SÉANCE
du mardi 23 avril 2013
94e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
Secrétaires : Mme Odette Herviaux, Mme Catherine Procaccia.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.
Usage gratuit des locaux syndicaux
Mme Marie-France Beaufils . - La lutte des travailleurs pour leurs droits n'a jamais été un long fleuve tranquille. Sans leur combat, les enfants travailleraient encore, il n'y aurait pas de congés payés ni de limitation de la durée du travail. C'est ainsi qu'en 1896, la municipalité de Châteauroux a souhaité encourager leur action républicaine et qu'en 1901, les locaux de la bourse du travail leur ont été ouverts. C'est que les syndicats ont besoin, pour défendre les droits des travailleurs et assurer leur mission d'intérêt général, de disposer de locaux. Pourtant, les syndicats Castelroussins sont en passe d'en être privés ; on a tenté de leur couper l'eau et le gaz, leur ascenseur a été neutralisé.
Monsieur le ministre, je connais votre attachement pour cette région. Il y a urgence. Je vous demande de faire cesser cette situation inacceptable. Certes, le préfet a indiqué qu'il ne prêterait pas le concours de la force publique, mais il faut parvenir, à présent, à un moratoire en attendant une solution pérenne. Reconnaître l'usage gratuit des lieux syndicaux est une nécessité. Comment s'exercera le dialogue social, si les syndicats sont considérés comme des SDF en puissance ? Comment comptez-vous avancer pour que la liberté syndicale soit effective ?
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Je suis heureux de vous retrouver ce matin, aux mêmes postes que dimanche matin. Tout le monde est d'accord pour dire que la démocratie sociale est essentielle ; mais que serait-elle si elle était privée de moyens ? La situation que vous évoquez est regrettable, douloureuse, condamnable, de la remise en cause par certains maires, à Chartes, Châteauroux et ailleurs, de l'hébergement des antennes syndicales locales ; l'usage est largement établi, parfois depuis plus de 100 ans. Ces élus sont peu nombreux encore mais d'autres peuvent les rejoindre demain.
J'ai demandé aux préfets de jouer un rôle de facilitateur de dialogue et de rechercher les solutions permettant aux syndicats de continuer à être hébergés. J'ai en outre chargé l'Igas d'évaluer la question du logement des antennes locales des syndicats en France, afin d'améliorer la sécurité juridique de leurs moyens. A la suite de son rapport et, si nécessaire, une initiative législative pourrait être envisagée. C'est une question de cohérence et de justice.
Mme Marie-France Beaufils. - Votre réponse va dans le sens attendu par les responsables syndicaux. L'exercice du droit syndical est garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 comme par le code du travail ou la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Peut-être l'acte III de la décentralisation peut-il offrir le véhicule législatif indispensable. J'espère que nous pourrons rapidement aboutir à un texte sécurisant, y compris sur le plan du financement. La bourse du travail, qui regroupe l'ensemble des syndicats, est un outil important. Nous suivrons ce dossier avec attention.
Modalités du vote
M. Jean-Patrick Courtois . - L'article R. 60 du code électoral prévoit que dans les communes de plus de 3 500 habitants, les électeurs doivent présenter un titre d'identité pour voter. Les petites communes rurales associées, souvent de moins de 1 000 habitants, se trouvent de facto soumises à cette obligation, qui provoque des incompréhensions et des difficultés. Dans ces communes, tout le monde se connaît et les habitants ne comprennent pas qu'on exige d'eux une pièce d'identité, contrairement à ce qui se passe dans les communes voisines à faible population. Ne serait-il pas envisageable de reconnaître chaque commune associée comme une entité unique ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation . - M. Valls s'excuse de ne pouvoir être présent. Les dispositions de l'article R. 60 du code électoral sont faites pour garantir la sincérité du vote. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, seule la carte électorale est demandée. Mais dans le cas des communes fusionnées de 3 500 habitants ou plus regroupant des sections électorales de moindre importance, la présentation d'un titre d'identité est obligatoire. Vous souhaitez une dérogation. Elle créerait des incompréhensions entre électeurs d'une même commune, certains étant tenus de produire une pièce d'identité et d'autres non. La validité des votes pourrait en outre être affectée par un moindre contrôle ; si le conseiller municipal président du bureau de vote n'était pas issu de la section électorale, il pourrait ne pas connaître ses électeurs.
M. Jean-Patrick Courtois. - Je partage l'analyse mais pas la conclusion. Une telle disposition est un frein à l'intercommunalité. Le risque que vous évoquez est proche de zéro. Dans une commune associée à Mâcon, nous avons conservé une commission consultative qui s'apparente à l'ex-conseil municipal ; ses membres tiennent le bureau de vote. Je ne manquerai pas de déposer un amendement au projet de loi de décentralisation à venir.
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
Demandeurs d'asile
M. Yves Chastan . - J'attire l'attention du ministre de l'intérieur sur l'accueil des demandeurs d'asile à Privas, préfecture de l'Ardèche, qui s'effectue dans des hébergements d'attente, notamment des hôtels, dans des conditions très difficiles. Depuis que l'association Espoir s'est vu retirer ses missions par l'État, les associations locales sont fortement mises à contribution, car les familles se retrouvent dans des locaux où elles ne peuvent pas cuisiner, situés dans des zones commerciales périphériques non desservies par les transports en commun. Les délais d'obtention de l'allocation temporaire d'attente sont, de surcroît, très longs. Les structures locales sont ainsi de plus en plus sollicitées et ne pourront poursuivre durablement leurs actions d'accompagnement.
L'arrêt Cimade et Gisti du 27 septembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne a posé des conditions minimales d'accueil qui ne paraissent pas, en l'espèce, respectées. La charge financière de cette obligation pèse, aux termes de cet arrêt, sur l'État.
Comment assurer une meilleure prise en charge de ces personnes et familles, notamment en Ardèche et à Privas ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation . - En 2012, la demande d'asile a augmenté de 35 % en Rhône-Alpes ; en 2013, de 60 %, quand elle baisse de plus de 20 % en Ardèche.
Les prestations d'accueil sont inscrites dans un cahier des charges qui fait l'objet d'une convention avec les associations concernées. L'association Espoir ne gère pas de Centre d'accueil de demandeurs d'asile (Cada), mais, pour le compte de la préfecture, un service d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile, à un coût jugé très élevé en 2012 au regard de ce que proposaient d'autres opérateurs. Aucun projet de l'association Espoir n'a été déposé dans le cadre de l'ouverture de 2 000 places de Cada en juillet 2013, à l'inverse de trois associations locales. Les demandeurs d'asile en Ardèche bénéficient, aux yeux du ministère de l'intérieur, d'une prise en charge satisfaisante.
À la suite de l'arrêt que vous avez cité, une instruction a été donnée à Pôle emploi, aux préfets et à l'Ofpra, afin que l'allocation temporaire d'attente (ATA) soit versée aux demandeurs d'asile.
M. Yves Chastan. - Votre réponse contient des éléments rassurants. Le principal souci, ce sont les conditions d'accueil actuelles. Nous avons beaucoup de demandeurs venant d'autres départements. L'impact sur les associations locales est fort. Il est nécessaire que les Cada soient renforcées et que des places supplémentaires soient envisagées.
Gens du voyage dans le bois de Vincennes
M. Christian Cambon . - Le Conseil de Paris a décidé d'implanter une aire d'accueil des gens du voyage à l'extrémité Est du bois de Vincennes. Sans mettre en question la nécessité républicaine d'organiser l'accueil des gens du voyage, nous considérons que les conditions légales de cette implantation ne sont pas réunies. Le site choisi se trouve à plus de cinq kilomètres de la première école, dans le XIIe arrondissement de Paris ; comme les transports en commun sont inexistants, les enfants devront y être amenés en navette, à travers les très nombreux embouteillages, tous les matins, et ramenés tous les soirs. Il n'existe pas non plus de centre de soins à proximité.
L'ensemble des communes riveraines du bois de Vincennes sont mobilisées. Nous avions signé une charte de protection du bois de Vincennes avec la Ville de Paris, qui possède des centaines d'hectares disponibles ailleurs sur son propre territoire. Le bois de Vincennes, comme le bois de Boulogne, doivent être intégralement réservés aux loisirs de plein air. Nous avons déjà la foire du Trône, des constructions irrégulières... Une pétition a déjà recueilli plus de 10 000 signatures. Le Conseil de Paris devrait revoir sa décision, à l'encontre de laquelle nous formons un recours devant le tribunal administratif.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation . - La loi du 5 juillet 2000 fixe les dispositions applicables au stationnement des gens du voyage dans des conditions décentes. Il appartient aux collectivités locales de réaliser des aires d'accueil. La délibération du Conseil de Paris que vous citez s'inscrit dans ce cadre. Elle a été contrôlée par la préfecture, sans qu'aucune observation relative à sa légalité n'ait été formulée. La question que vous soulevez est d'opportunité et non de légalité.
Le bois de Vincennes appartient à la Ville de Paris, qui consent un effort d'investissement de 4,8 millions pour réaliser cette aire d'accueil, qui bénéficiera d'un accès aux services publics et dont les enfants seront accueillis dans les écoles parisiennes avoisinantes. Les communes riveraines ne sont pas concernées.
M. Christian Cambon. - Je suis désolé de ces inexactitudes : la commission nationale de protection des sites et de l'environnement s'est prononcée contre, à l'unanimité. Son avis compte-t-il pour rien ? Venez voir sur place : il n'y a aucun transport en commun. Il faudra un système de navettes au milieu des embouteillages. Comment expliquer qu'on envoie les enfants dans des écoles situées à plus de cinq kilomètres ? C'est une action sociale à peu de frais pour se donner bonne conscience. La mairie de Paris ne s'en sortira pas ainsi ! Nous continuerons à mobiliser massivement l'opinion. Que Paris prenne exemple sur Londres, sur New York et rende les espaces verts aux Parisiens !
Congés de reconversion pour les agents territoriaux
Mme Catherine Deroche . - Certains agents, reconnus inaptes à leurs fonctions, sont placés à la retraite ou en longue maladie faute de pouvoir être reclassés. Dans cette position, ils n'ont pas accès aux actions de formation. Ne peut-on créer une position statutaire nouvelle, de type congé de reconversion, pour favoriser leur reclassement ? Dans quels délais pourrait-on la mettre en oeuvre ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Votre question est très intéressante. Les modalités de reclassement des fonctionnaires devenus inaptes sont insuffisamment adaptées pour leur permettre une seconde carrière. Votre intention est louable. Le reclassement des fonctionnaires territoriaux est régi par la loi de 1984 et un décret de 1985. Un arrêt du Conseil d'État du 2 octobre 2002 impose aux autorités territoriales une obligation de moyens pour reclasser le fonctionnaire concerné. Une formation peut être nécessaire mais les textes ne la prévoient pas.
Le sujet fait partie de négociations que je mène sur l'amélioration des conditions de vie au travail, au même titre que la prévention des risques professionnels, y compris les risques psychosociaux. Cette négociation est organisée en groupes thématiques, notamment sur le passage d'une collectivité locale à une autre ou d'une collectivité locale à l'État. Je m'engage à ce que ces négociations apportent une réponse à votre question.
Mme Catherine Deroche. - En effet, les petites collectivités sont confrontées à de vrais problèmes. Ce chantier est très attendu.
Agents de catégorie B
M. Rachel Mazuir . - Un agent de la fonction publique peut être recruté s'il a réussi un concours et est inscrit sur une liste d'aptitude, par voie de promotion interne ou d'avancement de grade. Par dérogation, une collectivité peut, depuis la loi de 2012, recruter un agent non titulaire pour un an, renouvelable une seule fois.
Aujourd'hui, 40 agents de catégorie B sont contractuels dans le département de l'Ain et ne peuvent être renouvelés. Le département se trouve en situation délicate. Il forme des personnes qui ne pourront rester que deux ans. C'est pénalisant pour les agents, à qui l'on chipote les prêts bancaires, et pour les chefs de service. Les agents de catégorie A peuvent être recrutés en CDI au bout de six ans. Ceux de catégorie C peuvent être titularisés sans concours. Pour résoudre le problème des catégories B, le Sénat avait adopté un amendement qui portait la dérogation de deux à quatre ans, mais n'a malheureusement pas prospéré au cours de la navette. Le Gouvernement entend-il revenir sur l'article 41 de la loi de mars 2012 ou prévoir une règle particulière ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Plusieurs projets ont été préparés, aucun n'a abouti. On a essayé de donner un peu plus de souplesse aux collectivités territoriales, tout en essayant de limiter les recours. Sous le gouvernement précédent, les organisations syndicales se sont émues des « reçus-collés » si problématiques. Faut-il porter à trois ans la durée d'emploi ? Je dois étudier avec vous le cas de votre département. Je ne peux accorder une dérogation qui ne s'appliquerait pas ailleurs. Je tiens à conforter le statut de la fonction publique territoriale de 1984, soit deux ans après les lois de décentralisation.
Je m'engage à étudier la situation de votre département comme de ceux qui se trouveraient dans la même situation, pas à toucher au statut.
M. Rachel Mazuir. - Merci madame la ministre de vous pencher sur les départements frontaliers, où nous formons des personnes qui vont ensuite travailler à Genève...
Habitat en Guyane
M. Jacques Cornano, en remplacement de M. Georges Patient . - Depuis la disparition de Guyane Habitat, il n'y a plus de guichet unique en Guyane. Si bien que les dossiers de logements évolutifs sociaux sont bloqués. Le Fonds de garantie habitat Guyane existe pourtant, mais n'est pas utilisé, alors que les crédits sont disponibles et que des collecteurs nationaux sont prêts à monter un guichet unique. Beaucoup d'opérations sont, en conséquence, arrêtées. La Guyane est le seul DOM à ne pas disposer de guichet unique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Les besoins de logement, particulièrement très social, sont énormes en Guyane. Dans le cadre du dispositif des logements évolutifs sociaux, l'aide de l'État est importante pour baisser autant qu'il se peut le reste à charge. Il faut accompagner les accédants dans leurs démarches et mobiliser les fonds disponibles, trouver une solution pour les gens qui enchaînent salariat et travail précaire.
Mme Duflot a demandé au préfet que les services concernés fassent jouer toutes les marges de manoeuvre et aient une interprétation facilitatrice des textes. Rien ne s'oppose au projet des collecteurs du 1 % logement de rouvrir un guichet unique en Guyane.
M. Jacques Cornano. - J'aurais aimé que votre réponse fût plus encourageante. En 2012, seuls 32 logements sociaux ont été financés sur la ligne budgétaire unique, alors que les besoins sont estimés à 700 par an. Et ils n'ont pu être financés que sur prêts bancaires ; les collecteurs ne sont plus autorisés à octroyer des prêts complémentaires. Des instructions doivent être données pour rouvrir, dans les plus brefs délais, le dossier du fonds de garantie.
La séance, suspendue à 10 h 25, reprend à 10 h 35.
Desserte régionale et aménagement du territoire
M. Jacques Mézard . - Depuis le 31 mars, les filiales régionales d'Air France ont été fusionnées dans la compagnie Hop, qui doit couvrir 136 destinations intérieures avec une flotte de 98 appareils. Ce regroupement vise, selon Air France, à améliorer la productivité ; la compagnie prévoit une baisse de 64 emplois de personnels navigants.
Le Cantal, vous le savez, est particulièrement enclavé ; les dessertes routières et ferroviaires sont à ce point dégradées que la ligne aérienne Aurillac-Paris est devenue un cordon ombilical indispensable. Or, les retards, annulations et déports de vols deviennent chroniques. Cette ligne d'aménagement du territoire bénéficie de financements publics, y compris venant des collectivités territoriales. Le projet d'Air France va entraîner une dégradation supplémentaire du service - c'est déjà le cas à Rodez. Comment l'État, actionnaire d'Air France et garant de l'égalité des territoires, entend-il réagir ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - L'État est en effet le garant de l'aménagement du territoire. Je vous rassure : la liaison Aurillac-Paris est pour nous prioritaire, et le restera. Objet d'obligation de service public, elle bénéficie de créneaux horaires réservés à Orly, qui ne peuvent être modifiés sans l'accord de l'État. L'intervention financière de l'État ne sera pas non plus remise en cause. La délégation de service public attribuée se poursuit sous Hop. Aucune raison, donc, de craindre une dégradation de la desserte d'Aurillac. Les clauses de la convention sont claires. Mes services seront là pour vous épauler en cas de dégradation.
M. Jacques Mézard. - Merci de ces propos rassurants. Les créneaux horaires réservés seront maintenus, fort bien. Il conviendra d'y veiller. L'intervention de l'État restera de même niveau ; j'en prends acte. Dans nos régions à faible potentiel fiscal, elle est indispensable. Je ne manquerai pas de vous alerter si la dégradation de la situation se confirme.
Protéines animales dans l'alimentation des poissons
M. Robert Tropeano . - La Commission européenne vient d'autoriser à nouveau l'usage de protéines animales transformées dans l'alimentation des poissons d'élevage et autres animaux de l'aquaculture. Les consommateurs, qui se souviennent de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, sont inquiets. L'interdiction d'alors ne fait-elle pas loi pour l'avenir ? Pouvez-vous nous garantir, monsieur le ministre, que les conditions de sécurité sont réunies ? Comment rassurer les consommateurs ? Mme Batho a évoqué la création d'un label « sans farines animales », qu'en pensez-vous ? Ou pour le moins d'un étiquetage spécifique « nourri avec... » ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Les protéines animales transformées (PAT) de porc et de volaille sont en effet autorisées à partir du 1er juin 2013. Cette décision, à laquelle la France s'est opposée, a suscité l'émotion. Notre position, cependant, n'était par d'ordre sanitaire, mais visait à promouvoir la qualité.
Les farines animales ne sont pas des PAT, lesquelles sont issues, non de cadavres, mais d'animaux sains, propres à la consommation humaine. Il n'y a donc pas de risques pour le consommateur ou l'environnement. Et il n'y a pas d'altération biologique : les poissons, pour plus de 80 %, sont carnivores. Les nourrir de protéines animales n'est donc pas contre nature.
L'aquaculture française est de grande qualité ; elle produit 50 000 tonnes par an et est engagée par une charte qualité dénommée « aquaculture de nos régions » couvrant 80 % de la production. Cet étiquetage indiquera que les poissons sont nourris sans ces produits, avec des matières premières végétales ou des farines de poisson. L'origine française est donc une garantie absolue de qualité et de sécurité.
Les pouvoirs publics sont déterminés à s'engager pour la qualité. Les professionnels de l'aquaculture travaillent dans un esprit de responsabilité.
M. Robert Tropeano. - Merci de votre réponse, mais cette autorisation est un fâcheux pas en arrière, qui ouvre la voie à toutes les aberrations. La Commission européenne envisage d'ailleurs d'ouvrir les PAT à l'alimentation des porcs et des volailles. Va-t-on ainsi pousser à un cannibalisme animal ?
LGV Montpellier-Perpignan
M. Roland Courteau . - Mon collègue Marcel Rainaud se joint à moi pour regretter que le schéma national des infrastructures de transport (Snit) ait souscrit des engagements de 245 milliards d'euros sans que le précédent gouvernement se soit interrogé sur les modalités de financement des infrastructures à venir. La ligne ferroviaire à grande vitesse Montpellier-Perpignan comporte des enjeux qui dépassent le seul plan local. La région est un carrefour à la croisée des lignes vers l'Europe du sud, l'Espagne et l'Italie, mais aussi l'Europe du nord. Ce projet répond aux objectifs de report modal du Grenelle. C'est aussi un enjeu économique majeur pour l'Eurorégion, qui nous reliera à la Catalogne.
Une commission est chargée d'expertiser les projets du Snit. Cela nous inquiète. Verra-t-on ce projet encore une fois reporté ? La mission Querrien, en 1990, nous promettait déjà ce projet à dix ans !
Vous m'avez indiqué vouloir dissiper mes craintes, en précisant que le fuseau de passage était déjà défini pour ce maillon stratégique de nos transports, ajoutant que les engagements seraient honorés. Pouvez-vous, face à la montée des inquiétudes, confirmer vos propos de juillet 2012 ? Tous les élus de la région sont mobilisés et attendent votre réponse, monsieur le ministre.
M. Marcel Rainaud et M. Robert Tropeano. - Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Merci de me donner l'occasion de vous assurer que mes engagements ne varient pas. Je compte sur le débat qui va s'installer avec les élus locaux pour donner un sens à notre politique d'infrastructure. Nous avons hérité d'un Snit au financement pour le moins problématique. Il faut donc définir des priorités. J'ai mesuré la mobilisation des élus. La commission mobilité 21 travaille ; je n'entends pas intervenir dans ses conclusions, qui consisteront en recommandations.
Le maillon Montpellier-Perpignan est stratégique. Mais des questions restent en suspens : quelles sections accueilleront du fret ? Quelle desserte pour quelles agglomérations ? Narbonne, Béziers, Perpignan sont des options. J'ai demandé au préfet de région d'ouvrir une consultation élargie.
L'Union européenne redéploie des crédits non consommés en 2007-2013. Compte tenu de l'intérêt de ce projet de loi, je lui ai demandé de participer aux études de ligne. C'est un projet de 6 milliards d'euros. L'enjeu n'est pas que régional, il est aussi national et européen. Une fois reçues les conclusions de la commission, je rencontrerai les parlementaires et les élus pour opérer des choix partagés.
M. Roland Courteau. - Notre détermination reste entière, vous l'avez compris. Quelque chose me dit que nous pouvons vous faire confiance pour prendre les bonnes décisions.
École vétérinaire d'Alfort
Mme Catherine Procaccia . - L'école vétérinaire de Maisons-Alfort vient de perdre son agrément européen. Elle est pourtant, depuis le XVIIIe siècle, l'une des écoles vétérinaires les plus prestigieuses d'Europe. Trente-cinq mille actes vétérinaires y sont assurés chaque année, dans une structure moderne inaugurée en 2009. Ses trois cliniques spécialisées en font un centre de référence.
Mais les coûts d'entretien des bâtiments historiques sont lourds, si bien que le directeur a dû retarder la visite de contrôle de l'Association européenne, ce qui a entraîné la perte de l'agrément européen de l'école. C'est un mauvais coup pour les étudiants et le diplôme, qui jouissait d'une vraie réputation en Europe. On risque d'affaiblir notre rayonnement universitaire, au profit de l'Allemagne et du Royaume-Uni.
Le Gouvernement entend-il remédier à cette situation ? Une double tutelle avec le ministre de la recherche n'aiderait-elle pas à la réalisation des travaux ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - M. Le Foll est à l'Assemblée nationale pour évoquer le même sujet.
Mme Catherine Procaccia. - J'ai écouté sa réponse.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Je serai fidèle à celle qu'il m'a demandé de vous transmettre.
L'école d'Alfort est un élément clé de notre dispositif de formation, essentiel dans la sécurité alimentaire. Rétablir sa santé financière est une priorité. Les efforts à consentir ne se feront pas au détriment de la qualité de la formation : c'est l'établissement qui a bénéficié le plus de crédits d'investissements ces dernières années : 22 millions d'euros entre 2008 et 2012 et 800 000 euros supplémentaires pour la mise en sécurité - et pas pour des dépenses de prestige.
Le nouveau directeur a engagé un plan de redressement qui porte ses fruits : réduction de moitié du déficit. La visite de l'association européenne a été suspendue, mais ce report n'aura pas d'effet sur la reconnaissance européenne du diplôme de l'école.
Une cotutelle ne serait pas une solution pour résoudre les difficultés financières, mais les deux ministères coopèrent dans le cadre du Pôle régional d'enseignement supérieur (Pres) Paris-Est dont fait partie l'école. L'installation de l'Anses sur le site sera également positive. Une mission va être diligentée sur la valorisation du patrimoine au profit du logement étudiant.
Mme Catherine Procaccia. - Je vous remercie de ces informations. M. Le Foll a accepté une table ronde et vous m'annoncez une mission. Le vrai problème ne tient pas à des rénovations de prestige, mais de sécurité. L'un des bâtiments n'a pas été rénové depuis 135 ans ! Je me réjouis de l'attention que porte le Gouvernement à l'école. Peut-être d'autres ministères pourraient-ils être associés à la rénovation de ces bâtiments historiques.
Loyers des maisons de retraite
M. Dominique Bailly . - Début février, le cabinet KPMG a publié son observatoire annuel des Ehpad, portant sur 323 établissements. Le coût mensuel d'une place est de 1 857 euros en moyenne, mais selon la situation géographique, les variations sont importantes : plus 26 % en Île-de-France. Un rapport de l'Igas a évalué à 2 200 euros mensuels en moyenne le coût d'une place. Or la pension de retraite moyenne d'une femme est de 1 100 euros. C'est un vrai problème, et qui ira s'accentuant alors que 12 millions de Français auront plus de 75 ans et un tiers plus de 60 ans en 2035.
Encadrement des loyers, plafonnement des prestations annexes ont été évoqués. Qu'entend faire le Gouvernement ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - La réforme de la dépendance est très attendue. Nicolas Sarkozy en était pleinement conscient qui déclarait, en février 2011, qu'attendre encore serait « une faute morale ». François Hollande n'attendra pas. Il a donné, le 25 juillet, à Lille, le top départ de la réforme, nous donnant mission, en outre, de rendre les maisons de retraite accessibles à tous les Français, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Nous envisageons toutes les pistes, dont l'encadrement des loyers sur le modèle de la loi Duflot. La transparence des tarifs, pour une vraie concurrence, est aussi indispensable. L'aide à la construction doit permettre la réhabilitation des établissements vétustes. Il faudra aussi réduire le reste à charge, et favoriser les solutions intermédiaires de logements adaptés dans la cité.
La réforme a un coût. Différentes pistes sont à l'étude. Des arbitrages seront pris d'ici à la fin de l'année, et l'effort sera réparti sur le quinquennat. Le contexte est difficile. Il faut trouver des recettes supplémentaires de solidarité, et expliquer clairement les choses aux Français, comme nous l'avons fait pour la Casa, dont les plus modestes sont exemptés. Nous avons une responsabilité envers tous les Français.
M. Dominique Bailly. - La réforme est en effet attendue. Des pistes sont ouvertes, je suis heureux de votre réponse.
Pharmacies en milieu rural
M. Didier Guillaume . - Les règles d'implantation des pharmacies ont été modifiées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Un transfert est possible pour les communes de 2 500 habitants au moins, ainsi que pour les tranches supplémentaires de plus de 4 500 habitants. Mais pour les communes de moins de 2 500 habitants, une licence ne peut être attribuée que si une pharmacie y existait par le passé. La Fédération des syndicats pharmaceutiques s'est insurgée contre cette mesure prise sans son avis.
On risque ainsi de remettre en cause le dynamisme de nos communes, et de miter le réseau de la présence pharmaceutique. Il faudrait au moins prendre en compte les PLU et les projets d'aménagement. Nombre de maires sont préoccupés.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Je vous prie d'excuser Mme Touraine, qui est à l'Assemblée nationale.
L'officine de pharmacie joue un rôle essentiel dans l'accès aux soins. Des missions nouvelles de conseil vont d'ailleurs leur être attribuées, qui seront rémunérées.
Les règles d'implantation sont strictes, car la densité des officines pharmaceutiques est, en France, l'une des plus fortes d'Europe. Vous avez rappelé les règles en vigueur. Le critère des quotas de population reste le plus objectif, il a permis un maillage homogène du territoire. Il n'y a pas de déserts officinaux comme il y a des déserts médicaux.
Le pacte territoires-santé présente douze engagements, articulés autour de trois axes : faciliter la formation et l'installation des jeunes médecins, généraliser le travail en équipe, développer la télémédecine, accélérer le transfert des compétences ; s'attacher, enfin, aux territoires isolés. C'est une stratégie globale, où chaque mesure consolide les autres.
M. Didier Guillaume. - Je partage cette observation. Le pacte territoires-santé est bien fait pour lutter contre les déserts médicaux.
Reste que nous voulons défendre la ruralité, qui est dynamique dans notre pays. Quand on met en place des Ehpad, des maisons de santé, il devrait donc être prévu des dérogations à la loi sur l'implantation des officines.
Boîtiers électriques sous les trottoirs parisiens
M. Pierre Laurent . - Le sénateur de Paris que je suis veut attirer votre attention sur les boîtiers installés dans les années 1950 à Paris, et qui manquent d'entretien. Les incidents se multiplient.
Le Conseil de Paris, au vu de la gravité de la situation, a exprimé à plusieurs reprises sa volonté, auprès d'ERDF, de voir résolu ce problème. ERDF s'est engagée à faire disparaître ces boîtiers triphasés au plus tard fin 2011. Nous n'en sommes pas là, loin s'en faut. L'État est le principal actionnaire d'EDF dont ERDF est une filiale à 100 %. Loin de moi l'idée de vouloir, comme tant d'autres, déstabiliser cette entreprise publique mais le fait est qu'il existe des solutions simples en attendant la disparition programmée de ces boîtiers, comme l'injection de matière isolante que proposent les représentants du personnel. Pouvez-vous indiquer, madame la ministre, ce qui sera entrepris pour dresser un état des lieux de ces boîtes réseau, avant de les supprimer, en suivant les recommandations des syndicalistes, qu'il convient d'écouter plutôt que de les mettre en examen ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Veuillez excuser Mme Batho qui est à Dublin pour un conseil européen informel.
Première ville de France à avoir été électrifiée, Paris hérite de réseaux anciens, qu'ERDF travaille à améliorer, en étroite collaboration avec la ville, propriétaire et autorité organisatrice, responsable du contrôle du réseau.
Les contrôles ont été améliorés pour renforcer la sécurité des personnes. Le Conseil de Paris s'est investi dans la suppression des équipements anciens, boîtes à réseaux diphasées, objectif atteint en 2011. Il reste 1 244 boîtes de branchement sur les trottoirs, dont l'une est à l'origine de l'accident du 27 janvier dernier. Leur suppression est prioritaire, de même que l'implantation en façade des immeubles de coffrets électriques de substitution.
Quant à la mise en examen de huit délégués syndicaux, le Gouvernement ne peut se prononcer sur une affaire qui regarde la justice et qui n'a d'ailleurs aucun lien avec la question que vous posez.
M. Pierre Laurent. - Merci pour votre réponse partielle. Des problèmes demeurent. Il faut accélérer le remplacement du matériel existant. Le 22 février, une boîte de réseau triphasée a explosé. Vous avez cité un chiffre. Il existe une solution technique pour inhiber le risque d'explosion, qui peut être utilisé en attendant le remplacement de ces boîtes, lequel doit être pris en considération sérieusement.
Concessions hydroélectriques
M. Georges Labazée . - Il y a quatre ans que le Gouvernement a décidé une mise en concurrence pour le renouvellement de ses concessions d'usines hydroélectriques à la demande de la Commission européenne, chose dont on peut d'ailleurs s'étonner sachant que plusieurs de nos voisins interdisent l'accès d'opérateurs étrangers à la gestion de leur réseau hydroélectrique. Reste que cette décision n'est toujours pas entrée en vigueur. Le site d'Ossan dans les Pyrénées atlantiques attend votre décision car il est le premier sur la liste dressée en janvier 2010. La régulation inscrite dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), les Sage, doit être réalisée. Quand sera enfin lancé le renouvellement des concessions ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - L'hydroélectricité et l'énergie décentralisée représentent des milliers d'emplois non délocalisables, 12 % de la production totale et 80 % de la production d'électricité renouvelable. L'énergie hydraulique constitue un maillon essentiel de la transition énergétique. Les deux tiers des installations sont gérées par EDF ; toutes celles de plus de 4,5 mégawatts, soit 93 % de la production hydroélectrique française, relèvent du régime de la concession depuis la loi de 1919 qui fait de l'énergie contenue dans les chutes d'eau un bien national dont l'État se réserve l'usage. La loi prévoit également que la durée d'une concession ne peut excéder 75 ans, or 37 ouvrages arrivent à échéance d'ici 2015. Ces concessions doivent donc être renouvelées.
Delphine Batho a souhaité réexaminer les scénarios pour ne pas brader ce patrimoine national. Une mission a été diligentée sur la mise en concurrence. Un point d'étape a été fait le 3 avril dernier en vue d'une publication dans un délai d'un mois. La question de la réciprocité de la mise en concurrence, celles de la place des collectivités territoriales, des usages de l'eau, ont été laissées en jachère par le précédent gouvernement. Le nôtre tiendra compte de l'expertise parlementaire avant de décider.
Je sais combien ces décisions sont attendues. Le Gouvernement se prononcera dans le cadre du débat national sur la transition énergétique qui doit s'achever en juin prochain.
M. Georges Labazée. - Transmettez à votre collègue les inquiétudes du personnel, les préoccupations des élus du territoire. Les sommes en jeu sont énormes. Tout le monde est d'accord pour ne pas brader notre patrimoine. Des réformes s'imposent avant la fin de l'année.
Logements anciens
M. Raymond Couderc . - Depuis longtemps, on manque d'attention pour le logement ancien, en centrant la politique du logement sur la construction de logements neufs.
La loi autorise le primo-accédant dans l'ancien à bénéficier du prêt à taux zéro (PTZ+), mais les conditions sont draconiennes. En cas d'achat d'un bien dégradé, il ne peut obtenir les aides de l'Agence nationale pour l'habitat (Anah) avant cinq ans ! Voilà qui n'est guère incitatif... Il faudrait élargir le programme « Habiter mieux » aux ménages qui ont 25 000 euros de revenu imposable. Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour valoriser l'accession à la propriété dans le logement ancien ?
M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement . - Veuillez excuser Cécile Duflot, retenue à l'Assemblée nationale. Le président de la République a annoncé le 21 mars un plan ambitieux de vingt mesures en faveur de la construction et de la rénovation énergétique des logements, qui s'ajoute aux mesures sur l'investissement collectif.
Le recentrage sur le neuf a été maintenu par ce gouvernement pour concentrer les aides là où elles sont les plus efficaces. Pour encourager l'amélioration énergétique des logements anciens, il est possible de cumuler un PTZ+ avec un écoprêt énergétique.
Les ménages de classe moyenne auront une prime de quelque 1 300 euros qui s'ajoutera aux aides existantes dans l'ancien.
M. Raymond Couderc. - J'insiste : on peut avoir les meilleures intentions sur le papier, mais, dans la réalité, les conditions sont si restrictives que l'effet sur le terrain est nul. Il y a un décalage.
Taxe sur les locaux commerciaux en Île-de-France
Mme Sophie Primas . - La refonte en 2010 de la taxe sur les bureaux avait pour objet de financer le Grand Paris. Elle a augmenté de 180 % dans les Yvelines, de 176 % dans le Val d'Oise, mais de 41 % seulement en Seine-Saint-Denis et 58 % à Paris.
Le zonage est en cause. Le marché de l'immobilier d'entreprise yvelinois est tendu, alors que le chômage appelle des mesures fortes pour favoriser le développement économique.
Le préfet de région a mis en place un groupe de travail sur le zonage, dont le rapport a été rendu en juillet 2012. Pourquoi maintenir cette taxe à un tel niveau, alors que le Gouvernement semble se démobiliser du Grand Paris ? Quelles suites entend-il donner aux conclusions du Gouvernement ?
M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement . - Il y a des différences entre les départements. La taxe que vous visez est une taxe fiscale destinée à financer des infrastructures et non pas une redevance pour service rendu. Elle ne saurait donc être proportionnelle au service rendu.
Les pistes dégagées par le Gouvernement, que vous avez évoquées, seront examinées en concertation avec les collectivités territoriales. Les engagements du Premier ministre sur le Grand Paris, affirmés le 6 mars dernier, devraient vous rassurer.
Mme Sophie Primas. - De nombreuses entreprises ont des difficultés aujourd'hui, qui sont aggravées par le taux élevé de cette taxe, qui la rend équivalente à la taxe foncière.
Privatisation des greffes outre-mer
M. Serge Larcher . - Les créateurs de TPE et des PME outre-mer attendent jusqu'à neuf mois leur immatriculation. Et les extraits de Kbis des entreprises existantes ne sont plus mis à jour. La loi du 20 novembre 2012 autorise les chambres de commerce outre-mer à tenir un registre au cas où le fonctionnement du greffe serait défaillant, elle n'abroge pas, cependant, la privatisation des greffes décidée par le gouvernement précédent. Nous en connaissons pourtant les risques pour de petits territoires comme les nôtres, où la concentration d'informations très sensibles entre les mains d'un greffier unique pourrait conduire à des situations que personne ne souhaite. Votre gouvernement envisage-t-il de mettre fin formellement à la privatisation des greffes ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous aviez adressé votre question à la ministre de l'artisanat, vous n'aviez pas tout à fait tort...
La position du Gouvernement est claire : nous avons la chance d'avoir outre-mer des tribunaux mixtes de commerce ; sur des territoires où les gens se connaissent, la question de la confidentialité des informations du registre du commerce se pose. Ce sujet est porté principalement par le ministre de l'outre-mer et ma collègue Mme Pinel. Je veille, quant à moi, au bon fonctionnement des tribunaux, dont j'ai tenu à renforcer les effectifs des greffes. Dès novembre, huit vacataires ont été envoyés pour une durée de six mois ; quatorze emplois sont créés dès 2013.
Mon cabinet a reçu, à ma demande, le 29 mars, des parlementaires de nos outre-mer. J'ai veillé à ce que les représentants des Chambres de commerce et d'industrie locales soient également reçus, le 12 avril, à la Chancellerie. Nous allons travailler ensemble pour mettre en place les conventions nécessaires. Je veillerai scrupuleusement à ce que les parlementaires soient informés de l'évolution du dossier. Je vous conseille amicalement à continuer à exercer les pressions nécessaires sur mon collègue en charge des outre-mer...
M. Serge Larcher. - C'est toujours un plaisir de vous entendre, madame la garde des sceaux... Il s'agit d'apporter des solutions spécifiques à des problèmes spécifiques aux outre-mer. Je constate avec satisfaction que vous l'avez compris.
SDIS
M. Bruno Sido . - Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur. Elle concerne la coopération entre les conseils généraux et les Sdis. Secrétaire général de l'ADF et président du conseil général de Haute-Marne, je mesure les opportunités de mutualisation. Dans la situation financière difficile du pays, il s'agit de faire mieux avec autant de moyens.
En Haute-Marne, le conseil général met à disposition, dans le respect de l'autonomie des Sdis, plusieurs agents. Mais cette dynamique de mise en commun atteint ses limites. Nous souhaitons aller plus loin, en créant des services unifiés, comme le permet l'article 68 de la loi du 16 décembre 2010. Mais cette évolution suppose la signature d'un décret en Conseil d'État. Quand sera-t-elle acquise ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Valls. Vous savez ce que sont nos vies, je suis moi-même remplacée à l'Assemblée nationale pour être présente ici... On m'a chargée de vous apporter une réponse savante, pour éclairer la Haute assemblée et les citoyens, qui rappelle ce que sont les dispositifs législatifs et réglementaires existants qui permettent déjà des mutualisations. Il y a l'article L.1311-2 du CGCT, le dispositif de la loi de finances rectificative de 2005 qui a été prolongé jusqu'en 2013, la loi du 26 octobre 2009 qui permet aux départements d'effectuer, à la demande des Sdis, l'entretien de leurs moyens matériels, ou encore l'article L.511-1-1 du CGCT qui a ouvert de nouvelles possibilités. Les conventions conclues concerneront soit la mise à disposition soit le regroupement de services et/ou d'équipements.
D'autres dispositions législatives s'appliquent, mais j'ai bien entendu vos préoccupations sur le décret qui doit être pris en Conseil d'État. Je veillerai dès aujourd'hui, avec M. Valls, à ce que vous obteniez une réponse par écrit.
M. Bruno Sido. - Merci pour votre réponse. Je sais que vous êtes très scrupuleuse et suis heureux que vous m'ayez répondu. Nous avons évoqué le sujet avec le président de la République, il nous a dit que la loi était la loi, et que même l'État devait la respecter... Le décret que nous attendons simplifierait tout.
Véhicules conduits par les agents territoriaux
M. Dominique de Legge . - L'article L.221-2 du code de la route dispose que les « employés municipaux » détenteurs du seul permis B sont autorisés à conduire un tracteur de plus de 3,5 tonnes. Ma question ayant été envoyée successivement à plusieurs ministres, je ne doute pas, madame la garde des sceaux, que vous saurez réaliser la synthèse pour m'apporter enfin une réponse aujourd'hui, tant de multiples interrogations demeurent. À quoi correspondent les 3,5 tonnes ? S'agit-il du poids total autorisé en charge (PTAC) ? S'entend-il remorque comprise, quel que soit le poids de celle-ci ? Qu'entend-on par « employés municipaux », sachant que l'expression a été remplacée par « agents de la fonction publique territoriale ? Les agents des EPCI ou Sivom sont-ils concernés ? Des doutes subsistent à la lumière des différentes réponses des ministères concernés.
À l'heure où le président de la République parle de « choc de simplification », je souhaite une réponse claire à ces questions : quels sont les véhicules, avec ou sans remorque, que les agents territoriaux peuvent conduire et quelles sont les structures et agents concernés ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - J'essaierai d'être à la hauteur... L'article 87 de la loi du 22 mars 2012 autorise les employés municipaux et les affouagistes - j'ai toujours plaisir à venir devant le Sénat, chambre des collectivités, qui exige à juste titre que la loi soit précise et efficace pour être applicable, et qui me permet aujourd'hui de découvrir ce terme d'affouagistes... - à conduire un tracteur agricole ou appareil ou véhicule de ce type d'un PTAC de plus de 3 500 kilos.
Cette disposition ne doit pas être restrictive. Les agents des EPCI et des Sivom en bénéficient.
M. Bruno Sido. - Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Le nouveau permis C1 du groupe lourd permettra aux autres agents de conduire des véhicules de 3 500 à 7 500 kilos.
M. Dominique de Legge. - J'y vois un peu plus clair, mais je reprendrai votre verbatim pour m'en assurer complètement. Il faut que le permis C1 entre rapidement en vigueur, il règlerait beaucoup de difficultés en termes pratiques comme de responsabilité des employeurs. Sur ce dernier point, cependant, il reste quelques zones d'ombre...
La séance est suspendue à 12 h 20.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 14 h 30.