générale
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale . - C'est une grande fierté pour moi de vous présenter ce projet de loi. Je salue le travail mené en commission : sept heures de débat, 426 amendements examinés et 135 amendements adoptés, dont 65 de Mme la rapporteure.
J'attends beaucoup de ce débat. La loi, déclaration de la volonté générale, suppose la délibération. Quand on pénètre dans une salle de classe, on apprend à l'élève à se décentrer. Anatole France disait qu'être le centre du monde, ce n'est pas bon pour la démocratie. « Je m'écoute, mais se croire, c'est ce qu'il y a de pire », dit Alain.
L'école de la République cherche à décentrer les points de vue car nous sommes plus intelligents à plusieurs que tout seul.
En laissant les débats se dérouler, nous participons de cet effort. J'ai été surpris du débat à l'Assemblée nationale : autour de l'école de la République, nous pouvons nous rassembler. L'école n'appartient pas aux uns ou aux autres, elle appartient à tout le monde. Il faut commencer par ce qui est fondamental, ce sur quoi ça repose. Certains ne comprennent pas ce que « fondation » veut dire. Il faut donner la priorité au primaire. Qui peut dire que nous ne pouvons pas nous rassembler autour de cette idée ? D'anciens ministres qui ne sont pas de même sensibilité soutiennent cette idée, alors que 25 % des élèves qui entrent au collège sont en difficulté et entrent ainsi dans le processus d'échec et de décrochage. Or, nous sommes le pays de l'OCDE qui accorde le moins au primaire. Notre taux d'encadrement est le plus faible. Nous avons accordé cette priorité pour la réussite de tous les élèves : deux tiers des moyens supplémentaires seront accordés au primaire et un tiers au collège. Dans certaines zones, il y a des manques terribles. Choisir cette priorité, ce n'est pas être de gauche ou de droite, mais être républicain.
M. Christian Bourquin. - La droite a assassiné l'école !
M. Vincent Peillon, ministre. - Nous devons donc dépasser les positionnements et les rancoeurs. Pour construire du solide dans le collège, il faut commencer par le primaire. Accorder les moyens et la pédagogie là où les besoins sont essentiels.
Depuis la loi Guizot, chacun sait que l'école de la République s'est construite autour de la formation des maîtres dans des conditions très difficiles jusqu'en 1905. Les instituteurs furent souvent mal traités, par rapport aux professeurs. Mais la formation dans les écoles normales a fait que des générations d'hommes et de femmes ressemblant à leurs élèves, immigrés polonais dans le nord, enfants de la campagne ailleurs, ont dispensé leur enseignement dans l'école de la République. Avec la mastérisation, les enseignants ne ressemblent plus à leurs élèves, la sociologie des professeurs a changé. D'où la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation où les 27 000 recrutés auront des stages de professionnalisation pour connaître leur métier et le vivre mieux.
Quand les débats sur l'école arrivent, nous parlons de l'accessoire, et pas de l'essentiel.
On demande tout à l'école mais l'essentiel, c'est lire, écrire, compter, se cultiver, « l'éducation libérale » dont parlait déjà Jules Ferry.
Les écoles supérieures du professorat et de l'éducation seraient des IUFM ressuscités ? Pas du tout ! C'est un nouveau modèle, les concours sont totalement nouveaux, le « référentiel métier » a été revu. Dès la troisième année, les étudiants seront accompagnés par des professionnels, des universitaires et des praticiens. J'ai réuni les recteurs et la conférence des présidents d'université la semaine dernière pour les inciter à ne pas reproduire les erreurs du passé. Il faut en finir avec l'incompréhension entre les uns et les autres ! Les écoles supérieures rassembleront tous ceux qui ont vocation à enseigner.
La loi vous propose de mieux travailler la liaison entre le primaire et le collège. Les écoles supérieures portent ces ambitions, tant sur le numérique que l'instruction morale laïque parce que la République doit défendre ses valeurs et les enseigner. (M. Jean-Michel Baylet applaudit)
La violence est partout, nous devons nous y attaquer. De même, l'égalité entre filles et garçons doit être renforcée, les discriminations combattues. Nous mettons donc les moyens pour ces écoles supérieures. Je sais bien que la loi ne changera pas seule la réalité ; il faudra du temps, de la persévérance et de l'obstination. Certes, tout ne sera pas parfait dès la rentrée mais l'être parfait, ce n'est pas nous. Nous tâtonnons, nous avons le droit à l'erreur mais nous allons dans la bonne direction. L'école doit permettre d'acquérir les connaissances de base mais aussi donner l'accès à la culture. L'école doit aussi offrir des ouvertures sur le monde professionnel. Une des faiblesses de notre système éducatif, c'est l'orientation, trop souvent négative, d'où le parcours d'information et d'orientation, qui relève de la liberté. Il est également fondamental d'apprendre précocement une langue étrangère. C'est utile pour les élèves -les travaux du linguiste Claude Hagège l'ont démontré- mais aussi pour la compétitivité de la France.
Depuis 1974, nous n'avons connu que la crise et la précarisation accrue. Ce serait une terrible erreur de ne pas reconnaître que l'investissement dans l'enseignement est essentiel. Le niveau de qualification et de culture doit être relevé pour répondre au défi de la compétitivité. Je relisais Nos fils où Michelet, en 1869, s'étonnait que l'on oblige les enfants à rester assis six heures par jour, à répéter tous la même chose, comme des grenouilles... Il ne faut pas oublier l'activité. L'école doit être capable de développer toutes les qualités humaines. Cette réforme est aussi une grande réforme pédagogique.
Dans cette loi, nous posons les fondements et nous prévoyons les financements qui, s'ils sont nécessaires, ne sont pas suffisants.
Nous instituons un service public du numérique. Nous avons besoin de former par le numérique et au numérique, qui comporte divers dangers.
Nous devons aider nos éditeurs à créer une filière numérique pour éviter que les programmes pédagogiques nous viennent de l'étranger.
Le projet de loi comporte beaucoup d'aspects mais je m'en tiendrai au plus simple. Nous traversons une crise profonde, matérielle mais aussi morale, la France est le pays le plus pessimiste sur son avenir et nous, nous voulons que l'avenir nous rassemble. Lorsqu'il s'agit de nos enfants, de l'école de la République, nous devons nous rassembler.
Un grand républicain disait, il y a longtemps dans cet hémicycle, que les élèves étaient les messagers de l'avenir. C'est une évidence. J'ai été heureux du travail de la commission. Beaucoup d'amendements enrichiront ce texte, notamment à l'article 3. Grâce à vous, les parents seront mieux associés à l'école. Vous avez apporté des modifications bienvenues. Les clivages entre « instruction » et « éducation », entre « républicain » et « pédagogue » n'ont pas lieu d'être. Instruire, c'est déjà éduquer, former le jugement.
La santé scolaire est dans une situation alarmante, vous voulez l'améliorer.
Vous avez aussi précisé que l'école de la confiance appelle aujourd'hui de nouveaux modes d'évaluation, pour aider l'élève plutôt que le sanctionner. Je souhaite que ce débat soit l'occasion de dire notre attachement à l'école de la République. Nous avons à coeur la réussite de tous les élèves, quelles que soient leurs origines, leurs croyances, leurs opinions.
Nous allons retrouver le bon chemin pour l'école, dans une France qui a beaucoup souffert. J'ai été surpris des débats à l'Assemblée nationale. Ces sujets doivent nous réunir et j'espère que le Sénat, dans sa sagesse, enverra ce signal d'espoir à tous les jeunes. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
Mme Françoise Cartron, rapporteure de la commission de la culture . - Pierre Mendès-France disait : « Quand la République est capable de comprendre la jeunesse, d'épouser ses espérances, alors elle n'a rien à craindre des extrémistes car elle sera toujours plus forte, ardemment défendue et portée par elle ».
M. Roland Courteau. - Bien dit !
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Ce projet de loi s'inscrit dans cette belle ambition. Cette loi est au coeur du projet politique du président de la République. La France est soumise à une crise économique mais aussi morale. Notre école souffre de plusieurs maux : elle ne corrige pas les inégalités sociales, qui ont tendance à se creuser. Notre école est désorientée, abîmée par les coups subis ces dernières années. (M. Roland Courteau le confirme)
Oui, c'est bien d'une refondation dont elle a besoin. Notre commission a conduit 70 auditions, adopté 138 amendements issus de tous les groupes politiques.
Pour réaffirmer la démocratisation du système scolaire, condition de la cohésion nationale, notre commission a estimé qu'il fallait dire quelle était l'ambition de notre école. Non, certains élèves ne sont pas condamnés à l'échec, tout enfant est capable d'apprendre et de progresser, l'obligation scolaire doit être inclusive, la lutte contre les inégalités amplifiée.
En créant des postes d'enseignants, le Gouvernement effectue une révolution copernicienne indispensable. 3 000 postes sont créés pour accueillir les enfants de moins de 3 ans dans les zones en difficulté.
En instaurant des parcours pédagogiques adaptés, les difficultés scolaires seront surmontées. 7 000 postes sont affectés aux zones prioritaires, notamment au dispositif « plus de maîtres que de classes ». Le projet de loi renforce le collège unique, qui conditionne l'élévation de la qualification globale. Les valeurs fondamentales -respect de la dignité, liberté de conscience et laïcité- ont été inscrites dans le nouvel article 3.
La neutralité et la laïcité du service public seront respectées. Les établissements scolaires devront veiller à la mixité sociale. L'assouplissement de la carte scolaire a profité aux familles qui ont le plus grand capital culturel. Les parcours spécifiques, les options sont devenus des outils dans le parcours de dérogation. La ghettoïsation des « mauvais » établissements s'est aggravée. Certes, le retour à une sectorisation stricte n'est pas souhaitable mais les demandes de dérogation sur la base d'un parcours scolaire particulier ne seront plus prioritaires, comme l'a voulu M. le ministre.
Afin de faire émerger une nouvelle école, l'article 31 A précise que celle-ci se construit avec les parents et avec tous les acteurs de la communauté éducative.
Il faut bâtir des projets où les temps éducatifs de l'enfant feront l'objet d'une approche globale. Une démarche partenariale sera privilégiée. De la qualité du dialogue dépendra la réussite des projets. Un pacte de confiance et de responsabilité doit être noué avec les familles. Au nom de l'école inclusive, notre commission, unanime, considère que l'accord des parents est préalable à tout changement d'orientation d'un élève handicapé. Parce que toute rupture entre les sphères familiale et scolaire serait préjudiciable au suivi de l'enfant, l'accord des parents doit être un préalable avant toute mise en oeuvre d'un dispositif d'aide personnalisée.
L'éducation nationale doit mener un travail approfondi avec les parents pour restaurer des relations de confiance. La commission a ainsi inséré plusieurs dispositions visant à rapprocher à terme les familles de l'institution scolaire : information des parents, aménagement d'un espace à leur usage dans chaque établissement, bilan annuel des actions menées à destination des parents d'élèves. Nous avons inscrit dans la loi l'expérimentation pendant trois ans de l'orientation choisie à la fin de la troisième. Lorsque nous avons abrogé la loi Ciotti qui prétendait enrayer l'absentéisme scolaire par la suspension des allocations, loi aussi injuste qu'inefficace...
M. Gérard Longuet. - Efficace, au contraire ! (On renchérit sur les bancs UMP)
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - ...nous allions dans le même sens. Nous avons ici introduit des mesures d'accompagnement des parents selon les difficultés qu'ils rencontrent, des actions de remédiation et un soutien personnalisé aux élèves en rupture.
Nous avons aussi fait une place particulière aux langues. Les enfants seront sensibilisés à la diversité linguistique. Les langues parlées dans les familles bilingues seront valorisées, comme les langues régionales qui sont la richesse de nos territoires.
L'organisation d'un service public de l'enseignement ouvert sur son environnement et en phase avec les exigences du temps suppose que soit favorisée la coopération entre les élèves. L'approche élitiste de l'enseignement conduit à toujours plus de décrocheurs et toujours moins de bons élèves. La compétition effrénée entre les élèves doit céder la place à la coopération entre eux.
Après l'échec de la mastérisation, ce projet de loi crée les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) ; 27 000 postes seront créés au service de cette ambition. Elles contribueront au développement d'une culture professionnelle partagée et comprendront des modules de formation de la maternelle à l'enseignement supérieur. La coopération sera assurée avec les unités de recherche. La commission a consacré la diversité des formateurs, enseignants, universitaires, acteurs de l'éducation populaire ou artistique et à la citoyenneté. Il est aussi prévu de renforcer la formation des cadres de l'éducation nationale, notamment des inspecteurs ; il faut des relais efficaces sur le terrain.
Les nouvelles technologies joueront un rôle éminent dans ce sursaut pédagogique, favorisant la coopération entre les élèves et la transversalité des enseignements. Le service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance va dans ce sens. Il faut former les enseignants mais aussi les enfants aux opportunités comme aux dangers d'internet. L'exception pédagogique mériterait l'élargissement de son champ.
Ce projet de loi est la matrice des transformations à venir. Les mesures réglementaires de mise en oeuvre seront décisives. Pour faire vivre l'ambition que ce texte porte pour notre jeunesse, le Parlement joue son rôle ; je salue le travail de l'Assemblée nationale et remercie tous les collègues qui ont participé à nos longues séances en commission. Je ne doute pas que notre débat conduira à tenir la promesse de l'égalité qui, comme l'a dit le président de la République, n'est pas une nostalgie mais une ambition ! C'est tout l'enjeu de cette loi de refondation, sur lequel nous pouvons tous nous retrouver. (Applaudissements à gauche)
La séance est suspendue à 19 h 40.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 21 h 40.
Mme Claire-Lise Campion, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales . - La commission des affaires sociales s'est saisie pour avis de ce projet de loi sur la question de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Le rapport de notre commission s'inscrit dans la continuité de celui que j'ai cosigné l'an passé avec Mme Debré sur l'application de la loi Handicap de 2005, laquelle avait ouvert l'école de la République sur le handicap et rendu possible la scolarisation de 55 000 enfants en milieu ordinaire. Mais on estime encore à 20 000 le nombre d'enfants en situation de handicap sans solution de scolarisation.
La qualité n'est pas toujours au rendez-vous. Les parcours de scolarisation connaissent trop de ruptures. Le recours croissant aux auxiliaires de vie scolaire, précaires et insuffisamment formés, n'est pas une solution adaptée. Le cloisonnement entre le secteur médico-social et l'éducation nationale est également un problème. D'où les propositions que nous avons formulées dans notre rapport. Mme Carlotti a lancé plusieurs chantiers avec un groupe de travail sur la professionnalisation du métier d'accompagnant. Dans l'attente, le Gouvernement a déjà annoncé le recrutement de 1 500 auxiliaires de vie scolaire à la rentrée 2013.
Deuxième chantier, celui de l'accessibilité, autour du principe de l'accessibilité raisonnée. Troisième chantier, un nouveau plan Autisme, avec trente unités d'enseignement dédiées en maternelle dès la rentrée 2014. Enfin, un module obligatoire de sensibilisation au handicap dans la formation des enseignants. Le rapport annexé au projet de loi met l'accent sur l'importance de l'accompagnement.
L'Assemblée nationale a introduit la notion d'école « inclusive » : c'est à l'école de s'adapter aux besoins de ces enfants, et non l'inverse. Nous voyons là un véritable changement de paradigme. La commission de la culture du Sénat a déplacé ce principe d'inclusion scolaire dans un nouvel article 3 A, en l'étendant à toutes les discriminations. Nous nous en félicitons.
L'Assemblée nationale a adopté un article 4 ter qui a choqué le monde associatif en supprimant l'accord des parents ; je me réjouis que la commission de la culture supprime cet article. A l'article 10, la commission de la culture a retenu une rédaction plus générale visant l'ensemble des élèves. Enfin, à l'article 30, l'Assemblée nationale a précisé que l'enseignement en maternelle doit être adapté aux enfants en situation de handicap.
Les dispositions relatives à la scolarisation de ces enfants ne doivent pas être cantonnées au rapport annexé, dénué de portée normative. D'où les neuf amendements de la commission des affaires sociales. Ce projet de loi est l'occasion d'améliorer les conditions de scolarisation des enfants en situation de handicap. Donnons-nous en les moyens. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Haut, rapporteur pour avis de la commission des finances . - Ce projet de loi traduit l'engagement du Gouvernement de faire de l'éducation nationale une priorité du quinquennat. La commission des finances a donné un avis sur les créations de postes. Le rétablissement de 60 000 postes était un engagement de la campagne de François Hollande, que ce projet de loi traduit. Dans un contexte budgétaire contraint, l'effort est compensé par des économies équivalentes dans les dépenses de l'État, conformément aux principes de la Lolf. Les crédits de la mission Enseignement scolaire augmentent ainsi de 1,18 milliard d'euros. Le rapport annexé détaille la ventilation des 60 000 postes : 54 000 au ministère de l'éducation nationale, 5 000 au ministère de l'enseignement supérieur et 1 000 au ministère de l'agriculture au titre de l'enseignement agricole.
La réforme de la formation initiale représentera 27 600 de ces créations d'emplois. A noter, 3 000 postes supplémentaires pour la scolarisation des enfants de moins de 3 ans. Il faudra se concentrer sur les zones les plus fragiles et veiller à réduire les inégalités territoriales. La commission des finances a adopté un amendement pour compenser la suppression de postes de remplaçant dans le deuxième degré. C'est bien l'ensemble du personnel qui bénéficiera de ces créations de poste, avec une priorité donnée au primaire.
Les articles 12, 13 et 14 concernent la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales en matière d'équipements informatiques, qui mérite des éclaircissements.
L'article 47 crée un fonds d'amorçage temporaire destiné à aider les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires. Les associations d'élus saluent le principe de la réforme mais ont souligné certains obstacles, surtout financiers. La commission de la culture, sur l'initiative de la commission des finances, a inscrit dans le texte le montant des aides annoncées pour les collectivités territoriales. Le décret d'application soulève toutefois quelques difficultés, notamment pour les EPCI compétents en matière d'éducation. Nous reviendrons sur la question cruciale du financement du fonds.
Enfin, les nouvelles normes applicables aux collectivités territoriales pèseront à hauteur de 1,8 milliard en 2014. Je présenterai trois amendements qui s'inspirent du rapport Doligé sur la simplification des normes. Hélas, la commission de la culture ne m'a pas suivi.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d'adopter ce projet de loi qui refonde l'école de la République. L'éducation et la formation sont les pierres angulaires d'une société plus solidaire, qui refuse la fatalité de la reproduction des inégalités. (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture . - Dans un contexte difficile, je tiens à remercier le ministre pour la façon dont ce texte arrive devant nous. Il prend en compte la réalité de notre société et est accompagné de moyens crédibles.
La commission a pris sa part du travail ; j'en remercie Mme Cartron ainsi que tous ceux qui ont participé à nos travaux. Chacun s'est engagé pour la réussite de ce texte ; il ne faudrait pas détricoter ce que nous avons fait, il serait contreproductif que des apports exigeants nourris d'observations actualisées disparaissent. On ne saurait, au nom de la fidélité à la rédaction d'une plume experte du ministère, spolier le Parlement de son apport contributif. M. le ministre vient de nous dire qu'on est plus intelligent à plusieurs : je le prends au mot. (Sourires)
Ce qui fut fait avant la loi concernant le temps scolaire a suscité beaucoup de résistance, la peur de perdre des acquis, qu'il s'agisse des enseignants, des parents, des associations, des collectivités. Passer d'une société bloquée parce qu'elle a été malmenée (protestations sur les bancs UMP) à un climat de confiance demandera beaucoup d'écoute, de souplesse et de prise en compte des difficultés de chacun, sans renoncement bien sûr.
Il en est de même pour l'éducation culturelle et artistique. Notre commission a soutenu la pluridisciplinarité et j'insiste sur la nécessaire coordination entre les divers ministères concernés.
Enfin, en application de l'article 44-6 de notre Règlement, la commission souhaite la réserve de l'article premier et du rapport annexé jusqu'à la fin de l'examen des articles. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - La réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
M. Vincent Peillon, ministre. - Pas d'opposition.
La réserve est ordonnée.
Mme Catherine Morin-Desailly . - Être illettré, c'est être enfermé dans un cercle étroit, c'est être vulnérable face à des discours dangereux, c'est être porté au passage aux actes violents. Si j'ai choisi de me référer ainsi au linguiste Alain Bentolila, c'est que les centristes estiment que le véritable enjeu de cette énième réforme de l'école devrait être l'illettrisme, qui toucherait 20 % de la population. Or il est absent du texte, alors même que le Premier ministre a déclaré l'illettrisme grande cause nationale...
La question de l'école bute sur la question du qualitatif : l'école pour tous doit être celle de la réussite de chacun. Or, 20 % des élèves qui entrent au collège ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux.
Refonder l'école de la République ? Certes, mais ce texte n'est pas une refondation du système éducatif. Le rapport annexé, non normatif et bavard, peu hiérarchisé, procède par annonces peu cohérentes entre elles.
Perplexes, la plus grande majorité des élus locaux ont repoussé la réforme des rythmes scolaires à la rentrée 2014. En Seine-Maritime, c'est le cas de 77 communes sur 594. Il est regrettable que la question du statut du personnel non éducatif ait été occultée et que les auxiliaires de vie scolaire n'aient pas été intégrés à ce texte. Le monde a bougé depuis 1950 et le dernier décret fixant le statut.
Il faudrait sortir d'une logique concentrée et donner aux établissements une véritable autonomie. On n'enseigne pas les fondamentaux aux enfants du XVIe arrondissement de Paris comme en banlieue, ni comme dans un village reculé !
L'école doit garantir la réussite de chaque élève, ce qui implique une réforme de l'orientation. Le regard du Gouvernement sur la formation et l'orientation professionnelle est déconnecté de la réalité. Je m'interroge sur les enseignements donnés aux futurs enseignants. Pendant des années, les IUFM ont ignoré les réalités du terrain et doublonné avec l'université ; je crains qu'il n'en soit de même avec le successeur que vous leur donnez.
Je me félicite de la priorité donnée par ce texte au primaire, exigence portée par les centristes lors de la présidentielle. Je déplore en revanche l'abandon du socle commun de connaissances, préalable à la scolarité de tous les élèves.
M. Jacques Legendre. - Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly. - L'éducation, c'est le savoir, mais aussi le savoir-être pour pouvoir s'insérer dans le monde professionnel. Je soutiens l'éducation artistique et culturelle. En pratique, il faudrait un continuum qui aille des plus jeunes aux adultes. De même, ce texte néglige l'éducation sportive.
L'école du XXIe siècle ne peut ignorer le numérique, qui modifie l'accès au savoir. On ne peut ignorer le monde digital, la « petite poucette » de Michel Serres. L'école doit faire des élèves des adultes éclairés qui ne soient pas seulement les réceptacles passifs de l'information.
Les élus locaux doivent retrouver toute la place au sein du système éducatif. Ils s'inquiètent que ce texte porte en germe une école à deux vitesses. Vous demandez des efforts aux collectivités territoriales à l'heure où les dotations baissent de 3 milliards d'euros ! L'aide de l'État est insuffisante et des dotations seront ponctionnées : en chargeant les CAF de financer la réforme des rythmes scolaires, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul.
Pour qu'elle puisse se réformer, l'éducation nationale doit échapper au politique et je regrette que les avancées de ces cinq dernières années aient été balayées, malgré des rapports d'évaluation positifs. Le sujet mérite pourtant un consensus. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et UMP)
M. Jean-Michel Baylet . - Avant d'entamer l'examen d'un texte sur l'école, il faudrait toujours revenir à Alain, philosophe et aussi éminent professeur. Je ne le dis pas seulement parce qu'il était radical, même si c'est un de ses mérites. (Sourires) Dans ses Propos sur l'éducation, en 1932, il écrit : « Si j'étais directeur de l'enseignement primaire, je me proposerais, comme but unique, d'apprendre à lire à tous les Français. Disons aussi à écrire et à compter ». Hélas, notre système éducatif stagne, voire régresse : 140 000 élèves en sortent chaque année sans diplôme ni qualification.
Notre école remplit mal sa fonction de transmission du savoir et peine à instaurer la méritocratie républicaine. Depuis 2005, date de la dernière grande loi sur l'éducation nationale, la situation s'est dégradée. Ces dix dernières années, la politique éducative dans notre pays s'est résumée à des déclarations intempestives. Le non-remplacement systématique d'un fonctionnaire sur deux a entraîné une véritable saignée. La déconstruction de la formation des enseignants a abouti à des recrutements d'enseignants remplaçants par des sites de bonnes affaires, entre l'armoire normande et le scooter d'occasion.
Ce projet de loi ambitieux est la pierre angulaire de la politique du Gouvernement : comme promis, l'effort en faveur de l'éducation nationale a été accru. Vous avez parlé des emplois d'avenir et du recrutement de professeurs. Ce texte est l'aboutissement d'un long processus engagé en juillet 2012.
Les lois de programmation et d'orientation relatives à l'école sont souvent des lois bavardes. Tel n'est pas le cas de celle-ci. Trop de jeunes sortent sans qualification du système scolaire et peinent ensuite à s'insérer sur le marché du travail. Les sénateurs radicaux approuvent les orientations générales de ce texte mais ils ont déposé plusieurs amendements sur divers sujets, dont l'inclusion des jeunes handicapés.
Certains, à droite, se gaussent du mot « refondation ». Les radicaux se sont réjouis de l'annonce d'un enseignement laïque de la morale qui permettra de transmettre les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. L'école doit être le premier lieu ou vit et où se vit la République. Parce qu'il s'agit de morale et que cette morale ne peut être que laïque. Ce n'est pas à l'auteur d'un livre sur Ferdinand Buisson que je l'apprendrai.
Les missions de l'éducation nationale sont résumées par Jean Zay, encore un radical. Dans l'ouvrage qu'il rédigea lors de son ultime détention, il rappelle que l'enseignement doit forger le caractère, apprendre à conduire sa raison, à garder l'esprit critique, à observer, à librement épanouir sa liberté. Ce sont bien les lumières de cet humanisme qu'il convient de rallumer aujourd'hui. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Jacques Legendre . - Le titre de ce projet de loi sonne, claque, claironne. Texte ambitieux ou emphatique ? Il doit être examiné sans a priori.
Je dois avouer notre déception ou, du moins, notre inquiétude. Au début de la Ve République, une loi portait l'obligation scolaire de 14 à 16 ans. Il y eut la fin de l'examen d'entrée en sixième et la création des collèges d'enseignement secondaire. La gauche était contre, comme elle le fut au moment de la création des IUT. Après le ministre Christian Fouchet, il y eut René Haby, qui unifia les seconds cycles du second degré, Christian Beulac, dont votre serviteur était secrétaire d'État et qui déclarait, en 1980, qu'un jeune ne devait pas quitter l'école sans qualification professionnelle. Où en est-on ? A ce que 140 à 180 000 jeunes continuent de quitter le système scolaire sans qualification, alors que les moyens de l'éducation nationale ont presque doublé depuis 1980. (M. Alain Néri s'exclame)
Votre loi n'est pas complète car elle ne traite pas de l'orientation ni du second cycle du second degré. Pour créer 60 000 postes d'enseignants sans augmenter le nombre total de fonctionnaires, il faudra supprimer des postes de fonctionnaires ailleurs, prioritairement dans la défense nationale. La défense et la sécurité de la République sont pourtant des exigences tout aussi impératives l'une que l'autre.
Pour favoriser l'acquisition des fondamentaux, l'effort doit être porté sur la dernière année de maternelle et la première année d'enseignement primaire plutôt que sur la scolarisation dès 2 ans.
Le collège unique serait la vache sacrée à laquelle il ne faudrait pas toucher. Sa rigidité pénalise les élèves en difficulté. Avancée ou retour en arrière ?
La loi Fillon dressait la liste des matières constituant le socle de connaissances. Vous amorcez un recul. L'innovation pédagogique à ses mérites mais aussi ses limites : il faut assurer les fondamentaux du socle commun, ce qui signifie qu'il convient d'évaluer les élèves, comme le système lui-même et les enseignants qui doivent être mieux payés. Comment augmenter à la fois le nombre et la rémunération des enseignants ? L'université doit jouer tout son rôle dans la formation des enseignants. Il ne s'agit pas que vos ESPE sombrent dans le pédagogisme ex cathedra.
M. Alain Néri. - Avez-vous oublié le sort fait aux écoles normales et aux Ipes ?
M. Jacques Legendre. - Vous prolongez la réflexion de M. Chatel sur les rythmes scolaires. Les collectivités locales doivent être associées, car ce sont elles qui paient. Pourquoi ne pas se donner une année de plus pour que tout le monde avance du même pas ?
Presque tous nos amendements ont été rejetés par la commission. Si aucun de nos amendements n'est adopté au cours du débat, nous ne pourrons voter ce projet de loi, certes important mais qui n'est pas non plus la réforme du siècle. (Applaudissements à droite)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Penser un projet pour l'école, c'est penser un projet pour la société. Comment penser l'école sans s'interroger sur la place des savoirs ? Notre société est confrontée à des savoirs complexes. Il ne s'agit plus d'apprendre par coeur mais de comprendre et de mettre des savoirs en relation. Ces exigences se retrouvent dès l'école maternelle.
Avec la RGPP, le démantèlement du service public fut méthodique, entraînant la disparition de 80 000 postes. La droite avait comme seul horizon l'employabilité des élèves.
La démocratisation quantitative, qui est une massification, ne s'est pas accompagnée d'une amélioration qualitative, et l'échec scolaire s'est accru.
La loi Fillon n'a pas relancé le processus mais imposé un recentrage sur la scolarité obligatoire de 1959.
Seule la relance de la démocratisation scolaire est capable de promouvoir l'émancipation individuelle et collective.
Toutes les attentes et exigences ont trouvé écho dans l'annonce de la refondation. L'heure n'est pas à moins d'école mais à plus et mieux d'école, avec un service national de l'éducation.
Le primaire comme la formation des enseignants sont la priorité, mais le projet oublie des dispositions essentielles. Certes, il fallait mettre un terme à la RGPP mais les moyens prévus par le Gouvernement ne feront pas reculer les inégalités scolaires sans une réforme profonde de la pédagogie.
Tous les enfants sont capables d'apprendre et de réussir, l'échec scolaire n'est pas une fatalité, il est socialement conditionné.
Le contenu des enseignements doit être revu. Un cursus commun est nécessaire, sans que soient interdites des pédagogies différenciées. C'est aussi cela le vivre ensemble.
L'ambition de transmette une culture commune implique d'allonger la scolarité obligatoire, jusqu'à 18 ans. Il faut dégager le collège de la pression de l'orientation.
La formation des enseignants doit être de haut niveau et prévoir le pré-recrutement des enseignants dès la licence.
Le poids des inégalités territoriales pèse dans les résultats des élèves. Les parents doivent être des partenaires à part entière au service de leur réussite. Les territorialisations prévues dans ce projet de loi ne nous conviennent guère. Ces réflexions ont guidé notre travail en commission, d'où les amendements que nous vous présenterons.
La refondation implique la même exigence pour tous les élèves, d'où notre proposition de réécrire l'article 7.
L'école supérieure du professorat devra assurer la formation de tous les enseignants. Or, le Gouvernement revient sur les améliorations que nous avons proposées. Le débat qui va s'ouvrir est très important. De nombreux points restent en discussion et nous attendrons l'issue des débats avant de nous prononcer définitivement. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Corinne Bouchoux . - Quelle est l'école que nous voulons, que nous rêvons ? Pas celle que nous avons. L'école va mal. La responsabilité de ce bilan est partagée. L'école ne joue plus le rôle d'ascenseur social, la massification n'a pas signifié une démocratisation. Pour les écologistes, une autre voie existe. Outre le sort réservé à nos amendements, certains malentendus nous inquiètent. Pour nous, il faut une école de la bienveillance, de la coopération, et non de la compétition, pour faire des citoyens capables de vivre en paix. L'école ne s'arrête pas après l'université mais continue tout au long de la vie. Il s'agit de former des citoyens dotés d'esprit critique, d'esprit d'initiative, attentifs à la vie collective où le faire ensemble l'emporte sur l'avoir, l'altruisme sur l'argent. L'école que nous voulons doit être celle de l'humanisme -c'était le sens de nos amendements, acceptés par la commission mais qui semblent avoir disparu.
Le décrochage est un scandale national. Nous voulons une école qui change en profondeur -peu importe qu'on parle de refondation ou de remise à plat. La formation des enseignants est centrale. Les IUFM avaient des vertus mais on ne refondera pas l'école du XXIe siècle avec les recettes du XIXe et du XXe siecles! La réussite est meilleure là où il n'y a ni redoublement ni notation précoce. Comme les inégalités sociales se sont renforcées, il faut une scolarité précoce dans les milieux défavorisés.
Les écoles supérieures du professorat doivent être des lieux structurés et structurants qui donnent un nouveau souffle à la formation. Partisans des projets éducatifs de territoire, nous voudrions leur donner plus de souplesse. Pourquoi ne pas s'inspirer des contrats éducatifs locaux ? Pour ce qui est des concours, les choses devraient se jouer en fin de L 3. Cela ne coûterait pas plus cher...
Enfin, nous ne sommes plus en 1880. Il n'y a plus lieu d'avoir peur des langues régionales. (Mme Marie-Christine Blondin approuve) D'où nos amendement visant à valoriser notre patrimoine linguistique. Nous souhaitons aussi des avancées concernant la langue des signes.
Je regrette que le texte ait été modifié. Les compromis les plus subtils risquent parfois d'émousser les enthousiasmes les plus sincères... (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC)
M. Jacques-Bernard Magner . - Le spectacle déchirant de la dégradation de notre école n'était plus soutenable. La France peut-elle rester le pays ayant le plus mauvais taux d'encadrement de l'Europe ? Comment accepter la suppression des Rased ? La baisse de la scolarisation dès 3 ans ? Comment se satisfaire de la médiocrité de la formation des enseignants, des mauvais résultats de nos élèves aux tests internationaux ?
Le Gouvernement nous propose une loi qui s'attaque aux régressions de ces dix dernières années. Il s'agit bien d'une refondation. C'est la première fois qu'une loi d'orientation et de programmation est présentée, qui plus est en période de difficultés budgétaires.
On part de la base : l'école primaire. C'est en cela que la loi est égalitaire, démocratique. Après la loi de 1989 et la loi Fillon, ce texte rassemble orientation et programmation. Les grandes lois sur l'école ont commencé par traiter de la formation des enseignants. Cette loi est un contrat entre l'école et la Nation : quand l'école avance, la République grandit. Il s'agit de développer des pédagogies de la confiance et de la réussite. Face au constat de la dégradation, ce projet apporte des solutions. Il fallait stopper l'hémorragie des moyens humains : 60 000 postes seront créés, contre les 80 000 perdus ces cinq dernières années -et 80 000 qui l'auraient été si l'on n'avait rien fait !
Les jeunes professeurs arrivaient en classe sans aucune préparation. Les classes populaires étaient sous-représentées chez les enseignants. Mais grâce aux premières mesures du Gouvernement, le nombre de candidats aux concours a augmenté de 50 %.
Les rythmes scolaires ont fait beaucoup débat. Qui peut encore défendre la semaine de quatre jours imposée en 2008 alors qu'elle est néfaste aux enfants ? La nouvelle organisation donnera une vraie place aux activités périscolaires ; les associations retrouveront tout leur rôle éducatif. On comprend mal la frilosité à mettre en oeuvre cette réforme dès 2013... Les aides financières promises par l'État sont pourtant en place.
Au-delà des engagements, ce projet de loi prône une école qui rassemble, qui représente la Nation toute entière. La réforme vise à vaincre les inégalités, à consolider le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, à produire des citoyens libres et égaux. Le groupe socialiste se félicite du grand débat démocratique, lancé depuis l'été dernier, dans lequel le Sénat prend toute sa part. Les travaux en commission ont été riches, de nombreux amendements ont été adoptés, y compris venus de l'opposition.
M. Vincent Peillon, ministre. - 18 UMP, 17 UDI !
M. Jacques-Bernard Magner. - Avec ce texte, nous préparons l'avenir de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Françoise Férat . - Le Conseil d'analyse économique révèle que début 2013, 17 % des jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni à l'école, ni à l'université, ni au travail.
M. David Assouline. - Voilà le bilan de la droite ! (Exclamations à droite)
Mme Françoise Férat. - La France est classée vingt-septième sur trente quatre du point de vue de l'équité scolaire. Le taux de scolarisation des 15-19 ans est en baisse ; 71 % d'entre ceux sont inactifs, contre 57 % en moyenne dans l'OCDE. Ces chiffres sont inquiétants. L'école de la République doit donner à tous les mêmes chances. Malgré la crise, nombre de nos voisins connaissent des taux d'emploi des jeunes plus importants. Preuve que des solutions existent. L'alternance est trop peu développée en France. Je crains que ce texte ne tienne pas ses promesses.
Certes, la priorité doit être donnée à l'école primaire car c'est dès le CP que tout se joue. Or les inégalités s'aggravent. On ne peut l'accepter et je regrette l'absence de la mixité scolaire et de l'éducation prioritaire dans ce texte. Près de 20 % des élèves arrivent en sixième avec des difficultés de lecture. Pourtant, il n'est prévu aucune mesure concrète contre l'illettrisme...
Quels seront les moyens réellement alloués à la formation des enseignants ? Les déclarations d'intention sur leur statut ne suffiront pas, d'où nos amendements.
Les communes et EPCI doivent être associés à l'éducation des enfants. Je regrette la méthode employée sur la réforme des rythmes scolaires, qui a exclu les collectivités du texte. Le financement de la réforme n'a pas non plus été évalué. Comme je vous l'ai dit en commission, monsieur le ministre, malgré toute ma bonne volonté, je suis dans l'impossibilité matérielle de mettre en oeuvre cette réforme dans de bonnes conditions, compte tenu du temps de transport scolaire, incompressible.
Cette réforme est aujourd'hui rejetée par le plus grand nombre.
Vouloir garder à tout prix un élève dans un milieu où il ne s'épanouit pas, c'est risquer le décrochage. D'où nos amendements sur l'alternance et l'apprentissage. Sur l'enseignement agricole, de nombreuses zones d'ombre demeurent. Le collège unique n'est pas la solution ; il faut promouvoir la diversité des intelligences. L'orientation doit être choisie et non subie. La loi du 28 juillet 2011 répondait au cas spécifique des jeunes de moins de 16 ans. L'apprentissage est une voie d'excellence, qui conduit à l'emploi. L'interdire avant 15 ans est une aberration quand cette filière est une possibilité ouverte aux jeunes, pas une obligation.
Ce texte comporte bien trop de déclarations d'intention. La soi-disant concertation a été lancée pendant les vacances d'été, sur un texte déjà rédigé ! De même, la réforme des rythmes scolaires a été imposée aux collectivités sans concertation, ce que je regrette. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Françoise Laborde . - L'école est devenue le lieu de production des inégalités sociales. Triste constat. Les moyens humains et financiers ne sont pourtant pas négligeables. Le moment est venu de revenir aux fondamentaux, de renouer avec le rôle d'ascenseur social de l'école. Cela suppose d'entrer dans le concret, d'en revenir à la relation merveilleuse entre le maître et l'élève, fondée sur la transmission et l'échange ; l'école a besoin d'enseignants nombreux et formés. La pédagogie s'apprend : c'est le rôle de la science de l'éducation. Il faut apprendre à apprendre. Aucune refondation de l'école ne sera possible sans engagement des enseignants, dont la rémunération doit être revalorisée ; les nouvelles ESPE joueront un rôle clé dans le dispositif. Elles contribueront aussi à la formation continue.
La maternelle et l'école élémentaire sont cruciales. Nous partageons votre volonté de développer la scolarisation dès 2 ans, qui avait chuté de 35% à 11 % ces dernières années. L'aide personnalisée aux élèves ne peut être dispensée tôt le matin, tard le soir ou à l'heure du déjeuner. Il faudra donc y revenir. Les Rased doivent être rétablies.
Oui à un service public de l'enseignement numérique, pour une école réellement inclusive. Le fondement de l'apprentissage doit reposer avant tout sur la relation entre l'élève et l'enseignant.
Chacun sait que les collectivités territoriales s'investissent dans l'éducation. Je salue la création du fonds en leur faveur pour préparer la réforme des rythmes scolaires.
Je félicite la rapporteure pour son travail. Le groupe du RDSE a déposé nombre d'amendements pour améliorer le texte. Comptez sur les radicaux de gauche pour soutenir l'école de la République, une école laïque et gratuite, pour redonner espoir à notre jeunesse. (Applaudissements à gauche)
M. André Gattolin . - L'éducation aux usages numériques a été rebaptisée par l'Assemblée nationale service public de l'enseignement numérique. Pour combler notre retard, les écologistes recommandent une vision plus réaliste, plus pragmatique et plus inventive de l'intégration des nouvelles technologies dans l'enseignement. Les nouveaux services numériques ne doivent pas être un outil de plus mais favoriser les expérimentations, le travail collaboratif entre les élèves mais aussi entre les enseignants. Les utiliser comme un outil de pédagogie ancienne serait contreproductif. Nous devons également favoriser l'usage des logiciels libres.
L'apport des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement doit toutefois être relativisé. La première des interactivités est la relation singulière entre l'enseignant et l'élève. Gardons-nous de faire des outils technologiques l'alpha et l'oméga de l'enseignement. Les professeurs sont souvent moins à l'aise que leurs élèves en la matière ! Le numérique ne doit pas se substituer à l'éducation aux médias. Or, le centre de liaison de l'enseignement et des médias de l'information, créé en 1983, a vu ses moyens amputés.
M. David Assouline. - Par la droite !
M. André Gattolin. - Il menait pourtant une action essentielle en direction des enseignants stagiaires. Le numérique éducatif est une opportunité, mais restons lucide sur l'impact des mesures présentées ici. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Carle . - Les PPRE dans les réseaux éclairs, pilotés par les Dasen, seront renforcés par le PET. Le manque d'outils scripteurs pour l'apprenant en ZEP, que peine à reconnaître la DGESCO, ne facilite pas les choses. Espérons que les ATSEM permettront la concrétisation des objectifs assignés sinon les apprenants devront aller dans la cour de récréation jouer avec le référentiel bondissant ! (Sourires) Voilà ce qu'est devenu le système de l'éducation : seuls les initiés s'y retrouvent. Les parents, les élus, mêmes les enseignants sont perdus !
Les objectifs sont pourtant simples à définir. Premier rôle : l'école doit apprendre à lire, écrire et compter. Or 40 % des élèves entrent au collège avec des lacunes dans ces matières. Je me réjouis que l'illettrisme ait été décrété cause nationale et que l'éducation soit la priorité du quinquennat. Second rôle, détecter les talents, qui sont multiples. Troisième rôle, mettre en adéquation la formation scolaire avec les débouchés professionnels pour prémunir la jeunesse contre le fléau du chômage.
Ce projet de loi est plein de bonnes intentions. Je salue le travail et l'implication de Mme Cartron, dont je connais l'engagement.
Le primaire, grand oublié des réformes précédentes, est le terreau où se construisent les inégalités et les décrochages. Je me réjouis que vous en fassiez une priorité. Plus de maîtres que de classes, dites-vous.
M. Daniel Raoul. - Ça nous change !
M. Jean-Claude Carle. - Je vous dirai tout à l'heure pourquoi je suis en désaccord avec vous...
Vous créez les ESPE. Il était fondamental de reconstruire la formation des enseignants.
M. Alain Néri. - Pourquoi l'avez-vous détruite ?
M. Jean-Claude Carle. - J'ai été le premier à interroger le précédent gouvernement ; nous avons supprimé les IUFM pour les remplacer par... rien. (Exclamations et applaudissements à gauche)
M. Alain Néri. - Faute avouée à demi pardonnée...
M. Jean-Claude Carle. - Je ne voterai toutefois pas ce texte en l'état. (On feint de s'en désoler à gauche)
Issu du milieu enseignant, vous bénéficiez, monsieur le ministre, d'un climat politique favorable et de la prise de conscience par la société des iniquités du système ; vous êtes en quelque sorte ministre au bon moment, si tant est qu'il est un bon moment pour réformer rue de Grenelle... (Sourires) Pour ma part, je respecte votre personne, votre fonction et votre engagement.
M. Alain Néri. - Bravo !
M. Jean-Claude Carle. - J'ajoute que l'éducation est la priorité du quinquennat, ce qui vous donne quelques marges de manoeuvre, y compris budgétaires... Mais vos choix m'interpellent.
La réforme des rythmes scolaires... Il faut centrer l'action sur la maîtrise des fondamentaux en augmentant le temps qui y est dédié. Je m'inquiète donc de l'accent mis sur le périscolaire, les langues étrangères, les arts plastiques ou la morale laïque. C'est bien, mais ces enseignements viendront diminuer le temps consacré aux fondamentaux. Et vous vous trompez sur la méthode -j'y reviendrai.
Oui à la création des ESPE mais, ce qui compte, c'est le contenu des enseignements qui y seront dispensés. C'est de cela que le Parlement devrait débattre. Quelles pédagogies ? Quels outils pour les enseignants dont la moitié de la classe est en difficulté ? Les enseignants seront-ils soutenus quand ils affronteront des difficultés ? Nous avons besoin d'éclaircissements.
L'école primaire, pour moi, c'est l'école maternelle et l'école élémentaire. Pour prévenir le décrochage, il faut renforcer la préparation à l'apprentissage des fondamentaux dès la grande section. Les écarts sont déjà importants à l'entrée en CP et ne font que s'accroître par la suite. L'école maternelle doit résorber les inégalités de départ. Cela impose de renforcer le temps d'apprentissage des élèves, et de primariser la grande section.
M. Alain Néri. - Ça commence avant !
M. Jean-Claude Carle. - Je propose aussi l'obligation de scolarisation à 5 ans. En 1989 et en 2005, on proposait déjà de faire de la grande section le lieu des premiers apprentissages, rôle qu'elle ne remplit pas. Sanctuariser l'école maternelle est une erreur.
M. David Assouline. - C'est faux !
M. Jean-Claude Carle. - Les enseignants surnuméraires, souvent inexpérimentés, ne sont pas la solution, alors qu'on leur confiera les élèves les plus en difficulté... Et les pratiques pédagogiques ne seront pas nécessairement les mêmes. Il faut à tout le moins un encadrement strict et une évaluation de ce dispositif. J'aurais souhaité aussi un soutien pour les enseignants qui peinent à faire progresser leurs élèves, avec un vrai tutorat.
Enfin, je veux dire mon désaccord sur la méthode. Si notre système est si inefficace, c'est d'abord qu'en France, les corporatismes sont forts, au risque de privilégier les intérêts catégoriels sur l'intérêt général -tous les corporatismes, enseignants, parents, administration, élus. Ensuite, parce que votre ministère est imprégné par la culture de la circulaire qui veut tout réglementer uniformément ; or, il faut prendre en compte les particularités, apporter souplesse et efficacité. Enfin, parce que l'organisation et la gestion des ressources humaines n'est plus adaptée.
Vous pouviez pourtant fixer un objectif clair en matière d'illettrisme et d'apprentissage de la lecture. Il faut changer de méthode, faire avancer les choses à l'échelon local en multipliant les expérimentations évaluées. Il est urgent de passer de la culture de la circulaire à celle du partenariat.
« Le savoir est la seule matière qui s'accroît quand on la partage » disait Socrate. Partager le savoir, voilà le grand défi que nous devons relever. L'école n'est ni de droite ni de gauche, elle appartient à la nation toute entière. (Marques d'ironie à gauche)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le projet de société n'est pas le même !
M. Jean-Claude Carle. - Mais la commission a refusé tous les amendements extérieurs. Il est difficile de rassembler dans ce contexte ! (Applaudissements à droite)
M. David Assouline. - Vous n'avez jamais adopté autant d'amendements de l'opposition que nous !
Mme Maryvonne Blondin . - Le président de la République a souhaité donner la priorité à la jeunesse et à l'éducation et réaffirmer les principes fondateurs de notre système public d'éducation dans un esprit de justice, d'égalité et de solidarité. C'est un véritable projet de société.
Je me félicite de la création de 60 000 postes, du rôle fondamental confié à la maternelle et de la création des ESPE, qui replace la pédagogie au coeur du métier d'enseignant.
Aujourd'hui, le déterminisme social pèse très lourd et l'école n'assume plus son devoir républicain : permettre à tous les élèves de développer leurs talents. Les élèves doivent aller à l'école avec plaisir, et non avec la peur au ventre, c'est essentiel pour éviter le décrochage.
Des assistants de prévention et de sécurité ont été créés, et je m'en félicite.
J'insisterai sur la santé et le bien-être. « Les maîtres d'école sont des jardiniers en intelligence humaine », disait Victor Hugo. Un enfant qui a faim, qui manque de sommeil ou entend mal ne peut travailler correctement. Or, notre pays a la chance de disposer de la santé scolaire, même si elle connaît des difficultés. Depuis mai 2012, des progrès ont été faits pour ses personnels -revalorisation indiciaire des médecins, passage des infirmières scolaires en catégorie A. Reste le recrutement...
Un suivi de santé par un médecin d'élèves ciblés, en présence des parents, pourrait être l'occasion d'un échange et d'un soutien à la parentalité ; il serait plus utile que le bilan systématique établi par les infirmières. Une éducation à la santé adaptée à leur âge méritait d'être dispensée aux élèves.
On estime que 10 % des enfants de moins de 15 ans sont victimes de maltraitance physique ou psychologique. Comment apprendre dans ces conditions ? Les services de santé à l'école, en coordination avec ceux du ministère de la santé et les collectivités locales, doivent pouvoir détecter les maltraitances, qui touchent tous les milieux ; pour lutter contre les inégalités sociales, pour lutter contre les troubles d'apprentissage et du comportement, nous avons besoin de ces professionnels de santé, maillon indispensable à la réussite de nos enfants. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Le Scouarnec . - Ce projet de loi consacre la priorité à l'école primaire. C'était nécessaire après ce que la RGPP lui a fait subir.
Dans ma ville, pour fermer une classe, le nombre d'élèves de moins de 3 ans est fixé à 15 % dans une école et à 25 % dans d'autres. C'est bien peu républicain... La scolarisation précoce est importante, notamment pour les enfants de milieu populaire, car elle a des effets positifs sur l'acquisition du langage et la familiarisation avec l'écrit. Pourtant, c'est elle qui a subi de plein fouet la RGPP. 3 000 postes sont prévus pour accueillir les moins de 3 ans sur la durée du quinquennat ; mais avec 36 000 communes et 15 000 écoles maternelles, l'impact sera sans doute insuffisant.
Il est en tout cas nécessaire, comme le précise le projet de loi, que les conditions d'accueil des moins de 3 ans soient adaptées et que la diversité des situations et les niveaux de développement soient bien pris en compte. Leur scolarisation se fera en priorité dans les écoles dont l'environnement social est défavorisé -cela doit concerner aussi les zones rurales. Nous souhaitons aller plus loin et prévoir à terme la scolarisation des enfants dès 2 ans quand les parents en font la demande. Les enseignants qui accueillent ces très jeunes enfants devront recevoir un module spécifique d'enseignement.
Pour la maternelle, le texte comporte quelques avancées -cycle unique, affirmation de ses missions spécifiques, développement sensoriel, social et de l'estime de soi, plaisir d'apprendre, formation spécifique initiale et continue des enseignants. Nous nous étonnons cependant que ce projet de loi ne rende pas l'instruction obligatoire dès 3 ans ; le Sénat a déjà voté en ce sens et cette mesure n'impacterait pas les finances de l'État puisque plus de 90 % des élèves sont d'ores et déjà scolarisés dès 3 ans. Une avancée serait symbolique d'une véritable refondation progressiste de l'école de la République : l'extension de l'obligation scolaire de 3 à 18 ans.
Nous aurions souhaité davantage d'ambition après un quinquennat qui a été dévastateur pour l'école. (Applaudissements à gauche)
Mme Colette Mélot . - L'école de la République est porteuse d'une noble mission, transmettre le savoir aux jeunes générations. Or elle est en crise, si on en croit les évaluations nationales et internationales. Près de 150 000 élèves quittent le système scolaire sans qualification, ce qui est inacceptable. Ce texte ne traite pas du système éducatif dans son ensemble et ne propose pas de grande réforme. Nous le regrettons.
Vous avez fait de l'école primaire une priorité, et c'est légitime, mais quel est le niveau à privilégier ? La grande section de maternelle ou le CP ? Les enfants de 2 ans doivent être accueillis dans de bonnes conditions, dites-vous, mais il en coûte, dans ma ville de Melun, 50 000 euros par classe -sans compter les coûts supplémentaires liés à la réforme des rythmes scolaires. D'autant que l'utilité de la scolarisation précoce n'a jamais été démontrée. Pourquoi ne pas insister plutôt sur la grande section et rendre obligatoire la scolarisation dès 5 ans ?
Le socle commun de connaissances défini en 2005 était une réforme ambitieuse. Une bonne connaissance du français s'impose pour bien s'insérer dans la société. Et, à l'heure de la mondialisation, l'apprentissage d'une langue étrangère est essentiel -il est préoccupant que les élèves français aient tant de mal à maîtriser l'anglais. Pourquoi ne pas favoriser, dans les académies frontalières, l'apprentissage de la langue du pays limitrophe ? Je le proposerai par amendement.
La réforme des rythmes scolaires est nécessaire mais mérite réflexion et concertation ; elle doit être pensée à l'année, non à la semaine. En demandant aux communes d'appliquer la réforme dès 2013, vous avez fait souffler un vent de panique. (M. Vincent Peillon, ministre, s'exclame)
Pour sensibiliser les élèves à la musique ou au sport, il faut que toutes les communes en aient les moyens ; l'État doit prendre en charge, en partie au moins, les activités périscolaires, de sorte que tous les enfants puissent en bénéficier.
Vous avez sanctuarisé le collège unique, monsieur le ministre. Cependant, les parcours doivent être différents selon les élèves. Je déplore que vous ne souhaitiez pas la diversification des parcours dès la 4ème pour les moins de 15 ans.
M. Vincent Peillon, ministre. - C'est possible dès 15 ans !
Mme Colette Mélot. - Les intérêts d'excellence jugés trop coûteux seront supprimés. Je le déplore : ils avaient permis à plus de 4 000 élèves défavorisés d'étudier dans des conditions propices à leur réussite.
Il est consternant que les meilleurs élèves optent systématiquement pour la série « S » sans tenir compte de leur goût ou de leur projet. Il faut revaloriser la série « L ». (M. Jacques Legendre approuve)
On ne peut imposer les mêmes solutions sur tout le territoire, il faut faire du sur mesure -le maître-mot est alors « autonomie ». En prônant l'égalité, la majorité fait de la démagogie. Ce projet de loi ne répond pas aux urgences. L'UMP a une autre vision de l'école. (Applaudissements à droite)
Mme Danielle Michel . - Cette semaine, nous débattons, au-delà de ce projet de loi, d'une politique. Il ne saurait y avoir de sursaut économique et social sans refondation de l'école.
Ces dernières années, l'école a subi une grave saignée. Notre dette éducative est immense, trop d'élèves entrent au collège déjà en difficulté, trop sortent du système sans formation. L'école est devenue le lieu de reproduction des inégalités sociales en inégalités scolaires. Repenser l'école de demain, lui redonner un sens, c'est fixer un cap et affirmer des valeurs. C'est ce que vous faites, monsieur le ministre, en vous fixant des objectifs clairs et ambitieux.
Sur proposition de notre rapporteure, la commission a introduit un nouvel article 3 A qui assigne à l'éducation nationale la mission de lutter contre les inégalités et de favoriser la mixité sociale ; je m'en réjouis.
Redonner un sens, c'est aussi faire du primaire une priorité, créer 60 000 postes, renforcer l'école maternelle, créer les ESPE, mieux reconnaître et définir le rôle des partenaires de l'école, notamment des parents. Cette complémentarité va de pair avec la réorganisation de la semaine. Dans les Landes, nous serons de bons élèves : plus de 70 % des communes appliqueront votre réforme dès septembre 2013. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Redonner du sens, c'est enfin faire de l'école un lieu ouvert plutôt qu'un lieu de compétition. Le Conseil national des programmes rénovera les enseignements tandis que la création d'un service public numérique éducatif et de l'enseignement à distance permettra aux enseignants d'innover.
Parce que nous voulons que l'école redevienne un des piliers de la République, parce que nous avons l'ambition de l'excellence pour tous, nous sommes fiers de porter ce projet de loi. Je suis fière de l'importance enfin accordée à l'éducation et à l'avenir de notre jeunesse, fière de voter ce texte. (Applaudissements à gauche)
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 22 mai 2013, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit trente.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mardi 15 janvier 2013
Séance publique
A 14 heures 30 et le soir
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (n°441, 2012-2013)
Rapport de Mme Françoise Cartron, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°568, 2012-2013)
Texte de la commission (n°569, 2012-2013)
Avis de Mme Claire-Lise Campion, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°570, 2012-2013)
Avis de M. Claude Haut, fait au nom de la commission des finances (n°537, 2012-2013)